CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GERARD HOGAN
présentées le 14 mars 2019 ( 1 )
Affaire C‑226/18
Krohn & Schröder GmbH
contre
Hauptzollamt Hamburg-Hafen
[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Procédures d’importation et d’exportation – Dette douanière – Règlement (CEE) no 2913/92 – Article 212 bis – Règlement d’exécution (UE) no 1238/2013, instituant un droit antidumping définitif – Règlement d’exécution (UE) no 1239/2013, instituant un droit compensateur définitif – Exonérations »
I. Introduction
1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 212 bis du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire ( 2 ), dans sa version applicable à la date des faits du litige au principal (ci-après le « code des douanes »), de l’article 3, paragraphe 1, sous a), b) et c), du règlement d’exécution (UE) no 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant
définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine ( 3 ) et de l’article 2, paragraphe 1, sous a), b) et c), du règlement d’exécution (UE) no 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants
essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine ( 4 ).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Krohn & Schröder GmbH au Hauptzollamt Hamburg-Hafen (bureau principal des douanes du port de Hambourg, Allemagne, ci-après le « bureau principal »), au sujet de l’imposition d’un droit antidumping et d’un droit compensateur, au motif que les marchandises concernées ne s’étaient pas vu attribuer de nouvelle destination douanière à l’échéance du délai afférent au dépôt.
3. Cette affaire offre à la Cour l’opportunité de clarifier la relation entre le code des douanes et un règlement d’exécution qui institue un droit antidumping et un droit compensateur définitifs, en particulier quant aux conditions d’exonération.
II. Le cadre juridique
A. Le code des douanes
4. L’article 4, paragraphe 7, du code des douanes définit les « marchandises communautaires » comme les marchandises « importées de pays ou territoires ne faisant pas partie du territoire douanier de [l’Union] et mises en libre pratique ».
5. L’article 4, paragraphe 20, du code des douanes définit la « mainlevée d’une marchandise » comme « la mise à la disposition, par les autorités douanières, d’une marchandise aux fins prévues par le régime douanier sous lequel elle est placée ».
6. L’article 49, paragraphe 1, du code des douanes dispose :
« Lorsque les marchandises ont fait l’objet d’une déclaration sommaire, elles doivent faire l’objet des formalités en vue de leur donner une destination douanière dans les délais suivants :
a) quarante-cinq jours à compter de la date du dépôt de la déclaration sommaire en ce qui concerne les marchandises acheminées par voie maritime ;
b) vingt jours à compter de la date du dépôt de la déclaration sommaire en ce qui concerne les marchandises acheminées par une voie autre que maritime. »
7. L’article 53, paragraphe 1, du code des douanes prévoit :
« Les autorités douanières prennent sans délai toute mesure nécessaire y compris la vente des marchandises pour régler la situation des marchandises pour lesquelles les formalités en vue de leur donner une destination douanière n’ont pas été engagées dans les délais fixés conformément à l’article 49. »
8. L’article 74, paragraphe 2, du code des douanes dispose :
« Lorsque, en application des dispositions relatives au régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées, les autorités douanières exigent la constitution d’une garantie, la mainlevée desdites marchandises pour le régime douanier considéré ne peut être octroyée qu’après que cette garantie a été constituée. »
9. Aux termes de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes :
« Fait naître une dette douanière à l’importation :
a) l’inexécution d’une des obligations qu’entraîne pour une marchandise passible de droits à l’importation son séjour en dépôt temporaire ou l’utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée ».
10. L’article 212 bis du code des douanes dispose :
« Lorsque la réglementation douanière prévoit un traitement tarifaire favorable d’une marchandise en raison de sa nature ou de sa destination particulière, une franchise ou une exonération totale ou partielle de droits à l’importation ou de droits à l’exportation en vertu des articles 21, 82, 145 ou 184 à 187, ce traitement favorable, cette franchise ou cette exonération s’applique également dans les cas de naissance d’une dette douanière en vertu des articles 202 à 205, 210 ou 211, lorsque le
comportement de l’intéressé n’implique ni manœuvre frauduleuse ni négligence manifeste et que ce dernier apporte la preuve que les autres conditions d’application du traitement favorable, de la franchise ou de l’exonération sont réunies. »
B. Le règlement (CEE) no 2454/93
11. L’article 866 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire ( 5 ) prévoit :
« Sans préjudice du respect des dispositions prévues en matière de prohibition ou de restriction éventuellement applicables à la marchandise concernée, lorsqu’une dette douanière à l’importation est née en vertu des dispositions des articles 202, 203, 204 ou 205 du code et que les droits à l’importation ont été acquittés, cette marchandise est considérée comme communautaire sans qu’il soit nécessaire de faire une déclaration de mise en libre pratique. »
C. Le règlement d’exécution no 1238/2013
12. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 1238/2013 dispose :
« Sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables. »
13. L’article 3 dudit règlement prévoit :
« 1. Dans le cas des produits qui relèvent actuellement du code NC ex85414090 (codes TARIC 8541409021, 8541409029, 8541409031 et 8541409039) et qui sont facturés par des sociétés dont la Commission a accepté des engagements et dont les noms figurent à l’annexe de la [décision d’exécution 2013/707/UE de la Commission du 4 décembre 2013 confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules
photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO 2013, L 325, p. 214)], les importations déclarées pour la mise en libre pratique sont exonérées du droit antidumping institué par l’article 1er, si les conditions suivantes sont remplies :
a) une société énumérée à l’annexe de la décision d’exécution 2013/707/UE a fabriqué, expédié et facturé les produits susmentionnés, directement ou par l’intermédiaire d’une société liée énumérée également à l’annexe à la décision d’exécution 2013/707/UE, soit à ses sociétés liées dans l’Union agissant comme importateurs et mettant les marchandises en libre pratique dans l’Union, soit au premier client indépendant agissant comme importateur et mettant les marchandises en libre pratique dans
l’Union ;
b) ces importations sont accompagnées d’une facture conforme, c’est-à-dire d’une facture commerciale comportant au moins les informations et la déclaration prévues à l’annexe III du présent règlement ;
c) ces importations sont accompagnées d’un certificat d’engagement à l’exportation conforme à l’annexe IV du présent règlement ; et
d) les marchandises déclarées et présentées aux douanes correspondent précisément à la description figurant sur la facture conforme.
2. Une dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique :
a) dès lors qu’il est établi, en ce qui concerne les importations décrites au paragraphe 1, qu’une ou plusieurs des conditions énoncées à ce paragraphe n’ont pas été remplies ;
[…] »
D. Le règlement d’exécution no 1239/2013
14. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 1239/2013 dispose :
« Sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables. »
15. L’article 2 dudit règlement prévoit :
« 1. Dans le cas des produits qui relèvent actuellement du code NC ex85414090 (codes TARIC 8541409021, 8541409029, 8541409031 et 8541409039) et qui sont facturés par des entreprises dont la Commission a accepté des engagements et dont la raison sociale figure à l’annexe de la décision d’exécution 2013/707/UE, les importations déclarées pour la mise en libre pratique sont exonérées du droit antisubvention institué par l’article 1er, si les conditions suivantes sont remplies :
a) une société énumérée à l’annexe de la décision d’exécution 2013/707/UE, a fabriqué, expédié et facturé les produits susmentionnés, directement ou par l’intermédiaire d’une société liée énumérée également à l’annexe à la décision d’exécution 2013/707/UE, soit à ses sociétés liées dans l’Union agissant comme importateurs et mettant les marchandises en libre pratique dans l’Union, soit au premier client indépendant agissant comme importateur et mettant les marchandises en libre pratique dans
l’Union ;
b) ces importations sont accompagnées d’une facture conforme, c’est‑à‑dire d’une facture commerciale comportant au moins les informations et la déclaration prévues à l’annexe 2 du présent règlement ;
c) ces importations sont accompagnées d’un certificat d’engagement à l’exportation conforme à l’annexe 3 du présent règlement ; et
d) les marchandises déclarées et présentées aux douanes correspondent précisément à la description figurant sur la facture conforme.
2. La dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique :
a) dès lors qu’il est établi, en ce qui concerne les importations décrites au paragraphe 1, qu’une ou plusieurs des conditions énoncées à ce paragraphe n’ont pas été remplies ;
[…] »
III. Les faits du litige au principal
16. La requérante possède une société d’entreposage et de transbordement dans le port de Hambourg. Le 21 août 2014, celle-ci a réceptionné deux livraisons de modules photovoltaïques (ci-après les « marchandises ») dans son entrepôt et les a déclarées en tant que dépôt temporaire.
17. Lesdites marchandises ont été fabriquées et expédiées par Wuxi Suntech Power Co. Ltd (ci-après « Wuxi »), à savoir une société qui est énumérée dans l’annexe de la décision d’exécution 2013/707 de la Commission. Elles étaient destinées à SF Suntech Deutschland GmbH, une société liée à Wuxi.
18. Dans la mesure où les marchandises étaient acheminées par une voie autre que maritime, la requérante aurait dû effectuer les formalités en vue de leur donner une destination douanière dans un délai de vingt jours à compter de la date du dépôt de la déclaration sommaire, à savoir avant le 10 septembre 2014.
19. Par lettre datée du 11 septembre 2014, le défendeur a informé la requérante que les marchandises ne s’étaient pas vu attribuer de nouvelle destination douanière à l’expiration du délai de dépôt temporaire, soit le 10 septembre 2014, et a demandé à ladite requérante de présenter les documents requis pour l’importation. Le défendeur a relevé que, tant qu’une autre décision n’aurait pas été prise, il ne serait pas possible de disposer desdites marchandises.
20. Par lettre datée du 26 septembre 2014, la requérante a présenté certains documents dont il ressortait que les marchandises avaient été fabriquées par Wuxi et expédiées à SF Suntech Deutschland, l’une de ses filiales en Allemagne. Parmi ces documents, figuraient une facture conforme de la société Wuxi à SF Suntech Deutschland, qui comportait un renvoi à la décision 2013/423/UE de la Commission, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping
concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine ( 6 ), ainsi qu’un certificat d’engagement à l’exportation conforme de la China Chamber of Commerce for Import & Export of Machinery & Electronic Products (CCCME) (chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques). Ledit certificat d’engagement à
l’exportation conforme comportait une mention analogue à la facture conforme, mais renvoyant à la décision d’exécution 2013/707.
21. Dans sa décision du 24 novembre 2014, après avoir conclu qu’une dette douanière à l’importation était née au titre de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, parce que les marchandises n’avaient reçu aucune nouvelle destination douanière à l’expiration du délai de dépôt temporaire prévu à l’article 49 dudit code, le défendeur a notamment fixé un droit antidumping et un droit compensateur.
22. Le 28 novembre 2014, la requérante a formé une réclamation à l’égard de cette décision. Elle a fait valoir, entre autres, que même en cas de naissance d’une dette douanière en raison d’un manquement à une obligation liée au séjour en dépôt temporaire, l’exonération des droits antidumping et des droits compensateurs prévue, respectivement, à l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013 devait être appliquée
en vertu de l’article 212 bis du code des douanes.
23. Le 4 mai 2015, le bureau principal a réduit le taux des droits antidumping et des droits compensateurs au niveau des taux applicables aux modules photovoltaïques fabriqués par Wuxi, tels que prévus par le règlement d’exécution no 1238/2013 et par le règlement d’exécution no 1239/2013. En revanche, le bureau principal a refusé l’exonération de ces droits au motif que les conditions prévues pour en bénéficier n’étaient pas remplies, dès lors que la facture conforme produite par la requérante
comportait un renvoi à la décision 2013/423 et non à la décision d’exécution 2013/707, visée dans le certificat d’engagement à l’exportation conforme.
24. Le 19 mai 2015, la requérante a présenté une facture conforme corrigée, comportant un renvoi à la décision d’exécution 2013/707. Lorsque la requérante a fourni la garantie requise, le bureau principal a accordé la mainlevée des marchandises et celles-ci ont été livrées à SF Suntech Deutschland.
25. Le 7 juillet 2015, le bureau principal a rejeté ladite réclamation. Ce dernier a déclaré que les exonérations prévues par les règlements d’exécution no 1238/2013 et no 1239/2013 ne pouvaient être accordées en l’absence d’une mise en libre pratique des marchandises. Par ailleurs, la facture présentée ne remplissait pas les exigences formelles énoncées par ces règlements.
26. C’est alors que la partie requérante a formé un recours devant la juridiction de renvoi. La requérante fait valoir que les exonérations de droits antidumping et de droits compensateurs constituent un traitement tarifaire favorable ou, à tout le moins, des exonérations de droits à l’importation ou de droits à l’exportation, au sens de l’article 212 bis du code des douanes. Elle soutient également que la première facture qu’elle avait produite remplissait les conditions requises par lesdits
règlements d’exécution. Qui plus est, la facture conforme rectifiée, produite en date du 19 mai 2015, satisfaisait aux exigences formelles. La requérante souligne que, dans le champ d’application de l’article 212 bis du code des douanes, il n’y aurait pas de mise en libre pratique et que, dès lors, il ne saurait être exigé de produire une facture conforme à un tel moment. Le bureau principal rejette cette interprétation de la législation applicable.
IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
27. Dans ce contexte, le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne) a éprouvé des doutes concernant la relation entre le code des douanes et les règlements d’exécution no 1238/2013 et no 1239/2013. Ladite juridiction a décidé de surseoir à statuer et de soumettre les questions préjudicielles suivantes à l’appréciation de la Cour :
« 1) L’article 212 bis du [code des douanes] s’applique-t-il également à l’exonération d’un droit antidumping et compensateur au titre de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1239/2013 ?
2) Dans l’hypothèse où il serait répondu par l’affirmative à la première question, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, la condition prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1239/2013 est-elle remplie lorsque la société
liée à celle citée dans l’annexe de la décision d’exécution 2013/707/UE (qui a fabriqué, expédié et facturé le produit concerné) n’a certes pas agi en tant qu’importateur du produit concerné ni ne l’a mis en libre pratique, mais avait toutefois une telle intention et a effectivement reçu livraison du produit concerné ?
3) Dans l’hypothèse où il serait répondu par l’affirmative à la deuxième question, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, du code des douanes, une facture conforme et un certificat d’engagement à l’exportation conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 1238/2013 et de l’article 2,
paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 1239/2013 peuvent-ils encore être présentés dans un délai fixé par les autorités douanières en application de l’article 53, paragraphe 1, du code des douanes ?
4) Dans l’hypothèse où il serait répondu par l’affirmative à la troisième question, une facture conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1239/2013 qui, au lieu de la décision d’exécution 2013/707/UE, cite la décision 2013/423/UE remplit-elle, dans les circonstances du litige au principal et en tenant compte des principes généraux de droit, les conditions de l’annexe III, point 9, du règlement
no 1238/2013 et de l’annexe 2, point 9, du règlement no 1239/2013 ?
5) Dans l’hypothèse où il serait répondu par la négative à la quatrième question, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, une facture conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1239/2013 peut-elle encore être
présentée dans le cadre de la procédure de réclamation contre la détermination de la dette douanière ? »
28. Des observations écrites ont été déposées par la requérante au principal et par la Commission européenne. En outre, ces deux parties ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 31 janvier 2019.
V. Analyse
29. Ainsi que la Cour l’a demandé, je limiterai mes observations, dans les présentes conclusions, aux trois premières questions préjudicielles soumises par le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg).
E. Sur la première question préjudicielle
30. Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si l’article 212 bis du code des douanes s’applique à l’exonération des droits antidumping et compensateurs au titre de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 ou de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013.
31. Le premier élément de la réponse est consacré à la fois par le règlement d’exécution no 1238/2013 et par le règlement d’exécution no 1239/2013. En effet, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de ces règlements, « sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables ». Dès lors que lesdits règlements n’excluent pas l’article 212 bis de leur champ d’application, ce dernier peut donc être appliqué.
32. Cependant, pour être appliquées, les exonérations afférentes aux droits antidumping et compensateurs, autorisées par lesdits règlements d’exécution, doivent être considérées comme un « traitement tarifaire favorable d’une marchandise en raison de sa nature ou de sa destination particulière, une franchise ou une exonération totale ou partielle de droits à l’importation ou de droits à l’exportation en vertu des articles 21, 82, 145 ou 184 à 187» ( 7 ) du code des douanes.
33. À cet égard, j’estime que les exonérations de droits antidumping et compensateurs relèvent en principe du concept de « traitement tarifaire favorable », même si elles ne sont pas justifiées par la nature ou la destination de la marchandise concernée. Une telle interprétation est cohérente par rapport à l’objectif de l’article 212 bis du code des douanes ainsi que des droits antidumping et compensateurs. J’aboutis à cette conclusion pour les raisons suivantes.
34. Premièrement, comme le souligne le considérant 12 du règlement (CE) no 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 établissant le code des douanes communautaire ( 8 ), lequel a inséré la version initiale de l’article 212 bis du code des douanes, les conditions dans lesquelles la naissance de la dette a lieu sont dénuées de pertinence lorsque le droit de l’Union prévoit une exonération totale ou partielle de droits à l’importation ou à
l’exportation. En effet, « si la réglementation communautaire prévoit une franchise ou une exonération de droits à l’importation ou à l’exportation, cette franchise ou exonération doit pouvoir s’appliquer dans chaque cas, abstraction faite des conditions dans lesquelles la naissance de la dette a lieu ; […] dans l’hypothèse de l’existence, dans une telle situation, d’un manquement aux règles de procédures douanières, l’application du droit normal n’apparaît pas être un moyen de sanction
adéquat» ( 9 ). Deuxièmement, ainsi que le rappelle la Commission, l’objectif des droits antidumping et compensateurs est d’empêcher qu’une industrie de l’Union ne subisse un préjudice et non de sanctionner la violation de règles douanières.
35. D’autre part, cela est également cohérent par rapport au libellé de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 ou de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, qui ont recours à l’expression « sont exonérées », lorsque l’article 212 bis du code des douanes porte sur une « exonération totale ou partielle ».
36. Enfin, l’on peut également relever que, dans le cadre de l’affaire Isaac International ( 10 ), comme le rappelle la Cour dans l’arrêt prononcé dans ladite affaire, la juridiction nationale était partie de la prémisse que l’exemption de droits antidumping devait être considérée comme un « traitement tarifaire favorable » au sens de l’article 212 bis du code des douanes ( 11 ). La Cour n’a pas remis cet élément en cause. Au contraire, elle a répondu à la question posée, laquelle portait sur le
respect des « autres conditions d’application » au sens de l’article 212 bis du code des douanes.
37. À la lumière des considérations qui précèdent, il appert que l’article 212 bis du code des douanes s’applique à l’exonération d’un droit antidumping et d’un droit compensateur au titre de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 ou de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, pour autant que les conditions prévues par ces règlements soient également respectées.
F. Sur la deuxième question préjudicielle
38. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, la condition prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution
no 1239/2013 est remplie lorsque la société liée à celle énumérée dans l’annexe de la décision d’exécution 2013/707 (société qui a fabriqué, expédié et facturé les marchandises concernées) n’a pas agi en qualité d’importateur de ces marchandises ni ne les a mises en libre pratique, mais avait une telle intention et a effectivement reçu livraison desdites marchandises.
39. À titre liminaire, il convient de rappeler que la requérante est un « intéressé » au sens de l’article 212 bis du code des douanes. En effet, la Cour a jugé que cette notion « doit être comprise, compte tenu du libellé de cette disposition, comme se rapportant à toute personne, physique ou morale, qui est considérée comme débitrice d’une dette douanière en vertu d’un des articles 202 à 205 dudit code» ( 12 ), ce qui est le cas de Krohn & Schröder en l’espèce.
40. Toutefois, je ne pense pas que la Cour puisse apporter une réponse affirmative à la deuxième question préjudicielle.
41. En effet, lorsqu’elle était précédemment invitée à interpréter une disposition analogue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, la Cour a jugé que « l’exonération des droits antidumping ne peut être accordée que sous certaines conditions, dans des cas spécifiquement prévus, et constitue ainsi une exception au régime normal des droits antidumping. Les dispositions prévoyant une telle exonération
sont, donc, d’interprétation stricte» ( 13 ).
42. Selon la première phrase de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, la condition préalable aux fins de l’application de l’exonération d’un droit antidumping ou compensateur est que les marchandises en cause aient été déclarées pour la mise en libre pratique. En l’espèce, il est clair que cette condition préalable n’a pas été remplie dès lors que la dette douanière litigieuse résulte de ce que les
formalités requises en vue de l’attribution d’une destination douanière, à l’instar de la mise en libre pratique, n’ont pas été accomplies dans le délai prévu à l’article 49, paragraphe 1, du code des douanes.
43. Dans de telles circonstances, à supposer même que l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013 puissent trouver à s’appliquer au titre de l’article 212 bis du code des douanes sans que ladite condition préalable soit remplie, simplement parce que la dette douanière est née en vertu de l’article 204 du code des douanes, les autres conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous a), b), c) et d), du
règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), b), c) et d), du règlement d’exécution no 1239/2013 devraient aussi être satisfaites.
44. La première de ces conditions est que la société énumérée dans l’annexe de la décision d’exécution 2013/707 ait fabriqué, expédié et facturé directement les produits susvisés, soit à ses sociétés liées dans l’Union agissant comme importateurs et mettant les marchandises en libre pratique dans l’Union, soit au premier client indépendant agissant comme importateur et mettant les marchandises en libre pratique dans l’Union. Pour le dire simplement, le destinataire doit agir en qualité d’importateur
et mettre les marchandises en libre pratique.
45. En l’espèce, l’entreprise qui a réceptionné les marchandises n’est pas l’importateur et ne les a pas mises en libre pratique. Même si l’on peut supposer que la requérante a réceptionné les marchandises pour le compte de l’importateur, ainsi qu’elle l’a affirmé lors de l’audience du 31 janvier 2019, nous demeurons confrontés à l’obligation de mise en libre pratique desdites marchandises.
46. Non seulement les marchandises concernées n’ont pas fait l’objet d’une déclaration pour la mise en libre pratique, mais il semble qu’elles n’aient pas été mises en libre pratique ( 14 ). Si les marchandises en cause ont été qualifiées de « marchandises communautaires » et livrées, c’est uniquement par application de l’article 866 du règlement no 2454/93.
47. De plus, en principe, afin de pouvoir bénéficier de cette règle, la dette douanière à l’importation mise en cause doit être née en vertu de l’article 204 du code des douanes et les droits à l’importation doivent avoir été acquittés. En l’espèce, toutefois, de tels droits à l’importation n’ont pas été acquittés, dans les faits. Si les marchandises ont été livrées au destinataire, c’est uniquement parce que la garantie requise a été constituée. Lorsqu’elles ont été interrogées sur cette question
par des membres de la Cour lors de l’audience du 31 janvier 2019, les parties ont convenu que la constitution d’une garantie ne pouvait pas être considérée comme équivalente au paiement de droits à l’importation.
48. En résumé, en l’espèce, ni la condition préalable ni la première condition prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013 ne sont remplies : les importations n’ont pas été déclarées pour la mise en libre pratique, l’entreprise qui a réceptionné lesdites marchandises n’est pas l’importateur et ces marchandises n’ont pas été formellement mises en libre pratique.
49. En d’autres termes, les exonérations prévues à l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013 s’appliqueraient uniquement si une succession d’autres règlements s’appliquait, et ce en vertu d’une série de fictions juridiques – telles que, par exemple, le fait de considérer que la requérante est l’importateur et le fait de traiter le paiement de la garantie comme si celle-ci était le droit à l’importation à
acquitter au titre de l’article 866 du règlement no 2454/93.
50. Une telle application de la législation aboutirait effectivement à une distorsion de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, et irait à l’encontre de la règle d’interprétation évoquée ci-dessus, selon laquelle les dispositions prévoyant une exonération de droits antidumping sont d’interprétation stricte ( 15 ).
51. En outre, il convient de noter que les conditions, telles que celles imposées par l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, sont établies « afin de permettre à la Commission et aux autorités douanières de s’assurer que les sociétés respectent leurs engagements lors de la présentation d’une demande de mise en libre pratique aux autorités douanières compétentes. Ainsi, si ces conditions ne sont pas
respectées, le droit antidumping applicable est dû au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique» ( 16 ).
52. Ainsi que la Cour l’a déjà souligné dans l’arrêt Isaac International ( 17 ), une condition qui permet aux autorités douanières de vérifier au moment des faits que toutes les exigences relatives à l’exemption des droits antidumping en cause sont réunies revêt une importance particulière ( 18 ). Dès lors, l’application de l’article 212 bis du code des douanes ne saurait aboutir au résultat qu’une telle exemption de droits antidumping puisse être accordée même à défaut du respect d’une telle
condition ( 19 ).
53. Dans un contexte tel que celui de l’espèce, j’estime que les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1239/2013 revêtent une importance particulière. Le défaut de vérification du respect de ces conditions étaye également la conclusion suivant laquelle l’exonération antidumping ne s’applique tout simplement pas.
54. En effet, ainsi que la Commission l’a suggéré dans ses observations écrites ( 20 ), l’on ne peut exclure que l’intervention d’un tiers à la procédure, tel que la requérante en l’espèce, et l’acquisition du statut de « marchandises communautaires » à la suite d’une opération autre que la mise en « libre pratique » des marchandises – par exemple au titre de l’article 866 du règlement no 2454/93 – puissent compromettre la possibilité de vérifier le respect des autres conditions de l’article 3,
paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, mettant ainsi potentiellement en péril les intérêts financiers de l’Union.
55. À la lumière des considérations qui précèdent, je suis tenu de conclure que, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, la condition prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1239/2013 n’est pas remplie
lorsque la société liée à celle énumérée dans l’annexe de la décision d’exécution 2013/707 (qui a fabriqué, expédié et facturé le produit concerné) n’a pas agi en tant qu’importateur du produit concerné ni ne l’a mis en libre pratique, même si elle avait une telle intention et si elle a effectivement reçu livraison du produit concerné.
G. Sur la troisième question préjudicielle
56. La troisième question soumise par la juridiction de renvoi n’est posée que dans l’hypothèse où la deuxième question appellerait une réponse positive. Puisque, selon moi, tel n’est pas le cas, il n’est pas nécessaire de répondre à cette question. Par souci d’exhaustivité, je propose néanmoins de l’examiner.
57. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si, dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, du code des douanes, une facture conforme et un certificat d’engagement à l’exportation conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement d’exécution
no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement d’exécution no 1239/2013 peuvent encore être présentés dans un délai fixé par les autorités douanières en application de l’article 53, paragraphe 1, du code des douanes.
58. Ainsi que je l’ai rappelé au point 41 des présentes conclusions, les dispositions prévoyant une exonération de droits antidumping se doivent de faire l’objet d’une interprétation stricte.
59. Cependant, ainsi que la juridiction de renvoi l’a mentionné, la Cour a jugé dans son arrêt Tigers que, dans le champ d’application de l’article 78 du code des douanes, il est permis de présenter de nouveaux éléments susceptibles d’être pris en compte par les autorités douanières, et ce postérieurement à la déclaration en douane ( 21 ).
60. J’estime que cette solution est également applicable par analogie dans des situations survenant sous l’empire de l’article 53 du code des douanes. J’adopte cette position pour les raisons suivantes.
61. Premièrement, il découle du libellé de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013 que, afin d’être exonérées des droits antidumping et compensateurs prévus par ces règlements, les importations déclarées pour la mise en libre pratique doivent être accompagnées d’une facture conforme et d’un certificat d’engagement à l’exportation conforme. Cependant, le libellé de ces dispositions ne fournit aucune
indication quant au moment auquel ladite facture doit être présentée.
62. En effet, si ce libellé laisse entendre que le « bon » moment est celui auquel la déclaration en douane est effectuée, il convient de noter que, ainsi que la Cour et l’avocat général Mengozzi l’ont souligné dans l’affaire Tigers ( 22 ) à propos du règlement d’exécution (UE) no 412/2013 du Conseil, du 13 mai 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’articles en céramique pour la table et la cuisine
originaires de la République populaire de Chine ( 23 ), aucune autre disposition du règlement d’exécution no 1238/2013 ou du règlement d’exécution no 1239/2013 – contrairement à d’autres règlements antidumping – ne spécifie le moment auquel la facture conforme et le certificat d’engagement à l’exportation conforme doivent être présentés aux autorités douanières ( 24 ).
63. En outre, bien que l’article 62 du code des douanes prévoie une règle analogue, selon laquelle « doivent être joints à la déclaration tous les documents dont la production est nécessaire pour permettre l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées », la Cour a affirmé que « ladite disposition ne précise pas quelles sont les conséquences liées au défaut de conformité des documents joints à cette déclaration» ( 25 ).
64. Deuxièmement, le moment auquel la déclaration en douane a lieu n’est pertinent que pour l’hypothèse visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013, à savoir lorsque la dette douanière naît après la déclaration de mise en libre pratique.
65. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Si la Cour admet que l’article 212 bis est applicable en cas de naissance d’une dette douanière en vertu de l’article 204, paragraphe 1, du code des douanes en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, il conviendrait de reconnaître que le moment auquel la facture conforme et le certificat d’engagement à l’exportation conforme doivent être présentés ne peut coïncider avec la déclaration. Ainsi que je l’ai déjà relevé, cela ne
s’est pas produit dans la présente affaire.
66. Par conséquent, étant donné que l’article 53, paragraphe 1, du code des douanes permet aux autorités douanières – voire leur impose – de prendre « toute mesure nécessaire pour régler la situation des marchandises pour lesquelles les formalités en vue de leur donner une destination douanière n’ont pas été engagées dans les délais fixés conformément à l’article 49» ( 26 ), il devrait être permis de présenter la facture conforme et le certificat d’engagement à l’exportation conforme dans le
contexte de cette procédure, dans le délai fixé par les autorités douanières ou, au plus tard, avant la mainlevée des marchandises, afin d’éviter tout risque de contournement.
67. Cette logique est cohérente par rapport à l’objectif des droits antidumping et compensateurs qui, comme indiqué précédemment au point 34 des présentes conclusions, est d’empêcher qu’une industrie de l’Union ne subisse un préjudice et non de sanctionner la violation des règles douanières. Plus largement, cette logique est également conforme à la finalité du code des douanes qui vise, notamment, aux termes de son cinquième considérant, à assurer une application correcte des taxes prévues par
celui-ci ( 27 ).
68. À la lumière des considérations qui précèdent, il me semble que, lorsque l’on applique l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du non-respect du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, du code des douanes, il est admissible de présenter une facture conforme et un certificat d’engagement à l’exportation conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement d’exécution no 1238/2013 et de
l’article 2, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement d’exécution no 1239/2013 dans le délai fixé par les autorités douanières ou, au plus tard, avant la mainlevée des marchandises.
VI. Conclusion
69. À ce titre, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux deux premières questions préjudicielles soumises par le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne) :
1) L’article 212 bis du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, s’applique à l’exonération d’un droit antidumping et compensateur au titre de l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et
leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, pour autant que les conditions prévues par lesdits règlements
soient satisfaites.
2) Dans le cadre de l’application de l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, de ce code, la condition prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1238/2013 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 1239/2013 n’est pas remplie lorsque la société liée à celle citée dans l’annexe de la décision
d’exécution 2013/707/UE (qui a fabriqué, expédié et facturé les marchandises concernées) n’a pas agi en tant qu’importateur de ces marchandises, ni ne les a mises en libre pratique, même si elle avait une telle intention et si elle a effectivement reçu livraison de ces marchandises.
70. Si la Cour devait ne pas partager ma position quant à la deuxième question, je l’invite à apporter la réponse suivante à la troisième question posée par la juridiction de renvoi :
3) Lorsque l’on applique l’article 212 bis du code des douanes à une dette douanière née en vertu de l’article 204, paragraphe 1, dudit code en raison du dépassement du délai visé à l’article 49, paragraphe 1, du code des douanes, il est admissible de présenter une facture conforme et un certificat d’engagement à l’exportation conforme au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement d’exécution no 1238/2013 et de l’article 2, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement
d’exécution no 1239/2013 dans le délai fixé par les autorités douanières ou, au plus tard, avant la mainlevée des marchandises.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) JO 1992, L 302, p. 1.
( 3 ) JO 2013, L 325, p. 1.
( 4 ) JO 2013, L 325, p. 66.
( 5 ) JO 1993, L 253, p. 1.
( 6 ) JO 2013, L 209, p. 26.
( 7 ) Article 212 bis du code des douanes.
( 8 ) JO 1997, L 17, p. 1.
( 9 ) Considérant 12 du règlement (CE) no 82/97.
( 10 ) Arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C‑371/09, EU:C:2010:458).
( 11 ) Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C‑371/09, EU:C:2010:458, point 40).
( 12 ) Arrêt du 25 janvier 2017, Ultra-Brag (C‑679/15, EU:C:2017:40, point 38).
( 13 ) Arrêt du 17 septembre 2014, Baltic Agro (C‑3/13, EU:C:2014:2227, point 24, italique ajouté par mes soins). La même règle d’interprétation s’applique à l’article 212 bis du code des douanes lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International, C‑371/09, EU:C:2010:458, point 42).
( 14 ) Selon l’explication fournie par la Commission lors de l’audience du 31 janvier 2019, les marchandises seront mises en libre pratique rétroactivement à l’issue du litige, une fois que les droits à l’importation pertinents auront été acquittés.
( 15 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, Baltic Agro (C‑3/13, EU:C:2014:2227, point 24).
( 16 ) Arrêt du 17 septembre 2014, Baltic Agro (C‑3/13, EU:C:2014:2227, point 29). Bien que le règlement d’exécution no 1238/2013 et le règlement d’exécution no 1239/2013 ne comportent pas le même considérant que celui sur lequel la Cour a fondé son interprétation dans l’affaire Baltic Agro, les conditions requises aux fins d’obtenir l’exonération sont similaires.
( 17 ) Arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C‑371/09, EU:C:2010:458).
( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C‑371/09, EU:C:2010:458, point 43).
( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C‑371/09, EU:C:2010:458, point 44).
( 20 ) Voir, en ce sens, points 45 et 49 des observations écrites de la Commission.
( 21 ) Arrêt du 12 octobre 2017, Tigers (C‑156/16, EU:C:2017:754, point 31).
( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2017, Tigers (C‑156/16, EU:C:2017:754, point 25) et conclusions de l’avocat général Mengozzi (C‑156/16, EU:C:2017:474, point 60).
( 23 ) JO 2013, L 131, p. 1.
( 24 ) Dans le règlement cité par l’avocat général Mengozzi dans ses conclusions dans l’affaire Tigers (C‑156/16, EU:C:2017:474), la disposition pertinente prévoit : « Au moment de la déclaration de mise en libre pratique, l’exonération des droits est subordonnée à la présentation aux autorités douanières compétentes des États membres d’un certificat de production original, en bonne et due forme, délivré par l’une des sociétés visées au paragraphe 4 » (italique ajouté par mes soins) [article 2,
paragraphe 2, du règlement (CE) no 2320/97 du Conseil, du 17 novembre 1997, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de la République slovaque, abrogeant le règlement (CEE) no 1189/93 et clôturant la procédure concernant les importations en provenance de la République de Croatie (JO 1997, L 322, p. 1)].
( 25 ) Voir arrêt du 12 octobre 2017, Tigers (C‑156/16, EU:C:2017:754, point 28).
( 26 ) Italique ajouté par mes soins.
( 27 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Tigers (C‑156/16, EU:C:2017:474, point 52 et jurisprudence citée).