ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 mars 2019 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Directive 2010/24/UE – Assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures – Article 13, paragraphe 1 – Article 14, paragraphe 2 – Recouvrement forcé, par les autorités de l’État membre requis, de créances de l’État membre requérant – Procédure relative à une demande tendant à la réintégration, dans la masse de la faillite d’une société établie dans l’État membre requis, de ces créances – Partie défenderesse à cette
procédure – Détermination »
Dans l’affaire C‑695/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki, Finlande), par décision du 5 décembre 2017, parvenue à la Cour le 12 décembre 2017, dans la procédure
Metirato Oy, en liquidation,
contre
Suomen valtio/Verohallinto,
Eesti Vabariik/Maksu- ja Tolliamet,
LA COUR (première chambre),
composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice‑présidente de la Cour, Mme C. Toader, MM. A. Rosas et L. Bay Larsen, juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et I. Koskinen, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 novembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (JO 2010, L 84, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Metirato Oy au Suomen valtio/Verohallinto (État finlandais – administration fiscale) et à l’Eesti Vabariik/Maksu- ja Tolliamet (État estonien – administration fiscale) au sujet d’une demande de l’administrateur de la masse de la faillite de cette société tendant à la réintégration, dans cette masse, de créances recouvrées par les autorités finlandaises, à la demande des autorités estoniennes.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes des considérants 1 à 4 de la directive 2010/24 :
« (1) L’assistance mutuelle entre les États membres aux fins du recouvrement de leurs créances respectives ainsi que de celles de l’Union en ce qui concerne certaines taxes, impôts et autres mesures contribue au bon fonctionnement du marché intérieur. Elle garantit la neutralité fiscale, et elle a permis aux États membres d’éliminer les mesures de protection discriminatoires qu’ils avaient mises en place afin de se protéger contre le risque de fraude fiscale et de perte de recettes fiscales lié
aux opérations transfrontalières.
(2) Les premières dispositions concernant l’assistance mutuelle au recouvrement ont été établies dans la directive 76/308/CEE du Conseil, du 15 mars 1976, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane [(JO 1976, L 73, p. 18)]. Cette directive et ses actes modificatifs ont été codifiés par la
directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures [(JO 2008, L 150, p. 28)].
(3) Toutefois, bien qu’elles aient constitué un premier pas vers une amélioration des procédures de recouvrement applicables au sein de l’Union grâce à un rapprochement des règles nationales en vigueur, ces dispositions se sont révélées insuffisantes pour répondre aux évolutions du marché intérieur intervenues au cours des trente dernières années.
(4) Afin de mieux préserver les intérêts financiers des États membres et la neutralité du marché intérieur, il est nécessaire d’étendre le champ d’application de l’assistance mutuelle en matière de recouvrement aux créances relatives à des taxes, impôts et droits qui n’en font pas encore l’objet, alors qu’afin de pouvoir répondre au nombre croissant de demandes d’assistance et pour garantir de meilleurs résultats, il est nécessaire de rendre l’assistance plus efficace et de la faciliter en
pratique. Pour atteindre ces objectifs, des adaptations importantes sont nécessaires, de sorte que la simple modification de la directive 2008/55/CE existante ne serait pas suffisante. Ladite directive devrait donc être abrogée et remplacée par un instrument juridique nouveau, lequel doit certes capitaliser sur les résultats que la directive 2008/55/CE a permis d’atteindre mais aussi prévoir, lorsque cela est nécessaire, des règles plus claires et plus précises. »
4 L’article 1er de cette directive énonce :
« La présente directive établit les règles que les États membres doivent respecter en ce qui concerne la fourniture, dans un État membre, d’une assistance au recouvrement pour toute créance visée à l’article 2 née dans un autre État membre. »
5 L’article 10 de la même directive est libellé comme suit :
« 1. À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise recouvre les créances qui font l’objet d’un instrument permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant.
2. L’autorité requérante adresse à l’autorité requise, dès qu’elle en a connaissance, tous renseignements utiles se rapportant à l’affaire qui a motivé la demande de recouvrement. »
6 L’article 13 de la directive 2010/24 dispose :
« 1. Aux fins du recouvrement dans l’État membre requis, toute créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement est traitée comme une créance de l’État membre requis, sauf disposition contraire prévue dans la présente directive. L’autorité requise met en œuvre les compétences et les procédures définies par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’État membre requis applicables aux créances relatives aux mêmes droits, impôts ou taxes ou, à tout le moins, à des
droits, impôts ou taxes similaires, sauf disposition contraire prévue dans la présente directive.
[...]
L’État membre requis n’est pas tenu d’accorder aux créances des autres États membres les préférences accordées pour les créances analogues nées dans cet État membre, à moins qu’il n’en ait été convenu autrement entre les États membres concernés ou que la législation de l’État membre requis n’en dispose autrement. Un État membre qui accorde des privilèges pour les créances d’un autre État membre ne peut refuser d’accorder des privilèges identiques pour les créances d’autres États membres, aux mêmes
conditions.
[...]
5. Sans préjudice de l’article 20, paragraphe 1, l’autorité requise remet à l’autorité requérante le montant recouvré en rapport avec la créance ainsi que le montant des intérêts visés aux paragraphes 3 et 4 du présent article. »
7 Aux termes de l’article 14 de cette directive :
« 1. Les différends concernant la créance, l’instrument initial permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant ou l’instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requis, ainsi que les différends portant sur la validité d’une notification effectuée par une autorité compétente de l’État membre requérant, sont du ressort des instances compétentes dudit État membre. Si, au cours de la procédure de recouvrement, la créance,
l’instrument initial permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant ou l’instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requis sont contestés par une partie intéressée, l’autorité requise informe cette partie que l’action doit être portée devant l’instance compétente de l’État membre requérant, conformément aux règles de droit en vigueur dans celui-ci.
2. Les différends concernant les mesures exécutoires prises dans l’État membre requis ou la validité d’une notification effectuée par une autorité compétente dudit État membre sont portés devant l’instance compétente de ce dernier, conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui y sont applicables.
3. Lorsqu’une action visée au paragraphe 1 a été portée devant l’instance compétente de l’État membre requérant, l’autorité requérante en informe l’autorité requise et lui indique les éléments de la créance qui ne font pas l’objet d’une contestation.
4. Dès que l’autorité requise a été informée des éléments visés au paragraphe 3, soit par l’autorité requérante, soit par la partie intéressée, elle suspend la procédure d’exécution, en ce qui concerne la partie contestée de la créance, dans l’attente de la décision de l’instance compétente en la matière, sauf demande contraire formulée par l’autorité requérante conformément au troisième alinéa.
À la demande de l’autorité requérante, ou lorsque l’autorité requise l’estime nécessaire, et sans préjudice de l’article 16, l’autorité requise peut prendre des mesures conservatoires pour garantir le recouvrement, dans la mesure où les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur dans l’État membre requis le permettent.
L’autorité requérante peut, conformément aux dispositions législatives et réglementaires et aux pratiques administratives en vigueur dans l’État membre requérant, demander à l’autorité requise de recouvrer une créance contestée ou la partie contestée d’une créance, pour autant que les dispositions législatives et réglementaires et les pratiques administratives en vigueur dans l’État membre requis le permettent. [...]
[...] »
8 L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit :
« À la diligence de l’autorité requérante, l’autorité requise prend des mesures conservatoires, si sa législation nationale l’y autorise et conformément à ses pratiques administratives, en vue de garantir le recouvrement lorsqu’une créance ou l’instrument permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant est contesté au moment où la demande est présentée, ou lorsque la créance ne fait pas encore l’objet d’un instrument permettant l’adoption de mesures exécutoires dans
l’État membre requérant, si ces mesures conservatoires sont également possibles, dans une situation similaire, en vertu de la législation nationale et des pratiques administratives de l’État membre requérant. »
Le droit finlandais
9 Selon l’article 5, paragraphe 1, de la laki takaisinsaannista konkurssipesään (loi relative à la réintégration dans la masse de la faillite), dans sa version applicable au litige au principal, un acte juridique est annulé, notamment lorsqu’il a, à lui seul ou conjointement avec d’autres mesures, favorisé de manière indue un créancier au détriment des autres créanciers. Une telle annulation suppose que, au moment où cet acte a été effectué, le débiteur était insolvable ou que ledit acte a, pour
partie, provoqué l’insolvabilité du débiteur.
10 L’article 10 de cette loi prévoit, notamment, que le paiement d’une dette qui intervient moins de trois mois avant la date de référence est annulé si, par rapport à l’importance de la masse de la faillite, le montant du paiement apparaît considérable. Un tel paiement n’est cependant pas annulé s’il peut, compte tenu des circonstances, être considéré comme étant d’usage.
11 En vertu de l’article 23 de ladite loi, l’administrateur de la masse de la faillite ou un créancier qui a déclaré sa créance ou dont la créance est d’une autre manière prise en compte dans la liste des créances peuvent demander la réintégration par l’introduction d’une action en justice ou par une opposition à la déclaration d’une créance. Cette action peut être portée devant le tribunal de première instance ayant ouvert la procédure de liquidation.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Le 18 avril 2012, l’administration fiscale et douanière de la République d’Estonie a, sur le fondement de l’article 10 de la directive 2010/24, adressé une demande de recouvrement à l’administration fiscale finlandaise, concernant des impôts ainsi que des intérêts dus au titre de ces impôts, à savoir un montant total de 28754,50 euros, à recouvrer auprès de Metirato.
13 En application de cette demande, l’administration fiscale finlandaise a communiqué, aux fins de leur recouvrement, ses propres créances et celles de l’État estonien à l’autorité finlandaise chargée du recouvrement forcé des créances.
14 Le 12 février 2013, Metirato a versé volontairement 17500 euros à cette autorité, dont 15837,67 euros ont été transmis à l’administration fiscale finlandaise, qui a reversé 15541,67 euros à l’État estonien, au titre de ladite demande de recouvrement.
15 Le 23 avril 2013, Metirato a volontairement versé 17803 euros supplémentaires à l’administration fiscale finlandaise.
16 Le 8 mai 2013, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki, Finlande) a, à la demande de Metirato, ouvert la procédure de liquidation de cette société.
17 Le 10 septembre 2013, l’administration fiscale estonienne a adressé une seconde demande de recouvrement à l’administration fiscale finlandaise, comprenant, notamment, le solde restant dû de la créance visée par la première demande de recouvrement, à savoir un montant de 8840,17 euros. L’administration fiscale finlandaise s’est fondée sur cette seconde demande pour déclarer, le 17 septembre 2013, outre ses propres créances, celles de l’État estonien à l’égard de Metirato.
18 Le 8 mai 2014, l’administrateur de la masse de la faillite de Metirato a introduit une action contre l’État finlandais et son administration fiscale devant le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki), réclamant, conformément aux articles 5 et 10 de la loi relative à la réintégration dans la masse de la faillite, la réintégration de la totalité des montants payés dans la masse de la faillite de Metirato.
19 Cette action est fondée sur les arguments selon lesquels, d’une part, l’administration fiscale finlandaise a été favorisée de manière indue au détriment des autres créanciers du fait du paiement d’impôts exigibles depuis longtemps, alors que Metirato était déjà insolvable et que cette administration aurait dû avoir connaissance de cette insolvabilité, et d’autre part, Metirato avait, au cours du délai critique, à savoir entre le 25 janvier et le 8 mai 2013, versé un montant considérable au titre
de la dette fiscale par rapport à l’importance de la masse des biens.
20 Ladite action vise l’État finlandais et son administration fiscale et, pour le cas où ceux-ci ne seraient pas considérés comme étant les bons défendeurs s’agissant du montant de 15541,67 euros, l’État estonien.
21 L’État finlandais s’est opposé à l’action de l’administrateur de la masse de la faillite de Metirato en faisant notamment valoir que, dans la mesure où il s’agissait d’un montant perçu par l’État estonien, cette action devait être dirigée contre ce dernier. L’État finlandais estime que, en fournissant, conformément à l’article 10 de la directive 2010/24, une assistance administrative aux autorités estoniennes, il a simplement agi en qualité d’agent des autorités fiscales estoniennes, qu’à aucun
moment il n’est entré en possession de ce montant et que sa mission a pris fin lorsque le recouvrement a été effectué, de telle sorte que la demande de l’administrateur de la masse de la faillite de Metirato relative audit montant doit être adressée à l’administration fiscale estonienne.
22 Pour sa part, l’État estonien a contesté ladite action au motif qu’il résulte, selon lui, des dispositions de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2010/24 que, en tant que la demande de l’administrateur de la masse de la faillite de Metirato porte sur un montant recouvré par l’administration finlandaise, seule cette dernière peut être considérée comme étant la partie défenderesse dans le cadre de la procédure de réintégration en cause.
23 C’est dans ces conditions que le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter les dispositions de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/24, selon lesquelles les créances devant être recouvrées en vertu d’une demande de recouvrement sont traitées par l’État requis comme s’il s’agissait de créances de cet État, en ce sens :
a) que l’État requis est également partie à une procédure qui porte sur la réintégration, dans la masse de la faillite, des montants versés à la suite d’un recouvrement, ou
b) que l’intervention de l’État requis se limite à la mise en œuvre du recouvrement forcé de la créance et à la déclaration de la créance dans le cadre de la procédure de liquidation, mais que c’est l’État requérant qui est la partie défenderesse dans le cadre d’une procédure de réintégration de biens dans la masse de la faillite qui concerne l’étendue des biens visés par la liquidation ?
2) Convient-il d’interpréter la directive [2010/24] en ce sens que les créances d’un autre État membre sont, en vertu d’une demande de recouvrement, recouvrées par le biais de l’utilisation des mêmes moyens, mais de manière à ce que les montants ainsi recouvrés restent séparés et distincts des biens de l’État requis, ou faut-il interpréter cette directive en ce sens que ces montants sont recouvrés parallèlement aux créances de l’État requis, de manière à se confondre avec les biens de l’État
requis. En d’autres termes : la directive [2010/24] est-elle uniquement destinée à interdire le traitement moins favorable des créances d’un autre État membre ?
3) Est-il possible de considérer qu’un litige en matière de réintégration de biens dans la masse de la faillite est assimilable à un litige concernant des mesures d’exécution, au sens de l’article 14, paragraphe 2, [de la directive 2010/24], et peut-on en déduire que, selon [cette] directive, l’État requis a également la qualité de partie défenderesse dans un tel litige ? »
Sur les questions préjudicielles
24 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2010/24 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent à une procédure tendant à la réintégration, dans la masse de la faillite d’une société établie dans l’État membre requis, de créances ayant fait l’objet d’un recouvrement à la demande de l’État membre requérant, lorsque cette procédure est
fondée sur la contestation de mesures d’exécution, au sens de cet article 14, paragraphe 2, et que, d’autre part, l’État membre requis, au sens de ces dispositions, doit être considéré comme étant la partie défenderesse à ladite procédure et si la circonstance que le montant de ces créances soit séparé des biens de cet État membre ou confondu avec ceux-ci a une incidence à cet égard.
25 En l’occurrence, il convient de rappeler que, par son action, l’administrateur de la masse de la faillite de Metirato conteste la validité, au regard du droit finlandais, du recouvrement de créances effectué par l’autorité finlandaise chargée du recouvrement des créances de l’État aux fins du recouvrement de créances dues par cette société à l’État finlandais et à l’État estonien.
26 Dans la mesure où cette procédure de recouvrement forcé a été engagée aux fins de l’exécution d’une demande de recouvrement adressée, au titre de la directive 2010/24, aux autorités finlandaises par les autorités estoniennes, elle constitue une mesure d’exécution prise dans l’État membre requis, au sens de l’article 14, paragraphe 2, de cette directive.
27 Par conséquent, selon cette disposition, un litige visant à contester le déroulement et l’issue de cette procédure, tel que celui en cause au principal, constitue un différend concernant une mesure d’exécution prise dans l’État membre requis et doit ainsi être porté devant l’instance compétente de cet État membre, en l’occurrence la République de Finlande, conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui y sont applicables.
28 Toutefois, le libellé de ladite disposition ne précisant pas quelle est, de l’État membre requérant ou de l’État membre requis, la partie défenderesse à un tel litige, il y a lieu d’examiner si celle-ci peut être déterminée au regard de l’économie générale et de la finalité de la directive 2010/24.
29 Ainsi qu’il ressort des considérants 1 à 4 de cette directive, celle-ci vise à étendre le champ d’application de la directive 76/308, codifiée par la directive 2008/55, à des créances qui n’en faisaient pas l’objet afin de mieux préserver les intérêts financiers des États membres et la neutralité du marché intérieur ainsi qu’à rendre l’assistance mutuelle en matière de recouvrement plus efficace et à la faciliter dans la pratique pour pouvoir répondre au nombre croissant de demandes d’assistance.
30 Conformément à l’article 1er de la directive 2010/24, celle-ci établit les règles que les États membres doivent respecter en ce qui concerne la fourniture, dans un État membre, d’une assistance au recouvrement de créances nées dans un autre État membre.
31 S’agissant des mesures prises par l’État membre requis aux fins du recouvrement, dans cet État membre, d’une créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement, l’autorité requise doit, conformément à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/24, mettre en œuvre les compétences et les procédures définies par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives dudit État membre, dès lors que toute créance faisant l’objet d’une telle demande est, sauf disposition contraire
prévue par cette directive, traitée comme une créance de l’État membre requis.
32 De même, l’article 14, paragraphe 4, deuxième alinéa, ainsi que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2010/24 prévoient la possibilité, pour l’autorité requise, d’adopter, à la demande de l’autorité requérante, des mesures conservatoires afin de garantir le recouvrement d’une créance faisant l’objet d’une contestation, à la condition que la réglementation nationale de l’État membre requis le permette.
33 Par ailleurs, l’article 14 de la directive 2010/24 prévoit une répartition des compétences entre les instances de l’État membre requérant et celles de l’État membre requis pour connaître des différends concernant, d’une part, la créance, l’instrument initial permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant, l’instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requis ou la validité d’une notification effectuée par une autorité compétente
de l’État membre requérant, ainsi que, d’autre part, les mesures d’exécution prises dans l’État membre requis ou la validité d’une notification effectuée par une autorité compétente de ce dernier.
34 Cette répartition des compétences est le corollaire du fait que la créance et les instruments permettant l’exécution de son recouvrement sont établis sur le fondement des règles de droit en vigueur dans l’État membre requérant, tandis que les mesures d’exécution sont adoptées dans l’État membre requis, conformément aux dispositions de droit applicables dans ce dernier (voir, en ce qui concerne la directive 76/308, arrêt du 14 janvier 2010, Kyrian, C‑233/08, EU:C:2010:11, point 40).
35 Ainsi, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2010/24, toute contestation de la créance, de l’instrument initial permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant, de l’instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requis ou d’une notification effectuée par une autorité compétente de l’État membre requérant doit être portée devant les instances compétentes de cet État membre et non pas devant celles de l’État membre
requis, dont le pouvoir de contrôle est, à cet article 14, paragraphe 2, limité expressément aux actes de ce dernier État membre (arrêt du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, points 43 et 44).
36 En revanche, les différends concernant les mesures d’exécution prises dans l’État membre requis ou la validité d’une notification effectuée par l’autorité requise sont portés devant l’instance compétente de cet État membre, conformément aux dispositions législatives et réglementaires de ce dernier, cette instance étant la mieux placée pour interpréter son droit national et pour juger de la légalité d’un acte en fonction de celui-ci (voir, en ce qui concerne la directive 76/308, arrêt du
14 janvier 2010, Kyrian, C‑233/08, EU:C:2010:11, points 39, 40 et 49).
37 Dès lors, il ressort des dispositions de la directive 2010/24 que, d’une part, les mesures d’exécution adoptées par l’État membre requis sont régies par la réglementation applicable dans cet État membre et, d’autre part, les différends concernant ces mesures doivent être portés devant l’instance compétente dudit État membre requis, qui doit examiner celles-ci au regard des dispositions de son droit national.
38 La circonstance qu’un tel différend s’inscrit dans le cadre d’une procédure tendant à la réintégration de biens dans la masse de la faillite d’une société établie dans l’État membre requis ne saurait remettre en cause les règles relatives à la résolution de ce différend prévues par le législateur de l’Union, dès lors que ce dernier n’a pas, aux fins de l’application de ces règles, opéré de distinction en fonction de la nature de la procédure dans laquelle ledit différend intervient.
39 Par conséquent, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 45 à 47 de ses conclusions, il résulte de l’économie générale et de la finalité de la directive 2010/24 qu’une action, telle que celle en cause au principal, tendant à contester, devant l’instance compétente de l’État membre requis, la validité, au regard du droit de cet État membre, d’une procédure de recouvrement forcé engagée, conformément à ce droit, par les autorités dudit État membre, aux fins du recouvrement,
au titre de cette directive, de créances de l’État membre requérant, doit être dirigée contre l’État membre requis, même si une telle contestation s’inscrit dans le cadre d’une procédure tendant à la réintégration de biens dans la masse de la faillite d’une société établie dans cet État membre.
40 Par ailleurs, en l’absence de détermination, par la directive 2010/24, des modalités de conservation des sommes recouvrées par l’État membre requis avant leur transfert à l’État membre requérant, celle-ci relève de la compétence des États membres, pourvu que l’obligation de transférer les montants recouvrés et les intérêts applicables soit respectée.
41 Ainsi, la circonstance que le montant des créances recouvrées par l’État membre requis, sur le fondement d’une demande de recouvrement au titre de cette directive, soit séparé des biens de cet État membre ou confondu avec ceux-ci est sans incidence sur l’interprétation énoncée au point 38 du présent arrêt.
42 En outre, il convient de rappeler que la directive 2010/24 repose sur le principe de confiance mutuelle (arrêt du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 41).
43 Par conséquent, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 54 et suivants de ses conclusions, lorsqu’une mesure d’exécution, telle que celle en cause au principal, prise dans l’État membre requis aux fins du recouvrement d’une créance de l’État membre requérant, est contestée avec succès devant l’instance compétente de l’État membre requis, il incombe, en principe, à l’État membre requérant de rembourser toute somme recouvrée, au titre de cette mesure, qui lui a été remise
par l’État membre requis.
44 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2010/24 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent à une procédure tendant à la réintégration, dans la masse de la faillite d’une société établie dans l’État membre requis, de créances ayant fait l’objet d’un recouvrement à la demande de l’État membre requérant, lorsque cette procédure est fondée sur la contestation de mesures
d’exécution, au sens de cet article 14, paragraphe 2, et, d’autre part, l’État membre requis, au sens de ces dispositions, doit être considéré comme étant la partie défenderesse à ladite procédure, sans que la circonstance que le montant de ces créances soit séparé des biens de cet État membre ou confondu avec ceux-ci ait une incidence à cet égard.
Sur les dépens
45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 13, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils s’appliquent à une procédure tendant à la réintégration, dans la masse de la faillite d’une société établie dans l’État membre requis, de créances ayant fait l’objet d’un recouvrement à la demande de
l’État membre requérant, lorsque cette procédure est fondée sur la contestation de mesures d’exécution, au sens de cet article 14, paragraphe 2, et, d’autre part, l’État membre requis, au sens de ces dispositions, doit être considéré comme étant la partie défenderesse à ladite procédure, sans que la circonstance que le montant de ces créances soit séparé des biens de cet État membre ou confondu avec ceux-ci ait une incidence à cet égard.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le finnois.