ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
15 avril 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) no 2658/87 – Union douanière – Tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Positions tarifaires – Positions 4407 et 4409 – Planches de bois rabotées, dont les quatre coins ont été légèrement arrondis sur toute la longueur de la planche »
Dans l’affaire C‑62/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique), par décision du 17 janvier 2020, parvenue à la Cour le 6 février 2020, dans la procédure
Vogel Import Export NV
contre
Belgische Staat,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Vogel Import Export NV, par Mes J. De Bruyn et E. Gevers, advocaten,
– pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens et J.-C. Halleux ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme M. Salyková et M. P. Vanden Heede, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des positions tarifaires 4407 et 4409 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016 (JO 2016, L 294, p. 1) (ci-après la « NC »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vogel Import Export NV (ci-après « Vogel ») au Belgische Staat (État belge) au sujet du classement tarifaire de planches de bois rabotées, dont les quatre coins ont été arrondis sur toute la longueur de la planche.
Le cadre juridique
Le droit international
3 Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), a été institué par la convention portant création dudit conseil, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH ») a été élaboré par l’OMD et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole
d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1) (ci-après la « convention sur le SH »).
4 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la convention sur le SH, chaque partie contractante s’engage, notamment, à ce que ses nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au SH, à utiliser toutes les positions et les sous-positions de celui-ci, sans adjonction ni modification, ainsi que les codes y afférents, et à suivre l’ordre de numérotation dudit système. La même disposition impose aux parties contractantes l’obligation d’appliquer les règles générales pour l’interprétation du
SH ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions du SH et de ne pas modifier la portée de ces derniers.
5 L’OMD approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention sur le SH, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH.
6 Les notes explicatives du SH relatives aux sous-positions pertinentes de la position 4407, cette dernière étant intitulée « Bois sciés ou dédossés longitudinalement, tranchés ou déroulés, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout, d’une épaisseur excédant 6 mm », prévoient :
« La présente position comprend, sauf quelques exceptions, les bois sciés ou dédossés dans le sens de la longueur ou bien tranchés ou déroulés et d’une épaisseur supérieure à 6 mm. Ils se présentent sous forme de poutres, madriers, planches, planchettes, voliges, lattes, etc. et de produits considérés comme des équivalents de bois sciés qui sont obtenus à l’aide d’une raboteuse‑fraise. Cette opération permet d’obtenir des dimensions extrêmement précises et un aspect de surface meilleur que celui
obtenu par sciage, ce qui rend inutile tout rabotage ultérieur. Elle comprend également les feuilles résultant des opérations de tranchage ou de déroulage ainsi que les lames et frises en bois pour revêtements de sol, autres que celles qui ont été profilées tout au long de leurs rives, faces ou bouts (no 4409).
Cette position couvre également les bois qui ne présentent pas une section carrée ou rectangulaire, ainsi que ceux dont la section n’est pas uniforme.
Ils peuvent également être rabotés (que l’angle formé par deux côtés adjacents soit légèrement arrondi ou non au cours de cette opération), poncés ou assemblés en bout, par jointure digitale, par exemple [...]
Sont également exclus de cette position :
[...]
d) Les bois profilés tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts, du no 4409.
[...] »
7 Les notes explicatives du SH relatives aux sous-positions pertinentes de la position 4409, cette dernière étant intitulée « Bois (y compris les lames et frises à parquet, non assemblées) profilés (languetés, rainés, bouvetés, feuillurés, chanfreinés, joints en V, moulurés, arrondis ou similaires) tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout », sont libellées comme suit :
« Cette position comprend les bois et, notamment, ceux sous forme de planches qui, après avoir été équarris ou sciés, ont été profilés tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts soit pour faciliter un assemblage, soit pour obtenir les moulures ou baguettes décrites à l’alinéa 4) ci-dessous, même rabotés, poncés ou assemblés en bout, par jointure digitale, par exemple [...]
[...]
La présente position couvre également :
1) Les planches rabotées à bords arrondis.
2) Les bois joints en V dont les côtés sont rainés, languetés et partiellement chanfreinés, y compris les bois rainés, languetés et chevronnés au centre, qui sont parfois chanfreinés.
3) Les planches rainées et languetées pour plafonds, etc., présentant une moulure simple aux bords ou au centre.
4) Les bois moulurés (connus également sous le nom de moulures ou baguettes) c’est-à-dire les lattes de bois de divers profils (obtenus mécaniquement ou à la main) qui sont utilisés pour la fabrication des cadres, pour l’encadrement des papiers de tentures ou pour la décoration des ouvrages de menuiserie ou d’ébénisterie.
5) Les bois arrondis tels que les bois filés qui sont constitués par des baguettes de section généralement ronde et de faible diamètre, destinés notamment à la fabrication des allumettes, des chevilles pour chaussures, de certains stores pour fenêtre, des cure-dents ou de certaines claies utilisées en fromagerie. Sont couverts également par la présente position les ronds en bois pour chevilles de section uniforme, dont le diamètre varie en général de 2 mm à 75 mm et la longueur de 45 cm à 250 cm,
du genre de ceux utilisés notamment pour assembler les parties de meubles en bois.
La présente position couvre en outre les lames et frises pour revêtements de sol constituées par des pièces de bois relativement étroites, à la condition qu’elles aient été profilées (rainées et languetées, par exemple). Lorsqu’elles ont été simplement rabotées, poncées ou assemblées en bout par jointure digitale, par exemple, elles relèvent du no 4407.
Les lames et frises plaquées ou contre‑plaquées relèvent du no 4412.
[...] »
Le droit de l’Union
8 Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la NC, laquelle est fondée sur le SH.
9 En vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16), la Commission européenne adopte, chaque année, un règlement reprenant la version complète de la NC et des taux des droits de douane, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.
10 La version de la NC applicable aux faits au principal est, étant donné que la demande de renseignement tarifaire contraignante a été introduite le 30 octobre 2017, celle afférente à l’année 2017, issue du règlement d’exécution 2016/1821, modifiant l’annexe I du règlement no 2658/87.
11 La première partie de la NC, qui comporte un ensemble de dispositions préliminaires, comprend un titre I, consacré aux règles générales, dont la section A, intitulée « Règles générales pour l’interprétation de la [NC] » (ci-après les « règles générales »), dispose :
« Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.
1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.
2. a) Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.
b) Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la règle 3.
3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit.
a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques
même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.
b) Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.
c) Dans le cas où les règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.
[...]
6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »
12 La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits », contient, notamment, la section IX, intitulée « Bois, charbon de bois et ouvrages en bois ; liège et ouvrages en liège ; ouvrages de sparterie ou de vannerie ».
13 Cette section IX comprend le chapitre 44, intitulé « Bois, charbon de bois et ouvrages en bois ».
14 Le chapitre 44 de la NC comprend la position 4407 dont relèvent, notamment, les sous-positions 440729 et 44072983 :
4407 Bois sciés ou dédossés longitudinalement, tranchés ou déroulés, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout, d’une épaisseur excédant 6 mm :
4407 29 – – autres :
– – – Abura, acajou d’Afrique, afrormosia, ako, [...] ipé, [...], teak, tiama, tola :
4407 29 83 – – – – – – rabotés
15 Le chapitre 44 de la NC comprend également la position 4409 dont relève, notamment, la sous-position 44092200 :
4409 Bois (y compris les lames et frises à parquet, non assemblées) profilés (languetés, rainés, bouvetés, feuillurés, chanfreinés, joints en V, moulurés, arrondis ou similaires) tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout :
4409 22 00 – – de bois tropicaux
16 En vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, la Commission adopte des notes explicatives de la NC (ci-après les « notes explicatives de la NC »).
17 Les notes explicatives de la NC, publiées au Journal officiel de l’Union européenne le 4 mars 2015 (JO 2015, C 76, p. 1), relatives aux sous-positions 44072110 à 44072995, mentionnent ce qui suit :
« de bois tropicaux visés à la note 2 de sous-positions du présent chapitre »
et
« Voir également la note explicative de sous-positions du SH relative aux noms de certains bois tropicaux, reprise dans les considérations générales des notes explicatives du SH du présent chapitre. Voir également l’annexe aux notes explicatives du SH du présent chapitre ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Le 30 octobre 2017, Vogel a introduit, auprès de l’autorité douanière compétente, une demande de renseignement tarifaire contraignant portant sur le classement tarifaire de planches en bois d’ipé, rabotées sur toutes les rives et dont les quatre coins ont été arrondis sur toute la longueur de la planche. Un arrondi lisse étant apporté sur toute la longueur des quatre coins de l’article en cause, ce dernier ne présente plus de section rectangulaire.
19 Pour pouvoir réaliser le profil de cet article, des couteaux spécialement conçus à cet effet doivent être montés sur la raboteuse. La dénomination commerciale dudit article indique que le bois a été raboté sur les quatre rives et que ses quatre coins ont été arrondis.
20 Le 7 décembre 2017, ladite autorité douanière a délivré un renseignement tarifaire contraignant portant sur des « planches rabotées ayant une section presque rectangulaire et de longues rives légèrement arrondies qui ne facilitent aucunement l’assemblage (elles ne sont ni languetées, ni rainées, ni bouvetées, ni feuillurées, ni chanfreinées, ni jointes en V, ni moulurées), en bois d’Ipé[, d’]une épaisseur de 21 mm, [d’]une largeur de 145 mm et [d’]une longueur qui varie entre 1,82 [m]
et 4,53 m », les classant dans la sous-position 44072983 de la NC.
21 Estimant que ces planches relevaient de la sous-position 44092200 de la NC, Vogel a formé contre cette décision, le 12 janvier 2018, une réclamation administrative qu’elle a complétée le 21 décembre 2018.
22 Sa réclamation ayant été rejetée le 13 mars 2019, Vogel a introduit un recours devant le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique).
23 Cette juridiction indique que, selon Vogel, deux positions tarifaires pouvant s’appliquer à ces marchandises, c’est la plus spécifique, à savoir la position tarifaire 4409, et non pas la position tarifaire 4407, qui doit avoir la priorité, conformément à la règle 3, sous a), des règles générales. Cette société soutient également devant ladite juridiction que, en tout état de cause, dans la mesure où cette règle ne permet pas d’effectuer le classement tarifaire, il conviendrait, conformément à
ladite règle 3, sous c), d’appliquer la position placée la dernière par ordre de numérotation.
24 La juridiction de renvoi relève que Vogel considère que les planches en cause au principal sont profilées en ce sens qu’elles ont été arrondies et qu’elles sont couvertes par les versions en langues allemande, anglaise et française des descriptions de la position tarifaire 4409. En outre, selon cette société, des renseignements tarifaires contraignants concluant à un classement dans cette position auraient été délivrés pour des marchandises identiques en Allemagne, en France ainsi qu’aux Pays-Bas
et une décision en ce sens aurait été prise également par l’administration belge.
25 Cette juridiction expose que l’État belge soutient devant elle que la règle 3, sous a), des règles générales n’est pas applicable en l’occurrence, dès lors que les marchandises concernées peuvent être classées en application de la règle 1 des règles générales. Cette partie au principal fait valoir que l’arrondi apporté à ces marchandises ne peut être considéré comme un profilage, dès lors qu’il ne sert pas à faciliter l’assemblage et que les notes explicatives du SH relatives à la position 4407
mentionnent clairement que cette position couvre également les bois qui ne présentent pas une section carrée ou rectangulaire et dont les coins sont légèrement arrondis.
26 La juridiction de renvoi relève que les parties au litige pendant devant elle n’ont pas exprimé de différends en ce qui concerne la nature des marchandises en cause et que le débat porte exclusivement sur l’interprétation de la NC, tout en précisant que la solution du litige dont elle est saisie ne nécessite l’application d’aucune disposition du droit national.
27 Dans ces conditions, le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter la [NC] – notamment à la lumière des différentes versions linguistiques de la position tarifaire 4409 et des notes explicatives du SH relatives aux positions tarifaires 4407 et 4409 – en ce sens que les [...] planches de bois rabotées dont les quatre coins ont été arrondis sur toute la longueur de la planche, doivent être considérées comme étant “profilées sur toute la longueur” et, partant, classées sous la position tarifaire 4409 ou bien l’arrondi des coins
peut-il ne pas être considéré comme étant “profilé sur toute la longueur”, auquel cas les marchandises doivent être classées sous la position tarifaire 4407 ?
2) La dimension de l’arrondi est-elle déterminante pour le classement sous le poste tarifaire 4407 ou sous le poste tarifaire 4409 ? »
Sur la première question
28 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens que les planches de bois rabotées, dont les quatre coins ont été légèrement arrondis sur toute la longueur de la planche, relèvent de la position 4407 ou de la position 4409 de celle-ci.
29 À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause de la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard. Ainsi, la juridiction
nationale paraît en tout état de cause mieux placée pour le faire [arrêt du 30 avril 2020, DHL Logistics (Slovakia), C‑810/18, EU:C:2020:336, point 24 et jurisprudence citée]. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de procéder au classement des marchandises en cause au principal au regard des éléments de réponse fournis par la Cour.
30 Les règles générales pour l’interprétation de la NC prévoient que le classement des marchandises est déterminé selon les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres, les libellés des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres étant considérés comme n’ayant qu’une valeur indicative (arrêt du 2 mai 2019, Onlineshop, C‑268/18, EU:C:2019:353, point 27 et jurisprudence citée).
31 Les notes explicatives, élaborées par la Commission, en ce qui concerne la NC, et celles adoptées par l’OMD, en ce qui concerne le SH, contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires, sans toutefois avoir force obligatoire de droit. Les notes explicatives de la NC, lesquelles ne se substituent pas à celles du SH, doivent être considérées comme complémentaires à ces dernières et consultées conjointement avec elles (arrêt du 13 septembre 2018,
Vision Research Europe, C‑372/17, EU:C:2018:708, point 23 et jurisprudence citée).
32 Ainsi, les notes explicatives du SH constituent des instruments importants aux fins d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Lutz, C‑556/16, EU:C:2017:777, point 40 et jurisprudence citée).
33 Dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres (arrêt du 11 mars 2020, Rensen Shipbuilding, C‑192/19, EU:C:2020:194, point 22 et jurisprudence citée).
34 En outre, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle est inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci (arrêt du 26 mars 2020, Pfizer Consumer Healthcare, C‑182/19, EU:C:2020:243, point 38 et jurisprudence citée).
35 Il ressort du libellé de la position 4409 de la NC, correspondant à celui de la position 4409 du SH, qu’elle comprend les « bois (y compris les lames et frises à parquet, non assemblées) profilés (languetés, rainés, bouvetés, feuillurés, chanfreinés, joints en V, moulurés, arrondis ou similaires) tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout ».
36 Selon ce libellé, pour qu’un produit soit classé sous cette position 4409, il est donc nécessaire que le bois soit profilé tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts. À cet égard, ledit libellé comporte, entre parenthèses, une liste indicative des différentes méthodes de profilage, le terme « similaire » figurant à la fin de cette liste impliquant que celle-ci n’est pas exhaustive.
37 Par ailleurs, selon les notes explicatives du SH relatives à la position 4409, cette dernière comprend les bois et, notamment, ceux sous forme de planches qui, après avoir été équarris ou sciés, ont été profilés tout au long d’une ou de plusieurs rives, faces ou bouts. Selon ces notes explicatives, ce profilage sur toute la longueur doit soit faciliter un assemblage, soit permettre d’obtenir les moulures ou baguettes, utilisés pour la fabrication des cadres, pour l’encadrement des papiers de
tentures ou pour la décoration des ouvrages de menuiserie ou d’ébénisterie. Lesdites notes explicatives mentionnent également que la position 4409 couvre les lames et frises pour revêtements de sol constituées par des pièces de bois relativement étroites, à condition qu’elles aient été profilées, mais que, lorsqu’elles ont été simplement rabotées, poncées ou assemblées en bout, ces pièces en bois relèvent de la position 4407.
38 Quant à la position 4407 de la NC, elle comprend, selon son libellé qui correspond à celui de la position 4407 du SH, les « bois sciés ou dédossés longitudinalement, tranchés ou déroulés, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout, d’une épaisseur excédant 6 mm ». La sous-position 44072983 de la NC vise spécifiquement, dans le cadre de la position 4407, certaines essences de bois « raboté[e]s ».
39 En l’occurrence, il convient de relever, premièrement, que, selon le renseignement tarifaire contraignant du 7 décembre 2017, les marchandises en cause au principal sont des « planches rabotées, ayant une section presque rectangulaire et de longues rives légèrement arrondies qui ne facilitent aucunement l’assemblage », et qu’aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne fait apparaître que l’une des parties au principal aurait contesté cette description des caractéristiques et des propriétés
objectives desdites marchandises.
40 Or, selon les notes explicatives du SH relatives aux sous-positions pertinentes de la position 4409, les bois, notamment ceux sous forme de planches, qui ont été profilés, le sont soit pour faciliter un assemblage, soit pour obtenir les moulures ou baguettes, ces dernières étant décrites au quatrième alinéa de celles-ci.
41 À cet égard, il y a lieu de constater, d’une part, que Vogel n’allègue, ni devant la juridiction de renvoi ni dans le cadre de la procédure devant la Cour, que le travail effectué sur les planches en cause au principal facilite l’assemblage de ces planches. D’autre part, il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’obtention de moulures ou de baguettes quelconques ait été visée lors de la fabrication desdites planches.
42 Deuxièmement, les notes explicatives du SH relatives aux sous-positions pertinentes de la position 4407 prévoient expressément que cette position couvre également les bois qui ne sont que « légèrement arrondis ».
43 En revanche, au premier alinéa des notes explicatives du SH relatives à la position 4409, qui mentionne « [l]es planches rabotées à bords arrondis », l’adverbe « légèrement » fait défaut, ce qui indique que, pour le classement sous cette position 4409, les planches doivent avoir des arrondis importants.
44 En ce qui concerne cette caractéristique, il ressort du renseignement tarifaire contraignant du 7 décembre 2017, dont, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 39 du présent arrêt, les constatations n’ont été contestées ni devant la juridiction nationale ni devant la Cour, que les planches de bois en cause au principal ont de longues rives légèrement arrondies et que leur section est presque rectangulaire.
45 Tant que l’arrondi est ainsi limité, il importe peu la circonstance que, ainsi que l’allègue Vogel, les clients peuvent spécifier les profils des planches en cause et que les arrondis latéraux varient selon chaque client et selon chaque profil.
46 Troisièmement, les notes explicatives du SH relatives à la position 4409 précisent que cette dernière « couvre en outre les lames et frises pour revêtements de sol constituées par des pièces de bois relativement étroites, à la condition qu’elles aient été profilées (rainées et languetées, par exemple)[, et que, l]orsqu’elles ont été simplement rabotées, poncées ou assemblées en bout par jointure digitale, par exemple, elles relèvent du no 4407 ».
47 Si, certes, les marchandises en cause principal ne sont pas des lames et frises pour revêtements de sol constituées par des pièces de bois relativement étroites, ces notes explicatives confortent néanmoins l’interprétation selon laquelle des planches de bois qui sont simplement rabotées et dépourvues de profilage doivent être classées sous la position 4407 et non pas sous la position 4409.
48 Quatrièmement, ainsi qu’il ressort d’une lecture comparée des libellés respectifs des positions 4407 et 4409 de la NC, la première de celles-ci couvre des produits plus simples, qui n’ont subi qu’un traitement minimal ne permettant pas leur assemblage, et seuls les produits plus élaborés sont couverts par la position 4409 de la NC.
49 Ces considérations correspondent à l’économie de la NC, dont les positions inférieures désignent des produits moins travaillés et les positions supérieures désignent des produits plus travaillés.
50 Il s’ensuit que, dès lors que l’arrondi léger des rives des planches de bois résulte d’un processus de rabotage et que ces planches n’ont subi aucun traitement de profilage facilitant leur assemblage ou permettant l’obtention de moulures ou de baguettes, lesdites planches doivent être classées non pas sous la position 4409 de la NC, mais sous la position 4407 de celle-ci.
51 Cette interprétation ne saurait être remise en cause par la différence existant entre, d’une part, les versions en langues danoise, néerlandaise et slovène de la position tarifaire 4409 de la NC et, d’autre part, les autres versions linguistiques de cette position tarifaire, différence qui consiste dans le fait que, alors que vingt versions linguistiques comportent le terme « arrondis », ce terme fait défaut dans les versions en langues danoise, néerlandaise et slovène de ladite position
tarifaire.
52 À cet égard, il convient de rappeler que, en cas de divergence entre les diverses versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union, celle-ci doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Naturschutzbund Deutschland – Landesverband Schleswig-Holstein, C‑297/19, EU:C:2020:533, point 43 et jurisprudence citée). De plus, la nécessité d’une application et, dès lors,
d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière, notamment, de toutes ses versions linguistiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 122 ainsi que jurisprudence citée).
53 Les parties à la convention sur le SH s’engagent à ce que leurs nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au SH et le classement douanier des marchandises importées dans l’Union est régi par la NC, laquelle est fondée sur le SH. Il apparaît que le libellé de la position 4409 du SH contient le terme « arrondis ».
54 Par conséquent, selon l’interprétation uniforme de la position 4409 de la NC, cette dernière inclut le terme « arrondis ». Toutefois, dans le libellé de cette position tarifaire, le terme « arrondis » figure entre parenthèses à la suite du terme « profilés », parmi une liste indicative de différentes méthodes de profilage, ainsi que cela a d’ailleurs déjà été constaté au point 36 du présent arrêt. Partant, il est sans équivoque que la volonté de l’auteur de la NC était de prévoir que la
position 4409 de la NC ne puisse couvrir un bois arrondi que lorsque celui-ci a fait l’objet d’un profilage.
55 S’agissant de l’affaire au principal, il apparaît, au vu des éléments indiqués aux points 39 à 54 du présent arrêt, que les marchandises concernées sont susceptibles de relever de la position 4407 de la NC et non pas de la position 4409 de la NC.
56 Nonobstant ce constat, il appartiendra à la juridiction de renvoi, après vérification des caractéristiques objectives de ces marchandises, de procéder à leur classement tarifaire.
57 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la NC doit être interprétée en ce sens que les planches de bois rabotées, dont les quatre coins ont été légèrement arrondis sur toute la longueur de la planche, ne doivent pas être considérées comme profilées et sont susceptibles de relever de la position 4407 de celle-ci.
Sur la seconde question
58 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la réponse à la première question serait différente dans l’hypothèse où une dimension plus importante de l’arrondi caractériserait les quatre coins des planches de bois en cause au principal.
59 Aucun élément du dossier n’indique la nécessité, aux fins de résoudre le litige au principal, de fournir des éclaircissements à la juridiction de renvoi concernant l’hypothèse dans laquelle une dimension plus importante de l’arrondi caractériserait certaines planches de bois devant être classées dans une position tarifaire de la NC.
60 Par conséquent, la seconde question, qui présente un caractère hypothétique, est irrecevable.
Sur les dépens
61 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016, doit être interprétée en ce sens que les planches de bois rabotées, dont les quatre coins ont été légèrement arrondis sur toute la longueur de la planche, ne doivent pas être considérées comme profilées et sont
susceptibles de relever de la position 4407 de celle-ci.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.