CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NILS WAHL
présentées le 28 juin 2018 ( 1 )
Affaire C-147/17
Sindicatul Familia Constanţae,
Ustinia Cvas,
Silvica Jianu,
Dumitra Bocu,
Cader Aziz,
Georgeta Crângaşu,
Sema Cutlacai
contre
Direcţia Generală de Asistenţă Socială şi Protecţia Copilului Constanţa
[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Constanţa (cour d’appel de Constanţa, Roumanie)]
« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/88/CE – Temps de travail – Champ d’application – Notion de “travailleur” – Assistants familiaux – Exclusion »
1. Le placement familial peut prendre différentes formes. En général temporaire, il peut aller d’un répit de courte durée ou d’une prise en charge d’urgence d’enfants à un placement de longue durée à temps plein dès le plus jeune âge et jusqu’à ce que l’enfant concerné atteigne l’âge adulte. Selon les circonstances, le placement familial peut avoir lieu au domicile de l’assistant familial ou dans un cadre plus institutionnel, notamment dans un foyer ou un établissement.
2. La présente affaire concerne des assistants familiaux qui accueillent des enfants à plein temps à leur domicile. La prestation de soins constitue leur activité principale et ils perçoivent à cet égard une indemnité versée par l’autorité compétente avec laquelle ils ont signé un contrat de travail. Compte tenu des besoins des enfants, les assistants familiaux ne sont pas autorisés, en principe, à partir en vacances sans les enfants. Ils ne perçoivent pas non plus d’indemnisation supplémentaire
pour le fait de devoir veiller en permanence aux besoins des enfants sans avoir le droit à des périodes de repos prédéterminées ou à des vacances sans les enfants qui leur sont confiés.
3. La question au cœur de la présente affaire est de savoir si ces assistants familiaux relèvent du champ d’application de la directive 2003/88/CE ( 2 ) qui fixe des règles relatives au temps de travail. Si tel est le cas, d’autres questions concernant l’application de dispositions spécifiques de cette directive se posent, compte tenu du fait, notamment, qu’il est impossible de déterminer avec exactitude le temps consacré par les assistants familiaux aux enfants qui leur ont été confiés, et ce parce
que, à l’instar des parents, les assistants familiaux doivent veiller à ce que les enfants concernés puissent grandir sous une surveillance parentale continue et avec des soins adaptés à leur âge.
4. J’expliquerai ci-après les raisons pour lesquelles les assistants familiaux en cause ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/88.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 89/391/CEE
5. La directive 89/391/CEE ( 3 ) concerne la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
6. L’article 2 de la directive 89/391 définit le champ d’application de celle‑ci de la manière suivante :
« 1. La [directive 89/391] s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).
2. La [directive 89/391] n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.
Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive. »
2. La directive 2003/88
7. La directive 2003/88 fixe des règles relatives à l’aménagement du temps de travail. Ces règles portent, notamment, sur les périodes minimales de repos et de pause (articles 3 à 5), la durée maximale hebdomadaire de travail (article 6) et les congés payés annuels (article 7).
8. Il ressort des considérants 3 et 4 de la directive 2003/88 que celle-ci vise à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
9. L’article 1er de la directive 2003/88 définit l’objet et le champ d’application de cette directive de la manière suivante :
« 1. La [directive] fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.
2. La [directive] s’applique :
a) aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et
b) à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail.
3. La [directive] s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive [89/391], sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la [directive].
Sans préjudice de l’article 2, paragraphe 8, la [directive] ne s’applique pas aux gens de mer, tels que définis dans la directive 1999/63/CE.
4. Les dispositions de la [directive 89/391] s’appliquent pleinement aux matières visées au paragraphe 2, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la [directive]. »
10. L’article 3 de la directive 2003/88 régit le repos journalier. Il est libellé comme suit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. »
11. L’article 4 de la directive 2003/88 porte sur les temps de pause. Il dispose :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d’un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d’octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale. »
12. L’article 5 de la directive 2003/88 porte sur le repos hebdomadaire. Il est libellé comme suit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l’article 3.
Si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue. »
13. L’article 6 de la directive 2003/88 fixe les règles relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail. Cet article dispose :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :
a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux ;
b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »
14. L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », dispose ce qui suit :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »
15. L’article 17 de la directive 2003/88 autorise les États membres à déroger à certaines dispositions de cette directive. Cet article est libellé comme suit :
« 1. Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu’il s’agit :
[…]
b) de main-d’œuvre familiale, ou
[…]
2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n’est pas possible pour des raisons objectives, une protection
appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.
3. Conformément au paragraphe 2 [de la présente disposition], il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 :
[…]
b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes, notamment lorsqu’il s’agit de gardiens ou de concierges ou d’entreprises de gardiennage ;
c) pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production […]
[…]
4. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3 et 5 :
[…]
b) pour les activités caractérisées par des périodes de travail fractionnées dans la journée, notamment des personnels occupés aux activités de nettoyage.
[…] »
B. Le droit roumain
1. La loi no 272/2004
16. La legea nr. 272/2004 privind protecţia si promovarea drepturilor copilului ( 4 ) (loi no 272/2004 concerne la protection et la promotion des droits de l’enfant) (ci-après la « loi no 272/2004).
17. En application de l’article 4 de la loi no 272/2004, on considère que les assistants familiaux ( 5 ) qui veillent sur les enfants placés chez eux, conformément à cette loi, relèvent de la notion de « famille d’accueil » et exercent une activité analogue à celle des parents.
18. L’article 117 de la loi no 272/2004 dispose que l’autorité compétente doit, pour protéger et promouvoir les droits de l’enfant, coordonner les activités d’assistance sociale et de protection de la famille, et les droits de l’enfant au niveau départemental ou des arrondissements de la municipalité de Bucarest (Roumanie).
19. À l’article 121 de la loi no 272/2004, les services familiaux sont définis comme des services en vertu desquels il est veillé au domicile d’une personne physique ou d’une famille au développement et au soin de l’enfant séparé, temporairement ou définitivement, de ses parents. Ces services sont fournis après l’adoption d’une mesure de placement familial conformément à cette loi.
20. L’article 122 de la loi no 272/2004 est libellé comme suit :
« (1) Peuvent recevoir un enfant en placement les familles et les personnes âgées d’au moins 18 ans, ayant pleine capacité d’exercice, domiciliées en Roumanie et qui présentent les garanties morales et les conditions matérielles nécessaires au développement et au soin de l’enfant séparé, temporairement ou définitivement, de ses parents.
[…]
(3) L’activité de la personne légalement agréée comme [assistant familial] est exercée sur la base d’un contrat à caractère spécial, afférent à la protection de l’enfant, conclu avec la direction ou avec un organisme privé agréé, qui comprend les éléments caractéristiques suivants :
a) l’activité de développement, de soin et d’éducation des enfants placés est réalisée à domicile ;
b) l’horaire de travail est imposé par les besoins des enfants ;
c) la planification du temps libre est faite en fonction de l’emploi du temps de la famille et des enfants placés ;
d) pendant le congé légal, l’activité est assurée de manière continue, sauf si la direction l’autorise à se séparer, pendant cette période, de l’enfant placé dans sa famille.
(4) Le contrat individuel de travail est conclu à partir de la date de délivrance de la [mesure de placement familial].
[…] »
2. La décision du gouvernement no 679/2003
21. La Hotărârea Guvernului nr. 679/2003 privind condițiile de obținere a atestatului, procedurile de atestare și statutul asistentului maternal profesionist ( 6 ) (décision du gouvernement no 679/2003 concernant les conditions d’obtention de l’agrément, les procédures d’agrément et le statut d’« assistant familial professionnel » des personnes chargées de l’accueil de mineurs) (ci-après la « décision du gouvernement ») dispose à son article 1er que l’assistant familial professionnel est une
personne physique, agréée conformément à la décision du gouvernement, qui veille, par son activité à domicile, à l’épanouissement, au soin et à l’éducation nécessaires au développement harmonieux des enfants qui ont été placés chez lui ou qui lui ont été confiés.
22. L’article 8 de la décision du gouvernement dispose que l’activité des personnes agréées comme assistants familiaux professionnels est exercée sur la base d’un contrat individuel de travail à caractère spécial visant spécifiquement la protection de l’enfant, conclu avec un service public spécialisé pour la protection de l’enfance ou avec un organisme privé autorisé qui a l’obligation de surveiller et d’apporter son aide à l’activité de l’assistant familial professionnel.
23. Conformément à l’article 9 de la décision du gouvernement, pour chaque enfant placé ou confié, l’assistant familial professionnel conclut une convention, annexée au contrat individuel de travail, conclu avec l’employeur. Cette disposition précise également que la convention est conclue avec l’accord écrit du mari ou de l’épouse de l’assistant familial professionnel et qu’elle est notifiée à la commission pour la protection de l’enfance ayant décidé du placement ou de confier l’enfant.
24. L’article 10 de la décision du gouvernement fixe les obligations auxquelles l’assistant familial professionnel est tenu. De manière spécifique, il doit veiller à l’épanouissement, au soin et à l’éducation des enfants en vue de garantir un développement physique, psychique, intellectuel et affectif harmonieux ; assurer l’intégration des enfants dans sa famille en les traitant à l’égal des membres de la famille ; assurer l’intégration des enfants dans la vie sociale ; contribuer à la préparation
de la réintégration des enfants dans leurs familles naturelles ou leur intégration dans une famille adoptive, le cas échéant ; permettre aux spécialistes du service public spécialisé pour la protection de l’enfance ou à l’organisme privé autorisé de surveiller son activité d’assistant familial et d’évaluer l’évolution des enfants, et assurer la continuité de l’activité exercée pendant ses périodes de congés légaux sauf si son employeur l’a autorisé à se séparer de l’enfant placé ou confié
pendant cette période.
C. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
25. Les demandeurs au principal, représentés par le Sindicatul Familia Constanţa, sont employés par la Direcţia Generală de Asistenţă Socială şi Protecţia Copilului Constanţa (direction générale de l’assistance sociale et de la protection de l’enfance de Constanţa, Roumanie) en qualité d’assistants familiaux. Ils prennent en charge chez eux, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les enfants faisant l’objet d’un placement familial, sans périodes de repos hebdomadaires ou vacances spécifiques.
26. Les assistants familiaux doivent surveiller les enfants dont ils ont la charge et en prendre soin de manière continue, sauf lorsque ceux-ci sont à l’école. En particulier, les assistants familiaux doivent garantir qu’ils prennent soin des enfants de façon continue, même lorsqu’ils prennent un congé légal, à moins que la séparation de l’enfant pour cette période n’ait été autorisée par l’autorité compétente.
27. Les assistants familiaux demandent, d’une part, des paiements supplémentaires correspondant à une augmentation de 100 % du salaire de base pour le travail effectué les jours de repos hebdomadaires, les jours fériés et autres jours considérés comme non ouvrables selon la législation nationale pertinente. D’autre part, ils réclament une compensation monétaire pour un congé non pris. Pendant le congé annuel des assistants familiaux, les enfants sont également restés à leur charge, car la séparation
des enfants est soumise, comme indiqué précédemment, à l’autorisation préalable de l’autorité compétente.
28. En première instance, le Tribunalul Constanţa (tribunal de grande instance de Constanţa, Roumanie) a rejeté le recours comme infondé.
29. Un appel a été formé contre cette décision devant la Curtea de Apel Constanţa (cour d’appel de Constanţa, Roumanie). Compte tenu de ses doutes quant à l’interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 1er, paragraphe 3, de la directive [2003/88] en liaison avec l’article 2 de la directive [89/391] doit-il être interprété en ce sens qu’il exclut de son champ d’application une activité d’[assistant familial] telle que celle que les requérants exercent ?
2) En cas de réponse négative à la première question, l’article 17 de la directive [2003/88] doit-il être interprété en ce sens qu’une activité d’[assistant familial], telle que celle que les requérants exercent, peut faire l’objet d’une dérogation à l’article 5 de la directive, sur la base [du] paragraphe 1, [du] paragraphe 3, sous b) et c), ou [du paragraphe] 4, sous b), [de l’article 17] ?
3) En cas de réponse affirmative à la question qui précède, l’article 17, paragraphe 1, ou, le cas échéant, l’article 17, paragraphes 3 ou 4, de la directive [2003/88] doit-il être interprété en ce sens qu’une telle dérogation doit être expressément prévue ou bien peut-elle être implicite, moyennant l’adoption d’un acte normatif à caractère spécial prévoyant d’autres règles d’organisation du temps de travail pour une activité professionnelle déterminée ; au cas où une telle dérogation ne devrait
pas nécessairement être expressément prévue, quelles sont les conditions minimales pour que la réglementation nationale puisse être considérée comme prévoyant une dérogation et une telle dérogation peut-elle être exprimée comme dans les dispositions de la loi no 272/2004.
4) En cas de réponse négative aux questions 1, 2 ou 3, l’article 2, point 1, de la directive [2003/88] doit-il être interprété en ce sens que la période au cours de laquelle un [assistant familial] est chez lui ou dans un autre lieu de son choix en compagnie de l’enfant dont il s’occupe constitue un temps de travail même s’il ne réalise aucune des activités qui lui sont confiées dans le contrat individuel de travail ?
5) En cas de réponse négative aux questions 1, 2 ou 3, l’article 5 de la directive [2003/88] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation telle que celle de l’article 122 de la loi no 272/2004 ; et en cas de réponse en ce sens que l’article 17, paragraphe 3, sous b) et c), ou paragraphe 4, sous b), de la directive s’applique, celui-ci doit-il être interprété comme s’opposant à cette réglementation nationale ?
6) En cas de réponse négative à la question 1 et, éventuellement, affirmative à la question 4, l’article 7, paragraphe 2, de la directive [2003/88] peut-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose toutefois pas à ce que soit accordée une compensation égale à l’indemnité à laquelle l’employé aurait droit pour le congé annuel dans la mesure où la nature de l’activité [d’assistant familial] l’empêche de prendre ce congé ou, lorsque le congé annuel lui est formellement accordé, l’employé
continue en pratique à exercer son activité, mais n’est pas autorisé à se séparer de l’enfant dont il s’occupe pendant cette période ? En cas de réponse affirmative, pour avoir le droit à la compensation, est-il nécessaire que l’employé ait demandé l’autorisation de se séparer de l’enfant mais que l’employeur ne la lui ait pas accordée ?
7) En cas de réponse négative à la question 1, éventuellement affirmative à la question 4, et négative à la question 6, l’article 7, paragraphe 1, de la directive [2003/88] s’oppose-t-il à une disposition telle que l’article 122, paragraphe 3, sous d), de la loi no 272/2004 puisque celle-ci laisse l’employeur libre d’accorder discrétionnairement l’autorisation de se séparer de l’enfant pendant la durée du congé et, en cas de réponse affirmative, l’impossibilité de prendre le congé en fait, à la
suite de l’application de cette disposition légale, constitue-t-elle une violation du droit de l’Union faisant naître un droit à compensation pour l’employé ? En cas de réponse affirmative, une telle compensation doit-elle être payée par l’État pour violation de l’article 7 de la directive [2003/88] ou par l’institution publique ayant la qualité d’employeur qui ne lui a pas permis de se séparer de l’enfant dont il s’occupe pendant la période de congé ? Dans cette situation, pour avoir le
droit à une compensation, est-il nécessaire que l’employé ait demandé l’autorisation de se séparer de l’enfant et que l’employeur ne la lui ait pas accordée ? »
30. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements roumain et allemand ainsi que par la Commission européenne. Ces parties ont également présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 7 mai 2018.
II. Analyse
31. La juridiction de renvoi a adressé à la Cour plusieurs questions relatives à l’interprétation de la directive 2003/88. Plus spécifiquement, la question au cœur de l’affaire porte sur le point de savoir si l’activité d’assistant familial telle qu’elle est prévue par la loi no 272/2004 relève du champ d’application de cette directive. Si tel est le cas, la juridiction de renvoi a également posé à la Cour d’autres questions concernant, notamment, la possibilité pour un État membre de déroger aux
dispositions de ladite directive dans les circonstances spécifiques à la présente affaire.
32. Avant d’examiner les questions préjudicielles, j’examinerai brièvement une question procédurale soulevée par le gouvernement allemand.
A. La compétence de la Cour
33. Le gouvernement allemand soutient que la juridiction de renvoi n’a pas expliqué de manière suffisante les raisons pour lesquelles les questions préjudicielles sont pertinentes aux fins de la solution du litige pendant devant elle. Les demandes au principal portent sur divers aspects du droit à rémunération plutôt que sur la santé et la sécurité des travailleurs au travail, une question qui relève de la directive 2003/88.
34. Néanmoins, ainsi que le rappelle lui-même le gouvernement allemand, les questions portant sur l’interprétation du droit de l’Union déférées par une juridiction nationale bénéficient d’une présomption de pertinence. Par conséquent, le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du
litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 7 ).
35. Il est exact que le lien entre les questions et l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi n’est pas tout à fait clair. En effet, il ne peut pas être remédié au fait que les travailleurs ne bénéficient pas des périodes de repos et des congés prévus par la directive 2003/88 en leur accordant des paiements supplémentaires ( 8 ). Néanmoins, le critère juridictionnel appliqué par la Cour est plutôt généreux et exige que l’absence de lien entre les questions et les faits de l’espèce
apparaisse de manière manifeste.
36. Tel n’est pas le cas en l’occurrence.
37. L’affaire pendante devant la juridiction de renvoi concerne des demandes d’indemnisation supplémentaire pour le travail effectué pendant les périodes de repos hebdomadaire, les jours fériés et les congés payés annuels.
38. Il est vrai que les questions relevant du niveau de rémunération et le mode de calcul de cette rémunération constituent des questions qui ne sont pas régies par la directive 2003/88 ( 9 ). À l’exception de l’article 7 de cette directive, qui concerne le droit aux congés payés annuels, ladite directive ne traite pas de la manière dont les travailleurs doivent être rémunérés pour des types de travail spécifiques tels que le travail posté, le travail de nuit et le temps de garde ou, effectivement,
la manière dont ils doivent être rémunérés pour les heures supplémentaires ( 10 ). Conformément à l’article 153 TFUE, ces questions relèvent du droit national. La Cour a donc systématiquement refusé de répondre aux questions relatives au niveau de rémunération ( 11 ).
39. Toutefois, les questions préjudicielles ne portent pas sur des aspects spécifiques du droit d’être indemnisé pour les services prestés tels que le niveau approprié d’indemnisation. Elles portent sur la conformité du régime prévu par la loi no 272/2004 à la directive 2003/88 s’agissant des assistants familiaux.
40. À cet égard, il est compréhensible que le bien-fondé de la demande présentée par les assistants familiaux en ce qui concerne une indemnisation supplémentaire puisse dépendre de la légalité du régime spécial applicable aux assistants familiaux, tel qu’énoncé dans la loi no 272/2004. En vertu de ce régime, le temps de travail et le temps libre des assistants familiaux sont déterminés par les besoins individuels des enfants dont ils ont la charge. Les assistants familiaux doivent constamment
s’occuper des enfants sans disposer d’un droit à des périodes de repos, des vacances et des congés spécifiquement définis sans ces enfants. En d’autres termes, en raison des besoins des enfants, le temps de travail et le temps libre des assistants familiaux sont invariablement liés.
41. Compte tenu de ces éléments, il me semble qu’il est possible de discerner un lien suffisant entre les questions préjudicielles et les faits à l’origine de l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi : pour cette dernière, la question liminaire est de savoir si les assistants familiaux pourraient bénéficier, au regard du droit de l’Union, d’un droit aux périodes de repos, aux jours fériés et aux congés sur lequel ils fondent leur demande d’indemnisation ( 12 ).
42. Pour ces raisons, la Cour ne devrait pas refuser de répondre aux questions posées.
B. Les questions préjudicielles
43. Les doutes de la juridiction de renvoi quant à l’interprétation de la directive 2003/88 – et notamment la question de savoir si les assistants familiaux tels que ceux visés par la loi no 272/2004 relèvent du champ d’application de la directive 2003/88 – s’expliquent par trois facteurs interdépendants.
44. En premier lieu, l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88 définit le champ d’application matériel de cette directive de manière large. Aux termes de cette disposition, ladite directive s’applique à tous les secteurs d’activité, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391.
45. À cet égard, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/391 dispose, d’une part, que celle-ci s’applique « à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.) ». D’autre part, l’article 2, paragraphe 2, de cette directive exclut spécifiquement certaines activités du champ d’application de la ladite directive, et par extension de la directive 2003/88 : la directive 89/391
n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.
46. En deuxième lieu, la Cour a donné son plein effet au large champ d’application de la directive 2003/88 et a expliqué que les exceptions à l’application de cette directive s’interprètent restrictivement ( 13 ). En principe, ladite directive s’applique donc à un travailleur qui, dans le cadre d’une relation de travail, accomplit, pour le compte d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles il perçoit une rémunération ( 14 ) .
47. En troisième lieu, et comme corollaire du champ d’application large de la directive 2003/88 et de la jurisprudence de la Cour dans ce domaine, les doutes émis par la juridiction de renvoi s’expliquent par les circonstances propres de l’affaire pendante devant elle. D’une part, la juridiction de renvoi relève que les assistants familiaux disposent d’un contrat de travail avec l’autorité compétente et qu’ils fournissent un service (placement familial) en vertu d’un contrat de travail spécifique
conclu avec l’autorité compétente moyennant rémunération. D’autre part, les assistants familiaux en question doivent veiller continuellement sur les enfants à leur propre domicile sur la base des besoins individuels de ces enfants. En effet, cette exigence de soins et de surveillance continus est difficilement conciliable avec les exigences fixées par la directive 2003/88 concernant, en particulier, le temps de repos hebdomadaire (article 5) et les congés payés annuels (article 7). Il en va
ainsi parce que, selon la Cour, la notion de « temps de travail » s’oppose à la notion de « périodes minimales de repos », ces deux notions étant exclusives l’une de l’autre ( 15 ).
48. Pour examiner les questions déférées à la Cour, je commencerai par m’attacher à la raison d’être de la directive 2003/88.
1. La raison d’être de la directive 2003/88 : la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs
49. La directive 2003/88 ( 16 ) vise, en premier lieu et avant tout, à garantir une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ( 17 ). En tant que mesure d’harmonisation a minima, cette directive fixe le niveau minimal de protection que les États membres doivent assurer aux travailleurs en ce qui concerne, notamment, les limites quotidiennes et hebdomadaires de la durée du travail et les congés payés annuels. Ladite directive comporte également des règles spécifiques
concernant l’organisation du travail par postes et du travail de nuit (articles 8 à 13 de la même directive).
50. En dépit de l’accent clairement mis sur la protection des travailleurs, il ressort néanmoins de la directive 2003/88 que le législateur n’ignorait pas totalement la nécessité de garantir la flexibilité dans certains secteurs d’activité ou l’émergence progressive de nouvelles formes de travail ( 18 ).
51. Plus concrètement, l’exemple le plus évident de la volonté du législateur de tenir compte du besoin de flexibilité se trouve peut-être à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88 qui, par référence à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391, exclut expressément du champ d’application de la directive 2003/88 certaines activités de service public. Ces activités sont exclues en raison de leurs caractéristiques particulières qui entrent inévitablement en conflit avec des schémas
de travail et de repos réguliers. En effet, l’exclusion expresse de certaines activités du champ d’application de cette directive étaye l’idée que le législateur était effectivement conscient que certaines activités ne peuvent tout simplement pas être organisées d’une manière requise par ladite directive. Bien que le libellé de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391 soit ouvert, les exemples spécifiquement mentionnés tendent à suggérer que, en élaborant cette exclusion, le législateur
avait particulièrement à l’esprit les activités liées à la sécurité publique qui obéissent à une loyauté accrue ( 19 ).
52. Outre cette exclusion, la directive 2003/88 comporte diverses dérogations. Selon les articles 17, 18, 20 et 21 de cette directive, les États membres peuvent, dans certaines circonstances spécifiques, déroger aux dispositions de ladite directive concernant, notamment, le repos journalier et hebdomadaire, les temps de pause, le repos et le travail de nuit. Par ailleurs, sur la base de l’article 22 de la même directive, des dérogations individuelles sont également possibles sous certaines
conditions en ce qui concerne la durée maximale hebdomadaire de travail (quarante-huit heures) prévue à l’article 6 de la directive 2003/88 ( 20 ).
53. Malgré une certaine marge de manœuvre laissée aux États membres, la terminologie et l’économie générale de la directive 2003/88 indiquent clairement que le bien-être du travailleur sous la forme d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée est au cœur des considérations qui ont conduit à l’adoption de cette directive. Cela est notamment étayé par le fait que, dans la logique de ladite directive, il ne peut être remédié à des périodes de repos et des congés légaux insuffisants par une
compensation supplémentaire ( 21 ).
54. La Cour a également clairement souscrit à l’idée selon laquelle l’objectif primordial de la directive 2003/88 est de protéger les travailleurs. En effet, l’objectif de protection du bien-être des travailleurs caractérise la jurisprudence de la Cour dans ce domaine : en référence à cet objectif, tant les exclusions prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391 que l’ensemble des dérogations prévues par la directive 2003/88 ont fait l’objet d’une interprétation stricte ( 22 ). Afin
d’assurer une protection complète des travailleurs, la Cour a interprété de manière large non seulement le champ d’application de cette directive, mais aussi la notion de « temps de travail» ( 23 ). Par conséquent, le « temps de travail » comprend, notamment, le temps passé à dormir dans les locaux de l’employeur ( 24 ) et le temps passé à la maison avec obligation de répondre aux appels de l’employeur dans les 8 minutes ( 25 ).
55. Il convient néanmoins de ne pas perdre de vue que, pour qu’une activité relève en premier lieu du champ d’application (matériel) de la directive 2003/88 (ou, en fait, des exceptions prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391), cette activité doit être exercée par un travailleur. En effet, il faut souligner que la directive 2003/88 n’accorde certains droits minimaux qu’aux personnes exerçant une activité (économique) dans un contexte contractuel spécifique, c’est-à-dire qu’elle
confère des droits aux personnes exerçant une telle activité pour le compte d’une autre et sous la direction de celle-ci, et donc sans jouir de la liberté dans le choix du moment, du lieu et du contenu de leur activité. Cela détermine les limites concernant le temps que ces personnes peuvent être tenues d’investir dans une activité exercée pour le compte d’une autre et sous la direction de celle-ci. En revanche, la directive ne vise pas à protéger ou à organiser le temps de travail des personnes
exerçant une activité contre rémunération sur la base d’un autre arrangement contractuel ne présentant pas un tel élément de subordination.
56. Par conséquent, pour déterminer si le placement en famille d’accueil tel que celui en cause dans la procédure au principal relève de la directive 2003/88, il convient de déterminer, à titre liminaire, si les assistants familiaux concernés doivent être considérés comme des « travailleurs » aux fins de cette directive.
2. Le champ d’application de la directive 2003/88 : l’interprétation de la notion de « travailleur »
57. À l’instar du champ d’application matériel de la directive 2003/88 (qui englobe en principe toutes les activités professionnelles imaginables), la Cour a également interprété largement le champ d’application personnel de cette directive. Comme je l’expliquerai aux points suivants, en interprétant la notion de « travailleur » dans ce contexte, la Cour s’est inspirée de sa jurisprudence sur la libre circulation conformément à l’article 45 TFUE.
a) La jurisprudence de la Cour : l’inspiration tirée de l’article 45 TFUE
58. Dans l’affaire Union syndicale Solidaires Isère ( 26 ), une affaire concernant des travailleurs saisonniers dans les camps de vacances pour enfants employés dans le cadre de contrats spéciaux, la Cour a souligné que le terme « travailleur » doit être interprété de manière autonome en droit de l’Union. Par conséquent, cette notion doit être définie en droit de l’Union selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et devoirs des personnes
concernées. En référence à sa jurisprudence relative à l’article 45 TFUE, la Cour a considéré que la caractéristique essentielle de la relation de travail aux fins de l’application de la directive 2003/88 est la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, pour le compte d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération ( 27 ).
59. En d’autres termes, un « travailleur » au sens de la directive 2003/88 est une personne qui fournit des services dans le cadre d’une relation de travail. Cela implique à son tour un lien de subordination ( 28 ). Selon la Cour, un indicateur à cet égard peut être le fait qu’une personne agit sous la direction d’une autre personne en ce qui concerne notamment la liberté de choisir l’horaire, le lieu et le contenu de son travail ( 29 ).
60. Aux fins de la présente affaire, il est d’une importance cruciale que la Cour ait souligné que la nature particulière d’une relation contractuelle en droit national n’a pas d’incidence directe sur la classification d’une personne en tant que travailleur au sens du droit de l’Union ( 30 ). En effet, il semble que, comme dans d’autres domaines du droit social et de l’emploi de l’Union, la protection attachée à la notion de « travailleur » puisse, dans certains cas, bénéficier à des personnes qui
ne sont pas considérées comme tel en droit national ( 31 ).
61. Plus précisément, pour déterminer, en droit de l’Union, si une personne est un travailleur et relève donc du champ d’application de la directive 2003/88, il peut être nécessaire de pousser l’examen au-delà de la nature de l’accord en droit national. L’appréciation globale, faite à cette fin, du cadre (factuel et contractuel) dans lequel le service est fourni doit donc être autonome et ne doit pas être influencée par le nom donné à la relation contractuelle en droit national.
62. À cet égard, l’enrichissement conceptuel réciproque qui peut être observé dans la jurisprudence de la Cour concernant la notion de « travailleur » au sens de la directive 2003/88 confirme que cette notion doit être interprétée largement comme dans d’autres domaines du droit de l’Union. En tout état de cause, il ne fait guère de doute que tous les travailleurs au sens de la directive 2003/88 sont, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, aussi des travailleurs au sens de l’article 45 TFUE.
63. Toutefois, l’inverse n’est peut-être pas toujours vrai.
64. En effet, il est courant qu’un même terme puisse faire référence à des notions différentes selon le domaine de droit considéré. Comme la Cour l’a elle-même observé, il n’existe pas de définition unique du « travailleur » en droit de l’Union : cette définition varie en fonction du contexte dans lequel elle doit être appliquée ( 32 ). Lorsque la notion de « travailleur » est interprétée dans un contexte spécifique, il importe de prendre en compte la logique sous-jacente de l’instrument juridique
et l’intérêt que cet instrument cherche à protéger.
65. Il est notoire que la Cour a jugé que les personnes conservaient le statut de « travailleur » et bénéficiaient de la protection prévue à l’article 45 TFUE également pendant les périodes d’inactivité économique. C’est par exemple le cas des demandeurs d’emploi ( 33 ) et des femmes qui, en raison des contraintes physiques de la grossesse et de l’accouchement, cessent leur travail pour une période raisonnable ( 34 ).
66. En dépit de leur statut de « travailleurs » en vertu de la législation sur la libre circulation, il est difficile de voir pourquoi ces personnes devraient (ou comment elles pourraient) bénéficier de la protection conférée par la directive 2003/88 en tant que travailleurs. La raison en est qu’elles ne sont pas dans une relation de travail. Comme il l’a été suggéré précédemment, cette directive vise à protéger la santé et la sécurité, mais aussi, plus largement, le bien-être des personnes
lorsqu’elles accomplissent un travail pour le compte et sous la direction d’un employeur et ce, en substance, dans un lien de subordination.
67. En gardant à l’esprit ces considérations, j’aborde maintenant la question de savoir si les assistants familiaux en cause dans l’affaire au principal sont des travailleurs au sens de la directive 2003/88.
b) L’appréciation du cas d’espèce
68. D’emblée, il convient de rappeler qu’il découle de la division des tâches prévue à l’article 267 TFUE entre la Cour et ses interlocuteurs dans les États membres qu’il appartient en définitive à la juridiction de renvoi d’appliquer la notion de « travailleur » aux faits de l’espèce. Il appartient néanmoins à la Cour de définir la notion de « travailleur » au sens de la directive 2003/88 et de fournir à la juridiction de renvoi les orientations nécessaires qui l’aideront dans sa tâche
d’application de cette notion.
69. Selon la Cour, l’application de la notion de « travailleur » dans un cas d’espèce doit reposer sur des critères objectifs : la juridiction de renvoi doit tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation entre les parties en cause ( 35 ).
70. À cet égard, ainsi qu’il a déjà été indiqué, la nature d’une relation contractuelle en droit national ne devrait pas être déterminante pour établir qu’une personne est un travailleur au sens de la directive 2003/88. En effet, si le contraire était vrai, la notion de « travailleur » recevrait, contrairement à la jurisprudence de la Cour, une pléthore d’interprétations (divergentes) en fonction de la définition d’une relation contractuelle particulière en droit national.
71. Par conséquent, pour décider si les assistants familiaux en question doivent être considérés comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88, la nature de la relation entre ces assistants familiaux et l’autorité compétente ne devrait avoir qu’une importance secondaire pour l’évaluation de cette relation au regard du droit de l’Union. Le simple fait que les assistants familiaux accomplissent leurs tâches dans le cadre d’un « contrat de travail » ne signifie pas que la relation
contractuelle entre les assistants familiaux et l’autorité compétente devrait être considérée comme une relation d’emploi aux fins de cette directive.
72. En effet, plusieurs éléments corroborent le point de vue selon lequel les assistants familiaux visés par la loi no 272/2004 ne devraient pas être considérés comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88. Ces éléments concernent à la fois le lien entre les parties en cause et la nature des activités exercées par les assistants familiaux en question.
1) Sur le lien entre les parties
73. Comme indiqué aux points précédents, pour qu’une personne soit considérée comme un travailleur, il doit exister un lien de subordination : dans une relation de travail, le travailleur exerce une activité économique sous la direction de son employeur. Un tel lien ne semble pas exister en l’espèce.
74. Il est possible que le parallèle soit quelque peu imprécis. Néanmoins, le lien entre l’autorité compétente et les assistants familiaux pourrait (dans le but spécifique d’apprécier si ces assistants familiaux relèvent du champ d’application de la directive 2003/88) être comparé à un mandat donné pour remplir une obligation particulière. En effet, comme le montre l’ordonnance de renvoi, plutôt que de travailler dans le cadre d’un lien de subordination et donc pour le compte et sous la direction de
l’autorité compétente, les assistants familiaux sont mandatés par l’autorité compétente pour s’occuper des enfants en question comme tout autre parent.
75. À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que l’activité d’assistant familial est exercée sur la base d’un contrat (cadre) à caractère spécial. Le « contrat individuel de travail », quant à lui, passé entre l’autorité compétente (ou un organisme privé agréé) et les assistants familiaux n’entre en vigueur que lorsque les enfants sont placés sous leur garde. Une fois confiés à leurs soins, les assistants familiaux veillent à ce que les enfants concernés s’intègrent dans le nouvel
environnement familial et à ce que ces enfants puissent grandir sous la surveillance continue des parents et avec des soins adaptés à leur âge.
76. En ce sens, plutôt que d’être subordonnés à l’autorité compétente et d’être soumis aux ordres ou aux décisions de cette autorité dans l’exercice des tâches convenues, les assistants familiaux prennent en charge les enfants concernés de manière indépendante, en agissant sur la base des besoins individuels de ces enfants et du programme déterminé par la famille d’accueil.
77. Il est vrai que les assistants familiaux ne sont pas autorisés à quitter leurs fonctions sans autorisation expresse de l’autorité compétente. Il est également vrai que les assistants familiaux ont l’obligation de permettre à des spécialistes de la protection de l’enfance de superviser leur activité professionnelle. Toutefois, ces exigences ne suffisent pas pour en conclure que les assistants familiaux exercent leurs activités quotidiennes dans un lien de subordination comme l’exige la
jurisprudence.
78. Plus précisément, il est clair que, en raison de ces exigences, les assistants familiaux ne peuvent organiser leur temps et prendre soin des enfants concernés à leur gré. Dès lors, les exigences ne portent ni sur l’exécution effective (au jour le jour) des tâches accomplies par les assistants familiaux ni sur l’organisation du travail en fonction des besoins d’un employeur. Les exigences constituent ainsi plutôt une partie du cadre général dans lequel le mandat doit être exécuté.
79. En outre, il ne faut pas oublier que les enfants placés en famille d’accueil sont particulièrement vulnérables. Les exigences mentionnées en ce qui concerne les congés annuels et les contributions de spécialistes à l’éducation de ces enfants sont sans doute fixées pour protéger les enfants concernés. En effet, il serait clairement contraire à l’intérêt supérieur des enfants concernés de permettre aux assistants familiaux de se séparer régulièrement des enfants dont ils sont censés s’occuper
comme s’ils étaient les leurs ou, à cet égard, de refuser l’aide de spécialistes en la matière.
2) La nature des activités exercées
80. Comme le relève la juridiction de renvoi, le placement d’un enfant en famille d’accueil constitue une mesure visant à assurer que l’enfant grandisse dans un environnement similaire à celui de sa famille. Cela implique de vivre en permanence avec la famille d’accueil. En ce sens, le service fourni par les assistants familiaux est comparable à celui de tout autre parent. Pour garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant reste la priorité lors du placement familial, les tâches parentales exercées
par les assistants familiaux ne devraient pas être organisées sur la base d’un programme de travail ou de repos obligatoires, y compris des périodes de congé annuel obligatoires.
81. Cela est vrai quelle que soit la durée du placement dans une famille d’accueil (qui peut, comme indiqué précédemment, aller d’un séjour de courte durée à un placement de longue durée). On ne saurait trop insister sur le fait que la fonction d’assistant familial telle que la définit la loi no 272/2004 constitue un mandat pour donner à l’enfant la possibilité de grandir en famille, une famille dont le programme est déterminé par les besoins de la famille et des enfants et non par ceux d’un
employeur.
82. Cela m’amène à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Hälvä ( 36 ). Cette affaire concernait des personnes employées comme « parents remplaçants » par une association de protection de l’enfance gérant un village d’enfants. De manière plus spécifique, la question était de savoir si les parents exerçant une telle activité en tant que travailleurs employés par l’association relevaient de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88. Dans cette affaire, la Cour est partie de la prémisse que
ces parents remplaçants sont des travailleurs et relèvent donc du champ d’application de cette directive, une prémisse partagée par la juridiction de renvoi.
83. Contrairement à la présente affaire, les parents remplaçants en cause dans l’affaire Hälvä ne s’occupaient pas continuellement des enfants dans leur propre foyer. Ils étaient employés par une association de protection de l’enfance dans le cadre de contrats indiquant un service annuel par périodes de vingt-quatre heures qu’ils devaient effectuer dans un établissement, celui-ci ressemblant toutefois étroitement à un environnement familial. De plus, les parents remplaçants étaient employés dans les
« maisons » du village d’enfants sur la base du programme de travail établi par le directeur du village ( 37 ).
84. Alors que l’association de protection des enfants ne contrôlait pas le travail dans les maisons pendant les périodes de travail, le cadre plus large dans lequel les parents remplaçants accomplissaient leurs tâches était déterminé par l’association : en particulier, ils travaillaient pendant des périodes préétablies dans des maisons prédéterminées un nombre prédéterminé de jours par an. Malgré la description quelque peu trompeuse de l’emploi (parent remplaçant), ils constituaient simplement du
personnel temporaire dans un village d’enfants, un personnel qui n’assumait pas la responsabilité principale de l’éducation des enfants vivant dans ce village ( 38 ).
85. Ces éléments distinguent l’affaire Hälvä de la présente affaire. Ils permettent également d’expliquer pourquoi la question liminaire de savoir si les personnes concernées dans l’affaire Hälvä étaient des travailleurs au sens de la directive 2003/88 ne s’est pas posée. En effet, parmi d’autres indicateurs concernant l’existence d’une relation de travail entre l’association de protection de l’enfance et les personnes concernées, le lien de subordination requis par la jurisprudence de la Cour
existait clairement dans cette affaire.
86. Mon point suivant concerne également les différences entre l’affaire Hälvä et la présente affaire. Il porte sur l’impossibilité de concilier les exigences de la directive 2003/88 avec l’intérêt supérieur des enfants placés dans une famille d’accueil. Comme l’ont souligné les gouvernements roumain et allemand lors de l’audience, l’activité d’assistants familiaux est en contradiction fondamentale avec les dispositions de cette directive et ne devrait pas relever de ladite directive.
87. Supposons que les assistants familiaux tels que ceux en cause dans l’affaire au principal soient néanmoins considérés comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88, une position défendue par la Commission.
88. Dans cette hypothèse, l’organisation des tâches accomplies par les assistants familiaux conformément aux exigences de la directive 2003/88 nécessiterait l’attribution de plusieurs assistants familiaux et familles d’accueil aux enfants concernés. En effet, comme je l’ai expliqué précédemment, les périodes de repos non prises et les congés payés annuels prévus par cette directive ne peuvent être remplacés par des paiements supplémentaires. Par conséquent, considérer que les assistants familiaux
sont des travailleurs aux fins de ladite directive signifierait que le placement en famille d’accueil devrait être organisé autour des périodes de repos et des congés de chaque assistant familial. Dans la pratique, cela signifierait que les enfants placés en famille d’accueil devraient passer d’une famille d’accueil à une autre en fonction des « postes » de chaque assistant familial, une situation jugée acceptable par la Commission. Du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants concernés,
l’absurdité d’une telle solution est toutefois évidente ( 39 ).
89. Contrairement à ce qu’a suggéré la Commission lors de l’audience, on ne peut pas établir de parallèles avec l’affaire Hälvä, qui concernait une situation intrinsèquement différente : le personnel temporaire d’un village d’enfants (privé) qui s’occupe d’enfants dans des maisons de villages d’enfants, des maisons dans lesquelles vivent ces enfants pendant l’absence des assistants familiaux assumant la responsabilité principale de l’éducation des enfants.
90. À cet égard, je souhaiterais également souligner qu’on ne peut pas non plus résoudre la contradiction existant entre l’activité d’assistant familial et les exigences fixées par la directive 2003/88 en ayant recours à l’un des paragraphes de l’article 17 de cette directive. Comme je l’ai déjà indiqué, cette disposition permet aux États membres de déroger aux exigences de ladite directive concernant, entre autres, les périodes de repos journalier et hebdomadaire, mais non pas à l’article 7 de la
même directive, qui oblige les États membres à garantir à chaque travailleur le droit à un congé annuel payé d’une durée d’au moins quatre semaines. Garantir que les assistants familiaux bénéficient d’un minimum de quatre semaines de congé (payé) sans les enfants dont ils ont la charge exigerait, en substance, la mise en place de dispositions de prise en charge temporaire. Il est évident qu’une telle solution ne serait pas dans l’intérêt supérieur des enfants concernés et elle ne serait,
notamment, pas conforme à l’objectif de garantir que les enfants placés dans des familles stables puissent vivre dans un environnement familial stable en tant que membres à part entière de la famille d’accueil.
91. Pour l’ensemble de ces raisons, j’estime que la notion de « travailleur » doit être interprétée en ce sens que les assistants familiaux tels que ceux en cause dans l’affaire au principal ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/88.
92. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner les autres questions préjudicielles.
III. Conclusion
93. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions déférées par la Curtea de Apel Constanţa (cour d’appel de Constanţa, Roumanie) de la manière suivante :
La notion de « travailleur » doit être interprétée en ce sens que les assistants familiaux tels que ceux en cause dans l’affaire au principal ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).
( 3 ) Directive du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1).
( 4 ) Republiée au Monitorul Oficial al României, partie I, no 159 du 5 mars 2014, modifiée et complétée par l’Ordonanţa de Urgență a Guvernului (ordonnance d’urgence du gouvernement) no 65 du 15 octobre 2014, la loi no 131 du 8 octobre 2014, la loi no 52 du 30 mars 2016 et la loi no 57 du 11 avril 2016.
( 5 ) Dans la législation nationale pertinente, les assistants familiaux sont désignés comme « assistants maternels » (« asistent maternal »).
( 6 ) Publiée au Monitorul Oficial al României, Partie I, no 443, du 23 juin 2003.
( 7 ) Voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, point 20 et jurisprudence citée).
( 8 ) Voir points 53 et suiv. des présentes conclusions.
( 9 ) Voir, notamment, arrêts du 1er décembre 2005, Dellas e.a (C‑14/04, EU:C:2005:728, point 38) ; du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (C‑266/14, EU:C:2015:578, point 48), et du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, point 25), ainsi que ordonnances du 11 janvier 2007, Vorel (C‑437/05, EU:C:2007:23, point 35), et du 4 mars 2011, Grigore (C‑258/10, non publiée, EU:C:2011:122, points 81 à 84). Voir également communication
interprétative de la Commission relative à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2017, C 165, p. 1, ci-après la « communication interprétative »), p. 14.
( 10 ) Voir communication interprétative, p. 15.
( 11 ) Voir, notamment, ordonnance du 11 janvier 2007, Vorel (C‑437/05, EU:C:2007:23, point 32 et jurisprudence citée). Voir également communication interprétative, p. 15.
( 12 ) Voir également arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, plus spécifiquement point 26). Dans cette affaire, la Cour a admis qu’une interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 était possible bien que l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi ait concerné les droits des demandeurs à la rémunération des heures supplémentaires.
( 13 ) Voir notamment arrêts du 3 octobre 2000, Simap (C‑303/98, EU:C:2000:528, points 35 et 36) ; du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 52 à 55) ; du 3 mai 2012, Neidel (C‑337/10, EU:C:2012:263, points 21 et 22), et du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 24 et jurisprudence citée).
( 14 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 28 et jurisprudence citée) ; du 3 mai 2012, Neidel (C‑337/10, EU:C:2012:263, points 23 à 25), et du 21 février 2018, Matzak (C‑518/15, EU:C:2018:82, point 66).
( 15 ) Arrêt du 3 octobre 2000, Simap (C‑303/98, EU:C:2000:528, point 47).
( 16 ) La directive initiale fixant les règles relatives au temps de travail a été adoptée en 1993. Contrairement aux mesures antérieures dans ce domaine, qui concernaient principalement la création d’emplois en réduisant le temps de travail, la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 1993, L 307, p. 18) mettait l’accent sur la santé et la sécurité des travailleurs. La directive 93/104 – ainsi que plusieurs directives
sectorielles – a ensuite été abrogée et remplacée par la directive 2003/88. Voir plus en détail Barnard, C., EU Employment Law, 4e éd., Oxford University Press, Oxford, 2012, p. 534.
( 17 ) La directive 2003/88 a été adoptée sur la base de l’article 137 TCE (désormais article 153 TFUE). Voir également arrêts du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, EU:C:2001:356, point 59), et du 12 octobre 2004, Wippel (C‑313/02, EU:C:2004:607, points 46 et 47), concernant la raison d’être de cette directive.
( 18 ) Cela résulte du considérant 15 de la directive 2003/88.
( 19 ) Voir également, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 52 à 55).
( 20 ) En dépit de la marge de manœuvre laissée aux États membres, il semble que la directive 2003/88 ne traite pas de manière adéquate de nombreuses questions relatives à la réalité du travail de nos jours. Voir en ce sens communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Révision de la directive sur le temps du travail (Deuxième phase de consultation des partenaires sociaux au niveau de l’Union au titre de
l’article 154 TFUE) [COM(2010) 801 final]. Notamment, la logique de « 9 heures à 17 heures » est clairement présente dans de nombreuses dispositions de cette directive, malgré l’augmentation des nouveaux types de modalités de travail flexibles qui n’obéissent pas à cette logique. Voir Barnard, C., EU Employment Law, 4e éd., Oxford University Press, Oxford, 2012, p. 558.
( 21 ) Voir article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 concernant le paiement des congés annuels non pris en cas de cessation de la relation de travail.
( 22 ) Voir arrêts du 3 octobre 2000, Simap (C‑303/98, EU:C:2000:528, point 35) ; du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 52) ; du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, EU:C:2003:437, point 89) ; du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, points 24, 40 et 41), et du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, point 31).
( 23 ) Voir, ex multis, arrêts du 3 octobre 2000, Simap (C‑303/98, EU:C:2000:528, point 49) ; du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, EU:C:2003:437, point 65), et du 21 février 2018, Matzak (C‑518/15, EU:C:2018:82, points 44 et 45, et jurisprudence citée).
( 24 ) Voir arrêt du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, EU:C:2003:437, notamment points 60 et 68).
( 25 ) Voir arrêt du 21 février 2018, Matzak (C‑518/15, EU:C:2018:82, point 66).
( 26 ) Voir arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612).
( 27 ) Voir arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 28) avec une référence aux arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum (66/85, EU:C:1986:284, points 16 et 17), et du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 26). Voir également arrêts du 3 mai 2012, Neidel (C‑337/10, EU:C:2012:263, point 23), et du 7 septembre 2004, Trojani (C‑456/02, EU:C:2004:488, points 15 et 16).
( 28 ) Voir, notamment, arrêts du 8 juin 1999, Meeusen (C‑337/97, EU:C:1999:284, point 15), et du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
( 29 ) Arrêt du 13 janvier 2004, Allonby (C‑256/01, EU:C:2004:18, point 72).
( 30 ) Arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 30), avec une référence à l’arrêt du 20 septembre 2007, Kiiski (C‑116/06, EU:C:2007:536, point 26 et jurisprudence citée). Voir également arrêts du 11 novembre 2010, Danosa (C‑232/09, EU:C:2010:674, point 56), et du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, points 42 à 51).
( 31 ) Voir, à cet égard, pour une analyse des conséquences de la tendance de la Cour à interpréter de manière large la notion de « travailleur » et à interpréter cette notion de la même manière aux fins de l’article 45 TFUE et de la législation dérivée sans respecter à suffisance les choix opérés à cet égard par les législateurs nationaux, Paanetoja, J., « Euroopan unionin oikeuden työntekijäkäsitteen laajeneva tulkinta », Lakimies 3-4/2015, p. 367 à 385.
( 32 ) Voir arrêts du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 31) ; du 13 janvier 2004, Allonby (C‑256/01, EU:C:2004:18, point 63), et du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 30).
( 33 ) Voir, par exemple, arrêts du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 32 et jurisprudence citée) ; du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 70) ; du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, points 36 et 40, et jurisprudence citée), et du 25 octobre 2012, Prete (C‑367/11, EU:C:2012:668, point 46).
( 34 ) Voir arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007, point 47).
( 35 ) Voir arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 29).
( 36 ) Arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617).
( 37 ) Arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, point 24).
( 38 ) Arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, en particulier point 33).
( 39 ) Il me semble qu’une solution aussi insatisfaisante ne pourrait être évitée, même si la Cour devait juger que l’activité des assistants familiaux, bien qu’ils soient des travailleurs au sens de la directive 2003/88, relève de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391. En effet, dans ce cas également, il conviendrait de trouver un équilibre entre les droits de l’enfant visés à l’article 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’une part, et
les droits des travailleurs fixés à l’article 31, paragraphe 2, de celle-ci, d’autre part.