CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NILS WAHL
présentées le 30 novembre 2017 ( 1 )
Affaire C‑510/16
Carrefour Hypermarchés SAS,
Fnac Paris,
Fnac Direct,
Relais Fnac,
Codirep,
Fnac Périphérie
contre
Ministre des Finances et des Comptes publics
[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]
« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Règlement (CE) no 659/1999 – Article 1er, sous c) – Notion d’“aide nouvelle” – Règlement (CE) no 794/2004 – Article 4 – Régimes d’aides notifiés déclarés compatibles avec le marché intérieur – Régime d’aides pour les secteurs cinématographiques et audiovisuels – Augmentation significative du produit d’une taxe parafiscale finançant un régime d’aides par rapport aux estimations notifiées à la Commission – Notion d’“augmentation
du budget d’un régime d’aides autorisé dépassant 20 %” – Rapport avec l’obligation de notification préalable »
1. Une augmentation substantielle des recettes fiscales d’une taxe finançant un régime d’aides autorisé par rapport aux estimations initialement fournies à la Commission européenne dans le contexte d’une notification en vertu des règles en matière d’aides d’État fait-elle naître une « aide nouvelle » au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ? Telle est, en substance, la teneur des questions préjudicielles actuellement soumises à la Cour.
2. L’enjeu porte en résumé sur l’interprétation correcte de la notion de « modification d’une aide existante ». L’examen de cette notion pourrait amener la Cour à se pencher de manière plus générale sur le rapport entre, d’une part, l’article 108, paragraphe 3, TFUE ainsi que l’article 1er, sous c), du règlement (CE) no 659/1999 ( 2 ) et, d’autre part, l’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 ( 3 ).
3. La Cour devra cependant au préalable rappeler les conditions en vertu desquelles les taxes relèvent du champ d’application des dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives aux aides d’État. Il appartiendra alors à la juridiction de renvoi de déterminer si ces conditions sont réunies.
I. Le cadre juridique
A. Le règlement no 659/1999
4. L’article 1er du règlement no 659/1999, intitulé « Définitions », prévoit :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) “aide” : toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [107, paragraphe 1, TFUE] ;
b) “aide existante” :
[…]
ii) toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;
[…]
c) “aide nouvelle” : toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».
B. Le règlement no 794/2004
5. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, intitulé « Objet et champ d’application », « [l]e présent règlement définit les modalités applicables à la forme, à la teneur et à d’autres aspects des notifications et des rapports annuels visés par le règlement (CE) no 659/1999. Il contient également des dispositions concernant le calcul des délais applicables dans toutes les procédures en matière d’aides d’État et le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides
illégales ».
6. En vertu de l’article 4 du règlement no 794/2004, intitulé « Procédure de notification simplifiée pour certaines modifications d’aides existantes » :
« 1. Aux fins de l’article 1er, [sous] c), du règlement (CE) no 659/1999, on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.
2. Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :
a) augmentations de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;
[…] »
II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
7. La présente demande de décision préjudicielle trouve son origine dans un recours introduit par Carrefour Hypermarchés SAS (ci-après « Carrefour »), ainsi que par Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep, Fnac Paris et Fnac Périphérie et visant à obtenir le remboursement d’une taxe sur la vente et la location de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public (ci-après la « taxe en cause ») versée par Carrefour durant les années 2008 et 2009 et par les autres requérants au principal durant les années
2009, 2010 et 2011.
8. La taxe en cause, avec une taxe sur les billets de cinéma et celle sur les services de télévision (ci-après les « trois taxes »), finance un régime d’aides d’État pour les secteurs cinématographiques et audiovisuels (ci-après le « régime d’aides en cause »). Ce régime est géré par un organisme administratif indépendant, le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (ci‑après le « CNC »).
9. Par décision du 22 mars 2006, la Commission a déclaré que le régime d’aides en cause était compatible avec le marché intérieur ( 4 ). Par la suite, par décision du 10 juillet 2007, la Commission a approuvé une modification de la méthode de financement du régime d’aides en cause, se matérialisant, entre autres, par des règles modifiées sur la taxation des services de télévision ( 5 ). Par décision du 20 décembre 2011, la Commission a approuvé une prolongation du régime d’aides en cause jusqu’au
31 décembre 2017 ( 6 ).
10. En août 2012, la Cour des comptes (France) a rendu un rapport portant sur la gestion et le financement du CNC ( 7 ). Selon ce rapport, le produit des trois taxes a augmenté de près de 60 % entre 2007 et 2011, équivalant à 46,3 % après neutralisation des changements de méthode comptable. La raison principale en aurait été une augmentation importante du produit de la taxe sur les services de télévision, passant de 362 millions d’euros en 2007 à 631 millions d’euros en 2011, en particulier en
conséquence d’une réforme de la base imposable entreprise en mars 2007 et qui a été prise en compte par la Commission dans sa décision du 10 juillet 2007.
11. Initialement, les requérants au principal ont formé devant le Tribunal administratif de Montreuil (France) des recours qui ont été rejetés par jugements des 19 juillet 2012, 20 juin 2013 et 18 juillet 2013. Les pourvois formés contre ces jugements ont à leur tour été rejetés par la Cour administrative d’appel de Versailles par arrêts du 20 décembre 2013 et du 4 mars 2014. Le recours au principal est un pourvoi contre ces derniers arrêts formé devant le Conseil d’État (France).
12. Les requérants au principal soutiennent, entre autres, que la Cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur en ne jugeant pas que l’augmentation du produit de la taxe constitue une augmentation du budget du régime d’aides dépassant 20 % au sens de l’article 4 du règlement no 794/2004. Ils soutiennent par conséquent qu’une nouvelle notification aurait dû intervenir en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
13. En réponse, le ministre des Finances et des Comptes publics (France) défend le point de vue qu’aucune nouvelle notification n’aurait été nécessaire puisqu’il n’y avait aucune modification affectant la substance même du régime initial. Il soutient en outre que les modifications, si tant est qu’il y en ait, doivent être appréciées à l’aune de l’aide effectivement accordée aux bénéficiaires et non de l’augmentation des ressources affectées qui peuvent être mises en réserve par le CNC ou prélevées
par l’État français.
14. Le Conseil d’État, nourrissant des doutes quant à l’interprétation correcte de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et de l’article 4 du règlement no 794/2004, a décidé de surseoir à statuer et de déférer les questions préjudicielles suivantes à la Cour :
« 1) Dans le cas d’un régime d’aides financé par des ressources affectées, lorsqu’un État membre a régulièrement notifié préalablement à leur mise à exécution les modifications juridiques ayant une incidence substantielle sur ce régime, et notamment celles concernant son mode de financement, une importante augmentation du produit des ressources fiscales affectées au régime par rapport aux prévisions fournies à la [Commission] constitue‑t‑elle une modification substantielle au sens de
l’[article 108 TFUE], de nature à justifier une nouvelle notification ?
2) Dans ce même cas, comment s’applique l’article 4 du [règlement no 794/2004], en vertu duquel une augmentation de plus de 20 % du budget initial d’un régime d’aides existant constitue une modification de ce régime d’aides, et, en particulier :
a) comment se combine-t-il avec le caractère préalable de l’obligation de notification d’un régime d’aides fixée à l’[article 108, paragraphe 3, TFUE] ;
b) si le dépassement du seuil de 20 % du budget initial d’un régime d’aides existant prévu à l’article 4 du [règlement no 794/2004] justifie une nouvelle notification, ce seuil doit‑il s’apprécier par rapport au montant des recettes affectées au régime d’aides ou par rapport aux dépenses effectivement allouées aux bénéficiaires, à l’exclusion des sommes mises en réserve ou de celles ayant fait l’objet de prélèvements au profit de l’État, et
c) à supposer que le respect de ce seuil de 20 % doive s’apprécier par rapport aux dépenses consacrées au régime d’aides, une telle appréciation doit-elle s’opérer par comparaison du plafond global de dépense figurant dans la décision d’approbation avec le budget global alloué ultérieurement à l’ensemble des aides par l’organisme affectataire ou par comparaison des plafonds notifiés au titre de chacune des catégories d’aides identifiées dans cette décision avec la ligne budgétaire
correspondante de cet organisme ? »
15. Des observations écrites ont été présentées par les requérants au principal, les gouvernements français, grec et italien ainsi que par la Commission. Les requérants au principal, le gouvernement français et la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 21 septembre 2017.
III. Analyse
A. Sur la recevabilité des questions préjudicielles
16. Le gouvernement italien considère que les questions déférées pourraient être hypothétiques et donc irrecevables dans la mesure où, premièrement, la validité des décisions de la Commission du 22 mars 2006, du 10 juillet 2007 et du 20 décembre 2011 (ci-après les « décisions de la Commission ») n’a pas été mise en cause et où, deuxièmement, il n’y a pas de lien d’affectation entre la taxe en cause et les sommes versées en vertu du régime d’aides en cause.
17. Je ne partage pas les préoccupations exprimées par le gouvernement italien.
18. Les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. La Cour ne peut refuser de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, que le problème est de nature hypothétique ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux
questions qui lui sont posées ( 8 ).
19. En ce qui concerne la première préoccupation soulevée par ce gouvernement, le fait qu’aucun recours en annulation n’a été introduit à l’encontre des décisions de la Commission portant sur le régime d’aides en cause ne rend pas cette affaire hypothétique. Même en supposant que, par leur recours, les requérants au principal cherchent à contourner ces décisions, la juridiction de renvoi n’a pas remis en question leur validité. Ces décisions demeurent donc contraignantes ( 9 ).
20. Pour ce qui est de la seconde préoccupation exprimée, bien que la juridiction de renvoi ne semble, certes, pas avoir adopté de position sur la question de savoir si le produit de la taxe en cause est nécessairement destiné au financement du régime d’aide en cause, cela ne saurait être exclu. Il ne me semble donc pas manifeste que les questions déférées soient hypothétiques ( 10 ).
21. La demande de décision préjudicielle est dès lors recevable.
B. Sur la première question
1. Observations liminaires
22. Nonobstant les observations que j’ai formulées au sujet de la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle, il n’en demeure pas moins que les questions déférées par le Conseil d’État peuvent être comprises de différentes manières.
23. Une première lecture de la première question déférée est que celle-ci concerne, du moins implicitement, la question liminaire de savoir si les trois taxes relèvent du champ d’application des règles en matière d’aides d’État (ci-après la « première lecture »). En effet, bien que la teneur de la première question déférée puisse, d’une part, être lue comme confirmant le point de vue que la juridiction de renvoi considère que tel est le cas, la seconde question, sous b), d’un autre côté, remet en
cause cette supposition en faisant la distinction entre les dépenses affectées (c’est-à-dire le produit de la taxe) et les ressources accordées (l’aide versée). En tout état de cause, la première lecture vient immédiatement à l’esprit compte tenu de la nature du litige pendant devant la juridiction de renvoi. À cet égard, les gouvernements français et italien considèrent que les trois taxes ne relèvent pas du champ d’application de ces règles.
24. Une deuxième lecture de la première question déférée pourrait être que la juridiction de renvoi part du principe que les trois taxes ne relèvent pas du champ d’application des règles en matière d’aides d’État, mais souhaite néanmoins savoir si une augmentation significative du produit de la taxe destinée à financer un régime d’aides autorisé par rapport aux estimations fournies dans le cadre de la notification équivaut à une modification de ce régime, ce qui à son tour déclencherait l’obligation
de notification au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, bien que les conditions gouvernant ce régime d’aides demeurent inchangées (ci-après la « deuxième lecture »).
25. Enfin, une troisième lecture de la première question déférée est également possible. Aux termes de cette troisième lecture, la juridiction de renvoi considère que les trois taxes relèvent du champ d’application des règles en matière d’aides d’État. Elle souhaite, sur ce fondement, savoir si une augmentation significative du produit de la taxe destinée à financer un régime d’aides autorisé par rapport aux estimations fournies dans le cadre de la notification équivaut à une modification de ce
régime ce qui à son tour déclencherait l’obligation de notification au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, bien que les conditions gouvernant ce régime d’aides demeurent inchangées (ci-après la « troisième lecture »).
26. J’examinerai ci-après, et dans cet ordre, chacune de ces trois lectures de la première question déférée. Comme la Commission l’a reconnu lors de l’audience, la position à adopter sur la troisième lecture de la première question déférée suppose que les trois taxes relèvent bel et bien du champ d’application des règles en matière d’aides d’État.
2. La première lecture : à quel moment une taxe relève-t-elle du champ d’application des règles en matière d’aides d’État dans le traité FUE ?
27. Les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à moins qu’elles ne constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure. Pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe
est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur ( 11 ).
28. Par exemple, une augmentation de la taxe dont certaines entreprises sont exemptées ne saurait être contestée en vertu des règles en matière d’aides d’État si le produit de cette augmentation de la taxe n’a pas d’incidence directe sur les sommes versées ( 12 ). En outre, lorsque les autorités compétentes peuvent exercer leur pouvoir d’appréciation en vertu de la législation applicable dans l’affectation du produit de la taxe à différentes fins, ce produit de la taxe n’a pas d’incidence directe
sur le montant de l’aide puisqu’il peut, en vertu de cette législation, être utilisé pour financer d’autres mesures qui ne sont pas des aides d’État ( 13 ). De même, lorsque la législation nationale indique simplement un montant qui doit être versé aux bénéficiaires dans une certaine fourchette indépendamment du produit d’une taxe qui la finance et que ce montant est ensuite déterminé individuellement par les autorités compétentes de manière discrétionnaire, il n’y a pas de lien entre le produit
de la taxe et le montant versé ( 14 ). À l’inverse, l’existence d’une incidence directe d’une taxe sur le montant de l’aide ne saurait être exclue lorsque l’organisme responsable de son paiement n’a pas le pouvoir d’affecter les fonds disponibles à des fins autres que celles de l’aide ( 15 ).
29. Dans ces circonstances, si les trois taxes ne font pas partie intégrante du régime d’aides en cause, alors la question de savoir si une augmentation du produit équivaut à une modification d’une aide existante devient sans objet.
30. Le gouvernement français reconnaît qu’il existe une disposition contraignante de droit français exigeant que le produit des trois taxes soit affecté au régime d’aides en cause ( 16 ). Il ne considère cependant pas que le produit de ces taxes ait une incidence directe et automatique sur le montant de l’aide versée en vertu de ce régime.
31. Premièrement, le gouvernement français considère que la décision de la Commission du 22 mars 2006 est une indication que cette dernière partageait ce point de vue compte tenu du fait, entre autres, que les chiffres soumis étaient des estimations et que la Commission ne surveillait pas l’évolution de ces recettes, bien qu’elle ait exigé des autorités françaises qu’elles produisent des rapports annuels sur les sommes versées en vertu du régime d’aides en cause.
32. Deuxièmement, le gouvernement français soutient que le produit net des trois taxes n’est pas entièrement affecté au financement du régime d’aides en cause. En vertu des règles françaises applicables ( 17 ), le Parlement (France) peut modifier ou abolir l’affectation du produit des trois taxes au CNC et le reverser au budget général de l’État français, notamment par le biais d’un écrêtement. De plus, si le budget équilibré du CNC expose un surplus, celui-ci est mis en réserve. À l’inverse, si le
budget présente un déficit au cours d’une année donnée, le CNC peut puiser des fonds dans cette réserve.
33. Troisièmement, le produit des trois taxes n’est pas exclusivement affecté au régime d’aides en cause dans la mesure où le CNC a le pouvoir de l’affecter à d’autres fins dont les frais d’exploitation.
34. Quatrièmement, le montant annuel maximum d’aide qui peut être versé en vertu du régime d’aides en cause ne dépend pas du produit des trois taxes tel que présenté dans les rapports annuels soumis par les autorités françaises à la Commission. À cet égard, d’autres recettes servent également à financer le régime d’aides en cause ; il s’agit notamment des droits de licence perçus par le CNC pour la tenue des registres cinématographiques et audiovisuels et l’octroi d’une licence cinématographique,
des comptes d’épargne professionnels et des subventions d’État.
35. Cinquièmement, l’aide est versée conformément à des critères objectifs qui ne dépendent pas du produit des trois taxes et qui sont décrits dans la décision du 22 mars 2006.
36. En ce qui concerne le premier argument du gouvernement français, si la Commission considère qu’une taxe fait partie intégrante d’un régime d’aides prévu, elle doit en tenir compte lorsqu’elle apprécie la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur. Dans ses décisions du 22 mars 2006 et du 10 juillet 2007, la Commission n’a pas explicitement analysé cette première question, à savoir si les trois taxes font partie intégrante du régime d’aides en cause (voir, en ce qui concerne la question
de sa compatibilité, les points 61 à 65 ci-dessous). Lors de l’audience, cette institution a soutenu que cela était sous-entendu. Toutefois, la question de savoir si cela est vrai (ou suffisant) est inopérante puisque la qualification d’une taxe comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide est liée à la notion d’« aide » et ne dépend donc pas, en soi, de l’appréciation de la Commission à ce sujet étant donné qu’elle ne lie pas la Cour.
37. Pour ce qui est du quatrième argument, le fait que le régime d’aides en cause puisse également être cofinancé par le produit d’autres sources de revenu n’empêche pas les trois taxes de faire partie intégrante du régime d’aides en cause.
38. Les arguments restants soulevés par le gouvernement français méritent cependant d’être examinés attentivement. Bien que la notion de « taxe faisant partie intégrante d’une mesure d’aide » soit une notion autonome du droit de l’Union qui ne dépend pas de la position adoptée en droit national ( 18 ), et que la Cour peut elle-même l’examiner et l’appliquer aux circonstances de la procédure au principal ( 19 ), il me semble que, ainsi qu’en a témoigné l’audience, ces arguments ne peuvent être
confirmés ou invalidés sans analyse et examen plus approfondis de la situation juridique et matérielle en France. Dans le cadre de la présente procédure, cela requiert l’intervention de la juridiction de renvoi. Si cette juridiction souscrit à la description des trois taxes fournie par le gouvernement français, alors je ne considérerai pas que ces dernières sont partie intégrante du régime d’aides en cause ( 20 ).
39. Dans ce contexte, la Commission a soutenu lors de l’audience que, contrairement à la situation prévalant durant la période en cause, le lien entre les trois taxes et le régime d’aides en cause a été rompu à une date ultérieure indéterminée du fait des ponctions répétées, par les autorités budgétaires françaises compétentes, de recettes fiscales accumulées. La Commission a de plus nié la pertinence de la possibilité pour le CNC de mettre des recettes fiscales en réserve puisque, toujours selon
cette institution, le placement de tels fonds en réserve était un paiement différé de l’aide n’affectant pas le lien entre les trois taxes et le régime d’aides en cause.
40. Ces arguments ne me conduisent cependant pas à penser que les trois taxes font partie intégrante du régime d’aides en cause. Bien au contraire.
41. Premièrement, du point de vue temporel, il est incohérent de rejeter, comme le fait en substance la Commission, la mise en réserve du produit de la taxe comme étant simplement un paiement différé de l’aide, repoussant ainsi potentiellement et de fait la période pertinente au-delà de l’année 2011 et, en même temps, de placer l’accent sur le moment postérieur à la période pertinente lorsque l’autorité budgétaire française pertinente a commencé à ponctionner de manière régulière ces recettes au
bénéfice du budget général. Une distinction entre la mise en réserve, au bénéfice du CNC, du produit de la taxe et l’acte de le récupérer semble également artificielle. Il n’est pas totalement improbable que la mise en réserve ne fasse que précéder dans le temps la ponction avec pour conséquence que les deux opérations ne seraient pas aussi distinctes que le prétend la Commission. En outre, la Commission n’a pas expliqué pourquoi il serait pertinent de faire la distinction entre l’exercice du
pouvoir de ponctionner le produit de la taxe et celui de détenir ce pouvoir.
42. Deuxièmement, le fait que la Commission ait observé lors de l’audience que le lien entre le produit des trois taxes et les montants versés en vertu du régime d’aides en cause aurait été rompu subséquemment vient confirmer une corrélation fallacieuse. Si une taxe fait effectivement partie intégrante d’un régime d’aides donné, ce lien ne saurait être brisé à moins que le régime le gouvernant n’ait changé ( 21 ). Tel n’a pas été le cas dans l’affaire au principal.
43. Enfin, l’argumentation avancée par la Commission lors de l’audience et selon laquelle l’exigence découlant de la jurisprudence que la taxe examinée doit avoir une incidence directe sur le montant de l’aide ne devrait pas être interprétée strictement, mais au contraire d’une manière garantissant son effet utile, est sans fondement en droit. En effet, comme je l’ai souligné au point 27 ci-dessus, la règle générale est que les dispositions en matière d’aides d’État ne visent pas les taxes. Une
exception est cependant faite en ce qui concerne les taxes qui font partie intégrante d’un régime d’aides. L’interprétation de la Commission équivaut donc à une interprétation extensive de l’exception et à une interprétation étroite de la règle générale.
44. Ma position sur la première lecture de la première question déférée est par conséquent qu’une augmentation du produit de la taxe destinée à financer un régime d’aides ne relève pas du champ d’application des règles en matière d’aides d’État dans le traité FUE si cette taxe, bien qu’elle puisse être affectée au financement du régime d’aides, n’a pas d’incidence directe sur le montant de l’aide versée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans l’affaire au principal.
3. Deuxième lecture : une augmentation significative des recettes par rapport aux estimations fournies avec la notification d’un régime d’aides, générées par une taxe qui ne fait pas partie intégrante de ce régime, doit-elle être considérée comme une modification d’une aide existante soumise à une notification préalable en vertu des règles en matière d’aides d’État ?
45. La deuxième lecture de la première question déférée repose sur la prémisse que la taxe en cause ne fait pas partie intégrante du régime d’aides en cause.
46. Dans cette hypothèse, la réponse à la première question déférée, telle que comprise en vertu de la deuxième lecture, découlerait directement de la position adoptée au sujet de la première lecture.
47. En effet, si une taxe ne relève pas en soi des règles en matière d’aides d’État, une augmentation significative des recettes qu’elle génère ne relève pas davantage de ces règles, indépendamment des estimations soumises.
4. Troisième lecture : une augmentation significative des recettes par rapport aux estimations fournies avec la notification d’un régime d’aides, générées par une taxe qui fait partie intégrante de ce régime, doit-elle être considérée comme une modification d’une aide existante soumise à une notification préalable en vertu des règles en matière d’aides d’État ?
48. La troisième lecture de la première question déférée requiert une réflexion plus approfondie. Elle concerne en substance l’obligation des États membres de notifier les modifications apportées aux mesures d’aide existantes en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. J’analyserai cette question ci-après.
a) L’obligation incombant aux États membres de notifier les modifications apportées aux aides existantes et de ne pas les mettre à exécution avant qu’elles n’aient été approuvées
49. L’obligation, en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE pesant sur les États membres de notifier les mesures et de ne pas les mettre à exécution concerne les « projets tendant à instituer ou à modifier des aides ». Le traité FUE institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Tandis que, en vertu de cet article, les « projets tendant à instituer ou à modifier des aides », c’est-à-dire les aides nouvelles, doivent être notifiés à la Commission et ne
sauraient être mis à exécution avant que cette procédure n’ait conduit à une décision finale, d’après l’article 108, paragraphe 1, TFUE une aide existante peut être légalement mise à exécution tant que la Commission n’a pas constaté d’incompatibilité ( 22 ).
50. Il est décisif de savoir si une mesure constitue une aide existante ou une aide nouvelle puisque seule une aide nouvelle déclenche l’obligation de notifier la mesure et de s’abstenir de la mettre à exécution ( 23 ). Le Conseil a défini l’« aide nouvelle » à l’article 1er du règlement no 659/1999 en termes négatifs, à savoir comme une aide qui n’est pas une aide existante, précisant que cela inclut « toute modification d’une aide existante ». Il n’est pas précisé en quoi consiste une telle
modification.
b) Qu’est-ce qu’une « modification d’une aide existante » ?
51. La Commission a signalé à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004 qu’elle considère qu’une modification d’une aide existante est « tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun ». Cette définition semble reposer sur la jurisprudence antérieure ( 24 ). Elle est également citée dans la jurisprudence récente ( 25 ).
52. Avant que la Commission n’adopte cette disposition, la Cour avait elle‑même indiqué en quoi consistait une telle modification. Dans l’arrêt Namur‑Les assurances du crédit ( 26 ), la Cour a jugé que « l’apparition d’une aide nouvelle ou la modification d’une aide existante ne peut pas, lorsque l’aide résulte de dispositions légales antérieures qui ne sont pas modifiées, être appréciée d’après l’importance de l’aide et notamment d’après son montant financier à chaque moment de la vie de
l’entreprise ». La Cour a poursuivi en disant pour droit que « [c]’est par référence aux dispositions qui la prévoient, à leurs modalités et à leurs limites qu’une aide peut être qualifiée de nouveauté ou de modification» ( 27 ).
53. Dans ce contexte, le point de savoir si une mesure donnée constitue une « modification d’une aide existante » dépend de la réponse donnée à trois questions. Premièrement, quelle est la mesure nationale accordant l’aide existante ? Il pourrait s’agir d’une norme législative comme dans l’affaire Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93), d’un marché public ( 28 ) ou d’une autre mesure. Deuxièmement, cette mesure nationale a-t-elle été modifiée ? Troisièmement, si tel est le cas, cette modification
est-elle de caractère purement formel ou administratif ?
54. Habituellement, c’est cette dernière question qui s’avère épineuse. La jurisprudence fournit cependant quelques repères : d’un côté, les extensions d’un régime d’aides approuvé, que ce soit dans le temps ( 29 ) ou en ce qui concerne ses bénéficiaires ( 30 ) semblent invariablement affecter la substance de l’aide existante et constituent une modification de cette aide. D’un autre côté, si la modification alléguée est complexe, une analyse plus approfondie est requise ( 31 ).
55. Toutefois, une intervention étatique, sous quelque forme que ce soit, en vue de modifier la mesure d’aide existante me semble dans tous les cas nécessaire ( 32 ).
56. Cela étant, il est manifestement impossible de déterminer si une mesure équivaut à une « modification d’une aide existante » sans examen de l’instrument juridique autorisant ladite mesure d’aide existante. À l’exception du cas dans lequel la mesure d’aide en question précède l’entrée en vigueur des traités ou la date d’adhésion de l’État membre concerné, le point de départ pour déterminer si une circonstance donnée constitue une « modification d’une aide existante » (et donc un incident devant
faire l’objet d’une notification) sera normalement la décision de la Commission autorisant la mesure d’aide ( 33 ). En effet, en tant qu’autorité de contrôle des aides d’État, la Commission peut, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, faire dépendre son approbation de certaines conditions. Si une aide versée en vertu d’un régime d’aides autorisé ne satisfait pas aux conditions posées dans la décision de la Commission autorisant ce régime, l’aide versée doit être
considérée comme une aide nouvelle ( 34 ).
c) Prise de position
57. En vertu de la troisième lecture de la première question déférée, la question que la Cour doit trancher est celle de savoir si une augmentation significative du produit d’une taxe finançant un régime d’aides approuvé équivaut à une modification de ce régime au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE bien que le fondement législatif et réglementaire de ce régime d’aides n’ait pas changé.
58. Les requérants au principal et la Commission défendent le point de vue que tel est le cas dans l’affaire au principal. Ils fondent leur point de vue principalement sur l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004.
59. À l’inverse, les trois gouvernements intervenants défendent le point de vue contraire. Les gouvernements grec et italien s’appuient en particulier sur l’arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93, EU:C:1994:311).
60. Je souscris à la position de ces gouvernements.
61. Comme je l’ai indiqué plus haut, la prémisse sur le fondement de laquelle la Cour doit répondre à la première question telle que comprise en vertu de la troisième lecture, est que le produit des taxes en cause, y compris son augmentation, fait partie intégrante du régime d’aides en cause. Dans ces circonstances, la Commission est tenue de prendre en compte ces taxes lorsqu’elle examine le régime d’aides en cause à la suite de la notification de ce régime, notamment en vue de prendre position sur
sa compatibilité avec le marché intérieur ( 35 ).
62. La Commission semble bel et bien avoir procédé de la sorte dans la présente instance.
63. La décision de la Commission du 22 mars 2006 qui a initialement autorisé le régime d’aides en cause notait, en substance, que la taxe en cause et la taxe sur les services de télévision seraient fondées sur le chiffre d’affaires tandis que la taxe sur les tickets de cinéma reposerait sur la fréquentation des cinémas et le nombre d’entrées enregistrées ( 36 ). La Commission a approuvé ce régime au vu de l’engagement fourni par les autorités françaises de « procéder aux adaptations éventuellement
nécessaires pour se conformer aux évolutions des règles en matière d’aides d’État au cinéma et à l’audiovisuel après le 30 juin 2007 ». L’approbation dépendait de la fourniture d’un rapport annuel sur la manière dont les mesures notifiées seraient mises à exécution ( 37 ).
64. Après que cette décision a été adoptée, les autorités françaises ont notifié à la Commission une modification de la taxe sur les services de télévision qui a augmenté le nombre des assujettis et élargi l’assiette. La Commission a autorisé cette modification en application des règles en matière d’aides d’État par sa décision du 10 juillet 2007 (voir point 9 des présentes conclusions). Dans cette décision, l’augmentation annuelle maximale affectée au régime d’aides en cause entre 2009 et 2011
générée par cette modification a été estimée à 16,5 millions d’euros ( 38 ). La Commission a conclu que « la modification du mécanisme existant avec une augmentation du budget en conséquence n’est pas susceptible de changer la ligne de raisonnement de la Commission en ce qui concerne la compatibilité de l’aide avec le marché commun tel qu’affirmé dans la décision du 22 mars 2006» ( 39 ).
65. Il est donc clair que la Commission a tenu compte du produit escompté généré par les trois taxes lorsqu’elle a apprécié la compatibilité du régime d’aides en cause avec le marché commun.
66. Lesdites recettes ont par la suite augmenté de 46,3 % entre 2007 et 2011 du fait de la forte croissance du produit de la taxe sur les services de télévision. En passant de 362 millions d’euros en 2007 à 631 millions d’euros en 2011, il a crû annuellement d’environ 67,2 millions d’euros, soit plus de 300 % par rapport à l’estimation la plus élevée. Cette augmentation subséquente des recettes constitue‑t‑elle une modification du régime d’aides en cause tel qu’autorisé par la Commission à la suite
de sa décision du 10 juillet 2007 ?
67. Je ne le pense pas.
68. Cette augmentation est manifestement une modification des circonstances matérielles, mais nullement une modification structurelle du régime d’aides en cause dans la mesure où les taxes le finançant n’ont pas été modifiées par la suite. En effet, même avec cette augmentation, il peut valablement être soutenu que le régime d’aides en cause respecte les conditions posées par la Commission dans le dispositif de sa décision du 10 juillet 2007. En tout état de cause, les modifications apportées à une
aide existante ne sauraient être appréciées d’après l’étendue de l’aide ou en particulier son montant en termes financiers si l’aide est approuvée en vertu de dispositions légales antérieures qui demeurent inchangées ( 40 ). Par conséquent, cette augmentation à elle seule, aussi importante soit elle, ne peut constituer en elle-même une modification d’une aide existante.
69. La Commission y oppose que les États membres devraient prendre sérieusement les estimations qu’ils fournissent et que les données ne sauraient être privées de tout effet juridique du seul fait qu’il s’agit d’estimations.
70. Je souscris à la position de la Commission selon laquelle les autorités des États membres doivent, en vertu de l’obligation de coopération loyale inscrite à l’article 4, paragraphe 3, TUE, veiller à ce que les estimations qu’elles soumettent à la Commission soient aussi correctes que possible. Une violation de cette obligation est une circonstance pouvant donner lieu à une procédure d’infraction au titre de l’article 258 TFUE. La Commission ne peut cependant fonder son point de vue sur un
prétendu effet contraignant des estimations : la Cour a jugé que les estimations contiennent, par définition, certains éléments d’incertitude. En effet, des estimations incorrectes fournies par les États membres ne peuvent même pas affecter la validité d’une décision de la Commission d’approuver une aide d’État ( 41 ).
71. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, il appartient cependant à la Commission, lorsqu’elle examine un régime d’aides financé par une taxe ou un prélèvement qui en fait partie intégrante, de tenir compte du mode de financement dans le cadre de l’examen de ce régime. La Commission peut alors poser, dans le dispositif de sa décision ou dans une annexe à celle-ci, une condition au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 sous forme de plafond au financement pour le régime
d’aides en cause, en particulier si elle craint que le montant de l’aide versée puisse échapper à tout contrôle. Il peut raisonnablement être soutenu que violer une telle condition implique l’existence d’une aide nouvelle.
72. La Commission n’en a cependant rien fait dans la présente affaire. Ainsi que le gouvernement français le soutient en substance sans être contredit, la Commission n’a pas exigé dans la moindre de ses décisions d’autorisation que l’évolution du produit des trois taxes soit surveillée.
73. Si, ainsi que cela semble être le cas dans la présente affaire, la Commission fonde sa décision sur les données fournies par un État membre et qui s’avèrent par la suite être incorrectes, celle-ci a à sa disposition certains outils pour remédier à cette situation, par exemple le lancement de la procédure au titre de l’article 9 du règlement no 659/1999 pour annuler ladite décision. À titre alternatif, si elle considère que le régime d’aides en cause n’est plus compatible avec le marché
intérieur, elle peut proposer des mesures appropriées aux autorités françaises en vertu de la procédure pour le contrôle continu des régimes d’aide autorisés posée à l’article 108, paragraphes 1 et 2, et au chapitre V du règlement no 659/1999. L’on ne saurait cependant considérer que l’augmentation des recettes peut être catégorisée, en elle‑même, comme une modification d’une aide existante.
74. Enfin, contrairement aux requérants au principal et à la Commission, je ne considère pas que le fait de savoir si une mesure équivaut à une modification d’une aide existante aux fins de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 revient simplement à se demander s’il y a eu une augmentation de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides approuvé (ci-après la « règle des 20 % ») conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement
no 794/2004. Pour être considérée comme une modification d’une aide existante, une telle « augmentation du budget » doit nécessairement être la conséquence d’une intervention de l’État que la Commission n’a pas autorisée. Dans la présente affaire, le régime d’aides en cause a été approuvé par la Commission et n’a pas été modifié du point de vue structurel depuis. Adopter l’approche défendue par les requérants au principal et la Commission, en ce sens qu’une aide pourrait simplement naître, comme
par parthénogénèse, sans la moindre forme d’intervention de l’État, priverait de sens la notion d’« aide d’État ». Cette thèse poussée jusqu’à l’extrême signifierait que si le montant nominal de l’aide ne change pas, mais que sa valeur réelle croît par la suite – si par exemple l’aide est versée en devise étrangère qui subit ensuite une réévaluation – il pourrait y avoir une « modification d’une aide existante ». Toutefois, l’existence d’une telle modification et, de la même manière, d’une aide
ne dépend pas uniquement du contexte économique actuel. En tout état de cause, l’objet de ce règlement est de définir les modalités pratiques et formelles liées aux notifications d’aides d’État et non pas de modifier les règles de fond relatives à la notion d’« aides d’État ».
75. Les décisions sur lesquelles la Commission s’appuie pour justifier son point de vue ne m’amène pas à adopter une position différente. En effet, la Commission interprète de manière erronée ces décisions.
76. Dans l’arrêt Todaro Nunziatina & C ( 42 ), la Cour a fondé sa constatation d’une aide nouvelle tant sur une augmentation du budget affecté au régime d’aides concerné pour un montant de plus de 50 %, et ce en violation d’une condition dans la décision d’autorisation, que sur une prolongation de deux ans de la période durant laquelle les conditions pour l’octroi de cette aide étaient applicables. Dans l’affaire Italie/Commission ( 43 ), le gouvernement italien avait notifié à la Commission son
intention d’affecter 10 millions d’euros supplémentaires au budget d’un régime d’aides autorisé auparavant par cette institution (ce qui correspondait à 100 % du régime d’aides). Le gouvernement italien souhaitait donc parfaitement intervenir et fournir plus que ce qui avait été initialement autorisé : manifestement, cela constituait une aide nouvelle. Quoi qu’il en soit, aucune de ces décisions ne concernait les questions auxquelles la Cour est désormais confrontée, à savoir si une taxe donnée
fait partie intégrante d’un régime d’aides ou si une augmentation significative du produit de la taxe qui finance un régime d’aides existant modifie ce régime si le régime lui-même demeure inchangé.
77. Par conséquent, et nonobstant le fait que j’éprouve des difficultés à ce stade à distinguer le lien entre les trois taxes et le régime d’aides en cause, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle comme suit :
– une augmentation du produit de la taxe destinée à financer un régime d’aides ne relève pas du champ d’application des règles en matière d’aides d’État du traité FUE, si cette taxe, bien qu’elle puisse être affectée au financement du régime d’aides, n’a pas d’incidence directe sur le montant de l’aide versée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans la procédure au principal ;
– l’article 108, paragraphe 3, TFUE et l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 doivent être interprétés en ce sens que, si les conditions régissant un régime d’aides demeurent inchangées, une augmentation significative du produit de la taxe qui sert à financer ce régime dont elle fait partie intégrante et qui a été approuvé par la Commission, par rapport aux estimations fournies dans le contexte de la notification de ce régime, n’équivaut pas à une modification de ce régime qui
déclenche l’obligation de notification et de s’abstenir de mettre à exécution cette aide en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE lorsque la Commission n’a pas posé de condition, dans son autorisation de ce régime, limitant le montant des recettes que cette taxe pourrait éventuellement générer ou, en tout état de cause, lorsque ces recettes ne dépassent pas une telle limite.
C. Sur la seconde question, sous a)
78. Par sa seconde question, sous a), la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir comment, dans les circonstances décrites dans le cadre de la première question, l’article 4 du règlement no 794/2004 doit être appliqué, particulièrement eu égard à l’obligation pesant sur les États membres en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE de notifier les régimes d’aides avant de les mettre à exécution.
79. Cette seconde question, qui découle de la première question déférée, est dénuée d’objet si la Cour devait y répondre dans le sens que je propose. Toutefois, si la Cour devait être d’un autre avis sur la réponse à donner à la première question, ma position serait la suivante.
80. Lorsqu’un régime d’aides approuvé subit une modification sous la forme d’une augmentation significative des recettes par rapport aux estimations initialement notifiées, le seul scenario praticable est, comme le soutient en substance la Commission, que l’obligation de notification en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE naîtrait au plus tard lorsque l’État membre concerné a pris connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que le produit de la taxe en cause n’était clairement pas en
adéquation avec les estimations notifiées à la Commission.
81. Pour autant, permettre à l’État membre concerné de ne pas procéder à la notification jusqu’au moment où il a pris connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’augmentation significative des recettes par rapport aux estimations notifiées à la Commission semble peu conforme à l’idée même de la notification préalable. J’ajouterai que l’interprétation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE telle que proposée par les requérants au principal et selon laquelle la Commission ne doit recevoir la
notification qu’en « temps utile » est erronée : l’article 108, paragraphe 3, TFUE indique clairement que « [l]’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ». Cela signifie qu’une aide nouvelle qui prend la forme soit d’une mesure originale soit d’une modification d’une aide existante ne peut être mise à exécution avant que la Commission n’ait donné son approbation. Opérer une distinction entre la question de
savoir si une « mesure proposée » est une mesure originale ou une modification d’une mesure originale n’est pas prévu à l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999. Par conséquent, une telle distinction serait artificielle ( 44 ).
82. De plus, faire dépendre le moment de la notification de la prise de connaissance par l’État membre concerné ajoute à l’équation un élément subjectif, en dépit du fait que l’article 107, paragraphe 1, TFUE définit la notion d’« aide d’État » de manière objective par rapport aux effets de l’intervention étatique concernée ( 45 ). Il en est ainsi pour ce qui est de la question du moment où une augmentation du produit de la taxe devient « significative ».
83. En réalité, la discussion dans les points précédents ne fait que confirmer l’idée que, s’agissant des augmentations significatives du produit des taxes qui servent à financer un régime d’aides autorisé par rapport aux estimations notifiées, une obligation de notification préalable n’a pas de sens. Au risque de raisonner en termes circulaires, j’estime que l’obligation de notification préalable en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE vient plutôt soutenir l’idée qu’une telle augmentation ne
constitue pas un incident donnant lieu à une notification.
D. Sur la seconde question, sous b) et sous c)
84. Par sa seconde question, sous b) et sous c), la juridiction de renvoi cherche à savoir si le seuil des 20 % au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004 doit être calculé sur la base des fonds généralement affectés au régime d’aides ou plutôt sur celle des dépenses effectivement accordées aux bénéficiaires, à l’exclusion des sommes mises en réserve ou de celles récupérées pour son compte par l’État [seconde question, sous b)]. Si ce seuil doit être calculé sur la base
des dépenses dédiées au régime d’aide, la juridiction de renvoi demande [seconde question, sous c)] si l’évaluation doit être faite en comparant le montant maximum de l’aide autorisée par la Commission dans sa décision avec le budget total affecté postérieurement à toutes les différentes mesures d’aide approuvées ou plutôt en comparant le plafond notifié pour chaque type d’aide identifié dans la décision de la Commission avec la ligne budgétaire de l’organisme affectataire.
85. Ces questions sont de nature plutôt technique. De la même manière que pour la seconde question, sous a), une réponse à la seconde question, sous b) et sous c), ne semble nécessaire que si les trois taxes font partie intégrante du régime d’aides en cause et qu’une augmentation significative du produit de la taxe constitue une modification du régime d’aides approuvé ce qui, par voie de conséquence, donnerait lieu à une obligation de l’État membre de notifier cette modification à la
Commission. Dans le cas où la Cour devrait être amenée à considérer que tel est le cas, je me propose de faire brièvement les observations suivantes.
86. Pour ce qui est du problème soulevé dans la seconde question, sous b), bien que celle-ci concerne, selon ses termes, l’interprétation de la règle des 20 % en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004, il est, une fois de plus, approprié de se reporter à la troisième phrase de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Cette disposition exige de l’État membre concerné qu’il ne mette pas à exécution sa mesure proposée avant que la procédure d’enquête formelle n’ait abouti à une
décision définitive. Compte tenu de la prémisse sur le fondement de laquelle la Cour doit rendre sa décision, à savoir que la taxe en cause fait partie intégrante du régime d’aides en cause, cette interdiction de mettre à exécution la mesure d’aide doit s’étendre non seulement aux versements effectifs aux bénéficiaires en vertu du régime, mais également à l’incident en amont de la collecte des recettes qui financent le régime. Par conséquent, pour autant qu’un régime d’aides approuvé est financé
en faisant partie intégrante de ce régime, l’indicent donnant lieu à la notification n’est pas limité aux dépenses effectives en vertu de ce régime, mais s’étend à la collecte des fonds pour financer ce régime.
87. En effet, si, dans des circonstances normales, les entreprises ne sauraient s’appuyer sur les règles en matière d’aides d’État pour échapper au paiement des taxes, le contexte pertinent en l’espèce est celui dans lequel les trois taxes, en tant que partie intégrante du régime d’aides en cause, forment le fondement direct du financement de ce régime. Au regard de cette considération, la distorsion de la concurrence que les règles en matière d’aides d’État cherchent à prévenir se manifeste non
seulement au moment où l’aide est accordée au bénéficiaire en vertu du régime d’aides en cause, mais déjà au moment de la collecte de ces taxes auprès des entreprises susceptibles de payer si ces taxes ne demeurent pas entre les mains du Trésor ( 46 ). Le fait que les bénéficiaires puissent ne pas être en concurrence avec les requérants au principal est à cet égard sans incidence ( 47 ). La seule circonstance à prendre en compte est celle selon laquelle le contribuable est soumis à une taxe qui
fait partie intégrante d’une mesure mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ( 48 ).
88. Par conséquent, les sommes que le CNC a mises en réserve ou que l’État français a récupérées pour son propre compte doivent être intégrées afin de calculer si le seuil au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004 a été atteint.
89. Enfin, pour ce qui est de la question soulevée dans le cadre de la seconde question, sous c), celle-ci repose sur l’idée que la notion de « budget » contenue à l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004 renvoie aux dépenses effectives et non aux sommes collectées. Si la Cour devait juger que tel est le cas, la juridiction de renvoi demande alors si, en examinant si le seuil de 20 % a été atteint, le plafond général de l’aide approuvée par la Commission doit être comparé avec le
budget général affecté à l’aide dans son ensemble par l’organisme affectataire ou si, au contraire, les plafonds pour chaque sous-catégorie d’aide énumérée dans la décision de la Commission doivent être comparés avec la ligne budgétaire de cet organisme.
90. Ma réponse serait « les deux ».
91. Si la Commission autorise un régime d’aides sur la base des plafonds d’aide proposés par un État membre, ces plafonds proposés font partie de la notification au regard de laquelle l’autorisation doit être comprise ( 49 ). Si les plafonds notifiés, approuvés par la Commission, incluent tant un plafond d’aide horizontal (plus élevé) que plusieurs plafonds d’aide verticaux (plus bas), alors les limites exprimées par chacun de ces plafonds doivent normalement être respectées par l’État membre
concerné. La Commission peut, bien entendu, exiger de l’État membre concerné, en tant que condition d’approbation, une nouvelle notification si un plafond est dépassé.
92. Selon moi, il en va de même en ce qui concerne la règle des 20 %.
93. Lorsque des plafonds d’aide spécifiques ont été fixés par une décision autorisant un régime d’aides, la question de savoir s’il y a eu une augmentation du budget qui doit être notifiée ne peut dépendre uniquement du montant global de l’aide approuvée par rapport au budget global de l’organisme chargé d’allouer cette aide. Les États membres pourraient sinon être tentés d’échapper aux plafonds d’aide spécifiques qu’ils ont eux-mêmes notifiés.
94. Le fait que le dépassement des plafonds spécifiques (verticaux) impliquerait normalement des montants d’aide inférieurs, et donc une réduction de l’intensité de l’aide, par rapport à un dépassement du seuil général (horizontal), est une question d’appréciation de la compatibilité de la modification du régime d’aides et non de l’existence (d’une modification) d’une aide (existante).
95. Par conséquent, si la Cour devait décider d’y répondre, je proposerais de répondre à la seconde question, sous c), en ce sens que l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 794/2004 doit être interprété de telle manière que, en examinant si le seuil de 20 % posé dans cette disposition a été atteint, il convient de comparer le plafond global de l’aide fixé par la Commission avec le budget global affecté à l’aide dans son ensemble par l’organisme affectataire et les plafonds pour chaque
sous-catégorie d’aide énumérée dans cette décision avec la ligne budgétaire de cet organisme.
E. Sur la demande de limitation dans le temps des effets de l’arrêt
96. Le gouvernement français a demandé à la Cour de limiter dans le temps les effets de l’arrêt si cette dernière devait considérer qu’une augmentation de 20 % du produit des trois taxes affectées au régime d’aides en cause par rapport aux estimations fournies dans la décision de la Commission du 10 juillet 2007 est une modification substantielle de ce régime qui aurait dû être notifiée à la Commission.
97. Si la Cour devait suivre mon avis, alors cette question devient sans objet. J’exprimerai néanmoins brièvement mon opinion.
98. Ce n’est que très exceptionnellement que la Cour restreint les effets dans le temps de ses arrêts. Deux critères essentiels doivent être remplis avant qu’une telle limitation ne puisse être envisagée : les milieux intéressés devraient avoir agi de bonne foi et il devrait y avoir un risque de troubles graves ( 50 ).
99. À cet égard, le gouvernement français soutient, premièrement, que les autorités nationales ont omis de notifier la modification du régime d’aides en cause en raison de l’incertitude objective et importante, à laquelle la Commission a largement contribué, en ce qui concerne l’étendue de leur obligation de notification. Deuxièmement, le gouvernement français renvoie au nombre élevé de relations juridiques, établies de bonne foi qui ont épuisé leurs effets dans le passé, entre les autorités
françaises et, d’une part, les contribuables concernés qui constituent un nombre très important d’opérateurs de natures diverses et, d’autre part, les bénéficiaires en vertu du régime d’aides en cause pour lesquels une aide a été versée entre 2006 et 2011 pour un montant de 2101267000 euros.
100. Dans l’arrêt Régie Networks ( 51 ) qui concernait également un régime d’aides français visant à soutenir les stations de radio locales, la Cour a limité les effets de l’invalidité de la décision de la Commission en cause. L’analyse de la Cour reposait cependant en partie sur des considérations liées à la compétence exclusive de la Commission à prendre une décision autorisant une aide d’État et à la compétence de la Cour pour invalider de telles décisions.
101. Je souscris à la position du gouvernement français, à savoir que la procédure au principal témoigne d’une insécurité juridique significative quant à l’interprétation correcte de la notion de « modification d’une aide existante ». Rien ne vient suggérer que les autorités françaises ou les bénéficiaires de ce régime d’aides ont agi de mauvaise foi, compte tenu du fait que la Commission n’a pas remis en question jusqu’à présent cette augmentation. Néanmoins, je ne considère pas que la demande du
gouvernement français soit fondée.
102. En effet, en ce qui concerne le risque de troubles graves, il est tout d’abord de jurisprudence constante que les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d’une décision préjudicielle ne justifient pas en elles-mêmes la limitation dans le temps des effets d’un tel arrêt ( 52 ). En tout état de cause, on ne voit pas clairement comment le remboursement de l’aide en cause pourrait avoir des conséquences dévastatrices.
103. En outre, dans l’affaire Schulz et Egbringhoff ( 53 ), la Cour n’a pas considéré que la remise en cause de relations juridiques qui avaient épuisé leurs effets dans le passé sèmerait rétroactivement la confusion dans le secteur de l’électricité et du gaz en Allemagne, et de ce fait, qu’un risque de troubles graves avait été établi. Un tel risque n’est donc a fortiori pas non plus établi dans la présente affaire.
104. Au vu de ces circonstances, je recommanderais de ne pas donner suite à la demande de limiter dans le temps les effets de l’arrêt de la Cour.
IV. Conclusion
105. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions déférées par le Conseil d’État (France) comme suit :
– une augmentation du produit de la taxe destinée à financer un régime d’aides ne relève pas du champ d’application des règles en matière d’aides d’État dans le traité FUE, si cette taxe, bien qu’elle puisse être affectée au financement du régime d’aides, n’a pas d’incidence directe sur le montant de l’aide versée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans la procédure au principal ;
– l’article 108, paragraphe 3, TFUE et l’article 1er, sous c), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE], doivent être interprétés en ce sens que, si les conditions régissant un régime d’aides demeurent inchangées, une augmentation significative du produit de la taxe qui sert à financer ce régime dont elle fait partie intégrante et qui a été approuvé par la Commission, par rapport aux estimations fournies dans le contexte
de la notification de ce régime, n’équivaut pas à une modification de ce régime qui déclenche l’obligation de notification et de s’abstenir de mettre à exécution cette aide en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE lorsque la Commission n’a pas posé de condition, dans son autorisation de ce régime, limitant le montant des recettes que cette taxe pourrait probablement générer ou, en toute hypothèse, si ces recettes ne dépassent pas une telle limite.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), tel que modifié. Le règlement no 659/1999 a été supprimé et remplacé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9).
( 3 ) Règlement de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999(JO 2004, L 104, p. 1), tel que modifié.
( 4 ) Décision de la Commission C(2006) 832 final du 22 mars 2006, Aide d’État NN 84/2004 et N 95/2004 – Régime d’aide pour le cinéma et l’audiovisuel, p. 127.
( 5 ) Décision de la Commission C(2007) 3230 final du 10 juillet 2007, Aide d’État N 192/2007 – France, modification du régime d’aide NN 84/2004, point 20.
( 6 ) Décision de la Commission C(2011) 9430 final du 20 décembre 2011, Aide d’État SA.33370 (2011/N) – France, prolongation des régimes d’aides au cinéma et à l’audiovisuel.
( 7 ) Communication à la commission des finances du Sénat, intitulée « La gestion et le financement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – Exercices 2007 à 2011 », août 2012.
( 8 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 25 et jurisprudence citée).
( 9 ) Arrêt du 13 février 2014, Mediaset (C‑69/13, EU:C:2014:71, point 23 et jurisprudence citée).
( 10 ) Voir, par comparaison, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, rendu en grande chambre, points 48 à 50 »), en ce qui concerne la validité d’une décision de la Commission approuvant un régime d’aides pour un service radio français.
( 11 ) Voir arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (C‑449/14 P, EU:C:2016:848, points 65 et 68 et jurisprudence citée), ainsi que, de manière générale, les facteurs énumérés par l’avocat général Geelhoed dans ses conclusions dans l’affaire Streekgewest (C‑174/02, EU:C:2004:124, point 35). Par exemple, dans l’affaire menant à l’arrêt du 27 novembre 2003, Enirisorse (C‑34/01 à C‑38/01, EU:C:2003:640, point 11), les deux tiers du produit de la taxe en cause
devaient être versés au bénéficiaire en vertu de la réglementation applicable.
( 12 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 janvier 2005, Streekgewest (C‑174/02, EU:C:2005:10, points 27 et 28), ainsi que du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 73).
( 13 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2005, Pape (C‑175/02, EU:C:2005:11, point 16).
( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a. (C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, EU:C:2005:657, point 52).
( 15 ) Voir arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, point 104).
( 16 ) Le gouvernement français fait référence aux articles L. 115-1 à L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée.
( 17 ) Le gouvernement français fait référence à l’article 34 de la loi organique no 2010‑1657, du 1er août, relative aux lois de finances, JORF no 177 du 2 août 2001, p. 12480, no 1).
( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2013, TF1/Commission (T‑275/11, non publié, EU:T:2013:535, point 47).
( 19 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, point 112).
( 20 ) Voir, en particulier, arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (C‑449/14 P, EU:C:2016:848, points 70 et 71) où la Cour a jugé que, si des excédents dans le revenu fiscal finançant un régime d’aides en faveur d’un organisme public national de radiodiffusion étaient réattribués au budget général de l’État et que, à l’inverse, l’État est obligé de couvrir les coûts en cas de revenus insuffisants, les mesures fiscales en cause ne font pas partie de cette aide.
( 21 ) Bien que la Commission ait fait référence, lors de l’audience, au titre du chapitre II du rapport de la Cour de comptes (voir point 10 des présentes conclusions) selon lequel « Le CNC a tiré profit du dynamisme de ses ressources pour étendre ses aides », la phrase qui suit immédiatement ce titre est libellée ainsi : « L’augmentation des recettes de l’établissement ne s’est pas traduite par une augmentation proportionnelle des aides ».
( 22 ) Voir arrêt du 29 novembre 2012, Kremikovtzi (C‑262/11, EU:C:2012:760, point 49 et jurisprudence citée). Voir également Fenger, N., « The distinction between New and Existing State Aid », European Law Reporter, no 5 [2012], p. 147.
( 23 ) En ce qui concerne la question distincte de l’impact d’une mesure d’aide nouvelle sur une aide existante, voir, entre autres, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie (C‑467/15 P, EU:C:2017:799), qui concernait un régime d’aides approuvé à l’égard duquel il était constant que la mesure contestée dans cette affaire aurait dû être considérée comme une aide nouvelle. Voir, également, arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 111).
( 24 ) Voir arrêt du 30 avril 2002, Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 111). Voir également arrêt du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen (91/83 et 127/83, EU:C:1984:307, point 21). Plusieurs avocats généraux ont exprimé leur opinion sur le moment où une modification d’une aide existante naît : voir conclusions de l’ avocat général Trabucchi dans l’affaire Van der Hulst (51/74, EU:C:1974:134, p. 105) ; conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire McCarren
(177/78, EU:C:1979:127, p. 2204) ; conclusions de l’avocat général Rozès dans l’affaire Apple & Pear Development Council (222/82, EU:C:1983:229, p. 4134) ; conclusions de l’avocat général Mancini dans les affaires jointes Heineken Brouwerijen (91/83 et 127/83, EU:C:1984:235, point 5), et conclusions de l’avocat général Fennelly dans les affaires jointes Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:203, points 62 à 65). Voir également Sinnaeve, A., dans Heidenhain, M. (ed.),
European State Aid Law, Beck, Munich, 2010, p. 586, point 29.
( 25 ) Voir arrêts du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 90) ; du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission (C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, points 31 à 38), ainsi que du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 46 et 47). Voir également ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission (C‑200/11 P, non publiée, EU:C:2012:165, points 30 et 31) où la Cour s’est uniquement référée à la deuxième phrase
de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004.
( 26 ) Arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93, EU:C:1994:311), rendu en grande chambre).
( 27 ) Arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93, EU:C:1994:311, points 28 à 31) (mise en exergue par mes soins).
( 28 ) Voir, par exemple, arrêt de la Cour AELE du 22 août 2011, Konkurrenten.no/EFTA Surveillance Authority (E‑14/10, EFTA Court Report 2011, p. 268).
( 29 ) Voir, en particulier, arrêts du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 82) ; du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 93 et 94) ; du 4 décembre 2013, Commission/Conseil (C‑111/10, EU:C:2013:785, point 58) ; du 4 décembre 2013, Commission/Conseil (C‑121/10, EU:C:2013:784, point 59), et du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, EU:C:2016:797,
points 58 et 59). Voir également arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T‑227/01 à T‑229/01, T‑265/01, T‑266/01 et T‑270/01, EU:T:2009:315, points 232 et 233, confirmé sur pourvoi par arrêt du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑471/09 P à C‑473/09 P, non publié, EU:C:2011:521).
( 30 ) Voir, entre autres, arrêts du 19 octobre 2005, Freistaat Thüringen/Commission (T‑318/00, EU:T:2005:363, points 195, 232, 247 et 281), ainsi que du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission (T‑151/11, EU:T:2014:631, point 64).
( 31 ) Voir, par exemple, arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission (C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, points 36 et 37) où l’attitude des autorités bulgares dans le recouvrement des dettes a été considérée comme étant insuffisante et a donc donné lieu à une modification d’une aide existante. Voir aussi arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T‑462/13, EU:T:2015:902, points 149 et 150, pourvoi pendant devant la Cour ; voir affaires jointes
C‑66/16 P à C‑69/16 P, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi e.a./Commission) concernant le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique à travers la plus grande partie du Royaume d’Espagne.
( 32 ) Voir, par exemple, arrêts du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission (T‑35/99, EU:T:2002:19, points 61 et 62) ; du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, point 124), et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission (T‑231/06 et T‑237/06, EU:T:2010:525, point 187).
( 33 ) Voir, à titre d’exemple, arrêts du 10 mai 2005, Italie/Commission (C‑400/99, EU:C:2005:275, points 65 et 66, concernant un règlement du Conseil) ; du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C. (C‑138/09, EU:C:2010:291, points 28 à 41 et 47), ainsi que du 25 octobre 2017, Commission/Italie (C‑467/15 P, EU:C:2017:799, points 37 à 44).
( 34 ) Voir arrêt du 30 juin 1992, Italie/Commission (C‑47/91, EU:C:1992:284, point 26). Pour autant, la question de savoir si une mesure d’aide constitue une « modification d’une aide existante » ne coïncide pas nécessairement avec le point de savoir si une mesure donnée respecte les conditions posées par la Commission dans un régime d’aides approuvé. Bien qu’une mesure non couverte par un régime d’aides existant et une modification d’une aide existante constituent toutes les deux une « aide
nouvelle », il existe une différence : une modification d’un régime d’aides existant change les caractéristiques de ce régime tandis qu’une aide non couverte par un régime d’aides existant en est simplement distinct. Leurs effets sur le régime d’aides existant (s’il y en a) peuvent également être différents. Voir, à cet égard, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie (C‑467/15 P, EU:C:2017:799, point 47).
( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, point 113), et ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission (C‑200/11 P, non publiée, EU:C:2012:165, point 27 et jurisprudence citée).
( 36 ) Voir la décision de la Commission du 22 mars 2006, points 24, 26 et 28.
( 37 ) Voir dispositif de la décision de la Commission du 22 mars 2006. Il n’est pas allégué dans cette procédure que les autorités françaises n’ont pas soumis un rapport annuel satisfaisant à la Commission.
( 38 ) Point 9 de la décision du 10 juillet 2007. En ce qui concerne le contenu de la modification voir les points 5 à 8.
( 39 ) Point 20 de la décision du 10 juillet 2007.
( 40 ) Arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93, EU:C:1994:311, point 28). En dehors d’une modification de ces dispositions par l’article 55 de la loi des finances de 2009, modification qui, à l’instar des observations de la juridiction de renvoi, me semble purement formelle et de nature administrative, aucune forme d’intervention étatique pertinente pour la présente procédure n’a été alléguée avoir eu lieu depuis la décision de la Commission du 10 juillet 2007.
( 41 ) Voir arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, points 79 à 86), en ce qui concerne une augmentation subséquente des ressources allouées au financement d’un régime d’aide.
( 42 ) Arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C. (C‑138/09, EU:C:2010:291, point 47). Voir également arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie (C‑467/15 P, EU:C:2017:799, point 48, selon lequel un report de paiement ne saurait être qualifié d’augmentation du budget initial d’un régime d’aides au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004).
( 43 ) Ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission (C‑200/11 P, non publiée, EU:C:2012:165, points 28 à 31).
( 44 ) À cet égard, la Cour veille à ne pas priver l’article 108, paragraphe 3, TFUE de son effet utile ; voir par exemple arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, points 60 et 63).
( 45 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 85 et jurisprudence citée).
( 46 ) Pour un point de vue différent, voir conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans les affaires jointes Enirisorse (C‑34/01 à C‑38/01, EU:C:2002:643, point 172).
( 47 ) Voir, à cet effet, arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, points 91 à 93), et du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission (C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 81).
( 48 ) Voir arrêt du 13 janvier 2005, Streekgewest (C‑174/02, EU:C:2005:10, point 19).
( 49 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission (C‑200/11 P, non publiée, EU:C:2012:165, point 27 et jurisprudence citée).
( 50 ) Arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée).
( 51 ) Arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, points 118 à 127).
( 52 ) Arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 42 et jurisprudence citée).
( 53 ) Arrêt du 23 octobre 2014, Schulz et Egbringhoff (C‑359/11 et C‑400/11, EU:C:2014:2317, points 60 à 62).