ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
26 février 2020 ( *1 )
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires et agents – Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – Rémunérations – Statut – Article 110 – Personnel de l’Union européenne affecté dans un pays tiers – Annexe X – Article 1er, troisième alinéa, et article 10 – Indemnité de conditions de vie – Évaluation et révision annuelles – Réduction pour le personnel affecté en Éthiopie – Nécessité d’adopter préalablement des dispositions générales d’exécution – Portée »
Dans l’affaire C‑427/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 juin 2018,
Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spac, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Troncoso Ferrer et S. Moya Izquierdo, abogados, ainsi que de Me F.‑M. Hislaire, avocat,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Ruben Alba Aguilera, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba (Éthiopie),
Simone Barenghi, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Massimo Bonannini, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Antonio Capone, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Lomé (Togo),
Stéphanie Carette, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Alejo Carrasco Garcia, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Francisco Carreras Sequeros, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Carl Daspect, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Nathalie Devos, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bruxelles (Belgique),
Jean-Baptiste Fauvel, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Paula Cristina Fernandes, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Rabat (Maroc),
Stephan Fox, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Gesves (Belgique),
Birgitte Hagelund, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Chantal Hebberecht, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),
Karin Kaup-Lapõnin, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Terhi Lehtinen, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Lahti (Finlande),
Sandrine Marot, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Saint-Lary (France),
David Mogollon, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Clara Molera Gui, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Daniele Morbin, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Charlotte Onraet, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Dakar (Sénégal),
Augusto Piccagli, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Woluwé-Saint-Pierre (Belgique),
Gary Quince, fonctionnaire à la retraite du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Woking (Royaume-Uni),
Pierre-Luc Vanhaeverbeke, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Tamara Vleminckx, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Birgit Vleugels, agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
Robert Wade, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Frome (Royaume-Uni),
Luca Zampetti, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Addis-Abeba,
représentés par Mes T. Martin et S. Orlandi, avocats,
parties demanderesses en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2019,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 octobre 2019,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:183), par lequel celui-ci a annulé la décision du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE du 19 avril 2016 (ci-après la « décision litigieuse »), relative à la fixation de l’indemnité de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut –
Exercice 2016 [ADMIN(2016) 7], en ce qu’elle porte réduction, à compter du 1er janvier 2016, de l’indemnité de conditions de vie (ci-après l’« ICV ») versée au personnel de l’Union européenne affecté en Éthiopie de 30 à 25 % du montant de référence.
Le cadre juridique
Le statut
2 Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), précise, à son article 1er ter, sous a), que, sauf dispositions contraires du statut, le SEAE est assimilé, pour l’application du statut, aux institutions de l’Union.
3 L’article 101 bis du statut constitue l’unique article du titre VIII ter de celui-ci. Cet article prévoit que, sans préjudice des autres dispositions du statut, l’annexe X de celui-ci détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers.
4 L’article 110 du statut, qui figure sous le titre IX de celui-ci, relatif aux dispositions transitoires et finales, dispose :
« 1. Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut.
2. Les règles d’exécution du présent statut qui sont adoptées par la Commission, y compris les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1, s’appliquent par analogie aux agences. [...]
[...]
3. Aux fins de l’adoption des règles arrêtées d’un commun accord avec les institutions, les agences ne sont pas assimilées aux institutions. [...]
4. Les modalités d’exécution du présent statut, y compris les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1, et les règles arrêtées d’un commun accord entre les autorités investies du pouvoir de nomination des institutions, sont portées à la connaissance du personnel.
[...] »
5 L’annexe X du statut, intitulée « Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers », contient, dans son chapitre 1er, intitulé « Dispositions générales », les articles 1er à 3 de cette annexe.
6 L’article 1er de ladite annexe dispose :
« La présente annexe détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires de l’Union européenne affectés dans un pays tiers.
[...]
Des dispositions générales d’exécution sont arrêtées conformément à l’article 110 du statut. »
7 L’article 2, second alinéa, de la même annexe précise :
« L’autorité investie du pouvoir de nomination procède à la mobilité suivant une procédure spécifique, dénommée “procédure de mobilité”, dont elle fixe les modalités, après avis du comité du personnel. »
8 Aux termes de l’article 3 de l’annexe X du statut :
« Dans le cadre de la procédure de mobilité, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de réaffecter temporairement avec son emploi un fonctionnaire affecté dans un pays tiers au siège ou à tout autre lieu d’affectation dans l’Union ; [...] Par dérogation à l’article 1er premier alinéa, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider, sur la base de dispositions générales d’exécution, que le fonctionnaire reste, pendant la durée de cette affectation temporaire, soumis à
certaines dispositions de la présente annexe, à l’exclusion de ses articles 5, 10 et 12. »
9 L’article 5, paragraphe 2, de cette annexe prévoit :
« Les modalités d’application du paragraphe 1 sont fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du comité du personnel. [...] »
10 L’article 10 de ladite annexe énonce :
« 1. Une [ICV] est fixée, selon le lieu où le fonctionnaire est affecté, en pourcentage d’un montant de référence. Ce montant de référence est constitué du total du traitement de base ainsi que de l’indemnité de dépaysement, de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge, déduction faite des retenues obligatoires visées par le statut ou par les règlements pris pour son application.
Aucune indemnité de cette nature n’est versée lorsque le fonctionnaire est affecté dans un pays où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent habituellement dans l’Union.
Pour les autres lieux d’affectation, l’[ICV] est fixée compte tenu, notamment, des paramètres suivants :
– l’environnement sanitaire et hospitalier,
– les conditions de sécurité,
– les conditions climatiques,
– le degré d’isolement,
– les autres conditions locales.
L’[ICV] fixée pour chaque lieu d’affectation fait l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une révision de la part de l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du comité du personnel.
[...]
3. L’autorité investie du pouvoir de nomination fixe les modalités d’application du présent article. »
11 L’article 15 de la même annexe dispose :
« Dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire [...] »
12 Aux termes de l’article 21 de l’annexe X du statut :
« Le fonctionnaire obligé de déplacer sa résidence afin de se conformer à l’article 20 du statut [...] bénéficie de la prise en charge par l’institution, dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, et en fonction des conditions de logement, [de certains frais]. »
13 L’article 23, quatrième alinéa, de cette annexe est libellé comme suit :
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination. L’indemnité de logement n’excède en aucun cas les frais encourus par le fonctionnaire. »
Le RAA
14 Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA »), précise, à son article 10, paragraphe 5, que le titre VIII ter du statut s’applique par analogie aux agents temporaires affectés dans un pays tiers.
15 L’article 118 du RAA prévoit que l’annexe X du statut s’applique par analogie aux agents contractuels affectés dans les pays tiers, sous réserve, dans certaines circonstances, de l’article 21 de celle-ci.
Les décisions du SEAE
16 La décision de la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du 17 décembre 2013, relative à l’indemnité de conditions de vie et à l’indemnité complémentaire visées à l’article 10 de l’annexe X du statut [HR DEC(2013) 013] (ci-après la « décision du 17 décembre 2013 »), vise le statut et le RAA, et notamment cet article 10, et précise qu’elle a été adoptée après consultation du comité du personnel. Selon son unique considérant, elle vise à arrêter des
directives internes relatives notamment à l’ICV.
17 L’article 1er de cette décision dispose :
« Les paramètres visés au paragraphe 1 de l’article 10 de l’annexe X du [s]tatut sont évalués par l’[autorité investie du pouvoir de nomination], qui peut se baser, entre autres, sur des informations fournies par des sources fiables à caractère international, publiques ou privées, par les États membres, ainsi que par les délégations de l’Union et les services des [i]nstitutions et organes de l’Union. »
18 Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de ladite décision :
« Après avis des comités du personnel du SEAE et de la Commission, l’[autorité investie du pouvoir de nomination] détermine les pourcentages de l’[ICV] relatifs aux différents lieux d’affectation. Ces pourcentages sont répartis en huit catégories [...], en fonction des paramètres, [...] »
19 L’article 7 de la même décision liste de manière exemplative les paramètres qui sont, entre autres, pris en compte pour la fixation de l’ICV, lesquels correspondent aux paramètres indiqués à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. Il prévoit également, en substance, que, afin de préciser la méthodologie employée, le SEAE adoptera des lignes directrices en accord avec les services responsables de la Commission et après consultation d’un groupe technique ad hoc
incluant des membres de l’administration ainsi que des représentants du SEAE et de la Commission, nommés par le comité du personnel de leur institution.
20 L’article 12 de la décision du 17 décembre 2013 précise que les dispositions de celle-ci s’appliquent par analogie aux agents temporaires ainsi qu’aux agents contractuels et qu’elle entre en vigueur le 1er janvier 2014.
21 Sur la base de cette décision, en particulier de ses articles 2 et 7, ainsi que sur la base de l’annexe X du statut, en particulier de ses articles 8 et 10, et après consultation du comité du personnel du SEAE et du comité du personnel de la Commission, a été adoptée la décision EEAS DEC(2014) 049 du directeur général administratif ad interim du SEAE, du 3 décembre 2014, relative aux lignes directrices établissant la méthodologie pour fixer, notamment, les ICV (ci-après la « décision du
3 décembre 2014 »).
22 La décision litigieuse vise, en particulier, les décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014 et indique qu’elle a été adoptée après avis du comité du personnel du SEAE et du comité central du personnel, section hors Union, de la Commission. Le premier considérant de cette décision indique notamment que « [l]a révision et, le cas échéant, l’ajustement annuel de l’[ICV] sont un exercice annuel couvrant tous les lieux d’affectation afin de tenir compte de l’évolution du contexte » et que cet
exercice « inclut une analyse des conditions de vie prévalant dans les lieux d’affectation, visant à déterminer si elles sont ou restent équivalentes à celles habituelles dans l’Union ».
23 Par ladite décision, l’autorité investie du pouvoir de nomination et habilitée à conclure les contrats d’engagement a procédé à l’exercice annuel de révision de l’ICV pour l’année 2016. Tenant compte des recommandations du groupe technique, elle a notamment diminué, avec effet au 1er janvier 2016, le taux de l’ICV versée au personnel affecté en Éthiopie, ce taux passant de 30 à 25 %.
Les antécédents du litige
24 Les parties demanderesses en première instance, M. Alba Aguilera e.a., sont des fonctionnaires ou des agents, temporaires ou contractuels, de l’Union qui étaient affectés en Éthiopie lorsque la décision litigieuse a été adoptée. Celle-ci ayant réduit le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté dans ce pays, M. Alba Aguilera e.a. ont chacun, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit, entre le 13 juillet et le 18 juillet 2016, auprès de l’autorité investie du pouvoir
de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse, contestant cette réduction.
25 Par une décision unique du 9 novembre 2016, ces réclamations ont été rejetées.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
26 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2017, M. Alba Aguilera e.a. ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle réduit, à compter du 1er janvier 2016, l’ICV versée au personnel de l’Union affecté en Éthiopie de 30 à 25 % du montant de référence, à la condamnation du SEAE au versement d’une somme forfaitaire, à déterminer ex aequo et bono par le Tribunal, au titre du préjudice moral subi, et à la condamnation du SEAE aux dépens.
27 À l’appui de leurs conclusions en annulation, M. Alba Aguilera e.a. ont soulevé trois moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation de l’obligation d’adopter des dispositions générales d’exécution (ci-après des « DGE ») de l’annexe X du statut, le deuxième moyen était tiré d’une violation de l’article 10 de l’annexe X du statut en ce que la méthode utilisée par le SEAE, dans la décision du 3 décembre 2014, pour fixer le montant de l’ICV dans un lieu d’affectation tient compte de la
« cohérence régionale » et le troisième moyen était tiré d’erreurs manifestes d’appréciation des critères visés à l’article 10 de l’annexe X du statut dans la fixation de l’ICV en cause.
28 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le premier moyen soulevé devant lui, a annulé la décision litigieuse dans la mesure demandée, a rejeté les conclusions en indemnité qui lui étaient présentées et a condamné le SEAE aux dépens.
Les conclusions des parties devant la Cour
29 Le SEAE demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit aux conclusions qu’il a présentées en première instance, et
– de condamner M. Alba Aguilera e.a. aux dépens.
30 M. Alba Aguilera e.a. concluent à ce que la Cour :
– à titre principal, rejette le pourvoi et condamne le SEAE aux dépens, et
– à titre subsidiaire, si le pourvoi est accueilli, renvoie l’affaire devant le Tribunal.
Sur le pourvoi
31 À l’appui de son pourvoi, le SEAE invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 1er de l’annexe X du statut, en ce que l’obligation qu’il contient d’adopter des DGE conformément à l’article 110 du statut vaudrait obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe. Le second moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 10 de ladite annexe, en ce qu’il constituerait une disposition manquant de clarté et
de précision à un point tel qu’il se prêterait à une application arbitraire rendant l’adoption de DGE nécessaire.
32 À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, par ces moyens, le SEAE ne vise que des motifs de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation partielle de la décision litigieuse, sans toutefois viser les motifs de cet arrêt par lesquels le Tribunal a rejeté les conclusions en indemnité qui lui étaient présentées. Dans ces conditions, par son pourvoi, le SEAE demande l’annulation de l’arrêt attaqué non pas dans son intégralité, mais uniquement en
tant que, par celui-ci, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans la mesure qui lui était demandée et a, par conséquent, condamné le SEAE aux dépens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
33 Le SEAE fait valoir que le Tribunal, en jugeant, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que l’obligation prévue à l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut d’arrêter des DGE conformément à l’article 110 du statut vaut obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe, au motif que cet article 1er figure parmi les dispositions générales de celle-ci, a commis une erreur de droit dans l’interprétation dudit article 1er.
34 La portée de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut dépendrait du fait que des procédures spécifiques d’application des dispositions de cette annexe sont ou non prévues dans les dispositions de celle-ci et, à défaut de telles prévisions, du degré de précision de ces dispositions ou de la nécessité pour celles-ci d’être accompagnées et développées par des DGE. La position du Tribunal aurait pour effet de modifier les procédures établies par ladite annexe pour l’adoption de
certaines dispositions d’application concrètes, de vider de sens les dispositions de celle-ci qui sont autosuffisantes et de leur octroyer par voie judiciaire un caractère incomplet, qu’elles n’ont pas nécessairement.
35 Un examen de l’annexe X du statut établirait que seul l’article 3 de celle-ci prévoit expressément que l’AIPN peut décider « sur la base de [DGE] ». L’article 10 de cette annexe ferait usage d’une terminologie distincte, dont il ressortirait que le législateur de l’Union n’avait pas l’intention d’exiger une procédure identique. Son paragraphe 1, quatrième alinéa, prévoirait que l’ICV fait l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une révision « de la part de l’AIPN, après avis
du comité du personnel », et son paragraphe 3 prévoirait que l’AIPN « fixe les modalités d’application » de cet article 10. C’est dans cette perspective qu’auraient été adoptées les décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014, après consultations respectives, pour la première, du comité du personnel et, pour la seconde, des comités du personnel du SEAE et de la Commission.
36 Une analyse d’ensemble de l’annexe X du statut établirait qu’elle prévoit différents types de décisions et différentes procédures d’adoption de mesures d’application, à savoir celles constituant des DGE, nécessitant une consultation du comité du personnel et l’avis du comité du statut, celles constituant des modalités d’application à adopter par l’AIPN après avis du comité du personnel et celles constituant des modalités ou des conditions à fixer par l’AIPN sans obligation de consulter le comité
du personnel. Si l’intention du législateur de l’Union avait été de rendre l’obligation d’adopter des DGE applicable à l’ensemble des dispositions de l’annexe X du statut, il l’aurait indiqué expressément, aurait adopté une terminologie uniforme dans l’ensemble de cette annexe et n’aurait pas prévu de procédures spécifiques et distinctes pour certaines des dispositions de celle-ci.
37 L’interprétation effectuée par le Tribunal aurait pour conséquence paradoxale que la mise en œuvre des articles 2, 5 et 10 de l’annexe X du statut impliquerait d’abord d’adopter des DGE, qui requièrent la consultation du comité du personnel, et, ensuite, de prendre à nouveau l’avis de ce dernier pour l’adoption de certaines mesures d’application particulières. Ce comité serait ainsi invité à se prononcer à deux reprises sur la même matière. Cela ne saurait avoir été l’intention du législateur de
l’Union. De plus, cette interprétation priverait les autres dispositions de cette annexe, dans lesquelles le législateur de l’Union a clairement prévu des mécanismes distincts de celui de l’adoption de DGE, de tout effet utile.
38 La seule interprétation possible de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut serait que, lorsqu’une disposition pertinente de cette annexe exige l’adoption de DGE, celles-ci le soient conformément à la procédure établie à l’article 110 du statut.
39 Par ailleurs, le SEAE fait valoir que le premier moyen ne modifie pas l’objet du litige devant le Tribunal ni ne constitue un moyen nouveau. Il serait donc recevable. La portée de l’obligation d’adopter des DGE aurait été débattue entre les parties dans le cadre du premier moyen soulevé par les parties demanderesses en première instance, lesquelles, en cette qualité, auraient d’ailleurs fixé l’objet du litige. Le SEAE ajoute que, en toute hypothèse, même à supposer que le premier moyen du pourvoi
soit à considérer comme étant nouveau, il ne saurait être privé du droit de mettre en cause le raisonnement en vertu duquel le Tribunal a jugé que des DGE sont nécessaires pour l’ensemble de l’annexe X du statut, ce raisonnement s’étant révélé pour la première fois dans l’arrêt attaqué.
40 M. Alba Aguilera e.a. soutiennent, à titre principal, que le premier moyen est irrecevable. L’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut, rappelée par le Tribunal aux points 30 à 33 de l’arrêt attaqué, reposerait sur une jurisprudence constante qui n’aurait pas été contestée par le SEAE en première instance, ainsi que cela ressortirait du point 25 de l’arrêt attaqué et du point 16 du mémoire en défense déposé par le SEAE devant le Tribunal. Le point 27 de l’arrêt attaqué
établirait que le SEAE avait uniquement soutenu que les décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014 étaient constitutives de DGE de l’article 10 de cette annexe ou pouvaient à tout le moins y être assimilées. Le Tribunal aurait cependant jugé qu’une telle assimilation n’était pas possible, faute pour le SEAE d’avoir recueilli l’avis du comité du statut en application de l’article 110 du statut, ce que le SEAE ne contesterait pas dans le cadre du présent pourvoi. De plus, le SEAE ne ferait
pas valoir que, au point 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé son argumentation.
41 Le SEAE contesterait ainsi pour la première fois devant la Cour qu’il était tenu d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut en exécution de l’article 1er, troisième alinéa, de celle-ci. Or, le SEAE ne serait pas autorisé à modifier l’objet du litige, sous peine de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont le Tribunal a eu à connaître. En outre, il ne s’agirait pas d’un élément qui s’est révélé pour la première fois dans l’arrêt attaqué, cette obligation ayant été posée
par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, EU:F:2014:223), et confirmée dans l’arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE (T‑792/14 P, EU:T:2016:156). De plus, au cours de la phrase précontentieuse, le fait que le SEAE n’avait pas exécuté ces arrêts en adoptant des DGE avant de prendre une décision fixant le montant de l’ICV en cause aurait été mis en évidence. L’arrêt attaqué n’aurait ainsi rien « révélé ».
42 En toute hypothèse, le premier moyen ne serait pas fondé. L’article 1er de l’annexe X du statut relèverait du chapitre de celle-ci relatif aux dispositions générales et le troisième alinéa de cet article serait rédigé en des termes généraux. Il en découlerait que le législateur de l’Union impose l’adoption de DGE pour l’ensemble de cette annexe. Cet article 1er, troisième alinéa, ferait donc obstacle à ce que le SEAE réduise le montant de l’ICV perçue par les parties demanderesses en première
instance sans avoir, au préalable, adopté des DGE organisant la mise en œuvre de l’article 10 de ladite annexe, comme le Tribunal l’aurait à bon droit constaté dans l’arrêt attaqué.
43 L’argument que le SEAE tire du fait que le législateur de l’Union a parfois précisé que l’adoption de DGE était requise pour une disposition spécifiquement identifiée ne soutiendrait pas sa position. En effet, si le législateur de l’Union avait réellement entendu limiter l’obligation d’adopter des DGE de l’annexe X du statut à certaines dispositions de cette annexe, il l’aurait précisé.
44 Les autres arguments avancés par le SEAE ne pourraient davantage être retenus. Premièrement, le fait que l’article 3 de l’annexe X du statut prévoit spécifiquement l’adoption de DGE de cet article serait sans pertinence, comme le Tribunal de la fonction publique l’aurait déjà constaté aux points 24 et 25 de l’arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, EU:F:2014:223). En effet, l’article 3 de l’annexe X du statut étant prévu par dérogation à l’article 1er, premier alinéa, de cette
annexe, qui vise les dispositions de ladite annexe, les DGE visées à cet article 3 ne pourraient pas renvoyer aux DGE prévues à cet article 1er, troisième alinéa, ni, par conséquent, faire échec à l’obligation d’adopter des DGE de l’ensemble de l’annexe X du statut découlant dudit article 1er, troisième alinéa. Deuxièmement, le fait que l’article 10 de cette annexe impose l’adoption de « modalités d’application » de cette disposition n’interdirait pas que celles-ci prennent la forme de DGE au
sens de l’article 110 du statut, comme le Tribunal de la fonction publique l’aurait également déjà jugé au point 26 de cet arrêt. Troisièmement, il ne serait pas paradoxal de prévoir à la fois l’adoption de DGE de l’ensemble de ladite annexe et, en plus, de recueillir l’avis du comité du personnel avant de procéder à la révision annuelle du montant de l’ICV dans chaque lieu d’affectation.
Appréciation de la Cour
– Sur la recevabilité
45 M. Alba Aguilera e.a. contestant la recevabilité du premier moyen au motif qu’il est nouveau et modifie l’objet du litige devant le Tribunal, qui aurait porté non pas sur le point de savoir si le SEAE était tenu d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut en exécution de l’article 1er, troisième alinéa, de celle-ci, mais uniquement sur le point de savoir si le SEAE s’était conformé à cette obligation et si les décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014 étaient constitutives
de telles DGE ou pouvaient y être assimilées, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle aurait pu soulever devant le Tribunal, mais qu’elle n’a pas soulevé, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de
pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59, ainsi que du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat, C‑176/13 P, EU:C:2016:96, point 116 et jurisprudence citée).
46 En l’espèce, certes, au point 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que « [l]e SEAE ne remet pas en cause le fait qu’il ressort de l’arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE (T‑792/14 P, EU:T:2016:156), qu’il était tenu d’adopter des DGE relatives à l’article 10 de l’annexe X du statut, étant donné que l’obligation découlant de l’article 1er, troisième alinéa, de [cette] annexe couvre également les dispositions régissant l’ICV ». De plus, comme le relèvent M. Alba Aguilera e.a., le SEAE ne
prétend pas que, à ce point, le Tribunal a dénaturé son argumentation.
47 Toutefois, d’une part, il ressort des points 26 et 27 de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, le SEAE contestait, en substance, que l’arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE (T‑792/14 P, EU:T:2016:156), soit applicable au cas d’espèce. Or, cela n’est pas de nature à empêcher cette partie de contester, dans le cadre du présent pourvoi, l’interprétation de ces dispositions de l’annexe X du statut effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué sur la base, notamment, de cet arrêt.
48 D’autre part, au point 26 de leur requête devant le Tribunal, M. Alba Aguilera e.a. avaient fait valoir, au soutien de leur premier moyen, que « c’est l’article [1er], troisième alinéa, de l’annexe X du statut qui prévoit expressément l’obligation pour l’institution concernée d’adopter des DGE concernant l’ensemble de l’annexe X du statut », les termes « ensemble de l’annexe X du statut » étant, de surcroît, soulignés. Ils ont réitéré cette argumentation au point 33 de cette requête, aux termes
duquel « rien ne peut justifier le retard du SEAE pour se conformer à son obligation d’adopter des DGE de l’ensemble de l’annexe X du statut ».
49 Le Tribunal a repris cette argumentation au point 24 de l’arrêt attaqué, dans lequel il a exposé que « les [parties demanderesses en première instance] font valoir que le SEAE ne peut se prévaloir du fait que l’arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE (T‑792/14 P, EU:T:2016:156), n’a été prononcé que [...] un peu plus d’un mois avant l’adoption de la décision [litigieuse], étant donné [...] que, en toute hypothèse, l’obligation d’adopter des DGE de l’annexe X du statut figure à l’article 1er,
troisième alinéa, de [cette] annexe ».
50 Or, dans le système du contentieux de la légalité devant le juge de l’Union, ce sont les parties qui ont l’initiative du procès et qui circonscrivent l’objet du litige (arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, point 87). M. Alba Aguilera e.a. ne sauraient donc utilement faire valoir que, par le premier moyen, le SEAE soumet à la Cour un litige plus étendu que celui qu’ils ont porté devant le Tribunal.
51 En outre, au point 30 de l’arrêt attaqué, visé par le premier moyen, le Tribunal a jugé que, « si l’article 10 de l’annexe X du statut, qui est le fondement légal de la décision [litigieuse], ne contient aucune stipulation expresse prévoyant l’adoption de DGE, en revanche, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, lequel relève du chapitre [1er] de cette annexe, qui est consacré aux “Dispositions générales” des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux
fonctionnaires affectés dans un pays tiers, énonce expressément une telle obligation ».
52 Le Tribunal en a déduit, au point 31 de cet arrêt, également visé par le premier moyen, que « les dispositions de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ont une portée générale et les DGE dont il prévoit l’adoption concernent l’ensemble de l’annexe X du statut, y compris les dispositions régissant l’octroi de l’ICV prévues à l’article 10 de l’annexe X du statut ». À ce même point, il a ajouté que, « [p]ar conséquent, une institution de l’Union mettant en œuvre ces dispositions a
l’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut conformément à l’article 1er, troisième alinéa, de [cette] annexe », cette « obligation d’adopter des DGE de l’ensemble de l’annexe X du statut » étant encore rappelée par le Tribunal au point 42 dudit arrêt.
53 De plus, il ressort d’une lecture d’ensemble de ce même arrêt que c’est en se fondant à titre principal sur cette interprétation de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut que le Tribunal a accueilli le premier moyen qui était soulevé devant lui.
54 Or, la Cour a itérativement jugé qu’un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant elle, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 6 septembre 2018, République tchèque/Commission, C‑4/17 P, EU:C:2018:678, point 24).
55 Il découle de ce qui précède que le premier moyen est recevable.
– Sur le fond
56 Aux termes de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, « [d]es [DGE] sont arrêtées conformément à l’article 110 du statut ». Cet article 110 prévoit, à son paragraphe 1, que « [l]es [DGE] du présent statut sont arrêtées par l’[AIPN] de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut ».
57 Selon la jurisprudence de la Cour, rappelée, en substance, par le Tribunal au point 28 de l’arrêt attaqué, l’expression « [DGE] » figurant à l’article 110, paragraphe 1, du statut vise en premier lieu les DGE expressément prévues par certaines dispositions spéciales du statut. À défaut de stipulation expresse, l’obligation d’édicter des règles d’exécution soumises aux conditions formelles de cette disposition ne saurait être admise qu’à titre exceptionnel, à savoir lorsque les dispositions du
statut manquent de clarté et de précision à un point tel qu’elles ne se prêtent pas à une application dépourvue d’arbitraire (arrêt du 8 juillet 1965, Willame/Commission, 110/63, EU:C:1965:71, page 815).
58 En l’occurrence, ainsi que cela a déjà été exposé aux points 51 et 52 du présent arrêt, le Tribunal a, en substance, jugé, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut constitue une disposition édictant une obligation expresse d’adopter des DGE pour l’ensemble des dispositions de l’annexe X du statut, y compris l’article 10 de celle-ci, au sens de la jurisprudence rappelée au point précédent du présent arrêt, et que cet article 1er,
troisième alinéa, imposait donc, préalablement à l’adoption d’une décision révisant le montant de l’ICV applicable aux fonctionnaires et aux agents de l’Union affectés dans des pays tiers, telle la décision litigieuse, l’adoption de DGE de cet article 10 selon la procédure prévue à l’article 110 du statut.
59 Ainsi que l’a relevé le SEAE et qu’il ressort de ces points de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est, à cet égard, appuyé sur le fait que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut fait partie des dispositions générales de celle-ci.
60 Il ne saurait toutefois être déduit de cette circonstance que cette disposition revêt la portée que le Tribunal lui a prêtée.
61 En effet, il y a lieu de constater que l’article 3 de cette annexe fait également, de manière spécifique, référence à l’adoption de DGE, tandis que l’article 10, paragraphe 3, de celle-ci se limite à prévoir que des modalités d’application de cet article 10 seront fixées par l’AIPN et que le paragraphe 1, quatrième alinéa, du même article 10 dispose que, annuellement, l’évaluation et, le cas échéant, la révision de l’ICV fixée pour chaque lieu d’affectation sont effectuées par l’AIPN, après avis
du comité du personnel. De manière similaire, l’article 2 de l’annexe X du statut précise que les modalités de la procédure de mobilité sont fixées par l’AIPN après avis du comité du personnel, l’article 5, paragraphe 2, de cette annexe indique que les modalités d’application du paragraphe 1 de celui-ci sont fixées par l’AIPN après avis du comité du personnel, et l’article 23, quatrième alinéa, de ladite annexe précise que les modalités d’application de cet article sont fixées par l’AIPN. Quant
aux articles 15 et 21 de celle-ci, ils prévoient que les bénéfices qu’ils visent seront octroyés au personnel concerné dans les conditions fixées par l’AIPN.
62 Il ressort ainsi d’une lecture conjointe de ces dispositions que l’annexe X du statut fait référence à l’adoption non seulement de DGE, mais également de « modalités d’application », ou encore d’autres types d’actes, pour lesquels il est parfois précisé qu’ils ne peuvent être adoptés qu’après avis du comité du personnel. Or, le libellé de l’article 110 du statut, en particulier de son paragraphe 2, premier alinéa, ainsi que de ses paragraphes 3 et 4, fait apparaître que les « DGE » visées au
paragraphe 1 de cet article, et dont l’adoption requiert de l’AIPN de chaque institution de consulter le comité du personnel et de recueillir l’avis du comité du statut, constituent une catégorie particulière de règles d’exécution du statut, distincte des règles arrêtées d’un commun accord entre les institutions et également distincte des autres règles ou modalités d’exécution de celui-ci.
63 Il s’ensuit que le système établi par les différentes dispositions du statut et de son annexe X prévoit que les DGE doivent être distinguées d’autres règles d’exécution du statut, telles que les modalités d’application prévues à l’article 10, paragraphe 3, de cette annexe.
64 De plus, il convient de constater que, au regard de l’exigence posée à l’article 110, paragraphe 1, du statut, selon laquelle les DGE ne peuvent être adoptées qu’après consultation du comité du personnel et avis du comité du statut, l’interprétation retenue par le Tribunal de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut a pour conséquence d’entraîner une duplication d’exigences procédurales poursuivant une finalité identique.
65 Cette interprétation prive ainsi d’au moins une partie de son effet utile l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe X du statut, dès lors que cette dernière disposition prévoit des exigences procédurales moins élevées pour l’adoption des modalités d’application de cet article que celles résultant de l’article 110, paragraphe 1, du statut, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 41 et 42 de ses conclusions.
66 De même, l’interprétation retenue par le Tribunal porte atteinte à l’effet utile des autres dispositions de cette annexe pour lesquelles le législateur de l’Union a prévu que soit suivie une procédure particulière d’adoption de règles d’exécution, autre que celle indiquée à l’article 110, paragraphe 1, du statut.
67 En revanche, les éléments relevés aux points 61 à 66 du présent arrêt tendent à démontrer que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut doit être interprété en ce sens que, lorsque l’adoption de DGE d’une disposition de cette annexe s’impose conformément à la jurisprudence rappelée au point 57 du présent arrêt, cet article 1er, troisième alinéa, précise la procédure à suivre pour leur adoption, à savoir celle établie à l’article 110 du statut.
68 En ce sens, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’article 3 de l’annexe X du statut prévoit que, « sur la base de [DGE] », l’AIPN peut décider que, par dérogation à l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe, le fonctionnaire affecté dans un pays tiers qui est réaffecté temporairement avec son emploi au siège ou à un autre lieu d’affectation dans l’Union reste, pendant la durée de cette affectation temporaire, soumis à certaines dispositions de ladite annexe.
69 Or, si, comme le Tribunal l’a jugé dans l’arrêt attaqué, l’obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble des dispositions de l’annexe X du statut résultait déjà de l’article 1er, paragraphe 3, de celle-ci, il aurait été inutile d’insérer cette précision expresse à cet article 3. À cet égard, la lecture dudit article 3 effectuée par M. Alba Aguilera e.a., exposée au point 44 du présent arrêt, ne saurait être retenue. Certes, la dernière phrase du même article 3 instaure une dérogation à
l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe. Toutefois, cet article 1er, premier alinéa, énonce que ladite annexe détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires de l’Union affectés dans un pays tiers. Il fixe ainsi le champ d’application ratione personae de la même annexe.
70 Cette dérogation vise donc non pas une dérogation aux « dispositions » de l’annexe X du statut, y compris le troisième alinéa de l’article 1er de celle-ci, qui aurait pour effet de faire échapper l’article 3 de cette annexe à l’article 1er, troisième alinéa, de celle-ci, comme ils le soutiennent, mais seulement à permettre à l’AIPN d’étendre, dans certaines circonstances, le champ d’application ratione personae de ladite annexe au-delà du champ d’application qui résulte du seul article 1er,
paragraphe 1, de celle-ci.
71 Ensuite, il importe de constater, à l’instar de M. l’avocat général aux points 48 à 54 de ses conclusions, que le fait que la portée de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut soit limitée à celle de renvoi procédural ne prive pas cette disposition de son effet utile. Notamment, d’une part, ce renvoi demeure en tout état de cause utile s’agissant de l’article 3 de cette annexe. D’autre part, ledit renvoi est pertinent également pour l’hypothèse dans laquelle il devrait être
constaté que l’une des dispositions de ladite annexe manque de clarté et de précision à un point tel qu’elle ne se prête pas à une application dépourvue d’arbitraire et que l’adoption de DGE de cette disposition s’impose par conséquent.
72 Enfin, le fait que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne constitue qu’un renvoi procédural destiné à préciser la méthodologie selon laquelle d’éventuelles DGE devraient être adoptées est confirmé par les travaux préparatoires ayant conduit à l’insertion, dans le statut, de cette annexe.
73 Initialement, la proposition de règlement (CEE) du Conseil établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes, affectés dans un État ne faisant pas partie des Communautés européennes [COM(86) 83 final] (JO 1986, C 74, p. 11), présentée par la Commission au Conseil le 6 mars 1986, contenait, à l’article 1er, un alinéa unique qui correspond, désormais, en substance, à l’article 1er, premier alinéa, de l’annexe X du statut, et
plusieurs dispositions de cette proposition prévoyaient expressément l’adoption de DGE. Tel était le cas, notamment, de l’article 3 de celle-ci, qui correspond en substance à l’article 3 de l’annexe X du statut, mais également de l’article 10, qui portait, comme l’article 10 de l’annexe X du statut, sur l’ICV. Ainsi, cette proposition d’article 10 prévoyait que « [l]es [DGE] visées [à cet article et conformément auxquelles l’ICV devait être fixée] définissent les paramètres utilisés pour
déterminer le pourcentage de l’indemnité ainsi que la liste des lieux et les taux correspondants pour lesquels une telle indemnité est octroyée ».
74 Cependant, la résolution clôturant la procédure de consultation du Parlement européen sur la proposition de règlement mentionnée au point précédent, du 12 septembre 1986 (doc. A2-83/86), jointe au procès-verbal de la séance du vendredi 12 septembre 1986 (JO 1986, C 255, p. 213 et 245), et le texte modifié proposé dans ce cadre par le Parlement établissent que cette dernière institution a proposé que soit insérée la précision qui constitue désormais l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X
du statut, une telle modification étant, selon elle, nécessaire « afin de [...] préciser les conditions dans lesquelles les dispositions d’exécution pourront être adopté[e]s ».
75 En présentant au Conseil, le 23 octobre 1986, une proposition modifiée de règlement du Conseil établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes, affectés dans un État ne faisant pas partie des Communautés européennes [COM(86) 565 final] (JO 1986, C 284, p. 8), qui reprenait en substance cette proposition du Parlement, la Commission a donné suite aux modifications proposées par le Parlement.
76 Or, dans la version de ce règlement finalement adoptée par le Conseil, à savoir le règlement (Euratom, CECA, CEE) no 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers (JO 1987, L 286, p. 3), par lequel l’annexe X, dans sa version résultant de ce règlement, a été ajoutée au statut, d’une part, la proposition du Parlement qui figure désormais à l’article 1er,
troisième alinéa, de cette annexe a été maintenue dans le libellé tel qu’il avait été proposé par cette institution. D’autre part, toute référence à l’adoption de DGE à l’article 10 de ladite annexe a été supprimée, l’article 10 de l’annexe X du statut, dans sa version résultant de la proposition modifiée de règlement mentionnée au point précédent, ayant cependant été réécrit et précisé afin de contenir tant la liste des paramètres pris en compte pour la fixation de l’ICV que les coefficients
dont ces paramètres étaient affectés, leur valeur ainsi que l’échelle selon laquelle l’indemnité était fixée, en pourcentage du montant de référence, allant de 10 % lorsque la valeur totale des différents paramètres était de zéro jusqu’à 35 % lorsque cette valeur était supérieure à huit. Il était aussi prévu, comme dans la version de cette disposition actuellement en vigueur, que l’ICV fixée pour chaque lieu d’affectation fasse l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une
révision de la part de l’AIPN, après avis du comité du personnel.
77 Il ressort ainsi clairement des travaux préparatoires ayant conduit à l’insertion de l’annexe X dans le statut que, d’une part, la disposition figurant désormais à l’article 1er, troisième alinéa, de celle-ci, inchangée depuis le règlement no 3019/87, a été insérée dans le seul objectif de préciser la procédure à suivre lorsque des DGE de cette annexe doivent être adoptées et que, d’autre part, le législateur de l’Union a clairement entendu exclure que l’adoption de DGE soit nécessaire en ce qui
concerne, notamment, l’article 10 de ladite annexe.
78 À cet égard, il importe encore de relever que, jusqu’à l’adoption du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut et le RAA (JO 2013, L 287, p. 15), l’article 10 de l’annexe X du statut, dans sa version résultant du règlement no 3019/87, est resté, en substance, inchangé. Il a toutefois été remplacé, à compter du 1er janvier 2014, par sa version actuellement en vigueur, en vertu de l’article 1er, point 70, sous e), du règlement
no 1023/2013, et ce, selon le considérant 27 de ce règlement, afin « de moderniser les conditions de travail du personnel employé dans des pays tiers et de les rendre meilleures sur le plan du rapport coût-efficacité tout en réalisant des économies [...] et [que soit prévue] la possibilité [...] de prendre en compte un éventail plus large de paramètres pour déterminer l’[ICV] sans nuire à l’objectif général consistant à réaliser des économies ».
79 À cette fin, l’article 10 de l’annexe X du statut, dans sa version résultant du règlement no 3019/87, a été simplifié. En substance, la liste des paramètres à prendre en compte pour fixer l’ICV a été rendue exemplative, les précisions relatives aux coefficients, aux valeurs de ces paramètres et aux pourcentages du montant de référence ont été supprimées et le paragraphe 3, selon lequel l’AIPN fixe les modalités d’application de cet article, a été ajouté.
80 Ce remplacement de l’article 10 de l’annexe X du statut est, en outre, entré en vigueur le même jour que le remplacement de l’article 110 du statut, effectué par l’article 1er, point 59, du règlement no 1023/2013, dont la nouvelle version précise les différents types de règles d’exécution du statut pouvant être adoptées.
81 Il ressort donc aussi clairement de cette dernière évolution législative que, si le législateur de l’Union avait entendu imposer l’adoption de DGE, et non de modalités d’application, de l’article 10 de l’annexe X du statut lorsqu’il a simplifié le contenu de cette disposition, il l’aurait expressément indiqué.
82 L’argumentation avancée par M. Alba Aguilera e.a. au soutien de l’arrêt attaqué, exposée aux points 42 à 44 du présent arrêt, doit donc être écartée, celle-ci étant en contradiction directe avec l’intention du législateur de l’Union.
83 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en jugeant, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut constitue une disposition édictant une obligation expresse d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe et en en déduisant que le SEAE était tenu d’adopter des DGE de l’article 10 de ladite annexe avant de pouvoir légalement adopter la décision litigieuse, le Tribunal a commis une erreur de droit.
84 Le premier moyen est, par conséquent, fondé. Cependant, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence rappelée au point 57 du présent arrêt, l’obligation d’adopter des DGE au sens de l’article 110 du statut peut, à défaut de stipulation expresse en ce sens, néanmoins être admise lorsque la disposition concernée du statut manque de clarté et de précision à un point tel qu’elle ne se prête pas à une application dépourvue d’arbitraire, et dans la mesure où, par le second moyen, le SEAE prétend
que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a aussi jugé que l’article 10 de l’annexe X du statut satisfait à cette condition, commettant ainsi une seconde erreur de droit, il convient, avant de déterminer s’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure demandée, d’examiner le second moyen.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
85 Le SEAE, en se référant aux points 28, 29 et 38 de l’arrêt attaqué, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’article 10 de l’annexe X du statut est une disposition de nature à nécessiter l’adoption de DGE, en ce sens qu’elle manque de clarté et de précision à un point tel qu’elle ne se prête pas à une application dépourvue d’arbitraire. Dans le cadre de l’adoption des modalités d’exécution relatives à l’ICV, l’article 10, paragraphe 1, quatrième alinéa, de
cette annexe imposerait explicitement et uniquement que soit pris l’avis du comité du personnel, ce qui aurait été le cas lors de l’adoption des décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014. Cette étape permettrait à elle seule d’écarter tout risque que les critères déterminant le taux de l’ICV soient imposés par l’administration en raison d’un résultat recherché par elle. Le degré de détail de cet article 10, qui établit les paramètres à prendre en compte pour la fixation de l’ICV et met en
place une évaluation annuelle de ceux-ci, démontrerait d’ailleurs à lui seul qu’il ne saurait laisser place à une application arbitraire.
86 Par ailleurs, le second moyen serait bien opérant. Dès lors que le législateur de l’Union ne prévoit pas expressément l’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut et dès lors que la nature de cette disposition n’impose pas l’adoption de DGE, la démonstration serait faite de ce qu’il n’existe pas d’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de cette annexe dans le sens prétendu par M. Alba Aguilera e.a. Le second moyen ne porterait pas sur la question de l’opportunité
de consulter le comité du statut, voire sur la pertinence de son avis, ni ne reviendrait à exiger de M. Alba Aguilera e.a. la preuve d’un fait négatif.
87 M. Alba Aguilera e.a. font valoir, à titre principal, que le second moyen est inopérant. Le Tribunal ayant jugé à bon droit que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut prévoit expressément l’obligation pour le SEAE d’adopter des DGE de l’article 10 de cette annexe, la prétendue clarté de cet article 10 serait sans incidence.
88 En toute hypothèse, ce moyen ne serait pas fondé. En effet, l’adoption de DGE impliquerait que l’avis du comité du statut peut influencer la décision de l’AIPN. Exiger l’apport d’une preuve négative, à savoir la preuve que la décision litigieuse aurait pu avoir un contenu différent si des DGE avaient été adoptées, ne pourrait être admis et priverait d’effet utile l’obligation de consultation de ce comité.
Appréciation de la Cour
89 M. Alba Aguilera e.a. contestant, à titre principal, le caractère opérant du second moyen, il convient de relever que leur argumentation à cet égard repose sur la prémisse selon laquelle c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut constitue une disposition édictant une obligation expresse d’adopter des DGE pour l’ensemble des dispositions de cette annexe, y compris l’article 10 de celle-ci, au sens de la jurisprudence rappelée au point 57
du présent arrêt. Il résulte cependant de l’analyse du premier moyen que cette prémisse est erronée.
90 Cela étant, il y a lieu de constater que, par le second moyen, le SEAE soutient, en substance, que le Tribunal, au point 38 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en jugeant que, indépendamment de l’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut qui découlait, selon lui, de l’article 1er, troisième alinéa, de celle-ci, la nature de cet article 10 exigeait également que, avant qu’une décision révisant le montant de l’ICV ne puisse être légalement prise, des DGE
dudit article 10 soient adoptées.
91 Certes, à la première phrase de ce point 38, le Tribunal a constaté que « l’avis d’un organe externe et interinstitutionnel, tel que le comité du statut, est nécessaire pour garantir que les critères selon lesquels sont déterminées les conditions de vie prévalant dans les pays tiers soient établis de manière abstraite et indépendante de toute procédure ayant pour objet de réviser le montant de l’ICV, afin d’éviter que le choix de ces critères ne soit influencé par un résultat éventuellement voulu
par l’administration ».
92 Toutefois, il ressort d’une lecture d’ensemble de l’arrêt attaqué, et en particulier des points 30, 31, 33 et 40 de celui-ci, que le Tribunal a fondé l’annulation de la décision litigieuse non pas sur la seconde des hypothèses visées par la jurisprudence rappelée au point 57 du présent arrêt, mais sur le fait que, selon l’interprétation qu’il en a retenue, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut impose une obligation expresse d’adopter des DGE pour l’ensemble des dispositions de
cette annexe, y compris l’article 10 de celle-ci.
93 En outre, ainsi que le point 34, le point 35, la seconde phrase du point 38 et le point 39 de l’arrêt attaqué l’établissent, les considérations exposées par le Tribunal à la première phrase de ce point 38 portent sur la question de savoir si les décisions des 17 décembre 2013 et 3 décembre 2014 peuvent être considérées comme constitutives de DGE au sens de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. Elles se rattachent donc non pas à la nature de l’article 10 de cette annexe, mais à
l’interprétation qu’il a effectuée de cet article 1er, troisième alinéa. Au demeurant, ainsi que cela a déjà été constaté, en substance, au point 48 du présent arrêt, le premier moyen d’annulation soumis au Tribunal portait sur la seule première des deux hypothèses visées par la jurisprudence rappelée au point 57 du présent arrêt.
94 Le second moyen du pourvoi repose, par conséquent, sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit, par suite, être rejeté comme étant non fondé.
95 Cependant, le premier moyen du pourvoi étant fondé et l’appréciation retenue par le Tribunal, dont ce moyen constate le caractère erroné, constituant, ainsi que cela a été relevé notamment au point 92 du présent arrêt, le fondement de l’annulation de la décision litigieuse, il y a lieu d’annuler les points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué.
Sur le recours devant le Tribunal
96 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
97 En l’espèce, il ressort de l’examen du pourvoi que le premier moyen avancé par M. Alba Aguilera e.a. en première instance, selon lequel le SEAE était, en vertu de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, tenu d’adopter des DGE de l’article 10 de cette annexe avant d’adopter la décision litigieuse, n’est pas fondé.
98 Cependant, le Tribunal ayant accueilli ce moyen et annulé la décision litigieuse dans la mesure qui lui était demandée sans avoir examiné les deuxième et troisième moyens invoqués devant lui, la Cour considère que le litige n’est pas en état d’être jugé. Il convient, dès lors, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.
Sur les dépens
99 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Les points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), sont annulés.
2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.
3) Les dépens sont réservés.
Jarukaitis
Ilešič
Lycourgos
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2020.
Le greffier
A. Calot Escobar
Le président de la Xème chambre
I. Jarukaitis
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( *1 ) Langue de procédure : le français.