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11/09/2019 | CJUE | N°C-175/18

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 11 septembre 2019., PTC Therapeutics International Ltd contre Agence européenne des médicaments (EMA)., 11/09/2019, C-175/18


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 11 septembre 2019 ( 1 )

Affaire C‑175/18 P

PTC Therapeutics International Ltd

contre

Agence européenne des médicaments (EMA)

« Pourvoi – Règlement (CE) no 1049/2001 – Accès aux documents des institutions – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) contenant des informations produites par la requérante au pourvoi dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament à usage

humain – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Présomption générale de confidentialité – Article 4, paragraphe 2 – ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 11 septembre 2019 ( 1 )

Affaire C‑175/18 P

PTC Therapeutics International Ltd

contre

Agence européenne des médicaments (EMA)

« Pourvoi – Règlement (CE) no 1049/2001 – Accès aux documents des institutions – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) contenant des informations produites par la requérante au pourvoi dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament à usage humain – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Présomption générale de confidentialité – Article 4, paragraphe 2 – Exception au titre de la protection des intérêts commerciaux –
Article 4, paragraphe 3 – Protection du processus décisionnel »

I. Introduction

1. Le présent pourvoi concerne l’une des – jusqu’ici – trois affaires ( 2 ) dans lesquelles une partie tente de faire annuler une décision d’une institution ou d’une agence européenne accordant un accès à des documents. Par son pourvoi, PTC Therapeutics International Ltd (ci‑après la « requérante au pourvoi ») demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:66), rejetant son
recours en annulation formé contre la décision EMA/722323/2015 (ci‑après la « décision litigieuse ») de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui accorde, à une entreprise en ayant fait la demande, l’accès à un rapport d’étude clinique soumis par la requérante au pourvoi à cette agence en application du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission ( 3 ). En
l’occurrence, le demandeur d’accès est une autre société pharmaceutique qui est ou pourrait être un concurrent de la requérante au pourvoi.

2. L’arrêt attaqué ( 4 ) a maintenu la décision de l’EMA accordant l’accès au rapport d’étude clinique produit par la requérante au pourvoi, le Tribunal estimant, notamment, que ce rapport ne relevait pas des cas pour lesquels une présomption générale de confidentialité avait été reconnue.

3. La Cour est à présent invitée à décider si les intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi contenus dans le rapport d’étude clinique sont protégés par une présomption générale de confidentialité. Des questions se posent également concernant l’interprétation des termes « intérêts commerciaux » tels que visés à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, ainsi que quant à savoir si un processus décisionnel prend fin à l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché
(AMM) conditionnelle ou si ce processus doit être considéré comme étant en cours aux fins de l’article 4, paragraphe 3, du règlement précité.

4. La question essentielle que le présent pourvoi soulève est toutefois de savoir si des rapports d’étude clinique de cet ordre, qui sont établis dans le cadre d’une demande d’AMM de nouveaux produits pharmaceutiques adressée à l’EMA, constituent des informations commerciales confidentielles protégées par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Ce pourvoi est, en fait, le premier où cette question spécifique est soumise à la Cour et l’on ne saurait trop souligner, selon moi, son
importance pour le droit d’accès aux documents et pour l’application de ce droit à l’industrie pharmaceutique.

5. Avant d’examiner ces questions juridiques aux multiples aspects, il importe de présenter les dispositions juridiques pertinentes.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international – l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

6. L’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci‑après l’« accord ADPIC »), qui fait partie de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) signé par la Communauté européenne et approuvé par la suite par la décision 94/800/CE ( 5 ) du Conseil du 22 décembre 1994, prévoit ce qui suit :

« 2.   Les personnes physiques et morales auront la possibilité d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :

a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

b) aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets ; et

c) aient fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets.

3.   Lorsqu’ils subordonnent l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des entités chimiques nouvelles à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, les membres protégeront ces données contre l’exploitation déloyale dans le commerce. En outre, les membres protégeront ces données contre la divulgation, sauf si
cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce. »

B. Le droit de l’Union

1.   Le règlement no 1049/2001

7. Les considérants 2 et 11 de ce règlement énoncent ce qui suit :

« (2) La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[...]

(11) En principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Toutefois, certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. Il convient de permettre aux institutions de protéger leurs consultations et délibérations internes lorsque c’est nécessaire pour préserver leur capacité à remplir leurs missions. Lors de l’évaluation de la nécessité d’une exception, les institutions devraient tenir compte des principes consacrés
par la législation communautaire en matière de protection des données personnelles dans tous les domaines d’activité de l’Union. »

8. L’article 1er du règlement no 1049/2001 expose l’objet de ce règlement en ces termes :

« Le présent règlement vise à :

a) définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci‑après dénommés “institutions”) prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ;

b) arrêter des règles garantissant un exercice aussi aisé que possible de ce droit, et

c) promouvoir de bonnes pratiques administratives concernant l’accès aux documents. »

9. L’article 4 du règlement no 1049/2001 prévoit les exceptions au droit d’accès aux documents. Les dispositions pertinentes pour la présente affaire figurent aux paragraphes 2, 3 et 6, qui précisent ce qui suit :

« 2.   Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

– des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

– des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

– des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3.   L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle‑ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

6.   Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

[...] »

10. L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, qui a trait aux demandes d’accès aux documents, énonce ce qui suit :

« 1.   Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 314 du traité CE et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. »

2.   Le règlement (CE) no 726/2004

11. L’article 14, paragraphe 11, du règlement (CE) no 726/2004 ( 6 ), qui traite de l’« exclusivité des données » et de l’« exclusivité commerciale » dans le cadre de l’AMM de médicaments à usage humain délivrée par l’EMA, énonce ce qui suit :

« Les médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient, sans préjudice du droit concernant la protection de la propriété industrielle et commerciale, d’une période de protection des données d’une durée de huit ans et d’une période de protection de la mise sur le marché d’une durée de dix ans portée à onze ans au maximum si le titulaire de [l’AMM] obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou
plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes. »

12. L’article 73 du règlement no 726/2004 prévoit ce qui suit :

« Le règlement [no 1049/2001] s’applique aux documents détenus par l’Agence.

L’Agence constitue un registre conformément à l’article 2, paragraphe 4, du règlement [no 1049/2001] afin de rendre disponibles tous les documents accessibles au public conformément au présent règlement.

Le conseil d’administration arrête les modalités d’application du règlement [no 1049/2001] dans un délai de six mois à partir de l’entrée en vigueur du présent règlement.

[...] »

3.   Le règlement (CE) no 141/2000

13. Ce sont les considérants 1 et 2 du règlement (CE) no 141/2000 ( 7 ) qui expliquent sans doute le mieux la notion de « médicament orphelin » :

« considérant ce qui suit :

(1) certaines affections sont si peu fréquentes que le coût du développement et de la mise sur le marché d’un médicament destiné à les diagnostiquer, les prévenir ou les traiter ne serait pas amorti par les ventes escomptées du produit ; l’industrie pharmaceutique est peu encline à développer ce médicament dans les conditions normales du marché, et ces médicaments sont appelés médicaments “orphelins” ;

(2) il importe que les patients souffrant d’affections rares puissent bénéficier de la même qualité de traitement que les autres et il est par conséquent nécessaire d’inciter l’industrie pharmaceutique à promouvoir la recherche, le développement et la commercialisation de traitements adéquats ; des régimes d’incitation au développement de médicaments orphelins existent aux États‑Unis d’Amérique depuis 1983 et au Japon depuis 1993. »

14. Au considérant 8, on lit encore que l’expérience acquise tant aux États‑Unis d’Amérique qu’au Japon montre que « la mesure d’incitation la plus efficace pour amener l’industrie pharmaceutique à investir dans le développement et la commercialisation de médicaments orphelins est la perspective d’obtenir une exclusivité commerciale pendant un certain nombre d’années au cours desquelles une partie de l’investissement pourrait être récupérée ».

15. L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 141/2000 précise qu’un médicament peut obtenir la désignation de médicament orphelin s’il est destiné « au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur dix mille » ou s’« il est peu probable que, en l’absence de mesures d’incitation, la commercialisation de ce médicament dans la Communauté génère des bénéfices suffisants pour
justifier l’investissement nécessaire » et qu’« il n’existe pas de méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement de cette affection ayant été autorisée dans la Communauté ».

16. L’article 8 du règlement no 141/2000, intitulé « Exclusivité commerciale », est libellé en ces termes :

« 1.   Lorsqu’une [AMM] est accordée pour un médicament orphelin en application du règlement (CEE) no 2309/93 ( 8 ) ou lorsque tous les États membres ont accordé une [AMM] pour ce médicament, conformément aux procédures de reconnaissance mutuelle [...] et sans préjudice des dispositions du droit de la propriété intellectuelle ou de toute autre disposition de droit communautaire, la Communauté et les États membres s’abstiennent, pendant dix ans, eu égard à la même indication thérapeutique,
d’accepter une autre demande d’[AMM], d’accorder une [AMM] ou de faire droit à une demande d’extension d’une [AMM] existante pour un médicament similaire.

2.   Cette période peut toutefois être ramenée à six ans s’il est établi, à la fin de la cinquième année, que pour le médicament concerné, les critères énoncés à l’article 3 ne sont plus remplis, et, entre autres, s’il est démontré, en se fondant sur les données disponibles, que la rentabilité est suffisante pour ne plus justifier le maintien de l’exclusivité commerciale.

[...] »

III. Les faits

17. La requérante au pourvoi a développé le médicament Translarna pour le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne chez les patients dont la maladie est causée par ce qui est appelé une mutation « non‑sens ». Se manifestant normalement avant l’âge de 6 ans et se caractérisant par une faiblesse et une atrophie musculaires progressives, la dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie génétique héréditaire aux conséquences en général graves et même fatales. La requérante au pourvoi a
exprimé l’espoir que le médicament pourrait aussi être employé pour traiter d’autres maladies qui sont, de même, causées par d’autres mutations non‑sens.

18. Au mois d’octobre 2012, la requérante au pourvoi a demandé auprès de l’EMA, conformément au règlement no 726/2004, une AMM pour le Translarna aux fins du traitement de la maladie précitée. Le 31 juillet 2014, après un refus initial et une demande de réexamen, la requérante au pourvoi a obtenu une AMM conditionnelle, telle que prévue par le règlement de la Commission (CE) no 507/2006 ( 9 ). Aux termes de l’article 5 du règlement no 507/2006, le titulaire d’une AMM conditionnelle est tenu
« d’achever les études en cours ou d’en mener de nouvelles afin de confirmer que le rapport bénéfice/risque est positif », avant qu’il lui soit accordé une AMM valable pendant cinq ans conformément à l’article 7 du règlement no 507/2006 et à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 726/2004.

19. Le 13 octobre 2015, l’EMA a informé la requérante au pourvoi qu’elle avait reçu, de la part d’une autre société pharmaceutique, une demande formée au titre du règlement no 1049/2001 pour avoir accès à un rapport d’étude clinique figurant dans le dossier que la requérante au pourvoi avait déposé aux fins de la demande d’AMM pour le Translarna (ci‑après le « rapport litigieux »). Il est admis que le rapport d’étude clinique concerne l’efficacité et l’innocuité du principe actif du Translarna ( 10
).

20. La requérante au pourvoi a demandé que le rapport litigieux soit considéré comme confidentiel dans son intégralité. Cela lui a été refusé en fin de compte, le 25 novembre 2015, par la décision litigieuse, dans laquelle l’EMA a accordé l’accès à l’ensemble du rapport litigieux ( 11 ), sous réserve de certaines occultations qu’elle a effectuées de sa propre initiative, puisque la requérante au pourvoi avait refusé de faire la moindre proposition à cet égard.

21. Tout en répondant par la même occasion aux observations que la requérante au pourvoi avait formulées dans la période de consultation visée à l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, l’EMA a justifié sa décision d’accorder l’accès, dans son principe, de la façon suivante :

– aux termes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, l’accès à l’ensemble d’un document demandé ne peut être refusé que si l’une des exceptions établies à l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement s’applique à tout le contenu du document. À cet égard, selon l’EMA, la requérante au pourvoi n’avait fourni aucun élément en ce sens et, en outre, une partie du contenu du rapport litigieux était déjà dans le domaine public ;

– la divulgation ne méconnaît pas l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC. Pour satisfaire aux exigences de cette disposition, les périodes d’exclusivité des données conférées en vertu de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 et le fait que le droit d’auteur reste intact aux termes de l’article 16 du règlement no 1049/2001 suffisent ;

– conformément au règlement no 1049/2001, une utilisation abusive éventuelle du document par un concurrent ne constitue pas, en soi, un motif pour considérer que cette information spécifique présente un caractère de confidentialité commerciale ;

– l’exception à l’accès au titre de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 n’est pas applicable, parce que le processus décisionnel de l’institution a pris fin à l’octroi de l’AMM conditionnelle.

22. La requérante au pourvoi, soutenue par l’European Confederation of Pharmaceutical Entrepreneurs AISBL (ci‑après l’« Eucope »), a formé un recours en annulation devant le Tribunal contre la décision litigieuse. Elle a aussi formé, en même temps, une demande en référé, qui a été accueillie par l’ordonnance du président du Tribunal du 20 juillet 2016 ( 12 ). Le recours de l’EMA contre cette ordonnance a été rejeté par l’ordonnance du vice-président de la Cour du 1er mars 2017 ( 13 ).

IV. L’arrêt attaqué

23. Dans le recours qu’elle a formé devant le Tribunal, la requérante au pourvoi a soulevé cinq moyens, à savoir, premièrement, que, dans une interprétation correcte de la relation qui existe entre le règlement no 726/2004 et le règlement no 1049/2001, le rapport litigieux est couvert dans son ensemble par une présomption générale de confidentialité ; deuxièmement, que, en tout état de cause, le rapport litigieux constitue dans son ensemble des informations commerciales confidentielles protégées par
l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 ; troisièmement, que la divulgation du rapport litigieux dans son ensemble compromettrait gravement le processus décisionnel de l’EMA et que, de ce fait, il est protégé contre la divulgation en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 ; quatrièmement, que l’EMA n’a pas procédé à une mise en balance des intérêts que le droit impose, et cinquièmement, qu’une mise en balance adéquate aurait conduit l’EMA
à décider de ne divulguer aucune partie du rapport litigieux. Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité pour les motifs exposés ci‑après.

A. Présomption générale de confidentialité

24. Le Tribunal a jugé qu’il n’existait aucune présomption générale de confidentialité, au titre de l’article 4, paragraphe 2, ou de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, pour les rapports d’étude clinique. Il est parvenu à cette conclusion pour les raisons suivantes.

25. Le Tribunal a cerné quatre critères, dans la jurisprudence, qui sont utilisés pour reconnaître une telle présomption ( 14 ) et il a jugé que, en l’espèce, ces critères n’étaient pas remplis. En particulier, il a considéré que le rapport litigieux ne se rapportait pas à une procédure administrative en cours, alors que tel avait été le cas là où avait été retenue une présomption générale de confidentialité, dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en
question et de garantir que leurs objectifs ne soient pas compromis ( 15 ). Par ailleurs, le Tribunal a jugé que les règlements applicables no 141/2000, no 726/2004 et no 507/2006 ne contenaient aucune règle spécifique de procédure et de restriction d’accès aux documents ( 16 ).

26. Le Tribunal a rejeté en outre l’argument de la requérante au pourvoi faisant valoir qu’il est de l’essence même du régime d’AMM que tous les documents soumis dans le cadre d’une demande d’AMM doivent demeurer confidentiels, et ce parce qu’il a considéré que ces documents pouvaient même ne contenir aucun élément nouveau ( 17 ). À l’appui de cette position, le Tribunal a aussi observé que l’EMA avait adopté une décision intitulée « Règles de mise en œuvre du règlement (CE) no 1049/2001 dans
l’accès aux documents de l’EMA », qui arrête les modalités d’application du règlement no 1049/2001 en application de l’article 73 du règlement no 726/2004, de même que le document EMA/110196/2006 intitulé « Politique de l’[EMA] sur l’accès aux documents (concernant les médicaments à usage humain et vétérinaires) », ces deux documents reflétant la même position.

27. En outre, le Tribunal a jugé que la charge administrative que l’occultation des documents représente pour l’EMA et pour l’auteur du document aux fins de l’accès ne peut pas être considérée comme un argument en faveur d’une présomption générale de confidentialité, parce que cela irait à l’encontre de la lettre et de l’esprit du règlement no 1049/2001, qui part du principe que l’accès constitue la règle et son refus l’exception ( 18 ).

28. De plus, le Tribunal a considéré que les dispositions de l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC ne sauraient être invoquées en faveur d’une présomption générale de confidentialité, étant donné qu’elles ne donnent pas à la protection de la propriété intellectuelle une primauté absolue sur le principe de la divulgation. Il a observé également que la protection des données résultant de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 et les exceptions figurant à l’article 4 du
règlement no 1049/2001 qui prévoient la protection des informations commerciales confidentielles contenues dans une demande d’AMM répondaient aux exigences de l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC. À cet égard, il a rejeté notamment l’argument de la requérante au pourvoi selon lequel les données pouvant être exploitées de façon déloyale doivent être considérées comme confidentielles.

29. Par ailleurs, le Tribunal a observé que, même s’il existait une présomption générale, l’institution concernée n’était pas tenue de fonder sa décision sur celle‑ci. Plus exactement, elle peut toujours procéder à un examen concret des documents visés par la demande d’accès ( 19 ).

B. L’examen concret de l’application de l’article 4 du règlement no 1049/2001 auquel le Tribunal a procédé dans la présente affaire

30. Le Tribunal a souligné que l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 devait être interprété strictement, puisqu’il s’agit d’une exception à la règle qui veut que l’accès soit accordé. Il a conclu que l’exception de la confidentialité commerciale prévue à l’article 4, paragraphe 2, joue uniquement s’il peut être démontré que la divulgation du document spécifique pourrait compromettre « gravement »(seriously) les intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi et que ce
risque est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique ( 20 ).

31. Le Tribunal a alors jugé que le rapport litigieux n’était pas couvert, dans son intégralité, par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, étant donné que cela exigerait que toutes les données figurant dans ce rapport constituent des informations commerciales confidentielles. Tel n’était pas le cas, puisqu’une partie de celui‑ci – certes, après suppression des informations de nature commercialement confidentielle, comme le prévoit l’article 13,
paragraphe 3, du règlement no 726/2004 – avait déjà fait l’objet d’une publication dans le rapport européen public d’évaluation (ci‑après l’« EPAR »).

V. Le pourvoi

32. La requérante au pourvoi fait valoir cinq moyens à l’appui de son pourvoi. Par son premier moyen, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’admettant pas l’existence d’une présomption générale de confidentialité en ce qui concerne le rapport litigieux. Par son deuxième moyen, elle invoque la méconnaissance de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Par son troisième moyen, elle invoque la méconnaissance de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.
Par ses quatrième et cinquième moyens, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une mise en balance de l’intérêt à la protection de la confidentialité du rapport litigieux et d’un intérêt public éventuellement supérieur à sa divulgation, puisque ses premier, deuxième et troisième moyens démontraient que l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001 entrait en jeu. Elle soutient que, s’il avait procédé à cette mise en balance, le Tribunal
aurait conclu qu’un tel intérêt public supérieur n’existait pas.

33. Conformément à la demande de la Cour, je propose de limiter mes conclusions aux premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi.

VI. Appréciation

A. Observations liminaires

1. Le règlement (UE) no 536/2014 ( 21 )

34. D’emblée, je précise que je n’ai évidemment pas perdu de vue que, s’il contient certes des nouvelles règles concernant l’autorisation des essais cliniques, leur conduite et leurs résultats, le règlement no 536/2014 n’est toutefois pas encore d’application. Ce règlement peut effectivement être considéré comme apportant plus de transparence quant à la divulgation de rapports d’étude clinique, en particulier parce qu’il prévoit la création d’une banque de données à laquelle, en principe, le grand
public aura accès sous réserve, à nouveau, de certaines exceptions de confidentialité.

35. Toutefois, à mon sens, il n’est pas nécessaire d’exprimer une opinion définitive sur les effets éventuels du règlement no 536/2014 pour ce qui concerne l’accès du grand public aux informations relatives aux essais cliniques, que ce soit dans le cadre de la présente affaire ou dans un autre cadre. En effet, ce règlement n’est pas encore en vigueur, car son application dépend de la mise en place d’un portail et d’une banque de données pleinement opérationnels au niveau de l’Union comme il le
prévoit. En conséquence, le pourvoi formé en l’espèce doit être apprécié en fonction du droit qui était en vigueur au moment où la décision litigieuse a été prise. À part en constater l’existence et la pertinence possible pour d’éventuelles affaires à venir du même ordre, je ne compte pas me fonder sur ce règlement pour l’issue à donner au présent pourvoi.

2.   Les principes généraux concernant le régime d’accès aux documents

36. Avant d’examiner les questions qui se posent, il peut être utile d’énoncer d’abord certains principes généraux concernant l’application du régime d’accès aux documents prévu dans le règlement no 1049/2001. Dans ce cadre, les principes juridiques applicables sont clairs et le Tribunal les a d’ailleurs bien exposés. Commençons par nous demander quels sont effectivement ces principes. Ils peuvent se résumer comme suit.

37. Premièrement, le règlement no 1049/2001 entend assurer dans la législation la mise en œuvre des principes qui sous-tendent l’article 15, paragraphe 3, TFUE selon lesquels tout citoyen de l’Union (ou, d’ailleurs, toute personne physique ou morale) résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union, sous réserve des principes généraux et des limites « qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce
droit d’accès aux documents » et qui doivent être déterminés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil « statuant conformément à la procédure législative ordinaire ».

38. Deuxièmement, le règlement no 1049/2001 part du principe que le public doit avoir l’accès le plus vaste possible à de tels documents ( 22 ), sous réserve des exceptions qui sont nécessaires pour protéger les intérêts publics et privés visés au considérant 11 dudit règlement et qui sont formulées dans les dispositions de son article 4, paragraphes 1 à 3. Or, puisqu’elles dérogent au principe général du règlement no 1049/2001 selon lequel la divulgation devrait être la plus vaste possible, ces
exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement ( 23 ). Il s’ensuit donc, en principe, que tous les documents des institutions et des agences de l’Union, telle l’EMA, sont accessibles au public. En tout état de cause, l’article 73 du règlement no 726/2004, qui est la disposition même qui régit l’ensemble de la procédure d’AMM, prévoit explicitement que le règlement no 1049/2001 « s’applique aux documents détenus par l’Agence ».

39. Troisièmement, à lui seul, le simple fait qu’un document spécifique se rapporte à un intérêt protégé par une exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 ne suffit bien évidemment pas. Il faut, plus exactement, que l’institution concernée fournisse des explications quant à la manière dont l’accès à ce document pourrait, selon les termes que le Tribunal emploie, porter « concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception» (
24 ).

40. Quatrièmement, l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 prévoit que le demandeur d’accès n’est pas tenu d’exposer les raisons de la demande d’accès aux documents. Il s’ensuit à son tour que, dans ce cadre, les motifs du demandeur d’accès sont, en principe, sans pertinence.

41. Je me propose d’examiner à présent le premier moyen du pourvoi, à savoir la question de la présomption générale de confidentialité.

B. Sur le premier moyen : la méconnaissance de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 en ce qu’une présomption générale de confidentialité n’a pas été admise pour les rapports d’étude clinique

42. Dans son premier moyen, la requérante au pourvoi soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a rejeté l’argument selon lequel les rapports d’étude clinique étaient protégés par une présomption générale de confidentialité.

1.   Les arguments des parties

43. La requérante au pourvoi, soutenue par l’Eucope, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’admettant pas que les documents soumis dans le cadre d’une procédure d’octroi d’une AMM, et en particulier les rapports d’étude clinique, étaient protégés par une présomption générale de confidentialité.

44. À son avis, le régime d’exclusivité des données prévu pour les titulaires d’une AMM, d’une part, et les exigences établies par les règlements no 726/2004, no 507/2006 et no 141/2000 qui obligent l’EMA à tenir, de sa propre initiative, certaines informations à la disposition du public, d’autre part, ménagent un équilibre délicat entre les droits de l’entreprise innovatrice, la nécessité de stimuler la concurrence grâce aux médicaments génériques et le droit du public d’être informé adéquatement
concernant les médicaments sur le marché. Pour préserver cet équilibre, les documents déposés lors de la demande d’une AMM et, plus particulièrement, les rapports d’étude clinique doivent se voir reconnaître la protection d’une présomption générale de confidentialité.

45. La requérante au pourvoi, soutenue par l’Eucope, fait valoir en outre, d’une part, qu’est factuellement inexacte la considération du Tribunal selon laquelle tous les cas antérieurs où une présomption générale de confidentialité a été admise reposaient sur le critère de la « procédure administrative ou juridictionnelle en cours » et, d’autre part, que ce dernier aspect ne constitue pas un critère nécessaire pour retenir une présomption générale de confidentialité. La requérante au pourvoi estime
que cela est tout particulièrement pertinent en ce qui concerne l’exception afférente aux informations commerciales confidentielles, parce que celles‑ci doivent être protégées de toute divulgation, même bien après la fin de la procédure concernée, ce dont le Tribunal a fait à tort abstraction, selon elle. Elle soutient également que l’application d’une présomption générale de confidentialité n’est pas facultative. Cette présomption s’applique de plein droit et l’EMA doit en tenir compte.

46. L’Eucope soutient que, pour reconnaître une présomption générale de confidentialité dans la présente affaire, les seuls critères qui importent sont soit qu’il est de l’essence même du régime applicable aux AMM que tous les documents produits dans le cadre du dossier ont vocation à être protégés par une telle présomption, soit que les rapports d’étude clinique sont intrinsèquement susceptibles de contenir des informations confidentielles ( 25 ). Selon l’Eucope, en indiquant des critères
supplémentaires pour retenir une présomption générale de confidentialité, le Tribunal perd de vue que ces critères ne sont rien d’autre que des cas pouvant donner lieu à une présomption sans, toutefois, qu’aucun d’eux ne soit essentiel ( 26 ).

47. Tant la requérante au pourvoi que l’Eucope soutiennent aussi que, dans son approche de l’accord ADPIC, le Tribunal a commis l’erreur d’aborder seulement le premier volet de l’article 39, paragraphe 3, de cet accord, qui se rapporte à l’exploitation déloyale dans le commerce, et non le second volet qui exige que les données du dossier de demande d’une AMM soient protégées contre la divulgation s’il n’existe pas d’intérêt public supérieur à moins que des mesures ne soient prises pour assurer la
protection contre l’exploitation déloyale.

48. La requérante au pourvoi et l’Eucope font également grief au Tribunal d’avoir eu recours, comme sources du droit, aux documents d’orientation de l’EMA ainsi qu’au règlement no 536/2014, en particulier parce que ce dernier texte n’est pas encore entré en vigueur. Elles affirment que le considérant 68 de ce règlement plaide en faveur d’une présomption générale, puisqu’il indique que le législateur a entendu modifier la législation.

49. L’EMA fait valoir que, aux fins de l’application d’une présomption générale de confidentialité, trois critères sont pertinents, à savoir, premièrement, que les documents demandés appartiennent à la même catégorie ou sont de même nature que les documents pour lesquels une présomption générale de confidentialité a déjà été admise par les juridictions ; deuxièmement, que l’accès aux documents demandés entraverait le bon déroulement de la procédure concernée, et, troisièmement, qu’il existe un texte
législatif régissant spécifiquement les modalités d’accès aux documents demandés ( 27 ).

50. L’EMA conclut qu’aucune de ces conditions n’est remplie en l’espèce. Premièrement, les documents ne relèvent pas des catégories pour lesquelles une présomption de confidentialité a été admise jusqu’à présent ; deuxièmement, la procédure n’est pas en cours ; et, troisièmement, il n’existe aucun régime spécifique de divulgation, l’article 73 du règlement no 726/2004 prévoyant au contraire précisément que l’EMA est tenue d’appliquer le règlement no 1049/2001 à tous les documents qu’elle détient.
L’EMA souligne aussi que, même s’il n’est pas actuellement en vigueur, le règlement no 536/2014 reflète un choix normatif clair en faveur de la transparence. Elle soutient, en outre, que les périodes de protection des données constituent la façon que prévoit l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC de protéger les données contre l’exploitation déloyale et que les occultations des rapports d’étude clinique auxquelles elle a procédé au titre de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du
règlement no 1049/2001 constituent un moyen supplémentaire de protéger ces données.

2.   Appréciation des arguments relatifs à une présomption générale de confidentialité

a)   L’allégation selon laquelle le Tribunal s’est prévalu des documents d’orientation interne de l’EMA et du règlement no 536/2014

51. Dans la mesure où la requérante au pourvoi et l’Eucope affirment que le Tribunal s’est prévalu des documents d’orientation de l’EMA, à savoir ses « Règles de mise en œuvre du règlement (CE) no 1049/2001 dans l’accès aux documents de l’EMA » et son document intitulé « [P]olitique de l’[EMA] sur l’accès aux documents (concernant les médicaments à usage humain et vétérinaires) », je considère que tel n’est pas le cas, du moins en ce que cela laisserait entendre que le Tribunal a fondé l’arrêt
attaqué sur ces sources.

52. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants ( 28 ). De l’emploi des termes « [p]ar ailleurs » au début du point 54 de l’arrêt attaqué, il ressort que le Tribunal n’a pas basé son raisonnement sur les règles d’orientation de l’EMA. Après une appréciation approfondie de la question au regard des règlements no 1049/2001,
no 114/2000, no 726/2004 et no 507/2006 aux points 45 à 52, le Tribunal a conclu au point 53 que, « [c]ompte tenu de tout ce qui précède », il n’existait pas de présomption générale de confidentialité des rapports d’étude clinique. Ainsi, de toute évidence, les points 54 et 55 ne sont mentionnés que dans un souci d’exhaustivité et ne sont pas essentiels pour la motivation de la décision du Tribunal.

53. Il en est de même pour l’allégation selon laquelle le Tribunal s’est prévalu du règlement no 536/2014 ( 29 ). Ainsi que je l’ai déjà fait observer, ce règlement n’est actuellement pas applicable en raison du fait que le portail et la banque de données de l’Union que ce règlement prévoit ne sont pas encore pleinement opérationnels. Le Tribunal mentionne spécifiquement, au point 56 de l’arrêt attaqué, que ce règlement n’est pas applicable en l’espèce. C’est en guise d’argument accessoire contre
l’existence d’une présomption générale de confidentialité que le Tribunal attire toutefois l’attention sur le fait que, dans son considérant 68, ce règlement énonce le principe selon lequel les données comprises dans un rapport d’étude clinique ne devraient pas être considérées comme relevant du secret commercial une fois l’AMM accordée ou retirée. Le Tribunal considère qu’il s’agit là d’un indice que le législateur n’entend pas protéger les rapports d’étude clinique par une présomption générale
de confidentialité.

54. Si les observations du Tribunal sur les effets des règles de l’EMA ou sur l’impact éventuel du règlement no 536/2014 avaient été à la base de sa décision, je l’admets, cela aurait alors constitué, dans les deux cas, une erreur de droit. Il va de soi que, dans une Union fondée sur le respect de l’État de droit et des institutions démocratiques, le droit ne peut être modifié qu’en ayant recours aux procédures législatives établies dans les traités. Les lignes directrices édictées par l’EMA
permettent indubitablement de comprendre comment cette agence applique le règlement no 1049/2001 en pratique, mais elles ne sauraient valablement modifier le droit. Le règlement no 1049/2001 ne peut pas non plus être interprété en fonction de ces lignes directrices, puisque cela irait à l’encontre de la hiérarchie des normes que le droit de l’Union prescrit. Il est tout aussi évident que la présente affaire doit être tranchée sur la base du droit qui était effectivement en vigueur au moment où
la décision de l’EMA a été prise et non en fonction d’un règlement qui n’était pas alors – et qui ne l’est toujours pas actuellement – d’application.

55. L’argument de la requérante au pourvoi selon lequel le considérant 68 du règlement no 536/2014 devrait être interprété comme constituant une modification intentionnelle de la situation juridique existante n’est pas, à mon sens, davantage convaincant. Il laisse entendre que cette modification constitue une reconnaissance législative implicite qu’il devait bien exister, dans la situation juridique antérieure, une présomption générale de confidentialité pour les rapports d’étude clinique.

56. Pour ma part, cependant, je ne suis pas de cet avis. Tout d’abord, la simple mention d’une question dans un considérant d’un règlement n’implique pas nécessairement que le droit a fait l’objet, sur ce point, d’une modification. Ensuite, même si tel était le cas, cela ne signifie pas immanquablement que la situation juridique antérieure admettait une présomption générale de confidentialité. Enfin, et c’est ce qui est le plus fondamental, de même que l’EMA ne peut pas invoquer les dispositions du
règlement no 536/2014 à ses propres fins dès lors que ce règlement n’est pas encore applicable, il doit en être de même pour la requérante au pourvoi.

b)   Présomption générale de confidentialité

57. Il convient peut-être à présent de rappeler quand une présomption générale entre en ligne de compte dans le cadre des principes généraux exposés, plus haut, aux points 37 à 40.

58. Une institution de l’Union à laquelle une demande d’accès à des informations a été adressée en application du règlement no 1049/2001 doit, si elle entend refuser l’accès au document en question, expliquer comment cet accès pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une des exceptions visées à l’article 4 de ce règlement.

59. C’est à ce moment-là que la présomption générale de confidentialité entre en considération, étant donné que la Cour a jugé qu’il était loisible à l’institution de l’Union concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature ( 30 ). Il incombe toutefois à l’institution de vérifier,
dans ces cas, si les considérations d’ordre général normalement applicables à un type de documents déterminé sont effectivement applicables à un document donné dont la divulgation est demandée ( 31 ).

60. L’EMA, je le souligne à ce stade, ne conteste effectivement pas qu’il existe une présomption générale de confidentialité pour les documents qu’elle détient tant qu’une procédure d’AMM est toujours en cours et qu’aucune décision n’a été prise dans le cadre de la procédure (article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001). Sur ce point, les parties s’opposent quant à savoir si une procédure est ou non toujours en cours, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, lorsque
c’est une AMM conditionnelle qui a été octroyée et non pas une AMM définitive. Si, toutefois, comme je le pense ( 32 ), la procédure n’est plus en cours, alors l’EMA soutient que le cadre législatif de l’ensemble de la procédure d’AMM plaide contre l’existence d’une telle présomption générale.

61. Étant donné que les parties au litige ne s’accordent cependant pas sur les critères à retenir pour admettre une présomption générale de confidentialité lorsqu’une procédure d’AMM n’est pas en cours, je propose d’examiner d’abord ce que le Tribunal a exposé à cet égard et d’apprécier ensuite si son analyse est correcte.

62. Jusqu’ici, la Cour a reconnu plusieurs catégories de documents bénéficiant d’une présomption générale de confidentialité ( 33 ). Ni les rapports d’étude clinique à titre individuel ni l’ensemble des documents produits dans la procédure d’une AMM ne relèvent d’une telle catégorie reconnue, mais il y a évidemment aussi lieu d’observer que cette question n’avait pas encore été soulevée devant la Cour.

1) L’appréciation par le Tribunal de la présomption générale de confidentialité au cas où une procédure n’est pas en cours

63. Le Tribunal donne en substance trois raisons pour lesquelles il rejette l’existence d’une présomption générale de confidentialité au cas où une procédure d’AMM n’est pas en cours. Premièrement, il déclare que l’existence d’une telle présomption est dictée essentiellement « par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en question et de garantir que leurs objectifs ne soient pas compromis» ( 34 ). Deuxièmement, il observe que, dans la jurisprudence ayant jusqu’ici
donné lieu aux décisions retenant des présomptions générales de confidentialité, « le refus d’accès en cause portait sur un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours» ( 35 ). Troisièmement, il relève que la jurisprudence rendue jusqu’à présent a admis que « l’application de règles spécifiques prévues par un acte juridique relatif à une procédure conduite devant une institution de
l’Union » est l’un des critères de nature à justifier la reconnaissance d’une présomption générale ( 36 ).

64. Je ne suis pas convaincu par ce raisonnement dans la mesure où il écarte l’idée d’une présomption générale de confidentialité pour les rapports d’étude clinique.

65. D’abord, s’il est vrai que toute la jurisprudence existante se rapporte à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours, cet aspect n’est pas déterminant pour ce qui est de la reconnaissance d’une présomption générale dans le présent type (complètement différent) d’affaire. Les catégories de présomptions générales susceptibles d’être admises à cette fin ne sont jamais fermées.

66. Ensuite, même si aucune règle spécifique n’a été édictée, il ne s’agit pas d’un facteur décisif dans le cadre de l’admission d’une présomption générale de confidentialité ( 37 ).

67. Enfin, bien que les présomptions générales soient certainement conçues pour assurer un fonctionnement sans encombre des procédures existantes, cela ne signifie pas qu’il ne pourrait pas y avoir une présomption dans le présent type de cas ( 38 ).

68. En réalité, les principes qui sous-tendent la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité ont été résumés par la Cour dans son arrêt du 4 septembre 2018 ClientEarth/Commission ( 39 ) comme il suit.

2) Le critère ClientEarth

69. La Cour a exposé les considérations directrices pour la reconnaissance d’une nouvelle catégorie de documents ( 40 ), telles qu’elle les a dégagées de la jurisprudence existante, dans l’arrêt ClientEarth/Commission, qu’elle a rendu après que le Tribunal a prononcé sa décision en l’espèce mais avant la tenue de l’audience dans le cadre du présent pourvoi ( 41 ).

70. Au point 80 de l’arrêt ClientEarth/Commission, la Cour a déclaré que :

« [...] la reconnaissance d’une présomption générale au profit d’une nouvelle catégorie de documents suppose toutefois qu’il soit au préalable démontré que la divulgation du type de documents entrant dans cette catégorie serait, de manière raisonnablement prévisible, susceptible de porter effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception en question. Par ailleurs, les présomptions générales constituant une exception à l’obligation d’examen concret et individuel, par l’institution de
l’Union concernée, de chaque document visé par une demande d’accès et, d’une manière plus générale, au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union, elles doivent faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes [...]» ( 42 ).

71. Comment ces principes doivent-ils alors être appliqués dans la présente affaire ?

3) Application du critère ClientEarth dans le cadre d’une procédure d’AMM qui n’est pas en cours – les objectifs d’une réglementation dans le domaine des médicaments

72. La réglementation en matière de médicaments vise à concilier des objectifs divers. Le premier d’entre eux est, de toute évidence, d’assurer la sauvegarde de la santé publique, mais il est également essentiel de créer des incitants pour permettre aux entreprises pharmaceutiques de mener des recherches combien nécessaires dans le développement de nouveaux médicaments. D’autres intérêts publics entrent de même, évidemment, en jeu. Les systèmes de santé publique devraient, bien sûr, se pourvoir de
médicaments dont les prix ne soient pas surfaits et il faut également éviter des essais répétés sur l’homme ou sur l’animal s’ils ne sont pas nécessaires ( 43 ). La réglementation des essais cliniques assure le respect des normes éthiques et la protection appropriée de la personne et de l’intégrité physique des participants aux essais cliniques.

73. Afin de contribuer à atteindre ces objectifs généraux, l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83, disposition qui s’applique également dans la procédure centralisée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, instaure ce qu’il est convenu d’appeler la « voie de l’approbation du médicament générique ». Cela permet à un demandeur d’une AMM pour un médicament générique d’introduire son dossier de demande avec un nombre plus limité de documents, ce qui le dispense
ainsi de fournir les résultats des essais toxicologiques, pharmacologiques et cliniques ( 44 ). Dans ce cas, l’EMA se fondra dans son appréciation sur les résultats correspondants fournis dans la demande antérieure de la partie ayant demandé la première AMM (ci‑après le « premier entrant »). L’exclusivité des données est un instrument législatif qui limite la voie de l’approbation du médicament générique, en ce qu’elle ne permet de se référer aux résultats du premier entrant qu’après une
certaine période prévue dans la législation ( 45 ).

74. L’octroi de l’exclusivité commerciale va au-delà de l’octroi de l’exclusivité des données et confère à un premier entrant une protection contre la concurrence pendant la période d’exclusivité ( 46 ). L’exclusivité commerciale signifie que, pendant cette période, aucun médicament essentiellement analogue à un médicament autorisé n’obtiendra une AMM. L’octroi de cette exclusivité vise à donner au premier entrant l’opportunité de faire des bénéfices plus importants en compensation des coûts du
développement et des essais d’un nouveau médicament ( 47 ).

4) Application du critère ClientEarth au regard des objectifs de la réglementation dans le domaine des médicaments

75. Ces dispositions législatives qui confèrent tant une exclusivité des données qu’une exclusivité commerciale sont donc conçues pour offrir à un premier entrant, tel que la requérante au pourvoi, un degré élevé de protection. Cependant, en faisant application du critère tiré de l’arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660), je pense qu’il est raisonnablement prévisible que la divulgation d’un rapport d’étude clinique serait « susceptible de porter effectivement
atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 ». En effet, l’intérêt en question est l’intérêt commercial d’un demandeur d’une AMM. Par la nature des choses, l’élaboration d’un rapport d’étude clinique est susceptible d’être extrêmement coûteux et implique une série d’essais cliniques complexes. Les rapports d’étude clinique sont de nature à divulguer les méthodologies et méthodes de travail, les cheminements par
essai-erreur, les analyses statistiques, de même qu’une synthèse et une analyse détaillées des résultats des essais cliniques, et indubitablement bien d’autres éléments encore.

76. Dans ces circonstances, on voit mal comment la divulgation d’un rapport d’étude clinique ne présenterait pas un avantage considérable pour tout concurrent éventuel, malgré les dispositions en matière d’exclusivité des données et d’exclusivité commerciale. Si un tel rapport d’étude clinique était divulgué, il semblerait, en effet, parfaitement possible pour tout concurrent d’aligner son propre rapport d’étude clinique sur le rapport d’étude clinique antérieur (à présent divulgué), même à la suite
de l’octroi au premier entrant d’une AMM conditionnelle. Un tel aperçu dans, entre autres, les méthodes de travail et méthodologies du premier entrant est susceptible d’être fort précieux pour ce concurrent – peut-être même au point de fournir une « feuille de route » pour de futures demandes d’AMM – en particulier dans un environnement commercial qui est exceptionnellement compétitif.

77. L’abondante jurisprudence de la Cour en matière de propriété intellectuelle est elle‑même l’illustration du fait que des grandes entreprises pharmaceutiques n’hésiteront pas à se servir de tout avantage stratégique auquel elles peuvent légitimement et légalement avoir recours pour prendre leurs concurrents de vitesse dans leur recherche d’une plus grande part de marché et de profits plus importants. Cela comprendrait à l’évidence le recours aux dispositions en matière d’accès aux documents du
règlement no 1049/2001 – s’il était légalement possible de le faire – pour voir ce qu’elles pourraient apprendre d’un élément tiré d’un rapport d’étude clinique d’un concurrent. Si cette tournure des choses peut profondément décevoir l’altruiste et l’idéaliste, personne n’a jamais laissé entendre que les entreprises pharmaceutiques sont exclusivement guidées par les préceptes du Sermon sur la montagne.

78. Dès lors, même si je suis autant que quiconque en faveur de l’accès aux documents et de la transparence des documents publics, je me vois néanmoins contraint d’admettre que, en appliquant le critère tiré de l’arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660), la divulgation d’un rapport d’étude clinique serait, de manière prévisible, susceptible de porter effectivement atteinte aux intérêts commerciaux du demandeur d’une AMM qui sont protégés par l’exception prévue à
l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

79. Dans ces conditions, je considère qu’une présomption générale en faveur de la non‑divulgation de tels documents devrait être reconnue par la Cour, eu égard au critère qu’elle a établi au point 80 de l’arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660).

80. Je considère que le critère de l’arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660) est suffisant pour retenir une présomption générale de confidentialité au titre du règlement no 1049/2001. Je propose toutefois, au cas où la Cour ne partagerait pas cette appréciation, de me pencher sur les arguments que les parties ont soulevés, et que le Tribunal a examinés de manière assez détaillée, selon lesquels il faut tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès aux
documents en vue d’apprécier si une présomption générale de confidentialité est applicable sur cette base ( 48 ).

5) La mise en balance du règlement no 1049/2001 et d’une législation spécifique régissant l’accès aux documents

81. La Cour a reconnu une présomption générale de confidentialité dans un certain nombre de cas où les principes établis dans le règlement no 1049/2001 et dans les règles spécifiques à la procédure concernée devaient être conciliés et donc interprétés d’une manière cohérente. Ainsi, la Cour a admis une présomption générale de confidentialité sur la base d’une interprétation du règlement no 1049/2001 à la lumière des règlements (CE) no 1/2003 ( 49 ) et (CE) no 773/2004 ( 50 ), dans des affaires
d’aides d’État ( 51 ) et pour des informations recueillies au cours de procédures de contrôle d’une opération de concentration ( 52 ).

82. Il y a lieu d’observer toutefois que, si les parties au litige sont d’accord que l’existence de règles législatives spécifiques concernant l’accès aux documents du dossier constitue un critère pertinent pour reconnaître une présomption générale, il ne s’agit en aucun cas d’une condition indispensable pour une telle reconnaissance.

83. La Cour a admis également une présomption générale de confidentialité dans des cas où il n’existait aucune règle particulière régissant l’accès aux documents ( 53 ).

6) Les règlements no 141/2001 et no 726/2004

84. Au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal déclare que les exceptions qui figurent à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne sauraient ainsi être interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès à ces documents, prévues par les règlements concernés. Il conclut, au point 46 de l’arrêt attaqué, que les règlements no 141/2000 et no 726/2004 ne régissent pas de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’AMM d’un médicament.
Le Tribunal ajoute que, à la différence de ce qui avait été le cas dans d’autres procédures comme exposé plus haut, ces règlements ne limitent l’accès au dossier ni aux « parties concernées » ni aux « plaignants », pas plus d’ailleurs qu’à qui que ce soit d’autre ( 54 ).

85. Je partage l’avis du Tribunal, exprimé au point 47 de l’arrêt attaqué, selon lequel le règlement no 141/2000 ne contient aucune disposition spécifique restreignant l’accès aux documents. D’ailleurs, l’article 73, paragraphe 1, du règlement no 726/2004 prévoit spécifiquement que le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA ( 55 ). L’argument de la requérante au pourvoi faisant valoir que cette disposition tend seulement à rendre le règlement no 1049/2001 applicable de
manière générale (en effet, l’EMA n’est en fait pas l’un des détenteurs des documents visés à l’article 1er du règlement no 1049/2001), à permettre la divulgation d’informations commerciales confidentielles s’il existe un intérêt public supérieur pour ce faire et à donner à l’EMA un fondement pour répondre aux demandes d’accès dans les cas où un document n’a pas été divulgué en application de l’article 80 du règlement no 726/2004 n’est, en revanche, pas convaincant ( 56 ).

86. La formulation de l’article 73 du règlement no 726/2004 même ne corrobore pas le raisonnement de la requérante au pourvoi. La formulation du paragraphe 1 de cet article est large et générale. Elle se réfère au règlement no 1049/2001, qui indique clairement à son article 2, paragraphe 3, qu’il ne porte pas uniquement sur les documents établis par l’institution. L’article 73 précité le réaffirme en prévoyant que le règlement no 1049/2001 s’applique à tous les documents détenus par l’EMA ( 57 ).

7) L’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC

87. Il importe ensuite d’examiner l’argument selon lequel l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC exige de reconnaître une présomption générale de confidentialité. Au point 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal expose la jurisprudence constante de la Cour relative à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce et ses annexes. Le Tribunal a ainsi déclaré que, bien qu’il fasse partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, l’accord ADPIC ne peut pas être invoqué directement. Dans les
domaines concernés par l’accord ADPIC, les règles de l’Union doivent toutefois être interprétées d’une manière conforme à cet accord dans la mesure du possible ( 58 ).

88. L’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC prévoit que les informations qui ont une valeur commerciale du fait qu’elles sont secrètes doivent être protégées contre toute divulgation et contre une utilisation par des tiers d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes. L’article 39, paragraphe 3, de cet accord concerne en substance les circonstances de la présente affaire : il se rapporte à des informations dont la divulgation est une condition pour obtenir une AMM de produits
pharmaceutiques. Cette disposition prévoit que les données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, seront « protégées » contre « l’exploitation déloyale dans le commerce ». Elle précise également que ces données seront protégées contre la divulgation, sauf si cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation
déloyale dans le commerce.

89. Au point 64 de l’arrêt attaqué, le tribunal conclut que, dans l’approche défendue par la requérante au pourvoi, plutôt que d’interpréter les dispositions des règlements no 1049/2001, no 726/2004, no 141/2000 et no 507/2006 au regard de l’accord APDIC, il s’agit en substance de mettre directement en cause la légalité de ces dispositions en invoquant à cette fin celles de l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord APDIC. Le Tribunal considère en outre que, même sans l’application d’une
présomption générale de confidentialité, la période d’exclusivité des données fixée à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 ( 59 ) ainsi que l’application des exceptions figurant à l’article 4 du règlement no 1049/2001 constituent des mécanismes de protection suffisants contre une exploitation déloyale, tels que requis aux termes de l’article 39, paragraphe 3, de l’accord APDIC.

90. Je ne puis partager cette appréciation de la législation pertinente. Ainsi que je viens de le souligner, l’article 39, paragraphe 3, de l’accord APDIC prévoit que les données doivent être protégées contre la divulgation à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer qu’elles sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce. À mon sens, l’affaire en cause relève pleinement du champ d’application de cette disposition et remplit toutes les conditions spécifiques qui y
figurent pour les raisons qui sont exposées ci‑après.

91. Premièrement, les demandeurs d’AMM doivent produire leur rapport d’étude clinique devant un organisme de contrôle, à savoir l’EMA. Deuxièmement, le processus d’approbation concerne des produits pharmaceutiques. Troisièmement, le produit pharmaceutique contient par définition une substance chimique nouvelle, parce que, s’il en était autrement, à supposer que les délais pertinents ont expiré, la voie de l’approbation du médicament générique serait possible. Quatrièmement, la réalisation des études
cliniques implique un effort considérable, même si, comme le Tribunal l’a observé, elles « se limite[nt] à répondre à un schéma réglementaire prescrit par l’EMA ». Cinquièmement, à part la quantité (relativement limitée) d’éléments divulgués dans les rapports d’évaluation publics ( 60 ), les données sont restées jusqu’ici non divulguées au grand public.

92. L’EMA n’a jamais envisagé l’argument selon lequel la divulgation était nécessaire en vue de protéger le public pour des raisons d’intérêt public supérieur (c’est‑à‑dire la dérogation à l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001), et ce parce qu’elle avait décidé qu’un rapport d’étude clinique ne constituait pas des informations confidentielles. Il s’ensuit donc que, dans le cadre de l’article 39, paragraphe 3, de l’accord APDIC, la question est de savoir si des
mesures suffisantes ont été prises pour protéger de telles données contre la divulgation (sauf si cela est nécessaire pour protéger le public) et pour assurer que les données en cause sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce.

93. À cet égard, le Tribunal a déclaré au point 91 de l’arrêt attaqué que « le risque d’utilisation abusive du rapport litigieux par un concurrent ne constitue pas en soi un motif pour considérer qu’une information est confidentielle sur le plan commercial au titre du règlement no 1049/2001» ( 61 ).

94. Si cette affirmation est exacte s’agissant de considérer l’exception relative à la « confidentialité commerciale » visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, il faut néanmoins garder à l’esprit que les critères de l’article 39, paragraphe 3, de l’accord APDIC sont de savoir si les données sont des « données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable » et si la protection contre
l’exploitation déloyale dans le commerce est assurée. Je me pencherai sur le critère de la confidentialité lorsque j’aborderai l’application de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 en dehors du cadre d’une présomption générale. À ce stade, il suffit de préciser que, ici, le critère applicable est de savoir si les données sont non divulguées.

95. La protection des données et l’exclusivité commerciale conférée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000 et à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 n’assurent en effet pas, malheureusement, une telle protection parce que ces dispositions s’appliquent uniquement sur le territoire de l’Union et de l’Espace économique européen. Certes, les autres membres de l’accord APDIC ont la même obligation de protéger ces données ; cependant, pour que ce système ait une portée
complète, ces règles devraient non seulement protéger les données qui sont produites dans le cadre de leur propre procédure d’autorisation mais aussi s’appliquer aux données qui ont été produites à cette fin dans un autre pays ou devant une autre autorité. Il est intéressant de remarquer que le libellé de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 (qui concerne les « médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement» ( 62 )) montre que les
dispositions du droit de l’Union ne prévoient pas non plus cette protection. On pourrait encore ajouter que l’exclusivité commerciale conférée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000 s’applique aussi dans la mesure où une AMM a été octroyée au sein de l’Union.

96. Si, toutefois, les données et l’analyse y afférente contenues dans un rapport d’étude clinique entrent dans le domaine public à la suite d’une demande d’accès aux documents, il existe à tout le moins une éventualité que ce fait même mettra effectivement à néant la protection dans les pays tiers, où il sera supposé que des informations déjà entrées dans le domaine public ne peuvent pas être considérées comme des informations confidentielles méritant d’être protégées. À son tour, cette situation
entraîne le risque futur qu’un concurrent en dehors de l’Union puisse se fonder sur le rapport d’étude clinique afin d’obtenir une AMM pour son propre médicament même avant le terme de la période de l’exclusivité des données.

97. Je crains, dès lors, que le Tribunal ait commis une erreur de droit en ne donnant pas de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 une interprétation qui concorde avec les exigences de l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC dans une situation où il était certainement possible de le faire et où une telle interprétation n’aurait pas été contra legem.

3.   Conclusions sur le premier moyen

98. Il s’ensuit que, pour ces deux seuls motifs, je considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant qu’il n’existait aucune présomption générale en faveur de la non‑divulgation de rapports d’étude clinique. Cela ne signifie pas pour autant que la décision de l’EMA doit nécessairement être annulée, puisque, comme le Tribunal l’observe au point 70 de l’arrêt attaqué, il résulte de l’arrêt de la Cour dans l’affaire LPN et Finlande/Commission ( 63 ) que l’institution concernée n’est
pas tenue de fonder sa décision sur une présomption générale, même si une telle présomption existe. Elle peut toujours procéder à un examen concret des documents demandés et aboutir à une conclusion fondée sur cet examen concret.

99. Je considère donc que, bien qu’il soit fondé, l’argument de la requérante au pourvoi selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas une présomption générale de confidentialité ne suffit pas pour annuler l’arrêt attaqué.

100. De ce fait, il convient en tout état de cause d’examiner les arguments spécifiques (non fondés sur une présomption générale de confidentialité) que la requérante au pourvoi a fait valoir contre la divulgation du rapport d’étude clinique en cause dans la présente affaire. À la vérité, ces arguments et ceux afférents à l’existence d’une présomption générale de confidentialité se recoupent, du moins dans une certaine mesure, étant donné qu’ils sont tous axés sur le dommage spécifique qui sera
porté, selon la requérante au pourvoi, à ses intérêts commerciaux au cas où la divulgation du rapport litigieux est autorisée. Ce sont ces questions que j’aborde à présent.

C. Sur le deuxième moyen : la méconnaissance de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001

101. Dans le cadre de ce moyen, il s’agit de déterminer si la divulgation du rapport litigieux « porterait atteinte à la protection » des intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. La question qui se pose est de savoir quels sont en réalité ces intérêts commerciaux et si la divulgation du rapport litigieux leur porterait atteinte.

1.   Les arguments des parties

102. La requérante au pourvoi soutient que l’arrêt attaqué contient plusieurs erreurs de droit fondamentales. D’abord, il fait une application erronée de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 lorsqu’il met en balance les intérêts privés de la requérante au pourvoi et l’intérêt public général à rendre le rapport litigieux accessible. L’arrêt attaqué commet une autre erreur encore dans l’application de cette disposition lorsqu’il laisse entendre qu’il faut, pour que la
requérante au pourvoi puisse invoquer l’exception relative aux intérêt commerciaux, qu’il soit gravement (seriously) porté atteinte à la protection de ses intérêts ( 64 ). La requérante au pourvoi affirme que le Tribunal commet une erreur de droit supplémentaire lorsqu’il considère que, pour invoquer l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, elle doit démontrer davantage que le fait qu’il est raisonnablement prévisible qu’il serait porté atteinte à la protection de
ses intérêts commerciaux. À cet égard, le Tribunal a omis de prendre en considération l’éventuelle utilisation à grande échelle du rapport d’étude clinique en dehors de l’Union. Elle soutient que ces erreurs de droit ont empêché le Tribunal de procéder à un examen adéquat des éléments de preuve qu’elle a produits, auxquels le Tribunal n’a pas même fait la moindre référence.

103. L’EMA fait valoir que le rapport litigieux ne saurait être protégé dans son ensemble par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, parce que l’EPAR, qu’elle doit publier immédiatement selon l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, divulgue déjà des résultats et des informations détaillées figurant dans le rapport litigieux. L’EMA estime que la requérante au pourvoi n’est pas parvenue à démontrer la nouveauté de ses modèles, analyses ou méthodologies, le
rapport litigieux se conformant en fait aux principes à la pointe du progrès connus. L’EMA se réfère en outre à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 selon lequel elle ne peut refuser l’accès à un document dans son ensemble que si l’une ou plusieurs des exceptions visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit règlement s’appliquent à tout le contenu du document auquel l’accès est demandé ( 65 ). Elle souligne aussi que le Translarna bénéficie du régime d’exclusivité commerciale
et que l’allégation de la requérante au pourvoi selon laquelle ce régime ne la protège pas suffisamment est vague et hypothétique ( 66 ).

2.   L’appréciation des arguments quant à savoir si l’accès au rapport litigieux méconnaît l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001

a)   La divulgation doit-elle porter « gravement » atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi pour que l’exception de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 puisse jouer ?

104. Avant d’examiner le moindre de ces arguments spécifiques, il me faut d’abord observer que l’appréciation par le Tribunal de ces questions soulevant des points à la fois de droit et de fait a été viciée par l’erreur de droit suivante : il a conclu que, pour que l’exception de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 joue, toute divulgation doit porter « gravement »(seriously) atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi. Ainsi que je me
propose de le démontrer à présent, une telle exigence est excessive et les termes utilisés par le règlement no 1049/2001 ne la formulent pas. En effet, l’adverbe « gravement »(seriously) ne figure pas à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 et cette disposition ne peut donc pas être lue en ce sens.

105. Le précédent que le Tribunal a cité à cette fin était son propre arrêt rendu dans l’affaire MasterCard e.a./Commission ( 67 ). Dans cette affaire, la requérante – l’entreprise bien connue de cartes de crédit – avait demandé à avoir accès à certains documents établis par une autre entreprise, EIM, qui avait mené pour le compte de la Commission des enquêtes sur différents moyens de paiement. La Commission avait refusé l’accès aux documents demandés, invoquant pour justifier ce refus les intérêts
commerciaux d’EIM au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Toutefois, cette décision a été annulée par le Tribunal, qui a exposé ce qui suit :

« 81 Il y a lieu de relever que, si la jurisprudence n’a pas défini le concept d’intérêts commerciaux, il n’en demeure pas moins que le Tribunal a précisé que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer
au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide/Commission, T‑437/08, [EU:T:2011:752], point 44, et la jurisprudence citée).

82 Ainsi, afin d’appliquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, il est nécessaire que l’institution démontre que les documents demandés contiennent des éléments susceptibles, du fait de leur divulgation, de porter [gravement] atteinte ( 68 ) aux intérêts commerciaux d’une personne morale.

83 Il en est ainsi lorsque, notamment, les documents demandés contiennent des informations commerciales sensibles, relatives aux stratégies commerciales des entreprises impliquées, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, [EU:C:2012:394], point 56).

84 De même, la révélation des méthodes de travail et des relations d’affaires d’une entreprise peut résulter de la divulgation de documents demandés et ainsi porter atteinte aux intérêts commerciaux de cette entreprise, notamment lorsque lesdits documents contiennent des données propres à l’entreprise qui mettent en avant son expertise. »

106. En fin de compte, dans l’affaire T‑516/11, MasterCard e.a./Commission, le Tribunal a conclu que la nature des documents en cause était telle que la Commission avait commis une erreur en décidant que l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 en interdisait toute divulgation.

107. À mon sens, cependant, le véritable enseignement de l’arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759), est que l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 ne sert qu’à empêcher la divulgation envisagée de documents lorsque, à l’évidence, une telle divulgation présenterait un risque appréciable d’atteinte aux intérêts commerciaux de l’entreprise en cause, qui dépasse celui qui peut être considéré
objectivement comme étant soit acceptable, soit de minimis. Ainsi que cet arrêt lui-même l’illustre, un tel risque est établi en général lorsque la divulgation révèlerait des informations commerciales sensibles, les méthodes de travail ou le modus operandi de l’entreprise concernée. Dans l’affaire T‑516/11, MasterCard e.a./Commission, pour ce qui concernait les faits de ce recours spécifique, le Tribunal a jugé que ce risque n’avait pas été établi par rapport auxdits faits.

108. Or, en l’espèce, je vois mal comment la divulgation du rapport litigieux ne révélerait pas des aspects des méthodes de travail de la requérante au pourvoi, de même que des informations commerciales sensibles.

109. Je souligne à nouveau, en outre, que le libellé de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne contient pas le terme « gravement »(seriously). Comme je viens de l’indiquer, l’exigence qu’impose le critère n’est pas à ce point élevée : il convient plus exactement de montrer que la protection des intérêts commerciaux de l’entreprise concernée serait mise en péril. À cette fin, il suffit que la personne morale concernée soit en mesure de démontrer l’existence d’un risque d’atteinte
véritable : un dommage effectif ou potentiel soit de minimis, soit purement hypothétique ou improbable ne suffira donc pas. Toutefois, dans la mesure où le Tribunal a conclu en l’espèce qu’il fallait aller plus loin et démontrer que la divulgation « porterait [gravement] atteinte » aux intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi, je crains qu’il n’ait commis une erreur de droit. Cette erreur de droit a dès lors affecté son approche de la série d’éléments de preuve que la requérante au
pourvoi a produits concernant la manière dont ses intérêts commerciaux pourraient être lésés, aux fins de toute analyse fondée sur l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

110. Je ne suis pas sûr que, s’il avait donc appliqué ce critère moins exigeant, le Tribunal serait parvenu aux mêmes conclusions que celles qu’il a retenues à l’égard des motifs spécifiques d’opposition avancés par la requérante au pourvoi, et ce pour les raisons que je vais exposer à présent.

b)   L’intérêt spécifique protégé par l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 et l’intérêt public général à la divulgation des documents doivent-ils être mis en balance ?

111. Mon avis est similaire en ce qui concerne cette question, où je considère que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son analyse d’un aspect de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

112. Il a déclaré ce qui suit (au point 83 de l’arrêt attaqué) :

« [...] lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non‑divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus
décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 45 ; du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 32, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 53).» ( 69 )

113. Il sera montré que, à cet égard, le Tribunal a (dûment) suivi trois décisions antérieures de la Cour, à savoir les arrêts rendus dans l’affaire Suède et Turco/Conseil ( 70 ), dans l’affaire Conseil/Access Info Europe ( 71 ) et dans l’affaire Conseil/in ’t Veld ( 72 ). Il sera, selon moi, nécessaire de se pencher dans un instant sur ce que ces décisions ont effectivement déclaré à ce propos.

114. Néanmoins, je ne puis m’empêcher de penser que ce critère, du moins tel que formulé par le Tribunal, est erroné en droit et qu’il est peut-être même susceptible d’induire en erreur. Selon moi, il ressort tout à fait clairement des termes de l’article 4 du règlement no 1049/2001 que l’institution concernée doit d’abord apprécier si l’une des exceptions précisées à l’article 4, paragraphe 2, s’applique effectivement ( 73 ).

115. Cependant, si l’une des exceptions s’applique, elle doit produire ses effets, et ce sous la seule réserve du critère tout à fait distinct que prévoit l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 même, à savoir celui énoncé en ces termes : « [...] à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ». Le terme « supérieur » a, ici, toute son importance, parce qu’il ressort clairement de la formulation de cette disposition même qu’il s’agit là d’une
dérogation à la liste des exceptions énumérées à l’article 4, paragraphe 2. Non seulement cette dérogation doit elle‑même être interprétée strictement, mais l’utilisation du terme « supérieur » laisse entendre sans équivoque que l’intérêt public concerné en l’occurrence doit lui‑même être exceptionnel et impérieux à un point tel qu’il se justifierait qu’il prévale sur toute autre exception de l’article 4, paragraphe 2, qui serait sinon applicable, tels des avis juridiques ou la confidentialité
commerciale.

116. Or, le critère tel que formulé par le Tribunal semble indiquer l’existence d’une possibilité générale pour l’institution concernée de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique à protéger par la non‑divulgation du document selon l’exception en cause de l’article 4, paragraphe 2, et, d’autre part, « notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence
accrue ».

117. Pour ma part, je pense que cette approche est erronée en droit et elle semble, à tout le moins, avoir faussé le point de vue du Tribunal quant à la question de savoir si la requérante au pourvoi relevait effectivement de l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

118. J’estime qu’il en est ainsi parce que, selon moi, la tâche de l’institution concernée consiste en premier lieu à examiner si l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 est applicable. Même si l’institution concernée doit évidemment garder à l’esprit que cet article 4, paragraphe 2, doit faire l’objet d’une interprétation stricte, il ne saurait néanmoins être question, à ce stade, de mettre en balance ( 74 ), par exemple, les affirmations de la requérante au pourvoi en
ce qui concerne la confidentialité commerciale et l’intérêt public général.

119. Si, toutefois, la requérante au pourvoi peut se prévaloir avec succès de l’exception de la confidentialité commerciale contenue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, alors, à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, l’institution peut procéder ensuite à l’examen de la question de savoir s’il existe un intérêt public « supérieur » au point qu’il se justifierait qu’il prévale sur l’exception de l’article 4, paragraphe 2. Même dans ces cas, cependant, mettre en avant l’intérêt
public général à la divulgation de documents mentionnés, par exemple, au considérant 2 du règlement no 1049/2001 serait insuffisant. Ce qu’il faut plus exactement déterminer, au contraire, c’est un intérêt public supérieur d’un tel ordre qu’il se justifierait, exceptionnellement, qu’il l’emporte sur l’exception de l’article 4, paragraphe 2, applicable sinon ( 75 ).

120. Venons-en, à présent, à l’examen plus précis de ce que la Cour a exactement déclaré à ce sujet dans ses trois arrêts antérieurs susmentionnés et commençons par celui rendu dans l’affaire Suède et Turco/Conseil ( 76 ). Aux points 35 à 45, de cet arrêt, la Cour a déclaré :

« 35 Lorsque la divulgation d’un document est demandée au Conseil, celui‑ci est tenu d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement no 1049/2001.

36 Compte tenu des objectifs poursuivis par ce règlement, ces exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission e.a., C‑64/05 P, [EU:C:2007:802], point 66).

37 S’agissant de l’exception afférente aux avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, l’examen à effectuer par le Conseil lorsque la divulgation d’un document lui est demandée doit nécessairement se dérouler en trois temps, correspondant aux trois critères figurant à cette disposition.

38 Dans un premier temps, le Conseil doit s’assurer que le document dont la divulgation est demandée concerne bien un avis juridique, et, dans l’affirmative, déterminer quelles en sont les parties effectivement concernées et, donc, susceptibles de tomber dans le champ d’application de ladite exception.

39 En effet, ce n’est pas parce qu’un document a été intitulé “avis juridique” qu’il doit automatiquement bénéficier de la protection des avis juridiques garantie par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Par-delà sa dénomination, il incombe à l’institution de s’assurer que ce document concerne bien un tel avis.

40 Dans un deuxième temps, le Conseil doit examiner si la divulgation des parties du document en question identifiées comme concernant des avis juridiques “porterait atteinte à la protection” de ces derniers.

41 À cet égard, il convient de relever que ni le règlement no 1049/2001 ni les travaux préparatoires de celui‑ci n’apportent d’éclaircissements sur la portée de la notion de “protection” des avis juridiques. Dès lors, il y a lieu d’interpréter celle‑ci en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.

42 Il y a par conséquent lieu d’interpréter l’exception relative aux avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 comme visant à protéger l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets.

43 Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique.

44 Finalement, dans un troisième temps, si le Conseil considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à la protection des avis juridiques telle qu’elle vient d’être définie, il lui incombe de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation nonobstant l’atteinte qui en résulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets.

45 Dans ce contexte, il incombe au Conseil de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non‑divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le deuxième considérant du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité
de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. »

121. Ces points, et en particulier le point 44, montrent que la Cour a pris soin d’assurer que la dérogation de l’intérêt public supérieur fasse l’objet d’un examen distinct, et ce seulement après que l’existence de toute exception applicable de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 a été entre-temps constatée.

122. Bien que je sois entièrement d’accord avec l’analyse de la Cour telle qu’elle figure aux points 35 à 44 de l’arrêt Suède et Turco/Conseil ( 77 ), je me dois d’observer néanmoins que le dernier point de l’extrait cité, à savoir le point 45, pourrait donner une impression erronée en ce qu’il semble indiquer, du moins selon une interprétation de ce point, que des considérations d’un intérêt public que l’on pourrait qualifier d’« ordinaire» ( 78 ) pourraient prévaloir sur une exception visée à
l’article 4, paragraphe 2, qui serait sinon applicable.

123. C’est pourquoi je souligne à nouveau que la formulation de la dérogation contenue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 montre clairement que l’intérêt public en cause doit être exceptionnel et impérieux à un point tel qu’il se justifierait de le faire primer sur une exception de l’article 4, paragraphe 2, qui serait sinon applicable, comme des avis juridiques ou la confidentialité commerciale.

124. En se penchant ensuite sur la décision dans l’affaire Conseil/Access Info Europe ( 79 ), il peut être constaté que, au point 32 de son arrêt, la Cour déclare ce qui suit :

« D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non‑divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au
processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 45). »

125. La Cour réaffirme ce passage verbatim, à peu de chose près, au point 53 de l’arrêt rendu dans l’affaire Conseil/in ’t Veld ( 80 ) :

« D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non‑divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation
des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêt Conseil/Access Info Europe, EU:C:2013:671, point 32 et jurisprudence citée). »

126. En l’occurrence, le Conseil n’avait rien indiqué dans sa décision dans l’affaire C‑350/12 P, Conseil/in ’t Veld, pour démontrer en quoi, au regard des faits de l’espèce, la divulgation de l’avis juridique concret demandé déclencherait l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 concernant les avis juridiques, de sorte que la question de la mise en balance de l’intérêt public dans le cadre d’une exception éventuelle de cet article 4, paragraphe 2, ne s’est tout
simplement pas posée devant la Cour.

127. En l’espèce, le Tribunal a suivi fidèlement ces deux passages des arrêts du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671), et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039). Toutefois, à mon sens, ni celui extrait de l’arrêt Conseil/Access Info Europe ni celui extrait de l’arrêt Conseil/in ’t Veld ne reflète correctement le critère à trois volets que la Cour a établi dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P
et C‑52/05 P,EU:C:2008:374). Plus précisément, les arrêts Conseil/in ’t Veld et Conseil/Access Info Europe laissent entendre que, lorsqu’elle se penche sur la question de savoir si les documents demandés relèvent de l’une des exceptions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, l’institution concernée peut mettre en balance l’intérêt public général à la transparence et les intérêts privés de la partie réclamant la non‑divulgation au titre de cette disposition, et qu’elle peut
même le faire avant de déterminer si la dérogation de l’intérêt public « supérieur » de l’article 4, paragraphe 2, joue.

128. Pour les raisons que j’ai déjà énoncées, selon moi, ce raisonnement est erroné en droit. Il n’aborde pas non plus la question de la dérogation à l’exception que représente l’intérêt public « supérieur ». C’est pourquoi je suggère que, contrairement à ce qui peut avoir été déclaré ou sous-entendu au point 45 de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), et (tout particulièrement) au point 32 de l’arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info
Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671), ainsi qu’au point 53 de l’arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039), la Cour précise à présent dans l’arrêt qu’elle rendra que :

i) l’intérêt public général n’est pas un facteur qui peut dûment être mis en balance avec les intérêts de la partie qui invoque la non‑divulgation au titre de l’une des exceptions contenues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Plus exactement, il faut déterminer en premier lieu si l’une des exceptions contenues à l’article 4, paragraphe 2, est applicable et cette question doit faire l’objet d’un examen distinct de celui afférent à la question de l’intérêt public. Ce n’est que
lorsqu’une telle exception est effectivement applicable qu’entre en ligne de compte la question de l’intérêt public supérieur en tant que dérogation à l’exception de l’article 4, paragraphe 2 ;

ii) dans sa formulation, l’article 4, paragraphe 2, fait comprendre (« un intérêt public supérieur [qui] justifie la divulgation ») que l’intérêt public en question doit être exceptionnel et impérieux au point qu’il se justifie qu’il prime sur une exception de l’article 4, paragraphe 2 qui serait sinon applicable, telle qu’un avis juridique ou la confidentialité commerciale. Simplement invoquer l’intérêt public général à la transparence et à la divulgation comme mentionnées, par exemple, au
considérant 2 du règlement no 1049/2001, ne saurait suffire à cette fin.

129. Je me propose maintenant de démontrer comment ces erreurs de droit peuvent avoir faussé l’examen, par le Tribunal, de trois arguments spécifiques qui soulèvent dans une certaine mesure à la fois des points de droit et des points de fait, à savoir, l’argument de l’utilisation abusive éventuelle, la question de la confidentialité commerciale et la question de la « feuille de route ». Examinons à présent ces arguments dans cet ordre.

c)   L’utilisation abusive éventuelle

130. La requérante au pourvoi a avancé des arguments supplémentaires contre la divulgation dans la présente affaire. Dans l’un de ceux‑ci, elle a aussi fait valoir que le rapport litigieux pouvait éventuellement faire l’objet d’une utilisation abusive par un concurrent. Cet argument n’a toutefois pas été admis par le Tribunal, qui a déclaré :

« En troisième lieu, force est de constater que le risque d’utilisation abusive du rapport litigieux par un concurrent ne constitue pas en soi un motif pour considérer qu’une information est confidentielle sur le plan commercial au titre du règlement no 1049/2001. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la politique de l’EMA elle‑même, cette dernière ne divulgue pas d’informations commerciales confidentielles telles que les informations détaillées concernant la qualité et la fabrication
des médicaments. En l’espèce, comme cela a été indiqué au point 90 ci‑dessus, l’EMA n’a pas divulgué de telles informations. Or, force est de constater que la requérante n’a apporté aucun élément permettant de comprendre la raison pour laquelle les occultations effectuées par l’EMA ne seraient pas suffisantes. En outre, même si une autre entreprise utilisait la majorité des informations contenues dans le rapport litigieux de la manière revendiquée par la requérante, elle devrait toujours mener
ses propres études et essais correspondants et développer avec succès son propre médicament. En outre, le médicament Translarna bénéficie, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000, d’une période d’exclusivité commerciale empêchant un médicament similaire d’être mis sur le marché pendant une période de dix ans après la délivrance de l’AMM. De ce fait, l’allégation selon laquelle le rapport litigieux doit être considéré comme confidentiel dans son intégralité au motif que
sa divulgation pourrait permettre à des concurrents de demander une AMM est non fondée en droit» ( 81 ).

131. J’admets bien évidemment, que, en soi, le fait qu’un document particulier pourrait faire l’objet d’une utilisation abusive par un concurrent n’est pas une raison pour considérer qu’il ne peut pas être divulgué en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Cependant, si le document concerné contient des informations commercialement sensibles, le fait qu’un concurrent puisse exploiter sa divulgation éventuelle à ses propres fins commerciales est important dans l’appréciation
de la question de savoir si sa divulgation compromettrait les intérêts commerciaux de la personne morale concernée.

132. En l’espèce, les énormes coûts irrécupérables liés au développement du Translarna et à l’élaboration par la requérante au pourvoi du rapport litigieux, de l’ordre, paraît-il, de près de 500 millions de dollars des États‑Unis (USD), ne suscitent sérieusement aucun doute. Je ne peux que répéter qu’il me semble, et ce en substance pour toutes les raisons que j’ai déjà exposées plus haut dans les présentes conclusions, qu’il existe un risque réel que des concurrents éventuels utilisent les
informations contenues dans ce rapport à leur profit. Si un tel concurrent peut avoir accès à ces informations sans avoir à en dépenser le prix, cela lui confère alors à l’évidence un avantage déloyal et compromet la protection des intérêts commerciaux, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, de la requérante au pourvoi.

133. Certes, ainsi que le Tribunal l’a admis lui‑même, même si un concurrent devait obtenir un accès au rapport litigieux, ce concurrent devrait encore toujours procéder à ses propres études et essais cliniques avant de développer son propre médicament. Il est vrai également, comme je l’ai déjà observé, que, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000, le Translarna bénéficie d’une exclusivité commerciale empêchant un médicament similaire d’être commercialisé durant une période
de dix ans à compter de l’octroi de l’AMM. Cela ne veut toujours pas dire, toutefois, que l’accès au rapport litigieux ne représenterait pas un avantage considérable pour un concurrent éventuel.

134. Ce qui constitue une autre considération importante dans ce cadre est le fait que la protection de l’exclusivité des données conférée par l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 s’applique seulement au sein du territoire de l’Union et de l’Espace économique européen. Or, si les données et l’analyse contenues dans le rapport litigieux entrent dans le domaine public à la suite de cette demande d’accès aux documents, il existe un risque potentiel que ce fait même mette à néant la
protection de l’exclusivité des données dans des pays tiers tels le Commonwealth d’Australie, la République fédérative du Brésil et la République populaire de Chine ( 82 ). Il y a là une raison de plus pour que la divulgation du rapport litigieux, même sous sa forme actuelle occultée, « port[e] atteinte à la protection des intérêts commerciaux » de la requérante au pourvoi.

d)   La question de savoir si les informations présentent un caractère de confidentialité commerciale

135. Un autre argument avancé par la requérante au pourvoi était que le Tribunal a conclu à tort que les informations concernées ne présentaient pas un caractère de confidentialité commerciale et que leur divulgation ne léserait pas ses intérêts. Sur ce point, le Tribunal a ainsi déclaré ce qui suit :

« [...] pour pouvoir considérer que le rapport litigieux présente globalement un caractère de confidentialité commerciale au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, il importe que l’intégralité des données figurant dans ce rapport constitue des informations commerciales confidentielles» ( 83 ).

Il a ensuite ajouté :

« [...] En outre, il est constant que le rapport litigieux contient un certain nombre d’informations qui ont été divulguées dans l’EPAR, ce dernier étant accessible au public et comportant des données qui proviennent directement de ce rapport. Par conséquent, pour pouvoir revendiquer le traitement confidentiel de l’ensemble du rapport litigieux, il revient à la requérante de démontrer que l’assemblage complet des données accessibles au public avec celles qui ne le sont pas constitue une donnée
commerciale sensible dont la divulgation porterait atteinte à ses intérêts commerciaux. Or, l’affirmation selon laquelle “le tout est plus que la somme des parties” est trop vague afin de démontrer que ledit assemblage des informations pourrait produire les conséquences alléguées. Des explications précises et concrètes se seraient révélées d’autant plus nécessaires que, comme cela a été rappelé au point 80 ci‑dessus, les exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 dérogent au
principe de l’accès le plus large possible du public aux documents et doivent donc être interprétées et appliquées strictement» ( 84 ).

136. Cette analyse appelle plusieurs observations. Tout d’abord, il convient de remarquer que le rapport litigieux, élaboré pour le Translarna, est un document extrêmement détaillé d’environ 250 pages, qui présente les objectifs du rapport, la sélection des groupes d’étude, la méthodologie employée, une analyse statistique, une évaluation de l’efficacité, une évaluation de l’innocuité, une évaluation de laboratoire clinique et bien d’autres aspects. À la première page du rapport litigieux figure
aussi une disposition liminaire précisant que le document « contient des informations confidentielles appartenant à PTC Therapeutics Inc. » et chacune de ses pages comporte la mention suivante : « PTC Therapeutics, Inc. – Confidentiel ».

137. Bien que, en soi, une telle inscription ne rende pas encore un document confidentiel ( 85 ), je ne puis néanmoins souscrire à cette partie du raisonnement du Tribunal. La question de savoir si le rapport litigieux est un document dont la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 est peut-être, dans une certaine mesure, une affaire de première impression, mais il n’en reste
pas moins que j’ai été frappé par les déclarations de témoins produites par la requérante au pourvoi, auxquelles le Tribunal n’a fait aucune référence individualisée dans l’arrêt attaqué. Celle du directeur général adjoint du service des affaires réglementaires de la requérante au pourvoi a tout particulièrement retenu mon attention. En ce qui concerne le préjudice éventuel aux intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi, ce dernier a déclaré ce qui suit :

« 50 La divulgation du rapport d’étude clinique léserait sans aucun doute PTC. Selon moi, l’on ne peut pas trouver le rapport d’étude clinique dans le domaine public, par exemple par des recherches sur Internet. La présente demande vise à obtenir la divulgation d’un savoir-faire qui est le fruit de nombreuses années de recherches au sein de PTC [...] et qui représente un investissement économique de sa part de l’ordre de plusieurs centaines de millions de USD, et ce en vue d’obtenir un avantage
concurrentiel dans un domaine qui a fait l’objet de recherches intenses par bon nombre d’entreprises [...]

51 L’accès aux données permettrait à des tiers i) de comprendre comment concevoir au mieux leurs études cliniques pour traiter des profils spécifiques de patients ou de sous-groupes, comme PTC l’a fait quand elle a mis au point son étude [portant sur l’essai clinique de confirmation de l’ataluren, pour la dystrophie musculaire de Duchenne], à la suite de l’analyse des données et des enseignements du programme de sa phase 2B, ii) de connaître l’orientation des autorités réglementaires en ce qui
concerne leur conception de divers paramètres d’évaluation primaires, secondaires et exploratoires afin d’adapter les études en conséquence, iii) d’élaborer des études comparatives axées sur des attributs isolés du produit choisis uniquement afin d’en tirer des mesures dont il pourrait être fait mauvais usage pour discréditer le profil d’innocuité ou d’efficacité du Translarna, iv) d’exploiter les données de PTC afin de restructurer leurs propres programmes cliniques sans les frais du
cheminement par essai-erreur que PTC a dû exposer, et iv) d’obtenir une idée de la direction prise dans la recherche future de PTC sur la base des paramètres d’évaluation secondaires et exploratoires. »

138. Le Tribunal a conclu, et ce peut-être parce qu’il a retenu l’exigence accrue d’une divulgation portant « gravement » atteinte, que les affirmations de la requérante au pourvoi à cet égard étaient « trop vague[s] » et que des « explications précises et concrètes » étaient nécessaires ( 86 ). Pour ma part, je ne suis pas de cet avis. Je considère, au contraire que, par exemple, la déclaration de témoin du directeur général adjoint du service des affaires réglementaires de la requérante au pourvoi
fournissait des explications très claires et complètes sur la façon dont il serait porté atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi si le rapport litigieux devait être divulgué. À dire vrai, on voit mal comment les explications auraient pu être plus spécifiques. Il est dès lors tout aussi difficile de ne pas aboutir à la conclusion que toute divulgation du rapport litigieux impliquerait la divulgation d’informations commercialement sensibles appartenant à la requérante au
pourvoi ainsi que de ses méthodes de travail concernant ces essais cliniques. Ainsi que je l’ai fait remarquer aux points précédents, c’est précisément le type de divulgation que, dans l’arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759), le Tribunal a déjà déclaré exclu par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

139. Il est exact, bien sûr, que la requérante au pourvoi a choisi de ne pas coopérer avec l’EMA concernant des occultations envisagées du rapport litigieux. L’on pourrait peut-être, à la rigueur, juger bon de critiquer la requérante au pourvoi pour son inflexibilité telle que perçue à cet égard, mais il est évident que, à son tour, elle a jugé que la demande de l’EMA était irréaliste et que, dans le délai relativement serré prévu à l’article 7 du règlement no 1049/2001, cette demande ne pouvait pas
être menée à bien. En soi, tout cela est toutefois sans pertinence pour la question de savoir si le rapport litigieux était un document confidentiel bénéficiant de la protection de l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement.

140. Il est vrai aussi que l’EMA s’est malgré tout sentie obligée de prendre des mesures, de sa propre initiative, pour occulter certains éléments du document, y compris les références aux discussions sur l’élaboration de protocoles avec la Food and Drug Administration (agence de l’alimentation et du médicament) des États‑Unis d’Amérique, les numéros de lots, les matériels et équipements, les analyses exploratoires, la description quantitative et qualitative de la méthode de mesure de la
concentration du médicament, ainsi que les informations susceptibles de permettre l’identification des patients. Même si l’importance de ces occultations ne saurait être niée, le rapport litigieux ne donne pourtant pas l’impression, à l’exception peut-être d’une seule page ( 87 ), d’avoir été lourdement expurgé.

141. Certes, ainsi que le Tribunal l’a souligné, certains éléments contenus dans le rapport litigieux sont déjà dans le domaine public en ce qu’ils figurent dans l’EPAR. Comme l’a fait remarquer l’EMA dans ses observations écrites ( 88 ), l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 prévoit qu’à toute demande d’AMM « doivent être joints les renseignements et les documents suivants, présentés conformément à l’annexe I :

[...]

i) résultat des essais :

– pharmaceutiques (physico-chimiques, biologiques ou microbiologiques),

– précliniques (toxicologiques et pharmacologiques),

– cliniques ».

142. Je ne peux toutefois m’empêcher de penser que l’importance des divulgations disponibles dans l’EPAR a été quelque peu exagérée. Deux exemples, en particulier, sautent aux yeux.

143. Le premier se rapporte à la question de la randomisation de l’essai clinique. Le rapport litigieux contient, sur quelque trois pages et une annexe ( 89 ), des renseignements importants concernant la randomisation des essais. Ces informations sont importantes pour toute autorité réglementaire, parce que, pour vérifier la fiabilité des résultats, il importe de savoir comment la randomisation a été opérée. Pourtant, inversement, l’EPAR ne consacre que deux phrases à cette question de la
randomisation ( 90 ).

144. Le second se rapporte aux informations contenues dans le rapport litigieux concernant les résultats de l’efficacité, parmi lesquelles, en particulier, la courbe gaussienne dose-réponse présentée par le Translarna, deux doses différentes ayant été utilisées au cours des essais cliniques. Bien que l’EPAR contienne quelques références essentiellement sommaires à la courbe gaussienne, les précisions sur ces données – de même qu’une analyse de ces dernières – sont exposées de manière bien plus
détaillées dans le rapport litigieux ( 91 ). L’EPAR n’est, somme toute, qu’une version très condensée du rapport d’étude clinique.

145. Tout cela renforce la conclusion que, sur le plan du droit, le Tribunal n’a pas apprécié comme il se devait la question de savoir si la divulgation du rapport litigieux était susceptible de léser les intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi, en particulier parce que ce rapport contient des données et analyses importantes qui, jusqu’ici, n’avaient pas été divulguées dans le cadre du processus de l’EPAR et qui ne se trouvent pas, par ailleurs, dans le domaine public.

e)   L’argument de la « feuille de route »

146. La requérante au pourvoi soutient que la divulgation du rapport litigieux fournirait à des concurrents éventuels une « feuille de route » leur indiquant comment aligner leur propre demande d’AMM sur une AMM qui a abouti favorablement. Le Tribunal a écarté cet argument en déclarant ce qui suit :

« En deuxième lieu, doit également être écarté l’argument selon lequel la divulgation du rapport litigieux fournirait à un concurrent une “feuille de route” sur la manière de remplir une demande d’AMM pour un produit concurrent. En effet, la requérante n’a pas démontré la nouveauté de ses modèles, analyses ou méthodes. Comme l’a fait valoir l’EMA, les modèles et méthodes utilisés dans l’étude clinique concernée sont fondés sur un savoir-faire en matière de recrutement, de paramètres et
d’analyse statistique largement disponible dans la communauté scientifique et ladite étude suit les orientations applicables et, dès lors, est fondée sur les principes les plus récents. En outre, le document ne contient aucune information sur la composition ou la fabrication du médicament Translarna, étant donné que l’EMA a expurgé de manière proactive les références aux discussions sur l’élaboration de protocoles avec la [...] U. S. Food and Drug Administration, les numéros de lot, les
matériaux et l’équipement, les analyses explicatives, la description quantitative et qualitative de la méthode de mesure de la concentration du médicament ainsi que les dates de début et de fin de traitement et d’autres dates qui pourraient conduire à l’identification des patients. Partant, la divulgation du rapport litigieux n’apporterait aux concurrents de la requérante aucune information utile sur la stratégie de développement clinique à long terme et sur la conception des études en
complément des informations déjà publiquement disponibles sur le médicament Translarna.» ( 92 ).

147. À mon sens, toutefois, la « nouveauté» ( 93 ) n’est pas en soi une condition préalable pour qu’un document puisse être considéré comme sensible sur le plan commercial aux fins de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Bien entendu, le fait qu’un document spécifique contienne simplement des informations de routine, facilement disponibles et même banales peut constituer une indication que la divulgation ne « porterait [pas] atteinte à la protection [...] des intérêts commerciaux
d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle » au sens de l’article 4, paragraphe 2, précité. Cela étant, et pour toutes les raisons que je viens d’exposer, je ne partage pas l’avis que, tout au moins, ce rapport d’étude clinique particulier relève de cette catégorie de documents quelque peu de routine et banals, dont la divulgation ne porterait pas atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi.

148. L’article 8, paragraphe 3, du règlement no 141/2000 prévoit une exception à l’exclusivité commerciale. Il permet à un second demandeur d’une AMM d’introduire une telle demande pour un médicament orphelin après cinq ans s’il peut démontrer que le second médicament, quoique analogue au premier médicament orphelin déjà autorisé, « est plus sûr, plus efficace ou cliniquement supérieur sous d’autres aspects ». Si, par exemple, le rapport litigieux devait être divulgué en application des dispositions
de l’article 4 du règlement no 1049/2001, je vois mal comment un concurrent éventuel ne pourrait pas en tirer utilement parti pour élaborer dès à présent une demande telle que visée à l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 141/2000 – étant donné, en effet, que, depuis que la requérante au pourvoi s’est vu octroyer l’AMM au mois de mai 2014, il s’est déjà écoulé cinq ans – afin de démontrer que son médicament est effectivement plus efficace ou cliniquement supérieur sous d’autres
aspects au Translarna.

149. À cet égard, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal déclare ce qui suit :

« [...] la publication du rapport litigieux ne suffirait pas à un concurrent pour établir un rapport complet concernant ses propres tests et ses propres résultats en se contentant de se fonder sur les données rendues publiques. Dans cette optique, la publication du rapport litigieux, au demeurant sans les données commerciales, n’avantage pas les concurrents. »

150. Cette analyse n’est toutefois pas convaincante, selon moi. Je ne puis m’empêcher de penser qu’elle est entachée des erreurs de droit exposées, plus haut, dans les présentes conclusions. Certes, personne ne prétend que, dans cet exemple, le second demandeur serait dispensé d’élaborer un nouveau rapport d’étude clinique. Il n’en demeure pas moins que le fait d’avoir accès au rapport litigieux est susceptible d’aider tout concurrent sérieux qui, dans le cadre d’une demande d’AMM au titre de
l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 141/2000, est désireux de démontrer qu’il a développé une nouvelle version du médicament orphelin plus efficace que le Translarna. Qui plus est, et ce contrairement, peut-être, à l’impression que peut donner ce passage de l’arrêt attaqué, même un simple survol du rapport litigieux dans sa version occultée suffit pour constater qu’une foule de données statistiques et autres y sont présentées sous une forme non occultée.

151. En résumé, je considère dès lors, sur ce point, que l’appréciation par le Tribunal de l’argument de la « feuille de route » procède de certains présupposés qui ne sont pas juridiquement corrects. Il n’est pas nécessaire qu’il soit porté « gravement » atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi ni que les informations dont on demande de protéger la confidentialité soient « nouvelles ».

152. J’ajouterai par ailleurs que, si la divulgation du rapport litigieux devait avoir lieu et que les données qui y figurent entrent dans le domaine public, il semble parfaitement possible à tout concurrent, même dans la période d’exclusivité des données prévue à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, d’aligner son propre rapport d’étude clinique sur celui du Translarna tel qu’il a déjà été approuvé par l’EMA. Rien n’empêcherait non plus un tel concurrent de joindre le rapport
litigieux à son propre rapport d’étude clinique pour démontrer que les deux demandes sont essentiellement les mêmes, accélérant ainsi peut-être sensiblement le processus d’approbation.

153. Tout cela mettrait inévitablement à mal, ou du moins contournerait indirectement, le régime d’exclusivité des données qui, à l’évidence, était l’un des éléments clés du système d’incitation pour les premiers entrants demandant une AMM au titre du règlement no 726/2004. Cela constitue en soi une autre indication claire que la divulgation du rapport litigieux léserait les intérêts commerciaux de la présente requérante au pourvoi dans le sens retenu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement
no 1049/2001.

154. Il s’ensuit, à son tour, que je ne puis me déclarer d’accord avec l’appréciation du Tribunal selon laquelle la divulgation du rapport litigieux n’apporterait aux concurrents de la requérante au pourvoi aucune information utile concernant le Translarna. À cet égard, je me vois également obligé de considérer que le Tribunal a commis une erreur de droit, en ce qu’il n’est pas parvenu à prendre la mesure dans laquelle les règles en matière d’exclusivité des données se verraient elles‑mêmes
compromises par la divulgation du rapport litigieux.

f)   La pertinence possible du critère de l’intérêt public prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001

155. Quoi qu’il en soit, il convient évidemment de souligner que la protection du rapport litigieux contre une divulgation n’est ainsi admise qu’en son principe. Si elle devait conclure qu’il existe des raisons d’intérêt public supérieur pour passer outre à l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, l’EMA serait bien sûr toujours en droit de le faire. Aux fins de la présente affaire, il n’est peut‑être pas nécessaire de parvenir à une conclusion définitive à cet égard, car,
en raison de l’opinion que l’EMA s’est formée quant à la demande d’accès à l’information, la question du recours à la dérogation de l’intérêt public supérieur ne s’est tout simplement jamais posée.

156. Il peut suffire, au contraire, d’observer que, en principe, l’EMA serait en droit d’invoquer cette dérogation que constitue l’intérêt public supérieur si, pour des raisons spécifiques et impérieuses, elle est convaincue que la divulgation d’un rapport d’étude clinique déterminé serait véritablement nécessaire dans l’intérêt public.

157. En résumé, je considère dès lors, sur ce point, que l’appréciation du Tribunal procède de certains présupposés qui ne sont pas juridiquement corrects. J’estime donc que le deuxième moyen du pourvoi est fondé.

D. Sur le troisième moyen : la méconnaissance de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, en ce que l’EMA entend accorder l’accès alors que le processus décisionnel de cette institution serait en cours

Les arguments des parties

158. Dans son troisième moyen, la requérante au pourvoi soutient que, en tout état de cause, le rapport litigieux ne peut pas être divulgué parce qu’il doit être protégé en application de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. La requérante au pourvoi a seulement reçu une AMM conditionnelle dans le cadre du règlement no 507/2006 et va devoir ainsi demander des renouvellements annuels jusqu’à ce qu’elle obtienne une AMM non conditionnelle, qui ne comporte donc pas de
conditions. Selon la requérante au pourvoi, en ce qu’elle suscite l’ingérence de tiers, la divulgation d’informations sensibles sur le médicament risquerait, à ce stade, de compromettre le processus décisionnel de l’EMA quant à ces renouvellements. Elle soutient, en outre, que le rapport litigieux continue à présenter une importance pour l’EMA dans le cadre de son processus décisionnel, parce que ce processus décisionnel, ou plus exactement le processus décisionnel du comité permanent des
médicaments à usage humain (ci‑après le « comité des médicaments »), qui adresse ses recommandations à cet égard à l’EMA conformément à l’article 7 du règlement no 507/2006, tiendra compte de tous les éléments, y compris du rapport litigieux. De surcroît, la requérante au pourvoi fait valoir que, s’ils doivent redouter que leurs données soient divulguées, les demandeurs « prendront des dispositions pour les protéger dans toute la mesure du possible ». Par ailleurs, elle craint que la
divulgation puisse mettre en péril ses autres projets pour le Translarna concernant le traitement d’autres maladies génétiques rares provoquées par une mutation non‑sens.

159. L’EMA soutient que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 ne s’applique pas en l’occurrence, puisque la procédure pour l’octroi de l’AMM du Translarna a pris fin dès l’octroi d’une AMM conditionnelle, et que la divulgation ultérieure du rapport litigieux ne saurait compromettre cette procédure. Elle relève que, dans le cadre de procédures à venir afférentes soit au renouvellement de l’AMM conditionnelle, soit à l’octroi d’une AMM non conditionnelle, l’EMA ne ferait
que procéder à l’appréciation de nouvelles données produites par la requérante au pourvoi. Elle souligne aussi que les risques que la requérante au pourvoi fait valoir pour son médicament à la suite de l’information de tiers existent tout autant après l’octroi d’une AMM en raison des missions et compétences de l’EMA dans le domaine de la pharmacovigilance.

3.   L’appréciation des arguments afférents à la question de savoir si l’accès au rapport litigieux porte atteinte à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001

160. L’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 prévoit effectivement qu’est refusée la divulgation d’un document, premièrement, qui a trait à une question sur laquelle l’EMA n’a pas encore pris de décision, deuxièmement, dont la divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’EMA, et ce, troisièmement, pour autant qu’un intérêt public supérieur ne justifie pas la divulgation du document visé.

161. En l’occurrence, la première des trois conditions cumulatives susmentionnées n’est déjà pas remplie.

162. Tout d’abord, l’octroi d’une AMM conditionnelle et celui d’une AMM non conditionnelle font l’objet de deux procédures distinctes, en ce sens que, conformément à l’article 3 du règlement no 507/2006, une demande d’AMM conditionnelle peut être présentée en même temps qu’une demande d’AMM non conditionnelle introduite au titre de l’article 6 du règlement no 726/2004 ou, effectivement, le comité des médicaments peut proposer une AMM conditionnelle dans le cadre d’une demande d’AMM non
conditionnelle, mais ces procédures s’achèvent toutes deux par une décision distincte. Il est clair que, en vertu de l’article 7 du règlement no 507/2006, le comité des médicaments peut, à tout moment, adopter un avis en faveur de l’octroi d’une AMM non conditionnelle lorsque les autres conditions sont remplies ( 94 ). En application de cette disposition, il est procédé non plus à une évaluation de l’ensemble du dossier, mais seulement à la vérification que ces conditions spécifiques sont
remplies.

163. La requérante au pourvoi s’est vu octroyer l’AMM conditionnelle qu’elle avait demandée, à savoir, une AMM conditionnelle pour le Translarna au titre de l’article 4 du règlement no 507/2006. Elle était en droit, sur cette base, de mettre le Translarna sur le marché, ce qu’elle a fait et qui est aussi l’objectif de toute demande d’AMM. Le fait que la requérante au pourvoi doit renouveler annuellement son AMM conditionnelle n’enlève rien à cette appréciation. Il en va de même dans le cas de
l’octroi initial d’une AMM non conditionnelle, la différence étant que, dans ce cas, la réévaluation n’est effectuée qu’au bout de cinq ans, conformément à l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 726/2004.

164. Ni la crainte de la requérante au pourvoi qu’une divulgation du rapport litigieux puisse avoir des conséquences si elle désire demander plus tard des AMM pour d’autres maladies génétiques ni son argument selon lequel le risque existe que des demandeurs d’AMM « prennent des dispositions » pour protéger leurs données ne peuvent changer le fait que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 n’offre une protection que pour les procédures dans le cadre desquelles aucune
décision n’a été prise. Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

165. La requérante au pourvoi ne peut donc pas s’en remettre à cette disposition. Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

VII. Conclusions générales

166. Pour toutes les raisons qui précèdent, à mon sens, le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a conclu qu’il n’existait aucune présomption générale de confidentialité pour les rapports d’étude clinique dans le cadre de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. En tout état de cause, je considère également que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a conclu que la divulgation du rapport litigieux ne compromettrait pas les intérêts commerciaux de
la requérante au pourvoi au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

167. Aux termes de l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal et peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, si celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

168. Selon moi, en l’espèce, la Cour ne peut pas statuer définitivement sur le litige parce que cette affaire nécessite l’appréciation juridique de questions de fait complexes. Je propose dès lors à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue à la suite d’un réexamen du rapport litigieux à la lumière des considérations qui précèdent.

VIII. Conclusion

169. Pour ces raisons et sans préjudice de l’examen d’autres moyens du pourvoi, je propose à la Cour de statuer comme suit :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66), est annulé.

2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal.

3) Les dépens sont réservés.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Les deux autres affaires concernent, l’une, l’arrêt du 5 février 2018, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA (T‑729/15, EU:T:2018:67), qui fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour (affaire C‑178/18, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA), et, l’autre, l’arrêt du 5 février 2018, Pari Pharma/EMA (T‑235/15, EU:T:2018:65), lequel ne fait pas l’objet d’un pourvoi.

( 3 ) JO 2001, L 145, p. 43.

( 4 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66).

( 5 ) Décision relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l’Union pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

( 7 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1).

( 8 ) JO 1993, L 214, p. 1.

( 9 ) Règlement du 29 mars 2006 relatif à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2006, L 92, p. 6).

( 10 ) D’après le dossier, le rapport d’étude clinique demandé est une étude de phase 2B contrôlée par placebo, de 250 pages, sur l’efficacité et l’innocuité de l’ataluren (le principe actif du Translarna) chez des sujets présentant une mutation non‑sens de Duchenne et une dystrophie musculaire de Becker. Il s’agit de la principale étude clinique qui a été réalisée avant l’octroi d’une AMM conditionnelle pour le Translarna.

( 11 ) Au point 7 de son mémoire en duplique, l’EMA a précisé que la demande d’accès se rapportait uniquement au rapport d’étude clinique lui‑même et non à ses annexes.

( 12 ) Ordonnance du 20 juillet 2016, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15 R, non publiée, EU:T:2016:425).

( 13 ) Ordonnance du 1er mars 2017, EMA/PTC Therapeutics International [C‑513/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:148].

( 14 ) Pour le critère selon lequel les documents demandés doivent faire partie d’une même catégorie de documents ou être d’une même nature, le Tribunal s’est fondé sur les arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50), et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 72). Pour le critère selon lequel une présomption générale peut être admise pour préserver l’intégrité du déroulement de la procédure en limitant
l’ingérence des tierces parties, il s’est fondé sur les conclusions de l’avocat général Wathelet dans les affaires jointes LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:528, points 66, 68, 74 et 76). Pour le critère selon lequel les documents doivent faire partie d’un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours, il s’est fondé sur les arrêts du 29 juin 2010,
Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 12 à 22), du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 75), et du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 69 et 70). Pour le critère selon lequel il doit exister des règles spécifiques concernant la divulgation, il s’est fondé sur l’arrêt du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop (T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, point 91), et sur les
conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:325, point 75).

( 15 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, points 39 et 45).

( 16 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, points 46 à 51).

( 17 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, point 59).

( 18 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, point 66).

( 19 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, point 70).

( 20 ) Arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, points 80 à 85). Je suis bien conscient que le terme seriously (gravement) contenu au point 85 de la version anglaise de l’arrêt attaqué ne figure pas dans toutes les versions linguistiques de celui‑ci (tel est notamment le cas des versions française et allemande). Toutefois, la langue de procédure de l’affaire est l’anglais et c’est donc la seule qui fait foi et à laquelle la requérante au pourvoi s’est
rapportée dans l’exposé de son argumentation. Je fondrai dès lors mon raisonnement sur cette version linguistique de l’arrêt attaqué.

( 21 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE (JO 2014, L 158, p. 1).

( 22 ) Voir considérant 4 du règlement no 1049/2001.

( 23 ) Voir, également, arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 73 et jurisprudence citée), et du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 78 et jurisprudence citée).

( 24 ) Arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64 et jurisprudence citée), et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission (C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 68).

( 25 ) Point 16 des observations de l’Eucope sur le pourvoi de PTC.

( 26 ) Point 24 des observations de l’Eucope sur le pourvoi de PTC.

( 27 ) Point 61 du mémoire en réponse de l’EMA.

( 28 ) Arrêts du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 34 et jurisprudence citée), et du 21 décembre 2011, A2A/Commission (C‑318/09 P, non publié, EU:C:2011:856, point 109).

( 29 ) Voir, également, en ce qui concerne ce règlement, points 34 et 35 des présentes conclusions.

( 30 ) Arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 65 et jurisprudence citée), et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission (C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 69).

( 31 ) Arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50).

( 32 ) Voir points 158 à 165 des présentes conclusions.

( 33 ) L’arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 81), énumère cinq catégories de documents, à savoir : i) les documents d’un dossier administratif de la Commission concernant des aides d’État (voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376) ; ii) les documents déposés devant les juridictions de l’Union dans des procédures juridictionnelles tant que celles‑ci sont encore pendantes (arrêt du 18 juillet 2017,
Commission/Breyer, C‑213/15 P, EU:C:2017:563, ainsi que jurisprudence citée au point 41 de cet arrêt) ; iii) les documents échangés entre la Commission et les parties ayant procédé à une notification ou des tiers dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393) ; iv) les documents se rapportant à une procédure précontentieuse en manquement (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et
Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738), et v) les documents afférents à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112).

( 34 ) Point 39 de l’arrêt attaqué.

( 35 ) Point 40 de l’arrêt attaqué.

( 36 ) Point 41 de l’arrêt attaqué.

( 37 ) Voir arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission (C‑562/14 P, EU:C:2017:356), où une présomption générale de confidentialité a été retenue en l’absence de règles spécifiques.

( 38 ) Voir arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, EU:C:2012:394), et du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob (C‑404/10 P, EU:C:2012:393), où des présomptions générales de confidentialité ont été admises alors même que les procédures n’étaient plus pendantes.

( 39 ) C‑57/16 P, EU:C:2018:660

( 40 ) Arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660) ; au point 81, la Cour expose les cinq catégories qui ont été reconnues jusqu’ici. Elles ont été rappelées dans la note 33 des présentes conclusions. Il convient de souligner, et le contraire n’a effectivement pas non plus été soutenu devant la Cour dans la présente procédure de pourvoi, que ces cinq catégories ne constituent pas un groupe fermé.

( 41 ) Je souligne qu’il a été fait référence à cet arrêt lors de l’audience et que les parties ont reçu la possibilité de formuler leurs observations sur sa teneur.

( 42 ) Arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660) (mise en italique par mes soins).

( 43 ) Voir, pour ce qui est de trois de ces quatre objectifs dans le régime parallèle de procédures décentralisées d’AMM, considérants 2, 9 et 10 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

( 44 ) Article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83.

( 45 ) Conformément à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, la période d’exclusivité des données est de huit ans.

( 46 ) L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 141/2000 prévoit une exclusivité commerciale d’une durée de dix ans pour les médicaments orphelins. Cette période peut cependant être écourtée si les conditions précisées à l’article 8, paragraphe 2, ou à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement sont remplies. L’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 prévoit une période d’exclusivité commerciale de dix ans qui peut être portée à onze ans en cas d’indications thérapeutiques nouvelles.

( 47 ) Non seulement pour le médicament concerné mais aussi pour les efforts qui peuvent ne pas avoir été couronnés de succès et ne pas avoir mené à un produit commercialisable.

( 48 ) Points 41 et 42 de l’arrêt attaqué.

( 49 ) Voir article 27, paragraphe 2, et article 28 du règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), articles devenus respectivement articles 101 et 102 TFUE.

( 50 ) Voir articles 6, 8, 15 et 16 du règlement de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO 2004, L 123, p. 18). Ces derniers règlements contiennent des règles restrictives quant à l’usage de documents afférents à des procédures de concurrence dans le cadre de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE). Ils confèrent, dans ces procédures, un accès au dossier aux « parties concernées » et aux
« plaignants » dont la Commission a l’intention de rejeter la plainte, sous réserve d’autres conditions spécifiques (arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 86 à 92).

( 51 ) Voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61), où, eu égard à l’article 6, paragraphe 2, et à l’article 20 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), remplacé entre-temps par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
(JO 2015, L 248, p. 9), la Cour a considéré que certaines informations dans la procédure de réexamen doivent être soumises aux États membres alors que ces dispositions ne s’appliquent pas aux parties intéressées.

( 52 ) Voir arrêt du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 64), au titre de l’article 17 et de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2009, L 24, p. 1), ainsi qu’au titre de l’article 17 du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des
concentrations entre entreprises (JO 2004, L 133, p. 1), les deux dernières dispositions citées concernant la sauvegarde des droits de la défense.

( 53 ) Voir arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission (C‑562/14 P, EU:C:2017:356). Toutefois, cette affaire concernait l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

( 54 ) L’argument de la requérante au pourvoi selon lequel, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte d’un facteur sans pertinence en laissant entendre que la jurisprudence admettant des présomptions générales de confidentialité se caractérise par des situations où l’accès au dossier administratif est limité aux « parties concernées » ou aux « plaignants » procède d’une interprétation inexacte de l’arrêt. Le Tribunal déclare seulement que les règlements nos 141/2004 et 726/2004 ne
prévoient pas que l’accès au dossier est limité aux « parties concernées » ou aux « plaignants ». En tout état de cause, l’arrêt attaqué ne se fonde pas sur cette constatation. Voir, par analogie, arguments et jurisprudence cités au point 52 des présentes conclusions.

( 55 ) Il convient peut-être de souligner que le règlement no 726/2004 s’applique aussi à l’AMM de médicaments orphelins, qui doivent également se soumettre au processus de demande de ce règlement. Le règlement no 141/2000 ne contient qu’un certain nombre de règles tendant à offrir des incitants supplémentaires aux entreprises qui font de la recherche dans ce domaine, celui‑ci risquant d’être moins lucratif que d’autres en raison du nombre restreint de personnes atteintes de maladies extrêmement
rares.

( 56 ) Point 35 du pourvoi.

( 57 ) Voir, également, arrêt du 18 juillet 2017, Commission/Breyer (C‑213/15 P, EU:C:2017:563, points 35 à 37).

( 58 ) Voir arrêts du 14 décembre 2000, Dior e.a. (C‑300/98 et C‑392/98, EU:C:2000:688, points 44 et 47), et du 11 septembre 2007, Merck Genéricos – Produtos Farmacêuticos (C‑431/05, EU:C:2007:496, point 35).

( 59 ) La notion est décrite, plus haut, au point 73 des présentes conclusions.

( 60 ) Il peut y avoir des cas spécifiques où il en va autrement.

( 61 ) Cette considération a été énoncée, il est vrai, dans l’appréciation de la question de savoir si le rapport d’étude clinique spécifique était protégé par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, mais il n’en reste pas moins qu’elle est formulée assurément de manière générale.

( 62 ) Mise en italique par mes soins.

( 63 ) Arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 66 et 67).

( 64 ) Point 63 du pourvoi.

( 65 ) Point 116 du mémoire en réponse de l’EMA.

( 66 ) Point 39 du mémoire en réponse de l’EMA.

( 67 ) Arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759).

( 68 ) Mise en italique par mes soins. Comme expliqué à la note 20 des présentes conclusions, l’adverbe « gravement » n’apparaît pas dans toutes les versions linguistiques. Toutefois, il figure dans la seule version linguistique qui fait foi, à savoir la version de la langue de procédure (en l’espèce l’anglais).

( 69 ) Mise en italique par mes soins.

( 70 ) Arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374).

( 71 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671).

( 72 ) Arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039).

( 73 ) Il est exact que ces exceptions, comme il en va de toute exception prévue dans une législation, doivent être interprétées strictement.

( 74 ) Lors de l’examen de l’applicabilité même de l’exception.

( 75 ) Voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 92 et 93).

( 76 ) Arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374).

( 77 ) Arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374).

( 78 ) Par opposition à des « considérations d’un intérêt public supérieur ».

( 79 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671).

( 80 ) Arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039).

( 81 ) Point 91 de l’arrêt attaqué.

( 82 ) Voir déclaration de témoin d’un solicitor-advocate près la Supreme Court of England and Wales (Cour suprême d’Angleterre et du pays de Galles), points 50 à 67, jointe en annexe A.5.3 à la requête de la requérante au pourvoi dans l’affaire T‑718/15 (EU:T:2018:66).

( 83 ) Point 87 de l’arrêt attaqué.

( 84 ) Point 89 de l’arrêt attaqué.

( 85 ) Voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 39).

( 86 ) Point 89 de l’arrêt attaqué.

( 87 ) Page 58 du rapport litigieux.

( 88 ) Mémoire en défense de l’EMA dans l’affaire T‑718/15, points 64 et suiv.

( 89 ) Pages 31 à 33 du rapport litigieux, joint en annexe A.2.1 de la requête déposée par la requérante au pourvoi dans l’affaire T‑718/15, p. 38 à 40. Il convient de souligner toutefois que, d’après le dossier, la partie tierce n’a pas demandé communication des annexes et l’EMA ne les a pas fournies au demandeur d’accès.

( 90 ) Page 32 de l’EPAR du Translarna.

( 91 ) Pages 80 à 130 du rapport litigieux, joint en annexe A.2.1 de la requête de la requérante au pourvoi déposée dans l’affaire T‑718/15, p. 87 à 137.

( 92 ) Point 90 de l’arrêt attaqué.

( 93 ) En tout état de cause, la requérante au pourvoi conteste l’affirmation selon laquelle le rapport d’étude clinique ne contient rien de nouveau, puisqu’elle soutient qu’elle a beaucoup investi dans l’élaboration d’un processus randomisé de manière spécifiquement adapté pour ces essais cliniques : voir point 5, sous a), du mémoire en réplique du 19 septembre 2018.

( 94 ) Il s’agit de l’obligation de fournir les données manquantes quant aux études inachevées au moment où l’AMM conditionnelle a été accordée ou qui, à ce moment-là, devaient encore être entamées (voir article 5, paragraphe 1, du règlement no 507/2006).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-175/18
Date de la décision : 11/09/2019
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Accès aux documents des institutions, des organes ou organismes de l’Union – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2, premier tiret – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Article 4, paragraphe 3 – Protection du processus décisionnel – Documents soumis à l’Agence européenne des médicaments dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament à usage humain – Décision d’accorder l’accès aux documents à un tiers – Présomption générale de confidentialité – Absence d’obligation pour une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne d’appliquer une présomption générale de confidentialité.

Accès aux documents

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : PTC Therapeutics International Ltd
Défendeurs : Agence européenne des médicaments (EMA).

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:709

Source

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