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20/12/2017 | CJUE | N°C-203/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Dirk Andres contre Commission européenne., 20/12/2017, C-203/16


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 20 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑203/16 P

Dirk Andres (administrateur judiciaire de Heitkamp BauHolding GmbH), anciennement Heitkamp BauHolding GmbH,

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Législation fiscale allemande concernant le report des pertes sur les années fiscales futures (Sanierungsklausel) – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Recevabilité 

Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Affectation individuelle – Notion d’“aide d’État” – Sélectivité – Système de référence – Compar...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 20 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑203/16 P

Dirk Andres (administrateur judiciaire de Heitkamp BauHolding GmbH), anciennement Heitkamp BauHolding GmbH,

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Législation fiscale allemande concernant le report des pertes sur les années fiscales futures (Sanierungsklausel) – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Recevabilité – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Affectation individuelle – Notion d’“aide d’État” – Sélectivité – Système de référence – Comparaison – Justification »

1. Par son pourvoi, l’administrateur judiciaire de Heitkamp BauHolding GmbH (ci-après « HBH ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 février 2016, Heitkamp BauHolding/Commission ( 2 ). Par cet arrêt, le Tribunal a rejeté le recours dirigé contre la décision 2011/527/UE ( 3 ) relative à une aide d’État mise à exécution par la République fédérale d’Allemagne au titre d’un régime autorisant le report des pertes dans le cadre de l’assainissement d’entreprises en
difficulté.

2. Le pourvoi soulève deux questions fondamentales du droit des aides d’État de l’Union.

3. La première question est d’ordre procédural. Elle porte sur les exigences relatives à la qualité pour agir des particuliers définies à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE : la requérante est-elle individuellement concernée par la décision en cause au sens de la jurisprudence découlant de l’arrêt Plaumann ( 4 ). Plus particulièrement, lorsqu’une économie d’impôt résultant de la mesure nationale mise en cause n’a pas encore été fixée par une décision de taxation définitive, l’entreprise peut-elle
néanmoins satisfaire au critère de l’affectation individuelle ? À cet égard, la présente affaire offre à la Cour l’opportunité d’examiner, dans le contexte de l’adoption de mesures fiscales, la délimitation, sans doute ambiguë, entre les entreprises qui ont qualité pour agir et celles qui ne l’ont pas.

4. La seconde question porte sur une problématique de fond. Elle concerne un des éléments constitutifs de la notion d’« aide d’État ». De quelle manière la notion de « sélectivité » doit-elle être interprétée dans le contexte spécifique des mesures de fiscalité directe ? Dans le prolongement de l’arrêt World Duty Free ( 5 ), la Cour est à même de fournir dans la présente affaire des orientations sur les paramètres qui doivent imprégner la définition du régime fiscal normal (le système de référence).
Cette question revêt une importance particulière, étant précisé que c’est à l’aune du système de référence que la sélectivité d’une mesure fiscale doit être appréciée ( 6 ).

I. Les antécédents du litige

5. S’agissant des antécédents du présent litige, il ressort de la décision litigieuse et de l’arrêt attaqué les éléments suivants.

A. Le cadre juridique national

6. En Allemagne, l’imposition des sociétés repose essentiellement sur l’Einkommensteuergesetz (loi sur l’impôt sur le revenu) et sur le Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après le « KStG »).

7. En vertu de l’article 10d, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt sur le revenu, les pertes réalisées au cours d’un exercice fiscal peuvent être reportées sur des exercices fiscaux ultérieurs. Cela signifie que les pertes en question peuvent être soustraites des revenus imposables des années suivantes (ci-après la « règle du report des pertes »). En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du KStG, la règle du report des pertes s’applique également aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

8. La possibilité de report des pertes a conduit à l’acquisition de « sociétés coquilles vides » aux seules fins d’économie d’impôt. Ces sociétés avaient cessé toute activité commerciale depuis un certain temps, mais disposaient encore de reports de pertes.

9. Afin de prévenir le négoce de telles sociétés, l’article 8, paragraphe 4, du KStG a été introduit en 1997. En vertu de cette disposition, la possibilité de report des pertes a été limitée aux sociétés qui étaient juridiquement et économiquement identiques à celles ayant réalisé des pertes (ci-après l’« ancienne règle de la mise en non-valeur des pertes »). La règle ne contenait pas de définition de la notion d’« économiquement identiques », mais en donnait un exemple positif et deux exemples
négatifs :

« a) Une identité économique n’existe pas dès lors que plus de la moitié des parts d’une société de capitaux est transférée et que la société de capitaux continue, ou reprend, ses activités sur la base d’un capital d’exploitation principalement nouveau.

b) En revanche, il y a identité économique, dès lors que le nouveau capital d’exploitation investi sert uniquement au redressement de l’entreprise à l’origine de la déduction résiduelle des pertes et que l’entité poursuit les activités de l’entreprise pendant cinq ans à une échelle comparable à celle caractérisant l’image globale de la situation économique.

c) Une identité économique est également réputée donnée lorsqu’au lieu d’effectuer un investissement dans le capital d’exploitation, l’acquéreur compense les pertes enregistrées par l’entreprise déficitaire. »

10. L’exception à la mise en non-valeur des pertes (points b et c) était généralement désignée comme la « Sanierungsklausel », une clause permettant l’assainissement de sociétés en difficulté.

11. En janvier 2008, l’ancienne règle de mise en non-valeur des pertes, prévue à l’article 8, paragraphe 4, du KStG, a été abrogée. Un nouvel article 8c, paragraphe 1, a été inséré dans le KStG (ci-après la « règle de la mise en non-valeur des pertes »). Cette disposition limitait la possibilité de report des pertes dans le cas d’acquisition de 25 % ou plus des parts dans une société (ci-après la « prise de participation préjudiciable »). Plus précisément, si 25 % à 50 % du capital souscrit, des
droits des associés, des droits de participation ou des droits de vote sont transférés, la règle de la mise en non-valeur des pertes non utilisées s’applique proportionnellement. Si plus de 50 % du capital souscrit, des droits des associés, des droits de participation ou des droits de vote sont transférés, la règle de la mise en non-valeur des pertes s’applique intégralement.

12. À la date où la règle de la mise en non-valeur des pertes est entrée en vigueur, elle ne prévoyait aucune exception. Toutefois, les autorités fiscales pouvaient, dans une situation de prise de participation préjudiciable visant à l’assainissement d’entreprises en difficulté, accorder des exonérations d’impôt en équité, en application du décret d’assainissement du ministère des Finances allemand, du 27 mars 2003.

13. En juin 2009, une autre disposition a été insérée dans le KStG, à savoir l’article 8c, paragraphe 1a. En vertu de cette disposition, il était à nouveau possible de reporter les pertes lorsqu’une société en difficulté était acquise aux fins d’assainissement (ci-après la « clause d’assainissement » ou la « mesure litigieuse »).

14. Plus précisément, au titre de cette clause, même en cas de prise de participation préjudiciable, une entité qui a été acquise peut reporter les pertes à condition que : i) l’acquisition des parts vise à l’assainissement de la société, ii) au moment de l’acquisition, la société est insolvable ou surendettée ou menacée de le devenir, iii) ses structures essentielles sont conservées, iv) aucun changement de secteur économique n’a lieu dans les cinq années qui suivent l’acquisition de la
participation et v) au moment de l’acquisition de la participation, la société n’avait pas cessé ses activités.

15. La clause d’assainissement est entrée en vigueur le 10 juillet 2009. Elle s’applique rétroactivement à compter du 1er janvier 2008, c’est-à-dire à la même date d’entrée en vigueur que la règle de la mise en non-valeur des pertes.

B. La décision litigieuse

16. La décision litigieuse a été adoptée le 26 janvier 2011. En vertu de son article 1er, l’aide d’État octroyée sur le fondement de l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG, mise illégalement à exécution par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, n’est pas compatible avec le marché intérieur.

17. En ce qui concerne l’existence de l’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, la Commission européenne a estimé notamment que la clause d’assainissement constituait une exception à la règle générale prévoyant la mise en non-valeur des pertes non utilisées par des sociétés dont l’actionnariat avait été modifié. Selon la Commission, la clause en question était susceptible de conférer un avantage sélectif aux sociétés qui remplissaient les conditions pour en bénéficier. La différence de traitement
n’était pas justifiée par la nature ou l’économie générale du système. En effet, selon la décision litigieuse, la clause d’assainissement visait à lutter contre les problèmes dus à la crise économique et financière, ce qui constituait un objectif extérieur au régime fiscal.

18. Aux articles 2 et 3 de la décision litigieuse, un nombre limité d’aides individuelles octroyées à certains bénéficiaires au titre du régime d’assainissement en vertu de l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG ont été déclarées compatibles avec le marché intérieur sous réserve que certaines conditions soient remplies.

19. Aux articles 4 et 6 de la décision litigieuse, la Commission a ordonné à la République fédérale d’Allemagne de récupérer les aides incompatibles octroyées au titre des mesures litigieuses et de lui communiquer une liste des bénéficiaires du régime d’aides.

C. Les faits à l’origine du pourvoi

20. Au moment de l’adoption de la décision litigieuse, HBH était en risque d’insolvabilité. Le 20 février 2009, Heitkamp KG, la société mère de HBH, a acquis les parts de cette dernière en vue de procéder à une fusion des deux sociétés. À la date de cette acquisition, la requérante remplissait les conditions d’application de la clause d’assainissement. Cela ressort clairement d’un renseignement contraignant émanant du Finanzamt Herne (administration fiscale de Herne, Allemagne) du 11 novembre 2009
(ci-après le « renseignement contraignant »). Le 29 avril 2010, la requérante a également reçu des autorités fiscales un avis d’acompte relatif à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal 2009 qui tenait compte des pertes reportées au titre de la clause d’assainissement.

21. Le 24 février 2010, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concerne la mesure litigieuse. Par lettre du 30 avril 2010, le ministère des Finances allemand a ordonné aux autorités fiscales de ne pas appliquer la clause d’assainissement.

22. Le 27 décembre 2010, l’avis d’acompte du 29 avril 2010 a été remplacé par un nouvel avis relatif à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal 2009. Cet avis n’a pas pris en compte la clause d’assainissement.

23. Le 1er avril 2011, HBH a reçu les avis d’imposition relatifs à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle de base pour l’exercice fiscal 2009. Étant donné que la clause d’assainissement n’avait pas été appliquée, la requérante n’était pas en mesure de reporter les pertes existant au 31 décembre 2008.

24. Le 19 avril 2011, les autorités fiscales ont annulé le renseignement contraignant.

25. Le 22 juillet 2011, conformément à la décision litigieuse, la République fédérale d’Allemagne a envoyé à la Commission une liste des sociétés qui avaient bénéficié de la mesure litigieuse. Elle lui a également envoyé une liste des sociétés pour lesquelles des renseignements contraignants relatifs à l’application de la clause d’assainissement avaient été annulés. HBH figurait sur cette dernière liste.

26. La requérante a contesté les avis d’acompte et d’imposition susmentionnés devant les autorités fiscales et devant les juridictions nationales compétentes. Par ordonnance du 1er août 2011, le Finanzgericht Münster (tribunal des finances de Münster, Allemagne) a accordé le sursis à l’exécution de ces avis.

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

27. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2011, HBH a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

28. Par acte séparé déposé le 16 septembre 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité.

29. Par acte déposé le 29 août 2011, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 5 octobre 2011, le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

30. Par ordonnance du Tribunal du 21 mai 2014, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

31. À l’appui de son recours, HBH a soulevé deux moyens, tirés, d’une part, de l’absence de caractère sélectif prima facie de la mesure litigieuse et, d’autre part, de la justification de la mesure litigieuse par la nature et l’économie du régime fiscal.

32. À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission a fait valoir que HBH n’avait pas qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Plus précisément, elle soutenait que HBH n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse et que celle-ci comportait des mesures d’exécution. Par ailleurs, la Commission soutenait que, n’étant pas bénéficiaire de l’aide, HBH n’avait pas d’intérêt à agir.

33. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, rejeté l’exception d’irrecevabilité. À cet égard, il a jugé que HBH était directement et individuellement concernée par la décision litigieuse. Ensuite, le Tribunal a rejeté le recours introduit par HBH comme non fondé.

III. Procédure devant la Cour et conclusions des parties

34. Par son pourvoi, HBH demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le recours a été rejeté comme étant non fondé (points 2 et 3 du dispositif) et d’annuler la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le recours a été rejeté comme étant non fondé (points 2 et 3 du dispositif) et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

– de condamner la Commission aux dépens.

35. La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner HBH aux dépens.

36. Par son pourvoi incident, la Commission demande à la Cour :

– d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt ;

– de rejeter le recours de première instance comme étant irrecevable ;

– de rejeter le pourvoi ;

– de rejeter le point 3 du dispositif de l’arrêt en ce qu’il condamne la Commission à supporter un tiers de ses dépens ;

– de condamner HBH aux dépens de la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.

37. HBH demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident comme étant non fondé et de condamner la Commission aux dépens.

38. HBH, la Commission et le gouvernement allemand ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 19 octobre 2017.

IV. Analyse

39. HBH s’appuie sur deux moyens au soutien de son pourvoi. Le premier moyen est tiré de ce que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas respecté l’obligation de motivation. L’arrêt attaqué serait, selon elle, entaché d’une motivation insuffisante ou contradictoire. Le second moyen est tiré de ce que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce moyen vise plusieurs erreurs de droit dans l’appréciation de la sélectivité de la mesure litigieuse.

40. La Commission fait valoir que les deux moyens du pourvoi devrait être rejetés comme étant soit irrecevables soit non fondés.

41. La Commission a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt. Son moyen unique est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a accueilli le recours en annulation de HBH. En effet, selon elle, HBH n’aurait pas qualité pour agir : elle ne serait pas individuellement concernée par la décision litigieuse. Par conséquent, le recours introduit en premier instance par HBH aurait dû être rejeté comme étant irrecevable.

42. HBH estime que le pourvoi incident doit être rejeté comme étant non fondé.

43. Pour des raisons d’ordre procédural, je traiterai en premier lieu le pourvoi incident.

A. Le pourvoi incident : la requérante est-elle individuellement concernée par la décision litigieuse ?

44. La Commission fait valoir que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété de manière erronée la notion d’« affectation individuelle » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ( 7 ). Plus précisément, en reconnaissant à HBH la qualité pour agir, l’arrêt attaqué s’écarte de la jurisprudence constante de la Cour relative à ce critère dans le contexte spécifique des recours en annulation contre des décisions adoptées par la Commission déclarant des régimes d’aides incompatibles avec le
marché intérieur.

45. La Commission fait valoir que l’arrêt attaqué brouille la distinction claire, établie dans la jurisprudence, entre les bénéficiaires effectifs d’une aide ayant qualité pour agir et les bénéficiaires potentiels futurs ne l’ayant pas. Plus précisément, elle critique le fait que, dans son appréciation, en ce qui concerne le critère de l’affectation individuelle, le Tribunal s’est appuyé sur l’affirmation que HBH avait un « droit acquis » à une économie d’impôt.

46. HBH ne partage pas cette position.

47. Afin d’expliquer les raisons pour lesquelles j’estime que HBH a qualité pour agir, je commencerai par quelques remarques introductives sur le critère de l’affectation individuelle dans le contexte spécifique de la législation en matière d’aides d’État.

1.   Remarques liminaires sur le critère de l’affectation individuelle en matière d’aides d’État

48. L’accès aux tribunaux et – par extension – le contrôle juridictionnel constituent le socle d’un système juridique fondé sur le principe de responsabilité et sur l’état de droit. C’est donc, non sans raison, que la question de la qualité pour agir des particuliers en droit de l’Union a stimulé l’imagination de la communauté juridique depuis (voire avant) l’arrêt de principe rendu par la Cour dans l’affaire Plaumann ( 8 ). Encore aujourd’hui, cet arrêt de principe constitue le fondement de
l’interprétation des conditions relatives à la qualité pour agir prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

49. En règle générale, aux fins d’introduire un recours contre un acte des institutions de l’Union, un particulier qui n’est pas destinataire de l’acte en question doit démontrer qu’il est directement et individuellement concerné par cet acte, sauf dans le cas spécifique d’un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans ce cas, il suffit d’établir être directement concerné par un tel acte réglementaire.

50. Toutefois, en ce qui concerne les décisions prises en matière d’aides d’État, si une entreprise souhaite exercer un recours en annulation contre une décision adoptée par la Commission déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur, une affectation directe et individuelle doit être démontrée ( 9 ).

51. La Cour a adopté une approche stricte des conditions relatives à la qualité pour agir des particuliers. Le critère de l’affectation individuelle est particulièrement difficile à satisfaire.

52. Dans l’arrêt Plaumann, la Cour a jugé que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteints en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire ( 10 ).

53. La Cour est restée constante dans son approche, en dépit des invitations à réexaminer ce critère et des propositions alternatives à celui-ci ( 11 ).

54. Le critère a également été adapté dans le contexte spécifique du droit des aides d’État dans lequel les décisions adoptées par la Commission s’adressent uniquement à l’État membre concerné.

55. Dans ce contexte particulier, une entreprise qui souhaite introduire un recours contre une décision de la Commission interdisant un régime d’aides ne satisfera pas au critère d’affectation individuelle uniquement par le fait que cette entreprise appartient au secteur en question ou qu’elle est bénéficiaire potentielle de ce régime ( 12 ). À cet égard, la Cour a précisé que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels
s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure ( 13 ).

56. Plus précisément, l’affectation individuelle exige l’appartenance à un groupe fermé et identifiable à la date de l’adoption de la décision litigieuse ( 14 ). Tel est le cas notamment des bénéficiaires effectifs de l’aide, c’est-à-dire les entreprises qui ont reçu un avantage positif ( 15 ). Mais ce n’est toutefois pas le seul cas où l’affectation individuelle est admise. La Cour a aussi, dans certaines circonstances particulières, admis des recours introduits par des concurrents des
bénéficiaires de mesures d’aides d’État ( 16 ).

57. L’approche de la Cour en matière d’aides d’État montre que le critère de l’affectation individuelle au sens de l’arrêt Plaumann, est satisfait lorsque le particulier peut être individualisé sur la base de certaines qualités spécifiques. Ces qualités peuvent être liées, entre autres, à l’impact substantiel de l’aide sur la position sur le marché d’un concurrent ou au fait que l’entreprise a effectivement reçu un avantage positif provenant de ressources d’État.

58. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, au vu de la situation factuelle et juridique particulière de HBH, considéré que cette entreprise était individuellement concernée par la décision litigieuse conformément à la jurisprudence Plaumann. En concluant ainsi, le Tribunal s’est fondé sur le fait que HBH aurait bénéficié de la clause d’assainissement à la fin de l’exercice fiscal (2009). Les autorités allemandes n’avaient conservé aucune marge de manœuvre en ce qui concerne l’application de cette
clause. À cet égard, le Tribunal a mis un accent particulier sur le « droit acquis » de HBH, certifié par les autorités allemandes par le biais du renseignement contraignant. Cela la distingue par rapport à tout autre entreprise qui remplissait les conditions pour bénéficier de la clause d’assainissement ( 17 ).

59. La Commission estime que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit. Toutefois, contrairement à ce que suggère la Commission, déterminer si un particulier est individuellement concerné par une décision de la Commission en matière d’aides d’État n’est aucunement un exercice arithmétique : la jurisprudence ne procède pas d’une logique binaire, basée sur la distinction entre bénéficiaires potentiels et bénéficiaires effectifs de l’aide. Comme je l’illustrerai ci-dessous, ce qui est
décisif au titre du critère de la jurisprudence Plaumann – appliquée dans le contexte de la législation en matière d’aides d’État – est que le requérant puisse être individualisé par rapport à d’autres entreprises sur la base de caractéristiques spéciales. Ces caractéristiques peuvent varier d’un cas à l’autre.

2.   La détermination de l’affectation individuelle dans le contexte des mesures fiscales : la présente affaire

60. Ainsi que l’illustre la présente affaire, la manière dont la notion de « bénéficiaire effectif d’une aide » doit être interprétée est un sujet controversé dans le contexte particulier de mesures fiscales. En effet, dans ce contexte, opérer une distinction nette entre bénéficiaires potentiels et bénéficiaires effectifs peut s’avérer particulièrement difficile. Il en est ainsi eu égard au fait que les mesures fiscales impliquent rarement le paiement concret d’une aide.

61. La Commission fait valoir en substance que la distinction est cruciale étant donné que seuls les bénéficiaires effectifs d’une aide satisferaient au critère de l’affectation individuelle. Selon elle, seuls ces bénéficiaires pourraient exercer un recours en annulation contre une décision déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur.

62. La jurisprudence n’étaye pas la position de la Commission. En réalité, il me semble que la Commission tente artificiellement d’extraire de la jurisprudence de la Cour une règle d’application générale qui n’y existe tout simplement pas.

63. Au soutien de sa position, la Commission s’appuie essentiellement sur deux affaires. Elle fonde son interprétation sur la jurisprudence découlant des arrêts rendus par la Cour dans les affaires Italie et Sardegna Lines ( 18 ) et Comitato «Venezia vuole vivere» ( 19 ). Dans ces deux affaires, la Cour a admis que les bénéficiaires d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides dont la Commission avait ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de
l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En outre, il découle de l’arrêt Italie et Sardegna Lines que, contrairement à de tels bénéficiaires, les bénéficiaires potentiels qui appartiennent simplement au secteur concerné n’ont pas qualité pour agir ( 20 ).

64. À mon sens, les enseignements pouvant être tirés de ces affaires sont limités. D’une part, ces affaires confirment que les bénéficiaires effectifs (à savoir ceux qui ont effectivement reçu une aide dont la récupération a été ordonnée) doivent être autorisés à introduire un recours contre une décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur. D’autre part, ce droit ne s’étend pas à des entreprises qui sont seulement de potentiels bénéficiaires futurs d’un régime d’aides.

65. À cet égard, la logique inhérente est que le groupe des bénéficiaires effectifs peut être individualisé – au sens de la jurisprudence Plaumann – par rapport à des entreprises qui n’ont pas bénéficié de l’aide. Il est certain que cette distinction est particulièrement utile dans le contexte de régimes d’aides qui impliquent un transfert de fonds de l’État aux entreprises concernées.

66. Cependant, à mon sens, il ne peut être tiré de ces affaires aucune conclusion définitive en ce qui concerne d’autres entreprises qui, dans des circonstances spécifiques, peuvent être individuellement concernées par une décision déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur.

67. De manière plus fondamentale, la distinction entre les bénéficiaires effectifs et les bénéficiaires potentiels est simplement un outil terminologique utilisé pour, abstraitement, distinguer certaines catégories d’entreprises qui sont, ou non, individuellement concernées par une telle décision.

68. Selon moi, le critère juridique pertinent reste celui qui a été défini dans l’arrêt Plaumann : le requérant appartient-il à un groupe fermé qui, au vu de qualités spécifiques, peut être individualisé par rapport à d’autres ?

69. Vu sous cet angle, il est évident que des qualités, autres que celles liées au statut de bénéficiaire effectif du requérant, peuvent présenter une pertinence dans cette appréciation. De toute évidence, le point de savoir quelles sont ces qualités est une question qui ne peut pas être résolue dans l’abstrait. Au contraire, cette appréciation est fortement tributaire des circonstances.

70. Eu égard à cet arrière-plan, je ne partage pas la position de la Commission selon laquelle il ne serait pas possible, dans les présentes circonstances, de s’appuyer sur l’arrêt Belgique et Forum 187 ( 21 ) et sur l’arrêt FrieslandCampina ( 22 ). Ces arrêts, qui sont intervenus dans le contexte de mesures transitoires relatives à une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, illustrent la volonté de la Cour de reconnaître une qualité pour agir à des requérants qui ont pris toutes les
mesures nécessaires pour bénéficier de la mesure nationale incriminée sans effectivement recevoir un avantage ( 23 ).

71. Contrairement à ce que soutient la Commission, je ne perçois pas non plus la raison pour laquelle les arrêts Stichting Woonpunt ( 24 ) et Stichting Woonlinie ( 25 ) ne présenteraient pas de pertinence en l’espèce. Dans ces arrêts, la Cour a estimé que l’affectation individuelle était établie par le fait que, avant que la décision attaquée ait été adoptée, les requérantes avaient acquis le droit de faire usage de l’avantage fiscal qui a été, postérieurement, déclaré incompatible avec le marché
intérieur ( 26 ).

72. Eu égard à la nature de la mesure en cause en l’espèce, il semble justifié que le Tribunal se soit inspiré des arrêts susmentionnés. En réalité, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, HBH ne satisfaisait pas uniquement dans l’abstrait aux conditions générales d’application de la clause d’assainissement. Elle avait en outre aussi reçu un renseignement contraignant et un avis d’acompte relatif à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal 2009 qui tenait compte du report des pertes
en application de la clause d’assainissement. C’est cette circonstance que le Tribunal a considéré comme constituant un « droit acquis ».

73. C’est précisément à cause de ce renseignement contraignant et de cet avis d’acompte que la situation de HBH est fondamentalement différente de celle d’entreprises qui satisfont simplement aux conditions générales d’application de la clause d’assainissement ( 27 ). C’est la raison pour laquelle la requérante remplit le critère d’affectation individuelle.

74. Il est certain que la formulation choisie par le Tribunal est malheureuse. Ainsi que l’illustre l’argumentation de la Commission, ce choix peut conduire à ce que des parallèles non voulus soient faits avec le principe de protection de la confiance légitime découlant du droit de l’Union. Néanmoins, telle que je la comprends, la référence à un « droit acquis » tente seulement de décrire dans la présente affaire, aux fins de l’appréciation de l’affectation individuelle au sens de l’arrêt Plaumann,
les circonstances factuelles et juridiques qui distinguent HBH par rapport aux autres entreprises.

75. Je souhaite souligner que, en matière fiscale, il peut s’avérer particulièrement difficile de déterminer le moment décisif auquel une entreprise a effectivement reçu une aide. Fixer la date pertinente est, dans une certaine mesure, arbitraire. Est-ce la date à laquelle le renseignement contraignant a été émis ou la date à laquelle HBH a reçu l’avis d’acompte ? Ou bien est-ce, ainsi que le fait valoir la Commission, la date à laquelle l’économie d’impôt est établie dans une décision finale
d’imposition (en gardant à l’esprit qu’une telle décision est susceptible de n’être établie que plusieurs années après la date de clôture de l’exercice fiscal en question) ? Ou bien s’agit-il encore d’une autre date ?

76. Il est clair que les incertitudes et l’arbitraire liés au choix de l’une quelconque de ces alternatives, voire une autre encore, pour déterminer si une entreprise est individuellement concernée par une décision déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur sont indubitables.

77. Eu égard à ces incertitudes, en l’espèce, la question de savoir si la requérante a effectivement reçu une aide devrait n’être que d’importance secondaire. Ainsi qu’il ressort clairement de la jurisprudence, le critère d’affectation individuelle est rempli lorsque, sur la base de qualités spécifiques, un requérant peut être individualisé par rapport à d’autres entreprises ( 28 ). Tel est précisément le cas en ce qui concerne HBH.

78. Pour tous ces motifs, j’en conclus que l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucune erreur quant à l’appréciation de l’affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Par conséquent, il convient de rejeter le pourvoi incident formé par la Commission comme étant non fondé.

B. Le pourvoi : le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en considérant que la mesure litigieuse confère un avantage sélectif aux sociétés en difficulté ?

79. HBH soulève à l’appui de son pourvoi deux moyens qui sont intrinsèquement liés.

80. Par son premier moyen, HBH critique la motivation du Tribunal. Elle soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs procédurales dès lors que la motivation du Tribunal serait insuffisante ou contradictoire en ce qui concerne 1) la détermination du système de référence, 2) l’appréciation de la situation factuelle et juridique des entreprises nécessitant un assainissement ainsi que celle de la clause d’assainissement en tant que mesure générale, et 3) la justification de la mesure litigieuse.

81. Le second moyen du pourvoi critique les mêmes aspects de l’arrêt, mais du point de vue du bien-fondé. Par ce moyen, HBH fait valoir que l’arrêt attaqué viole l’article 107, paragraphe 1, TFUE en raison d’erreur de droit ou de dénaturation du droit national lors de 1) la détermination du système de référence, 2) l’appréciation de la situation factuelle et juridique des entreprises nécessitant un assainissement ainsi que celle de la clause d’assainissement en tant que mesure générale, et 3) la
justification de la mesure litigieuse.

82. La Commission conteste les arguments de la requérante. Quant au premier moyen portant sur la motivation, cette institution estime en substance que ce moyen repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Pour ce qui est du second moyen, la Commission soutient qu’il est irrecevable. À titre subsidiaire, elle fait valoir que le second moyen est non fondé.

83. Compte tenu du fait que les deux moyens se chevauchent, je les traiterai ensemble par étapes. Cela est nécessaire en particulier du fait que, plutôt que de soulever un défaut de motivation, le premier moyen remet indirectement en cause l’appréciation sur le fond effectuée par le Tribunal.

84. En premier lieu, j’apprécierai les arguments relatifs à la détermination du système de référence. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que la première branche du second moyen est fondée. Pour ce motif, l’arrêt attaqué et la décision litigieuse doivent être annulés dans la mesure où le système de référence pour apprécier la sélectivité de la mesure litigieuse a été déterminé de manière erronée.

85. Dans l’hypothèse où la Cour ne partagerait pas mon appréciation de la première branche du second moyen, j’examinerai brièvement les autres arguments invoqués par la requérante.

86. Par conséquent, en deuxième lieu, j’examinerai les arguments relatifs à l’appréciation de la situation factuelle et juridique des entreprises nécessitant un assainissement et de la clause d’assainissement. En troisième et dernier lieu, je me pencherai sur les arguments présentés en ce qui concerne la justification de la mesure litigieuse.

87. Toutefois, au préalable, quelques remarques introductives relatives à la notion de « sélectivité » en matière fiscale s’imposent.

1.   Remarques liminaires sur l’appréciation de la sélectivité dans le contexte de mesures de fiscalité directe

a)   La notion de « sélectivité » – une appréciation en trois étapes

88. Tout d’abord, il est utile de présenter quelques observations concernant la logique qui sous-tend la notion de « sélectivité » et l’objectif qu’elle poursuit. Il est également utile de rappeler le cadre analytique qui imprègne l’appréciation de la sélectivité et les difficultés liée à l’appréciation de ce critère dans le contexte des mesures de fiscalité directe.

89. Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. En conséquence, quatre conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’une mesure prise par un État membre relève du
champ d’application de cette disposition. Premièrement, il faut qu’il existe un avantage. Deuxièmement, il faut que celui-ci soit sélectif. Troisièmement, il faut qu’il y ait une intervention de l’État ou au moyen des ressources d’État. Quatrièmement, l’intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres.

90. En matière fiscale, parmi ces conditions, la question de savoir ce qui constitue un avantage sélectif semblerait être la question la plus controversée.

91. De manière générale, le critère de sélectivité sert à identifier les mesures qui, par rapport à d’autres, favorisent certaines entreprises (contribuables) ou la production de certains biens.

92. Un avantage fiscal découlant d’une « mesure générale » applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques ne constitue pas une aide d’État. Il en est ainsi parce qu’une telle mesure n’est pas sélective. En revanche, une mesure qui place ses bénéficiaires dans une position plus favorable que celle des autres contribuables est susceptible de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et constitue, partant, une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 29 ).

93. Par conséquent, le cœur de l’appréciation de la sélectivité réside dans une comparaison des entreprises. Ainsi que l’a jugé la Cour, la question à trancher est celle de savoir si une mesure est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée ( 30 ).

94. Toutefois, avant de pouvoir apprécier si les bénéficiaires et les autres entreprises se trouvent dans une situation comparable, il faut que le système de référence soit établi.

95. Récemment, dans son arrêt World Duty Free ( 31 ), la Cour a défini les paramètres selon lesquels la sélectivité d’une mesure fiscale doit être appréciée. La Cour a distingué trois étapes dans l’appréciation de la sélectivité de mesures fiscales.

96. Selon la Cour, aux fins de qualifier une mesure fiscale de sélective, le régime fiscal commun ou normal dans l’État membre doit être identifié (première étape). Ensuite, il doit être démontré que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable (deuxième étape) ( 32 ). Si tel est le cas, il doit
être vérifié si la différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel cette mesure s’inscrit (troisième étape) ( 33 ).

97. Plus précisément, la Cour a exposé que la condition de sélectivité est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer que la mesure mise en cause déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal de cet État
membre, dans une situation factuelle et juridique comparable ( 34 ).

98. Le présent pourvoi illustre les difficultés liées à la détermination de la sélectivité (sur le fond) d’une mesure fiscale sur la base de ces paramètres. En particulier, il met en exergue les difficultés liées à la détermination, sur la base d’une série de critères objectifs, du système de référence au titre de la première étape ( 35 ). C’est pourquoi, avant de se pencher plus en détail sur le pourvoi, il est également utile de présenter certaines observations liminaires sur les critères sur le
fondement desquels le système de référence doit d’être déterminé.

b)   L’importance cruciale du système de référence aux fins de l’appréciation de la sélectivité et les critères devant être utilisés pour déterminer celui-ci

99. Le critère de la sélectivité est utilisé afin d’identifier des mesures qui comportent une différence de traitement injustifiée entre des entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable. Cependant, une telle comparaison n’a de sens que si elle est faite à l’aune d’un critère de référence. C’est la raison pour laquelle l’identification correcte d’un système de référence revêt une importance cruciale à l’égard de l’appréciation de la sélectivité ( 36 ).

100. Néanmoins, la jurisprudence de la Cour reste silencieuse sur la manière dont le système de référence doit être déterminé. La Cour a seulement exposé que le système de référence est le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné ( 37 ). Cette affirmation n’a pas d’utilité réelle en tant que critère d’appréciation.

101. La réticence de la Cour à élaborer des critères précis n’est toutefois nullement surprenante. En effet, la détermination du système de référence présuppose l’identification du niveau général d’imposition auquel les entreprises sont soumises en vertu du régime fiscal national. À l’opposé d’autres types de régimes d’aides, la détermination précise d’un tel système commun applicable de manière générale regorge d’incertitudes en matière fiscale. En gardant à l’esprit les complexités de tout régime
fiscal et les variables que comporte la détermination de la charge fiscale des entreprises, il paraît impossible de déterminer avec certitude la « situation normale ».

102. Il n’en va pas de même en ce qui concerne les bénéfices positifs. À titre d’exemple, en cas de conditions de prêt favorables ou de permis d’exploitation minière qui ne profitent qu’à un nombre limité d’entreprise, déterminer quelle était la « situation normale » avant que la mesure mise en cause ne soit adoptée reste un exercice relativement simple.

103. La Commission décrit le système de référence comme étant composé d’un ensemble cohérent de règles qui s’appliquent de manière générale – sur la base de critères objectifs – à toutes les entreprises relevant de son champ d’application tel que défini par son objectif. De manière générale, ces règles définissent non seulement le champ d’application du système, mais aussi les conditions dans lesquelles le système s’applique, les droits et les obligations des entreprises qui y sont soumises et les
aspects techniques du fonctionnement du système. En ce qui concerne en particulier les mesures fiscales, le système de référence se fonde sur des éléments tels que la base d’imposition, les assujettis, le fait générateur et les taux d’imposition ou de taxation ( 38 ).

104. Il semble que toutes sortes de dispositions fiscales, ou de combinaisons de dispositions fiscales, peuvent correspondre à cette définition.

105. À cet égard, une question a été posée à la Commission lors de l’audience. Interrogée sur les critères qui doivent être utilisés pour déterminer le système de référence, la Commission n’a pas été en mesure d’expliquer sur quelle base elle le détermine. Elle a décrit ce processus comme une recherche de la logique du système. La réponse de la Commission semble confirmer que la détermination du système de référence dans un cas particulier ne repose pas, en réalité, sur un ensemble de critères
objectifs.

106. Cela étant précisé, certaines conclusions peuvent être tirées de la jurisprudence. Une lecture attentive de la jurisprudence laisse supposer qu’il faut, à tout le moins, privilégier une approche large pour déterminer le système de référence. Une telle approche tient compte de toutes les dispositions législatives pertinentes, prises dans leur ensemble, ou du point de référence le plus large possible ( 39 ). En outre, il ressort de la jurisprudence que la détermination du système de référence ne
doit pas être un exercice formaliste ( 40 ).

107. J’observe, par exemple, que, dans l’arrêt World Duty Free, la Cour a approuvé la position de la Commission selon laquelle le critère de référence pertinent n’était pas les règles régissant les investissements à l’étranger, mais le régime espagnol d’imposition des sociétés dans son ensemble. À l’aune de ce critère de référence, la Commission était parvenue à la conclusion qu’un avantage sélectif avait été conféré à une catégorie particulière d’entreprises. Les entreprises imposables en Espagne
qui avaient acquis des participations d’au moins 5 % dans des d’entreprises étrangères étaient traitées de manière plus favorable en comparaison avec des entreprises imposables en Espagne effectuant des investissements identiques dans des entreprises nationales alors même que ces deux catégories d’entreprises se trouvaient dans des situations comparables au regard de l’objectif poursuivi par le régime général espagnol de l’impôt sur les sociétés ( 41 ).

108. D’un autre côté, dans l’arrêt Gibraltar, la Cour a confirmé que le système de référence peut comprendre plusieurs règles fiscales différentes. C’est sur cette base que la Commission était parvenue à la conclusion que certaines entreprises (les sociétés offshore) avaient reçu un avantage sélectif. Tel était le cas alors même que, formellement, ces entreprises étaient soumises à la même charge fiscale que les autres entreprises. Dans cette affaire, la Cour a également confirmé qu’il n’y avait pas
lieu d’attacher une importance à la technique réglementaire pour établir le système de référence ( 42 ).

109. Pour l’exprimer de manière simple, il peut être déduit de la jurisprudence que la Cour a approuvé une approche qui cherche à identifier l’intégralité du corps des règles qui influent sur la charge fiscale pesant sur les entreprises. À mon sens, une telle approche est justifiée. Elle garantit qu’une mesure fiscale soit appréciée à l’aune d’un cadre englobant l’ensemble des dispositions pertinentes et non à l’aune de dispositions qui ont été artificiellement sorties d’un cadre législatif plus
large. Elle garantit aussi qu’il n’y ait pas, lors de l’appréciation de la sélectivité, une confusion entre la première et la deuxième étape. En effet, une approche moins large nécessiterait d’identifier les entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable. Or, il doit être gardé à l’esprit que la détermination du système de référence doit précéder la comparaison entre les entreprises.

110. J’examinerai le présent pourvoi à la lumière de ces considérations.

2.   Première étape : la détermination du système de référence

a)   Argumentation des parties

111. Par la première branche de son premier moyen, HBH fait valoir que la motivation du Tribunal est insuffisante ou contradictoire en ce qui concerne la détermination du système de référence ( 43 ). Selon la requérante, il en est ainsi puisque le Tribunal a apprécié la sélectivité de la clause d’assainissement par rapport à la règle de la mise en non-valeur des pertes alors même qu’il a admis que la mesure en cause devrait être appréciée au regard de la règle plus générale, à savoir celle du report
des pertes ( 44 ).

112. La Commission estime que la motivation du Tribunal est correcte et nullement contradictoire.

113. Par la première branche du second moyen, HBH fait valoir que le Tribunal a fait une interprétation erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE compte tenu des erreurs liées à la détermination du système de référence ( 45 ). La requérante soutient également que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a incorrectement amalgamé les première et deuxième étapes de l’appréciation de la sélectivité ( 46 ).

114. À titre principal, la Commission fait valoir que les arguments avancés par la requérante portent sur la constatation des faits et devraient donc être rejetés comme étant irrecevables. À titre subsidiaire, la Commission soutient que ces arguments ne sont pas fondés. Selon elle, rien dans le dossier n’étayerait la position de HBH selon laquelle la règle du report des pertes aurait dû être considérée comme la règle pertinente aux fins de l’appréciation de la sélectivité de la clause
d’assainissement.

115. Je me pencherai tout d’abord sur la question de la recevabilité.

b)   Appréciation

1) La détermination du système de référence est une question de droit susceptible d’être contrôlée dans le cadre d’un pourvoi

116. Comme cela est devenu habituel dans le cadre des pourvois devant la Cour, la Commission soulève l’irrecevabilité des arguments de la requérante. Elle soutient que les arguments de la requérante quant à la détermination du système de référence ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi parce qu’ils ont trait à la constatation des faits.

117. Les arguments de la Commission doivent être catégoriquement rejetés.

118. Il est certes vrai que, en vertu de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 256 TFUE, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits. En effet, les pourvois devant la Cour sont limités aux questions de droit. À cet égard, il est de jurisprudence constante que la détermination du contenu du droit national fait partie de l’appréciation des faits ne pouvant faire l’objet d’un contrôle dans le cadre d’un pourvoi ( 47 ).

119. Néanmoins, la Cour peut contrôler la qualification juridique des faits et les conséquences de droit qui en sont tirées ( 48 ). Elle peut également contrôler si le droit national a été dénaturé dans la mesure où la dénaturation alléguée peut être identifiée sans nouvelle appréciation des faits ou des preuves ( 49 ).

120. Les arguments avancés par HBH quant à la détermination du système de référence ne sauraient échapper au contrôle dans le cadre d’un pourvoi.

121. En l’occurrence, il convient de souligner que les parties sont d’accord sur le contenu du droit national. Elles sont néanmoins en désaccord quant aux objectifs poursuivis par celui-ci. Un désaccord persiste également quant à la qualification juridique de ce droit au regard des règles de l’Union en matière d’aides d’État. Plus précisément, dans le cadre de la première étape, ce qui est en cause est l’appréciation juridique faite par le Tribunal, sur la base des faits pertinents, de la
sélectivité.

122. L’interprétation correcte de la notion de « sélectivité » est clairement une question de droit, et non une question de fait.

123. L’adoption de l’approche rigide en faveur de laquelle plaide la Commission signifierait qu’une question d’importance fondamentale en vue de l’appréciation de la sélectivité échapperait systématiquement à la compétence de la Cour. Eu égard à ce que la détermination du système de référence a un impact décisif sur les deux étapes suivantes de l’appréciation de la sélectivité, une telle approche ne serait, à mon sens, pas justifiée. Ainsi que je l’ai exposé, le système de référence est le critère
par excellence à l’aune duquel la sélectivité d’une mesure fiscale doit être appréciée.

2) Le Tribunal a commis une erreur dans la détermination du système de référence

i) Le cadre juridique dans lequel s’inscrivent la mesure litigieuse et la motivation du Tribunal

124. Le cadre juridique dont fait partie la clause d’assainissement comprend une série de trois règles.

125. Premièrement, la règle du report des pertes qui s’applique à toutes les entreprises conformément à l’article 8, paragraphe 1, du KStG. Elle reflète le principe selon lequel les contribuables sont imposés sur la base de leur capacité contributive. Deuxièmement, la règle de la mise en non-valeur des pertes, telle que prévue à l’article 8c, paragraphe 1, du KStG, qui est une exception à la première règle. En effet, elle exclut du champ d’application de la règle générale la prise de participation
préjudiciable de 25 % ou plus des parts d’une société. Troisièmement, la clause d’assainissement, prévue à l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG, qui exclut certaines situations spécifiques du champ d’application de l’exception (c’est-à-dire de la règle de la mise en non-valeur des pertes). En vertu de cette mesure, les situations qui y sont définies (à savoir l’assainissement de sociétés en difficulté) ne sont plus couvertes par la règle de la mise en non-valeur des pertes. Ces situations
tombent dans le champ d’application de la règle plus générale qui autorise une entreprise à reporter les pertes.

126. Eu égard à la technique législative choisie, la sélectivité de la mesure en cause est fortement tributaire de l’angle sous lequel elle est abordée. En réalité, selon que le critère de référence utilisé pour apprécier la sélectivité de la clause d’assainissement sera la règle générale du report des pertes ou l’exception à cette règle, à savoir la règle de la mise en non-valeur des pertes, la conclusion quant à la sélectivité se présentera de manière très différente ( 50 ).

127. Plus précisément, si la règle de la mise en non-valeur des pertes est sortie du contexte législatif plus large constitué par la règle du report des pertes, la clause d’assainissement devient une exception à la règle de la mise en non-valeur des pertes. À l’opposé, si la règle du report des pertes est incluse dans le système de référence, la clause d’assainissement ne constitue plus une dérogation manifeste au système de référence susceptible de conférer un avantage sélectif à certaines
entreprises. Au contraire, elle devient un élément intrinsèque du système de référence lui-même.

128. Sur ce point, l’arrêt attaqué n’est pas un modèle de clarté.

129. En particulier, l’affirmation suivante peut être une source de confusion : « force est de constater que la règle de la mise en non-valeur des pertes, à l’instar de la règle du report des pertes, fait partie du cadre législatif dans lequel s’inscrit la mesure litigieuse. En d’autres termes, le cadre législatif pertinent en l’espèce est composé par la règle générale du report des pertes, telle que limitée par la règle de la mise en non-valeur des pertes, et c’est précisément dans ce cadre qu’il
convient de vérifier si la mesure litigieuse introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable » ( 51 ).

130. Considérée isolément, cette affirmation pourrait être interprétée (ainsi que le fait la requérante) en ce sens que le Tribunal a considéré que la règle du report des pertes et la règle de la mise en non-valeur des pertes constituent, ensemble, le système de référence. Néanmoins, à mon sens, l’argument de la requérante, tiré de ce que la motivation est insuffisante ou contradictoire, repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

131. Un examen plus attentif de l’arrêt attaqué révèle que le Tribunal a pris comme point de départ que la règle de la mise en non-valeur des pertes constitue le système de référence.

132. Certes, le Tribunal a admis l’existence d’une règle plus générale (la règle du report des pertes). Il a également observé que le système de référence tel qu’établi par la Commission constitue une exception à cette règle générale. Néanmoins, il a poursuivi en exposant les raisons pour lesquelles il considérait que la règle de la mise en non-valeur des pertes constitue le système de référence aux fins d’apprécier la sélectivité de la clause d’assainissement.

133. Plus précisément, le Tribunal a exposé que la règle de la mise en non-valeur des pertes limite l’utilisation de la règle du report des pertes en cas d’acquisition d’une participation égale ou supérieure à 25 % du capital et la supprime en cas d’acquisition d’une participation supérieure à 50 % du capital. Par conséquent, cette règle s’applique systématiquement à tous les cas de figure de modification de l’actionnariat égale ou supérieur à 25 % du capital, sans distinguer selon la nature ou les
caractéristiques des entreprises concernées ( 52 ). Le Tribunal a en outre observé que la clause d’assainissement était libellée sous forme d’exception à la règle de la mise en non-valeur des pertes et qu’elle ne s’applique qu’aux situations, bien définies, qui sont sujettes à cette dernière règle ( 53 ). Sur cette base, il a jugé que la Commission avait correctement défini le système de référence comme étant constitué par la règle de la mise en non-valeur des pertes ( 54 ).

134. À cet égard, je n’ai pas pu identifier dans l’arrêt attaqué la moindre erreur relative à l’obligation de motivation. Néanmoins, je considère que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit matériel en ce qui concerne la détermination du système de référence. Cette erreur constitue une application erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

135. En vue d’exposer les raisons pour lesquelles je suis de cet avis, il convient d’examiner également la motivation retenue dans la décision litigieuse. Il en est ainsi, puisque le Tribunal a repris l’appréciation faite par la Commission du cadre juridique dans lequel s’inscrit la clause d’assainissement.

ii) Le Tribunal a déterminé le système de référence au regard de la technique législative utilisée et a, ce faisant, amalgamé la première et la deuxième étape

136. Dans la décision litigieuse, après avoir présenté chronologiquement le cadre juridique national et les modifications qui y ont été apportées, le Commission a exposé que la clause d’assainissement, prévue à l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG, se distingue de l’ancienne règle par un aspect significatif. Cet aspect était, selon la Commission, d’une importance décisive au regard des aides d’État ( 55 ).

137. Plus précisément, la Commission a exposé que, en vertu de l’article 8c, paragraphe 1, du KStG, il est intégralement interdit à une entreprise de procéder à un report des pertes dès lors que plus de 50 % des parts ont été transférées, à moins que la clause d’assainissement n’ait vocation à s’appliquer. La règle générale serait donc la mise en non-valeur des pertes en cas de changement important dans l’actionnariat et la clause d’assainissement, prévue à l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG,
constituerait l’exception à la règle générale ( 56 ).

138. En revanche, en vertu de l’ancienne règle de la mise en non-valeur des pertes (prévue à l’article 8, paragraphe 4, du KStG, abrogé), la règle générale prévoyait que des reports de pertes continuaient à être possibles en cas de changement important de l’actionnariat, dans la mesure où une identité économique existait avec la société. Cette exception visait à prévenir les abus, par exemple sous la forme du négoce de sociétés coquilles vides ( 57 ).

139. De prime abord, l’explication de la raison pour laquelle la règle de la mise en non-valeur des pertes devrait être considérée comme le système de référence paraît, à première vue, convaincante. Cependant, à y regarder de plus près, il apparaît que cette explication se fonde sur une distinction artificielle.

140. En effet, la seule différence entre l’ancien et le nouveau système tient à la forme de la mesure. La prétendue différence est conditionnée par la technique législative utilisée par l’État membre concerné. En ayant à l’esprit la jurisprudence Gibraltar de la Cour, une telle approche est loin d’être satisfaisante ( 58 ).

141. Il ne faudrait pas perdre de vue que, dans l’arrêt attaqué, la règle de la mise en non-valeur des pertes est considérée être le système de référence pertinent parce que la clause d’assainissement constitue une exception à cette règle. Tel n’était pas le cas sous l’empire de l’ancienne règle de mise en non-valeur des pertes.

142. Une comparaison entre l’ancienne et la nouvelle règle révèle les failles du raisonnement fondée sur la technique législative. Elle montre que les deux règles ne font qu’aborder sous des angles différents la question de la limitation du report des pertes.

143. Sous l’empire de l’ancienne règle de la mise en non-valeur des pertes, l’accent était mis sur l’identité économique de l’entreprise. Alors que les entités économiquement identiques étaient autorisées à reporter les pertes, celles qui avaient changé d’identité économique à la suite d’un changement d’actionnariat ne l’étaient pas. Exprimée en termes d’exemples d’« identité économique », la clause d’assainissement faisait partie intégrante de l’ancienne règle de mise en non-valeur des pertes
elle-même ( 59 ).

144. Bien que la nouvelle règle de la mise en non-valeur des pertes soit sans doute plus précise (et, de même, la clause d’assainissement), je ne parviens pas à percevoir en quoi le changement de technique législative – et une plus grande précision des règles en question – pourrait être considéré comme étant d’une importance décisive au regard des aides d’État. En effet, à l’instar de l’ancienne règle, la nouvelle règle de mise en non-valeur des pertes ne fait que limiter les possibilités, dans des
situations strictement définies relatives à un changement d’actionnariat, de déduire dans le futur des pertes subies antérieurement. Sous réserve de cette exception, la possibilité de reporter les pertes reste ouverte.

145. Par conséquent, sur le fond, la clause d’assainissement ne fait que limiter le champ de la règle de la mise en non-valeur des pertes ( 60 ). En ce sens, la clause d’assainissement forme une partie inséparable de la règle générale, à savoir celle du report des pertes.

146. Hormis la technique législative utilisée, aucun élément du dossier ne fournit la raison pour laquelle, au titre du régime examiné, la règle du report des pertes ne ferait pas partie du système de référence.

147. À cet égard, un problème accessoire se pose dans l’arrêt attaqué. En adoptant une approche étroite basée sur la technique législative et en sortant de son contexte législatif plus large la règle de la mise en non-valeur des pertes, le Tribunal a également amalgamé la première et la deuxième étape de l’appréciation de la sélectivité. En réalité, aux fins de la détermination du système de référence, le Tribunal s’est appuyé sur le caractère comparable des entreprises ayant subi un changement
d’actionnariat. Une lecture attentive révèle que le Tribunal s’est fondé sur la prémisse que toutes les entreprises qui subissent un changement important d’actionnariat se trouvent nécessairement dans une situation juridique et factuelle comparable, plutôt que de commencer par identifier le système de référence ( 61 ). En effet, il n’est possible de parvenir à la conclusion que la règle du report des pertes ne fait pas partie du système de référence que s’il est présumé que les entreprises qui
subissent un changement d’actionnariat se trouvent dans une situation comparable.

148. J’estime donc que le Tribunal a commis une erreur dans la détermination du système de référence. C’est précisément en se fondant sur la technique législative utilisée et sur le caractère comparable des entreprises qui ont subi un changement important d’actionnariat que le Tribunal a, artificiellement, limité le système de référence afin d’en exclure la règle du report des pertes.

149. Dès lors, à mon avis, il y a lieu d’accueillir la première branche du second moyen.

150. Pour conclure sur ce point, j’observe que l’arrêt attaqué utilise la règle de la mise en non-valeur des pertes comme critère de référence pour apprécier la sélectivité de la mesure litigieuse (deuxième et troisième étapes). Si la Cour devait accueillir la première branche du second moyen comme je le propose, il ne serait pas nécessaire d’examiner le reste des arguments relatifs à l’appréciation de la sélectivité au regard des deuxième et troisième étapes. Il en est ainsi dès lors que, en
définitive, le sort de la mesure litigieuse dépend de la définition du système de référence.

151. Néanmoins, dans l’hypothèse où la Cour ne devrait pas partager mon avis, je présente les observations suivantes sur cette appréciation.

3.   Deuxième étape : la comparaison de la situation juridique et factuelle des entreprises

a)   Argumentation des parties

152. Dans la deuxième branche du premier moyen du pourvoi, HBH fait valoir que la motivation du Tribunal est insuffisante ou contradictoire. Plus précisément, dans la première partie de la deuxième branche du premier moyen, elle fait valoir que – ayant présent à l’esprit la manière dont le système de référence a été défini dans l’arrêt attaqué – le Tribunal n’a pas expliqué de manière adéquate la raison pour laquelle il était possible de comparer la situation juridique et factuelle des entreprises
nécessitant un assainissement avec celle des entreprises saines ( 62 ). Dans la seconde partie, la requérante critique les motifs exposés dans l’arrêt attaqué pour expliquer la raison pour laquelle la clause d’assainissement ne devait pas être considérée comme une « mesure générale » potentiellement accessible à toutes les entreprises ( 63 ).

153. La Commission soutient que la motivation du Tribunal est correcte et suffisante.

154. Dans la deuxième branche du second moyen du pourvoi, HBH invoque une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation de la sélectivité (prima facie) de la mesure litigieuse. En considérant que les entreprises en difficultés nécessitant un assainissement et les entreprises saines sont dans une situation comparable au regard de l’objectif du régime fiscal, le Tribunal a commis une erreur de droit ( 64 ).

155. Plus précisément, HBH fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en définissant de manière erronée l’objectif de la règle de la mise en non-valeur des pertes (première partie) ( 65 ). En outre, la requérante fait valoir qu’en jugeant que la mesure litigieuse était sélective prima facie et n’était pas une « mesure générale » potentiellement accessible à toutes les entreprises, le Tribunal a commis également une erreur de droit (seconde partie) ( 66 ). En effet, en substance, le
Tribunal se serait écarté de la jurisprudence du Tribunal découlant de l’arrêt Autogrill ( 67 ).

156. La Commission conclut à l’absence d’erreur dans l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’appréciation de la sélectivité.

157. Toutefois, à titre principal, la Commission soutient que la deuxième branche du second moyen est irrecevable. D’une part, les arguments avancés dans la première partie portent sur la constatation des faits. D’autre part, ceux avancés dans la seconde partie traitent d’une question qui n’était pas visée par l’objet du litige en première instance. Par conséquent, en autorisant la requérante à présenter des arguments sur la question de la qualification de la mesure litigieuse en tant que mesure
générale, le Tribunal a statué ultra petita ( 68 ).

b)   Appréciation

1) Les arguments de la requérante relatifs à l’objectif du système de référence

158. D’une part, les arguments portant sur le caractère insuffisant ou contradictoire de la motivation, invoqués dans la première partie de la deuxième branche du premier moyen, ont trait à un point qui a été examiné par le Tribunal dans un souci d’exhaustivité. Ces arguments sont fondés sur la même prémisse (erronée) que dans la première branche du premier moyen du pourvoi, à savoir que le Tribunal a considéré que la règle du report des pertes et celle de la mise en non-valeur des pertes
constituaient ensemble le système de référence. Comme cela a été illustré ci-dessus, l’arrêt attaqué a établi que la règle de la mise en non-valeur des pertes constitue le système de référence pertinent ( 69 ). En conséquence, ces arguments doivent être rejetés.

159. D’autre part, les arguments liés à une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, évoqués dans la deuxième branche du second moyen, sont, eux-aussi, voués à l’échec. Ces arguments sont en partie irrecevables et en partie inopérants.

160. Premièrement, ces arguments réitèrent la position selon laquelle le Tribunal a considéré que la règle du report des pertes et la règle de la mise en non-valeur des pertes constituaient, ensemble, le système de référence. Comme cela a d’ores et déjà été exposé, cette position repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

161. Deuxièmement, par ses arguments, la requérante remet en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle la finalité de la règle de la mise en non-valeur des pertes est d’empêcher que, en cas de changement substantiel dans l’actionnariat d’une entreprise ayant accumulé des pertes, ces dernières puissent être reportées ( 70 ). Selon la requérante, cette règle viserait simplement à lutter contre les abus en empêchant le négoce de sociétés coquilles vides.

162. Assurément, tout régime fiscal peut poursuivre une multitude d’objectifs différents. Ces objectifs incluent, mais ne se limitent pas à, la génération de recettes pour le budget de l’État, l’orientation du comportement des consommateurs et des entreprises et la lutte contre des problèmes tels que l’évasion fiscale. Un régime fiscal peut aussi être destiné à redresser les conséquences d’une récession économique.

163. De même que la détermination du système de référence, le caractère comparable des contribuables au regard de l’objectif du régime fiscal au titre de la deuxième étape de l’appréciation de la sélectivité est, à mon sens, une question de droit. Cette question concerne la qualification juridique des dispositions nationales pertinentes en vertu des règles de l’Union en matière d’aides d’État ( 71 ).

164. En l’occurrence toutefois, la requérante demande à la Cour de déterminer (à nouveau) l’objectif de la règle de la mise en non-valeur des pertes. Il ne s’agit pas d’un point sur lequel la Cour a la compétence de statuer dans le cadre d’un pourvoi. À cet égard, je partage l’avis de la Commission selon lequel la compétence de la Cour ne s’étend pas à réexaminer l’objectif du système de référence. Il s’agit purement d’une question de fait portant sur l’appréciation du contenu du droit national. De
telles questions échappent au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, à l’exception d’une dénaturation du droit national découlant de manière évidente du dossier de l’affaire. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

165. Enfin, et en troisième lieu, dans la première partie de la deuxième branche du second moyen, HBH critique également un point qui a été examiné par le Tribunal dans un souci d’exhaustivité. En effet, dans ce dernier, le Tribunal a également examiné l’hypothèse émise par HBH selon laquelle l’objectif pertinent du système de référence serait de prévenir les abus de la règle du report des pertes en empêchant l’achat de sociétés coquilles vides. Le Tribunal est parvenu à la conclusion que, même dans
cette hypothèse, les entreprises saines et les entreprises en difficultés ayant subi un changement substantiel dans l’actionnariat se trouvent dans une situation comparable ( 72 ).

166. Étant donné que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation principale, les arguments avancés relatifs à cette appréciation subsidiaire restent inopérants.

2) Les arguments de la requérante relatifs à la conclusion du Tribunal selon laquelle la clause d’assainissement n’est pas une mesure générale

167. Les arguments de la requérante relatifs à la conclusion du Tribunal selon laquelle la clause d’assainissement n’est pas une mesure générale accessible à toutes les entreprises peuvent être traités brièvement.

168. Tout d’abord, pour ce qui est de la seconde partie de la deuxième branche du premier moyen du pourvoi (la question de l’insuffisance de la motivation), le Tribunal a exposé brièvement, mais clairement, dans l’arrêt attaqué les raisons pour lesquelles la mesure litigieuse n’est pas une mesure générale accessible à toutes les entreprises : elle ne couvre qu’une catégorie d’entreprises se trouvant dans une situation spécifique, à savoir les entreprises en difficultés ( 73 ).

169. Encore plus fondamentalement, pour ce qui est de la seconde partie de la deuxième branche du second moyen du pourvoi, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué correctement la jurisprudence.

170. Après la clôture de la procédure écrite dans la présente affaire, l’arrêt du Tribunal, sur lequel s’appuie la requérante, a été infirmé sur pourvoi ( 74 ). Contrairement à ce que HBH soutient, il ne résulte donc pas de la jurisprudence que la sélectivité exige que la mesure mise en cause ne soit accessible qu’à une catégorie particulière d’entreprises.

171. La Cour l’a confirmé dans l’arrêt World Duty Free. Elle a jugé que, pour être sélective, une mesure fiscale ne doit pas nécessairement viser une catégorie particulière d’entreprises qui peuvent être distinguées du fait de propriétés spécifiques, communes et propres. Au contraire, déterminer la sélectivité d’une mesure consiste essentiellement à rechercher si l’exclusion de certains opérateurs du bénéfice d’un avantage fiscal découlant d’une mesure dérogeant à un régime commun fiscal constitue
un traitement discriminatoire à leur égard ( 75 ).

172. Il s’agit de la méthode analytique utilisée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué ( 76 ). Il ne saurait donc être reproché à celui-ci d’avoir fait une application erronée de la jurisprudence pertinente relative à l’appréciation de la sélectivité (prima facie).

173. Au vu de ce qui précède, j’en conclus que la deuxième branche des premier et second moyens du pourvoi doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée ( 77 ).

4.   Troisième étape : l’appréciation de l’existence d’une justification intrinsèque au régime fiscal

a)   Argumentation des parties

174. Dans la troisième branche du premier moyen du pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas expliqué à suffisance les raisons pour lesquelles il a rejeté les arguments avancés en première instance par la requérante relatifs à la justification de la clause d’assainissement ; à savoir que la mesure litigieuse garantit que le principe d’imposition selon la capacité contributive soit respecté ( 78 ).

175. La Commission n’a aucune objection quant à la motivation du Tribunal.

176. Dans la troisième branche du second moyen du pourvoi, HBH fait valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE en considérant que la clause d’assainissement est destinée à promouvoir l’assainissement des entreprises en difficultés et qu’elle poursuit donc un objectif extérieur au régime fiscal ( 79 ).

177. La Commission estime que le Tribunal a correctement identifié l’objectif de la mesure litigieuse sur la base de sa compétence exclusive pour constater les faits. Quant aux arguments relatifs au principe d’imposition selon la capacité contributive, ils sont, selon la Commission, inopérants ou, subsidiairement, non fondés.

b)   Appréciation

178. Dans la troisième branche des premier et second moyens du pourvoi, la requérante critique en particulier la conclusion du Tribunal selon laquelle l’objectif de la clause d’assainissement n’est pas intrinsèque au régime fiscal, c’est-à-dire que l’imposition soit fondée sur la capacité contributive.

179. Premièrement, l’argument selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en identifiant incorrectement l’objectif de la mesure litigieuse doit être rejeté comme étant irrecevable. Comme la détermination de l’objectif du système de référence, l’identification de l’objectif de la clause d’assainissement est, à mon avis, une question de fait ( 80 ). Sous réserve d’une dénaturation manifeste, la Cour n’a pas la compétence de contrôler de telles constatations. En l’espèce, une dénaturation ne
ressort pas du dossier.

180. Deuxièmement, pour le surplus, les arguments de la requérante sont inopérants. En réalité, les arguments concernant de prétendues erreurs dans la motivation de l’arrêt attaqué et ceux relatifs à des erreurs dans l’appréciation de l’argument avancé par HBH selon lequel la clause d’assainissement est destinée à garantir que l’imposition soit fondée sur la capacité contributive du contribuable portent sur une question que le Tribunal a examiné dans un souci d’exhaustivité.

181. En d’autres termes, je suis d’accord avec la Commission que les arguments invoqués par la requérante dans la troisième branche des premier et second moyens du pourvoi sont en partie irrecevables et en partie inopérants.

182. En guise de conclusion, j’observe qu’il peut s’avérer particulièrement difficile de justifier une mesure fiscale au stade de la troisième étape de l’appréciation de la sélectivité.

183. En réalité, la Cour a adopté une approche stricte à l’égard de la justification. Seule une justification découlant des principes fondamentaux ou directeurs du régime fiscal est admise. Autrement dit, une mesure qui a été jugée a priori sélective ne peut être justifiée que par des motifs liés à la nature ou à l’économie générale du régime fiscal. À cet égard, la Cour a opéré une distinction entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et,
d’autre part, les mécanismes inhérents au régime fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs ( 81 ).

184. Aussi évidente que cette distinction puisse paraître en théorie, la question est, en réalité, bien plus complexe.

185. Premièrement, cette distinction se base sur le fait que seuls peuvent être valablement invoqués à l’appui d’une justification des motifs liés au maintien de l’assiette de l’impôt (c’est-à-dire la nécessité de garantir des recettes au budget de l’État). Cela est illustré par les exemples donnés par la Commission : peuvent par exemple constituer la base d’une justification afin de sauver une mesure fiscale, la nécessité de lutter contre l’évasion fiscale, la nécessité de tenir compte d’exigences
comptables particulières et le principe de neutralité fiscale ainsi que la nécessité de prévenir la double imposition ( 82 ). Je ne suis pourtant pas persuadé que ces motifs puissent être véritablement dissociés d’autres objectifs que l’État poursuit au travers des impôts. À ce stade, il ne faudrait pas perdre de vue que, dans le monde d’aujourd’hui, la fiscalité est également un outil utilisé par l’État pour orienter les comportements. En d’autres termes, les motifs qui, dans la conception
retenue par la Cour, sont intrinsèques au régime fiscal, sont inséparablement liés à des objectifs qui ont un contexte sociétal plus large. Je pense en particulier à des objectifs tels que la nécessité de maintenir les emplois, de protéger l’environnement et de garantir le développement régional ou l’égalité de traitement des contribuables.

186. Deuxièmement, et ce qui est plus important encore, tout régime fiscal qui a été jugé procurer un avantage (a priori) sélectif à certaines entreprises nuit à l’assiette de l’impôt. Cela s’explique par le fait qu’un avantage fiscal sélectif allège la charge fiscale pesant sur certaines entreprises.

187. Il n’est donc nullement surprenant que, à ma connaissance, la Cour n’ait pas encore accepté les motifs sur lesquels les États membres se sont appuyés dans le cadre de la troisième étape de l’appréciation de la sélectivité. Il pourrait en être déduit que nous sommes confrontés à une présomption, de facto, irréfragable que des mesures fiscales jugées a priori sélectives soient effectivement sélectives.

C. Conséquences de l’appréciation

188. Aux termes du premier paragraphe de l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci doit annuler l’arrêt du Tribunal lorsque le pourvoi est fondé. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Elle peut aussi renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

189. J’ai conclu que la première branche du second moyen du pourvoi doit être accueillie. Si la Cour partage mon analyse, elle peut, à mon avis, statuer définitivement sur le litige.

190. L’erreur de droit identifiée dans la détermination du système de référence implique qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a rejeté le recours de la requérante comme étant non fondé. En effet, l’appréciation de la sélectivité de la mesure litigieuse est entachée d’une erreur de droit. Cette erreur de droit a conduit le Tribunal à confirmer que la Commission avait correctement défini le système de référence dans la décision litigieuse. La sélectivité de la clause
d’assainissement a donc été appréciée à l’aune d’un critère de référence (la règle de la mise en non-valeur des pertes) que j’ai considéré comme étant erroné en droit. En d’autres termes, dans la décision litigieuse, l’appréciation de la sélectivité est fondée sur une prémisse erronée. C’est pourquoi la décision litigieuse doit, également, être annulée.

191. Dans l’hypothèse où la Cour ne devrait pas partager mon analyse de cette question, le pourvoi devrait alors être rejeté dans son intégralité.

D. Dépens

192. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

193. Dès lors, si la Cour partage mon appréciation du présent pourvoi, la Commission devrait être condamnée, conformément aux articles 137, 138 et 184 du règlement de procédure de la Cour, aux dépens, tant ceux afférents à la procédure en première instance que ceux afférents au présent pourvoi.

V. Conclusion

194. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour :

– de rejeter le pourvoi incident formé par la Commission européenne ;

– d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 février 2016, Heitkamp BauHolding/Commission (T‑287/11, EU:T:2016:60), dans la mesure où il a rejeté le recours comme étant non fondé ;

– d’annuler la décision 2011/527/UE de la Commission, du 26 janvier 2011, concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel »), et

– de condamner la Commission aux dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 4 février 2016, Heitkamp BauHolding/Commission (T‑287/11, EU:T:2016:60, ci-après l’« arrêt attaqué »).

( 3 ) Décision de la Commission du 26 janvier 2011 concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO 2011, L 235, p. 26, ci-après la « décision litigieuse »).

( 4 ) Arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

( 5 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981).

( 6 ) Arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56), et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 55).

( 7 ) Voir points 50 à 79 de l’arrêt attaqué.

( 8 ) Arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

( 9 ) J’observe que le Tribunal a récemment considéré qu’une décision adoptée par la Commission – une décision déclarant en partie qu’il n’existait pas d’aide d’État et déclarant en partie une aide incompatible avec le marché intérieur, mais sans en ordonner la récupération – constituait un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Voir arrêts du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission (T‑219/13, EU:T:2016:485, points 50 à 55) et
Scuola Elementare Maria Montessori/Commission (T‑220/13, non publié, EU:T:2016:484). La Cour n’a toutefois pas encore statué sur pourvoi sur cette question (affaires pendantes Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, C‑622/16 ; Commission/Scuola Elementare Maria Montessori, C‑623/16 et Commission/Ferracci, C‑624/16).

( 10 ) Arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 107).

( 11 ) En particulier, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Council (C‑50/00 P, EU:C:2002:197, points 59 et suivants), et arrêt du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T‑177/01, EU:T:2002:112, point 49). Le législateur, en revanche, s’est montré plus ouvert à la possibilité d’assouplir les conditions relatives à la qualité pour agir des particuliers. Cette ouverture est attestée par l’introduction, par le traité de Lisbonne, dans l’article 263, quatrième
alinéa, TFUE, de la catégorie des « actes réglementaires ».

( 12 ) Voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooye e.a./Commission (67/85, 68/85 et70/85, EU:C:1988:38, point 15) ; du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, point 33), et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 49).

( 13 ) Arrêt du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil (C‑451/98, EU:C:2001:622, point 52).

( 14 ) Arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100, points 59 à 62), et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105, points 46 à 49).

( 15 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 53).

( 16 ) Voir, par exemple, arrêts du 28 janvier 1986, COFAZ/Commission (169/84, EU:C:1986:42, point 25) ; du 19 mai 1993, Cook/Commission (C‑198/91, EU:C:1993:197, point 23) ; du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 37 et jurisprudence citée), et du 9 juillet 2009, 3F (C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 34 et jurisprudence citée).

( 17 ) Points 66 à 79 de l’arrêt attaqué.

( 18 ) Arrêt du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570).

( 19 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368).

( 20 ) Arrêts du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 53), et du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, points 33 et 34).

( 21 ) Arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416).

( 22 ) Arrêt du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556).

( 23 ) Arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 60 à 63), et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, points 56 à 58. Voir également arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18, point 19).

( 24 ) Arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100).

( 25 ) Arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105).

( 26 ) Arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100, points 59 à 62), et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105, points 46 à 49).

( 27 ) J’ajouterais également que les faits exposés dans l’arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:852), divergent de ceux de la présente affaire. Dans cette affaire, la requérante avait effectué des investissements sur la base d’une mesure nationale que la Commission a, par la suite, déclaré incompatible avec le marché intérieur. Toutefois, les similitudes s’arrêtent ici. Les investissements effectués par la requérante avaient été réalisés avant la date-butoir
pertinente : la décision de la Commission a spécifiquement autorisé que la mesure nationale mise en cause continue à s’appliquer aux investissements réalisés avant que la décision d’ouvrir une procédure formelle d’examen n’ait été adoptée. Voir, à cet égard, points 47 à 50 de l’arrêt. Voir aussi ordonnance du 21 mars 2012, Telefónica/Commission (T‑228/10, non publiée, EU:T:2012:140, points 36 à 40).

( 28 ) C’est la raison pour laquelle l’objection de la Commission, selon laquelle la requérante n’a pas fait valoir devant le Tribunal avoir reçu une aide, ne présente pas de pertinence en l’espèce.

( 29 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 56 et jurisprudence citée).

( 30 ) Il existe dans la jurisprudence quelques disparités en ce qui concerne la question de savoir si la comparaison entre les entreprises doit être établie au regard du régime fiscal dans sa globalité ou au regard de la mesure nationale incriminée. Par exemple, dans l’arrêt Adria-Wien Pipeline, la Cour a jugé que les entreprisses doivent être comparées au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée (arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke,
C‑143/99, EU:C:2001:598, point 41 et jurisprudence citée). En revanche, plus récemment, la Cour a jugé dans l’arrêt World Duty Free Group que les entreprises doivent être comparées au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal commun (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57 et jurisprudence citée).

( 31 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981).

( 32 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 19).

( 33 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 58 et jurisprudence citée).

( 34 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 57 et 67).

( 35 ) Sur ces difficultés, voir, par exemple, Peiffert, O., « Comparaison n’est pas raison : Pour une clarification du critère de sélectivité d’une aide d’État », Concurrences, no 3, 2017, p. 52 à 60.

( 36 ) Pour un point de vue différent quant à l’importance de l’identification du régime fiscal de droit commun, voir conclusions de l’avocat général Kokott du 19 novembre 2017 dans l’affaire ANGED (C‑233/16, EU:C:2017:852, point 88).

( 37 ) Arrêts du 8 septembre 2011, Paint Graphos (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49 et jurisprudence citée) ; du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 19), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57).

( 38 ) Communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, C/2016/2946 (JO 2016, C 262, p. 1), disponible à l’adresse : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2016.262.01.0001.01.FRA&toc=OJ:C:2016:262:TOC, points 133 et 134.

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 95, 104, 107 et 122) ; du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56) ; du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, points 2 à 7), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 68).

( 40 ) Arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 92 et 93).

( 41 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/ World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 22 et 67 à 69).

( 42 ) Arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/ Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 92 à 95).

( 43 ) Points 103 à 106 de l’arrêt attaqué.

( 44 ) Points 107 à 109 de l’arrêt attaqué.

( 45 ) Points 103 à 106 de l’arrêt attaqué.

( 46 ) Point 104 de l’arrêt attaqué.

( 47 ) Voir, par exemple, arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission (C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 63) ; du 21 décembre 2011, A2A/Commission (C‑318/09 P, non publié, EU:C:2011:856, point 125), et du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, points 78 et 79 ainsi que jurisprudence citée).

( 48 ) Voir, notamment, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 23 et jurisprudence citée), et du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 78 et jurisprudence citée).

( 49 ) Arrêt du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, points 79 et 80 ainsi que jurisprudence citée).

( 50 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 13), dans lequel la Cour paraphrase la position de la juridiction de renvoi en ce qui concerne les différentes alternatives disponibles pour déterminer le système de référence.

( 51 ) Point 106 de l’arrêt attaqué.

( 52 ) Point 104 de l’arrêt attaqué.

( 53 ) Point 105 de l’arrêt attaqué.

( 54 ) Point 107 de l’arrêt attaqué.

( 55 ) Point 21 de la décision litigieuse.

( 56 ) Point 22 de la décision litigieuse.

( 57 ) Point 23 de la décision litigieuse.

( 58 ) En effet, l’appréciation de la sélectivité ne doit pas dépendre de la forme. Voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 92 et 93).

( 59 ) Voir point 9 des présentes conclusions.

( 60 ) À ce stade, il est également utile d’observer que la clause d’assainissement n’est pas la seule disposition limitant le champ de la règle de la mise en non-valeur des pertes. En décembre 2009, deux nouvelles exceptions à cette règle ont été introduites. D’une part, en ce qui concerne tous les assainissements effectués exclusivement au sein d’un groupe d’entreprises à la tête duquel se trouve une seule personne ou une seule société détenant 100 % des parts, la règle du report des pertes devait
être maintenue. D’autre part, il en allait de même lorsque, à la date de la prise de participation préjudiciable, les pertes correspondaient à des réserves latentes dans les actifs de la société.

( 61 ) Voir, sur le raisonnement du Tribunal, point 133 des présentes conclusions.

( 62 ) Points 133 et 134 de l’arrêt attaqué.

( 63 ) Point 141 de l’arrêt attaqué.

( 64 ) Points 126 à 133 de l’arrêt attaqué.

( 65 ) Points 128 à 131 de l’arrêt attaqué.

( 66 ) Point 141 de l’arrêt attaqué.

( 67 ) Arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939).

( 68 ) Point 122 de l’arrêt attaqué.

( 69 ) Voir ci-dessus, points 131 et suivants.

( 70 ) Point 128 de l’arrêt attaqué.

( 71 ) Voir point 118 des présentes conclusions.

( 72 ) Points 132 à 134 de l’arrêt attaqué.

( 73 ) Point 141 de l’arrêt attaqué.

( 74 ) Arrêts du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981).

( 75 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 69 à 71 et jurisprudence citée).

( 76 ) Points 140 et 141 de l’arrêt attaqué.

( 77 ) Étant donné que la seconde partie de la deuxième branche du second moyen du pourvoi est non fondée, il n’est pas nécessaire de se pencher sur l’argument de la Commission selon lequel le Tribunal a statué ultra petita.

( 78 ) Points 165 et 166 de l’arrêt attaqué.

( 79 ) Points 158 à 160 et 164 à 170 de l’arrêt attaqué.

( 80 ) Voir point 164 des présentes conclusions.

( 81 ) Voir, par exemple, arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/ Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, points 81 et 82) ; du 8 septembre 2011, Paint Graphos (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 69) ; du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia (C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 42), et du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 29).

( 82 ) À cet égard et à titre d’autres exemples, voir la communication de la Commission précitée, point 138. Il peut en outre être déduit de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Paint Graphos qu’éviter la double imposition peut être considéré comme un motif intrinsèque au régime fiscal, voir arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 71).


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-203/16
Date de la décision : 20/12/2017
Type d'affaire : Pourvoi - fondé, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Législation fiscale allemande concernant certains reports de pertes sur les années fiscales futures (“clause d’assainissement”) – Décision déclarant le régime d’aide incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Recevabilité – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Personne individuellement concernée – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Notion d’“aide d’État” – Condition relative à la sélectivité – Détermination du cadre de référence – Qualification juridique des faits.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Dirk Andres
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:1017

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