ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
4 mars 2020 ( *1 )
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Appréciation de la similitude des signes en conflit – Appréciation globale du risque de confusion – Prise en compte des conditions de commercialisation – Neutralisation d’une similitude phonétique par des différences visuelle et conceptuelle – Conditions de la neutralisation »
Dans l’affaire C‑328/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 mai 2018,
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Equivalenza Manufactory SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes G. Macías Bonilla, G. Marín Raigal et E. Armero Lavie, abogados,
partie demanderesse en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe (rapporteure) et M. N. Piçarra, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 novembre 2019,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2018, Equivalenza Manufactory/EUIPO – ITM Entreprises (BLACK LABEL BY EQUIVALENZA) (T‑6/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:119), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 11 octobre 2016 (affaire R 690/2016-2), relative à une procédure d’opposition entre ITM
Entreprises SAS et Equivalenza Manufactory SL (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Néanmoins, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause dans la présente affaire, en l’occurrence le 16 décembre 2014, qui est déterminante
aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009.
3 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement :
« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :
[...]
b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »
Les antécédents du litige
4 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 10 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de l’examen du pourvoi formé par l’EUIPO, ils peuvent être résumés comme suit.
5 Le 16 décembre 2014, Equivalenza Manufactory a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO pour le signe figuratif suivant :
Image
6 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Parfums ».
7 La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 240/2014, du 19 décembre 2014.
8 Le 18 mars 2015, ITM Entreprises a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 6 du présent arrêt, au motif de l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
9 L’opposition était fondée, notamment, sur la marque figurative antérieure, telle que reproduite ci-après, faisant l’objet de l’enregistrement international no 1079410, désignant la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie, enregistrée le 1er avril 2011 et visant les « [e]aux de Cologne, [les] déodorants à
usage personnel (parfum) [et les] parfums » :
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10 Par décision du 2 mars 2016, la division d’opposition a fait droit à l’opposition formée par ITM Entreprises en raison de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent en République tchèque, en Hongrie, en Pologne et en Slovénie.
11 Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par Equivalenza Manufactory contre la décision de la division d’opposition. Cette chambre de recours a constaté que le public pertinent était composé du grand public de ces quatre États membres, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, et que les produits en cause étaient identiques. S’agissant de la comparaison des signes en conflit, elle a considéré que ces signes présentaient un degré moyen de
similitude visuelle et phonétique ainsi que des différences sur le plan conceptuel. Au terme d’une appréciation globale du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, elle a conclu qu’il existait un tel risque dans l’esprit du public pertinent.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2017, Equivalenza Manufactory a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
13 À l’appui de son recours, elle a soulevé un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
14 Dans l’arrêt attaqué, dans un premier temps, le Tribunal a relevé que les signes en conflit produisaient une impression d’ensemble différente sur le plan visuel, qu’ils présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique et qu’il existait entre eux une différence sur le plan conceptuel résultant de la présence, dans le signe dont l’enregistrement est demandé, du mot « black » et de l’élément « by equivalenza ». Dans un second temps, le Tribunal a, au titre d’une appréciation de la
similitude de ces signes dans leur ensemble et tenant compte des conditions de commercialisation des produits en cause, estimé que, en raison de leurs différences sur les plans visuel et conceptuel, lesdits signes n’étaient pas similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
15 Dès lors, l’une des conditions cumulatives d’application de cette disposition faisant défaut, le Tribunal a conclu, au point 56 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait commis une erreur de droit en constatant l’existence d’un risque de confusion, au sens de ladite disposition.
16 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a donc accueilli le moyen unique soulevé par Equivalenza Manufactory et a, partant, annulé la décision litigieuse.
Les conclusions des parties
17 Par son pourvoi, l’EUIPO demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et
– de condamner Equivalenza Manufactory aux dépens.
18 Equivalenza Manufactory demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
Sur le pourvoi
19 À l’appui de son pourvoi, l’EUIPO soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Ce moyen s’articule en quatre branches.
Sur la première branche du moyen unique
Argumentation des parties
20 Par la première branche du moyen unique du pourvoi, l’EUIPO allègue que le Tribunal a entaché la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel d’une contradiction de motifs.
21 Ainsi, d’un côté, en considérant, au point 29 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours ne pouvait conclure à l’absence de toute similitude entre les signes en conflit en raison de la présence, dans les deux signes, des cinq lettres « l », « a », « b », « e » et « l », écrites en lettres majuscules de couleur blanche, le Tribunal aurait confirmé l’existence d’une similitude visuelle faible entre ces signes. Or, de l’autre côté, en affirmant, aux points 32 et 33 de cet arrêt, que l’impression
d’ensemble produite par chacun desdits signes était différente sur le plan visuel, le Tribunal aurait implicitement écarté tout constat de similitude visuelle entre les mêmes signes.
22 L’EUIPO ajoute, par ailleurs, que l’élément « label », commun aux signes en conflit, est dépourvu de signification pour le public pertinent et que, partant, cet élément est distinctif.
23 Equivalenza Manufactory rétorque que le Tribunal a considéré, à bon droit et sans se contredire, que les quelques éléments de similitude visuelle étaient insuffisants pour contrebalancer les différences visuelles évidentes entre les signes en conflit. Il conviendrait, en effet, de procéder à la comparaison de ces signes sur le plan visuel eu égard à tous les éléments, tant verbaux que graphiques, dont lesdits signes sont composés.
24 La circonstance, alléguée par l’EUIPO, que l’élément « label », commun aux signes en conflit, serait distinctif n’impliquerait pas qu’il soit l’unique élément dotant ces signes d’un caractère distinctif ou qu’il en soit l’élément dominant. En toute hypothèse, cet argument relèverait plutôt d’une comparaison conceptuelle.
Appréciation de la Cour
25 À titre liminaire, il convient de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 74, et du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 63).
26 Au point 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les constatations effectuées par la chambre de recours, exposées au point 28 de cet arrêt, selon lesquelles, d’une part, les signes en conflit avaient en commun les cinq lettres « l », « a », « b », « e » et « l » et, d’autre part, l’élément « black label » du signe dont l’enregistrement est demandé et l’élément « labell » de la marque antérieure étaient écrits en lettres majuscules de couleur blanche, « ne pouvaient conduire [cette
chambre] à conclure à l’absence de toute similitude entre les signes en conflit ». Ce faisant, le Tribunal a laissé entendre que, comme le relève à juste titre l’EUIPO, ces signes étaient, à tout le moins faiblement, similaires.
27 Or, au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en dépit de ces éléments de similitude, les signes en conflit produisaient une impression d’ensemble différente sur le plan visuel. Le Tribunal a ainsi exclu tout constat d’une similitude, même faible, entre ces signes.
28 Il s’ensuit que, en laissant entendre, d’un côté, que les signes en conflit étaient, à tout le moins faiblement, similaires sur le plan visuel et en excluant, de l’autre côté, toute similitude visuelle entre ces signes, le Tribunal a entaché son appréciation d’une contradiction de motifs.
29 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument d’Equivalenza Manufactory selon lequel le Tribunal a considéré, à bon droit, que les éléments de similitude visuelle relevés étaient insuffisants pour contrebalancer les différences visuelles entre les signes en conflit. Cet argument procède, en effet, d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Ainsi, comme cela ressort du point 26 du présent arrêt, le Tribunal ne s’est pas contenté de relever certains éléments de similitude visuelle entre
les signes en conflit. Au contraire, il a indiqué, implicitement mais clairement, au point 29 de l’arrêt attaqué, que ces éléments impliquaient la constatation d’une similitude visuelle, à tout le moins faible, entre ces signes, contredisant ainsi la conclusion tirée au point 32 de cet arrêt.
30 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du moyen unique du pourvoi.
Sur la deuxième branche du moyen unique
Argumentation des parties
31 Par la deuxième branche du moyen unique du pourvoi, l’EUIPO met en doute le bien-fondé de la comparaison conceptuelle des signes en conflit effectuée par le Tribunal.
32 D’une part, le Tribunal aurait omis de tenir compte des importantes nuances exposées par la chambre de recours aux points 28 et 31 de la décision litigieuse, desquels il ressortirait que la différence conceptuelle relevée par cette chambre était limitée et, en définitive, non pertinente. Par contraste, le Tribunal aurait, aux points 45 et 54 de l’arrêt attaqué, constaté l’existence d’une différence entre les signes en conflit sur le plan conceptuel. Il aurait omis de motiver cet écart par rapport
aux considérations plus nuancées de cette décision.
33 D’autre part, le Tribunal aurait méconnu la teneur de son arrêt du 30 novembre 2006, Camper/OHMI – JC (BROTHERS by CAMPER) (T‑43/05, non publié, EU:T:2006:370, point 79), qu’il aurait lui-même cité, et ignoré les conclusions que la chambre de recours en avait tirées au point 28 de la décision litigieuse.
34 Equivalenza Manufactory conteste le bien-fondé de cette branche.
Appréciation de la Cour
35 Aux points 42 à 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait relevé, à bon droit, qu’il existait une différence entre les signes en conflit sur le plan conceptuel « résultant de la présence, dans le signe [dont l’enregistrement est demandé], du mot “black” et de l’élément “by equivalenza” ».
36 Toutefois, comme l’allègue l’EUIPO, il ressort d’une lecture des points 28 et 31 de la décision litigieuse que la chambre de recours n’avait constaté de différence conceptuelle entre ces signes que dans la mesure où le signe dont l’enregistrement est demandé comportait l’adjectif « black ».
37 Il s’ensuit que le Tribunal a erronément retranscrit la conclusion tirée par la chambre de recours.
38 Cependant, rien n’empêchait le Tribunal de procéder, en l’espèce, à sa propre appréciation de la similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel, dès lors que celle-ci était contestée devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 47 et 48).
39 Il s’ensuit que l’argument tiré de l’erreur, telle qu’elle a été relevée au point 37 du présent arrêt, doit être écarté comme inopérant.
40 Pour le surplus, dans la mesure où l’EUIPO conteste, devant la Cour, l’appréciation, par le Tribunal, de la similitude conceptuelle des signes en conflit, il y a lieu de relever que cette appréciation relève d’une appréciation factuelle, laquelle échappe, sous réserve d’une dénaturation, à la compétence de la Cour sur pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 50). L’EUIPO n’ayant pas démontré, ni même allégué, de
dénaturation, cette argumentation doit être écartée comme irrecevable.
41 Partant, la deuxième branche du moyen unique du pourvoi doit être écartée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, inopérante.
Sur les troisième et quatrième branches du moyen unique
Argumentation des parties
42 Par la troisième branche du moyen unique du pourvoi, l’EUIPO fait valoir que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en raison d’une erreur de méthode, en ce qu’il a examiné les conditions de commercialisation des produits en cause et les habitudes d’achat du public pertinent lors de l’appréciation de la similitude des signes en conflit.
43 Or, l’appréciation du degré de similitude entre ces signes devrait être effectuée de manière objective, sans tenir compte des habitudes d’achat du public pertinent ou des conditions de commercialisation des produits en cause. Selon l’arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27), ce ne serait qu’après détermination objective de ce degré qu’il y aurait lieu, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion, d’examiner les conditions de
commercialisation des produits en cause et d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder, au vu de ces conditions, à l’un ou à l’autre degré de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle.
44 La méthode suivie par le Tribunal conduirait, de surcroît, à des résultats absurdes en ce sens que, en fonction des produits en cause, des signes seraient déclarés similaires ou non.
45 Par la quatrième branche de ce moyen, l’EUIPO reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en raison d’erreurs de droit affectant l’appréciation de la similitude des signes en conflit.
46 En premier lieu, l’EUIPO conteste la méthode suivie par le Tribunal, en ce que celui-ci aurait omis de tenir compte de l’ensemble des éléments de similitude et de différence des signes en conflit dans l’appréciation d’ensemble. Ainsi, au point 28 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait prématurément exclu de son examen tous les éléments de similitude visuelle entre ces signes en raison des différences visuelles relevées au titre d’une première appréciation d’ensemble desdits signes. Il aurait
ensuite utilisé ces différences visuelles au titre d’une seconde appréciation d’ensemble des mêmes signes, aux points 53 et 55 de cet arrêt, pour neutraliser leur similitude phonétique. Cette double neutralisation, fondée sur les mêmes éléments de différence et l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, serait constitutive d’une erreur de droit et dénaturerait les principes jurisprudentiels.
47 En second lieu, l’EUIPO fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de méthode en ce qu’il a procédé à la neutralisation de la similitude phonétique moyenne des signes en conflit au stade de l’appréciation de la similitude de ces signes et en ce qu’il a prématurément renoncé à effectuer toute appréciation globale du risque de confusion.
48 En effet, d’abord, la neutralisation de similitudes visuelles et/ou phonétiques en raison des différences conceptuelles devrait avoir lieu au stade de l’appréciation globale du risque de confusion, effectuée sur la base de l’ensemble des éléments de ressemblance et de différence initialement relevés. Cette neutralisation ne saurait consister à simplement ignorer les similitudes préalablement constatées.
49 Ensuite, il ne saurait être exclu que la seule similitude phonétique des signes en conflit puisse créer un risque de confusion, dont l’existence devrait être examinée au terme d’une appréciation globale de ce risque.
50 Enfin, l’appréciation globale du risque de confusion ne pourrait être omise que lorsque toute similitude, même faible, entre les signes en conflit est exclue, ce qui ne serait pas le cas lorsqu’un degré de similitude est constaté en ce qui concerne l’un des trois aspects pertinents, à savoir visuel, phonétique ou conceptuel. Dès lors qu’une certaine similitude, même faible, est constatée, il conviendrait de procéder à l’appréciation globale du risque de confusion.
51 Equivalenza Manufactory conteste le bien-fondé des troisième et quatrième branches du moyen unique du pourvoi.
52 S’agissant de la troisième branche, si Equivalenza Manufactory admet, en substance, les explications de l’EUIPO, résumées au point 43 du présent arrêt, quant à la méthode d’analyse, telle qu’elle ressortirait de l’arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, EU:C:1999:323), elle estime toutefois que le Tribunal s’est conformé à cette méthode en l’espèce. En effet, le Tribunal aurait, dans un premier temps, évalué, de manière individualisée, objective et détaillée, les degrés de
similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel des signes en conflit, avant de procéder, dans un second temps, à l’appréciation globale de leur similitude ou à l’analyse du risque de confusion, en tenant compte, à ce dernier stade seulement, des habitudes d’achat du public pertinent.
53 S’agissant de la quatrième branche, Equivalenza Manufactory souligne d’emblée que, afin d’apprécier le degré de similitude entre deux signes en conflit, il peut être approprié d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder aux aspects visuel, phonétique et conceptuel, en tenant compte de la catégorie de produits en cause et des conditions de leur commercialisation. Or, ces produits, à savoir des parfums, seraient toujours vus avant d’être achetés, comme le Tribunal l’aurait rappelé à bon droit,
au point 51 de l’arrêt attaqué. Une plus grande importance devrait, partant, être accordée aux similitudes visuelles dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes en conflit dans leur ensemble ou de l’appréciation globale du risque de confusion.
54 En premier lieu, tout en critiquant le manque de clarté de l’argumentation de l’EUIPO, Equivalenza Manufactory soutient que la méthode appliquée par le Tribunal n’est entachée d’aucune erreur de droit. Le Tribunal aurait, en effet, procédé à deux appréciations distinctes, considérant, d’abord, que les signes en conflit étaient différents sur le plan visuel eu égard à leurs éléments de ressemblance et de dissemblance visuelles, et, ensuite, que ces signes étaient différents dans l’ensemble eu
égard à leurs grandes différences sur les plans visuel et conceptuel, indépendamment des similitudes mineures prises en compte, et compte tenu de la faible incidence de l’aspect phonétique pour la catégorie de produits considérée.
55 En second lieu, Equivalenza Manufactory fait valoir qu’il ressort d’une interprétation téléologique des points 46 et suivants de l’arrêt attaqué que le Tribunal a effectué une appréciation globale du risque de confusion. En toute hypothèse, le Tribunal serait parvenu à la même conclusion s’il avait tenu compte des rares similitudes entre les signes en conflit au stade de l’appréciation de la similitude de ces signes dans leur ensemble ou, ultérieurement, au stade de l’appréciation globale du
risque de confusion.
Appréciation de la Cour
56 Par les troisième et quatrième branches du moyen unique du pourvoi, qu’il convient d’examiner ensemble, l’EUIPO reproche, en substance, au Tribunal d’avoir recouru à une méthode erronée d’examen du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. L’EUIPO considère ainsi que le Tribunal ne pouvait, au stade de l’appréciation de la similitude des signes en conflit dans leur ensemble, tenir compte des modes de commercialisation des produits en cause et
procéder à une neutralisation des similitudes entre ces signes pour exclure toute similitude entre lesdits signes et renoncer à effectuer l’appréciation globale du risque de confusion.
57 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 22, et du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 20), parmi lesquels figurent notamment le degré de similitude entre les signes en conflit et entre les produits ou les
services désignés en cause ainsi que l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 64).
58 L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. La perception des signes qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale de ce risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails
(arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25, et du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 35).
59 Cette appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des signes en conflit et celle des produits ou des services en cause. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes en conflit et inversement (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19, ainsi que du
18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 46 et jurisprudence citée).
60 Cela étant, en l’absence de toute similitude entre la marque antérieure et le signe dont l’enregistrement est demandé, la notoriété ou la renommée de la marque antérieure, l’identité ou la similitude des produits ou des services en cause ne suffisent pas pour constater un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, EU:C:2004:611, point 54, et du 2 septembre 2010, Calvin Klein
Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 53). En effet, l’identité ou la similitude des signes en conflit est une condition nécessaire de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, de telle sorte que cette disposition est manifestement inapplicable lorsque le Tribunal écarte toute similitude entre les signes en conflit. C’est uniquement dans l’hypothèse où ces signes présentent une certaine similitude, même faible, qu’il incombe à cette
juridiction de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si, nonobstant le faible degré de similitude entre ceux-ci, il existe, en raison de la présence d’autres facteurs pertinents, tels que la notoriété ou la renommée de la marque antérieure, un risque de confusion dans l’esprit du public concerné (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 65 et 66 ainsi que jurisprudence citée).
61 En l’espèce, c’est en application de la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, laquelle est, en substance, rappelée au point 16 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a jugé, aux points 55 et 56 de cet arrêt, que, les signes en conflit n’étant, selon une impression d’ensemble, pas similaires, l’une des conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 faisait défaut, de telle sorte que la chambre de recours avait commis une erreur
de droit en constatant l’existence d’un risque de confusion.
62 Le Tribunal a tiré cette conclusion au terme d’une analyse comportant, en substance, deux étapes.
63 Dans un premier temps, aux points 26 à 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. En substance, il a constaté, aux points 32, 39 et 45 de l’arrêt attaqué, que les signes en conflit étaient dissemblables sur les plans visuel et conceptuel, mais présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.
64 Dans un second temps, aux points 46 à 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une appréciation de la similitude des signes en conflit dans leur ensemble, qui fait l’objet des présentes branches du moyen unique.
65 Dans ce cadre, il a considéré, ainsi qu’il ressort des points 48 et 51 à 53 de cet arrêt, que, eu égard aux conditions de commercialisation des produits en cause, l’aspect visuel des signes en conflit, au regard duquel ces signes étaient différents, était plus important dans l’appréciation de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci que ne le sont les aspects phonétique et conceptuel desdits signes. En outre, le Tribunal a relevé, au point 54 dudit arrêt, que les signes en conflit étaient
différents sur le plan conceptuel en raison de la présence, dans le signe dont l’enregistrement est demandé, des éléments « black » et « by equivalenza ».
66 Par conséquent, il découle de l’arrêt attaqué que le Tribunal a renoncé à effectuer l’appréciation globale du risque de confusion, au motif que les signes en conflit n’étaient, selon une impression d’ensemble, pas similaires. En effet, au terme d’une appréciation de la similitude de ces signes dans leur ensemble, il a conclu, en substance, que, malgré leur degré moyen de similitude phonétique, lesdits signes n’étaient pas similaires en raison de leurs dissemblances visuelles, prépondérantes au
regard des conditions de commercialisation, et conceptuelles.
67 Cette appréciation est entachée d’erreurs de droit.
68 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que la Cour a jugé que, afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les signes en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd
Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27, et du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 36).
69 Il est vrai que, comme M. l’avocat général l’a en substance exposé aux points 53 à 55 de ses conclusions, cette jurisprudence a donné lieu à des applications divergentes par le juge de l’Union, en ce sens que les conditions de commercialisation ont pu être prises en compte au stade, selon le cas, de l’appréciation de la similitude des signes en conflit ou de l’appréciation globale du risque de confusion.
70 Toutefois, il y a lieu de préciser que, si les conditions de commercialisation constituent un facteur pertinent dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, leur prise en compte relève de l’étape de l’appréciation globale du risque de confusion et non de celle de l’appréciation de la similitude des signes en conflit.
71 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a observé aux points 69, 73 et 74 de ses conclusions, l’appréciation de la similitude des signes en conflit, qui ne constitue que l’une des étapes de l’examen du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, implique de comparer les signes en conflit afin de déterminer si ces signes présentent, sur l’un ou l’autre des plans visuel, phonétique et conceptuel, un degré de similitude. Si cette comparaison doit
s’appuyer sur l’impression d’ensemble que lesdits signes laissent dans la mémoire du public pertinent, elle doit néanmoins s’opérer eu égard aux qualités intrinsèques des signes en conflit (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 46).
72 Or, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, la prise en compte des conditions de commercialisation des produits ou des services visés par deux signes en conflit aux fins de la comparaison de ces signes pourrait conduire au résultat absurde que les mêmes signes seraient susceptibles d’être qualifiés de similaires ou de différents en fonction des produits et des services qu’ils visent et des conditions dans lesquelles ces derniers sont commercialisés.
73 Il découle de ce qui précède que, en tenant compte, aux points 48 à 53 et 55 de l’arrêt attaqué, des conditions de commercialisation des produits en cause au stade d’une appréciation de la similitude des signes en conflit dans leur ensemble et en faisant primer, en raison de ces conditions, les différences visuelles relevées entre ces signes sur leur similitude phonétique, le Tribunal a commis une erreur de droit.
74 En second lieu, dans la mesure où le Tribunal a également mis en exergue, au stade de son appréciation de la similitude des signes en conflit dans leur ensemble, leur dissemblance conceptuelle, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre les signes en conflit peuvent neutraliser des similitudes phonétique et visuelle entre ces deux signes, pour autant qu’au moins l’un de ceux-ci ait,
dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public soit susceptible de la saisir directement (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, EU:C:2006:25, point 20, ainsi que du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, EU:C:2006:194, point 35).
75 À cet égard, la Cour a jugé, au point 44 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO (C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737), que l’appréciation des conditions d’une telle neutralisation s’intègre dans l’appréciation de la similitude des signes en conflit après l’évaluation des degrés de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Il convient toutefois de préciser que cette considération est intrinsèquement liée à l’hypothèse, exceptionnelle, dans laquelle au moins l’un des signes
en conflit a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire, déterminée et pouvant être saisie directement par ce public. Il s’ensuit que ce n’est que si ces conditions sont réunies que, conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, le Tribunal peut faire l’économie de l’appréciation globale du risque de confusion au motif que, en raison des différences conceptuelles marquées entre les signes en conflit et de la signification claire, déterminée et
directement saisissable pour le public pertinent d’au moins l’un de ces signes, ces signes produisent une impression d’ensemble différente, en dépit de l’existence, entre eux, de certains éléments de similitude sur le plan visuel ou phonétique.
76 En revanche, à défaut, pour l’un et l’autre des signes en conflit, d’avoir une telle signification claire, déterminée et directement saisissable pour le public pertinent, le Tribunal ne saurait procéder à une neutralisation en faisant l’économie de l’analyse globale du risque de confusion. Dans un tel cas, il revient, au contraire, à cette juridiction de procéder à une analyse globale de ce risque en tenant compte de l’ensemble des éléments de similitude et de différence relevés au même titre que
l’ensemble des autres éléments pertinents, tels que le degré d’attention du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, EU:C:2006:25, points 21 et 23) ou le degré de caractère distinctif de la marque antérieure.
77 Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce que, aux points 54 et 55 de l’arrêt attaqué, il a entendu neutraliser la similitude des signes en conflit sur le plan phonétique au regard de leur dissemblance conceptuelle et a renoncé à l’analyse globale du risque de confusion, alors même qu’il n’a nullement constaté, ni même vérifié, que, en l’espèce, au moins l’un des signes en cause avait, dans l’esprit du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte
que ce public soit susceptible de la saisir directement.
78 Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir les troisième et quatrième branches du moyen unique du pourvoi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments présentés par l’EUIPO à propos d’une prétendue double neutralisation des similitudes visuelles entre les signes en conflit.
79 Par suite, eu égard aux conclusions tirées aux points 30 et 78 du présent arrêt, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.
Sur le recours devant le Tribunal
80 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.
Arguments des parties
81 Au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, Equivalenza Manufactory fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs d’appréciation au stade de la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, entachant ainsi d’erreurs l’appréciation globale du risque de confusion.
82 En premier lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, Equivalenza Manufactory allègue que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que ces signes étaient similaires sur le plan visuel. En substance, cette chambre aurait erronément réduit le signe dont l’enregistrement est demandé à l’élément verbal « label », et plus spécifiquement aux cinq lettres qui le composent, en ignorant la valeur et le caractère distinctif de ses autres éléments verbaux et figuratifs.
83 Sur le plan phonétique, dès lors que les signes en conflit posséderaient une intonation et un rythme différents, ils produiraient un son clairement différent.
84 Sur le plan conceptuel, les mots « label » et « black » seraient des mots courants de la langue anglaise, compris des consommateurs pertinents, alors que le mot « labell » ne posséderait aucune signification et serait ainsi considéré comme un mot fantaisiste. Si la chambre de recours a, à juste titre, estimé que ces signes étaient ainsi différents sur ce plan, elle aurait manqué d’accorder une importance suffisante à cette différence dans le cadre de sa comparaison desdits signes.
85 En second lieu, s’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, Equivalenza Manufactory soutient que les différences entre les signes en conflit revêtent plus d’importance que leurs éléments de ressemblance. De nombreux parfums seraient commercialisés sous des signes comportant l’élément verbal « label », de telle sorte que le public pertinent serait en mesure d’identifier ce terme. Une liste de marques produite par Equivalenza Manufactory l’attesterait. Il conviendrait de tenir
compte de la circonstance que les parfums sont toujours achetés à vue. Il ne saurait être considéré que le signe dont l’enregistrement est demandé serait perçu comme une variante de la marque antérieure eu égard aux différences entre les éléments visuels des signes en conflit, qui sont des signes figuratifs.
86 L’EUIPO conteste l’ensemble de ces arguments.
Appréciation de la Cour
87 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est constant entre les parties que le public pertinent est composé du grand public de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovénie, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Il est également constant entre les parties que les produits en cause sont identiques.
88 S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a estimé, aux points 24 à 28 de la décision litigieuse, que ces signes présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique et que, dans la mesure où l’adjectif « black » serait compris par le public pertinent, ils étaient différents sur le plan conceptuel.
89 À cet égard, il convient d’observer que le signe dont l’enregistrement est demandé est un signe figuratif comprenant l’élément verbal « black label », écrit en lettres majuscules blanches au milieu d’une forme géométrique quadrilatère de couleur noire surmontée de deux feuilles stylisées. Dans la partie inférieure de ce signe figurent les termes « by equivalenza », écrits en diagonale dans une police de caractères plus petite de couleur noire sur fond blanc. Les éléments figuratifs dudit signe
ainsi que la stylisation des éléments verbaux de ce dernier sont relativement simples. Eu égard à son positionnement central et à sa taille, l’élément verbal « black label » forme l’élément dominant du même signe en ce qu’il attirera particulièrement l’attention du consommateur. Cet élément apparaît comme un tout, au sein duquel l’adjectif « black » est mis en lumière en ce qu’il figure, en caractères gras, au début dudit élément.
90 La marque antérieure comprend l’élément verbal « labell » écrit en lettres majuscules blanches dans un ovale de couleur bleu. Sa forme ovale, sa couleur et la police de caractères utilisée sont peu originales. Le positionnement du mot « labell » au centre de cette forme ainsi que le contraste entre la couleur blanche de ces lettres par rapport au fond bleu tendent à mettre en lumière l’élément verbal « labell ».
91 Premièrement, il apparaît ainsi que, sur le plan visuel, les signes en conflit ont en commun les cinq lettres « l », « a », « b », « e » et « l », figurant en lettres majuscules de couleur blanche et dans une police de caractères banale sur un fond plus foncé. Ces lettres constituent l’un des éléments verbaux du signe dont l’enregistrement est demandé et les cinq premières lettres de l’élément verbal unique, composé de six lettres au total, et dominant dont est composée la marque antérieure.
92 En revanche, les signes en conflit diffèrent, d’une part, en leurs couleurs et en leurs éléments graphiques. Compte tenu de leur taille, ces éléments occupent, dans l’impression visuelle de ces signes, une place non négligeable. De surcroît, si la forme quadrilatère et les deux feuilles stylisées du signe dont l’enregistrement est demandé sont, en elles‑mêmes, relativement simples, leur combinaison influe de manière considérable sur l’impression visuelle de ce signe.
93 D’autre part, lesdits signes diffèrent du fait de la présence, dans le signe dont l’enregistrement est demandé, du mot « black » et des termes « by equivalenza ». Si ces derniers occupent une place secondaire dans le signe dont l’enregistrement est demandé, le premier y est mis en exergue par ses caractères gras et sa position centrale.
94 Eu égard aux éléments mentionnés aux points 89 à 93 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel.
95 Deuxièmement, sur le plan phonétique, les signes en conflit ont en commun le terme « label » ou « labell » qui sera prononcé de manière identique par le public pertinent. En revanche, ils diffèrent en ce que, tandis que la marque antérieure est composée du seul mot « labell », comportant deux syllabes, le signe dont l’enregistrement est demandé est composé de quatre mots et contient neuf syllabes au total. Cependant, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de considérer qu’il est
probable que les consommateurs ne prononceront pas les termes « by equivalenza » dans la mesure où ceux-ci occupent une position secondaire dans le signe dont l’enregistrement est demandé et que, eu égard à la longueur des quatre mots, les consommateurs auront tendance à abréger l’expression « black label by equivalenza » en prononçant seulement les deux premiers mots qu’elle comporte.
96 C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude phonétique.
97 Troisièmement, sur le plan conceptuel, il importe de relever qu’il n’est pas établi que le public pertinent comprenne la signification du mot anglais « label », de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que la marque antérieure sera perçue comme étant constituée d’un mot fantaisiste, dépourvu de signification. En revanche, le public pertinent comprend l’adjectif « black », en tant que mot de base de la langue anglaise, comme descriptif d’une couleur et sera également en mesure de comprendre les
mots « by equivalenza » comme une indication que les produits en cause proviennent d’Equivalenza Manufactory.
98 Au vu de ce qui précède, il apparaît que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle ainsi que de similitude phonétique et que ces signes sont différents sur le plan conceptuel.
99 Dans la mesure où Equivalenza Manufactory fait valoir que les différences conceptuelles entre les signes en conflit sont de nature à neutraliser les similitudes entre ces signes, il suffit de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 74 du présent arrêt, une telle neutralisation requiert qu’au moins l’un des deux signes ait, dans l’esprit du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public soit susceptible de la saisir directement. Or,
eu égard aux considérations figurant au point 97 du présent arrêt, tel ne saurait être le cas en l’espèce.
100 S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté que, comme la chambre de recours l’a noté au point 29 de la décision litigieuse, la marque antérieure possède un caractère distinctif moyen. Il convient également de tenir compte du fait que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention moyen et que les produits couverts par les signes en conflit sont identiques.
101 Au vu de ces éléments, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 32 de la décision litigieuse, qu’il existe un risque de confusion entre les signes en conflit, pour le public pertinent.
102 La seule présence, dans le signe dont l’enregistrement est demandé, des termes « black » et « by equivalenza » ne suffit pas pour écarter un tel risque. En effet, d’une part, il ressort des motifs figurant aux points 89 à 96 du présent arrêt que, en dépit de la présence de ces termes, les signes en conflit présentent, sur les plans visuel et phonétique, un degré moyen de similitude, dont il est dûment tenu compte dans la présente appréciation globale du risque de confusion. D’autre part,
l’adjectif « black » constitue un terme purement descriptif d’une couleur de base et les termes « by equivalenza » ne trouvent aucune indication analogue dans la marque antérieure.
103 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le moyen unique soulevé par Equivalenza Manufactory et, partant, de rejeter le recours.
Sur les dépens
104 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
105 En l’espèce, l’EUIPO ayant conclu à la condamnation d’Equivalenza Manufactory aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’EUIPO relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T‑6/17 qu’à la procédure de pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2018, Equivalenza Manufactory/EUIPO – ITM Entreprises (BLACK LABEL BY EQUIVALENZA) (T‑6/17, non publié, EU:T:2018:119), est annulé.
2) Le recours en annulation introduit par Equivalenza Manufactory SL devant le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑6/17 est rejeté.
3) Equivalenza Manufactory SL supportera, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T‑6/17 qu’à la procédure de pourvoi, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) relatifs à ces procédures.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.