ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
3 décembre 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/96/CE – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Article 21, paragraphe 3 – Absence de fait générateur de la taxe – Consommations de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement où ils ont été fabriqués effectuées pour la production de produits énergétiques finaux lors desquelles sont également obtenus, de manière inévitable, des produits non énergétiques »
Dans l’affaire C‑44/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par décision du 27 juin 2018, parvenue à la Cour le 24 janvier 2019, dans la procédure
Repsol Petróleo SA
contre
Administración General del Estado,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Juhász (rapporteur), C. Lycourgos et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2020,
considérant les observations présentées :
– pour Repsol Petróleo SA, initialement par Mes F. Bonastre Capell et M. Muñoz Pérez, puis par Mes F. Bonastre Capell et M. Linares Gil, abogados,
– pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, O. Serdula et J. Vláčil, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. P. Arenas et Mme A. Armenia, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2020,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Repsol Petróleo SA (ci-après « Repsol ») à l’Administración General del Estado (administration générale de l’État, Espagne) au sujet de la décision de cette dernière de soumettre à l’accise sur les huiles minérales la consommation, à des fins productives, des huiles minérales que Repsol a elle-même produites, dans la mesure où cette production a généré des produits résiduels autres que des produits énergétiques.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 92/81/CEE
3 L’article 4, paragraphe 3, de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 12), disposait :
« La consommation d’huiles minérales dans l’enceinte d’un établissement produisant des huiles minérales n’est pas considérée comme un fait générateur de l’accise lorsqu’elle s’effectue aux fins de la production.
Toutefois, lorsque cette consommation s’effectue à des fins étrangères à cette production et, en particulier, pour la propulsion de véhicules, elle est considérée comme un fait générateur de l’accise. »
La directive 2003/96
4 Les considérants 3 à 5 de la directive 2003/96 énoncent :
« (3) Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.
(4) D’importants écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie appliqués par les États membres pourraient s’avérer préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur.
(5) La fixation à des niveaux appropriés des minima communautaires de taxation peut permettre de diminuer les écarts actuels entre les niveaux nationaux de taxation. »
5 L’article 1er de cette directive dispose :
« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »
6 Aux fins de l’application de la directive 2003/96, l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci énumère les produits qui sont considérés comme étant des « produits énergétiques ».
7 Conformément à l’article 2, paragraphe 4, sous b), premier tiret, de la directive 2003/96, celle-ci ne s’applique pas aux utilisations des produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.
8 L’article 21, paragraphe 3, de ladite directive est libellé comme suit :
« La consommation de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques n’est pas considérée comme un fait générateur de la taxe si la consommation consiste en produits énergétiques produits dans l’enceinte de l’établissement. Les États membres peuvent également considérer la consommation d’électricité et d’autres produits énergétiques qui ne sont pas produits dans l’enceinte d’un tel établissement et la consommation de produits énergétiques et
d’électricité dans l’enceinte d’un établissement produisant des combustibles destinés à être utilisés pour la production d’électricité comme n’étant pas un fait générateur. Lorsque la consommation vise des fins qui ne sont pas liées à la production de produits énergétiques, et notamment la propulsion de véhicules, elle est considérée comme un fait générateur donnant lieu à taxation. »
Le droit espagnol
9 L’article 47 de la Ley 38/1992 de Impuestos Especiales (loi 38/1992 sur les impôts spéciaux), du 28 décembre 1992 (BOE no 312, du 29 décembre 1992, p. 44305), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après la « LIE »), intitulé « Cas d’exonération », dispose, à son paragraphe 1, sous b) :
« Ne sont pas soumises à l’impôt, les opérations d’autoconsommation qui impliquent :
[...]
b) l’utilisation d’huiles minérales en tant que combustible dans le processus de fabrication d’huiles minérales sous un régime de suspension de droits. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
10 Repsol, société de droit espagnol, est active, entre autres, dans le secteur de la fabrication de produits énergétiques issus du raffinage du pétrole brut. En dehors des produits énergétiques, le processus de raffinage génère d’autres produits qui sont vendus et utilisés dans l’industrie chimique et partiellement réutilisés dans le processus de production.
11 Le 2 avril 2012, à la suite d’une inspection effectuée en 2011, l’administration fiscale espagnole a émis un avis d’imposition imposant à Repsol de s’acquitter, pour les exercices fiscaux 2007 et 2008, de l’accise sur les huiles minérales pour les huiles minérales que cette entreprise a produites elle-même et utilisées par la suite dans ses propres installations à des fins productives, dans la mesure où cette production a généré des produits résiduels autres que des produits énergétiques tels
que, notamment, du soufre et du dioxyde de carbone.
12 Selon l’administration fiscale espagnole, ces autoconsommations ne donnent pas lieu à l’exonération de l’accise sur les huiles minérales, prévue à l’article 47, paragraphe 1, sous b), de la LIE, pour la part de ces autoconsommations aboutissant à l’obtention de produits n’ayant pas la qualité d’huiles minérales.
13 Le 25 avril 2012, Repsol a introduit une plainte contre cet avis auprès du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal administratif économique central, Espagne), en faisant valoir, notamment, que ces autoconsommations sont exonérées du droit d’accise sur les huiles minérales, y compris pour la part de ces autoconsommations aboutissant à l’obtention de produits n’ayant pas la qualité d’huiles minérales.
14 Le 6 novembre 2015, à la suite du rejet de cette plainte, Repsol a introduit un recours administratif devant l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne), par lequel elle faisait valoir que, dans le cadre du processus de production d’huiles minérales, des produits ne pouvant pas être qualifiés de produits énergétiques, tels que le soufre, sont obtenus de manière résiduelle et inévitable. La production de soufre résulterait de l’opération consistant à extraire ce produit des huiles minérales et
l’objectif de ce processus serait de satisfaire aux spécifications techniques applicables aux huiles minérales, qui fixent des teneurs maximales en soufre.
15 Par décision du 12 décembre 2016, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a rejeté le recours de Repsol en tant qu’il visait à contester la taxation des autoconsommations d’huiles minérales ayant généré des produits non énergétiques.
16 Le 10 juillet 2017, Repsol a formé un pourvoi en cassation contre cette décision devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Devant cette juridiction, Repsol allègue que l’objectif de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 est de soumettre à la taxation les seuls produits énergétiques mis à la consommation, à l’exclusion de ceux destinés à l’autoconsommation, c’est-à-dire de ceux utilisés aux fins de la production d’autres produits énergétiques, même
si, lors de ce processus de fabrication, sont inévitablement obtenus des produits résiduels non énergétiques. Ainsi, la pratique de l’administration fiscale espagnole de soumettre à la taxation la part de l’autoconsommation ayant généré ces produits résiduels serait contraire à l’objectif de la directive 2003/96.
17 Selon Repsol, cette pratique pouvait être justifiée sous l’empire de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 92/81, qui aurait exclu de la taxation la consommation d’huiles minérales effectuée aux fins de la production d’huiles minérales. En revanche, la directive 2003/96, qui a abrogé la directive 92/81, prévoirait seulement, à son article 21, paragraphe 3, que la consommation de produits énergétiques échappe à la taxation dès lors qu’elle a lieu dans l’enceinte d’un établissement produisant
des produits énergétiques.
18 Selon la juridiction de renvoi, se pose la question de savoir si la suppression de l’incise « s’effectue aux fins de la production », figurant à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 92/81, du libellé de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96, doit être considérée comme une modification législative impliquant que les consommations de produits énergétiques dans l’enceinte de l’établissement où ils ont été fabriqués effectuées pour la production de produits énergétiques finaux,
lors desquelles des produits non énergétiques sont inévitablement obtenus, sont également exonérées d’accises.
19 Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet de soumettre à un droit d’accise sur les huiles minérales les opérations d’autoconsommation de produits énergétiques effectuées dans les installations du producteur, à concurrence de la proportion de produits non énergétiques obtenus ?
La finalité de cette disposition, consistant à exonérer du droit d’accise l’utilisation de produits énergétiques réputée nécessaire à l’obtention des produits énergétiques finaux, empêche-t-elle au contraire d’imposer des droits d’accise sur la part de cette même autoconsommation aboutissant à l’obtention d’autres produits non énergétiques, même lorsque cette obtention est résiduelle et constitue une conséquence inévitable du processus de production lui-même ? »
Sur la question préjudicielle
20 Par les deux parties de sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un établissement produisant des produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou carburant consomme des produits énergétiques qu’il a lui-même produits et que, par ce processus, il obtient également, de manière inévitable, des produits non énergétiques, la
part de la consommation aboutissant à l’obtention de tels produits non énergétiques relève de l’exception au fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques prévue à cette disposition.
21 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la directive 2003/96 a pour objet, ainsi qu’il ressort de ses considérants 3 à 5 et de son article 1er, la fixation d’un régime de taxation harmonisé des produits énergétiques et de l’électricité, dans le cadre duquel la taxation est la règle, conformément aux modalités fixées par cette directive.
22 Conformément à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96, la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques n’est pas considérée comme un fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques si la consommation consiste en produits énergétiques produits dans l’enceinte de l’établissement. La troisième phrase de ce paragraphe précise que, lorsque la consommation de produits énergétiques vise des fins qui
ne sont pas liées à la production de produits énergétiques, elle est considérée comme un fait générateur donnant lieu à taxation.
23 Le libellé de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 n’indique pas explicitement dans quelle mesure la consommation de produits énergétiques aux fins d’un processus de production dans le cadre duquel sont obtenus simultanément des produits énergétiques et des produits non énergétiques doit ou non être considérée comme un fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques.
24 En disposant que la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte de l’établissement où ils ont été fabriqués n’est pas, sous certaines conditions, considérée comme un fait générateur de cette taxation, l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive constitue une disposition dérogatoire au sein de ce régime de taxation, laquelle doit être interprétée strictement (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil, C‑68/18, EU:C:2019:933, point 37).
25 À cet égard, il convient de préciser, d’une part, que la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte de l’établissement où ils ont été fabriqués ne relève de l’exception concernant le fait générateur de la taxe, en vertu de l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive, que si elle s’effectue aux fins de la fabrication de produits énergétiques qui relèvent, eux-mêmes, du régime de taxation harmonisé établi par la directive 2003/96, du fait de leur utilisation comme
carburant ou combustible (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Koppers Denmark, C‑49/17, EU:C:2018:395, points 32 et 37).
26 En l’occurrence, il ne semble pas contesté que les produits énergétiques obtenus, dans l’affaire au principal, sont destinés à être utilisés comme carburant ou combustible, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi que les produits non énergétiques obtenus dans l’affaire au principal sont valorisés par Repsol via leur commercialisation ou leur réutilisation dans le processus de production. C’est sur la base de ces
considérations qu’il incombe de répondre à la question posée.
27 D’autre part, la Cour a déjà constaté que, au cas où plusieurs produits sont fabriqués au sein d’un établissement, afin d’apprécier si la consommation de produits énergétiques relève ou non de l’exception prévue à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96, il y a lieu de s’attacher aux différentes finalités d’une telle consommation (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil, C‑68/18, EU:C:2019:933, point 25).
28 En effet, il convient de distinguer, au sein de cette consommation, les parts de produits énergétiques consommés en fonction de leurs utilisations aux fins de leur traitement au titre du droit d’accise. Seule la consommation de la part de produits énergétiques qui vise à produire des produits énergétiques destinés à être utilisés comme carburant ou combustible relève de l’exception au fait générateur de la taxe, prévue à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive (voir, en
ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil, C‑68/18, EU:C:2019:933, points 26 et 27).
29 En revanche, ne saurait bénéficier d’une telle exception la consommation des parts de ces produits énergétiques qui s’effectue aux fins de la fabrication de produits non énergétiques ou de produits énergétiques qui ne sont pas destinés à être utilisés en tant que carburant ou combustible. Ainsi, la Cour a jugé que ne relèvent pas d’une telle exception la part des produits énergétiques consommés afin de produire de la chaleur utilisée pour le chauffage des locaux d’un établissement, ou celle
nécessaire à la génération d’électricité (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil, C‑68/18, EU:C:2019:933, points 26 et 33).
30 Il s’ensuit que, lorsque sont obtenus, lors d’un processus de production, à la fois, d’une part, des produits énergétiques qui sont destinés à être utilisés comme carburant ou combustible et, d’autre part, des produits non énergétiques, il y a lieu de considérer, en principe, que la partie des produits énergétiques consommés dans le cadre de ce processus pour produire d’autres produits énergétiques destinés à être utilisés comme carburant ou combustible relève de l’exception prévue à
l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96, tandis que la consommation de l’autre partie aux fins de la production de produits non énergétiques doit être considérée comme un fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques.
31 Cela étant, il convient d’examiner si tel est également le cas lorsque, comme en l’occurrence, l’obtention de produits non énergétiques constitue non pas l’objectif du processus de production, mais une conséquence résiduelle et inévitable de ce processus ou qu’elle est imposée par une réglementation visant à protéger l’environnement et que ces produits non énergétiques sont économiquement valorisés.
32 Certes, la Cour a jugé, au point 30 de l’arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil (C‑68/18, EU:C:2019:933), qu’il peut être déduit de la formulation négative de la troisième phrase de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 que celle-ci vise seulement à exclure du bénéfice de l’exception au fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques la consommation de produits énergétiques dépourvue de tout lien avec la production de produits énergétiques.
33 Toutefois, cette affaire concernait l’application de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 à des produits énergétiques utilisés pour la production de vapeur d’eau qui, à son tour, était utilisée, entre autres, pour la fabrication de produits énergétiques. L’autoconsommation visait ainsi à produire des produits énergétiques en générant l’énergie thermique nécessaire au processus technologique de fabrication desdits produits.
34 Dans ce contexte, cette constatation visait à écarter une interprétation selon laquelle la fabrication de produits énergétiques, qui s’effectue au moyen de la production d’un produit intermédiaire, tel que de la vapeur d’eau, rend inapplicable, en raison de cette seule intermédiation, l’exception au fait générateur de la taxe prévue à cette disposition. La Cour a précisé à cet égard que la consommation de produits énergétiques ne saurait, du seul fait de ses modalités, être privée du bénéfice de
ladite exception, pour autant qu’elle contribue au processus technologique de fabrication de produits énergétiques (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Petrotel-Lukoil, C‑68/18, EU:C:2019:933, points 28 et 30).
35 Toutefois, à la différence de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, l’affaire au principal ne concerne pas une autoconsommation qui, à travers la production d’un produit intermédiaire, sert à la fabrication de produits énergétiques. Elle concerne une autoconsommation qui conduit concomitamment à la production de produits énergétiques et à la production de produits non énergétiques qui sont économiquement valorisés.
36 Il y a lieu de constater que Repsol a, eu égard à cette valeur économique, fait le choix de commercialiser ces produits non énergétiques par la suite ou de les utiliser dans le processus de production. Dans ce contexte, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, il importe peu que l’obtention de produits non énergétiques soit, comme dans l’affaire au principal, résiduelle et inévitable, en ce sens qu’elle constitue la conséquence nécessaire du processus de production
ou qu’elle est imposée par une réglementation visant à protéger l’environnement.
37 Une interprétation selon laquelle, alors qu’une valeur économique est tirée des produits non énergétiques ainsi générés, l’intégralité de la consommation des produits énergétiques dans le processus de production relèverait, à l’encontre des principes rappelés au point 30 du présent arrêt, de l’exception au fait générateur de la taxe serait de nature à porter atteinte à la réalisation de la finalité de la directive 2003/96. À cet égard, il convient de rappeler que, en prévoyant un régime de
taxation harmonisé des produits énergétiques et de l’électricité, cette directive vise, ainsi qu’il ressort de ses considérants 3 à 5, à promouvoir le bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur de l’énergie, en évitant, notamment, les distorsions de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Autoservizi Giordano, C‑513/18, EU:C:2020:59, point 30 et jurisprudence citée).
38 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 26 à 28 de ses conclusions, l’absence d’imposition des produits énergétiques utilisés dans le processus de production, dès lors que les produits obtenus ne sont pas des produits énergétiques, créerait une lacune au sein du régime de taxation instauré par la directive 2003/96, faisant échapper à l’imposition des produits énergétiques qui y sont, en principe, soumis. En effet, la consommation de cette part de produits énergétiques, alors qu’elle
devrait faire l’objet d’une taxation, bénéficierait de l’exception au fait générateur de la taxe prévue à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive. En outre, l’absence de taxation de la consommation de ladite part de produits énergétiques ne serait pas compensée par l’imposition subséquente des produits finaux obtenus à partir de ces derniers, dans la mesure où les produits finaux résultant de cette consommation, soit ne sont pas des produits énergétiques, au sens de
l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/96, soit ne sont pas destinés à être utilisés comme carburant ou comme combustible, au sens de l’article 2, paragraphe 4, sous b), premier tiret, de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2015, Oil Trading Poland, C‑349/13, EU:C:2015:84, point 30, et du 6 juin 2018, Koppers Denmark, C‑49/17, EU:C:2018:395, point 24 ainsi que jurisprudence citée).
39 En conséquence, considérer que l’exception prévue à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive trouve à s’appliquer, dans une situation telle que celle en cause au principal, à la consommation de l’intégralité des produits énergétiques serait susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur de l’énergie qui, comme il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, est l’une des finalités poursuivies par l’instauration d’un tel régime
(voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Koppers Denmark, C‑49/17, EU:C:2018:395, point 31).
40 L’intégrité du régime de taxation harmonisée des produits énergétiques établi par la directive 2003/96 exige, donc, que, lorsqu’une consommation de produits énergétiques dans l’enceinte de l’établissement où ils ont été fabriqués conduit à la production simultanée de produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou carburant et de produits non énergétiques faisant l’objet d’une valorisation, l’application de l’exception au fait générateur de la taxe, prévue à l’article 21,
paragraphe 3, première phrase, de cette directive, se limite à la proportion des produits énergétiques consommés correspondant à la part des produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou carburant obtenus dans le cadre de ce processus de production. En l’absence de précision dans la directive 2003/96 à cet égard, il appartient aux États membres de déterminer les modalités permettant d’évaluer la quantité de produits énergétiques qui est nécessaire pour produire une quantité
donnée d’un autre produit énergétique destiné à être utilisé comme combustible ou carburant (voir, par analogie, arrêt du 7 mars 2018, Cristal Union, C‑31/17, EU:C:2018:168, point 45).
41 Enfin, ne saurait être retenu l’argument avancé par Repsol selon lequel l’absence du bénéfice de l’exception du fait générateur de la taxe prévue à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de cette directive conduirait à une situation de double taxation. En effet, dans la mesure où la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte de l’établissement où ils ont été fabriqués est effectuée pour la production de produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou
carburant, cette exception est pleinement applicable à la part de produits énergétiques consommés à cette fin.
42 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un établissement produisant des produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou carburant consomme des produits énergétiques qu’il a lui-même produits et que, par ce processus, il obtient également, de manière inévitable, des produits non énergétiques dont est tirée une valeur
économique, la part de la consommation aboutissant à l’obtention de tels produits non énergétiques ne relève pas de l’exception au fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques prévue à cette disposition.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
L’article 21, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un établissement produisant des produits énergétiques destinés à être utilisés comme combustible ou carburant consomme des produits énergétiques qu’il a lui-même produits et que, par ce processus, il obtient également, de manière inévitable, des produits non
énergétiques dont est tirée une valeur économique, la part de la consommation aboutissant à l’obtention de tels produits non énergétiques ne relève pas de l’exception au fait générateur de la taxe sur les produits énergétiques prévue à cette disposition.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.