CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PAOLO MENGOZZI
présentées le 30 novembre 2017 ( 1 )
Affaire C‑5/16
République de Pologne
contre
Parlement européen,
Conseil de l’Union européenne
« Recours en annulation – Décision (UE) 2015/1814 – Détermination de la base juridique – Prise en compte des effets de l’acte – Article 192, paragraphe 1, TFUE – Article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE – Notion d’“affectation sensible” du choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie – Notion d’“affectation sensible” de la structure générale de l’approvisionnement énergétique d’un État membre – Principe de coopération loyale – Article 15 TUE – Compétences du Conseil européen –
Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Principe de proportionnalité – Analyse d’impact »
Introduction
1. Par sa requête, la République de Pologne demande à la Cour d’annuler la décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015, concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE (ci-après la « décision attaquée ») ( 2 ).
2. La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, ( 3 ) a été adoptée sur la base de l’article 175, paragraphe 1, CE afin de contribuer à la réalisation des engagements internationaux de réduction des émissions anthropiques de gaz à effet de serre de l’Union et de ses États membres de manière plus efficace. Elle a été
substantiellement modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 ( 4 ).
3. Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) fonctionne depuis le 1er janvier 2005 et couvre 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. La directive 2003/87 distinguait initialement trois périodes d’échange des quotas : 2005-2007, 2008-2012 et 2013-2020. Alors que la directive 2003/87 mentionne le fait que l’Union s’est engagée à opérer, de 2008 à 2012, une réduction de 8 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux d’émission de l’année
1990 ( 5 ), la directive 2009/29 fait état de l’engagement du Conseil européen de réduire d’ici à l’année 2020 les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union « d’au moins 20 % par rapport à leurs niveaux de 1990, voire de 30 % pour autant que les autres pays développés s’engagent à atteindre des réductions d’émission comparables » ( 6 ).
4. En dépit de l’intervention d’un certain nombre de décisions tendant à compléter les règles de fonctionnement du SEQE ou à les modifier ( 7 ), l’état du marché du carbone est resté préoccupant en raison d’un important excédent de quotas disponibles sur ce marché qui a entraîné un fort déséquilibre entre l’offre et la demande. Cette situation, décrite pour durer en cas d’inaction du législateur de l’Union dans le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état du marché du
carbone (ci-après le « rapport de la Commission de 2012 ») ( 8 ), a incité ledit législateur à agir, ce qu’il fit en adoptant la décision attaquée.
Le cadre juridique
5. La décision attaquée a été adoptée le 6 octobre 2015 sur le fondement de l’article 192, paragraphe 1, TFUE. Son article 1er est consacré à la réserve de stabilité du marché (ci-après la « RSM ») qu’elle entend mettre en place. Il est libellé comme suit :
« 1. Une [RSM] est créée en 2018 et le placement de quotas dans la réserve commence à compter du 1er janvier 2019.
2. La quantité de 900 millions de quotas déduits des volumes à mettre aux enchères pendant la période 2014-2016, fixée dans le règlement (UE) no 176/2014 conformément à l’article 10, paragraphe 4, de la directive [2003/87], n’est pas ajoutée aux volumes devant être mis aux enchères en 2019 et en 2020 mais elle est, au lieu de cela, placée dans la réserve.
3. Les quotas non alloués à des installations conformément à l’article 10 bis, paragraphe 7, de la directive [2003/87] et les quotas non alloués à des installations en raison de l’application de l’article 10 bis, paragraphes 19 et 20, de ladite directive sont placés dans la réserve en 2020. La Commission réexamine la directive [2003/87] en ce qui concerne ces quotas non alloués et, s’il y a lieu, présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.
[…]
5. Chaque année, un certain nombre de quotas égal à 12 % du nombre total de quotas en circulation […] est déduit du volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2003/87] et est placé dans la réserve sur une période de douze mois à compter du 1er septembre de l’année en question, à moins que le nombre de quotas à placer dans la réserve ne soit inférieur à 100 millions. […]
[…]
6. Si, une année, le nombre total de quotas en circulation est inférieur à 400 millions, 100 millions de quotas sont prélevés de la réserve et ajoutés au volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2003/87]. Lorsque moins de 100 millions de quotas se trouvent dans la réserve, la totalité des quotas de la réserve est prélevée au titre du présent paragraphe.
[…] »
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
6. La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler la décision attaquée et condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.
7. Le Parlement et le Conseil concluent chacun à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le recours et condamner la République de Pologne aux dépens.
8. Le 1er juin 2016, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne ( 9 ), le Royaume d’Espagne, la République française ainsi que la Commission européenne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil. Le même jour, le Royaume de Suède a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.
9. La République de Pologne, le Parlement , le Conseil ainsi que le Royaume d’Espagne, la République française et la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience devant la Cour qui s’est tenue le 11 juillet 2017.
Sur le recours
10. La République de Pologne soulève cinq moyens aux fins de l’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE au motif que la décision attaquée a été adoptée conformément à la procédure législative ordinaire alors qu’elle affecterait sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe
de coopération loyale et d’une violation des compétences du Conseil définies à l’article 15 TUE du fait de l’adoption de mesures qui seraient contraires aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime du fait de l’adoption de mesures qui interféreraient dans le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre pendant la durée de la
période d’échange. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’adoption de mesures qui entraîneraient la réalisation d’objectifs plus élevés de réduction des émissions que ceux qui résultent des engagements internationaux de l’Union et qu’imposerait la directive 2003/87. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’obligation d’analyser dûment l’impact de la décision attaquée sur les différents États membres et d’une violation de l’obligation de
présenter une évaluation suffisante de l’impact de sa mise en œuvre sur le marché des quotas d’émission.
Analyse
Sur le premier moyen tiré d’une violation de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE
Argumentation des parties
11. En substance, la République de Pologne rappelle la lettre de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE pour en déduire que la décision attaquée aurait dû être adoptée sur ce fondement et, partant, la procédure législative spéciale aurait dû être suivie. Cette disposition prévoirait que les actes juridiques qui ont une importance fondamentale pour les États membres soient adoptés par le Conseil à l’unanimité, conférant ainsi un droit de veto auxdits États dont la République de Pologne aurait été
privée. La requérante soutient que la décision attaquée affecterait sensiblement son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Elle rappelle que, en application de la jurisprudence de la Cour en matière de détermination de la base juridique et conformément au texte de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE, c’est l’effet de la décision attaquée qui devrait être examiné afin de déterminer si sa base juridique est correcte. Pour
qu’une affectation sensible soit caractérisée, et alors que le traité ne précise pas cette notion, la requérante avance qu’il faudrait prendre en compte le contexte énergétique global existant dans un État membre. La République de Pologne fait valoir qu’elle dépendrait à un niveau élevé des combustibles fossiles, que 83 % de son électricité proviendrait du charbon et du lignite, et qu’elle disposerait de réserves importantes de charbon, ce qui lui assurerait la perspective de produire à faible
coût et, partant, sa compétitivité économique ainsi que la disponibilité de l’énergie pour ses citoyens. Partant du postulat que le prix des quotas influencerait directement le choix de la technologie de production pour les investissements futurs, la République de Pologne soutient que le prix des quotas aurait une incidence sur l’évolution de la structure nationale de production d’électricité. À l’horizon de l’année 2035, la République de Pologne prévoit que davantage de centrales au gaz
seraient créées alors que, en l’absence d’une réserve de stabilité du marché, les investissements seraient dirigés vers les centrales à charbon à haut rendement. La création de cette réserve affecterait donc sensiblement la demande de combustibles, entraînant une augmentation de l’utilisation du gaz naturel, qu’il faudrait alors importer, ce qui affecterait la sécurité énergétique de la requérante. La Commission aurait elle‑même reconnu que l’augmentation du prix des quotas viserait à inciter à
changer de combustible et à dissuader les investissements dans les centrales à charbon ( 10 ).
12. Les parties défenderesses, auxquelles se joignent les parties intervenantes, soutiennent, en substance, la position suivante. La jurisprudence itérative de la Cour se focaliserait, en ce qui concerne la détermination de la base juridique, sur le but et le contenu de l’acte, et, dans l’hypothèse où ledit acte poursuit une double finalité, la base juridique ne devrait refléter que sa composante principale. La jurisprudence de la Cour n’aurait jamais consacré l’obligation de prendre en compte les
effets de l’acte, ce qui poserait d’ailleurs, selon le Royaume d’Espagne, des difficultés puisque la base juridique ne pourrait être dument analysée qu’une fois l’acte entré en vigueur. Les parties défenderesses et intervenantes s’appuient sur les conclusions de l’avocat général Kokott rendues dans l’affaire Commission/Lettonie ( 11 ). Elles relèvent également que l’article 192, paragraphe 2, TFUE est conçu comme une disposition dérogatoire et que ce dernier devrait, à ce titre, être interprété
de manière restrictive. Un recours trop fréquent à la procédure législative spéciale aurait pour effet de rendre plus difficile la réalisation des objectifs de l’Union en matière environnementale. En outre, ces parties déduisent de la lettre de la décision attaquée que celle-ci devrait être lue, aux fins de la détermination des objectifs poursuivis, ensemble avec la directive 2003/87 puisqu’il s’agirait pour la RSM de venir corriger un déséquilibre structurel du SEQE. Le SEQE serait lui-même
neutre d’un point de vue technologique et l’absence d’incidence directe sur le bouquet énergétique des États membres se refléterait d’ailleurs dans les bases juridiques des directives 2003/87 et 2009/29, au demeurant jamais contestées. De la même manière, la mise en place de la RSM maintiendrait la neutralité du SEQE et n’aurait aucun effet significatif sur le choix des États membres. L’effet à long terme de la RSM serait seulement d’aplanir la volatilité du prix des quotas et non de rechercher
une augmentation systématique desdits prix. L’analyse d’impact invoquerait d’ailleurs cet objectif de stabilisation des prix sur le long terme. Cet effet stabilisateur serait par ailleurs assuré par une logique bidirectionnelle, c’est-à-dire que la RSM pourrait agir contre une chute inconsidérée du volume des quotas disponibles comme contre une hausse déraisonnable de cette disponibilité. En tout état de cause, l’augmentation du prix laisserait toujours le choix aux États membres et aux
opérateurs. Si la RSM devait avoir un impact sur le bouquet énergétique des États membres, ce ne serait donc que de manière secondaire. La RSM n’aurait pas pour effet d’affecter le choix d’un État membre entre différentes sources ou de modifier sa source d’approvisionnement. La RSM ne fixerait d’ailleurs pas d’objectifs individuels de réduction aux États membres. Pour les parties défenderesses et intervenantes, les effets de la RSM évoqués par la République de Pologne ne seraient que des
spéculations ou des conjectures, étant donné, notamment, que les prévisions seraient très difficiles dans ce domaine. La République de Pologne dresserait un constat quelque peu biaisé des effets de la RSM, premièrement, en ne les présentant que dans le sens d’une augmentation des prix alors qu’il s’agirait d’un mécanisme permettant d’agir également dans le sens d’une réduction des prix des quotas et, deuxièmement, en ne prenant pas en considération le fait que le champ d’application du SEQE
serait plus large que le seul domaine énergétique et que, en tout état de cause, les coûts de production seraient déterminés par une pluralité de facteurs et non uniquement par le prix des quotas.
13. La République de Pologne réplique que, si elle ne conteste pas la base juridique de la directive 2003/87, cela ne signifierait pas pour autant que l’article 192, paragraphe 1, TFUE est la base juridique appropriée de la décision attaquée, ladite décision devant faire l’objet d’un examen autonome et indépendant de la directive afin de déterminer sa base juridique correcte et la pratique législative antérieure important peu au moment du contrôle de la base juridique d’un acte. La requérante fait
remarquer que la base juridique de la directive 2009/29 n’aurait, en tout état de cause, pas été examinée par la Cour. La requérante, sans contester la jurisprudence invoquée par les parties défenderesses et les parties intervenantes, soutient que la Cour aurait déjà examiné les effets d’un acte lors de l’examen de sa base juridique ( 12 ) précisément parce que la détermination des effets serait un élément objectif pouvant être pris en considération. La requérante réitère, par ailleurs, son
argumentation relative à l’analyse d’impact qui, selon elle, confirmerait bien l’influence de la RSM sur le bouquet énergétique. Plusieurs autres analyses ou publications scientifiques concluraient également que le prix des quotas augmentera du fait de la mise en place de la RSM. Puisque des divergences existent quant à l’interprétation de l’analyse d’impact, la République de Pologne invoque l’« Analyse de l’influence du mécanisme de réserve de stabilité du marché sur la formation du bouquet
énergétique de la Pologne » élaborée par le Krajowy Ośrodek Bilansowania i Zarzadzania Emisjami (Centre national de l’équilibrage et de la gestion des émissions, Pologne) (ci-après l’« analyse KOBiZE ») ( 13 ) qui démontrerait que le bouquet énergétique de la République de Pologne se trouverait sensiblement affecté par la mise en œuvre de la décision attaquée. La requérante rappelle que la part des émissions de combustion dans les émissions totales du pays aurait été de 83,8 % en 2014 et en
déduit que, même si le champ d’application du SEQE est plus large, la RSM affecterait bien essentiellement ce secteur.
14. La République de Pologne répond aux parties intervenantes que la distinction entre l’article 192, paragraphe 2, TFUE et l’article 194 TFUE devrait garder une pertinence, le premier relevant de la politique environnementale de l’Union, le second relevant de la politique énergétique de cette dernière. La requérante rappelle que la Commission aurait elle-même admis, dans l’analyse d’impact, que la réorientation des États membres vers des énergies renouvelables serait l’objectif poursuivi par la
RSM. Elle fait également valoir que le secteur de l’électricité serait exclu par la directive 2003/87 du système d’allocation à titre gratuit. Puisqu’existe une obligation d’achat, l’impact d’une augmentation du prix des quotas serait plus important pour ce secteur dont les acteurs seraient poussés à chercher d’autres sources, modifiant ainsi le bouquet énergétique. La République de Pologne réfute ainsi l’argument tiré de la neutralité de la RSM du point de vue de la structure dudit bouquet.
Enfin, la requérante, en désaccord avec l’analyse KOBiZE, répond aux critiques formulées en relevant que les effets seraient analysés jusqu’en 2030, que l’outil de modélisation utilisé serait exempt de critique et que la limitation de l’étude à la Pologne serait objectivement justifiée.
15. Les parties défenderesses, au stade de la duplique, prennent acte de l’absence de mise en cause, par la requérante, de la jurisprudence classique relative à la détermination de la base juridique et font valoir que, si les effets d’un acte ont pu être examinés, ce serait seulement dans le cadre d’une analyse du but et du contenu dudit acte, mais non dans le cadre d’une analyse distincte ou autonome. Quant à la RSM, elle n’aurait pas pour effet de modifier le niveau d’ambition initial du SEQE mais
en constituerait seulement un acte accessoire, s’intégrant parfaitement au SEQE. Elles contestent également la pertinence et les conclusions de l’analyse KOBiZE parce que celle-ci aurait été réalisée après l’adoption de la décision attaquée, parce qu’elle ne porterait que sur une analyse partielle des effets à court terme prétendument déployés par la RSM, et cela uniquement en Pologne, et, enfin, parce qu’elle reposerait sur une prémisse incorrecte et utiliserait une méthodologie erronée.
Subsidiairement, les parties défenderesses doutent du caractère « sensible » de l’affectation de la structure générale de l’approvisionnement énergétique de la requérante, comme l’exigerait pourtant l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE.
Analyse
– Sur la détermination du test applicable
16. Il ressort d’une jurisprudence itérative de la Cour – qui n’est pas contestée entre les parties – que, dans le cadre du système de compétences de l’Union, « le choix de la base juridique d’un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte. […] Si l’examen d’un acte démontre qu’il poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable
comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou composante principale ou prépondérante » ( 14 ).
17. Bien que la Cour mentionne le but et le contenu de l’acte comme éléments devant « notamment » guider l’appréciation de la base juridique – adverbe qui semble laisser la place à d’autres critères –, force est de constater qu’elle s’en est toujours tenue à ces deux-là. En outre, les effets d’un acte ne se confondent pas nécessairement ni totalement avec l’appréciation de l’objectif qu’il entend poursuivre. Enfin, et comme l’a notamment rappelé, à juste titre, le Royaume d’Espagne, insérer dans le
test auquel le juge de l’Union doit procéder aux fins d’apprécier le caractère approprié de la base juridique d’un acte une appréciation des effets attendus de celui-ci équivaudrait à demander au législateur de l’Union de s’adonner aux arts divinatoires. C’est la raison pour laquelle je m’en tiendrai, pour la présente analyse, à un examen du but et du contenu de la décision attaquée afin de déterminer si ledit législateur pouvait légitimement fonder son action sur l’article 192, paragraphe 1,
TFUE ( 15 ).
– Sur le but et le contenu de la décision attaquée
18. D’emblée, je dois préciser que je suis d’avis, de concert avec la République de Pologne, que l’analyse de la base juridique de la décision attaquée doit être menée, en dépit d’une filiation évidente, de manière autonome par rapport à celle de la base juridique de la directive 2003/87 ou de la directive 2009/29 qui l’a modifiée de sorte qu’aucune conclusion définitive ne saurait être tirée, pour le présent contentieux, d’une éventuelle absence d’action de la requérante à l’encontre des deux
directives précitées.
19. En ce qui concerne le but de la décision attaquée, il est évidemment étroitement lié à celui poursuivi par la directive 2003/87 à propos de laquelle la Cour a déjà jugé que, « [s]i l’objectif final du [SEQE] est la protection de l’environnement par une réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce système ne réduit pas de lui-même ces émissions, mais encourage et favorise la recherche des coûts les plus bas pour atteindre une réduction desdites émissions à un niveau précis […] L’avantage
pour l’environnement dépend de la rigueur avec laquelle est établie la quantité totale de quotas octroyés, qui constitue la limite globale des émissions autorisées par ledit système. Il en ressort également que la logique économique du [SEQE] consiste à faire en sorte que les réductions d’émission de gaz à effet de serre nécessaires à l’obtention d’un résultat environnemental prédéterminé aient lieu au coût le plus faible. Notamment en permettant la vente des quotas alloués, ce système vise à
inciter tout participant audit système à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués. Ainsi, le bon fonctionnement du [SEQE] implique qu’il y ait une demande et une offre de quotas de la part des participants à ce système, ce qui implique également que le potentiel de réduction des émissions imputables aux activités
couvertes par ce système peut varier, et même de manière considérable. En outre, […] plus la portée du système sera large, plus la variation des coûts de mise en conformité encourus par les entreprises individuelles sera importante, et plus le potentiel de réduction globale des coûts sera grand » ( 16 ).
20. Il ressort également de la jurisprudence que, « si l’objectif principal [de la directive 2003/87] est de réduire de manière substantielle les émissions de gaz à effet de serre », cet objectif doit être réalisé dans le respect d’une série de sous-objectifs tels que « la préservation du développement économique et de l’emploi ainsi que celle de l’intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrence » ( 17 ).
21. La décision attaquée rappelle en préambule l’objectif poursuivi par la directive 2003/87 consistant « à favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes » ( 18 ).
22. Aux termes des conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014 sur le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 ( 19 ) et afin de réaliser l’objectif contraignant de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union d’au moins 40 % d’ici à l’année 2030 par rapport aux niveaux de l’année 1990, le Conseil européen appelait à rendre plus efficace le SEQE en le réformant, c’est-à-dire en le dotant « d’un instrument visant à stabiliser le marché » ( 20 ). Le
rapport de la Commission de 2012 avait, auparavant, dressé un bilan peu enthousiasmant du fonctionnement du SEQE puisque ce dernier se caractérisait par un excédent de 955 millions de quotas ( 21 ). L’augmentation de l’offre de quotas se combinait, en outre, à une faible demande avec, pour résultat, une chute du prix des quotas. Du fait de la mise en œuvre de la phase 3 du SEQE, le rapport de 2012 estimait l’excédent potentiellement largement supérieur à 1,5 milliard de quotas. À compter de
l’année 2014, c’est un « excédent structurel » ( 22 ) de 2 milliards de quotas pendant la phase 3 qui était projeté. Or, la trop grande disponibilité des quotas et leur faible coût menaçaient clairement l’effet incitatif que la mise en place d’un SEQE opérationnel était censée produire. C’est donc pour répondre à ce « déséquilibre structurel » ( 23 ) identifié dès 2012 que la décision attaquée a été adoptée. L’objectif essentiel – si ce n’est unique – poursuivi par ladite décision est, comme le
rappelle son considérant 8, de « remédier aux déséquilibres structurels entre l’offre et la demande ».
23. En ce qui concerne le contenu de la décision attaquée, celui-ci se borne à illustrer que la RSM opère comme un instrument de placement des quotas à compter du 1er janvier 2019 ( 24 ), comme en témoigne, notamment, le fait que 900 millions des quotas déduits de la mise aux enchères entre 2014 et 2016 ne seront pas ajoutés à ceux devant être mis aux enchères en 2019 et 2020 mais seront placés dans la réserve ( 25 ). L’objectif de diminuer, dans un premier temps, l’excédent endémique caractérisant
le SEQE est également poursuivi en prévoyant de placer chaque année 12 % du nombre total de quotas en circulation dans la réserve, ces 12 % étant dès lors déduits du volume total de quotas devant être mis aux enchères ( 26 ). Au cours de la première année de fonctionnement de la RSM, 8 % du nombre total des quotas en circulation sont placés dans la réserve entre le 1er janvier et le 1er septembre de l’année concernée ( 27 ). L’effet stabilisateur de la RSM est assuré par le fait que, outre la
possibilité de placer des quotas dans la réserve, la décision attaquée prévoit également que la réserve puisse être actionnée en cas de déficit de quotas sur le marché. Ainsi, l’article 1er, paragraphe 6, de la décision attaquée prévoit que, en dessous d’un certain seuil – 400 millions –, les quotas mis en réserve pourront être réinjectés sur le marché. Enfin, l’article 3 de la décision attaquée charge la Commission de surveiller la mise en œuvre de la RSM et ses effets éventuels sur la
compétitivité ainsi que de réexaminer de manière régulière le fonctionnement de la réserve.
– Conclusion sur la base juridique de la décision attaquée
24. Il ressort ainsi tant de l’objectif que du contenu de la décision attaquée que cette dernière a été conçue comme un outil devant répondre aux différentes menaces qui empêchaient le SEQE « de remplir sa fonction d’incitation à investir en vue de réduire les émissions de CO2 dans des conditions économiquement efficaces et d’être un moteur pour l’innovation à faible intensité de carbone contribuant à la croissance économique et à l’emploi » ( 28 ). La RSM doit stabiliser le marché et des mécanismes
sont prévus pour lutter à la fois contre les excédents et contre les déficits de quotas. À aucun moment, la décision attaquée ne fait une référence directe à une quelconque détermination du prix des quotas. Dans la mesure où la RSM est conçue ni plus ni moins que comme un complément, une correction du SEQE sans en changer l’ambition originelle, c’est dès lors à juste titre que le législateur de l’Union a fondé son acte sur l’article 192, paragraphe 1, TFUE. Autrement dit, la décision attaquée ne
fait que s’inscrire dans le sillon tracé initialement par la directive 2003/87 entendant favoriser les réductions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes, et, partant, visant à préserver, à protéger et à améliorer l’environnement ( 29 ).
25. L’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE prévoit, pour sa part, qu’il doit être recouru à la procédure législative spéciale pour l’adoption de « mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ». Or, comme je viens de le démontrer, rien dans le contenu de la décision attaquée ou au travers de l’objectif qu’elle poursuit ne permet d’affirmer que, en adoptant la décision attaquée, le
législateur de l’Union visait à provoquer un changement significatif dans la structure générale de l’approvisionnement énergétique de la requérante ou à affecter directement son choix entre différentes sources d’énergie. En tant que disposition dérogatoire, l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation restrictive, et cela d’autant plus qu’une politique environnementale contemporaine efficiente ne peut faire l’impasse sur les questions énergétiques. Or, je
rejoins les craintes exprimées par les parties défenderesses et intervenantes selon lesquelles l’interprétation proposée par la requérante de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE et les conclusions qu’elle en tire pour l’examen de la base juridique de la décision attaquée auraient précisément pour effet, en reconnaissant un droit de veto aux États membres dès qu’il s’agit pour l’Union d’adopter des mesures les invitant seulement à rationaliser leurs activités consommatrices de CO2, de
bloquer toute entreprise législative. De plus, une telle interprétation condamnerait le SEQE à l’échec puisqu’elle empêcherait le législateur de l’Union d’en corriger les défaillances structurelles. Par ailleurs, bien que je rappelle que la mise en place de la RSM n’a pas pour ambition de déterminer le prix des quotas mais de s’assurer simplement de l’efficience du SEQE, en tout état de cause, le choix d’un opérateur pour telle ou telle source d’énergie ou technologie de production ne saurait
dépendre de ce seul prix, lequel ne définit pas, à lui seul, les coûts de production, ceux-ci étant déterminés par une pluralité de facteurs. Le choix technologique demeure toujours, même avec la mise en place de la RSM, entre les mains des opérateurs et n’est pas dicté par l’Union. Enfin, je n’entrerai pas davantage dans le débat relatif aux conclusions tirées de l’analyse KOBiZE en raison du fait que celle-ci a été menée postérieurement à l’adoption de la décision attaquée.
26. Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen tiré d’une violation des compétences du Conseil européen définies à l’article 15 TUE et d’une violation de l’obligation de coopération loyale
Aargumentation des parties
27. La République de Pologne soutient, en substance, que les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014 ( 30 ) auraient fixé à l’année 2021 la date de mise en œuvre de la RSM. En anticipant cette date à l’année 2019, le Parlement et le Conseil auraient violé les compétences du Conseil européen telles que définies à l’article 15 TUE et méconnu le principe de coopération loyale.
28. En ce qui concerne la violation alléguée des compétences du Conseil européen, la requérante rappelle le principe d’attribution des compétences sur lequel repose le fonctionnement institutionnel de l’Union ainsi que le contenu de l’article 15 TUE pour en déduire que le Conseil européen aurait, dans les conclusions susmentionnées, indiqué clairement la volonté politique de fixer à l’année 2021 le début de fonctionnement de la RSM. La décision de mettre en œuvre la RSM en 2019 imposerait aux
entreprises opérant dans les secteurs à haute intensité carbone des charges injustifiées : or, en fixant à l’année 2021 la mise en place de la RSM, le Conseil européen aurait précisément entendu protéger les acteurs du marché. Le non-respect de cette volonté serait constitutif d’une violation de la compétence du Conseil européen de définir les orientations politiques en matière de mise en œuvre de la nouvelle législation de l’Union dans le domaine de la réduction des émissions de gaz à effet de
serre. Ce changement de la date de mise en œuvre de la RSM violerait également le principe de coopération loyale puisque la décision attaquée contiendrait un élément essentiel pourtant contraire aux conclusions du Conseil européen. Le Parlement et le Conseil n’aurait pas agi de bonne foi eu égard à la position expresse exprimée par certains États membres signalant la contradiction de la décision attaquée avec tous les accords précédemment conclus ( 31 ).
29. Pour l’essentiel, les parties défenderesses et intervenantes contestent la lecture que la requérante fait des conclusions du Conseil européen. Selon elles, ce dernier n’aurait en aucun cas pris position sur la date de mise en œuvre de la RSM, la référence à la date de l’année 2021 concernant un autre sujet. Il n’y aurait donc pas de contradiction entre les conclusions et la décision attaquée. Même si l’on peut considérer que le Conseil européen a fait référence, dans ses conclusions, à la
proposition de la Commission, laquelle, au moment de l’adoption desdites conclusions, visait l’année 2021 pour la mise en place de la RSM, les parties défenderesses et intervenantes font unanimement valoir que ce serait outrepasser les pouvoirs du Conseil européen que de lui reconnaître la possibilité de figer ainsi un acte législatif, privant de cette manière tant le Parlement que le Conseil de leurs prérogatives dans le cadre du processus de délibération législative. Eu égard à la nature
juridique des conclusions du Conseil européen, un moyen tiré du défaut de conformité d’un acte législatif auxdites conclusions ne saurait prospérer.
Analyse
30. Le point 2.3 des conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014 contient l’affirmation suivante : « un [SEQE] efficace et réformé, doté d’un instrument visant à stabiliser le marché, conformément à la proposition de la Commission, constituera le principal instrument de [l’Union] pour atteindre cet objectif ; le facteur annuel de réduction du plafond d’émissions maximales autorisées sera modifié, passant de 1,74 % à 2,2 % à partir de [l’année] 2021 ».
31. Il découle du texte de ce point 2.3 que la référence explicite à l’année 2021 qu’il contient ne renvoie pas à la date de mise en œuvre de l’instrument devant stabiliser le marché mais à la date à laquelle le facteur annuel de réduction sera modifié. Le Conseil européen n’a, partant, pas fixé de date pour l’entrée en vigueur de la RSM.
32. La requérante tire toutefois argument du fait que le Conseil européen aurait indiqué que le SEQE devait être accompagné d’un instrument stabilisant le marché « conformément à la proposition de la Commission » ( 32 ). Or, au moment où le Conseil européen s’est ainsi exprimé, ladite proposition prévoyait que la RSM entre en vigueur en 2021 ( 33 ).
33. À cet égard, je me bornerai à rappeler que l’article 15, paragraphe 1, TUE définit la mission du Conseil européen comme étant celle de donner « à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et [d’]en [définir] les orientations et les priorités politiques générales. Il n’exerce pas de fonction législative » ( 34 ). Il apparaît ainsi que le fait d’interpréter la référence faite à la proposition de la Commission comme une injonction de la part du Conseil européen de ne mettre en place la
RSM qu’à compter de l’année 2021 aboutirait, d’une part, à réduire le Parlement et le Conseil à de simples chambres d’enregistrement des conclusions du Conseil européen et, d’autre part, à reconnaître à ce dernier le pouvoir d’interférer directement dans la sphère législative. On ne saurait donc considérer que le Conseil européen a exprimé, par cette référence, une volonté politique, devenue normative, de cristalliser la proposition de la Commission dans l’état dans lequel elle se trouvait au
mois d’octobre 2014, privant ainsi le Parlement et le Conseil de leurs prérogatives dans le processus de délibération législative. Il en va de même de la déclaration mentionnée par la République de Pologne de certains États membres, qui ne saurait ni valoir prise de position du Conseil européen sur la date de mise en œuvre de la RSM ni lier le pouvoir législatif.
34. Au final, c’est davantage la position de la requérante qui heurte frontalement l’article 15, paragraphe 1, TUE ainsi que le principe d’attribution des compétences consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE et aucun grief tiré d’une violation de l’obligation de coopération loyale ne peut être retenu à l’encontre du Parlement et du Conseil. Partant, le deuxième moyen ne saurait donc prospérer et doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime
Argumentation des parties
35. La République de Pologne soutient, en substance, que l’adoption de la décision attaquée, qui prévoit la mise en œuvre de la RSM pendant la durée d’une période d’échange définie par la directive 2003/87, aurait porté atteinte à la prévisibilité du SEQE. La confiance légitime des entreprises aurait, partant, été violée en raison de la limitation drastique du nombre de quotas intervenue au cours d’une période d’échange. Après avoir rappelé la jurisprudence classique de la Cour relative à la
sécurité juridique et à la protection de la confiance légitime, la requérante avance que le placement, dans la RSM, du surplus de quotas à l’horizon de l’année 2019 affecterait les activités économiques des opérateurs, serait constitutif d’une modification inattendue des conditions d’exercice desdites activités pendant une période d’échange et, partant, serait contraire aux deux principes rappelés ci-dessus. Si la requérante reconnaît que lesdits principes ne sont pas absolus et peuvent souffrir
de limitations, elle considère que les conditions pour que ces principes soient limités ne seraient pas ici réunies. La confiance légitime des opérateurs reposerait, en outre, sur le règlement no 176/2014. Alors que la proposition de la Commission relative à la création de la RSM datant de janvier 2014 envisageait un début de fonctionnement de la RSM en 2021, le règlement no 176/2014, adopté le mois d’après, énonçait que le volume des quotas, initialement réduit pour la période 2014-2016, devait
être augmenté durant la période 2019-2020 ( 35 ). Ainsi, un opérateur prudent et avisé n’aurait pas pu prévoir l’adoption d’une décision qui empêcherait la mise en circulation de 900 millions de quotas dans une période au cours de laquelle le règlement no 176/2014 venait tout juste de décider une augmentation du volume des quotas. Enfin, l’entrée en vigueur de la RSM dès l’année 2019 entraînerait une augmentation des coûts, et donc de la charge financière. Dans un tel contexte, la Cour se
montrerait particulièrement vigilante quant au respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Dans le cadre de son mémoire en réplique, la requérante soutient que la fixation, par la directive 2003/87, de périodes d’échange ne poursuivrait pas seulement un effet administratif mais permettrait surtout aux entreprises de définir leur stratégie précisément en fonction de la quantité de quotas disponibles pour la période concernée. Enfin, la République de Pologne ajoute que la
décision attaquée n’a pas apporté de modification à l’article 10, paragraphe 2, cinquième alinéa, du règlement no 1031/2010, tel que modifié par le règlement no 176/2014 (ci-après le « règlement no 1031/2010 »), de sorte que le droit de l’Union prévoirait désormais à la fois un placement dans la RSM de quotas dès l’année 2019 – selon les termes de la décision attaquée – et une mise aux enchères des quotas gelés durant la période 2019-2020 – selon les termes du règlement no 1031/2010. Une telle
contradiction, outre qu’elle serait révélatrice de l’intention réelle du législateur de l’Union de fixer la date de démarrage de la RSM à l’année 2021, porterait atteinte au principe de sécurité juridique.
36. Les parties défenderesses et intervenantes font valoir, en substance, que la République de Pologne ne contesterait pas véritablement la clarté et la prévisibilité des règles fixées par la décision attaquée de sorte que son troisième moyen s’interpréterait comme portant essentiellement sur une violation alléguée de la confiance légitime. Elles rappellent, en substance, que la Cour reconnaîtrait un large pouvoir d’appréciation au législateur dans les domaines techniquement complexes. Par ailleurs,
elles réfutent l’argument selon lequel les périodes d’échange définies par la directive 2003/87 seraient des périodes pendant lesquelles aucun changement ne peut être apporté par le législateur de l’Union en se fondant sur des dispositions de ladite directive, qui permettraient d’ajuster les règles du fonctionnement du SEQE, le cas échéant au cours d’une période d’échange. Une telle période n’aurait, d’ailleurs, qu’un caractère purement administratif. En outre, le rapport de la Commission de
2012 comme les mesures adoptées ponctuellement pour tenter de maintenir le bon fonctionnement du SEQE seraient autant d’indicateurs portés à la connaissance des opérateurs économiques du dysfonctionnement du SEQE, de sorte que ces mêmes opérateurs auraient pu logiquement anticiper le fait que le SEQE allait être modifié pour en assurer l’efficacité. Aucune attente légitime ne pourrait être fondée sur le règlement no 176/2014 qui, en tout état de cause, ne constituerait qu’une mesure d’exécution
ne liant pas le pouvoir législatif lui-même. De même, la proposition de la Commission qui prévoyait que la RSM commencerait à fonctionner en 2021 ne pourrait pas davantage fonder de confiance légitime, d’une part, parce qu’elle s’accompagnait d’une analyse d’impact qui envisageait plusieurs options et, d’autre part, parce qu’il ne s’agirait que d’un acte préparatoire nécessairement amené à évoluer au fil du processus de délibération législative. Les parties défenderesses et intervenantes
soulignent encore le caractère bidirectionnel de la RSM, indiquant que le placement de quotas dans la réserve ne vaudrait pas invalidation desdits quotas de sorte que la décision attaquée ne comporterait pas les conséquences radicales, en termes de nombre de quotas disponibles, décrites par la requérante. Le SEQE n’aurait, par ailleurs, jamais garanti le prix des quotas aux opérateurs puisqu’il ne serait qu’un instrument quantitatif reposant en partie sur le principe d’une mise aux enchères.
Enfin, elles contestent les conclusions tirées par la requérante de l’éventuel conflit entre la décision attaquée et le règlement no 1031/2010, la décision attaquée constituant un acte législatif adopté postérieurement audit règlement.
Analyse
37. Il ressort d’une jurisprudence itérative de la Cour que le principe de sécurité juridique exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables ( 36 ). Ce principe n’exige cependant pas l’absence de modification législative ( 37 ).
38. Il ressort du dossier que la République de Pologne ne conteste pas le fait que les règles établies par la décision attaquée soient claires et précises. Quant à leur prévisibilité, je note, de concert avec l’ensemble des parties défenderesses et intervenantes, que ladite décision a été adoptée le 6 octobre 2015 tout en prévoyant que la réserve serait créée en 2018 pour être opérationnelle – c’est-à-dire recevoir des quotas – à compter du 1er janvier 2019 ( 38 ). Dans ces conditions, aucune
atteinte au principe de sécurité juridique ne peut être constatée.
39. À propos de la confiance légitime, la Cour a jugé que ce principe, qui fait partie de l’ordre juridique de l’Union et constitue le corollaire du principe de sécurité juridique, ne peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation de l’Union que dans la mesure où cette dernière elle-même a créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime. Ce principe s’étend à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées
et nul ne peut invoquer la violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. En outre, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, les
opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union ( 39 ). Autrement dit, lesdits opérateurs ne peuvent prétendre à une absence totale de modification législative ( 40 ).
40. La Cour a également jugé que « le [SEQE] introduit par la directive 2003/87 est un système nouveau et complexe » ( 41 ). En adoptant la directive 2003/87, le législateur de l’Union a fait usage du large pouvoir d’appréciation qui lui est traditionnellement reconnu lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale, et lorsqu’il est appelé à créer un système complexe, auquel cas il lui est loisible de recourir à une approche par étapes et de procéder en fonction de
l’expérience acquise ( 42 ). La Cour a rappelé que, dans ce contexte, le législateur est tenu de procéder au réexamen des mesures instaurées à intervalles raisonnables ( 43 ). Ce faisant, elle a clairement ouvert la voie, si besoin était, à une modification du fonctionnement du SEQE, le pouvoir législatif de l’Union ne pouvant être correctement exercé que s’il était procédé à une évaluation régulière de l’efficacité du système complexe et nouveau mis en place par la directive 2003/87.
41. C’est donc à l’aune de ces précisions jurisprudentielles que le grief tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit être examiné.
42. D’une part, la requérante soutient, à cet égard, que les principes régissant le fonctionnement du SEQE ne pourraient être modifiés au cours d’une période d’échange et que la modification intervenue avec l’adoption de la décision attaquée aurait eu pour conséquence de méconnaître la confiance légitime que les opérateurs avaient placée dans la directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29. À supposer que la requérante puisse invoquer la confiance légitime au bénéfice des
opérateurs économiques concernés par la décision attaquée, force est toutefois de constater que la directive 2003/87 ne prévoit aucune limitation du genre de celle qu’elle a invoquée. Au contraire, dans un domaine aussi changeant et peu prévisible, le législateur de l’Union avait bien conscience de la nécessité de réexaminer les règles de fonctionnement de ce système nouveau et complexe. Le considérant 22 de la directive 2003/87 prévoit précisément que cette dernière « devrait être réexaminée en
fonction des évolutions dans ce contexte et pour tenir compte de l’expérience acquise dans sa mise en œuvre ». L’article 10, paragraphe 5, de la directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29, confie la surveillance du fonctionnement du marché du carbone de l’Union à la Commission. L’article 29 de cette même directive modifiée évoque explicitement l’hypothèse d’un mauvais fonctionnement du marché qui serait constaté par la Commission dans le cadre d’un rapport remis au Parlement
et au Conseil, et pouvant comprendre, le cas échéant, des propositions d’amélioration. Ainsi, aucune garantie n’a été donnée, ni à l’occasion de l’adoption de la directive 2003/87 ni à l’occasion de l’adoption de la directive 2009/29 qui l’a modifiée, que le fonctionnement du SEQE tel que décrit originellement serait gravé dans le marbre ou qu’il ne serait susceptible de modification qu’à l’occasion de la survenance de la fin d’une période, comme semble d’ailleurs en attester l’article 9 de la
directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29, qui fait commencer la diminution linéaire annuelle des quotas « au milieu de la période 2008-2012 » ( 44 ).
43. D’autre part, la République de Pologne avance l’argument selon lequel la confiance légitime des opérateurs du marché du carbone aurait été fondée sur le règlement no 176/2014 ainsi que sur la proposition de la Commission ( 45 ), qui prévoyait que la RSM n’entrerait en fonctionnement qu’en 2021. La proposition de la Commission constitue un acte préparatoire, par définition non définitif, qui ne pouvait pas faire naître d’espérances fondées et à partir duquel aucune assurance précise ne pouvait
être fournie, au sens de la jurisprudence rappelée au point 39 des présentes conclusions. Quant au règlement no 176/2014, outre qu’il est un parfait exemple de modification du SEQE intervenue au cours d’une période ( 46 ) et bien qu’il prévoyait effectivement que le volume de quotas à mettre aux enchères serait augmenté de 300 millions en 2019 puis de 600 millions en 2020, il faut rappeler qu’il a été adopté dans le cadre du pouvoir d’exécution dont dispose la Commission dans ce domaine et qu’il
ne pouvait s’interpréter comme une garantie qu’aucune intervention législative ne viendrait en rendre le contenu caduc.
44. Je conclurai l’analyse de ce troisième moyen par quelques considérations d’ordre général. Parce que le SEQE est un instrument quantitatif, il ne fonde pas le droit des opérateurs concernés à acquérir ou vendre les quotas à un certain prix. Le nombre de quotas disponibles pour une période d’échange doit, en outre, être distingué du nombre de quotas disponibles pour un acquéreur pendant cette période, qui sera, pour sa part, tributaire d’une pluralité de facteurs. Sans nier le fait que la
modification du volume des quotas puisse avoir une incidence sur les stratégies développées par les « consommateurs » de ces quotas, ces stratégies ne sont toutefois pas uniquement déterminées sur la base de la seule donnée « volume ». En tout état de cause, je rappelle que la RSM est un instrument qui permet essentiellement de placer en réserve – et non de supprimer – des quotas. Retenir que la confiance légitime a été ici violée reviendrait à consacrer, comme l’a fait remarquer la Commission,
un droit à la persistance du déséquilibre endémique qui caractérisait le SEQE dans un contexte où celui-ci était notoire et où il ne pouvait être ignoré des opérateurs concernés, en raison d’un certain nombre de travaux sur le sujet ( 47 ) mais aussi parce qu’il profitait précisément à ces derniers, dans une certaine mesure.
45. Partant, j’estime que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur les quatrième et cinquième moyens tirés respectivement d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation de l’obligation d’analyser dûment l’impact de la décision attaquée
Argumentation des parties
– Sur le quatrième moyen
46. En substance, la République de Pologne, dans le cadre du quatrième moyen, fait grief à la décision attaquée de porter atteinte au principe de proportionnalité en raison du fait qu’elle entraînerait la réalisation d’objectifs plus élevés de réduction des émissions que ceux résultant tant des engagements internationaux liant l’Union que de la directive 2003/87. Selon la requérante, si la décision attaquée vise à préserver la cohérence et le bon fonctionnement du SEQE, ce serait pour aider celui-ci
à atteindre ses propres objectifs. Or, la mise en place de la RSM dans les conditions définies par la décision attaquée n’apparaîtrait pas comme une mesure indispensable pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de 20 % à l’horizon 2020, résultant notamment de l’amendement de Doha et de la directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29. La charge imposée aux entités serait excessive par rapport à l’objectif poursuivi de sorte que la décision attaquée ne satisferait pas
le critère de nécessité et violerait le principe de proportionnalité. Le nombre de quotas en circulation pour la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, c’est‑à-dire la période 2013-2020, aurait été déterminé en fonction de l’objectif de réduction à atteindre de sorte que la diminution du nombre de quotas induite par la décision attaquée, laquelle ne serait donc pas neutre de ce point de vue-là, imposerait un effort supplémentaire aux opérateurs du marché du carbone non nécessaire à
la réalisation de l’objectif poursuivi. Le fait que la RSM permette de remettre sur le marché des quotas placés momentanément dans la réserve ne saurait occulter le fait qu’il est peu vraisemblable qu’une telle mise sur le marché intervienne d’ici à l’année 2020. En outre, le fait que le législateur aurait pu opter pour un système plus contraignant ne signifierait pas nécessairement que la décision attaquée soit conforme au principe de proportionnalité.
47. Les parties défenderesses et intervenantes soutiennent, en substance, que l’objectif à l’aune duquel le respect du principe de proportionnalité doit être examiné ne serait pas celui décrit par la requérante. Ledit objectif ne serait pas réductible à la seule baisse des émissions de 20 % à l’horizon de l’année 2020. Au contraire, il ressortirait des dispositions de la décision attaquée, lues ensemble avec celles de la directive 2003/87 et de la directive 2009/29, que l’objectif initial serait
celui de parvenir à faire fonctionner correctement le SEQE sans limitation dans le temps. Partant, l’objectif réellement poursuivi serait d’assurer le bon fonctionnement du SEQE sur le long terme. Par ailleurs, la poursuite de cet objectif serait réalisée au moyen de la décision attaquée, adoptée dans un contexte où le dysfonctionnement du SEQE avec plus de 2 milliards de quotas excédentaires aurait été notoire. Le législateur de l’Union aurait renoncé à recourir à des mesures plus
contraignantes, comme la suppression des quotas ou la mise en œuvre de la RSM antérieurement à l’année 2019. La requérante n’aurait pas démontré que les opérateurs sur le marché du carbone allaient être exposés à des prix déraisonnables à la suite du placement des quotas dans la RSM. Les choix opérés par le législateur de l’Union et retranscrits dans la décision attaquée relèveraient ainsi du large pouvoir d’appréciation qui lui est traditionnellement reconnu dans les domaines nécessitant des
appréciations complexes et n’iraient pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation de l’objectif poursuivi.
– Sur le cinquième moyen
48. Dans le cadre du cinquième moyen, la République de Pologne reproche, en substance, à la Commission, auteur de la proposition de décision, ainsi qu’aux institutions défenderesses, en tant qu’auteur de la décision attaquée, de ne pas avoir mené de manière correcte une analyse d’impact. L’analyse d’impact annexée à la proposition de la Commission se serait focalisée, de manière subjective, sur les aspects positifs de ladite proposition en occultant les aspects liés à la baisse de la compétitivité,
à l’augmentation des coûts de production, à l’augmentation du coût du chauffage en réseau et de l’électricité, et des coûts à la consommation, ainsi qu’aux pertes d’emploi dans les secteurs utilisant des énergies non renouvelables. La Commission et/ou les institutions défenderesses auraient dû également examiner les conséquences concrètes d’une telle proposition pour chacun des États membres et son impact sur le marché des quotas. Elles auraient dû fournir une analyse concrète et chiffrée
portant notamment sur l’évolution à la hausse du prix des quotas, du prix de l’électricité et de celui de l’énergie. Enfin, aucune de ces institutions n’aurait analysé l’impact d’une mise en œuvre anticipée de la RSM dès l’année 2019 ni celui des valeurs limites finalement adoptées. Aucune consultation publique n’aurait été menée sur la version finale de la décision attaquée. Une telle attitude des institutions serait contraire à l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » ( 48 ) ainsi
qu’aux lignes directrices pour une meilleure législation ( 49 ). Dans le cadre de son mémoire en réplique, la requérante reproche au Parlement et au Conseil de ne pas avoir suffisamment publicisé leurs travaux législatifs et de ne pas avoir mené de consultations publiques ouvertes au cours de la procédure législative.
49. Les parties défenderesses et intervenantes soutiennent, en substance, que l’argumentation de la requérante développée dans le cadre de ce cinquième moyen doit s’analyser comme étant un corollaire de l’analyse relative au principe de proportionnalité. Il n’y aurait aucune exigence formelle, conditionnant la légalité d’un acte, de mener une analyse d’impact. Il serait seulement exigé du législateur qu’il puisse démontrer avoir agi en ayant connaissance de toutes les données de base nécessaires à
sa prise de décision et le contrôle juridictionnel serait ici également limité à l’erreur manifeste. Ces parties soutiennent que l’analyse d’impact ne serait pas la seule source d’informations du législateur de l’Union au cours de la procédure d’adoption de la décision attaquée et que les différents points qui n’auraient pas fait l’objet d’une analyse selon la requérante (à savoir la mise en œuvre anticipée de la RSM par rapport à la date proposée par la Commission et la fixation des seuils de
valeur) auraient, au contraire, fait l’objet de discussions et de consultations, le cas échéant publiques. Enfin, conformément à la jurisprudence, il ne pourrait être reproché au législateur de l’Union de ne pas avoir pris en compte la situation particulière d’un État membre.
Analyse
50. L’obligation de réaliser une analyse d’impact ne constitue pas un motif sur lequel la légalité d’un acte peut être appréciée. À cet égard, la seule exigence est que les institutions indiquent les éléments pris en compte et dont dépendent l’exercice légitime de leur pouvoir d’appréciation, le législateur devant avoir été en mesure d’apprécier tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que l’acte adopté entend régir ( 50 ). La Cour a régulièrement inclus dans son analyse
relative à la proportionnalité les griefs invoqués en lien avec une absence, une lacune ou une non-conformité à une analyse d’impact, en en faisant une sorte de corollaire de l’examen de la proportionnalité. Je propose de suivre également cette approche ici et c’est la raison pour laquelle je traite ensemble les deux derniers moyens de la requête.
51. En ce qui concerne le cinquième moyen, la République de Pologne reproche, d’une part, à la Commission d’avoir mené une analyse d’impact subjective et incomplète et, d’autre part, au Parlement et au Conseil de ne pas avoir, à leur tour, analysé les conséquences des mesures qu’ils s’apprêtaient à retenir, qui différaient des propositions dont l’impact avait été analysé par la Commission.
52. Je relève d’emblée que la Cour a déjà jugé que l’analyse d’impact accompagnant une proposition d’acte législatif « ne lie pas le Parlement non plus que le Conseil […] En conséquence, le législateur de l’Union reste libre d’adopter des mesures autres que celles qui ont fait l’objet de cette analyse d’impact. Aussi, le seul fait qu’il ait retenu une mesure différente et, le cas échéant, plus contraignante que celles envisagées par la Commission dans l’analyse d’impact [de la Commission] n’est pas
de nature à démonter qu’il a manifestement dépassé les limites de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif visé » ( 51 ). Encore faut-il que, au cours du processus législatif, les institutions aient pris en compte les données disponibles ainsi que les avis des milieux intéressés ( 52 ).
53. On ne saurait ainsi exiger de l’analyse d’impact qu’elle examine de manière exhaustive toutes les incidences de l’acte proposé. En tout état de cause, il ressort de l’analyse d’impact critiquée par la requérante que celle-ci a envisagé l’incidence éventuelle des différentes options contenues dans la proposition sur la détermination du prix des quotas, sur la compétitivité de l’Union, sur les coûts auxquels les secteurs énergivores seraient exposés ainsi que les conséquences sociales
prévisibles ( 53 ). Eu égard à la jurisprudence de la Cour, cette analyse d’impact me paraît avoir permis au législateur de l’Union de prendre connaissance des enjeux essentiels derrière chacune des options envisagées.
54. En outre, il ressort des pièces du dossier que, outre le rapport de la Commission de 2012 et l’analyse d’impact de janvier 2014, une réunion d’experts organisée par la Commission s’est tenue le 25 juin 2014, plusieurs délégations au Conseil ont présenté leurs propres évaluations des incidences des différentes options présentées par la Commission dans son analyse d’impact lors des réunions du groupe Environnement ( 54 ), un débat entre certains opérateurs et des experts nationaux a été organisé
le 8 septembre 2014 et le Parlement a organisé un atelier le 5 novembre 2014. La plupart de ces réunions a fait l’objet d’une synthèse disponible en ligne ou d’une communication au public. Il ressort également des éléments à la disposition de la Cour que les questions relatives à la fixation des seuils de valeur ou à la date de démarrage de la RSM ont été débattues. Ainsi, les institutions auteurs de la décision attaquée me semblent avoir établi à suffisance que ladite décision a été adoptée
moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en compte de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cette décision a entendu régir ( 55 ). À cet égard, je relève, enfin, qu’il ne saurait être fait grief au Parlement, au Conseil ou à la Commission, de ne pas avoir tenu compte de la situation prétendue particulière de la requérante au regard du marché du carbone. La Cour a, en effet, déjà rejeté un argument similaire en raison du
fait que l’acte litigieux « a un impact dans tous les États membres et suppose qu’un équilibre entre les différents intérêts en présence, compte tenu des objectifs [dudit acte] soit assuré. Dès lors, la recherche d’un tel équilibre prenant en considération non pas la situation particulière d’un seul État membre, mais celle de l’ensemble des États membres de l’Union, ne saurait être regardé comme étant contraire au principe de proportionnalité » ( 56 ).
55. En ce qui concerne le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce principe « fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre » ( 57 ). La Cour a également précisé que, « [e]n ce qui concerne le contrôle
juridictionnel de ces conditions, il y a lieu toutefois de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il est amené à intervenir dans un domaine impliquant, de sa part, des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Ainsi, dans son contrôle juridictionnel de l’exercice d’une telle compétence, la Cour ne saurait substituer son appréciation à celle du législateur de l’Union. Elle ne
pourrait tout au plus censurer son choix normatif que s’il paraissait manifestement erroné ou si les inconvénients qui en résultent pour certains acteurs économiques étaient sans commune mesure avec les avantages qu’il présente par ailleurs » ( 58 ). Elle a ensuite reconnu que « l’instauration d’un système de comptabilisation et d’échange des quotas d’émission d’équivalent-dioxyde de carbone à l’échelle de l’Union a constitué un choix normatif traduisant une orientation politique, dans un
contexte d’urgence à faire face à de graves préoccupations environnementales […] Ce choix normatif reposait, de plus, sur des considérations économiques et techniques hautement complexes et largement débattues […] Dans le but de contribuer à la réalisation des engagements de l’Union européenne et de ses États membres au titre du protocole de Kyoto, le législateur de l’Union a donc été conduit à apprécier et à pondérer lui-même les effets futurs et incertains de son intervention » ( 59 ). Comme
je l’ai rappelé plus haut ( 60 ), la Cour a déjà eu l’occasion de constater la complexité du SEQE.
56. Il me semble, dès lors, que le caractère disproportionné de la décision attaquée ne serait susceptible de censure de la part de la Cour que dans la mesure où il apparaîtrait de manière manifeste que le législateur de l’Union s’est trompé. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, une fois que l’objectif réellement poursuivi sera identifié – ce qui a déjà été fait, dans une large mesure, dans le cadre de l’analyse du premier moyen – je constaterai que la décision attaquée apparaît comme une
mesure adaptée à la réalisation de cet objectif, qui ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire et qui ne soumet pas les opérateurs économiques concernés à des inconvénients démesurés par rapport aux avantages retirés de ladite décision.
57. Quant à l’objectif poursuivi, la requérante a concentré son argumentation sur une analyse erronée. Il est, en effet, particulièrement réducteur d’affirmer que la décision attaquée n’a pas d’autre but que de faire en sorte que l’Union atteigne les objectifs de réduction des émissions fixés par les engagements internationaux et, en particulier, celui fixé à l’horizon de l’année 2020. L’Union n’a jamais caché son intention d’aller au-delà des objectifs internationalement fixés, intention qui est,
entre autres, clairement exprimée dans la directive 2009/29 ( 61 ). En tout état de cause, l’objectif poursuivi par le législateur et identifié au moment de déterminer la base juridique de l’acte en question ne saurait être différent de celui sur la base duquel l’examen du respect du principe de proportionnalité doit être mené. Partant, je rappelle ( 62 ) que, selon moi, la décision attaquée a été conçue comme un élément devant stabiliser le marché du carbone notoirement excédentaire en quotas
et comme un outil devant répondre aux différentes menaces empêchant le SEQE de fonctionner de manière efficace à long terme ( 63 ).
58. Or, à la lumière de cet objectif, et compte tenu des données à la disposition des institutions au moment où elles sont intervenues, je ne parviens pas à identifier une quelconque erreur manifeste d’appréciation, seule susceptible de censure.
59. En effet, le rapport de la Commission de 2012 ( 64 ) avait mis en évidence le déséquilibre structurel affectant le SEQE rendant une intervention législative en vue du rétablissement de son bon fonctionnement nécessaire. Cette intervention législative a abouti, comme je l’ai expliqué, à la création d’une réserve dans laquelle les quotas excédentaires seront placés de manière temporaire, le temps que le marché des quotas retrouve son équilibre. Dans l’hypothèse où cet équilibre serait menacé non
plus par un excédent de quotas mais par un déficit de quotas, la réserve relâchera sur le marché les quotas qui y ont été placés provisoirement. Un tel mécanisme se révèle donc tout à fait adapté à l’objectif poursuivi de réduire la volatilité du marché des quotas. En outre, il est à noter que le retrait des quotas est temporaire et que la RSM ne commencera à fonctionner qu’en 2019. Ce faisant, le législateur a laissé aux opérateurs plus de trois ans pour se préparer.
60. Ainsi, le choix normatif opéré par le législateur n’apparaît pas manifestement erroné. Par ailleurs, la République de Pologne n’a pas démontré que les inconvénients qui en résultent pour certains opérateurs économiques étaient disproportionnés par rapport aux avantages que ce choix présente par ailleurs, au sens de la jurisprudence rappelée ci‑dessus ( 65 ), en raison, premièrement, de l’absence de lien direct entre la RSM et la détermination du prix des quotas et, deuxièmement, du fait que
l’objectif premier – faut-il le rappeler – est celui d’une stabilisation du prix des quotas.
61. Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter les quatrième et cinquième moyens comme étant non fondés.
Conclusion de l’analyse
62. Ayant conclu au rejet de l’ensemble des moyens soulevés par la requérante, je suggère à la Cour de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
63. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Le Parlement et le Conseil ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la République de Pologne aux dépens exposés par ces deux institutions.
64. Par ailleurs, conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume de Danemark, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume de Suède ainsi que la Commission supporteront, en tant que parties intervenantes, leurs propres dépens.
Conclusion
65. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :
1. Le recours est rejeté.
2. La République de Pologne est condamnée aux dépens exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.
3. Le Royaume de Danemark, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume de Suède ainsi que la Commission européenne supportent leurs propres dépens.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) JO 2015, L 264, p. 1.
( 3 ) JO 2003, L 275, p. 32. Sauf précision contraire, à chaque fois que je ferai référence, dans les présentes conclusions, à la directive 2003/87, je désignerai ainsi la version initiale, c’est-à-dire non modifiée, de ladite directive.
( 4 ) JO 2009, L 140, p. 63.
( 5 ) Voir, notamment, considérant 2 de la directive 2003/87.
( 6 ) Considérant 3 de la directive 2009/29.
( 7 ) Voir règlement (UE) no 1031/2010 de la Commission, du 12 novembre 2010, relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à la directive 2003/87 (JO 2010, L 302, p. 1), décision no 377/2013/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 avril 2013, dérogeant temporairement à la directive 2003/87 (JO 2013, L 113, p. 1), ainsi que règlement (UE) no 176/2014 de la Commission, du 25 février 2014, modifiant le
règlement no 1031/2010 afin, notamment, de déterminer les volumes de quotas d’émission de gaz à effet de serre à mettre aux enchères pour la période 2013-2020 (JO 2014, L 56, p. 11).
( 8 ) COM(2012) 652 final du 14 novembre 2012.
( 9 ) La République fédérale d’Allemagne ne déposera finalement aucun mémoire en intervention ni n’interviendra lors de la phase orale de la présente procédure.
( 10 ) La requérante se réfère en particulier au document de travail des services de la Commission « Analyse d’impact accompagnant la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE » (ci-après l’ « analyse d’impact ») (SWD/2014/017 final, p. 53).
( 11 ) Arrêt du 3 octobre 2013, Commission/Lettonie (C‑267/11 P, EU:C:2013:624, point 58).
( 12 ) La requérante se réfère ici aux arrêts du 23 février 1999, Parlement/Conseil (C‑42/97, EU:C:1999:81), et du 12 décembre 2002, Commission/Conseil (C‑281/01, EU:C:2002:761), ainsi qu’aux conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Commission/Lettonie (C‑267/11 P, EU:C:2013:46).
( 13 ) Voir annexe C1 du mémoire en réplique de la République de Pologne.
( 14 ) Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil (C‑36/98,EU:C:2001:64, points 58 et 59), du 6 septembre 2012, Parlement/Conseil (C‑490/10, EU:C:2012:525, points 44 et 45), ainsi que du 11 juin 2014, Commission/Conseil (C‑377/12, EU:C:2014:1903, point 34).
( 15 ) Les conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Commission/Lettonie (C‑267/11 P, EU:C:2013:46), et en particulier leur point 58 que les parties ont invoqué, ne me semblent pas avoir procédé à une analyse autre que celle du but et du contenu de l’acte. En effet, ce point s’est borné à rappeler, eu égard à la base juridique de la directive 2003/87, que « la Commission ne pouvait pas interpréter ou appliquer la directive 2003/87 de manière à ce que, pour l’essentiel, elle affecte
sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. La base juridique de cette directive ne serait cependant pas remise en cause si ladite directive affectait, même sensiblement, seulement une composante ou une finalité de second ordre, en quelque sorte à titre d’effet secondaire » (italique ajouté par mes soins).
( 16 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, points 31 à 33). Voir, également, arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka (C‑203/12, EU:C:2013:664, point 26).
( 17 ) Voir arrêt du 22 juin 2016, DK Recycling und Roheisen/Commission (C‑540/14 P, EU:C:2016:469, point 49 et jurisprudence citée).
( 18 ) Considérant 1 de la décision attaquée.
( 19 ) EUCO/69/14 du 24 décembre 2014.
( 20 ) Point 2.3 des conclusions du Conseil européen, rappelées au considérant 2 de la décision attaquée.
( 21 ) Voir p. 5 du rapport de la Commission de 2012.
( 22 ) Voir p. 6 du rapport de la Commission de 2012.
( 23 ) Voir page 7 du rapport de la Commission de 2012.
( 24 ) Article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée.
( 25 ) Article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée.
( 26 ) Article 1er, paragraphe 5, de la décision attaquée.
( 27 ) Voir, également, article 1er, paragraphe 5, de la décision attaquée.
( 28 ) Considérant 4 de la décision attaquée.
( 29 ) Selon les termes de l’article 191, paragraphe 1, premier tiret, TFUE.
( 30 ) Voir note 19 des présentes conclusions.
( 31 ) La requérante fait ici référence à une déclaration faite par elle-même, ainsi que par la République de Bulgarie, la République de Croatie, la Hongrie et la Roumanie lors d’une réunion du Conseil « Environnement » qui s’est tenue le 18 septembre 2015.
( 32 ) Voir point 2.3 des conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014.
( 33 ) Voir proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la création et le fonctionnement d’une RSM pour le [SEQE] de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87 [COM(2014)20 final du 22 janvier 2014].
( 34 ) Tout au plus peut-il intervenir, lorsque le traité le prévoit, pour tenter de débloquer le processus législatif : voir, notamment, article 48, article 82, paragraphe 3, article 86, paragraphe 1, et article 87, paragraphe 3, TFUE.
( 35 ) Voir article 1er du règlement no 176/2014.
( 36 ) Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 77 et jurisprudence citée).
( 37 ) Voir arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 79).
( 38 ) Voir article 1er de la décision attaquée.
( 39 ) Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêt du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport (C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 70), et ordonnance du 4 juillet 2013, Menidzherski biznes reshenia (C‑572/11, non publiée, EU:C:2013:456, point 29).
( 40 ) Arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 78 et jurisprudence citée).
( 41 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 60). Sur la complexité du domaine d’action, voir, également, arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka (C‑203/12, EU:C:2013:664, point 36).
( 42 ) Voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 57).
( 43 ) Voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 62).
( 44 ) On notera également que le facteur linéaire est lui-même sujet à modification : voir article 9 de la directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29.
( 45 ) Voir note 33 des présentes conclusions.
( 46 ) L’intitulé du règlement no 176/2014 fait référence à la période 2013-2020 puis le corpus dudit règlement mentionne la période 2014-2020 (voir considérant 3 du règlement no 176/2014), puis 2014-2016 (voir article 1er du règlement no 176/2014). Si la période pertinente à considérer est celle de 2013-2020, force est de constater que le règlement no 176/2014, entré en vigueur sans délai (voir considérant 7 et article 2 du règlement no 176/2014), est intervenu au cours de cette période pour en
modifier les règles de fonctionnement.
( 47 ) Je pense notamment ici au rapport de la Commission de 2012, aux différentes modifications apportées à la directive 2003/87 par le législateur lui-même ainsi qu’aux interventions plus ponctuelles de la Commission dans le cadre de son pouvoir d’exécution.
( 48 ) JO 2003, C 321, p. 1. La requérante invoque également l’accord interinstitutionnel relatif à l’analyse d’impact des réglementations [Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats – Un enjeu prioritaire pour l’UE », COM(2015) 215 final].
( 49 ) Document de travail de la Commission « Better Regulation Guidelines » [SWD(2015) 111 final du 19 mai 2015].
( 50 ) Voir arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C‑310/04, EU:C:2006:521, point 122).
( 51 ) Arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, point 65 et jurisprudence citée).
( 52 ) Arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, point 66).
( 53 ) Voir points 7.2, 7.4, 7.4.1, 7.4.2 et 7.5 de l’analyse d’impact.
( 54 ) L’analyse menée par la représentation britannique a été publiée.
( 55 ) Voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C‑310/04, EU:C:2006:521, point 122).
( 56 ) Arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil (C‑508/13, EU:C:2015:403, point 39).
( 57 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka (C‑203/12, EU:C:2013:664, point 34 et jurisprudence citée).
( 58 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka (C‑203/12, EU:C:2013:664, point 35 et jurisprudence citée).
( 59 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka (C‑203/12, EU:C:2013:664, point 36).
( 60 ) Voir point 40 des présentes conclusions.
( 61 ) Voir, notamment, considérants 4 à 6 de la directive 2009/29. Les objectifs de réduction fixés au niveau international ne sont pas davantage considérés comme indépassables par le Conseil européen : voir conclusions de ce dernier des 23 et 24 octobre 2014 citées au point 22 des présentes conclusions.
( 62 ) Voir points 19 et suiv. des présentes conclusions.
( 63 ) Voir, à nouveau, considérant 5 de la décision attaquée.
( 64 ) Voir point 22 des présentes conclusions.
( 65 ) Voir point 55 des présentes conclusions.