CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 8 septembre 2022 ( 1 )
Affaire C‑119/21 P
PlasticsEurope
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA)
« Pourvoi – Établissement d’une liste des substances soumises à autorisation – Liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV – Mise à jour de l’inscription de la substance bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante »
Introduction
1. Par son pourvoi, la société PlasticsEurope demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 décembre 2020, PlasticsEurope/ECHA ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision ED/01/2018 de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 3 janvier 2018 (ci-après la « décision litigieuse »). Par la décision litigieuse, l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances identifiées en vue d’une
inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 ( 3 ), conformément à l’article 59 de ce règlement, a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée également en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, le tout
au sens de l’article 57, sous f), du même règlement.
2. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de la première branche du premier moyen du pourvoi. Ce moyen est tiré de l’interprétation et de l’application prétendument erronées du règlement REACH par le Tribunal, qui a considéré comme étant non fondé le recours dirigé contre la décision de l’ECHA, dans le cadre duquel la requérante invoquait, notamment, que cette agence avait commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation au regard de l’article 57,
sous f), de ce règlement, selon lequel l’identification d’une substance en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant doit être fondée sur le fait qu’« il est scientifiquement prouvé [que cette substance] [peut] avoir des effets graves sur [...] l’environnement » qui suscitent « un niveau de préoccupation équivalant » à celui suscité par les effets couverts par l’article 57, sous a) à e), dudit règlement.
3. La première branche de ce moyen porte sur les erreurs prétendument commises par le Tribunal lors du contrôle juridictionnel de la décision litigieuse et donnera ainsi à la Cour l’occasion de préciser la portée d’un tel contrôle en ce qui concerne les décisions relatives à l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
Le cadre juridique
4. L’article 57 du règlement REACH, intitulé « Substances à inclure dans l’annexe XIV », énumère les substances pouvant être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58 dudit règlement, et mentionne notamment, sous f), « les substances – telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne remplissent pas les
critères visés aux points d) ou e) – pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) et qui sont identifiées, au cas par cas, conformément à la procédure prévue à l’article 59 ».
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
5. Le bisphénol A [2,2-bis(4-hydroxyphényl)propane ou 4,4’-isopropylidènediphénol, no CE 201-245-8, no CAS 0000080-05-7] est une substance utilisée principalement comme monomère dans la fabrication de polymères tels que le polycarbonate et les résines époxydes.
6. La requérante est une association professionnelle internationale, établie en Belgique et régie par le droit belge, qui représente et défend les intérêts des entreprises qui en sont membres, à savoir des fabricants et des importateurs de produits en matières plastiques. Quelques-unes de ces entreprises membres jouent un rôle actif dans la commercialisation du bisphénol A sur le marché de l’Union européenne.
7. Le 4 janvier 2017, l’ECHA a adopté la décision ED/01/2017 en vertu de laquelle le bisphénol A doit être inscrit sur la liste des substances candidates, à savoir les substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement REACH, au motif que cette substance avait été identifiée comme une substance toxique pour la reproduction, au sens de l’article 57, sous c), de ce règlement. Le recours en annulation dirigé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal ( 4 ).
8. Le 6 juillet 2017, le directeur exécutif de l’ECHA a adopté la décision ED/30/2017, par laquelle l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances candidates a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée également en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur la santé humaine qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres
substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), du même règlement. Cette décision a, elle aussi, fait l’objet d’un recours en annulation introduit par la requérante, rejeté par un arrêt du Tribunal ( 5 ). Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été par la suite rejeté par la Cour ( 6 ).
9. Le 29 août 2017, l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne) a présenté un dossier conforme à l’annexe XV du règlement REACH (ci‑après le « dossier élaboré conformément à l’annexe XV »), en vertu de l’article 59, paragraphe 3, de ce règlement, en proposant que le bisphénol A soit identifié comme étant également une substance perturbant le système endocrinien pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement au sens de
l’article 57, sous f), dudit règlement.
10. Le 5 septembre 2017, l’ECHA a publié le dossier élaboré conformément à l’annexe XV du règlement REACH.
11. Le même jour, conformément à l’article 59, paragraphe 4, de ce règlement, l’ECHA a invité toutes les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier élaboré conformément à cette annexe.
12. Le 20 octobre 2017, la requérante a présenté, au nom de ses membres, des observations sur le dossier élaboré conformément à ladite annexe.
13. Par la suite, l’Office fédéral de l’environnement a préparé un document daté du 14 décembre 2017 qui contenait ses réponses à tous les commentaires reçus par l’ECHA lors de la consultation publique.
14. Une fois les commentaires concernant l’identification du bisphénol A reçus, l’ECHA a transmis le dossier au comité des États membres (ci-après le « CEM »), conformément à l’article 59, paragraphe 7, du règlement REACH. En accord avec ses procédures de travail relatives à l’identification des substances extrêmement préoccupantes, le CEM a reçu le dossier élaboré conformément à l’annexe XV de ce règlement, un projet d’accord du CEM et un document de travail (ci-après le « document d’appui »)
contenant l’évaluation des propriétés intrinsèques du bisphénol A à l’appui de son identification au titre de l’article 57, sous f), dudit règlement.
15. Lors de sa 57e réunion, qui s’est tenue du 11 au 15 décembre 2017, le CEM est parvenu à un accord unanime sur l’identification du bisphénol A en tant que substance répondant aux critères prévus à l’article 57, sous f), du règlement REACH alors que quatre États membres se sont abstenus lors du vote, parmi lesquels le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, qui a exprimé les raisons de son abstention dans une déclaration annexée au procès-verbal de la réunion. Les motifs de
l’identification du bisphénol A ont été exposés dans une version modifiée du document d’appui, telle qu’adoptée le 14 décembre 2017.
16. Le document d’appui, dans sa version finale, conclut, sur la base d’une analyse d’une multitude d’études, que le bisphénol A répond à la définition du perturbateur endocrinien telle qu’établie au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et interprétée par le groupe consultatif des experts des perturbateurs endocriniens de la Commission européenne. Plus particulièrement, le document d’appui conclut que les données in vitro et in vivo analysées indiquent que le bisphénol A agit en tant
qu’agoniste de l’œstrogène chez certaines espèces de poissons ainsi qu’en tant qu’antagoniste thyroïdien chez certaines espèces d’amphibiens. De plus, ce document considère, à titre de support supplémentaire, que les analyses de différents taxons d’invertébrés démontrent qu’il est possible que les effets graves du bisphénol A résultent du mode d’action endocrinien. Enfin, il y est indiqué que les effets du bisphénol A sur les poissons et les amphibiens sont considérés comme suscitant un niveau
de préoccupation équivalant à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH, à savoir les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ou encore les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques et celles très persistantes et très bioaccumulables. À ces fins, le document d’appui invoque notamment la sévérité et le caractère irréversible des effets sur les organismes et les populations ainsi que des difficultés
rencontrées dans la détermination d’un niveau sûr d’exposition au bisphénol A.
17. Le 3 janvier 2018, à la suite de l’accord unanime au sein du CEM et conformément à l’article 59, paragraphe 8, du règlement REACH, l’ECHA a adopté la décision litigieuse, par laquelle l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances candidates a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée, pour des raisons exposées dans le document d’appui, également en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant
avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), du même règlement.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
18. Par sa requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2018, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
19. À l’appui de son recours, la requérante a invoqué quatre moyens tirés, le premier, de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’identification du bisphénol A en tant que substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH, le deuxième, d’une violation de l’article 59, lu conjointement avec l’article 57, sous f), de ce règlement, le troisième, d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), dudit règlement et, enfin, le
quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité.
20. La République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Il a été fait droit à ces demandes d’intervention.
21. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours et a condamné la requérante aux dépens.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
22. La requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il se prononce sur son recours en annulation, et de condamner l’ECHA aux dépens de la présente procédure, notamment ceux exposés au cours de la procédure devant le Tribunal, y compris par les parties intervenantes.
23. L’ECHA demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
24. La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
25. La République française demande à la Cour de rejeter le pourvoi.
26. ClientEarth demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante à ses propres dépens, ainsi qu’aux dépens de l’ECHA, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française et de ses propres dépens, y compris ceux exposés en première instance.
Analyse
La décision litigieuse et ses effets
27. La décision litigieuse a eu pour effet de modifier l’entrée existante relative à une substance chimique sur la liste des substances candidates. Pour inscrire la décision litigieuse et les effets qu’elle produit dans le contexte du système établi par le règlement REACH, il me faut présenter quelques remarques liminaires sur le régime que ce règlement réserve aux substances dites « extrêmement préoccupantes ».
28. En effet, de telles substances sont soumises au régime d’autorisation prévu au titre VII du règlement REACH. Il ressort de l’article 55 de ce règlement que ce régime d’autorisation a pour but « d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci seront
économiquement et techniquement viables ».
29. La première phase de ce régime d’autorisation est la procédure d’identification des substances extrêmement préoccupantes, sur la base des critères énoncés à l’article 57 du règlement REACH, et l’inclusion de celles-ci sur la liste des substances candidates. La deuxième phase est l’inscription de ces substances sur la liste des substances soumises à autorisation qui forme l’annexe XIV de ce règlement. La troisième et dernière phase concerne la procédure conduisant, le cas échéant, à
l’autorisation d’une substance extrêmement préoccupante ( 7 ).
30. Dans le cadre de cette première phase du régime d’autorisation, l’identification des substances extrêmement préoccupantes a été essentiellement confiée à l’ECHA, qui s’acquitte de cette tâche en suivant la procédure prévue à l’article 59 du règlement REACH.
31. Une substance identifiée par l’ECHA comme extrêmement préoccupante pour (une) des raisons énumérées à l’article 57 du règlement REACH et qui est, de ce fait, inscrite sur la liste des substances candidates ne saurait être (immédiatement et automatiquement) incluse dans l’annexe XIV de ce règlement ( 8 ). Cependant, l’identification d’une telle substance et son inscription sur la liste des substances candidates constituent, en principe, la phase préalable à son inclusion dans l’annexe XIV dudit
règlement. Dès lors, l’inscription d’une substance sur la liste des substances candidates précède, en principe, la soumission de cette substance à l’obligation de demander une autorisation pour sa mise sur le marché ou son utilisation.
32. Par ailleurs, il existe principalement trois obligations légales découlant du fait qu’une substance a été identifiée comme extrêmement préoccupante, mais n’a pas encore été incluse dans cette annexe. En substance, les acteurs économiques impliqués dans la commercialisation de cette substance sont tenus de remplir certaines obligations d’information à l’égard de l’ECHA, des destinataires de la substance ou d’un mélange de celle-ci ainsi qu’à l’égard des destinataires des articles contenant cette
substance ( 9 ).
33. La décision litigieuse relève de la première phase du régime d’autorisation. La nuance est que cette décision ne conduit pas à l’inscription, pour la première fois, d’une entrée relative au bisphénol A sur la liste des substances candidates. Ladite décision a pour effet de compléter l’entrée préexistante en ce sens que, outre son identification comme une substance toxique pour la reproduction, au sens de l’article 57, sous c), du règlement REACH et comme une substance possédant des propriétés
perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur la santé humaine qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), de ce règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), dudit règlement, le bisphénol A a été identifié également comme un perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un tel niveau de préoccupation. Du point de vue
des acteurs économiques impliqués dans la commercialisation de cette substance, en pratique, la décision litigieuse a le potentiel d’élargir la portée de leurs obligations résultant de l’inclusion du bisphénol A sur la liste des substances candidates.
L’exposé de l’argumentation avancée à l’appui de la première branche du premier moyen et la position des parties
34. Le premier moyen du pourvoi est composé de quatre branches. Selon l’intitulé de la partie du pourvoi consacrée à ce moyen, par celui-ci, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et d’avoir violé le principe d’excellence scientifique. Ce reproche est commun aux quatre branches dudit moyen, tout en étant le point principal de l’argumentation avancée par la requérante à l’appui de la première branche du même moyen.
35. En effet, à l’appui de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, en considérant, au point 64 de l’arrêt attaqué, qu’une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être constatée que si l’ECHA avait ignoré complètement et erronément une étude fiable dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve, d’une manière telle que la décision litigieuse aurait été privée de plausibilité, le Tribunal aurait, contrairement au principe d’excellence
scientifique, imposé un seuil déraisonnable et permis à l’ECHA d’exclure des études scientifiques fiables en échappant à tout contrôle juridictionnel quant à l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation. Si une étude est fiable et pertinente, ses résultats devraient être pris en considération dans le cadre d’une approche de la force probante des éléments de preuve, compte tenu de l’obligation incombant à l’ECHA de tenir compte de toutes les informations pertinentes.
36. En outre, selon la requérante, l’arrêt attaqué fixe la charge de la preuve incombant aux citoyens de l’Union pour contester une évaluation de la force probante des éléments de preuve dans le cadre de l’article 57, sous f), du règlement REACH à un niveau inacceptable et irréalisable ainsi que contraire à la ratio legis et au concept de force probante visé au point 1.2 de l’annexe XI de ce règlement. En effet, cet arrêt exigerait que l’étude ignorée par l’ECHA soit de telle nature que, en
l’ignorant, l’évaluation globale contenue dans la décision finale de l’ECHA aurait été privée de plausibilité. Selon la requérante, une évaluation de la force probante des éléments de preuve s’applique, par définition, lorsqu’il existe plus d’une étude justifiant la conclusion, une seule étude n’étant pas suffisante pour fonder la conclusion de l’ECHA. Toute omission de tenir compte, dans le cadre d’une évaluation de la force probante des éléments de preuve, des résultats d’une étude
scientifique fiable relative au bisphénol A qui sont pertinents pour la propriété évaluée constituerait une erreur manifeste d’appréciation, un manquement à l’obligation incombant à l’ECHA de tenir compte de toutes les informations pertinentes et une violation du principe d’excellence scientifique.
37. Selon l’ECHA, la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, le Tribunal n’a jamais déclaré que les résultats d’une étude scientifique fiable qui sont pertinents pour la propriété évaluée pouvaient être ignorés par l’ECHA dans une approche de la force probante des éléments de preuve.
Appréciation
38. La première branche du premier moyen du pourvoi concerne le point 64 de l’arrêt attaqué et semble viser principalement la considération du Tribunal selon laquelle « une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être constatée que si l’ECHA avait ignoré complètement et erronément une étude fiable dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité ».
39. La première branche du premier moyen s’articule autour de deux arguments.
40. Selon la requérante, le Tribunal a, d’une part, pratiquement autorisé l’ECHA à ignorer les études fiables et pertinentes et, d’autre part, fixé, au même point 64 de l’arrêt attaqué, la charge de la preuve incombant aux citoyens de l’Union pour contester une évaluation de la force probante des éléments de preuve dans le cadre de l’article 57, sous f), du règlement REACH à un niveau inacceptable et irréalisable ainsi que contraire à la ratio legis et au concept de force probante visé au point 1.2
de l’annexe XI de ce règlement.
41. Ces deux arguments, pris ensemble, conduisent la requérante à conclure que le Tribunal a interprété et appliqué erronément le principe d’excellence scientifique, le concept de force probante des éléments de preuve et l’obligation incombant à l’ECHA de tenir compte de toutes les informations pertinentes, en acceptant que cette dernière puisse ignorer une étude fiable et pertinente, à moins que cette étude ne soit ignorée « complètement et erronément » et que l’inclusion de cette seule étude n’ait
modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité.
42. En substance, par son argumentation, la requérante cherche à remettre en cause la considération figurant au point 64, dernière phrase, de l’arrêt attaqué, relative à l’étendue du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union opère en ce qui concerne une décision sur l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
43. À titre liminaire, pour pouvoir se prononcer sur l’argumentation de la requérante, il convient de contextualiser la considération qu’elle critique.
44. Il résulte du point 64, première phrase, de l’arrêt attaqué, selon laquelle « [l]’approche suivie par l’ECHA, à savoir celle de la force probante des éléments de preuve, ainsi que la marge d’appréciation dont elle dispose » et des points 62 et 63 de cet arrêt que ladite considération repose sur deux prémisses. D’une part, l’ECHA disposerait, en matière d’identification des substances comme étant extrêmement préoccupantes au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH, d’un large pouvoir
d’appréciation ( 10 ) et, d’autre part, pour identifier le bisphénol A comme une telle substance, l’ECHA aurait suivi, en l’espèce, l’approche de la force probante des éléments de preuve ( 11 ).
45. Comme je vais le démontrer ci-après, ces deux prémisses ne sont pas sans incidence sur l’étendue du contrôle juridictionnel du juge de l’Union, saisi d’un recours en matière d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
Sur la jurisprudence relative à l’étendue du contrôle juridictionnel dans les domaines où l’autorité de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation
46. Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’une autorité de l’Union est appelée, dans le cadre de sa mission, à effectuer des évaluations complexes, elle jouit de ce fait d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel limité ( 12 ). En effet, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordres scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la
nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordres scientifique et technique à celle des institutions à qui, seules,
le traité a conféré cette tâche ( 13 ).
47. Compte tenu de l’objet et des effets de la décision litigieuse ( 14 ), cette jurisprudence est parfaitement applicable à la présente affaire.
48. En effet, l’identification des substances candidates à inclure dans l’annexe XIV du règlement REACH implique des appréciations d’éléments factuels d’ordres scientifique et technique hautement complexes. Cette identification est effectuée dans l’exercice de la fonction de gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs que le législateur de l’Union a confiée à l’ECHA ( 15 ). Cette dernière remplit cette fonction en tant qu’entité centrale indépendante, tout en respectant
les règles établies au titre X dudit règlement, notamment en ce qui concerne sa transparence, la lutte contre la fraude et la responsabilité. L’ECHA n’est donc pas un concurrent ou un adversaire des acteurs économiques impliqués dans la commercialisation des substances chimiques.
49. Par ailleurs, dans l’ordonnance Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission ( 16 ), la Cour a examiné le pourvoi dirigé contre un arrêt du Tribunal, par lequel celui-ci avait rejeté un recours tendant à l’annulation d’un règlement de la Commission, adopté dans le cadre du titre VIII du règlement REACH, et ayant pour effet la modification de l’annexe XVII de ce règlement. Cette annexe contient les restrictions applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de
certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux. La modification de ladite annexe, visée par le recours introduit devant le Tribunal, revenait à modifier le texte relatif à une substance déjà soumise à un régime de restriction.
50. Dans le pourvoi examiné par la Cour, les requérants reprochaient au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en se bornant à soutenir que les institutions de l’Union n’avaient pas commis une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir, ou n’avaient manifestement pas dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation.
51. À cet égard, dans un premier temps, la Cour a confirmé l’applicabilité de la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions ( 17 ), en validant la précision du Tribunal selon laquelle « le large pouvoir d’appréciation des [institutions] de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice [...] s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base » ( 18 ). Dans un second temps, la Cour a conclu que le Tribunal n’avait manifestement
pas violé le droit des requérants à l’accès à la justice, ces derniers ayant de toute évidence été en mesure d’attaquer le règlement litigieux afin d’assurer la défense de leurs intérêts.
52. En outre, en suivant la même ligne de raisonnement que celle retenue dans l’ordonnance Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission ( 19 ), la Cour a rejeté des pourvois également dans le contexte des décisions sur l’inclusion d’une substance sur la liste des substances candidates ( 20 ).
53. En adoptant la décision litigieuse, l’ECHA disposait donc d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui, selon la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions, n’est pas sans incidence sur l’étendue du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal. Cette incidence concerne tant la charge de la preuve qui pèse sur une partie requérante qui cherche à annuler une décision que la nature des erreurs soumises au contrôle du juge de l’Union.
54. À cet égard, dans la mesure où, par la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir fixé de manière erronée la charge de la preuve incombant aux citoyens de l’Union pour contester une évaluation de la force probante des éléments de preuve dans le cadre de l’article 57, sous f), du règlement REACH, j’examinerai, dans un premier temps, les implications de la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions sur la charge de la preuve pesant sur une
partie requérante qui cherche à remettre en cause une décision de l’ECHA. Dans un second temps, j’analyserai les implications de cette jurisprudence sur la nature des erreurs soumises au contrôle du juge de l’Union.
Sur la charge de la preuve en ce qui concerne des erreurs manifestes dans l’exercice du pouvoir d’appréciation
55. Dans le domaine tel que celui de l’espèce, dans le cadre duquel l’autorité de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle juridictionnel doit être exercé par le Tribunal dans le respect de la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions.
56. Ainsi, en premier lieu, si, conformément à la jurisprudence applicable au cas de l’espèce, le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation des éléments factuels d’ordres scientifique et technique à celle de l’ECHA, une partie requérante ne peut pas amener le Tribunal à l’exercice d’une seconde appréciation de tels éléments, l’ECHA étant l’autorité à laquelle le législateur de l’Union a confié la mission d’identification des substances extrêmement préoccupantes. Une partie requérante ne
peut donc pas, par des affirmations générales, amener le juge de l’Union à rechercher des erreurs commises par l’ECHA.
57. D’ailleurs, même dans les domaines où le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction et où le juge de l’Union est habilité à substituer son appréciation à celle d’une autorité de l’Union, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre d’une décision de cette autorité et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens ( 21 ). A fortiori,
notamment dans le respect du principe du contradictoire, il doit en être de même en matière d’identification des substances comme extrêmement préoccupantes, dans laquelle l’étendue du contrôle juridictionnel est limitée.
58. En deuxième lieu, la considération selon laquelle, compte tenu de l’étendue du contrôle auquel le juge de l’Union doit procéder dans le domaine des produits chimiques, l’argumentation d’une partie requérante doit permettre à ce juge de considérer qu’une autorité de l’Union a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation est également corroborée par la jurisprudence de la Cour développée dans le même domaine en ce qui concerne les renvois préjudiciels en appréciation de la
validité ( 22 ). Si le juge de l’Union ne répond à la question de savoir s’il y a lieu de déclarer un acte invalide en raison d’un dépassement manifeste du pouvoir d’appréciation qu’à la lumière de l’argumentation qui lui est soumise, il doit en être de même dans le contexte des recours en annulation.
59. En troisième lieu, la considération selon laquelle c’est l’argumentation d’une requérante qui doit permettre au juge de l’Union de considérer qu’une autorité de l’Union a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation semble faire écho à la jurisprudence de la Cour développée dans des domaines autres que celui des produits chimiques, tels que la politique agricole commune et la pêche ( 23 ), dans lesquels les autorités de l’Union disposent également d’un large pouvoir
d’appréciation en ce qui concerne des éléments factuels hautement complexes. En outre, selon cette jurisprudence, dans de tels domaines, les autorités de l’Union doivent, à leur tour, à tout le moins pouvoir produire et exposer de façon claire et non équivoque les données de base ayant dû être prises en compte pour fonder les mesures contestées de cet acte et dont dépendait l’exercice de leur pouvoir d’appréciation ( 24 ).
60. Pour conclure, compte tenu la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions, pour pouvoir remettre en cause la décision litigieuse, il appartenait à la requérante de présenter devant le Tribunal une argumentation permettant à celui-ci de contrôler et de conclure que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation ou un détournement de pouvoir d’appréciation, ou encore qu’elle a manifestement dépassé les limites de ce pouvoir.
Sur les erreurs manifestes dans l’exercice du pouvoir d’appréciation
61. Selon la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions, seules les erreurs manifestes relatives à l’exercice du pouvoir d’appréciation sont soumises au contrôle du juge de l’Union.
62. La première branche du premier moyen du pourvoi soulève la question de savoir si l’ECHA commet une telle erreur manifeste relative à l’exercice du pouvoir d’appréciation lorsqu’elle ignore une étude qui, même si elle était incluse dans les données de base, ne modifierait pas l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité.
63. En l’espèce, l’évaluation globale des éléments factuels d’ordres scientifique et technique hautement complexes a conduit l’ECHA, dans l’exercice de la mission que le législateur de l’Union lui a confiée, à considérer qu’il convient de compléter l’entrée existante relative au bisphénol A sur la liste des substances candidates, au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
64. Pour parvenir à cette conclusion, il appartenait à l’ECHA d’examiner, d’une part, s’il est « probable » que la substance concernée ait des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, si ces effets « suscitent un niveau de préoccupation équivalant » à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH ( 25 ).
65. Dans le présent cas de figure, ladite conclusion résultait de l’évaluation globale des éléments de preuve réalisée au moyen de l’approche de la force probante des éléments de preuve. La requérante conteste non pas le choix de l’approche suivie par l’ECHA, mais l’étendue du contrôle juridictionnel de sa mise en œuvre.
66. Selon l’approche de la force probante, l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante ne repose pas sur les résultats d’une seule étude scientifique ou sur un seul élément de preuve scientifique. Il est donc possible d’avoir recours à cette approche lorsqu’une seule étude n’est pas suffisante, en soi, pour déterminer s’il convient ou non d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
67. Pour réfuter la considération du Tribunal, figurant au point 64, dernière phrase, de l’arrêt attaqué, la requérante pose la question de savoir comment une étude peut démentir la conclusion globale tirée d’un ensemble d’éléments de preuve, alors que, selon l’approche de la force probante des éléments de preuve et à la lumière du point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, la conclusion elle-même ne saurait être fondée sur une seule étude.
68. Toutefois, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, une erreur manifeste entraînant l’annulation d’une décision de l’ECHA peut se produire uniquement lorsque l’inclusion d’une étude dans les données de base modifierait la conclusion globale selon laquelle une substance doit ou non être inscrite sur la liste des substances candidates.
69. En effet, s’inspirant de la jurisprudence développée dans le contexte des domaines dans lesquels les autorités de l’Union procèdent à des appréciations complexes, il convient plutôt de considérer que, selon l’arrêt attaqué, pour démontrer une erreur manifeste au moyen d’éléments qui privent de « plausibilité » l’appréciation des faits retenue par une autorité de l’Union, une partie requérante ne doit pas réfuter entièrement l’analyse effectuée par cette autorité ou le résultat auquel celle-ci
est parvenue sur la base de cette analyse. En revanche, elle doit démontrer l’existence d’une erreur suffisamment sérieuse pour « ébranler » l’appréciation complexe effectuée par ladite autorité ( 26 ).
70. Cette lecture du point 64, dernière phrase, de l’arrêt attaqué devient évidente lorsque cette phrase est lue à la lumière de l’ensemble des considérations figurant dans cet arrêt.
71. En effet, le Tribunal n’a pas écarté les moyens et les arguments invoqués par la requérante en se bornant à examiner si la prise en compte d’une étude prétendument ignorée par l’ECHA modifierait la conclusion globale selon laquelle le bisphénol A est une substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH.
72. Pour illustrer ces propos, je démontrerai que, ainsi que le font valoir l’ECHA et les intervenantes ( 27 ), et contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a pas « autorisé » l’ECHA à ignorer les preuves à la fois fiables et pertinentes ( 28 ). A fortiori, le Tribunal n’a pas non plus « autorisé » l’ECHA à ignorer toute étude dont la prise en compte ne modifierait pas la conclusion générale selon laquelle le bisphénol A doit être identifié comme une substance extrêmement
préoccupante.
Sur une « autorisation » à ignorer une étude fiable et pertinente
73. Selon la thèse avancée par la requérante, le Tribunal a « autorisé » l’ECHA à ignorer les études à la fois fiables et pertinentes, l’exemptant virtuellement de tout contrôle juridictionnel quant à l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation.
74. Toutefois, en premier lieu, le Tribunal a considéré, au point 64, dernière phrase, de l’arrêt attaqué, que, sous réserve de certaines situations ( 29 ), on ne saurait effectivement reprocher à l’ECHA, dans le cadre d’un recours en annulation, d’avoir ignoré une étude fiable. Il ne résulte donc pas de ce point de l’arrêt attaqué que l’ECHA peut, sans risquer l’annulation de sa décision, ignorer toute étude à la fois fiable et pertinente.
75. En deuxième lieu, selon le point 64, première phrase, de l’arrêt attaqué, il « est loisible [à l’ECHA] d’écarter des études [qu’elle] ne considère pas comme pertinentes pour des raisons plausibles liées à la cohérence interne de l’évaluation effectuée » ( 30 ). A priori, le Tribunal n’a donc pas jugé que l’ECHA peut « écarter » également des études que celle-ci considère comme pertinentes. À cet égard, plus généralement, tout constat qu’un élément de preuve est pertinent résulte d’une
considération de l’autorité appelée à prendre une décision dans le cas d’espèce, bien que cette considération puisse être entachée d’une erreur et, à tout le moins en principe et/ou sous certaines conditions, susceptible d’un contrôle juridictionnel ( 31 ).
76. En troisième lieu, le point 64, première phrase, de l’arrêt attaqué, selon lequel il « est loisible d’écarter des études [que l’ECHA] ne considère pas comme pertinentes pour des raisons plausibles liées à la cohérence interne de l’évaluation effectuée » est suivi d’une observation qui s’inscrit dans le contexte établi par cette première phrase (« à cet égard »). Selon cette observation, « le bisphénol A est l’une des substances les plus étudiées au monde ». Pour le Tribunal, il en résulte
(« partant ») que « l’obligation incombant aux institutions de l’Union de prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents ne peut pas signifier que toutes les études qui ont été réalisées, indépendamment de leur fiabilité ou de leur pertinence, doivent nécessairement être incluses sans exception dans l’évaluation de l’ECHA » ( 32 ).
77. Il est certes vrai que le passage « indépendamment de leur fiabilité ou de leur pertinence », pris de manière isolée, peut être considéré comme une suggestion selon laquelle, pour le Tribunal, l’ECHA ne doit pas nécessairement inclure dans son évaluation toutes les études, même celles de haute fiabilité et/ou pertinence. En paraphrasant, l’ECHA ne devrait pas tenir compte de ces études, indépendamment du fait que celles-ci sont fiables et/ou pertinentes.
78. Toutefois, il est également loisible de considérer que, au point 64, troisième phrase, de l’arrêt attaqué, le Tribunal cherchait à indiquer que l’ECHA ne doit pas nécessairement inclure dans son évaluation toute étude, en ignorant le fait qu’une étude n’est pas particulièrement fiable et/ou pertinente (« indépendamment de leur fiabilité ou de leur pertinence »).
79. Les références expresses au point 64 de l’arrêt attaqué figurant aux points 125 et 174 de cet arrêt plaident en faveur d’une telle interprétation de ce premier point dudit arrêt. En effet, elles appuient les considérations du Tribunal selon lesquelles une faible fiabilité d’une étude ou des données contenues dans celle-ci ne s’oppose pas nécessairement à ce que l’ECHA utilise cette étude dans son évaluation d’une substance ( 33 ).
80. En outre, indépendamment de la lecture à donner au point 64 de l’arrêt attaqué, il convient de déterminer si, et le cas échéant, dans quelle mesure, les considérations de nature générale figurant à ce point de l’arrêt attaqué ont été employées par le Tribunal pour écarter les moyens et les arguments du recours de la requérante. En effet, si ces considérations de nature générale ne se traduisent pas par une solution légale retenue par le Tribunal en ce qui concerne de tels moyens et de tels
arguments, l’erreur de droit invoquée en ce qui concerne ledit point de l’arrêt attaqué, à la supposer établie, ne serait en tout état de cause pas susceptible d’entraîner l’annulation de cet arrêt.
81. Par conséquent, pour les raisons avancées aux points 78 à 80 des présentes conclusions, ainsi que pour pouvoir établir quelle serait, pour le Tribunal, selon les considérations exprimées par celui-ci au point 64 de l’arrêt attaqué, une erreur manifeste relative à l’exercice du pouvoir d’appréciation pouvant conduire à l’annulation de la décision litigieuse, j’examinerai la façon dont cette juridiction de l’Union a effectué son contrôle juridictionnel des moyens et des arguments de la requérante
relatifs aux études prétendument ignorées par l’ECHA.
82. A fortiori, ce faisant, j’examinerai la thèse avancée par la requérante dans la partie introductive de l’exposé de son premier moyen, selon laquelle le Tribunal a « approuvé l’approche de l’[ECHA], consistant à sélectionner à sa guise [« cherry-picking »] des données scientifiques afin d’appuyer l’hypothèse qu’elle ciblait, selon laquelle le bisphénol A satisfait aux critères énoncés à l’article 57, sous f), du règlement [REACH], y compris en choisissant, d’une part, d’ignorer sélectivement des
études scientifiques fiables dont les résultats ne servaient pas cette hypothèse, et en s’appuyant, d’autre part, sur des études scientifiques non fiables dont les résultat semblaient venir à l’appui de ladite hypothèse » ( 34 ).
Sur la « pertinence » des preuves eu égard à l’hypothèse de l’ECHA
83. À titre liminaire, contrairement à ce que peut suggérer la terminologie utilisée dans le pourvoi, il n’existe aucune « hypothèse de l’ECHA » que cette agence chercherait à confirmer par tous les moyens, ce qui, en l’espèce, aurait pris la forme d’une sélection à la carte (« cherry-picking ») des études. Comme le clarifie le considérant 15 du règlement REACH, l’ECHA a été instituée pour « assurer une gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs [de ce] règlement au
niveau [de l’Union] ». Comme je l’ai déjà mentionné au point 48 des présentes conclusions, elle remplit cette fonction en tant qu’entité centrale indépendante. L’hypothèse en cause dans un contexte tel que celui de la présente affaire est celle formulée initialement par l’ECHA, que cette agence soumet à un examen qui aboutira, selon le cas, à confirmer ou à infirmer l’hypothèse.
84. Lorsqu’il s’agit d’une identification d’une substance comme étant extrêmement préoccupante, au titre de l’article 57, sous f), du règlement REACH, l’hypothèse est que, d’une part, il est « probable » que la substance concernée ait des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, que ces effets « suscitent un niveau de préoccupation équivalant » à celui suscité par les substances énumérées l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH ( 35 ).
85. Du point de vue de la méthodologie, une hypothèse examinée ne prend pas la forme d’une question ou d’une proposition reposant sur une alternative (« ou non »). Or, l’hypothèse n’est pas biaisée. Elle peut être confirmée ou infirmée, les deux résultats sont cependant également satisfaisants sur le plan scientifique.
86. Quant au fond, le Tribunal n’a pas défini la pertinence d’une étude du point de vue de sa compatibilité avec l’hypothèse examinée par l’ECHA, en autorisant celle-ci à écarter d’emblée toute étude qui, du point de vue de son résultat, ne correspond pas à cette hypothèse.
87. En revanche, je comprends le passage figurant au point 64, première phrase, de l’arrêt attaqué, selon lequel il « est loisible d’écarter des études [que l’ECHA] ne considère pas comme pertinentes pour des raisons plausibles liées à la cohérence interne de l’évaluation effectuée », en ce sens que, pour le Tribunal, cette agence peut considérer que ne sont pas particulièrement pertinentes les études qui ne sont pas susceptibles d’infirmer – et, même si cela ne fait pas partie de l’argumentation de
la requérante dans la présente affaire, de confirmer – une hypothèse. Le constat qu’une étude n’est pas susceptible de le faire constitue, en soi, le résultat de l’examen d’une étude. Ce constat résulte d’un examen attentif d’une étude du point de vue de son aptitude à confirmer ou infirmer l’hypothèse en question.
88. Une telle lecture du passage précité figurant au point 64, première phrase, de l’arrêt attaqué est corroborée par l’examen d’autres points de cet arrêt.
89. On peut déduire du point 65 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné, à la lumière des « observations préliminaires » figurant aux points 62 à 64, si l’ECHA avait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’elle n’avait pas pris en compte quatre études invoquées par la requérante ( 36 ).
90. À cet égard, ainsi que cela ressort des points 67 et 69 de l’arrêt attaqué, pour le Tribunal, l’ECHA a pris en considération, même indirectement, deux de ces quatre études. Pour examiner la mise en œuvre des considérations figurant au point 64 de cet arrêt lorsqu’il s’agit des études « ignorées » par l’ECHA, il faut par conséquent se focaliser sur les deux études visées aux points 66 et 68 dudit arrêt.
91. Comme le Tribunal l’a indiqué au point 66 de l’arrêt attaqué, l’ECHA n’a pas considéré l’étude Bjerregaard et al. (2008) comme particulièrement pertinente. Selon le Tribunal, il était loisible de considérer que les résultats de cette étude n’étaient pas concluants en ce qui concerne l’effet du bisphénol A sur le développement des gonades des poissons, dans la mesure où, comme les auteurs de ladite étude l’ont admis, la période d’exposition de l’étude a couvert une partie trop courte de la
période de différenciation sexuelle. En d’autres termes, l’étude Bjerregaard et al. (2008) n’était pas susceptible d’infirmer l’hypothèse examinée par l’ECHA, car il était loisible de considérer que la conclusion que l’on peut tirer des résultats de cette étude était prématurée compte tenu de la période d’exposition des poissons au bisphénol A. Pour le Tribunal, l’ECHA a donc pu, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, considérer que l’étude Bjerregaard et al. (2008) ne constituait
pas un élément de preuve pertinent.
92. Dans cet ordre d’idées, le Tribunal a indiqué, au point 68 de l’arrêt attaqué, que l’ECHA n’avait pas commis d’erreur en ne s’étant pas appuyée sur l’étude Lee (2010), en raison du fait que, dans un premier temps, la perturbation endocrinienne chez des organismes examinés dans le cadre de cette étude n’était pas encore suffisamment comprise au niveau scientifique. Dans un second temps, le Tribunal a souligné que la requérante n’avait pas expliqué ni démontré dans quelle mesure les résultats de
ladite étude, qui n’a pas fait état d’effets à médiation endocrinienne, contrediraient l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante fondée sur des éléments de preuve autres que ceux relatifs aux invertébrés, de sorte que ces résultats invalideraient la force probante des éléments de preuve de l’évaluation effectuée. Partant, selon le Tribunal, l’ECHA a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que l’étude Lee (2010) ne constituait pas un élément
de preuve pertinent en raison du fait que la requérante n’a ni expliqué ni démontré dans quelle mesure ladite étude serait susceptible de contribuer à infirmer l’hypothèse examinée par l’ECHA.
93. Ainsi, d’une part, pour le Tribunal, la « pertinence » d’une étude se traduit par l’aptitude de celle-ci à infirmer ou à confirmer l’hypothèse examinée par l’ECHA au moyen de l’approche de la force probante des éléments de preuve, conformément à la procédure prévue à l’article 59 du règlement REACH.
94. D’autre part, le point 64, dernière phrase, de l’arrêt attaqué doit être lu en ce sens que, selon le raisonnement du Tribunal, une erreur manifeste dans l’exercice du pouvoir d’appréciation ne saurait être reprochée à l’ECHA que si celle-ci a ignoré « complétement » une étude fiable qui aurait été susceptible de contribuer à infirmer ou, éventuellement, à confirmer l’hypothèse examinée par cette agence. En outre, comme il résulte des considérations figurant au point 60 des présentes conclusions,
il appartient à une partie requérante de présenter devant le Tribunal une argumentation permettant à ce dernier de contrôler et de conclure que l’ECHA a commis une telle erreur manifeste.
95. À cet égard, l’approche de la force probante des éléments de preuve présuppose que l’autorité compétente examine toutes les informations pertinentes pour parvenir à la conclusion qu’il convient d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante. La mise en œuvre de ladite approche implique que l’identification d’une substance soit faite sur la base de données complètes permettant à l’autorité compétente d’exercer le pouvoir d’appréciation dont elle dispose au titre des articles 57 et 59
du règlement REACH tout en prenant en compte tous les éléments de preuve pertinents et disponibles à la date à laquelle l’autorité adopte sa décision.
96. Techniquement et/ou méthodologiquement, une considération selon laquelle une étude n’est pas pertinente en raison de son inaptitude à infirmer ou à confirmer l’hypothèse examinée par l’ECHA peut être formulée préalablement à la pondération de la force probante des éléments de preuve. En effet, il est inutile de se prononcer sur la force probante d’un élément de preuve qui, dans le contexte étudié, n’est pas pertinent. En tout état de cause, si une considération selon laquelle un élément de
preuve n’est pas pertinent est précédée par l’examen attentif de cet élément, du point de vue de son aptitude à confirmer ou à infirmer l’hypothèse examiné dans ce contexte, la constatation selon laquelle un élément de preuve n’est pas pertinent revient à considérer que, dans le contexte recherché, cet élément de preuve est dépourvu de force probante.
97. D’ailleurs, l’approche selon laquelle la détermination de la pertinence des études est préalable à la pondération de la force probante est conforme au point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, auquel la requérante fait référence dans son pourvoi.
98. Selon le premier alinéa de ce point, « [l]’hypothèse/la conclusion qu’une substance possède ou non une propriété dangereuse particulière peut être confirmée valablement par des éléments de preuve provenant de plusieurs sources d’informations indépendantes, alors que les informations provenant de chacune de ces sources, considérées isolément, sont jugées insuffisantes pour permettre de formuler cette hypothèse/conclusion ».
99. Contrairement à ce que prétend la requérante, il n’en résulte pas qu’il convient de prendre en compte tout élément de preuve lorsqu’une décision ne repose pas sur les résultats d’une seule étude scientifique ou sur un seul élément de preuve scientifique. En revanche, il s’agit toujours de « sources d’informations indépendantes » qui sont aptes à « [confirmer] valablement » – et, en conséquence, « pertinentes », au sens du point 64 de l’arrêt attaqué – qu’une substance possède ou non une
propriété dangereuse particulière.
100. Par conséquent, il convient d’écarter l’argument de la requérante relatif à la fixation, inacceptable et irréalisable ainsi que contraire à la ratio legis et au concept de force probante visé au point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, de la charge de la preuve.
101. Dans cet ordre d’idées, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir interprété ou appliqué de manière erronée l’obligation des institutions de l’Union de tenir compte de toutes les informations pertinentes.
102. Il en va de même en ce qui concerne le reproche selon lequel le Tribunal aurait interprété et appliqué de manière erronée le principe d’excellence scientifique.
103. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal ( 37 ), le respect de ce principe implique que l’ECHA doit respecter les meilleures normes scientifiques actuelles. En revanche, il ne résulte pas de ce principe que l’ECHA doit suivre une approche méthodologique selon laquelle celle-ci doit prendre en compte toute étude, indépendamment de son aptitude à confirmer ou à infirmer l’hypothèse examinée par cette agence.
104. Ainsi, c’est sans commettre une erreur susceptible de conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré, au point 64 de cet arrêt, qu’« une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être constatée [par le Tribunal] que si l’ECHA avait ignoré complètement et erronément une étude fiable dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité ».
105. À cet égard, il me faut observer que le fait d’avoir ignoré « complètement » une étude fiable qui était susceptible de modifier l’évaluation globale des éléments de preuve n’est pas assimilable au fait d’avoir ignoré « partiellement » cette étude.
106. En effet, si l’ECHA a partiellement pris en compte une étude, il ne saurait être considéré qu’elle a, de manière manifestement erronée, considéré que cette étude n’était pas pertinente. Au contraire, il s’ensuit que l’ECHA a dû identifier des raisons pour considérer cette étude comme partiellement pertinente. Dans ces circonstances, considérer que la décision de l’ECHA peut être remise en cause en raison du fait que celle-ci a « partiellement » ignoré une étude pertinente reviendrait à la
substitution, par le juge de l’Union, de son appréciation de ces données à celle effectuée par l’ECHA.
107. D’ailleurs, il faut observer que la référence du Tribunal, au point 64 de l’arrêt attaqué, à la situation dans laquelle l’ECHA « avait ignoré complètement » une étude fiable semble viser les cas dans lesquels une étude n’est pas, même indirectement, prise en compte par cette agence. En revanche, il ne saurait être considéré qu’une étude est ignorée « complètement » lorsque cette étude est intégrée dans une autre étude sur laquelle l’ECHA s’est formellement appuyée en vue de l’adoption de sa
décision ( 38 ).
108. Compte tenu de ce qui précède, il s’ensuit que la première branche du premier moyen du pourvoi n’est pas fondée et devrait être écartée dans son ensemble.
Conclusion
109. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter, comme étant non fondé, la première branche du premier moyen du pourvoi formé par la requérante dans son intégralité.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) T‑207/18, EU:T:2020:623, ci-après l’« arrêt attaqué ».
( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE,
93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »).
( 4 ) Voir arrêt du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492).
( 5 ) Voir arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑636/17, EU:T:2019:639).
( 6 ) Voir arrêt du 21 décembre 2021, PlasticsEurope/ECHA (C‑876/19 P, non publié, EU:C:2021:1047).
( 7 ) Voir arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 22).
( 8 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, ClientEarth/Commission (C‑458/19 P, EU:C:2021:802, point 127).
( 9 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2018:495, points 34 à 36).
( 10 ) Voir point 62 de l’arrêt attaqué.
( 11 ) Voir point 63 de l’arrêt attaqué.
( 12 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 1999, Upjohn (C‑120/97, EU:C:1999:14, point 34).
( 13 ) Voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe) (C‑425/08, EU:C:2009:635, points 47, 62, 65 et 71), et du 21 juillet 2011, Nickel Institute (C‑14/10, EU:C:2011:503, points 59, 60 et 77),
( 14 ) Voir points 27 à 33 des présentes conclusions.
( 15 ) Comme il ressort du considérant 15 du règlement REACH, l’ECHA a été instituée pour « assurer une gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs [de ce] règlement au niveau [de l’Union] ».
( 16 ) Ordonnance du 27 mars 2014 (C‑199/13 P, non publiée, EU:C:2014:205).
( 17 ) Voir ordonnance du 27 mars 2014, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission (C‑199/13 P, non publiée, EU:C:2014:205, point 27).
( 18 ) Voir ordonnance du 27 mars 2014, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission (C‑199/13 P, non publiée, EU:C:2014:205, point 28).
( 19 ) Ordonnance du 27 mars 2014 (C‑199/13 P, non publiée, EU:C:2014:205).
( 20 ) Voir ordonnances du 22 mai 2014, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA (C‑287/13 P, non publiée, EU:C:2014:599, points 18 à 21) ; du 4 septembre 2014, Rütgers Germany e.a./ECHA (C‑288/13 P, non publiée, EU:C:2014:2176, points 24 à 27) ; du 31 octobre 2014, Rütgers Germany e.a./ECHA (C‑290/13 P, non publiée, EU:C:2014:2174, points 24 à 27), ainsi que du 4 septembre 2014, Cindu Chemicals e.a./ECHA (C‑289/13 P, non publiée, EU:C:2014:2175, points 24 à 27).
( 21 ) Voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, points 62 à 68 et 82).
( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Nickel Institute (C‑14/10, EU:C:2011:503, point 77).
( 23 ) Voir, à titre d’illustration, arrêt du 25 octobre 2001, Italie/Conseil (C‑120/99, EU:C:2001:567, point 48).
( 24 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil (C‑5/16, EU:C:2018:483, point 153).
( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 33 et jurisprudence citée).
( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission (C‑148/19 P, EU:C:2020:354, points 71 à 73).
( 27 ) Voir point 37 des présentes conclusions
( 28 ) En effet, selon les termes du pourvoi de la requérante, celle-ci fait valoir que l’ECHA n’est pas autorisée à ignorer « des études scientifiques fiables et pertinentes relatives au [bisphénol A] ». Pour la requérante, « [s]i une étude est fiable et pertinente », les résultats de cette étude doivent être pris en considération dans le cadre d’une approche de la force probante des éléments de preuve. Selon elle, il n’existe aucun scénario dans lequel une « étude fiable et pertinente » peut être
ignorée « à juste titre » et l’ECHA devrait tenir compte de « toutes les études fiables et pertinentes ». Voir, également, points 35 et 36 des présentes conclusions.
( 29 ) Il s’agit, selon le point 64 de l’arrêt attaqué, des situations dans lesquelles « l’ECHA avait ignoré complètement et erronément une étude fiable dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité ».
( 30 ) Mise en italique par mes soins.
( 31 ) Voir points 53 et suiv. des présentes conclusions.
( 32 ) Par souci de complétude, il me faut relever que, dans la version en langue française de l’arrêt attaqué, le passage relatif à l’étendue du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal (point 64, dernière phrase) peut faire penser qu’il constitue une explication des passages qui le précèdent (« En effet, une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être constatée ») (mise en italique par mes soins), tandis que, dans la version en langue anglaise, la langue de procédure, cette suggestion ne
s’impose pas (« There can be a finding of a manifest error of assessment »).
( 33 ) Le Tribunal a constaté, au point 125 de l’arrêt attaqué, que « l’approche de la force probante des éléments de preuve ne s’oppose pas à ce que l’identification d’une substance s’appuie également sur des données ayant une faible fiabilité scientifique per se, dès lors que celle-ci est prise en considération lors de la pondération des données ». Dans cet ordre d’idées, selon le point 174 de cet arrêt, « il est inhérent à l’approche de la force probante des éléments de preuve que la base des
données utilisée peut contenir des données déficitaires sur un certain point d’évaluation. Ainsi, la faible fiabilité de certaines données contenues dans une étude utilisée par l’ECHA ne s’oppose pas, per se, à ce que cette agence utilise une telle étude dans l’évaluation d’une substance. Dans un tel cas de figure, il incombe toutefois à l’ECHA de prendre en considération la faible fiabilité de ces données lors de la pondération des diverses données disponibles ». Il en est de même en ce qui
concerne la référence implicite du Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué, qui figure également aux points 152 et 153 de cet arrêt.
( 34 ) Une telle argumentation est également invoquée par la requérante dans le contexte de la troisième branche de son premier moyen. Toutefois, à l’appui de la première branche de ce moyen, la requérante indique que « [l’ECHA] doit tenir compte de toutes les études fiables et pertinentes dans le cadre de son évaluation de la force probante des éléments de preuve, que ces études viennent ou non à l’appui de son hypothèse ciblée [à savoir que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien pour
l’environnement au sens de l’article 57, sous f), du règlement REACH], contredisent cette hypothèse ou soulèvent d’autres questions ». Dans le même contexte, la requérante fait valoir, par ailleurs, que, « [e]n l’espèce, la requérante a produit plusieurs exemples spécifiques d’études fiables relatives au [bisphénol A], dont les résultats n’ont pas été pris en considération (en particulier, l’[ECHA] n’a pas tenu compte des résultats concernant des points d’évaluation qui ne venaient pas à l’appui de
son hypothèse ciblée, alors qu’elle s’est appuyée sur les résultats concernant d’autres points d’évaluation figurant dans les mêmes études, lorsque ces résultats étayaient sa propre hypothèse) ».
( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 33 et jurisprudence citée).
( 36 ) En effet, selon le point 65 de l’arrêt attaqué, « [c]’est à la lumière de ces observations préliminaires qu’il convient d’examiner si l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’elle n’a pas pris en compte les études invoquées par la requérante ».
( 37 ) Voir arrêts du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑636/17, EU:T:2019:639, point 94) ; du 10 novembre 2021, Sasol Germany e.a./Commission (T‑661/19, non publié, EU:T:2021:779, point 35), et du 23 février 2022, Chemours Netherlands/ECHA (T‑636/19, non publié, EU:T:2022:86, point 227).
( 38 ) Voir point 90 des présentes conclusions, et points 67 et 69 de l’arrêt attaqué.