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28/04/2022 | CJUE | N°C-510/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République de Bulgarie., 28/04/2022, C-510/20


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Environnement – Directive 2008/56/CE – Politique pour le milieu marin – Article 5 – Stratégies marines – Article 17, paragraphes 2 et 3 – Absence de réexamen, dans les délais, de l’évaluation initiale et de la définition du bon état écologique ainsi que des objectifs environnementaux – Absence de communication à la Commission européenne, dans les délais, des modalités des mises à jour effectuées à l’issue des réexa

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Dans l’affaire C‑510/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introdui...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Environnement – Directive 2008/56/CE – Politique pour le milieu marin – Article 5 – Stratégies marines – Article 17, paragraphes 2 et 3 – Absence de réexamen, dans les délais, de l’évaluation initiale et de la définition du bon état écologique ainsi que des objectifs environnementaux – Absence de communication à la Commission européenne, dans les délais, des modalités des mises à jour effectuées à l’issue des réexamens »

Dans l’affaire C‑510/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 12 octobre 2020,

Commission européenne, représentée par Mme O. Beynet et M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Bulgarie, représentée par Mmes T. Mitova, L. Zaharieva et T. Tsingileva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme I. Ziemele, présidente de la sixième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en raison de l’omission de procéder, dans les délais impartis, d’une part, au réexamen et aux mises à jour, premièrement, de l’évaluation initiale de l’état écologique actuel des eaux concernées et de l’impact environnemental des activités humaines sur ces eaux, deuxièmement, de la définition du bon état écologique ainsi que, troisièmement, des objectifs environnementaux et des indicateurs associés et, d’autre part, à la
communication de ces mises à jour à cette institution, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), ainsi que de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ») (JO 2008, L 164, p. 19).

Le cadre juridique

2 Aux termes des considérants 29 et 34 de la directive 2008/56 :

« (29) Les États membres devraient adopter toutes les mesures nécessaires afin de parvenir à un bon état écologique du milieu marin ou de conserver celui-ci. Il convient toutefois d’admettre que la réalisation et le maintien d’un tel état sous tous ses aspects risquent de ne pas être possibles pour tous les milieux marins d’ici à 2020. C’est pourquoi, dans un souci d’équité et de faisabilité, il convient de prévoir des dispositions pour les cas où un État membre se trouverait dans l’impossibilité
d’atteindre le niveau ambitieux visé par les objectifs environnementaux fixés ou de parvenir à un bon état écologique ou de maintenir un tel état.

[...]

(34) Compte tenu du caractère dynamique des écosystèmes marins et de leur variabilité naturelle, et étant donné que les pressions et impacts auxquels ils sont soumis peuvent varier en fonction de l’évolution des activités humaines et de l’incidence des changements climatiques, il importe de reconnaître que la définition du bon état écologique pourrait devoir être adaptée au fil du temps. En conséquence, les programmes de mesures aux fins de la gestion et de la protection du milieu marin doivent
être souples et évolutifs et prendre en compte les évolutions scientifiques et techniques. Il convient donc de prévoir des mises à jour périodiques des stratégies pour le milieu marin. »

3 L’article 5 de cette directive, intitulé « Stratégies marines », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Chaque État membre élabore, pour chaque région ou sous-région marine concernée, une stratégie pour le milieu marin applicable à ses eaux marines en respectant le plan d’action décrit au paragraphe 2, points a) et b).

2.   Les États membres partageant une région ou une sous-région marine coopèrent afin de veiller à ce qu’au sein de chaque région ou sous-région marine les mesures requises pour atteindre les objectifs de la présente directive, et en particulier les différents éléments des stratégies marines visés aux points a) et b), soient cohérents et fassent l’objet d’une coordination au niveau de l’ensemble de la région ou sous-région marine concernée, conformément au plan d’action décrit ci-après, à propos
duquel les États membres s’efforcent d’adopter une approche commune :

a) préparation :

i) évaluation initiale de l’état écologique actuel des eaux concernées et de l’impact environnemental des activités humaines sur ces eaux, achevée le 15 juillet 2012 au plus tard, conformément à l’article 8 ;

ii) définition du « bon état écologique » pour les eaux concernées, établie le 15 juillet 2012 au plus tard, conformément à l’article 9, paragraphe 1 ;

iii) fixation d’une série d’objectifs environnementaux et d’indicateurs associés, le 15 juillet 2012 au plus tard, conformément à l’article 10, paragraphe 1 ;

[...] »

4 L’article 14 de ladite directive, intitulé « Dérogations », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un État membre peut identifier dans ses eaux marines des cas dans lesquels, pour l’un des motifs énumérés aux points a) à d), les objectifs environnementaux ou le bon état écologique ne peuvent pas être atteints sous tous les aspects au moyen des mesures qu’il a prises, ou pour les motifs énoncés au point e), ne peuvent être atteints dans les délais correspondants :

a) action ou absence d’action qui n’est pas imputable à l’État membre concerné ;

b) causes naturelles ;

c) force majeure ;

d) modifications ou altérations des caractéristiques physiques des eaux marines causées par des mesures arrêtées pour des raisons d’intérêt général supérieur qui l’emportent sur les incidences négatives sur l’environnement, y compris sur toute incidence transfrontière ;

e) conditions naturelles ne permettant pas de réaliser les améliorations de l’état des eaux marines concernées dans les délais prévus.

[...] »

5 L’article 17 de la directive 2008/56, intitulé « Mise à jour », énonce :

« 1.   Les États membres veillent à ce que, pour chacune des régions ou sous-régions marines concernées, les stratégies marines soient tenues à jour.

2.   Aux fins du paragraphe 1, les États membres réexaminent, d’une manière coordonnée, tel qu’il est précisé à l’article 5, les éléments ci-après de leurs stratégies marines tous les six ans à compter de leur élaboration initiale :

a) l’évaluation initiale et la définition du bon état écologique, prévues respectivement à l’article 8, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 1 ;

b) les objectifs environnementaux définis en vertu de l’article 10, paragraphe 1 ;

[...]

3.   Les modalités des mises à jour effectuées à l’issue des réexamens prévus au paragraphe 2 sont communiqués à la Commission, aux conventions sur la mer régionale et à tous les autres États membres concernés dans les trois mois à compter de leur publication conformément à l’article 19, paragraphe 2.

[...] »

6 L’article 19 de cette directive, intitulé « Consultation et information du public », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les États membres publient et soumettent aux observations du public des résumés des éléments ci-après de leurs stratégies marines ou des mises à jour correspondantes :

a) l’évaluation initiale et la définition du bon état écologique, prévues respectivement à l’article 8, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 1 ;

b) les objectifs environnementaux définis en vertu de l’article 10, paragraphe 1 ;

[...] »

La procédure précontentieuse

7 Le 8 mars 2019, la Commission a adressé à la République de Bulgarie une lettre de mise en demeure selon laquelle cet État membre avait omis, en violation de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), ainsi que de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56, d’une part, de réexaminer et de mettre à jour, au plus tard le 15 juillet 2018, l’évaluation initiale de l’état du milieu marin, la définition du bon état écologique et les objectifs environnementaux et, d’autre part, de
lui communiquer ces mises à jour, au plus tard le 15 octobre 2018.

8 Dans sa réponse du 7 mai 2019, la République de Bulgarie indiquait que la Baseynova Direktsia « Chernomorski rayon » (direction de Bassin « région de la mer Noire », Bulgarie) avait annoncé, le 16 juillet 2018, en sa qualité d’autorité compétente pour l’application de cette directive, une décision d’organiser un marché public intitulé « Mise à jour de l’évaluation initiale de l’état du milieu marin, des définitions du bon état écologique, des objectifs environnementaux et des indicateurs,
conformément aux articles 8, 9 et 10 de la directive [2008/56], pour cinq lots ». L’avis de ce marché public a été publié au Journal officiel de l’Union européenne. Toutefois, la procédure y afférente a été close le 27 août 2018 au motif qu’aucune offre n’avait été reçue.

9 Dans cette lettre, la République de Bulgarie a également présenté des plans pour remédier aux manquements en cause, et notamment le projet « Connaissance et information concernant les activités régionales pour la protection de la mer Noire »(Scirena Black Sea) (ci-après le « projet Scirena Black Sea ») dans le cadre du programme « Protection de l’environnement et changement climatique », qui relève du mécanisme financier de l’Espace économique européen pour la période allant de l’année 2014 à
l’année 2021 (ci-après le « mécanisme financier de l’EEE »). Cet État membre a confirmé son engagement pris, conformément aux exigences de la directive 2008/56, de procéder aux réexamens et aux mises à jour ainsi qu’à communiquer à la Commission ces mises à jour au plus tard le 30 juin 2020.

10 Par lettre du 11 octobre 2019, reçue le même jour par la République de Bulgarie, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle maintenait la position qu’elle avait exposée dans sa lettre de mise en demeure, la République de Bulgarie n’ayant pas remédié aux griefs formulés dans cette lettre. Elle a invité cet État membre à prendre, dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis, les mesures nécessaires pour s’y conformer.

11 La République de Bulgarie a répondu audit avis motivé par lettre du 9 décembre 2019, dans laquelle elle admettait ne pas avoir fourni les mises à jour requises concernant l’évaluation initiale du milieu marin, la définition du bon état écologique et les objectifs environnementaux, et ce en raison de problèmes se rapportant à l’attribution d’un marché public pour assurer l’exécution de ces mises à jour, en particulier l’absence d’offres reçues dans le cadre de la procédure y afférente. Cet État
membre a, par ailleurs, réitéré son engagement de se conformer, au plus tard le 30 juin 2020, à l’article 17 de la directive 2008/56.

12 N’étant pas satisfaite des réponses apportées par la République de Bulgarie à l’avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

Sur la recevabilité du recours

Argumentation des parties

13 La République de Bulgarie, sans expressément demander que le présent recours soit déclaré irrecevable, invoque cependant certains arguments visant à contester la recevabilité de celui-ci. Elle fait valoir que la demande de condamnation pour manquement aux obligations découlant de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), ainsi que de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56, telle que formulée par la Commission, est source d’insécurité juridique, dans la mesure où,
pour en comprendre la portée exacte, une interprétation a posteriori et une clarification supplémentaire seraient nécessaires.

14 Par ailleurs, cet État membre considère qu’il n’est pas possible d’établir clairement quel est l’objet du recours eu égard à l’invocation simultanée de manquements aux obligations prévues par deux dispositions de cette directive.

15 La Commission relève que son recours concerne non pas les obligations dudit État membre d’élaborer les stratégies marines initiales et de les notifier à cette institution, mais uniquement les obligations de mises à jour de ces stratégies marines et de rapport de ces mises à jour, ainsi qu’il ressortirait tant de la lettre de mise en demeure que de l’avis motivé.

Appréciation de la Cour

16 Il ressort d’une jurisprudence constante relative à l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige et contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une façon
cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien qu’elle n’omette de statuer sur un grief (arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Pays-Bas, C‑395/17, EU:C:2019:918, point 52 et jurisprudence citée).

17 La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que cet État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (arrêt du 31 octobre 2019,
Commission/Pays-Bas, C‑395/17, EU:C:2019:918, point 53 et jurisprudence citée).

18 En particulier, le recours de la Commission doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons l’ayant amenée à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités (arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Pays-Bas, C‑395/17, EU:C:2019:918, point 54 et jurisprudence citée).

19 En l’occurrence, il y a lieu de constater que cette institution indique avec précision les dispositions du droit de l’Union prétendument enfreintes par la République de Bulgarie, à savoir l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), et l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56, ainsi que les faits reprochés à cet État membre, à savoir l’omission, d’une part, de réexaminer et de mettre à jour, premièrement, l’évaluation initiale de l’état écologique actuel des eaux
concernées et de l’impact environnemental des activités humaines sur ces eaux, deuxièmement, la définition du bon état écologique ainsi que, troisièmement, les objectifs environnementaux et les indicateurs associés et, d’autre part, de communiquer, dans le délai prescrit par cette directive, ces mises à jour à ladite institution.

20 Par ailleurs, le fait que la Commission a invoqué conjointement l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), et l’article 17, paragraphes 2 et 3, de ladite directive dans son recours ne suscite pas de problèmes quant à la cohérence de celui-ci. En effet, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la République de Bulgarie, ces dispositions sont logiquement liées entre elles, cet article 17 concernant le réexamen et les mises à jour des stratégies marines et ces stratégies étant visées par cet
article 5.

21 Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir la République de Bulgarie, il ne fait aucun doute que la présente procédure concerne non pas un manquement aux obligations d’élaborer les stratégies marines initiales, conformément à l’article 5, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), de la directive 2008/56, et de notifier les éléments de ces stratégies à la Commission, mais uniquement un manquement aux obligations de réexamen et de mises à jour de ces
stratégies ainsi que de communication de ces mises à jour à cette institution, respectivement prévues à l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), et à l’article 17, paragraphe 3, de cette directive.

22 Il résulte des considérations qui précèdent que le présent recours est recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

23 La Commission rappelle, tout d’abord, que, afin de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), et de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2008/56, la République de Bulgarie aurait dû réexaminer et mettre à jour, au plus tard le 15 juillet 2018, les éléments de ses stratégies marines concernant, premièrement, l’évaluation initiale de l’état écologique actuel des eaux concernées et de l’impact environnemental des activités
humaines sur ces eaux, conformément à l’article 8 de cette directive, deuxièmement, la définition du bon état écologique, au titre de l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, et, troisièmement, les objectifs environnementaux et les indicateurs associés, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de cette même directive. De surcroît, cet État membre aurait été tenu, conformément à l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2008/56, de transmettre à cette institution des informations
détaillées sur les mises à jour de ces éléments au plus tard le 15 octobre 2018.

24 La Commission affirme que les autorités bulgares ont reconnu, dans leur réponse à la lettre de mise en demeure, les manquements allégués, notamment au regard de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56. Par ailleurs, dans leur réponse à l’avis motivé, ces autorités auraient de nouveau reconnu qu’elles n’ont pas communiqué à la Commission les informations requises au titre de cette directive, violation qui persisterait encore.

25 La République de Bulgarie souligne, en premier lieu, avoir rempli ses obligations au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), de la directive 2008/56. Elle soutient avoir, d’une part, procédé à l’évaluation initiale de l’état du milieu marin, défini le bon état écologique et fixé les objectifs environnementaux ainsi que les indicateurs associés, au cours de l’année 2012, et, d’autre part, notifié à cette institution les rapports correspondants. Par conséquent, en ce qui
concerne le manquement aux obligations découlant de cette disposition, elle estime que le présent recours est dénué de fondement.

26 En second lieu, s’agissant du réexamen et de la mise à jour de certains éléments de ses stratégies marines, la République de Bulgarie soutient qu’elle dispose des mécanismes pour assurer l’exécution des mises à jour lui incombant en vertu de l’article 17 de la directive 2008/56, mais qu’une tentative d’attribuer un marché public à cette fin serait restée infructueuse faute d’offres de la part de contractants potentiels. Par la suite, elle aurait informé la Commission que l’exécution de ces
obligations allait de pair avec le lancement et l’exécution du projet Scirena Black Sea.

27 À cet égard, la République de Bulgarie fait valoir que cette exécution devait se faire dans le respect des exigences de la directive 2008/56 et de la législation bulgare en assurant la transposition ainsi que de cette législation en matière de marchés publics. En outre, cet État membre relève qu’il était tenu de respecter la procédure d’approbation de ce projet et que celui-ci devait répondre à toutes les exigences du mécanisme financier de l’EEE. Dans ces conditions, malgré les actions
entreprises, il se serait trouvé, en raison de circonstances objectives, dans l’impossibilité absolue de respecter ses engagements conformément à l’article 17, paragraphes 2 et 3, de cette directive. Le présent recours devrait donc être rejeté comme étant non fondé également en ce qui concerne le prétendu manquement aux obligations découlant de cette dernière disposition.

28 La République de Bulgarie demande que le recours soit rejeté intégralement comme étant non fondé ou que le recours ne soit accueilli que partiellement dans la mesure où il vise le manquement aux obligations lui incombant au titre de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/56, et qu’il soit rejeté pour le surplus.

29 La Commission réplique, tout d’abord, que les articles 5 et 17 de la directive 2008/56 sont liés, la seconde de ces dispositions renvoyant expressément à la première. La République de Bulgarie aurait donc considéré à tort que ces dispositions comportent des obligations distinctes qu’elle aurait respectées en partie. Par ailleurs, les efforts d’organisation de cet État membre n’auraient été déployés qu’après la date limite fixée pour les mises à jour de ses stratégies marines.

30 Ensuite, la Commission affirme que la description de la législation et des procédures concernant la passation de marché public et le mécanisme financier de l’EEE n’est pas suffisante pour justifier l’impossibilité absolue, invoquée par la République de Bulgarie, de respecter les obligations de mettre à jour et de lui communiquer les mises à jour en cause. En effet, d’une part, de telles difficultés techniques ne sauraient justifier que les obligations imposées par le droit de l’Union ne soient
pas respectées dans le délai prescrit et, d’autre part, cette législation et ces procédures seraient bien connues par les autorités bulgares.

31 Enfin, la Commission relève que le nouveau projet de réexamen et de mise à jour de certains éléments des stratégies marines de la République de Bulgarie a été soumis, à la fin du mois de mai 2020, à des procédures internes dont la durée prévue est de trois ans. Il serait donc impossible pour cet État membre de respecter son engagement de présenter un rapport au 30 juin 2020.

32 La République de Bulgarie souligne, dans son mémoire en duplique, tout d’abord, que l’impossibilité d’attribuer le marché public ayant pour objet les mises à jour en cause est due à une absence d’offres et non à une absence d’efforts de sa part.

33 Ensuite, cet État membre fait valoir qu’il était nécessaire de procéder à une nouvelle élaboration du projet Scirena Black Sea en raison du retrait du partenaire principal.

34 Enfin, la République de Bulgarie indique avoir, par un contrat conclu le 16 mars 2021 pour une durée de cinq mois, confié à un tiers l’exécution de ses engagements au titre de la directive 2008/56, notamment concernant les mises à jour de ses stratégies marines et la rédaction d’un rapport pour la période allant de l’année 2012 à l’année 2017.

Appréciation de la Cour

35 Il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/56 que « [l]es États membres partageant une région ou une sous-région marine coopèrent afin de veiller à ce qu’au sein de chaque région ou sous-région marine les mesures requises pour atteindre les objectifs de la présente directive, et en particulier les différents éléments des stratégies marines visés aux points a) et b), soient cohérents et fassent l’objet d’une coordination au niveau de l’ensemble de la
région ou sous-région marine concernée ». Par ailleurs, conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), de cette directive, chaque État membre devait élaborer, le 15 juillet 2012 au plus tard, premièrement, une évaluation initiale de l’état écologique actuel des eaux concernées et de l’impact environnemental des activités humaines sur ces eaux, deuxièmement, une définition du bon état écologique pour les eaux concernées et, troisièmement, une fixation d’une série d’objectifs
environnementaux et d’indicateurs associés.

36 Au titre de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2008/56, les États membres veillent à ce que, pour chacune des régions ou sous-régions marines concernées, les stratégies marines soient tenues à jour. En vertu de l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, de cette directive, d’une part, les éléments des stratégies marines mentionnés au point 35 du présent arrêt doivent être réexaminés d’une manière coordonnée, tel que précisé à l’article 5 de ladite
directive, tous les six ans à compter de leur élaboration initiale, et, d’autre part, les modalités des mises à jour effectuées à l’issue de ces réexamens doivent être communiquées à la Commission, dans les trois mois à compter de leur publication conformément à l’article 19, paragraphe 2, de cette même directive.

37 À cet égard, le considérant 34 de la directive 2008/56 explique la nécessité de prévoir des mises à jour périodiques des stratégies pour le milieu marin par le « caractère dynamique des écosystèmes marins et de leur variabilité naturelle, et étant donné que les pressions et impacts auxquels ils sont soumis peuvent varier en fonction de l’évolution des activités humaines et de l’incidence des changements climatiques ». Aux termes de ce considérant « les programmes de mesures aux fins de la gestion
et de la protection du milieu marin doivent être souples et évolutifs et prendre en compte les évolutions scientifiques et techniques ».

38 L’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), de la directive 2008/56, prévoyant que l’évaluation initiale et la définition du bon état écologique ainsi que la fixation des objectifs environnementaux et d’indicateurs associés devaient être achevées le 15 juillet 2012 au plus tard, il y a lieu de considérer, d’une part, que le réexamen de ces éléments des stratégies marines aurait dû être effectué le 15 juillet 2018 au plus tard, conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), de
cette directive et, d’autre part, que les modalités des mises à jour effectuées à l’issue de ces réexamens auraient dû être communiquées à la Commission dans les trois mois à compter de leur publication, conformément à l’article 17, paragraphe 3, de ladite directive, soit, au plus tard, le 15 octobre 2018.

39 Il convient également de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte [arrêt du 4 mars 2021, Commission/Royaume-Uni (Valeurs limites – NO2), C‑664/18, non publié, EU:C:2021:171, point 77 et jurisprudence citée].

40 En l’occurrence, le délai fixé dans l’avis motivé émis par la Commission et réceptionné le 11 octobre 2019 par la République de Bulgarie a expiré le 11 décembre 2019.

41 Or, il est constant que cet État membre n’a pas rempli les obligations découlant de l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2008/56, mentionnées au point 38 du présent arrêt, dans le délai susmentionné, ni même à la date pour laquelle ledit État membre s’était engagé, dans ses réponses à la lettre de mise en demeure et à l’avis motivé, à réexaminer et à mettre à jour ses stratégies marines ainsi qu’à communiquer ces mises à jour à cette
institution, à savoir le 30 juin 2020.

42 Ce constat ne saurait être remis en cause par les arguments avancés par la République de Bulgarie. En effet, premièrement, il y a lieu d’écarter les allégations selon lesquelles celle-ci aurait rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a), i), ii) et iii), de la directive 2008/56. En effet, ces allégations concernent uniquement les obligations d’élaborer des stratégies marines initiales au cours de l’année 2012 ainsi que de notifier à la Commission les
rapports correspondants. Toutefois, ces obligations ne font pas l’objet du présent recours, ainsi qu’il ressort du point 21 du présent arrêt.

43 Deuxièmement, s’agissant de l’argumentation par laquelle la République de Bulgarie soutient qu’il lui était impossible de se conformer, dans le délai prescrit par la directive 2008/56, aux obligations qui lui sont imposées en vertu de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de cette dernière, notamment en raison, d’une part, des difficultés rencontrées lors de la tentative d’attribution du marché public en cause et, d’autre part, de la nécessité de respecter les exigences du droit de l’Union, de la
législation nationale pertinente ainsi que de la procédure d’approbation du projet Scirena Black Sea, il y a lieu de relever que la République de Bulgarie n’a pas expliqué en quoi la nécessité de respecter les exigences du droit de l’Union aurait pu l’empêcher de s’acquitter de ses obligations découlant de la disposition susmentionnée de la directive 2008/56. Pour le reste, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de
pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Espagne (Risques d’inondation – Plans de gestion des îles Canaries), C‑384/19, non publié, EU:C:2020:271, point 12 et jurisprudence citée].

44 Plus particulièrement, l’obligation, pour un État membre, de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante imposée par l’article 288, troisième alinéa, TFUE et par cette directive elle-même. Cette obligation de prendre toutes les mesures générales ou particulières s’impose à toutes les autorités des États membres (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Bulgarie, C‑145/14, non publié, EU:C:2015:502, point 58 et
jurisprudence citée).

45 De surcroît, la directive 2008/56 ne prévoit aucune dérogation aux obligations incombant aux États membres en vertu de son article 17, paragraphes 2 et 3, l’article 14 de cette directive concernant uniquement des dérogations lorsqu’un État membre peut identifier des cas dans lesquels les objectifs environnementaux ou le bon état écologique ne peuvent pas être atteints dans leur intégralité. Par ailleurs, s’il est vrai que le considérant 29 de ladite directive se réfère à l’impossibilité, pour un
État membre, d’atteindre le niveau ambitieux visé par les objectifs environnementaux fixés, cette référence ne concerne toutefois pas les obligations qui découlent de l’article 17 de cette même directive.

46 En tout état de cause, il y a lieu de préciser que les premières mesures organisationnelles visant à remplir les obligations imposées en vertu de l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2008/56 ont été prises par la République de Bulgarie le 16 juillet 2018, ainsi qu’il ressort de la réponse de cette dernière à la lettre de mise en demeure, c’est-à-dire après l’expiration du délai prévu à l’article 17, paragraphe 2, de cette directive, à
savoir le 15 juillet 2018. Dès lors, il ne saurait être considéré que cet État membre s’est trouvé dans l’impossibilité de respecter ses engagements dans le délai prévu.

47 Troisièmement, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, les changements intervenus après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ne sauraient être pris en compte pour apprécier l’existence du manquement en cause, le fait qu’un contrat a été conclu le 16 mars 2021 visant à mettre en œuvre les mesures nécessaires afin que la République de Bulgarie se conforme à ses obligations n’est pas pertinent pour l’appréciation du bien-fondé du
présent recours en manquement.

48 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le recours introduit par la Commission est fondé.

49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ayant omis de procéder, dans les délais prescrits, d’une part, au réexamen d’une manière coordonnée, tel qu’il est précisé à l’article 5 de la directive 2008/56, de l’évaluation initiale et de la définition du bon état écologique ainsi que des objectifs environnementaux et, d’autre part, à la communication à la Commission des modalités des mises à jour effectuées à l’issue de ces réexamens, la République de
Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, de cette directive.

Sur les dépens

50 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Bulgarie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

  1) En ayant omis de procéder, dans les délais prescrits, d’une part, au réexamen d’une manière coordonnée, tel qu’il est précisé à l’article 5 de la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »), de l’évaluation initiale et de la définition du bon état écologique ainsi que des objectifs environnementaux et, d’autre part,
à la communication à la Commission européenne des modalités des mises à jour effectuées à l’issue de ces réexamens, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 17, paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, de cette directive.

  2) La République de Bulgarie est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-510/20
Date de la décision : 28/04/2022
Type de recours : Recours en constatation de manquement

Analyses

Manquement d’État – Article 258 TFUE – Environnement – Directive 2008/56/CE – Politique pour le milieu marin – Article 5 – Stratégies marines – Article 17, paragraphes 2 et 3 – Absence de réexamen, dans les délais, de l’évaluation initiale et de la définition du bon état écologique ainsi que des objectifs environnementaux – Absence de communication à la Commission européenne, dans les délais, des modalités des mises à jour effectuées à l’issue des réexamens.

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République de Bulgarie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Kumin

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:324

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