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14/07/2022 | CJUE | N°C-106/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République italienne et Comune di Milano contre Conseil de l'Union européenne et Parlement européen., 14/07/2022, C-106/19


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 juillet 2022 ( *1 )

« Recours en annulation – Droit institutionnel – Règlement (UE) 2018/1718 – Fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments (EMA) à Amsterdam (Pays-Bas) – Article 263 TFUE – Recevabilité – Intérêt à agir – Qualité pour agir – Affectation directe et individuelle – Décision adoptée par les représentants des gouvernements des États membres en marge d’une réunion du Conseil en vue de fixer le lieu d’implantation du siège d’une agence de l’Union europ

éenne – Absence d’effets contraignants dans
l’ordre juridique de l’Union – Prérogatives du Parlement européen »

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 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 juillet 2022 ( *1 )

« Recours en annulation – Droit institutionnel – Règlement (UE) 2018/1718 – Fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments (EMA) à Amsterdam (Pays-Bas) – Article 263 TFUE – Recevabilité – Intérêt à agir – Qualité pour agir – Affectation directe et individuelle – Décision adoptée par les représentants des gouvernements des États membres en marge d’une réunion du Conseil en vue de fixer le lieu d’implantation du siège d’une agence de l’Union européenne – Absence d’effets contraignants dans
l’ordre juridique de l’Union – Prérogatives du Parlement européen »

Dans les affaires jointes C‑106/19 et C‑232/19,

ayant pour objet deux recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduits les 11 février 2019 et 14 mars 2019,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, M. S. Fiorentino et Mme G. Galluzzo, avvocati dello Stato (C‑106/19),

Comune di Milano, représenté par Mes J. Alberti, M. Condinanzi, A. Neri et F. Sciaudone, avvocati (C‑232/19),

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer, J. Bauerschmidt, F. Florindo Gijón et E. Rebasti, en qualité d’agents,

Parlement européen, représenté par Mme I. Anagnostopoulou, MM. A. Tamás et L. Visaggio, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par :

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. D. Nardi et P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Arabadjiev, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Regan, S. Rodin, I. Jarukaitis, N. Jääskinen et J. Passer, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, M. Safjan, F. Biltgen, P. G. Xuereb, A. Kumin et N. Wahl (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juin 2021,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 octobre 2021,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs requêtes, la République italienne (C‑106/19) et le Comune di Milano (commune de Milan, Italie) (C‑232/19) demandent l’annulation du règlement (UE) 2018/1718 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, portant modification du règlement (CE) no 726/2004 en ce qui concerne la fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments (JO 2018, L 291, p. 3, ci-après le « règlement attaqué »).

Le cadre juridique

2 Le 12 décembre 1992, les représentants des gouvernements des États membres ont adopté d’un commun accord, sur le fondement de l’article 216 du traité CEE, de l’article 77 du traité CECA et de l’article 189 du traité CEEA, la décision relative à la fixation des sièges des institutions et de certains organismes et services des Communautés européennes (JO 1992, C 341, p. 1, ci‑après la « décision d’Édimbourg »).

3 L’article 1er de la décision d’Édimbourg fixait les sièges respectifs du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne, de la Commission européenne, de la Cour de justice de l’Union européenne, du Comité économique et social européen, de la Cour des comptes européenne et de la Banque européenne d’investissement.

4 Selon l’article 2 de cette décision :

« Le siège d’autres organismes et services créés ou à créer sera décidé d’un commun accord par les représentants des gouvernements des États membres lors d’un prochain Conseil européen, en tenant compte des avantages des dispositions ci‑dessus pour les États membres intéressés, et en donnant une priorité appropriée aux États membres qui, à l’heure actuelle, n’abritent pas le siège d’une institution des Communautés. »

5 L’article 341 TFUE prévoit que « [l]e siège des institutions de l’Union est fixé du commun accord des gouvernements des États membres ».

6 Aux termes du protocole no 6 sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne (ci-après le « protocole no 6 »), annexé aux traités UE, FUE et CEEA :

« Les représentants des gouvernements des États membres,

Vu l’article 341 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 189 du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique,

Rappelant et confirmant la décision du 8 avril 1965, et sans préjudice des décisions concernant le siège des institutions, organes, organismes et services à venir,

Sont convenus des dispositions ci-après [...] :

Article unique

a) Le Parlement européen a son siège à Strasbourg [...]

b) Le Conseil a son siège à Bruxelles. [...]

c) La Commission a son siège à Bruxelles. [...]

d) La Cour de justice de l’Union européenne a son siège à Luxembourg.

e) La Cour des comptes a son siège à Luxembourg.

f) Le Comité économique et social a son siège à Bruxelles.

g) Le Comité des régions a son siège à Bruxelles.

h) La Banque européenne d’investissement a son siège à Luxembourg.

i) La Banque centrale européenne a son siège à Francfort.

j) L’Office européen de police (Europol) a son siège à La Haye. »

Les antécédents du litige

7 L’agence européenne pour l’évaluation des médicaments a été créée par le règlement (CEE) no 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments (JO 1993, L 214, p. 1). Ce règlement ne contenait aucune disposition relative à la fixation du siège de cette agence.

8 En vertu de l’article 1er, sous e), de la décision 93/C 323/01, du 29 octobre 1993, prise du commun accord des représentants des gouvernements des États membres réunis au niveau des chefs d’État ou de gouvernement relative à la fixation des sièges de certains organismes et services des Communautés européennes ainsi que d’Europol (JO 1993, C 323, p. 1), le siège de ladite agence a été fixé à Londres (Royaume-Uni).

9 Le règlement no 2309/93 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1). Par ce règlement, l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments a été renommée « Agence européenne des médicaments ». Ledit
règlement ne contenait aucune disposition relative à la fixation du siège de cette dernière.

10 Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a, conformément à l’article 50, paragraphe 2, TUE, notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union.

11 Le 22 juin 2017, en marge d’une réunion du Conseil européen relative à la procédure prévue à l’article 50 TUE, les chefs d’État ou de gouvernement des 27 autres États membres ont approuvé, sur la base d’une proposition du président du Conseil européen et du président de la Commission, une procédure aux fins de l’adoption d’une décision relative au transfert vers d’autres sites des sièges de l’EMA et de l’Autorité bancaire européenne dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de l’Union (ci-après les
« règles de sélection »).

12 Les règles de sélection prévoyaient notamment que cette décision serait prise sur la base d’un processus décisionnel équitable et transparent, comprenant l’organisation d’un appel d’offres fondé sur des critères objectifs précis.

13 Dans ce contexte, le point 3 des règles de sélection énonçait six critères, à savoir i) l’assurance que l’agence peut être créée à l’endroit proposé et exercer ses fonctions à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union ; ii) l’accessibilité du site d’implantation proposé ; iii) l’existence d’établissements scolaires adéquats pour les enfants du personnel des agences ; iv) un accès adéquat au marché du travail, à la sécurité sociale et aux soins médicaux pour les enfants et les conjoints ; v) la
continuité de l’activité, et vi) l’équilibre géographique.

14 Selon les règles de sélection, ces critères étaient établis par analogie avec ceux énoncés dans l’approche commune figurant à l’annexe de la déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, du 19 juillet 2012, sur les agences décentralisées (ci-après la « déclaration commune de 2012 »), une attention particulière étant accordée au fait que l’EMA et l’Autorité bancaire européenne avaient déjà été établies et que la continuité de leurs activités était primordiale.

15 Le point 2 des règles de sélection exposait, en outre, que la décision serait prise au moyen d’une procédure de vote, dont les États membres convenaient par avance de respecter le résultat. En particulier, il était indiqué que, en cas de partage des voix entre les offres restantes au troisième tour de scrutin, il serait procédé à un tirage au sort entre les offres se retrouvant ex æquo.

16 Le 30 septembre 2017, la Commission a publié son évaluation des 27 offres présentées par les États membres.

17 Le 31 octobre 2017, le Conseil a publié une note destinée à compléter les règles de sélection sur les questions pratiques relatives au vote.

18 Le 20 novembre 2017, l’offre de la République italienne et celle du Royaume des Pays-Bas ont obtenu, ex æquo, le nombre de voix le plus élevé au troisième tour de scrutin. Après tirage au sort organisé conformément au point 2 des règles de sélection, l’offre du Royaume des Pays-Bas a été retenue.

19 En conséquence, à cette même date, les représentants des gouvernements des États membres ont désigné, en marge d’une réunion du Conseil, la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA (ci‑après la « décision du 20 novembre 2017 »). Le procès-verbal et le communiqué de presse de cette réunion indiquaient ce qui suit :

« La Commission va élaborer à présent des propositions législatives tenant compte du vote de ce jour, en vue de leur adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, avec la participation du Parlement européen. Le Conseil et la Commission sont résolus à faire en sorte que ces propositions législatives soient traitées aussi rapidement que possible, compte tenu de l’urgence de la question. »

20 Le 29 novembre 2017, la Commission a adopté la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) no 726/2004 en ce qui concerne la fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments [COM(2017) 735 final]. Il était précisé, dans les motifs de cette proposition, que, « [à] la suite de la notification faite, le 29 mars 2017, par le Royaume-Uni de son intention de quitter l’Union, conformément à l’article 50 du traité sur l’Union européenne, les
27 autres États membres, réunis en marge du Conseil des affaires générales (article 50), [avaient] choisi Amsterdam, aux Pays-Bas, comme nouveau siège de l’[EMA] ». L’article 1er de ladite proposition prévoyait d’insérer un article 71 bis dans le règlement no 726/2004, formulé en ces termes : « L’[EMA] a son siège à Amsterdam, aux Pays-Bas. »

21 Le 14 novembre 2018, le règlement attaqué a été adopté sur le fondement de l’article 114 et de l’article 168, paragraphe 4, sous c), TFUE.

22 Aux termes des considérants 1, 2 et 3 de ce règlement :

(1) À la suite de la notification faite par le Royaume-Uni, le 29 mars 2017, de son intention de se retirer de l’Union, conformément à l’article 50 du traité sur l’Union européenne, les vingt-sept autres États membres, réunis le 20 novembre 2017 en marge du Conseil, ont choisi Amsterdam, aux Pays-Bas, comme nouveau siège de l’[EMA].

(2) Conformément à l’article 50, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, l’[EMA] devrait occuper son nouveau siège à compter du 30 mars 2019.

(3) Afin de garantir le bon fonctionnement de l’[EMA] dans son nouveau lieu d’implantation, un accord de siège devrait être conclu entre l’[EMA] et les Pays-Bas avant que l’[EMA] n’occupe son nouveau siège. »

23 L’article 1er du règlement attaqué a inséré dans le règlement no 726/2004 un article 71 bis, rédigé en ces termes :

« L’[EMA] a son siège à Amsterdam, Pays‑Bas.

Les autorités compétentes des Pays‑Bas prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir que l’[EMA] pourra être transférée vers son lieu d’implantation temporaire le 1er janvier 2019 au plus tard et qu’elle pourra être transférée vers son lieu d’implantation définitif le 16 novembre 2019 au plus tard.

Les autorités compétentes des Pays‑Bas soumettent un rapport écrit au Parlement européen et au Conseil sur l’état d’avancement des adaptations apportées aux locaux temporaires et de la construction du bâtiment définitif au plus tard le 17 février 2019, puis tous les trois mois par la suite, jusqu’à ce que l’[EMA] ait été transférée vers son lieu d’implantation définitif. »

24 En vertu de son article 2, premier et deuxième alinéas, le règlement attaqué est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne et est devenu applicable à compter du 30 mars 2019.

Les conclusions des parties

Affaire C‑106/19

25 La République italienne demande à la Cour :

– d’annuler le règlement attaqué et

– de condamner le Conseil et le Parlement aux dépens.

26 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le recours comme étant dénué de fondement et

– de condamner la République italienne aux dépens.

27 Le Parlement demande à la Cour :

– de rejeter le recours et

– de condamner la République italienne aux dépens.

Affaire C‑232/19

28 Le Comune di Milano demande à la Cour :

– d’annuler le règlement attaqué ;

– de déclarer sans effet la décision du 20 novembre 2017 et

– de condamner le Conseil et le Parlement aux dépens.

29 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le recours comme étant irrecevable ;

– de rejeter le recours comme étant dénué de fondement, et

– de condamner le Comune di Milano aux dépens.

30 Le Parlement demande à la Cour :

– de rejeter le recours comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondé, et

– de condamner le Comune di Milano aux dépens.

31 Par acte déposé au greffe de la Cour le 29 avril 2019, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité conformément à l’article 151, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

32 Dans ses observations déposées au greffe de la Cour le 1er juillet 2019, le Comune di Milano a conclu, à titre principal, au rejet de cette exception d’irrecevabilité et, à titre subsidiaire, à la jonction de ladite exception au fond.

La procédure devant la Cour

33 Par décisions du président de la Cour des 20 mai 2019 et 14 juin 2019 dans les affaires C‑106/19 et C‑232/19, le Royaume des Pays-Bas et la Commission, respectivement, ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil et du Parlement.

34 Par décision du 26 novembre 2019, l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement dans l’affaire C‑232/19 a été jointe au fond.

35 Par décision du président de la Cour du 19 décembre 2019, les affaires C‑106/19 et C‑232/19 ont été jointes aux fins de la suite de la procédure et de l’arrêt.

36 Le 19 novembre 2020, le Parlement a, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé que la Cour siège en grande chambre dans les présentes affaires.

Sur la demande de procédure accélérée

37 Par acte séparé du 11 février 2019, la République italienne a demandé que l’affaire C‑106/19 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 133 du règlement de procédure. À l’appui de cette demande, elle a fait valoir que le transfert provisoire du siège de l’EMA à Amsterdam était en cours à la date de l’introduction de sa requête et que le transfert définitif de ce siège était prévu pour le mois de novembre 2019, ce qui conférait une urgence particulière au traitement de cette affaire.

38 L’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le président de la Cour peut, l’autre partie, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre une affaire à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

39 En l’occurrence, le 15 février 2021, le président de la Cour a décidé, les autres parties, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de ne pas faire droit à cette demande.

40 En effet, réserver une suite favorable à ladite demande n’aurait pas permis à la République italienne d’obtenir la suspension de la mise en œuvre, en cours, du règlement attaqué et, en particulier, du processus de transfert du siège de l’EMA de Londres à Amsterdam. Par ailleurs, le caractère sensible et complexe des problèmes juridiques posés par l’affaire C‑106/19, ainsi que par les affaires connexes à celle-ci et auxquelles la République italienne s’est référée dans sa demande, se prêtait
difficilement à l’application d’une telle procédure, étant donné, notamment, qu’il n’apparaissait pas approprié d’écourter la phase écrite de la procédure devant la Cour (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 103 ainsi que jurisprudence citée).

Sur les recours

Sur la recevabilité du recours introduit par le Comune di Milano dans l’affaire C‑232/19

Argumentation des parties

41 Le Conseil soutient que le recours dans l’affaire C‑232/19 est manifestement irrecevable, puisque le Comune di Milano n’a ni qualité pour agir ni intérêt à agir contre le règlement attaqué.

42 S’agissant, en premier lieu, de la qualité pour agir, le Conseil soutient que le Comune di Milano n’est pas directement et individuellement concerné par le règlement attaqué, lequel constitue un acte législatif, au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, adopté en vertu de la procédure législative ordinaire prévue à l’article 294 TFUE.

43 En effet, d’une part, pour ce qui est du point de savoir si le Comune di Milano est directement concerné par le règlement attaqué, le Conseil estime que le Comune di Milano ne démontre pas quels effets préjudiciables sur le plan matériel il aurait subis à la suite de l’adoption de ce règlement. Le fait que le Comune di Milano a été choisi par la République italienne dans le cadre de sa candidature pour accueillir le siège de l’EMA ne ferait pas de lui un sujet directement concerné par ledit
règlement.

44 D’autre part, en ce qui concerne le point de savoir si le Comune di Milano est individuellement concerné par le règlement attaqué, le Conseil allègue que le Comune di Milano reste en défaut de démontrer en quoi l’adoption de ce règlement a porté atteinte à l’exercice concret de ses compétences, telles qu’elles sont définies dans l’ordre juridique italien. En outre, dès lors que le Comune di Milano n’a pas été associé à la procédure d’adoption dudit règlement, la circonstance qu’il a participé à
la préparation de l’offre italienne et à la procédure de sélection ne permettrait pas d’établir qu’il est individuellement concerné par le même règlement.

45 À cet égard, le Conseil relève que le droit de l’Union ne confère, ni dans les règles de procédure ni dans les actes destinés à la sélection du siège de l’EMA, aucun droit spécifique de participation à des sujets autres que les États membres. Serait dépourvue de pertinence la jurisprudence citée par le Comune di Milano qui reconnaît la qualité pour agir aux particuliers lorsque ceux-ci sont expressément mentionnés dans les documents préparatoires des actes attaqués et que ces derniers découlent
de la prise en considération concrète d’éléments concernant ces particuliers. De même, le Comune di Milano n’aurait pas démontré quelles circonstances spécifiques caractériseraient sa situation juridique de manière à ce qu’il soit considéré comme destinataire du règlement attaqué. En outre, le Conseil souligne que la référence aux principes dégagés en matière de marchés publics est dépourvue de pertinence. Enfin, les prétendues dépenses encourues par le Comune di Milano, qui l’ont été de sa
propre initiative, ne démontreraient pas qu’il est individuellement concerné par ce règlement.

46 S’agissant, en second lieu, de l’intérêt à agir, le Conseil est d’avis que le Comune di Milano ne prouve pas qu’il dispose d’un intérêt personnel, né et actuel au recours engagé. Tout d’abord, l’éventuel succès de ce recours aurait pour unique conséquence l’annulation de l’acte qui incorpore la décision prise par les États membres de fixer le siège de l’EMA à Amsterdam, et non la désignation en tant que telle de la ville de Milan comme nouveau siège de cette agence. Ensuite, cet éventuel succès
ne suffirait pas pour garantir que les conditions relatives à l’obtention d’indemnités soient remplies. Enfin, les éventuelles conséquences d’ordre économique ou social découlant de l’adoption d’un acte de l’Union ne permettraient pas, en tant que telles, d’établir qu’une collectivité territoriale est individuellement concernée par cet acte. L’intérêt à agir d’une collectivité territoriale n’existerait que lorsque la décision contestée est susceptible de produire un effet bénéfique sur sa
situation juridique, c’est-à-dire que lorsque cette décision a des conséquences sur l’exercice des compétences qui lui sont conférées en vertu du droit national.

47 Le Parlement fait également valoir que le Comune di Milano ne dispose ni de la qualité pour agir ni même d’un intérêt à agir contre le règlement attaqué. Il souligne notamment que, dès lors que ce règlement est un acte législatif de l’Union au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, il incombe au Comune di Milano de démontrer qu’il est directement et individuellement concerné par celui-ci. Or, cette démonstration ferait clairement défaut en l’espèce.

48 En premier lieu, en ce qui concerne la qualité pour agir, le Parlement fait valoir, d’une part, que les circonstances invoquées par le Comune di Milano ne démontrent pas que le règlement attaqué, qui se limite à fixer à Amsterdam le nouveau siège de l’EMA, le concerne directement. Ce règlement se bornerait, en substance, à établir le nouveau siège de l’EMA à la suite de la proposition formulée par la Commission. Le législateur de l’Union n’aurait à aucun moment été saisi d’une proposition visant
à fixer à Milan ledit siège. En l’absence de tout lien juridique entre le choix fait dans la décision du 20 novembre 2017 et la proposition de la Commission à l’origine dudit règlement, il ne serait pas permis de considérer que le Comune di Milano est directement concerné par les dispositions du même règlement.

49 D’autre part, le Parlement avance que le Comune di Milano n’est pas non plus individuellement concerné par le règlement attaqué, dans la mesure où les circonstances que cette entité territoriale invoque ne sont pas suffisantes pour établir qu’elle se trouve dans une situation qui la caractérise par rapport à toute autre personne au sens de la jurisprudence de la Cour. En particulier, toute intervention éventuelle du Comune di Milano au titre de la coopération engagée par les États membres pour
fixer le lieu du nouveau siège de l’EMA, notamment en vertu des règles de sélection approuvées le 22 juin 2017, ne pourrait avoir pour effet de caractériser la ville de Milan de manière propre à satisfaire la condition de l’affectation individuelle visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En outre, et indépendamment de la valeur qu’il convient de donner à ces règles, celles-ci ne conféreraient aucun rôle particulier aux autorités locales dans la sélection des offres proposées, ce rôle étant
réservé aux gouvernements des États membres concernés. Sur ce point, la situation visée en l’espèce se distinguerait de celles en cause dans les domaines des droits antidumping ou des marchés publics, où la participation de certains acteurs est expressément prévue par la législation en vigueur.

50 En second lieu, en ce qui concerne l’intérêt à agir du Comune di Milano, le Parlement est d’avis que les arguments avancés par ce dernier ne sauraient étayer à suffisance de droit l’existence d’un tel intérêt personnel et réel. Tout d’abord, il serait difficilement concevable que l’annulation éventuelle du règlement attaqué soit à même de lui procurer un bénéfice, au sens de la jurisprudence pertinente, en l’absence de toute incidence directe de ce règlement sur la situation juridique du Comune
di Milano. Ensuite, le Parlement fait valoir que, en tout état de cause, l’intérêt dont se prévaut le Comune di Milano ne saurait être assimilé à un intérêt « personnel ». En effet, il serait manifeste que ledit règlement n’interfère aucunement avec l’autonomie législative ou financière du Comune di Milano dans la mesure où il se borne à fixer à Amsterdam le nouveau siège de l’EMA. À cet égard, le Parlement avance que c’est le gouvernement italien et non le Comune di Milano qui a participé à la
procédure de sélection. En outre, à supposer que le règlement attaqué vienne à être annulé, le transfert du siège de l’EMA à Milan serait purement hypothétique et ne saurait, dès lors, être invoqué pour fonder l’intérêt à agir du Comune di Milano. Enfin, le Parlement avance qu’une annulation éventuelle de ce règlement ne saurait être à même de rétablir une situation que ce dernier n’a pas modifiée.

51 Le Comune di Milano soutient, pour sa part, qu’il justifie non seulement d’une qualité pour demander l’annulation du règlement attaqué, mais également d’un intérêt à agir.

52 S’agissant, plus particulièrement, de sa qualité pour agir, le Comune di Milano souligne que le règlement attaqué, qui produit des effets erga omnes et qui est directement applicable, affecte indéniablement sa situation juridique en sa qualité de ville candidate et de participante active au processus de désignation du nouveau siège de l’EMA. Il fait valoir que, à l’instar de ce qui a été jugé dans le domaine des droits antidumping ou en matière de marchés publics, les personnes qui ont été
identifiées ou qui ont participé à une procédure ayant abouti à l’adoption d’un acte ont une qualité particulière à agir contre ce dernier. Il souligne que, au cours de la procédure de sélection en cause en l’espèce, dont l’issue a déterminé le contenu du règlement attaqué, la ville de Milan a obtenu le plus grand nombre de voix et que, sa candidature satisfaisant toutes les exigences requises, la seule raison pour laquelle elle n’a pas été désignée comme nouveau siège de l’EMA réside dans
l’illégalité de ce règlement.

Appréciation de la Cour

53 Il convient, d’emblée, de rappeler que le recours d’une entité régionale ou locale ne peut être assimilé au recours d’un État membre, la notion d’« État membre », au sens de l’article 263 TFUE, ne visant que les autorités gouvernementales des États membres (arrêt du 13 janvier 2022, Allemagne e.a./Commission, C‑177/19 P à C‑179/19 P, EU:C:2022:10, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

54 De telles entités sont, à l’instar de toute personne physique ou morale visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, soumises aux conditions spécifiques que cette disposition prévoit. Elles doivent ainsi justifier de façon distincte et cumulative tant d’un intérêt à agir que de leur qualité pour agir contre l’acte dont elles demandent l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

–  Sur l’intérêt à agir du Comune di Milano

55 En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. La preuve d’un tel intérêt, qui s’apprécie au jour où le
recours est formé et qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice, doit être rapportée par le requérant (arrêts du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 37, ainsi que du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 91).

56 En l’espèce, l’éventuelle annulation du règlement attaqué pourrait donner lieu à l’adoption d’un nouveau règlement différent, quant au fond, du règlement attaqué. En effet, ainsi que le fait valoir le Comune di Milano, une telle annulation entraînerait la reprise de la procédure législative en vue de fixer le lieu du siège de l’EMA, avec comme conséquence l’éventualité que la ville de Milan soit proposée et retenue pour accueillir ce siège, et que, à l’issue de la nouvelle procédure de sélection,
cette ville soit désignée comme lieu de la nouvelle implantation de cette agence.

57 Il s’ensuit que le Comune di Milano justifie d’un intérêt à demander l’annulation du règlement attaqué.

–  Sur la qualité pour agir du Comune di Milano

58 Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

59 À cet égard, une entité régionale ou locale peut, dans la mesure où elle jouit, à l’instar du Comune di Milano, de la personnalité juridique en vertu du droit national, former un recours en annulation en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE [arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 45 ainsi que jurisprudence citée].

60 En l’espèce, il importe de constater que le règlement attaqué doit être qualifié d’acte législatif dès lors qu’il a été adopté sur le fondement combiné de l’article 114 TFUE et de l’article 168, paragraphe 4, sous c), TFUE, et conformément à la procédure législative ordinaire. Dans ces conditions, ce n’est que si le Comune di Milano peut être considéré comme étant directement et individuellement concerné par ce règlement que son recours est recevable.

61 En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le Comune di Milano est directement concerné par le règlement attaqué, il y a lieu de rappeler que l’exigence, prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours requiert que deux conditions soient cumulativement satisfaites, à savoir, d’une part, que cette mesure produise directement des effets sur la situation juridique de
cette personne et, d’autre part, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires [voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42,
ainsi que du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 61 et jurisprudence citée].

62 Il convient d’examiner successivement si le Comune du Milano satisfait à chacune de ces deux exigences.

63 Premièrement, le règlement attaqué désigne la ville d’Amsterdam comme siège de l’EMA avec effet immédiat et contraignant. Étant donné que ce règlement ne laisse aucune marge d’appréciation quant à la désignation du lieu du siège de l’EMA et qu’il déploie, à cet égard, ses effets juridiques sans qu’aucune mesure complémentaire ne soit requise, la seconde exigence, mentionnée au point 61 du présent arrêt, est satisfaite.

64 Ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général au point 97 de ses conclusions, ce constat n’est pas remis en cause par le fait que, en vertu du considérant 3 du règlement attaqué, les droits et les obligations spécifiques de la ville d’Amsterdam sont voués à être précisés dans un accord de siège à conclure entre l’EMA et le Royaume des Pays-Bas.

65 Deuxièmement, s’agissant de la question de savoir si le règlement attaqué produit directement des effets sur la situation juridique du requérant, il convient de souligner que la ville de Milan, représentée par le Comune di Milano, en tant qu’entité territoriale dotée de la personnalité juridique, était une des villes candidates aux fins de la fixation du nouveau siège de l’EMA.

66 Par ailleurs, il est constant que la candidature de la ville de Milan a été expressément examinée au cours de la procédure législative et que la proposition de la Commission mentionnée au point 20 du présent arrêt a fait l’objet de plusieurs propositions d’amendement dans le cadre de la procédure devant le Parlement.

67 Dans ces circonstances, la situation juridique du Comune di Milano a été directement affectée par l’adoption du règlement attaqué en ce que celui-ci a désigné, de manière juridiquement contraignante, la ville d’Amsterdam comme lieu du nouveau siège de l’EMA, avec pour effet automatique l’exclusion de Milan, ville candidate, comme lieu de ce nouveau siège.

68 En second lieu, s’agissant de la question de savoir si le Comune di Milano est individuellement concerné par le règlement attaqué, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, pour être individuellement concernée par un acte de portée générale, la personne qui introduit un recours en annulation doit démontrer que l’acte attaqué l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait,
l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’un acte le serait (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, ainsi que du 20 janvier 2022, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑594/19 P, EU:C:2022:40, point 31 et jurisprudence citée).

69 En l’espèce, il convient de relever, premièrement, que, aux termes du considérant 1 du règlement attaqué, l’adoption de ce règlement a fait suite à la procédure de sélection ayant conduit à l’adoption de la décision du 20 novembre 2017.

70 Or, il est constant que, dans le cadre de ladite procédure de sélection, la ville de Milan a été désignée par la République italienne comme ville candidate pour accueillir le nouveau siège de l’EMA et que, à l’issue du troisième tour de scrutin, elle a obtenu, ex æquo avec la ville d’Amsterdam, sa concurrente directe, le plus grand nombre de voix. Dès lors, la ville de Milan faisait partie du cercle fermé des villes candidates pour accueillir ce siège et se trouvait, de ce fait, au moment de
l’adoption du règlement attaqué, dans une situation particulière à l’égard de ce dernier de nature à lui conférer le droit à une protection juridictionnelle effective.

71 Deuxièmement, ainsi que le Conseil l’a lui-même relevé dans ses écritures, la situation de la ville de Milan a été explicitement évoquée, à plusieurs reprises, en tant que siège possible de l’EMA, au cours de la procédure législative ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué.

72 Ainsi, le Comune di Milano se trouve, dans les circonstances de l’espèce, dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire d’un acte.

73 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que la procédure de sélection menée en amont de l’adoption du règlement attaqué ne conférait de rôle qu’aux États membres et non aux autorités locales. Il ressort en effet du dossier soumis à la Cour que le Comune di Milano a été étroitement associé à l’élaboration de l’offre formellement présentée par la République italienne et aux démarches administratives visant à promouvoir la ville de Milan aux fins de la désignation du nouveau
siège de l’EMA.

74 Ladite conclusion n’est pas davantage affectée par la jurisprudence, reflétée, notamment, au point 73 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Allemagne e.a./Commission (C‑177/19 P à C‑179/19 P, EU:C:2022:10), relative à la configuration particulière, différente de celle en cause en l’espèce, dans laquelle une entité infraétatique fait valoir que l’acte dont elle demande l’annulation l’empêche d’exercer comme elle l’entend les compétences propres que lui confère l’ordre constitutionnel national.

75 Certes, ainsi que l’ont souligné le Parlement et le Conseil, il ne suffit pas, pour reconnaître la recevabilité d’un recours introduit par une collectivité territoriale d’un État membre, que celle-ci se prévale du fait que l’application ou la mise en œuvre d’un acte de l’Union est susceptible d’affecter, de manière générale, les conditions socio-économiques sur son territoire.

76 Toutefois, le recours introduit par le Comune di Milano porte sur une situation distincte, à savoir celle dans laquelle une ville a été désignée comme siège d’une agence de l’Union, avec pour conséquence le rejet des candidatures émanant d’autres villes, dont celle de Milan, la décision de désignation ayant eu pour effet de déterminer le sort, favorable ou défavorable, de l’ensemble des candidatures.

77 Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que, indépendamment du droit de recours autonome dont dispose la République italienne en vertu de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, le Comune di Milano est directement et individuellement concerné par le règlement attaqué et, partant, a qualité pour en demander l’annulation.

78 Il s’ensuit que le recours introduit dans l’affaire C‑232/19 est recevable.

Sur le fond

79 À l’appui de son recours dans l’affaire C‑106/19, la République italienne soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation des articles 10, 13 et 14 TUE ainsi que de l’article 114, de l’article 168, paragraphe 4, sous c), et des articles 289 et 294 TFUE, en ce que le Parlement n’a pas pleinement exercé ses prérogatives en matière législative. Le second moyen est tiré de l’illégalité de la décision du 20 novembre 2017 en tant que fondement du règlement attaqué.

80 Le Comune di Milano avance, pour sa part, quatre moyens à l’appui de son recours dans l’affaire C‑232/19. Le premier moyen, directement dirigé contre le règlement attaqué, est tiré de la violation des principes de démocratie représentative (article 10 TUE), de l’équilibre institutionnel et de la coopération loyale (article 13 TUE) ainsi que des formalités substantielles (article 14 TUE ainsi que articles 289 et 294 TFUE). Les deuxième à quatrième moyens, qui mettent en cause par voie d’exception
la légalité de la décision du 20 novembre 2017 sur laquelle ce règlement serait fondé, sont pris, respectivement, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation des principes de transparence, de bonne administration et d’équité (deuxième moyen), d’une violation des principes de bonne administration, de transparence et de coopération (troisième moyen), ainsi que d’une violation de la décision 2009/937/UE du Conseil, du 1er décembre 2009, portant adoption de son règlement intérieur (JO
2009, L 325, p. 35), et des règles figurant dans la note du Conseil du 31 octobre 2017.

Sur le premier moyen dans l’affaire C‑106/19 et le premier moyen dans l’affaire C‑232/19

–  Argumentation des parties

81 Par son premier moyen dans l’affaire C‑106/19, la République italienne fait valoir que le règlement attaqué a été adopté en violation des articles 10 et 13 TUE, de l’article 14, paragraphe 1, TUE, de l’article 114 TFUE, de l’article 168, paragraphe 4, sous c), TFUE ainsi que des articles 289 et 294 TFUE, dans la mesure où le rôle de co-législateur du Parlement a été ignoré.

82 À titre liminaire, la République italienne souligne que, compte tenu de l’évolution du droit de l’Union et de la pratique institutionnelle, la désignation du siège des agences de l’Union relève non pas de la compétence des États membres, comme c’est le cas pour la fixation du siège des institutions de l’Union en vertu de l’article 341 TFUE, mais de la compétence de l’Union.

83 Or, selon la République italienne, le Parlement n’a joué qu’un rôle purement formel dans le processus décisionnel ayant conduit au choix du nouveau siège de l’EMA et à l’adoption du règlement attaqué. En témoigneraient les circonstances entourant l’adoption de ce règlement, notamment les déclarations du Parlement annexées à sa position arrêtée en première lecture du 15 mars 2018 et à sa résolution législative du 25 octobre 2018, déclarations par lesquelles celui-ci a clairement manifesté son
regret d’avoir été mis à l’écart de ce processus décisionnel. Le Parlement n’aurait été en mesure ni de s’exprimer sur ce choix ni, partant, d’exercer ses prérogatives de co-législateur, que ce soit pendant la phase qui a conduit à l’adoption de la décision du 20 novembre 2017 ou au cours de la procédure d’adoption du règlement attaqué, puisque la proposition de la Commission et la position adoptée par le Conseil lors de cette procédure ne lui auraient laissé aucune marge d’intervention réelle.

84 Par son premier moyen dans l’affaire C‑232/19, le Comune di Milano fait valoir que le règlement attaqué a été adopté en violation des prérogatives du Parlement. Il ne ferait en effet aucun doute que le siège de l’EMA a été choisi au terme du processus ayant conduit à la décision du 20 novembre 2017, laquelle a déterminé la teneur de ce règlement et donc la fixation du siège de l’EMA à Amsterdam, en dehors de la procédure législative ordinaire. Le Parlement n’aurait à aucun moment été associé à ce
processus, alors même que, en vertu de l’article 294 TFUE, la procédure législative ordinaire implique sa participation pleine et effective. Le Conseil et la Commission auraient décidé de choisir la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA et auraient ainsi mis le Parlement devant le fait accompli sans lui laisser aucune marge d’intervention pour remettre en cause cette décision.

85 Il en résulterait une méconnaissance de l’équilibre institutionnel de l’Union et des principes de démocratie représentative et de coopération loyale (arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 90) ainsi qu’une violation d’une formalité substantielle (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 160).

86 L’atteinte aux prérogatives du Parlement lors du processus législatif ayant conduit à la désignation de la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA ressortirait clairement des déclarations de cette institution ainsi que des amendements proposés par celle-ci en première lecture.

87 Le Conseil, soutenu par le Royaume des Pays-Bas, conclut au rejet du premier moyen dans l’affaire C‑106/19 et du premier moyen dans l’affaire C‑232/19.

88 En premier lieu, il fait valoir que l’examen du processus législatif suivi en l’espèce met clairement en évidence, ainsi qu’en témoigne notamment le nombre d’amendements proposés sur le projet de résolution législative, que le Parlement a amplement débattu de la proposition présentée par la Commission et a examiné les différentes options possibles, avant d’accepter que le siège de l’EMA soit fixé à Amsterdam. Le Parlement aurait également obtenu que plusieurs modifications pertinentes soient
intégrées dans le texte législatif final. Ces circonstances démontreraient que, sur le plan factuel, et abstraction faite de toute déclaration politique, les prérogatives du Parlement ont été respectées.

89 S’agissant de l’argument tiré des déclarations faites par le Parlement, le Conseil précise que la volonté d’une institution est reflétée par les actes qu’il lui appartient d’adopter dans le respect des procédures formelles applicables. Dans ces conditions, si les déclarations explicatives accompagnant parfois ce processus formel peuvent fournir des éléments de contexte politique ou énoncer les motifs politiques sous-tendant une décision donnée, elles seraient en tant que telles dénuées de
pertinence pour évaluer l’exercice effectif d’une compétence.

90 En second lieu, le Conseil estime que la compétence relative à la fixation du siège d’une agence de l’Union incombe aux représentants des gouvernements des États membres statuant d’un commun accord. Dès lors, la désignation du siège de l’EMA dans le règlement attaqué aurait une simple valeur déclarative, et le co-législateur n’aurait pas pu s’en écarter, tout en restant libre de ne pas légiférer sur ce point.

91 À cet égard, le Conseil fait valoir, premièrement, que la compétence relative à la fixation du siège d’une agence de l’Union ne relève pas de celle dont dispose l’Union pour régir un domaine donné sur le fond et, donc, en l’occurrence, de la procédure législative ordinaire. Selon cette institution, la décision relative à la fixation du siège d’une agence est d’une nature fondamentalement différente de celles qui régissent la définition des compétences, des règles de fonctionnement, voire de
l’organisation de cette agence. Une telle décision serait caractérisée par une dimension politique et symbolique forte, qui ne se limiterait pas au domaine matériel spécifique de l’agence en question et qui dépasserait les simples considérations économiques ou d’efficacité. Le Conseil se réfère, à cet égard, aux différentes déclarations intergouvernementales en la matière, en particulier à la décision d’Édimbourg, mais également au contentieux portant sur le siège du Parlement.

92 Deuxièmement, le Conseil est d’avis que l’article 341 TFUE fonde la compétence des États membres pour fixer le siège d’une agence de l’Union d’un commun accord. Il résulterait, en effet, d’une analyse de l’évolution historique de cette disposition ainsi que du contexte dans lequel elle s’insère que la référence aux « institutions » ne doit pas être interprétée d’une manière restrictive, comme faisant référence aux seules institutions mentionnées à l’article 13, paragraphe 1, TUE. Cette
interprétation correspondrait, en outre, à la pratique établie en la matière, pratique qui, ainsi qu’en témoigneraient l’article 2 de la décision d’Édimbourg et la déclaration commune de 2012, aurait bénéficié d’une reconnaissance interinstitutionnelle. Cette pratique mettrait clairement en évidence, notamment, que, loin d’être de nature purement politique, la décision prise d’un commun accord par les représentants des gouvernements des États membres serait juridiquement contraignante, au point
de devenir, dans certains cas, une condition de l’entrée en vigueur de l’acte de base.

93 Selon le Conseil, la nature de la compétence de l’Union dans une matière déterminée ne devrait pas être confondue avec les modalités par lesquelles celle-ci doit être exercée conformément aux traités. Ainsi, une compétence pourrait être exclusive parce qu’elle est liée à une matière qui exige nécessairement une action au niveau de l’Union, mais il pourrait être prévu dans le même temps qu’elle soit exercée au moyen d’une décision des représentants des gouvernements des États membres plutôt que
des institutions de l’Union. Tel serait le cas, par exemple, de la nomination des juges et des avocats généraux de la Cour en vertu de l’article 253 TFUE et de celle des membres du Tribunal en vertu de l’article 254 TFUE.

94 Le Conseil précise, enfin, que le fait que les co-législateurs soient tenus de suivre le choix opéré par les États membres ne signifie pas pour autant que l’inclusion, dans l’acte législatif de base, de l’indication du lieu du siège de l’agence de l’Union concernée est dépourvue de toute valeur ajoutée. En effet, outre le fait que cette indication serait un facteur important de sécurité juridique, le texte législatif pourrait, comme en l’espèce avec l’insertion de l’article 71 bis dans le
règlement no 726/2004 par le règlement 2018/1718, associer à ladite indication une série d’autres éléments normatifs, tant matériels que procéduraux, afin de compléter la fixation purement géographique du siège. Tel serait le cas en l’espèce, puisque cet article 71 bis non seulement indique que le siège de l’EMA est situé à Amsterdam, mais impose également aux autorités néerlandaises compétentes, d’une part, de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que le transfert de l’EMA vers
son lieu d’implantation temporaire puis son lieu d’implantation définitive survienne avant des dates précises et, d’autre part, de soumettre régulièrement au Parlement et au Conseil des rapports écrits jusqu’à l’installation de l’EMA dans son lieu d’implantation définitive. De tels effets obligatoires supplémentaires découleraient ainsi directement et exclusivement du règlement attaqué, pour l’adoption duquel le Parlement a pleinement exercé ses prérogatives de co-législateur, et non du choix du
siège opéré par les représentants des gouvernements des États membres.

95 Le Parlement conclut également au rejet du premier moyen dans l’affaire C‑106/19 et du premier moyen dans l’affaire C‑232/19, mais pour des raisons différentes de celles avancées par le Conseil.

96 À titre liminaire, le Parlement indique qu’il partage pleinement la conclusion des parties requérantes selon laquelle un acte tel que la décision du 20 novembre 2017 ne peut en aucune manière restreindre légitimement l’exercice des pouvoirs qui sont conférés au législateur de l’Union par les traités. Toutefois, à la différence de ce que soutiennent ces parties, le Parlement considère que les vices susceptibles d’affecter cette décision ne peuvent pas entacher d’illégalité, directement ou
indirectement, le règlement attaqué.

97 Le Parlement fait valoir, en substance, que, dans la mesure où les représentants des gouvernements des États membres ne disposent d’aucune compétence pour fixer le siège des organes de l’Union, la décision du 20 novembre 2017 ne saurait se voir attribuer un quelconque effet contraignant, susceptible de limiter le champ d’intervention du législateur de l’Union. En effet, admettre le contraire reviendrait à légitimer l’existence d’un processus décisionnel étranger à l’architecture institutionnelle
conçue par les traités, qui n’attribue pas aux États membres la compétence en matière de fixation du siège des organes ou des organismes de l’Union, notamment des agences de celle-ci. Une telle réserve de compétence ne pourrait pas non plus se déduire de l’article 341 TFUE, qui mentionne exclusivement les « institutions de l’Union » prévues à l’article 13, paragraphe 1, TUE. Compte tenu du fait, en outre, que les institutions de l’Union ne peuvent volontairement renoncer à exercer les pouvoirs
qui leur sont conférés par les traités, la Commission ne pouvait pas, pour sa part, acter sans réserve, dans sa proposition de règlement, le choix opéré par les représentants des gouvernements des États membres dans la décision du 20 novembre 2017, sans effectuer elle-même une évaluation discrétionnaire, de même que les co-législateurs ne pouvaient pas s’engager juridiquement à adopter une telle proposition. Il s’ensuivrait que les accords intervenus successivement entre les États membres
concernant, tout d’abord, les règles de sélection adoptées le 22 juin 2017 et, ensuite, le choix de la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA en vertu de la décision du 20 novembre 2017, ont valeur d’actes de coopération purement politiques, insusceptibles de limiter les attributions des institutions de l’Union.

98 Le Parlement précise qu’il n’a aucunement renoncé à exercer les prérogatives législatives qui lui sont conférées par les traités. Il rappelle que l’éventuelle incidence politique de la position des États membres sur une procédure décisionnelle prévue par les traités, et notamment sur le pouvoir d’initiative législative de la Commission et sur le pouvoir législatif du Parlement et du Conseil, ne saurait constituer un motif d’annulation de l’acte adopté au titre de ladite procédure.

99 En l’occurrence, le Parlement aurait veillé à préserver sa position institutionnelle par tous les moyens dont il dispose, sa principale préoccupation tout au long de la procédure législative ayant été d’assurer la continuité des activités de l’EMA, afin d’éviter que le bon accomplissement de la mission importante de cette agence de l’Union en matière de protection de la santé publique soit compromis par le transfert de son siège. Ce serait dans ce but que, à l’initiative du Parlement, un
calendrier de transfert et un mécanisme de suivi ont été prévus respectivement au deuxième et au troisième alinéa de l’article 71 bis du règlement no 726/2004, tel qu’inséré par le règlement attaqué. Cette même préoccupation serait également reflétée dans les considérants 3 à 5 de ce règlement, qui ont également été introduits au cours de la procédure législative.

100 Le Parlement indique, enfin, que, s’il est vrai que le choix du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une valeur politique particulière pour les États membres, cette circonstance ne justifie pas que soit attribuée aux États membres une compétence qui ne leur est pas conférée par les traités, telle que celle de procéder à un tel choix [voir, en ce sens, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 22 et
jurisprudence citée].

101 Ainsi, il conviendrait de n’accorder à l’initiative menée dans le cadre de la coopération intergouvernementale en vue de fixer le nouveau siège de l’EMA que la valeur d’une coopération d’ordre strictement politique, qui a conduit à la décision du 20 novembre 2017, elle aussi d’ordre politique et dénuée de toute nature juridiquement contraignante. Cette décision serait sans préjudice des compétences attribuées aux institutions de l’Union dans le cadre de la procédure législative ordinaire, seule
applicable en l’espèce. De plus et surtout, la préconisation des États membres figurant dans la décision du 20 novembre 2017 et le processus de sélection qui l’a précédée ne pourraient être considérés comme étant la phase préparatoire de la procédure législative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué. Plus généralement, il conviendrait de ne pas effectuer une distinction entre la valeur juridique et les effets politiques de la décision du 20 novembre 2017.

102 Le Parlement précise que, si, dans le cas d’espèce, il a finalement décidé d’approuver le choix de la ville d’Amsterdam en tant que nouveau siège de l’EMA, il l’a fait en exerçant le pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu dans le cadre de son rôle de co-législateur, et non parce qu’il y a été contraint par la position des États membres. D’ailleurs, la déclaration du Parlement, annexée à la résolution législative du 25 octobre 2018, ne reconnaîtrait à aucun moment le caractère juridiquement
contraignant de la décision du 20 novembre 2017.

103 La Commission, intervenant au soutien des conclusions du Conseil et du Parlement, conclut au rejet des premiers moyens dans les affaires C‑106/19 et C‑232/19.

104 À l’instar du Parlement, la Commission estime que le choix opéré par les représentants des gouvernements des États membres ne pouvait entraver ni son pouvoir d’initiative ni les prérogatives des deux institutions défenderesses en leur qualité de co-législateurs. Elle explique en effet que, si l’article 341 TFUE a indéniablement inspiré la pratique suivie jusqu’à présent lors de la création des différents organes et organismes de l’Union, et si la Commission a globalement fait usage de son
pouvoir d’initiative en reconnaissant la pertinence des considérations d’ordre politique générales liées principalement à la nécessité d’assurer un équilibre géographique dans la fixation des différents sièges et en s’abstenant de prévoir la fixation du siège des agences de l’Union dans les propositions d’actes les instituant, elle serait toutefois libre de s’écarter de cette pratique, comme elle l’aurait fait en diverses circonstances, notamment en indiquant dans ses propositions législatives
la localisation du siège de certaines agences de l’Union. Ainsi, la Commission ne serait pas légalement tenue de transposer le choix opéré par les représentants des gouvernements des États membres ou de certains États membres. De même, le Parlement n’aurait, en aucun cas, été juridiquement lié par la décision des représentants des gouvernements des États membres prise conformément à cette pratique.

105 La Commission souligne qu’il convient de distinguer l’incidence politique d’une position prise par les États membres de sa valeur juridiquement contraignante, cette dernière faisant défaut en l’espèce. Cette distinction est, selon la Commission, confirmée par la jurisprudence selon laquelle, d’une part, il revient exclusivement au Parlement et au Conseil de déterminer le contenu d’un acte législatif et, d’autre part, l’existence d’une incidence de nature politique ne saurait constituer un motif
d’annulation d’un acte adopté à l’issue de la procédure législative (arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, points 84 et 86 ainsi que jurisprudence citée).

106 La Commission ajoute qu’il n’y a aucune raison de penser que le co-législateur, dont la Cour a déjà reconnu qu’il était en mesure de décider de la création d’un organe tel qu’une agence de l’Union (arrêt du 2 mai 2006, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑217/04, EU:C:2006:279, points 44 et 45), ne puisse, comme cela a été le cas en l’espèce, statuer en toute indépendance sur la fixation du siège de ladite agence. La Commission relève que, lors du débat au Parlement sur sa proposition à l’origine
du règlement attaqué, la désignation de la ville de Milan comme siège de l’EMA a été écartée après avoir fait l’objet d’une discussion spécifique. Cette circonstance prouverait que la possibilité de s’écarter de la décision politique des représentants des gouvernements des États membres n’est pas purement théorique et que, dans le cas d’espèce, le Parlement n’a pas été mis devant le « fait accompli ».

–  Appréciation de la Cour

107 Par le premier moyen dans l’affaire C‑106/19 et le premier moyen dans l’affaire C‑232/19, qu’il convient d’examiner ensemble, la République italienne et le Comune di Milano soutiennent, en substance, que les prérogatives du Parlement n’ont pas été respectées lors du processus ayant conduit à la désignation de la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA, et ce en violation des dispositions des traités, en particulier des articles 10, 13 et 14 TUE, de l’article 114, de l’article 168,
paragraphe 4, sous c), et des articles 289 et 294 TFUE.

108 L’examen de ces moyens exige de se prononcer, à titre liminaire, sur la question de savoir qui, des États membres ou du législateur de l’Union, est compétent pour fixer le siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union, ce qui suppose, notamment, de déterminer si l’article 341 TFUE, aux termes duquel le siège « des institutions » de l’Union est fixé « du commun accord des gouvernements des États membres », s’applique également aux organes et aux organismes de l’Union.

109 En effet, dans le cas où, ainsi que le soutient le Conseil, il devrait être conclu que cette compétence est réservée aux États membres agissant d’un commun accord, le législateur de l’Union ne pourrait légalement s’écarter de la décision prise en la matière par les États membres, même s’il restait libre de ne pas légiférer sur ce point et si l’acte qu’il serait amené à adopter n’avait qu’une valeur déclaratoire ou confirmative.

110 En revanche, dans le cas où il devrait être conclu que ladite compétence appartient au législateur de l’Union en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les traités, il y aurait lieu d’apprécier si la décision du 20 novembre 2017 a, comme le font valoir la République italienne et le Comune di Milano, limité les prérogatives du législateur de l’Union et, plus largement, compromis l’équilibre institutionnel dans la procédure suivie en vue de l’adoption du règlement attaqué.

1) Sur la compétence en matière de fixation du lieu du siège des organes et des organismes de l’Union

111 Selon une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 47 et jurisprudence citée).

112 Ainsi, il convient d’examiner, sur la base de ces méthodes d’interprétation, si l’article 341 TFUE s’applique aux décisions relatives à la fixation du siège des organes et des organismes de l’Union.

113 En premier lieu, en ce qui concerne les termes de l’article 341 TFUE, ceux-ci se réfèrent aux seules « institutions de l’Union ». Or, conformément à l’article 13, paragraphe 1, TUE, la notion d’« institutions » renvoie à une liste précise d’entités qui n’inclut pas les organes et les organismes de l’Union, notamment, les agences de celle-ci.

114 En deuxième lieu, s’agissant du contexte dans lequel l’article 341 TFUE s’inscrit, il y a lieu de souligner, tout d’abord, comme l’a relevé M. l’avocat général Bobek au point 94 de ses conclusions dans les affaires Italie/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments) et Parlement/Conseil (Siège de l’Autorité européenne du travail) (C‑59/18, C‑182/18 et C‑743/19, EU:C:2021:812), qu’un certain nombre de dispositions des traités ont été modifiées par le traité de Lisbonne en vue d’y
inclure une référence expresse aux « organes et [aux] organismes de l’Union », ce qui a eu pour effet d’opérer explicitement une distinction entre, d’un côté, les institutions de l’Union expressément visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE et, de l’autre, les organes et les organismes de l’Union. Ainsi, alors que certaines dispositions du traité FUE visent seulement les institutions de l’Union, d’autres de ses dispositions, telles que les articles 15, 16, 123, 124, 127, 130, 228, 263, 265, 267,
282, 298 et 325, se réfèrent, plus largement, aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union. Tel est en particulier le cas, s’agissant de la compétence de la Cour, des articles 263, 265 et 267 TFUE.

115 Or, force est de constater que le libellé de l’article 341 TFUE, qui ne vise que les « institutions », correspond à celui des dispositions ayant précédé cet article, à savoir l’article 216 du traité CEE (devenu article 216 du traité CE, lui-même devenu article 289 CE).

116 La circonstance, mise en avant par le Conseil, que les dispositions de la septième partie du traité FUE, intitulée « Dispositions générales et finales », dans laquelle s’insère l’article 341 TFUE, mentionnent les « institutions » ne saurait donc être interprétée, alors même que, ainsi qu’il résulte du point 114 du présent arrêt, le traité UE opère une distinction nette entre les institutions de l’Union, d’une part, et les organes et les organismes de celle-ci, d’autre part, comme une
manifestation de l’intention des auteurs des traités de conférer à la notion d’« institutions » une compréhension extensive, en ce sens que cette dernière engloberait non seulement les entités énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE, mais également les organes et les organismes de l’Union institués par les traités, ou en vertu de ceux-ci, et destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union. Il en va d’autant plus ainsi que le traité UE et le traité FUE constituent une base
constitutionnelle unitaire pour l’Union en vertu de l’article 1er, troisième alinéa, TUE et de l’article 1er, paragraphe 2, TFUE, si bien que la définition de la notion d’« institutions » figurant à l’article 13, paragraphe 1, TUE et la distinction entre ces institutions, d’une part, et les organes et les organismes de l’Union, d’autre part, doivent valoir de manière transversale et uniforme dans les deux traités.

117 Ne saurait non plus être déterminante l’interprétation large donnée par la Cour à la notion d’« institutions », au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, lequel énonce que, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».

118 En effet, si la Cour a jugé que la notion d’« institutions », au sens de cette dernière disposition, englobe non seulement les institutions de l’Union énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE, mais aussi l’ensemble des organes et des organismes de l’Union institués par les traités, ou en vertu de ceux-ci, et destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a.,C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P,
EU:C:2020:1028, point 80 et jurisprudence citée), elle s’est explicitement fondée, pour dégager cette jurisprudence, sur la circonstance, d’une part, que les organes et les organismes de l’Union institués par les traités ou en vertu de ceux-ci sont destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union et, d’autre part, qu’il serait contraire à l’intention des auteurs des traités que, lorsqu’elle agit par l’intermédiaire d’un organe ou d’un organisme, l’Union puisse échapper aux
conséquences des dispositions des traités régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, C‑370/89, EU:C:1992:482, points 13 à 16).

119 Ainsi, l’interprétation large donnée par la Cour à la notion « d’institutions », aux fins de l’application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, répond au besoin, justifié par les principes généraux communs aux droits des États membres visés expressément à cette disposition, d’éviter que l’Union puisse se soustraire à l’application du régime de responsabilité non contractuelle relevant de l’article 268 TFUE, lu conjointement avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, et au contrôle
juridictionnel de la Cour qui en découle, lorsqu’elle agit par l’intermédiaire d’un organe ou d’un organisme de l’Union distinct des institutions énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE (voir, par analogie, arrêt du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, C‑370/89, EU:C:1992:482, points 14 et 16). Il doit d’autant plus en aller ainsi que, comme M. l’avocat général l’a indiqué au point 100 de ses conclusions, la notion d’« agents » visée à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE englobe d’un point
de vue fonctionnel l’ensemble du personnel travaillant pour l’Union, que ce soit dans les institutions ou dans les organes et les organismes de cette dernière.

120 En conséquence, l’interprétation donnée à la notion d’« institutions », au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, qui régit l’étendue de la responsabilité extracontractuelle de l’Union, ne saurait utilement être invoquée aux fins de définir par analogie le champ d’application de l’article 341 TFUE, relatif à l’étendue des compétences réservées aux États membres en vertu des traités.

121 Le Conseil ne saurait non plus utilement se prévaloir de la notion d’« institutions » figurant à l’article 342 TFUE, aux termes duquel « [l]e régime linguistique des institutions de l’Union est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par le Conseil statuant à l’unanimité par voie de règlements ». En effet, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 98 de ses conclusions dans les affaires Italie/Conseil (Siège de l’Agence
européenne des médicaments), Comune di Milano/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments) et Parlement/Conseil (Siège de l’Autorité européenne du travail) (C‑59/18, C‑182/18 et C‑743/19, EU:C:2021:812), la notion d’« institutions », au sens de ce dernier article, ne doit pas nécessairement être interprétée comme incluant les organes et les organismes de l’Union, dans la mesure où le régime linguistique d’un organe ou d’un organisme de l’Union peut être différent de celui en vigueur
dans les institutions de celle-ci.

122 Quant au protocole no 6, si, ainsi que le fait valoir le Conseil, celui-ci fixe non seulement le siège des institutions de l’Union, mais aussi celui de certains organes et organismes de l’Union, dont Europol, et se réfère à l’article 341 TFUE, il ne prévoit pas pour autant que les sièges des organes et des organismes de l’Union doivent être déterminés collectivement par les États membres en vertu du principe énoncé à cet article. À cet égard, il importe de faire observer que ces organes et
organismes de l’Union ont pour caractéristique commune d’avoir été créés par les États membres, alors que tel n’est pas le cas d’une agence de l’Union telle que l’EMA, qui a été créée, sur la base des traités fondateurs, par le législateur de l’Union. Ainsi, il ne saurait être inféré de ce protocole une volonté des États membres d’appliquer, directement ou par analogie, le principe énoncé à cet article à la fixation du siège de l’ensemble des organes et des organismes de l’Union.

123 Comme l’a fait observer M. l’avocat général Bobek au point 112 de ses conclusions dans les affaires Italie/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments), Comune di Milano/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments) et Parlement/Conseil (Siège de l’Autorité européenne du travail) (C‑59/18, C‑182/18 et C‑743/19, EU:C:2021:812), l’adoption d’un protocole spécifique témoigne, au contraire, du fait que les États membres ont considéré que leur décision collective quant à la
fixation du siège de certains organes et organismes de l’Union limitativement énumérés devait spécifiquement être inscrite dans le droit primaire afin de produire des effets juridiques dans le droit de l’Union.

124 Quant au renvoi explicite, dans le protocole no 6, à l’article 341 TFUE, il s’explique par le fait que ce protocole vise, au premier chef, les institutions mentionnées à l’article 13, paragraphe 1, TUE.

125 En outre, il est vrai, ainsi qu’il ressort de l’article 2 de la décision d’Édimbourg, que les représentants des gouvernements des États membres ont exprimé le souhait de se réserver les décisions relatives aux sièges des organes et des organismes de l’Union de la même manière qu’ils sont expressément et clairement habilités par l’article 341 TFUE à établir le siège des institutions de l’Union. Par ailleurs, à l’occasion de la conférence intergouvernementale qui a conduit à l’adoption du traité
d’Amsterdam, le texte de la décision d’Édimbourg a été repris en tant que protocole annexé aux traités UE, CE, CECA et CEEA, devenu aujourd’hui le protocole no 6, annexé aux traités UE, FUE et CEEA.

126 Néanmoins, d’une part, l’article unique de ce dernier protocole ne fixe, dans des termes comparables à ceux de l’article 1er de la décision d’Édimbourg, le siège que d’institutions, d’organes ou d’organismes de l’Union créés par les États membres. D’autre part, bien que la Cour ait reconnu une valeur juridique contraignante à cette décision dans l’arrêt du 1er octobre 1997, France/Parlement (C‑345/95, EU:C:1997:450), auquel elle s’est référée dans d’autres arrêts ultérieurs [voir, en ce sens,
arrêts du 13 décembre 2012, France/Parlement, C‑237/11 et C‑238/11, EU:C:2012:796, points 36 à 42, et du 2 octobre 2018, France/Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire), C‑73/17, EU:C:2018:787, point 33], l’article 2 de ladite décision ne saurait conduire à retenir une interprétation de l’article 341 TFUE qui irait à l’encontre de son libellé clair.

127 Le Conseil se prévaut également, en tant qu’élément de contexte, de la pratique institutionnelle antérieure relative à la fixation du siège des organes et des organismes de l’Union et soutient que cette pratique bénéficie d’une « reconnaissance institutionnelle » par la déclaration commune de 2012 et l’approche commune qui y est annexée.

128 Toutefois, il ressort des éléments d’information qui ont été portés à la connaissance de la Cour dans le cadre des présentes affaires que la pratique alléguée est loin d’être généralisée. En effet, les procédures suivies en vue de la désignation du siège des organes et des organismes de l’Union soit ont été menées par les seuls États membres, soit ont impliqué, à des degrés variables et sur des fondements divers, les institutions de l’Union en leur qualité ou non d’acteurs de la procédure
législative.

129 À supposer néanmoins qu’il soit possible, ainsi que le soutient le Conseil, d’identifier une pratique antérieure établie et cohérente, en vertu de laquelle les sièges des organes et des organismes de l’Union auraient systématiquement été fixés sur la base d’un choix politique opéré par les seuls représentants des gouvernements des États membres, l’interprétation de l’article 341 TFUE que le Conseil préconise sur la base de cette pratique ne saurait bénéficier d’une quelconque « reconnaissance
institutionnelle » par la déclaration commune de 2012 et l’approche commune qui y est annexée. En effet, cette déclaration ne revêt, comme le souligne son cinquième alinéa, aucun caractère juridiquement contraignant et ne comporte, au demeurant, aucune reconnaissance d’une quelconque réserve de compétence des États membres en ce qui concerne la détermination du siège des organes et des organismes de l’Union.

130 En tout état de cause, une telle pratique, qui irait à l’encontre des règles du traité FUE et, en particulier, de l’article 341 TFUE, en étendant, en dépit de son libellé clair, le champ d’application de cet article à la fixation du siège des organes et des organismes de l’Union, ne saurait créer un précédent liant les institutions (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, point 60 et jurisprudence citée).

131 En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’objectif de l’article 341 TFUE, celui-ci consiste à préserver les pouvoirs décisionnels des États membres dans la détermination du siège des seules institutions de l’Union. Contrairement à la position défendue par le Conseil lors de l’audience, une interprétation de cet article en ce sens qu’il ne s’applique pas aux organes et aux organismes de l’Union ne saurait avoir pour effet de le priver de tout effet utile, ainsi que l’a relevé M. l’avocat
général Bobek au point 138 de ses conclusions dans les affaires Italie/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments), Comune di Milano/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments) et Parlement/Conseil (Siège de l’Autorité européenne du travail) (C‑59/18, C‑182/18 et C‑743/19, EU:C:2021:812). S’il est vrai que le siège des institutions de l’Union est déjà fixé par le droit primaire, en l’occurrence par le protocole no 6, l’article 341 TFUE n’en conserve pas moins une pertinence
pour toute décision future éventuelle modifiant le siège d’une institution existante ou fixant le siège d’une nouvelle institution.

132 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, à la différence des institutions de l’Union, dont la création et les fonctions sont, du fait de leur importance constitutionnelle, prévues par les traités eux-mêmes, les organes et les organismes de l’Union, tels que l’EMA, dont l’objet est dédié à la réalisation des objectifs d’une politique donnée de l’Union, ne sont, en règle générale, pas créés par les traités. Dans ces conditions, leur création, à défaut de découler du droit primaire, doit
résulter d’un acte de droit dérivé adopté sur le fondement des dispositions matérielles mettant en œuvre la politique de l’Union dans laquelle l’organe ou l’organisme concerné intervient et conformément aux procédures prévues par ces dispositions.

133 En l’absence d’autres précisions à cet égard dans les traités, il appartient, de même, au législateur de l’Union, conformément aux procédures prévues par les dispositions des traités matériellement pertinentes, de fixer le siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union qu’il a lui-même institué par un acte de droit dérivé pris sur le fondement de ces dispositions, à l’instar de la compétence qu’il détient, en vertu desdites dispositions, pour définir les compétences, l’organisation et le mode de
fonctionnement de cet organe ou de cet organisme.

134 La décision relative à la fixation du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union, tel qu’une agence de l’Union, est ainsi, contrairement à ce qu’avance le Conseil, consubstantielle à la décision relative à sa création. Revêt la même nature une décision relative à la relocalisation du siège d’une telle agence.

135 Certes, la fixation du lieu du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union peut tenir compte de considérations d’ordre politique, telles que la nécessité, dans l’implantation des organes ou des organismes de l’Union, de garantir un certain équilibre géographique ou de favoriser les États membres qui n’abritent pas encore le siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union.

136 Toutefois, le caractère politique de la décision fixant le lieu du siège d’un tel organe ou organisme de l’Union n’est pas en soi de nature à justifier que cette décision échappe à la compétence du législateur de l’Union, lequel est, en effet, régulièrement amené à opérer des choix politiques dans l’exercice des compétences de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑113/14, EU:C:2016:635, point 55).

137 Par ailleurs, une telle décision doit principalement permettre de garantir la réalisation des missions confiées à l’organe ou à l’organisme de l’Union concerné en vue de la réalisation des objectifs d’une politique donnée.

138 Ne peut davantage prospérer la thèse selon laquelle le fait de lier la fixation du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union à la base matérielle sur laquelle repose la création de celui-ci est susceptible d’aboutir, selon la base juridique pertinente, à soumettre cette fixation à un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, et non à une décision prise d’un commun accord des représentants des gouvernements des États membres, tout en faisant de ladite fixation un élément de compromis
dans le cadre du débat législatif.

139 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 136 du présent arrêt, le fait que la décision de fixation du lieu du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union puisse revêtir une dimension politique importante, en ce qu’elle doit répondre notamment à des considérations relatives à l’équilibre géographique, n’empêche pas que cette décision puisse être prise par le législateur de l’Union conformément aux procédures prévues par les dispositions des traités matériellement pertinentes, cette
dimension politique pouvant constituer, à cet égard, un élément dont le législateur de l’Union peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il importe, par ailleurs, de souligner que, le processus législatif de l’Union étant guidé, en vertu des dispositions combinées de l’article 1er, deuxième alinéa, et de l’article 10, paragraphe 3, TUE, par le principe de transparence à l’égard des citoyens, le recours à ce processus est de nature à renforcer l’assise démocratique d’une
décision relative à la désignation du lieu du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union, tel que l’EMA.

140 En outre, et plus fondamentalement, la circonstance qu’une décision, telle que celle portant sur la fixation du lieu du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union, présente une sensibilité politique ne saurait conduire à la modification des compétences conférées par les traités aux institutions de l’Union ni à soustraire l’exercice de ces compétences aux procédures législatives prévues par les traités. La détermination de la portée d’une disposition des traités régissant une compétence
matérielle de l’Union ne saurait ainsi dépendre de considérations liées au caractère politiquement sensible de la matière concernée ou au souci d’assurer l’efficacité d’une action.

141 Il résulte de l’ensemble de ces considérations, et notamment du libellé de l’article 341 TFUE, que cette disposition ne saurait être interprétée comme gouvernant la désignation du lieu du siège d’un organe ou d’un organisme de l’Union tel que l’EMA.

142 Dans ces conditions, la compétence pour décider de la fixation du lieu du siège de cette agence appartient non pas aux États membres mais au législateur de l’Union, auquel il incombe d’agir à cette fin, conformément aux procédures prévues par les dispositions des traités matériellement pertinentes, en l’occurrence l’article 114 et l’article 168, paragraphe 4, TFUE, lesquels prévoient le recours à la procédure législative ordinaire.

143 C’est à la lumière de cette conclusion qu’il convient d’apprécier, dans un second temps, la portée de la décision du 20 novembre 2017 et d’examiner si les prérogatives du Parlement ont été respectées.

2) Sur la portée de la décision du 20 novembre 2017 et le respect des prérogatives du Parlement

144 La République italienne et le Comune di Milano soutiennent, en substance, que l’adoption de la décision du 20 novembre 2017 a, en tant que telle, porté atteinte aux prérogatives du Parlement. À tout le moins, ils font valoir que le Parlement s’est estimé lié par cette décision.

145 S’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel la décision du 20 novembre 2017 a, en tant que telle, porté atteinte aux prérogatives du Parlement, il ressort des motifs figurant aux points 111 à 142 du présent arrêt que la compétence en matière de fixation du siège des organes et des organismes de l’Union appartient au législateur de l’Union et non aux États membres.

146 Or, le pouvoir législatif réservé au Parlement et au Conseil, à l’article 14, paragraphe 1, TUE et à l’article 16, paragraphe 1, TUE, qui s’inscrit dans le principe d’attribution des pouvoirs consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE et, plus largement, dans le principe d’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, implique qu’il revient exclusivement à ces institutions de déterminer le contenu d’un acte législatif (arrêt du 21 juin 2018,
Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 84 ainsi que jurisprudence citée).

147 Aussi, sauf à méconnaître l’architecture institutionnelle et la répartition des compétences découlant des traités, une décision telle que la décision du 20 novembre 2017, qui a été adoptée par les États membres sur la base de règles matérielles et procédurales spécifiques convenues par les États membres en dehors d’un cadre défini en vertu du droit de l’Union, ne peut se voir attribuer une quelconque valeur contraignante, susceptible de limiter le pouvoir d’appréciation du législateur de
l’Union, quand bien même la Commission aurait été associée au processus de sélection ayant conduit à l’adoption de cette décision. Une telle décision a donc la valeur d’un acte de coopération politique qui ne saurait en aucun cas empiéter sur les compétences conférées aux institutions de l’Union dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

148 À cet égard, le simple fait que le Parlement n’a pas été impliqué dans le processus ayant conduit à l’adoption de la décision du 20 novembre 2017 ne saurait être considéré comme une violation ou un contournement des prérogatives du Parlement en tant que co-législateur. En effet, outre le fait que ce processus s’est déroulé en dehors du cadre défini par le droit de l’Union et que cette décision ne revêt aucune valeur contraignante dans ce droit, la procédure législative relative à la fixation du
nouveau siège de l’EMA n’avait, lors de son adoption, pas encore été engagée.

149 Il s’ensuit que le grief selon lequel l’adoption de la décision du 20 novembre 2017 a, en tant que telle, porté atteinte aux prérogatives du Parlement doit être écarté.

150 En ce qui concerne, en second lieu, le grief selon lequel le Parlement s’est estimé lié par la décision du 20 novembre 2017 et a ainsi renoncé à exercer effectivement ses compétences en matière législative en limitant son rôle à des aspects purement formels, il ressort du dossier soumis à la Cour, tout d’abord, que la proposition à l’origine du règlement attaqué, mentionnée au point 20 du présent arrêt, qui prévoyait de retenir la ville d’Amsterdam comme nouveau siège de l’EMA, a été analysée
par plusieurs commissions parlementaires. Certaines d’entre elles, telles que la commission du contrôle budgétaire ainsi que la commission des affaires constitutionnelles, ont exprimé leur avis sur cette proposition respectivement le 11 janvier 2018 et le 26 février 2018.

151 Ensuite, les débats au sein du Parlement ont donné lieu au dépôt d’amendements, les uns proposant de retenir comme siège de l’EMA une ville autre qu’Amsterdam, en particulier Milan, les autres suggérant l’adoption de nouveaux critères de sélection et de nouvelles modalités procédurales pour le choix de ce siège. À la suite du vote en commission parlementaire puis en séance plénière,ces amendements ont toutefois été écartés dans leur intégralité par le Parlement, lequel a opté en faveur du siège
indiqué dans la proposition de la Commission. Ainsi, le déroulement du processus législatif et le résultat auquel il a abouti mettent en évidence que la désignation éventuelle de la ville de Milan en tant que nouveau siège de l’EMA a été abordée lors des travaux parlementaires avant d’être finalement rejetée.

152 En revanche, à la suite des négociations informelles menées entre le Conseil et le Parlement, d’autres amendements ont été adoptés, portant sur la mention d’une date précise pour le transfert du siège de l’EMA et l’institution d’un mécanisme de suivi des progrès réalisés dans l’opération de transfert. Ces ajouts ont été, par la suite, insérés dans le texte du règlement attaqué, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 3 dudit règlement.

153 Enfin, le Parlement a voté sur le projet d’acte législatif le 25 octobre 2018, en tenant compte d’un certain nombre d’échanges informels qui avaient eu lieu entre le Conseil, le Parlement et la Commission dans l’intention de parvenir à un accord sur la question du nouveau siège de l’EMA en première lecture et d’éviter la nécessité d’une deuxième lecture, voire d’une procédure de conciliation.

154 Il ne saurait donc être valablement soutenu que l’intervention du Parlement s’est cantonnée à un rôle purement formel.

155 Certes, dans la déclaration annexée à la résolution législative du 25 octobre 2018, le Parlement a indiqué qu’il regrettait que « son rôle de colégislateur n’ait pas été dûment pris en compte, puisqu’il n’[avait] pas été associé à la procédure de sélection du nouveau siège de l’[EMA] » (premier alinéa), a souhaité « rappeler les prérogatives qui sont les siennes en sa qualité de colégislateur », a exigé « le respect plein et entier de la procédure législative ordinaire lors de la fixation du
siège des organes et des agences » (deuxième alinéa) et a dénoncé « la procédure suivie pour la fixation du nouveau siège, dès lors qu’il [avait] de facto été privé de ses pouvoirs dans la mesure où il n’[avait] pas réellement été associé au processus, alors qu’on s’attend[ait] maintenant à ce qu’il se borne à entériner le choix du nouveau siège au titre de la procédure législative ordinaire » (quatrième alinéa).

156 Toutefois, il ne saurait être inféré de cette déclaration que le Parlement a considéré que la décision du 20 novembre 2017 présentait un caractère juridiquement contraignant. Certes, cette décision ainsi que le processus de sélection qui l’a précédée ont pu avoir une valeur politique importante, eu égard notamment à la circonstance, évoquée par le Parlement, qu’il était impératif d’assurer la continuité de l’activité de l’EMA et, partant, la désignation d’un nouveau siège pour cette agence dans
les meilleurs délais. Cela étant, l’incidence politique de ladite décision sur le pouvoir législatif du Parlement et du Conseil ne saurait constituer un motif d’annulation, par la Cour, du règlement attaqué (voir, par analogie, arrêts du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, points 145 à 149, ainsi que du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, points 85 et 86).

157 Enfin, la référence, figurant au considérant 1 du règlement attaqué, à la décision du 20 novembre 2017 n’est pas non plus de nature, en tant que telle, à établir que le Parlement n’a pas correctement apprécié l’étendue de ses prérogatives ou que celles-ci ont été méconnues.

158 Il s’ensuit que le grief tiré de ce que le Parlement s’est estimé lié par la décision du 20 novembre 2017 doit également être écarté.

159 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans l’affaire C‑106/19 et le premier moyen dans l’affaire C‑232/19.

Sur le second moyen dans l’affaire C‑106/19 ainsi que sur les deuxième à quatrième moyens dans l’affaire C‑232/19

–  Argumentation des parties

160 Par son second moyen dans l’affaire C‑106/19, la République italienne fait valoir que, même dans le cas où il n’y aurait pas eu une violation des prérogatives du Parlement et où, en particulier, le règlement attaqué se serait borné à « assurer la réception » de la décision du 20 novembre 2017, les illégalités affectant cette décision, mises en cause dans l’affaire C‑59/18, République italienne/Conseil, entacheraient d’illégalité, de manière dérivée, ce règlement. Renvoyant aux arguments avancés
dans le cadre de cette dernière affaire, la République italienne souligne que ladite décision est entachée d’un détournement de pouvoir.

161 Par ses deuxième à quatrième moyens dans l’affaire C‑232/19, qui recoupent le second moyen soulevé par la République italienne dans l’affaire C‑106/19, le Comune di Milano fait également valoir que, le règlement attaqué étant fondé sur la décision du 20 novembre 2017, les illégalités entachant cette décision et le processus de sélection qui l’a précédée affectent la légalité de ce règlement.

162 Dans le cadre du deuxième moyen dans l’affaire C‑232/19, le Comune di Milano conteste, en premier lieu, la légalité de la procédure de sélection adoptée le 22 juin 2017, en ce que celle-ci prévoyait le recours au tirage au sort pour décider de la désignation définitive du lieu du siège de l’EMA. D’après le Comune di Milano, le choix d’une méthode de désignation aussi aléatoire constitue un détournement de pouvoir en ce qu’il s’éloigne de l’objectif poursuivi par la procédure de sélection, à
savoir veiller à ce que la meilleure offre d’accueil du nouveau siège de l’EMA soit retenue, compte tenu des critères prédéfinis.

163 En second lieu, le Comune di Milano soutient que la procédure de sélection est illégale également en raison du fait que la Commission n’a pas pris les mesures d’information prévues aux fins de cette procédure, ce qui a conduit à une dénaturation importante de l’offre du Royaume des Pays-Bas par les États membres ayant pris part au vote.

164 Par son troisième moyen, le Comune di Milano fait valoir que la procédure de sélection adoptée le 22 juin 2017 a violé les principes de bonne administration et de coopération loyale, dans la mesure où elle prévoyait un tirage au sort final, lequel constitue un mode de sélection indigne d’un processus décisionnel propre aux institutions de l’Union. Il allègue, en outre, que cette procédure a violé le principe de transparence de l’activité administrative, dans la mesure où aucun procès-verbal des
opérations de vote n’a été établi et où, de manière plus générale, il n’y a eu aucune forme de publicité ou de contrôle de la procédure.

165 Enfin, par son quatrième et dernier moyen, le Comune di Milano évoque, en substance, la violation d’une série de dispositions du règlement intérieur du Conseil relatives à l’établissement d’un procès-verbal, à la prise de décisions, à la forme des actes et à l’obligation de motivation. En outre, le Comune di Milano prétend que la procédure de sélection, et en particulier la phase de tirage au sort, s’est déroulée en violation des règles définies dans la note du 31 octobre 2017, mentionnée au
point 17 du présent arrêt, notamment dans la mesure où celle-ci prévoyait une pause de trente minutes entre chaque tour de scrutin.

166 Le Conseil conclut au rejet des moyens soulevés, en faisant valoir, notamment, que la République italienne et le Comune di Milano ne sont pas recevables à contester la légalité de la décision du 20 novembre 2017.

167 De son côté, le Parlement fait observer que, d’un point de vue formel, la requête de la République italienne ne satisfait pas, concernant la présentation des arguments, aux conditions énoncées à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 120, sous c), du règlement de procédure. Sur le fond, il considère que les moyens soulevés sont inopérants, en l’absence de lien juridique entre la décision du 20 novembre 2017 et le règlement attaqué.

168 Quant à la Commission, elle conclut également au rejet des moyens soulevés, faute de tout effet juridiquement contraignant s’attachant à la décision du 20 novembre 2017.

–  Appréciation de la Cour

169 Le second moyen dans l’affaire C‑106/19 ainsi que les deuxième à quatrième moyens dans l’affaire C‑232/19, par lesquels la République italienne et le Comune di Milano soutiennent, en substance, que les illégalités entachant la décision du 20 novembre 2017 ont pour effet de rendre illégal le règlement attaqué, sont fondés sur la prémisse selon laquelle il existe un lien juridique entre cette décision et ce règlement.

170 Or, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 111 à 142 du présent arrêt, la compétence pour décider de la fixation du siège des organes et des organismes de l’Union appartient non pas aux États membres, mais au législateur de l’Union, qui l’exerce conformément aux procédures prévues par les dispositions des traités matériellement pertinentes, en l’occurrence l’article 114 et l’article 168, paragraphe 4, TFUE, lesquels prévoient le recours à la procédure législative ordinaire.
Du reste, ainsi qu’il a été constaté au point 147 de cet arrêt, la décision du 20 novembre 2017 est dénuée d’effets juridiques contraignants en droit de l’Union, si bien qu’elle ne saurait constituer la base juridique du règlement attaqué et qu’elle ne présente, par ailleurs, pas de lien juridique avec celui-ci.

171 Ainsi, même à supposer, comme le prétendent les parties requérantes, que la décision du 20 novembre 2017 ait été prise à l’issue d’une procédure viciée et selon des modalités irrégulières, cette circonstance serait, en tant que telle, sans incidence sur la légalité du règlement attaqué.

172 Dans ces conditions, le second moyen dans l’affaire C‑106/19 ainsi que les deuxième à quatrième moyens dans l’affaire C‑232/19 doivent être écartés comme étant inopérants.

173 Aucun des moyens avancés au soutien des présents recours n’ayant été accueilli, il convient de rejeter lesdits recours dans leur ensemble.

Sur les dépens

174 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

175 Conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

176 Dans le cas d’espèce, caractérisé par le fait que les circonstances ayant entouré l’adoption du règlement attaqué se singularisent par une pratique et des interprétations divergentes sur la question de la compétence décisionnelle en matière de fixation du siège des organes et des organismes de l’Union, il apparaît justifié de décider que chacune des parties principales, à savoir la République italienne, le Comune di Milano, le Conseil et le Parlement, supportera ses propres dépens.

177 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume des Pays-Bas et la Commission, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

  1) Les recours sont rejetés.

  2) La République italienne, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen supportent leurs propres dépens dans l’affaire C‑106/19.

  3) Le Comune di Milano, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen supportent leurs propres dépens dans l’affaire C‑232/19.

  4) Le Royaume des Pays-Bas et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-106/19
Date de la décision : 14/07/2022
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation – Droit institutionnel – Règlement (UE) 2018/1718 – Fixation du siège de l’Agence européenne des médicaments (EMA) à Amsterdam (Pays-Bas) – Article 263 TFUE – Recevabilité – Intérêt à agir – Qualité pour agir – Affectation directe et individuelle – Décision adoptée par les représentants des gouvernements des États membres en marge d’une réunion du Conseil en vue de fixer le lieu d’implantation du siège d’une agence de l’Union européenne – Absence d’effets contraignants dans l’ordre juridique de l’Union – Prérogatives du Parlement européen.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : République italienne et Comune di Milano
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne et Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:568

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