ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR
26 février 2020 (*)
« Pourvoi – Ordonnance de référé – Médicaments à usage humain – Demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament orphelin – Décision de la Commission de rayer un médicament du registre des médicaments orphelins – Urgence – Préjudice grave et irréparable – Absence »
Dans l’affaire C‑832/19 P(R),
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 novembre 2019,
Medac Gesellschaft für klinische Spezialpräparate mbH, établie à Wedel (Allemagne), représentée par M^es P. von Czettritz et A. Meier, Rechtsanwälte,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. B.-R. Killmann et A. Sipos ainsi que par M^me L. Haasbeek, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,
l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Medac Gesellschaft für klinische Spezialpräparate mbH demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 26 septembre 2019, Medac Gesellschaft für klinische Spezialpräparate/Commission (T‑549/19 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:695), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant au sursis à l’exécution de l’article 5 de la décision d’exécution C(2019) 4858 final de la Commission, du 20 juin 2019, portant
autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Trecondi – tréosulfan » au titre du règlement nº 726/2004 du Parlement européen et du Conseil (ci-après la « décision litigieuse »).
Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
2 La requérante serait titulaire, dans plusieurs États membres, d’autorisations nationales de mise sur le marché d’un médicament à usage humain contenant la substance active tréosulfan, utilisé dans le cadre de la thérapie palliative de carcinomes ovariens.
3 Au cours de l’année 2003, la requérante a soumis une demande de désignation de cette substance active comme médicament orphelin pour l’indication thérapeutique du conditionnement préalable à une greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques, conformément à l’article 5 du règlement (CE) nº 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1).
4 Par la décision du 23 février 2004, la Commission européenne a désigné la substance active tréosulfan comme médicament orphelin, au sens du règlement nº 141/2000, pour cette indication thérapeutique. Depuis cette date, le tréosulfan a été inscrit au registre communautaire des médicaments orphelins.
5 La requérante a développé ultérieurement le médicament Trecondi – tréosulfan, dont la substance active est le tréosulfan.
6 Le 12 décembre 2017, elle a soumis une demande d’autorisation de mise sur le marché du Trecondi – tréosulfan à l’Agence européenne des médicaments (EMA), conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments
(JO 2004, L 136, p. 1). Par ailleurs, la requérante a demandé à ce que ce médicament soit désigné comme médicament orphelin.
7 Par la décision litigieuse, la Commission a octroyé l’autorisation de mise sur le marché pour le Trecondi – tréosulfan mais a refusé, à l’article 5 de cette décision, la désignation de ce médicament comme médicament orphelin.
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2019, la requérante a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse en tant que, par celle-ci, la Commission a refusé que ledit médicament soit désigné comme médicament orphelin.
9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé au titre des articles 278 et 279 TFUE, visant, en substance, au sursis à l’exécution de l’article 5 de la décision litigieuse et à la condamnation de la Commission aux dépens.
10 Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.
11 À ces fins, le président du Tribunal a examiné d’emblée si la condition relative à l’urgence était satisfaite.
12 À cet égard, il a, en premier lieu, aux points 30 à 33 de l’ordonnance attaquée, rejeté l’argumentation de la requérante selon laquelle elle subirait un préjudice irréparable du fait qu’un concurrent de médicaments génériques disposant déjà d’une autorisation de mise sur le marché pour un médicament contenant du tréosulfan pourrait, à brève échéance et de manière irréversible, obtenir une extension de cette autorisation afin d’y inclure une thérapie de conditionnement préalable à une greffe
de cellules souches, dans la mesure où une telle extension ne pourrait plus être révoquée postérieurement.
13 En particulier, le président du Tribunal a, au point 31 de ladite ordonnance, relevé, d’une part, que, même s’il ne lui appartenait pas de faire des constatations concernant le droit national applicable, il semblait évident que l’autorité nationale compétente pourrait, dans la décision octroyant l’extension de l’autorisation de mise sur le marché, se réserver la faculté de révoquer cette extension si la requérante obtenait gain de cause dans le recours au principal, et, d’autre part, que, en
tout état de cause, il ne ressortait pas des constatations détaillées faites par la requérante dans sa demande en référé concernant le droit national que cette autorité ne disposerait pas de la possibilité de se réserver une telle faculté.
14 En outre, au point 32 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a jugé que, dans la mesure où le droit national doit toujours être conforme aux exigences du droit de l’Union, si la requérante obtenait gain de cause dans le recours au principal et que la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin était rétablie, il appartiendrait à l’ensemble des juridictions nationales d’en tenir pleinement compte dans l’application du droit national.
15 Le président du Tribunal en a déduit, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que la requérante « ne saurait être fondée à soutenir que ses dépenses pour l’obtention du statut de “médicament orphelin” ont été engagées à pure perte et que le préjudice consiste dans des pertes de chiffre d’affaires qui s’étendent sur plus de dix ans ».
16 En deuxième lieu, en ce qui concerne le caractère grave et irréparable du préjudice allégué par la requérante, le président du Tribunal a, au point 34 de l’ordonnance attaquée, constaté, d’une part, que la requérante n’avait pas fait valoir que sa viabilité financière était en péril et, d’autre part, qu’elle n’avait pas fourni la moindre information concernant sa situation financière, notamment ses chiffres d’affaires, qui aurait permis de comparer la perte alléguée de chiffre d’affaires et
les dépenses engagées à perte.
17 Dans ce contexte, il a, au point 35 de ladite ordonnance, rappelé, en se fondant sur le point 33 de l’ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission [C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157], qu’un préjudice financier objectivement considérable peut également être reconnu comme grave, sans qu’il soit tenu compte de la situation financière du demandeur, lorsque ce préjudice résulte de l’obligation d’exercer un choix commercial important dans un délai inopportun. Toutefois, au
point 36 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a jugé que la situation de la requérante ne relevait pas d’un tel cas de figure, et que, dans ces conditions, il devait disposer d’indications relatives à la situation financière de la requérante afin de pouvoir apprécier l’existence d’un préjudice grave et irréparable dans son chef.
18 Or, au point 37 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a constaté qu’il ne lui était pas possible de procéder à une telle appréciation, dès lors que lesdites indications faisaient défaut en l’espèce.
19 Par ailleurs, le président du Tribunal a, aux points 38 et 39 de l’ordonnance attaquée, rappelé, en substance, que, si l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en dommages et intérêts ne saurait être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence de la Cour, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée
par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne pourra, par conséquent, permettre de le réparer. Toutefois, dans le cas d’espèce, le président du Tribunal a, au point 40 de ladite ordonnance, jugé que la requérante n’avait pas fait valoir que le préjudice en cause n’était pas susceptible d’être identifié et
chiffré de manière adéquate.
20 En troisième et dernier lieu, le président du Tribunal a rejeté l’argumentation de la requérante selon laquelle elle serait dans une situation comparable à celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1^er septembre 2015, Pari Pharma/EMA (T‑235/15 R, EU:T:2015:587), en raison du fait qu’un concurrent, fabricant de médicaments génériques, utilise les études relatives à son médicament dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.
21 À cet égard, le président du Tribunal a, au point 42 de l’ordonnance attaquée, relevé que cette affaire concernait la divulgation à un tiers d’informations prétendument confidentielles et qui étaient susceptibles, du fait de cette divulgation, de perdre irrémédiablement ce caractère. Or, au point 43 de ladite ordonnance, le président du Tribunal a constaté que la requérante n’avait pas soutenu que les études en cause étaient de nature confidentielle et que ce caractère serait
irrémédiablement perdu du fait de l’exploitation par un concurrent des données relatives à son médicament.
22 Dans ces conditions, le président du Tribunal a constaté, au point 44 de l’ordonnance attaquée, que la condition relative à l’urgence n’était pas satisfaite et, par suite, sans qu’il estime nécessaire d’examiner la condition relative au fumus boni juris et de procéder à la mise en balance des intérêts, a rejeté la demande en référé.
Les conclusions des parties
23 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de surseoir à l’exécution de l’article 5 de la décision litigieuse jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation formé dans l’affaire T-549/19, et de rétablir le statu quo ante selon lequel le Trecondi – tréosulfan est désigné comme un médicament orphelin et inscrit en tant que tel au registre communautaire des médicaments orphelins, et
– de condamner la Commission aux dépens.
24 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la requérante aux dépens de l’instance.
Sur le pourvoi
25 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation
26 Par son premier moyen, la requérante soutient que le président du Tribunal a commis une erreur manifeste de droit dans l’interprétation du règlement nº 141/2000 ainsi que de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).
27 À cet égard, la requérante reproche au président du Tribunal d’avoir, au point 31 de l’ordonnance attaquée, jugé qu’une autorité peut, dans la décision octroyant l’extension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, se réserver la faculté de révoquer cette décision dans le cas où la partie requérante concernée obtient gain de cause au principal et où, en conséquence, le statut de médicament orphelin est à nouveau accordé. En effet, selon elle, une telle faculté ne serait
prévue ni par le droit de l’Union, en particulier pas par le règlement nº 141/2000 et la directive 2001/83, ni par le droit allemand.
28 La Commission conteste cette argumentation.
Appréciation
29 Il ressort clairement du point 31 de l’ordonnance attaquée que le président du Tribunal n’a, à ce point, en aucune manière, interprété les dispositions du règlement nº 141/2000 ou de la directive 2001/83. En effet, audit point, le président du Tribunal s’est exclusivement référé au droit allemand, en faisant observer, notamment, qu’il ne ressortait pas des constatations détaillées de la requérante concernant ce droit que l’autorité nationale ne serait privée de la possibilité de se réserver
la faculté de révoquer une décision octroyant une extension d’une autorisation de mise sur le marché.
30 Ainsi, le moyen soulevé par la requérante, tiré d’une erreur manifeste de droit prétendument commise par le président du Tribunal dans l’interprétation du règlement nº 141/2000 et de la directive 2001/83, procède d’une lecture erronée du point 31 de l’ordonnance attaquée et doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen
Argumentation
31 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le président du Tribunal a méconnu le fait qu’une pleine efficacité de la décision à intervenir dans l’affaire T-549/19 exigeait l’octroi de mesures provisoires par le juge de l’Union.
32 À cet égard, la requérante estime que le président du Tribunal a, au point 32 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur de droit en ayant jugé que, si la requérante obtenait gain de cause au principal et que la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin était rétablie, il appartiendrait à l’ensemble des juridictions nationales d’en tenir pleinement compte, et ce dans l’application tant du droit matériel que du droit procédural, afin d’éviter de priver le statut de
médicament orphelin de son effet utile.
33 En effet, selon la requérante, une telle solution ne serait pas possible au regard de la législation nationale en matière de médicaments et de procédure administrative qui, en l’absence de base juridique contraire du droit de l’Union, ne saurait être interprétée de manière différente au titre du droit de l’Union.
34 Dans ce contexte, la requérante relève que la révocation d’une autorisation de mise sur le marché légalement octroyée n’est ni autorisée par le droit allemand, ni prévue par le droit de l’Union, de sorte qu’il n’existe aucune contradiction entre le droit national et le droit de l’Union et que, de ce fait, il n’est pas possible de procéder à une interprétation conforme du droit national.
35 Dans ces conditions, la requérante soutient qu’il appartenait au Tribunal de veiller, dans le cadre de la procédure en référé, à la mise en œuvre de la situation juridique visée par le droit de l’Union en octroyant les mesures provisoires demandées.
36 Par ailleurs, la requérante fait observer que le président du Tribunal a, dans l’ordonnance attaquée, tenu compte de l’argumentation de la Commission, exposée aux points 67 et 68 de ses observations sur la demande en référé, selon laquelle cette institution sera tenue, le cas échéant, d’adopter une nouvelle décision concernant la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin qui ait un effet rétroactif pour garantir qu’elle couvre la période d’examen de l’affaire par le
Tribunal. Selon la requérante, une autorisation de mise sur le marché accordée à une entreprise au cours de la période d’examen de l’affaire par le Tribunal ne saurait être retirée du fait de l’adoption d’une telle décision. Le président du Tribunal aurait donc méconnu le fait que cette argumentation de la Commission est inapplicable en l’espèce.
Appréciation
37 S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de la requérante selon laquelle la pleine efficacité de la décision à intervenir dans l’affaire T‑549/19 exige l’octroi de mesures provisoires par le juge de l’Union, dans la mesure où la révocation d’une autorisation de mise sur le marché légalement octroyée n’est ni autorisée par le droit allemand ni prévue par le droit de l’Union, il y a lieu de relever que cette argumentation repose sur la prémisse selon laquelle une telle révocation ne
serait pas autorisée par le droit allemand.
38 Or, le président du Tribunal a, au point 31 de l’ordonnance attaquée, jugé qu’il ne ressortait pas des constatations détaillées présentées par la requérante concernant le droit allemand que l’autorité nationale ne disposerait pas de la possibilité de se réserver la faculté de révoquer l’extension d’une autorisation de mise sur le marché.
39 Ainsi, par son argumentation, la requérante conteste, en réalité, l’appréciation du droit allemand telle qu’opérée par le président du Tribunal au point 31 de l’ordonnance attaquée.
40 Dans ce contexte, il convient de rappeler que, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 49 et jurisprudence citée).
41 Or, en l’occurrence, une telle dénaturation n’est ni démontrée ni même alléguée par la requérante, de sorte que ladite argumentation doit être écartée comme étant irrecevable.
42 En second lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle le président du Tribunal a, à tort, tenu compte, dans l’ordonnance attaquée, des arguments exposés par la Commission aux points 67 et 68 de ses observations sur la demande en référé, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit invoqués au soutien d’un pourvoi doivent identifier avec précision les points de motifs
de la décision du Tribunal qui sont contestés.
43 Or, force est de constater que, par cette argumentation, la requérante se borne à contester que le président du Tribunal a accueilli, dans l’ordonnance attaquée, l’argumentation présentée par la Commission dans ses observations sur la demande en référé. Il s’ensuit que ladite argumentation doit également être écartée comme étant irrecevable.
44 Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen
Argumentation
45 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que les points 39 à 41 de l’ordonnance attaquée sont entachés d’une contradiction de motifs.
46 À cet égard, la requérante relève que, au point 40 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a jugé, en se référant au point 53 de l’ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], qu’elle n’avait pas soutenu que le préjudice allégué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, n’était pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate.
47 Or, la requérante souligne que, au point 41 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a constaté qu’elle avait invoqué, en ce qui concerne le préjudice encouru, le fait qu’un fabricant concurrent de médicaments génériques utilise les études qu’elle a réalisées dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché. Selon la requérante, une telle argumentation visait à établir que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance,
n’était pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate.
48 La Commission conteste cette argumentation.
Appréciation
49 Il y a lieu de relever que le président du Tribunal a, aux points 27 et 28 de l’ordonnance attaquée, exposé l’argumentation de la requérante selon laquelle cette dernière devait faire face, en raison de l’extension de l’autorisation de mise sur le marché d’un concurrent pour le traitement de conditionnement préalable à une greffe de cellules souches, à des dépenses non récupérables d’un montant de 25,4 millions d’euros pour le maintien de la désignation du Trecondi – tréosulfan comme
médicament orphelin ainsi qu’à des pertes de chiffre d’affaires pour les dix prochaines années s’élevant à 242 millions d’euros.
50 Pour répondre à cette argumentation, le président du Tribunal a constaté, au point 34 de l’ordonnance attaquée, notamment, que la requérante n’avait pas fourni la moindre information concernant sa situation financière, notamment ses chiffres d’affaires, qui aurait permis de comparer la perte alléguée de chiffre d’affaires et les dépenses pour le maintien de la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin.
51 Le président du Tribunal en a déduit, aux points 36 et 37 de l’ordonnance attaquée, que, en l’absence d’indications relatives à la situation financière de la requérante, il n’était pas possible de considérer comme grave et irréparable, au sens de la jurisprudence citée aux points 19 à 22 de cette ordonnance, le préjudice financier invoqué par cette dernière, à savoir la perte alléguée de chiffre d’affaires et les dépenses pour le maintien de la désignation du Trecondi – tréosulfan comme
médicament orphelin.
52 Cela étant, le président du Tribunal a, au point 39 de l’ordonnance attaquée, rappelé qu’un préjudice d’ordre pécuniaire peut être considéré comme irréparable s’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que ce préjudice, compte tenu de sa nature et de son mode de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne pourra, par conséquent, le réparer.
53 Toutefois, le président du Tribunal a, au point 40 de ladite ordonnance, considéré que la requérante n’avait pas soutenu que le préjudice qu’elle invoquait, à savoir les dépenses pour le maintien de la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin ainsi que la perte de chiffre d’affaires, n’était pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate.
54 Enfin, aux points 41 à 43 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a apprécié et rejeté l’argumentation de la requérante selon laquelle elle se trouvait dans une situation comparable à celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1^er septembre 2015, Pari Pharma/EMA (T‑235/15 R, EU:T:2015:587), en raison du fait qu’un concurrent, fabricant de médicaments génériques, utilise les études relatives à son médicament dans le cadre d’une demande
d’autorisation de mise sur le marché.
55 Il découle des considérations qui précèdent que la constatation opérée par le président du Tribunal au point 40 de l’ordonnance attaquée ne visait aucunement le préjudice résultant du fait qu’un concurrent, fabricant de médicaments génériques, utilise les études relatives au médicament de la requérante dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, ce prétendu préjudice ayant été apprécié par la suite par le président du Tribunal aux points 41 à 43 de cette ordonnance.
56 Il s’ensuit que les points 39 à 41 de l’ordonnance attaquée ne sont entachés d’aucune contradiction de motifs.
57 Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen
Argumentation
58 Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le risque qu’elle invoquait, résultant de l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché pour un médicament générique ou de l’extension d’une autorisation de mise sur le marché, ne constitue pas un préjudice irréparable.
59 À cet égard, la requérante reproche au président du Tribunal de ne pas avoir considéré qu’elle était dans une situation comparable à celle de l’entreprise concernée dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1^er septembre 2015, Pari Pharma/EMA (T‑235/15 R, EU:T:2015:587), en raison du fait qu’un concurrent, fabricant de médicaments génériques, utilise les études relatives à son médicament dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.
60 En particulier, la requérante fait valoir, en premier lieu, que, contrairement à ce qu’a jugé le président du Tribunal aux points 33 à 36 de l’ordonnance attaquée, elle avait allégué et démontré l’existence d’un préjudice grave et irréparable, et ce conformément à la jurisprudence issue de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1^er septembre 2015, Pari Pharma/EMA (T‑235/15 R, EU:T:2015:587). En effet, elle aurait présenté, dans sa demande en référé, les coûts des études cliniques
qu’elle avait supportés dans le cadre de la demande d’autorisation de mise sur le marché du Trecondi – tréosulfan, les coûts relatifs au maintien de la désignation de ce médicament comme médicament orphelin ainsi qu’une évaluation des pertes de chiffre d’affaires résultant de la radiation dudit médicament du registre communautaire des médicaments orphelins.
61 En outre, la requérante fait valoir, en substance, que la radiation du Trecondi – tréosulfan du registre communautaire des médicaments orphelins avant qu’une décision ne soit rendue dans la procédure principale entraîne, dans son chef, des effets analogues à ceux subis par l’entreprise concernée dans ladite affaire. En effet, selon la requérante, si les fabricants de médicaments génériques obtiennent une autorisation de mise sur le marché pour un médicament en se référant au Trecondi –
tréosulfan, ces derniers pourront exploiter, de manière irréversible, les études cliniques transmises par la requérante dans le cadre de la procédure d’autorisation de mise sur le marché de ce médicament, lesquelles contiendraient des informations commerciales confidentielles.
62 En second lieu, le président du Tribunal aurait, au point 40 de l’ordonnance attaquée, jugé à tort que la requérante n’avait pas soutenu que le préjudice qu’elle invoquait, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, n’était pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate.
63 La Commission conteste cette argumentation.
Appréciation
64 Il y a lieu de relever que, au point 33 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a jugé que la requérante n’était pas fondée à soutenir que ses dépenses pour l’obtention du statut de médicament orphelin avaient été engagées en pure perte et que son préjudice consistait dans des pertes de chiffre d’affaires s’étendant sur plus de dix ans.
65 Par ailleurs, aux points 34 et 36 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a estimé, en substance, qu’il devait disposer, conformément à la jurisprudence citée aux points 19 et 22 de cette ordonnance, d’indications relatives à la situation financière de la requérante aux fins d’apprécier si le préjudice invoqué par celle-ci devait être considéré comme étant grave et irréparable.
66 Enfin, ainsi qu’il ressort du point 53 de la présente ordonnance, le président du Tribunal a, au point 40 de l’ordonnance attaquée, jugé que la requérante n’avait pas soutenu que le préjudice qu’elle invoquait, à savoir les dépenses pour le maintien de la désignation du Trecondi – tréosulfan comme médicament orphelin ainsi que la perte de chiffre d’affaires, n’était pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate.
67 Force est donc de constater que le président du Tribunal n’a pas apprécié, aux points 33 à 36 ainsi qu’au point 40 de cette ordonnance, la question de savoir si la requérante se trouvait dans une situation comparable à l’entreprise concernée dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1^er septembre 2015, Pari Pharma/EMA (T‑235/15 R, EU:T:2015:587).
68 En effet, le président du Tribunal a effectué cette appréciation aux points 41 à 43 de l’ordonnance attaquée, qui ne sont pas contestés par la requérante.
69 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante au soutien de ce moyen procède d’une lecture erronée de l’ordonnance attaquée et doit, par suite, être écartée.
70 Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être rejeté.
71 Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.
Sur les dépens
72 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
73 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
74 La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Medac Gesellschaft für klinische Spezialpräparate mbH est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure : l’allemand.