CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME TAMARA ĆAPETA
présentées le 8 septembre 2022 ( 1 )
Affaire C‑356/21
J.K.
contre
TP SA,
autre partie :
PTPA
[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne)]
« Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Article 3 – Interdiction de toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle – Travailleur non salarié – Refus de renouvellement de contrat »
I. Introduction
1. Après sept ans de relation de travail fondée sur des contrats de courte durée consécutifs, TP SA, chaîne de télévision publique, a refusé de signer un nouveau contrat de services de montage avec J.K. en raison de son orientation sexuelle ( 2 ).
2. J.K. peut-il, en tant que travailleur non salarié, bénéficier d’une protection contre la discrimination fondée sur son orientation sexuelle au titre de la directive 2000/78 ?
3. La portée de la directive 2000/78 est la principale problématique sur laquelle la Cour est invitée à apporter des précisions par la demande formée par le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne).
4. L’autre problématique que soulève le renvoi préjudiciel concerne l’articulation entre l’interdiction de la discrimination et la liberté contractuelle. La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité d’une disposition nationale, qui permet de tenir compte de l’orientation sexuelle en tant que critère du choix du cocontractant, avec la directive 2000/78.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. Aux termes de l’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », celle‑ci a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.
6. L’article 2 de cette directive, intitulé « Concept de discrimination », dispose :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;
[...]
5. La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d’autrui. »
7. Aux termes de l’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application » :
« 1. Dans les limites des compétences conférées à [l’Union], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
[...]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;
[...] »
B. Le droit polonais
8. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de l’ustawa o wdrożeniu niektórych przepisów prawa Unii Europejskiej w zakresie równego traktowania (loi sur la transposition de certaines dispositions du droit de l’Union en matière d’égalité de traitement), du 3 décembre 2010 (Dz. U. de 2020, position 2156, texte codifié, ci-après la « loi polonaise relative à l’égalité de traitement »), « [l]a présente loi s’applique aux personnes physiques ainsi qu’aux personnes morales et aux organismes dépourvus de
la personnalité juridique auxquels la loi reconnaît la capacité juridique ».
9. Plus précisément, l’article 4, paragraphe 2, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement dispose que cette loi s’applique « aux conditions d’accès à des activités économiques ou professionnelles, y compris notamment dans le cadre d’une relation de travail ou d’un travail effectué en vertu d’un contrat de droit civil ».
10. L’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement précise que cette loi ne s’applique pas « à la liberté de choix des parties au contrat tant que ce choix n’est pas fondé sur le sexe, la race, l’origine ethnique ou la nationalité ».
11. L’article 8 de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement énonce :
« 1. Est interdite toute inégalité de traitement des personnes physiques fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle en ce qui concerne :
[...]
(2) les conditions d’accès ou d’exercice d’une activité économique ou professionnelle, notamment, dans le cadre d’une relation de travail ou d’un travail en vertu d’un contrat de droit civil ;
[...] »
12. L’article 13 de la loi polonaise relative à l’égalité est libellé comme suit :
« 1. Toute personne victime d’une violation du principe d’égalité de traitement a droit à une indemnisation.
2. En cas de violation du principe d’égalité de traitement, les dispositions de [l’ustawa – kodeks cywilny (loi sur le code civil), du 23 avril 1964] s’appliquent. »
III. Le litige au principal et la question préjudicielle
13. Entre l’année 2010 et l’année 2017, J.K. a conclu une série de contrats de courte durée consécutifs, au titre d’une activité non salariée, avec TP, une société qui exploite une chaîne de télévision publique nationale en Pologne et dont l’unique actionnaire est le Trésor public.
14. Sur la base de ces contrats, les travaux réalisés par J.K. incluaient la préparation de montages audiovisuels de bandes-annonces ou de feuilletons, qui étaient par la suite utilisés dans le matériel promotionnel de la chaîne. Le requérant a exercé ses activités au sein d’une direction interne de la chaîne, à savoir redakcja Oprawy i Promocji Programu 1 (rédaction de la régie et de la promotion du programme 1), dirigée par W.S. Dans le cadre des contrats d’entreprise qui étaient conclus, J.K.
effectuait des périodes de service d’une semaine, durant lesquelles il préparait du contenu pour les programmes d’autopromotion de la chaîne. W.S., le superviseur direct du requérant, répartissait les périodes de service entre J.K. et une autre journaliste exerçant les mêmes activités, chacun d’entre eux effectuant deux périodes de service d’une semaine par mois.
15. À partir du mois d’août 2017, une réorganisation de la structure organisationnelle de TP a été envisagée, dans laquelle les tâches de J.K. devaient être transférées à une nouvelle unité, l’agencja Kreacji Oprawy i Reklamy (agence de création et de publicité). Deux nouveaux salariés ont été nommés pour procéder à la réorganisation et à l’évaluation des collaborateurs qui devaient être transférés à la nouvelle agence.
16. Lors de réunions qui se sont déroulées fin octobre et début novembre 2017 et auxquelles assistait l’un des nouveaux salariés chargés de la réorganisation, J.K. a reçu une évaluation positive et a été inscrit parmi les collaborateurs évalués avec succès.
17. Le 20 novembre 2017, un contrat portant sur des travaux spécifiques a été conclu entre J.K. et TP pour une durée d’un mois.
18. Le 29 novembre 2017, J.K. a reçu son planning de travail pour le mois de décembre 2017. Ce planning prévoyait les services hebdomadaires pour chaque quinzaine, la première semaine devant débuter le 7 décembre 2017 et la seconde le 21 décembre 2017.
19. Le 4 décembre 2017, J.K. et son partenaire ont publié sur leur chaîne YouTube une vidéo musicale de Noël visant à promouvoir la tolérance envers les couples de même sexe.
20. Deux jours plus tard, le 6 décembre 2017, J.K. a reçu un courriel de TP supprimant sa période de service à compter du 7 décembre 2017.
21. Le 20 décembre 2017, J.K. a été informé qu’il ne serait pas non plus tenu de se présenter pour la période de service prévue pour débuter le 21 décembre 2017. Il n’a donc accompli aucune période de service au cours du mois de décembre 2017 comme convenu au contrat et il n’a pas non plus été rémunéré pour ces prestations contractuelles, ainsi que cela a été précisé lors de l’audience.
22. En définitive, il n’a pas été conclu de nouveau contrat (pour janvier 2018). Selon la juridiction de renvoi, la décision de mettre fin à la coopération avec J.K. a été prise par les personnes chargées de la réorganisation.
23. Par requête déposée devant la juridiction de renvoi, le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie), J.K. réclame la somme de 47924,92 zlotys polonais (PLN) (environ 10130 euros), majorée des intérêts de retard légaux calculés à compter de la date de l’introduction du recours et jusqu’à la date du paiement. Un montant de 35943,69 PLN (environ 7600 euros) est réclamé à titre d’indemnisation et un montant de 11981,23 PLN (environ 2530 euros) à
titre de réparation de la violation du principe de l’égalité de traitement en raison de l’orientation sexuelle sous la forme d’une discrimination directe en ce qui concerne les conditions d’accès et d’exercice des activités économiques dans le cadre d’un contrat de droit civil.
24. À l’appui de son recours, J.K. fait valoir qu’il a été victime d’une discrimination directe de la part de TP en raison de son orientation sexuelle. Il fait valoir que la cause probable de la suppression des périodes de service et de la cessation de la relation de travail avec TP était la publication sur YouTube de la vidéo musicale de Noël susmentionnée.
25. TP conclut au rejet du recours en faisant valoir que ni sa pratique ni la loi ne garantissent le renouvellement des contrats commerciaux.
26. La juridiction de renvoi précise que la mesure dans laquelle les travailleurs non salariés relèvent de la protection de la directive 2000/78 n’est pas claire. Elle nourrit également des doutes quant à la compatibilité avec cette directive de l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, que cette juridiction considère applicable aux circonstances de l’espèce.
27. C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 3, paragraphe 1, [sous] a) et c), de la directive [2000/78] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’exclusion du champ d’application de la directive 2000/78 et que, par conséquent, il permet également d’exclure de l’application des sanctions prévues par le droit national, en vertu de l’article 17 de cette directive, le libre choix des parties contractantes tant que ce choix n’est pas fondé sur le sexe, la race, l’origine ethnique ou la nationalité, dans l’hypothèse où la
discrimination alléguée consiste en un refus de conclure un contrat de droit civil en vertu duquel le travail doit être exercé par une personne physique non salariée ? »
28. Des observations écrites ont été déposées par J.K., les gouvernements polonais, belge, néerlandais et portugais ainsi que par la Commission européenne. Une audience s’est tenue le 31 mai 2022 au cours de laquelle J.K., le gouvernement polonais ainsi que la Commission ont présenté des observations orales.
IV. Analyse
29. Je comprends que, par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si elle est tenue d’appliquer l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement lorsqu’elle décide si TP est tenue d’indemniser J.K. en raison d’une discrimination à son égard fondée sur son orientation sexuelle.
30. En vertu du droit de l’Union, cette question dépend de l’applicabilité de la directive 2000/78. Si J.K. peut invoquer l’article 3 de cette directive pour exclure que TP puisse prendre en considération son orientation sexuelle comme un motif de ne pas conclure de contrat avec lui, la juridiction de renvoi serait tenue d’écarter l’application de l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement lors de la résolution de la présente affaire.
31. La question pertinente est donc celle de savoir si le refus de conclure un contrat en raison de l’orientation sexuelle d’un cocontractant potentiel relève du champ d’application de la directive 2000/78, et plus précisément si un tel contrat constitue une condition « d’accès [...] aux activités non salariées », telle que prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive.
32. En raison des particularités de la présente affaire, l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 pourrait également constituer une disposition applicable.
33. Je procéderai donc de la manière suivante. En premier lieu, j’analyserai si l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 s’applique à des situations telles que celle de l’espèce (section A). À cet égard, j’expliquerai comment il convient de comprendre la notion d’« activité non salariée » utilisée par cette disposition et comment, le cas échéant, elle doit être distinguée de la notion de « fourniture de biens et de services ». Par la suite, je soutiendrai que la conclusion d’un
contrat individuel relève de la notion de « conditions d’accès [...] aux activités non salariées » figurant à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78. Dans la section suivante (section B), j’examinerai brièvement la question de savoir si l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette directive s’applique à la présente affaire, puisque la juridiction de renvoi l’a également invoqué dans sa question. Après avoir constaté que ces deux dispositions sont applicables, j’analyserai si
la liberté contractuelle, telle qu’elle est mise en œuvre par l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, pourrait permettre d’exclure l’application de la directive 2000/78 (section C) et si tel n’est pas le cas, quelles en sont les conséquences pour l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement et quelles sont les obligations incombant à la juridiction de renvoi en vertu du droit de l’Union (section D).
A. Sur l’applicabilité de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78
34. Aux termes de son article 3, paragraphe 1, sous a), la directive 2000/78 s’applique aux « conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail ».
35. Ainsi, cette disposition vise explicitement les travailleurs non salariés. Aucune des parties à la présente procédure n’a contesté que J.K. puisse être considéré comme un travailleur non salarié. Pourquoi se pose dès lors la question de l’applicabilité de cette disposition ?
36. D’une part, ainsi que l’a suggéré la juridiction de renvoi dans sa décision, la Cour n’a pas encore précisé la notion d’« activité non salariée » utilisée dans la directive 2000/78. Étant donné que cette directive ne renvoie pas au droit national des États membres, cette notion doit être interprétée en tant que notion autonome du droit de l’Union, dont il revient effectivement à la Cour de préciser le sens et la portée ( 3 ). Le présent renvoi préjudiciel offre donc cette opportunité à la Cour.
37. D’autre part, le gouvernement polonais fait valoir que, même si J.K. a la qualité de travailleur non salarié, la conclusion d’un contrat avec une personne ayant cette qualité ne constitue pas une condition d’accès à une activité non salariée.
38. J’expliquerai donc, en premier lieu, que la notion d’« activité non salariée », telle que définie dans la directive 2000/78, comprend la fourniture de biens et de services lorsqu’ils consistent dans le travail personnel que leur prestataire a investi dans de tels biens ou services. J’expliquerai, en second lieu, que, pour un travailleur non salarié, la conclusion d’un contrat avec une personne pour laquelle il doit fournir un travail personnel est une condition d’accès à une activité non
salariée. Ces deux explications conduisent ensemble à conclure que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 s’applique à une situation telle que celle en cause au principal.
1. La notion d’« activité non salariée » dans la directive 2000/78
39. La directive 2000/78 ne définit pas la notion d’« activité non salariée ».
40. La doctrine a observé que l’activité non salariée est souvent utilisée comme une catégorie résiduelle, « une sorte de concept balai recouvrant l’ensemble des relations de travail qui ne correspondent pas au modèle (souvent étroit) du travail subordonné » ( 4 ). Ainsi, dans le cadre d’une conception binaire du travail, une personne qui travaille est soit salariée soit indépendante (non salariée) ( 5 ).
41. Mais qu’en est-il si le travail d’une personne peut être qualifié en même temps de fourniture de biens ou de services à des tiers ? Une personne qui, par exemple, s’engage à nettoyer, contre rémunération, l’appartement d’une autre personne ou à préparer un gâteau pour l’anniversaire d’une personne, contre rémunération, fournit un service (nettoyage) ou un bien (gâteau) par son travail. Si c’est la manière dont les personnes citées à titre d’exemple gagnent leur vie, on peut envisager
simultanément leur situation en tant que travailleurs non salariés et en tant que prestataires de biens ou de services. En tant que destinataires de leurs biens ou de leurs services, nous « acquérons » en même temps leur travail et le produit final de ce travail.
42. Dans un tel cas, ces prestataires relèvent-ils de la notion d’« activité non salariée » au sens de la directive 2000/78 ?
43. Avant de poursuivre, je dois expliquer préalablement pourquoi la question de la délimitation entre l’activité non salariée et la fourniture de biens et services se pose dans le cadre de la directive 2000/78.
44. Cette directive fait partie des directives adoptées sur le fondement de l’actuel article 19 TFUE ( 6 ), qui a conféré à l’Union européenne une compétence pour lutter contre les discriminations. La directive 2000/78 interdit les discriminations fondées sur plusieurs motifs, dont l’orientation sexuelle ( 7 ). Toutefois, cette directive ne saurait combattre ( 8 ) et ne combat pas de manière générale les discriminations fondées sur ces motifs prohibés. Le législateur de l’Union a limité le « champ
d’action » de cette directive au domaine de l’« emploi et du travail » ( 9 ).
45. Dans le même temps, depuis 2008, la proposition d’une nouvelle directive se trouve au stade de projet législatif de l’Union ( 10 ). Lorsque (et, le cas échéant, si) elle est adoptée ( 11 ), cette directive aura pour objectif de lutter contre les discriminations fondées sur les mêmes motifs que ceux prohibés par la directive 2000/78 dans le domaine décrit, notamment, de l’« accès à des biens et services ». Force est donc de constater que le législateur de l’Union n’a pas (encore) réglementé
l’« accès aux biens et services » et la « fourniture de biens et services » afin d’interdire les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle.
46. Le fait que cette proposition législative utilise les termes d’« accès aux biens et services » et de « fourniture de biens et services » exclut-il la possibilité de considérer que les fournisseurs de biens ou de services qui résultent de leur travail personnel relèvent du champ d’application de la directive 2000/78 ? Selon moi, tel n’est pas le cas.
47. Ni la notion d’« emploi et de travail » figurant dans la directive 2000/78 ni celles d’« accès à des biens et services » et de « fourniture de biens et services » figurant dans la proposition de nouvelle directive ( 12 ) ne sont explicitées plus avant dans les textes dans lesquelles elles figurent. En outre, la Cour n’a pas encore défini ces notions, notamment leur utilisation dans la directive 2000/43/CE ( 13 ), qui, contrairement à la directive 2000/78, vise aussi bien l’« emploi et le
travail » que l’« accès à des biens et services et la fourniture de biens et services » ( 14 ).
48. Selon moi, la réponse à la question de savoir si une personne qui propose son travail en fournissant des biens et des services est un travailleur non salarié au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 dépend de l’interprétation de la notion d’« emploi et de travail », cette expression décrivant le champ d’application de la directive 2000/78. Si la fourniture de biens et de services résultant d’un travail personnel non salarié relève de cette notion, l’emploi des
termes « livraison de biens et services » dans une proposition législative (sans intention aucune de préjuger de son interprétation) n’exclut pas l’application de la directive 2000/78 à de tels travailleurs non salariés.
49. Que convient-il donc d’entendre (ou non) par l’expression « emploi et travail » ?
a) La notion d’« emploi et [de] travail »
50. Conformément à son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet de lutter contre les discriminations fondées sur les motifs énumérés ci‑dessus en ce qui concerne l’« emploi et le travail ».
51. Le législateur de l’Union n’a pas précisé davantage ce qu’il convient d’entendre par ces termes. Toutefois, plusieurs considérants de la directive 2000/78 fournissent des indications. Le considérant 4 de cette directive fait référence à la convention no 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui utilise elle-même cette expression. Cette convention interdit les discriminations dans le domaine de l’emploi et du travail entendu comme visant « tous les travailleurs », y compris ceux
qui exercent une activité non salariée ( 15 ).
52. Le considérant 9 de la directive 2000/78 précise que « [l]’emploi et le travail constituent des éléments essentiels pour garantir l’égalité des chances pour tous et contribuent dans une large mesure à la pleine participation des citoyens à la vie économique, culturelle et sociale, ainsi qu’à l’épanouissement personnel ».
53. Ces deux considérants ( 16 ) suggèrent que la directive 2000/78 vise à protéger toutes les personnes qui participent à la société en fournissant leur travail.
54. La jurisprudence a confirmé cette interprétation. Dans ses conclusions dans l’affaire HK/Danmark et HK/Privat, l’avocat général Richard de la Tour a estimé que « la directive 2000/78 [...] a pour objet l’élimination, pour des raisons d’intérêts social et public, de tous les obstacles fondés sur des motifs discriminatoires à l’accès aux moyens de subsistance et à la capacité de contribuer à la société par le travail, quelle que soit la forme juridique en vertu de laquelle ce dernier est
fourni » ( 17 ). Cette position a été confirmée par la Cour dans son récent arrêt HK/Danmark et HK/Privat ( 18 ).
55. Je souscris totalement à cette position. La finalité de la directive 2000/78 peut être interprétée en ce sens que celle-ci vise à interdire les discriminations fondées, notamment, sur l’orientation sexuelle d’une personne ( 19 ). En s’appliquant à l’« emploi et [au] travail », elle vise à permettre aux citoyens d’exploiter leur potentiel et de gagner leur vie en fournissant leur travail.
56. Cette importance du travail pour l’épanouissement individuel est reconnue par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Son article 15, paragraphe 1, dispose que toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée ( 20 ).
57. La directive 2000/78 vise ainsi à protéger ceux qui travaillent contre les discriminations, et son article 3, paragraphe 1, sous a), vise à permettre l’accès non discriminatoire au travail.
58. Comment faut-il comprendre la notion de « travail » pour déterminer le champ d’application de la directive 2000/78 ? La jurisprudence récente a confirmé que le champ d’application de la directive 2000/78 devait être interprété de manière large ( 21 ) et qu’il ne se limite pas aux seules conditions d’accès aux emplois occupés par des « travailleurs », au sens de l’article 45 TFUE ( 22 ).
59. Dès lors, en protégeant ceux qui travaillent, la directive 2000/78 ne vise pas seulement les « travailleurs » au sens du droit de libre circulation ou du droit dérivé adopté sur le fondement de l’article 153 TFUE ( 23 ). Même si cette directive va au-delà des « travailleurs » au sens de l’article 45 TFUE, ces derniers sont bien entendu également couverts par elle ( 24 ).
60. Le XXIe siècle requiert une conception plus large de la personne qui travaille ( 25 ). Aujourd’hui, une personne qui travaille est une personne qui investit son propre temps, ses connaissances, ses compétences, son énergie, et souvent son enthousiasme, afin de fournir un service ou de créer un produit pour un tiers, et non pour elle-même, et pour lequel on lui a (en principe) promis une rémunération.
61. En effet, la directive 2000/78 vise à faciliter l’accès à tout travail sans discrimination, exercé en tant que moyen de subsistance, sous toutes les différentes formes sous lesquelles le travail peut être offert. Dans une telle acception de la finalité de la directive 2000/78, rien ne justifie, comme je l’exposerai dans la section suivante, d’exclure de son champ d’application les activités non salariées consistant à fournir des biens ou des services organisés sous quelque forme juridique que ce
soit.
b) Sur la diversité des travaux et les raisons pour lesquelles la fourniture de biens ou de services ne saurait être exclue du champ d’application de la directive 2000/78
62. Le travail se réfère à la fois à l’activité et à son résultat ( 26 ). Pour l’application de la réglementation contre la discrimination dans le domaine de l’« emploi et du travail », il est indifférent qu’un travailleur remette par avance le résultat de son travail à son bénéficiaire, comme c’est le cas dans une relation de travail classique, ou bien le propose par la suite aux bénéficiaires en tant que bien ou service.Dans les deux cas, le travailleur gagne sa vie et participe à la société en
investissant son travail personnel.
63. Un même travail peut être fourni sous de multiples formes, même si un emploi traditionnel, entendu comme un travail à temps plein, à durée indéterminée et dans le cadre d’une relation de travail subordonnée et bilatérale ( 27 ), représente toujours le modèle le plus répandu. Les formes de travail atypiques se sont toutefois multipliées ( 28 ), provoquant une fragmentation du marché du travail ( 29 ) et imposant de nouveaux défis pour la réglementation ( 30 ).
64. Une personne peut gagner sa vie en travaillant au service d’un seul ou bien de plusieurs « employeurs » ; pour des périodes plus ou moins longues ; à temps partiel ou de manière uniquement saisonnière ; au même endroit ou à des endroits différents, et en utilisant son propre matériel ou bien le matériel d’autrui. De même, le travail peut être convenu selon une durée (par exemple 20 heures par mois) ou sur la base des tâches à accomplir (par exemple, peindre six murs en blanc) ( 31 ).
65. Il existe donc différentes manières pour une personne d’accomplir le même travail. Cela signifie également qu’un même travail peut être fourni sous différentes formes juridiques. Le cadre juridique applicable à un type particulier de travail disponible pourra varier d’un État membre à l’autre.
66. Ces différents cadres juridiques ne devraient donc pas être pertinents pour l’application de la directive 2000/78. Ce qui importe à cet égard, c’est qu’une personne se livre à un travail personnel, indépendamment de la forme juridique sous laquelle il est fourni.
67. La notion de « travail personnel » a été développée, dans le domaine du droit du travail, en réaction à la fragmentation du travail, ce qui a conduit à ce que de nombreuses personnes soient écartées de la protection conférée par le droit du travail puisqu’elles ne relèvent pas de la conception classique du travail salarié ( 32 ). Ainsi, le travail personnel a été proposé comme critère permettant de déterminer quels sont, parmi les travailleurs, ceux qui bénéficient des droits des travailleurs et
ceux qui n’en bénéficient pas.
68. Toutefois, les spécialistes du droit du travail ont tendance à inclure dans le champ d’application de ce droit tous les travailleurs qui fournissent personnellement des prestations, à l’exclusion de ceux qui « exploitent véritablement une entreprise commerciale pour leur propre compte » ( 33 ).
69. Selon moi, la législation de l’Union luttant contre les discriminations devrait se fonder sur une conception encore plus large du travail personnel, qui n’exclut pas les entrepreneurs ( 34 ) si ceux-ci fournissent un travail personnel.
70. Cela s’explique par la différence d’objectifs entre la législation luttant contre les discriminations et celle relative au travail.
71. Le droit du travail (avec l’article 153 TFUE comme base juridique dans l’Union) vise à protéger le travailleur contre une personne à qui il fournit des biens ou des services selon la prémisse qu’il se trouve dans un lien de subordination et, partant, dans une situation d’infériorité dans une telle relation de travail.
72. La directive 2000/78, adoptée sur la base juridique de l’actuel article 19 TFUE, poursuit un objectif différent ( 35 ). Il s’agit d’un instrument permettant de créer des chances égales pour toute personne de travailler. Cette égalité des chances exige que l’accès d’une personne au travail ne soit pas limité, notamment, en raison de son orientation sexuelle. La mise en œuvre de la directive 2000/78 devrait donc aboutir à un résultat selon lequel toute personne ou société cherchant à recourir au
travail devient « indifférente » aux caractéristiques d’un prestataire potentiel qu’il est interdit de discriminer, y compris en raison de son orientation sexuelle.
73. C’est la raison pour laquelle la fourniture de biens et de services en tant que forme de travail personnel ne saurait être exclue du champ d’application de la directive 2000/78.
74. Permettez-moi de préciser ma pensée à l’aide d’un exemple. Une femme dispose de compétences informatiques et peut, par exemple, créer des logiciels utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique. La première option envisageable suivant laquelle cette femme pourrait effectuer un travail pour lequel elle est compétente est le travail salarié, sur la base d’un contrat de travail à temps plein, dans une société de développement de logiciels.
75. Toutefois, cette femme peut trouver insatisfaisant de ne travailler que pour une seule société et peut donc décider de proposer les mêmes prestations, en tant que travailleuse non salariée, à plusieurs sociétés. Elle peut, par exemple, tenter d’établir une relation constante avec une société afin d’être assurée d’une rémunération régulière. Cela peut être réalisé sur la base d’un contrat de fourniture de biens et de services déterminés (par exemple, la création sur mesure d’algorithmes
d’apprentissage automatique, la maintenance du logiciel de l’entreprise et la formation de son personnel aux modalités de son utilisation). Un tel contrat pourrait être conclu pour une durée déterminée, disons un an, et être renouvelé chaque année. Dans le même temps, elle essaiera de trouver d’autres sociétés susceptibles d’avoir besoin de ses services. Avec ces autres sociétés ou ces particuliers, elle pourrait ne conclure qu’un contrat spécifique pour développer les algorithmes
d’apprentissage automatique dont ils ont besoin.
76. En tant que travailleuse non salariée, elle entretiendrait donc plusieurs types de relations contractuelles : le premier type, fondé sur le contrat de prestations qu’elle propose pendant un certain nombre d’heures par mois ou par an ; et d’autres types, fondés sur des contrats portant sur le produit final, à savoir des logiciels adaptés aux besoins d’un client déterminé. L’ensemble des prestations décrites ci-dessus peut reposer sur des contrats de fourniture de produits ou de services conclus
individuellement avec l’experte en informatique en cause. Toutefois, cette experte peut également décider de créer une société et de commercialiser ses prestations par l’intermédiaire de cette société.
77. Par exemple, dans certains États membres, des contrats individuels successifs de services avec la même société pourraient être interdits. Cela pourrait même résulter de la mise en œuvre de la réglementation de l’Union en matière de travail visant à garantir aux travailleurs des contrats de travail à durée indéterminée plus sûrs ( 36 ). Toutefois, notre experte en informatique ne souhaite pas être salariée. La société pour laquelle elle travaille sur la base de contrats de prestations consécutifs
d’une durée d’un an n’est pas non plus incitée à la salarier, mais souhaite, en revanche, continuer à travailler avec elle. Dans une telle situation, notre experte en informatique peut décider de créer sa propre société. Elle pourrait ainsi continuer à proposer ses services à la première société par l’intermédiaire de sa propre société sans déclencher l’application de la réglementation interdisant les contrats d’entreprise consécutifs à durée déterminée.
78. Dans tous les cas de figure décrits dans l’exemple précédent, l’experte en informatique réalisait le même type de travail et les sociétés ou les personnes avec lesquelles elle contractait avaient répondu au même besoin de travail.
79. Toutefois, il existe des arguments selon lesquels le contrat conclu avec elle en tant qu’individu est bien une forme d’activité non salariée, alors que le contrat conclu avec sa société ne l’est pas, car il s’agit d’une fourniture de biens ou de services. Dans le premier cas, l’éventuel « employeur » acquiert son « travail » et, dans le second cas, ses « biens » ou ses « services ».
80. À la lumière de la directive 2000/78, qui vise à protéger le droit des personnes d’exercer leur activité dans la société et d’y gagner leur vie au moyen d’un travail personnel, existe-t-il une véritable différence ? Le refus d’une société de conclure un contrat avec notre hypothétique experte en informatique en raison de son homosexualité (ou d’une certaine religion ou bien parce qu’elle est trop âgée ou trop jeune), ou du fait qu’elle possède une autre caractéristique, étrangère à sa capacité
de fabriquer un logiciel d’apprentissage automatique, fait obstacle à son accès à ce poste particulier et, partant, limite son accès au travail.
81. Il n’y a aucun problème à admettre qu’une telle discrimination ne devrait pas être admise si la personne en cause recherchait un emploi traditionnel. Pourquoi ne devrait-il pas en aller de même dans tous les autres cas dans lesquels elle propose ses services sur la base de contrats de marchandises ou de services conclus avec elle en tant que personne, ou sur la base de contrats de marchandises ou de services conclus avec son entreprise, mais en promettant son travail personnel ?
82. En substance, du point de vue du prestataire comme de celui de la société qui acquiert son travail personnel, il n’y a aucune différence. Elle fournit le travail dont une autre personne a besoin. Exclure certaines de ces situations du champ d’application de la directive 2000/78, qui vise à permettre un accès non discriminatoire aux moyens de subsistance et à la capacité de contribuer à la société par le travail qu’elle fournit, quelle que soit la forme juridique que cela prend ( 37 ), me semble
peu fidèle aux objectifs poursuivis par cette directive.
83. Il est indifférent, pour l’application de la législation luttant contre les discriminations, qu’un prestataire de travail soit en même temps une entreprise et se trouve donc dans un rapport horizontal, plutôt que dans un rapport de subordination à un éventuel « employeur » ( 38 ). En effet, dans certains systèmes juridiques, à tout le moins pour certaines professions, les travailleurs non salariés sont tenus de créer une entreprise ou sont du moins habituellement organisés sous cette forme.
84. Les agents commerciaux en constituent un exemple. Les rapports entre les agents et leurs commettants sont des rapports commerciaux. Toutefois, dans la majorité des cas, les agents commerciaux sont des travailleurs non salariés qui sont en même temps des autoentrepreneurs ou les seuls propriétaires de leur PME ( 39 ). Un commettant potentiel pourrait-il refuser de conclure un contrat avec un agent commercial au seul motif de l’orientation sexuelle de ce dernier ? Un tel refus ne relèverait-il pas
de la directive 2000/78 ?
85. Enfin, si la fourniture personnelle de biens et de services est exclue du champ d’application de la directive 2000/78, cela permettrait aux sociétés ou aux particuliers d’exiger que certains travaux qui doivent leur être fournis contournent l’interdiction de la discrimination en choisissant d’« acquérir » des biens ou des services plutôt que d’employer un prestataire de services. Comme le soutiennent J.K. et la Commission, cela serait contraire à l’effet utile de cette directive.
86. Si la discrimination doit être interdite pour les motifs énumérés s’agissant de l’accès au travail, la fourniture de biens et de services ne saurait donc être exclue de la notion d’« activité non salariée » visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78, dès lors qu’un prestataire propose ses services pour assurer sa subsistance.
87. Il résulte des circonstances de l’espèce que TP avait besoin des services d’un monteur. Cette chaîne de télévision a estimé, pour des raisons non divulguées (qui pourraient être des raisons de coûts inférieurs), qu’il est préférable d’acquérir des services de montage auprès d’un entrepreneur indépendant plutôt que d’employer un monteur. Pour une autre chaîne de télévision, le calcul aurait pu être différent ; il pourrait revenir moins cher, ou être considéré comme moins risqué, d’employer un
monteur à temps partiel ou à temps plein. Je ne vois aucune raison valable pour laquelle la directive 2000/78 devrait être interprétée en ce sens qu’elle interdit à la chaîne de télévision de tenir compte de l’orientation sexuelle lorsqu’elle emploie le monteur mais pas lorsqu’elle a recours à ses services, directement ou par l’intermédiaire de sa société. Tant du point de vue de la chaîne de télévision que de celui du monteur, la situation est sensiblement la même : la chaîne de télévision
acquiert les services de montage dont elle a besoin et le monteur lui propose son travail personnel.
Conclusion intermédiaire
88. Les termes « activité non salariée », au sens de la directive 2000/78, couvrent la fourniture de biens et de services lorsque le prestataire effectue un travail personnel. Dans une telle situation, un bénéficiaire potentiel de biens ou de services ne saurait refuser de signer un contrat en raison de l’orientation sexuelle du prestataire.
2. La conclusion d’un contrat individuel est-elle une « condition d’accès [...] aux activités non salariées » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 ?
89. Le gouvernement polonais fait valoir que le refus de conclure un contrat individuel de prestation de services ne relève pas de la notion de « condition d’accès [...] aux activités non salariées » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78. Selon lui, cette notion ne concernerait que les conditions générales d’exercice de certaines professions. Ainsi que le gouvernement polonais l’a expliqué lors de l’audience, cette règle ne concerne que les professions réglementées.
En l’espèce, aucune règle de droit public ne s’oppose à ce que J.K. propose ses services de montage. Il n’existerait donc aucun obstacle à son accès à cette profession. La décision individuelle d’un bénéficiaire potentiel d’une prestation n’est donc pas une « condition d’accès [...] aux activités non salariées ». Une telle décision relève plutôt de la liberté d’une personne de choisir son cocontractant.
90. J.K., les gouvernements belge, néerlandais et portugais ainsi que la Commission considèrent que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 est applicable au refus de conclure, sur la base de l’orientation sexuelle, un contrat avec un travailleur non salarié.
91. La Cour a eu l’occasion de préciser la notion de « conditions d’accès à l’emploi » figurant à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 dans l’arrêt LGBTI ( 40 ), qui concernait également une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La Cour a tout d’abord précisé que ces termes doivent être interprétés conformément à leur sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la
réglementation dont ils font partie ( 41 ). Sur cette base, elle a conclu que les conditions d’accès visent « des circonstances ou des faits dont l’existence doit impérativement être établie pour qu’une personne puisse obtenir un emploi ou un travail donné » ( 42 ).
92. Même si la Cour ne s’est référée qu’à l’accès à l’emploi dans l’arrêt LGBTI, il en va de même de la notion de « condition d’accès [...] aux activités non salariées », étant donné que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 vise simultanément l’emploi, l’activité non salariée et le travail. Dès lors, les conditions d’accès à une activité non salariée recouvrent des circonstances ou des faits qui doivent être établis pour qu’une personne puisse obtenir un travail déterminé en
tant que travailleur non salarié.
93. Un travailleur non salarié accède à un travail en concluant un contrat d’entreprise ou un contrat de droit civil similaire. Si le bénéficiaire potentiel des services d’un travailleur non salarié conditionne l’accès à un travail au fait qu’un prestataire n’est pas homosexuel, il est évident qu’une personne ayant cette orientation sexuelle ne peut pas obtenir ce travail spécifique.
94. Dès lors, si, dans une situation de travail classique, le refus de conclure un contrat de travail avec une personne en raison de son orientation sexuelle est interdit par l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78, le refus de conclure un contrat d’entreprise ou un contrat similaire avec un travailleur non salarié en raison de son orientation sexuelle doit également être interdit par cette disposition, qui vise tant l’emploi que l’activité non salariée.
95. Enfin, je souhaiterais aborder une question supplémentaire, débattue lors de l’audience. L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 s’appliquerait-il même dans l’hypothèse où un travailleur non salarié, tel que J.K., n’aurait pas de relation de travail antérieure de longue durée, mais postulerait pour la première fois et se verrait refuser un contrat en raison de son orientation sexuelle ? En d’autres termes, la continuité du travail a-t-elle une quelconque incidence ?
96. J.K. et la Commission ont estimé que le fait de postuler pour la première fois n’aurait aucune incidence à cet égard. Le gouvernement polonais a maintenu sa position antérieure selon laquelle de telles décisions individuelles ne relèvent pas de la notion de « conditions d’accès [...] aux activités non salariées ».
97. Je partage l’avis de J.K. et de la Commission. La situation visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a) de la directive 2000/78 est l’accès au travail. En effet, les relations de travail antérieures sont sans rapport avec la candidature à un travail et la conclusion consécutive d’un contrat. En d’autres termes, ce n’est pas le refus de conclure le contrat en cause dans l’affaire au principal qui relève de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive parce que J.K. avait passé des
contrats avec TP auparavant, mais le refus d’accès à de nouveaux travaux en raison du refus de TP de conclure un nouveau contrat avec lui.
Conclusion intermédiaire
98. Le refus de conclure un contrat individuel pour la fourniture de prestations de service avec un travailleur non salarié motivé par l’orientation sexuelle de ce travailleur relève de l’expression « condition d’accès [...] aux activités non salariées » qui figure à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78.
B. Sur l’applicabilité de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78
99. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le refus de conclure le contrat avec J.K. non seulement l’empêche d’accéder à un nouveau travail, mais met également fin à sa relation de sept années avec TP sur le seul fondement de son orientation sexuelle. J’estime donc que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 est également applicable à celle en cause au principal.
100. Le gouvernement polonais a fait valoir que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 ne saurait trouver à s’appliquer dans la mesure où, d’une part, les activités non salariées ne sont pas expressément mentionnées dans cette disposition et où, d’autre part, les travailleurs non salariés ne peuvent en aucun cas être « licenciés ».
101. J’estime que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 complète le point a) de ce paragraphe. Tandis que le second point cité s’applique à l’accès au travail, le premier vise les conditions de travail, y compris sa résiliation. L’absence de référence à l’activité non salariée au point c) doit donc être imputée à une rédaction législative confuse, plutôt qu’à la volonté du législateur d’exclure les travailleurs non salariés. En effet, alors que le point a) dudit paragraphe 1,
se réfère au champ d’application tant personnel que matériel de la directive 2000/78, le point c) ne vise que son champ d’application matériel.
102. D’autre part, il est vrai que les travailleurs non salariés ne peuvent pas être licenciés si le terme de licenciement n’est utilisé qu’en relation avec l’emploi. Cela n’est toutefois pas pertinent. L’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 vise le licenciement à titre d’exemple de ce qu’on entend par « conditions d’emploi et de travail ». Cette disposition s’applique à toutes les conditions de travail et à leur cessation ( 43 ).
Conclusion intermédiaire
103. Une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle un travailleur non salarié avait déjà noué des relations de travail avec le bénéficiaire de services qui a refusé de conclure le nouveau contrat uniquement en raison de son orientation sexuelle relève du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78.
C. La liberté contractuelle peut-elle être invoquée pour justifier une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ?
104. Une autre question, implicite dans la décision de renvoi, porte sur le point de savoir si TP peut invoquer la liberté contractuelle, entendue comme un droit de choisir librement une partie contractante au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, pour écarter l’application de la directive 2000/78.
105. La directive 2000/78 prévoit, à son article 2, paragraphe 5, que les mesures nationales peuvent exceptionnellement exclure l’application de cette directive si elles sont, notamment, nécessaires à la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour a précisé que cette disposition, en tant qu’exception au principe d’interdiction des discriminations, est d’interprétation stricte ( 44 ).
106. L’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement peut‑il être compris comme une mesure nécessaire à la protection, dans une société démocratique, des libertés d’autrui au sens de l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2000/78 ?
107. L’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement garantit la liberté de choisir un cocontractant. Selon cette disposition, cette liberté peut être limitée pour empêcher toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique ou la nationalité. Toutefois, la limitation de la liberté contractuelle n’est pas envisagée dans une situation dans laquelle un choix conduit à une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Ainsi, fonder une décision de
conclure un contrat sur l’orientation sexuelle d’une partie contractante potentielle serait autorisé en vertu de cette loi.
108. En application de l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2000/78, une disposition nationale qui admet une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle n’est pas contraire à cette directive si elle est nécessaire pour permettre la liberté contractuelle.
109. À titre liminaire, et avant de procéder à tout contrôle de proportionnalité, je dois faire part d’une difficulté dans l’analyse de cette question en termes de mise en balance. L’autorisation de discriminer sur le fondement de l’un quelconque des motifs prohibés peut-elle, en tout état de cause, relever de la liberté contractuelle dans une société fondée sur la valeur de l’égalité ( 45 ) ?
110. Toutefois, s’il peut être admis que la liberté contractuelle est limitée par l’interdiction de la discrimination fondée sur les motifs énumérés dans la directive 2000/78, l’analyse classique de proportionnalité conduit à considérer que l’admission d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle n’est pas nécessaire pour protéger la liberté contractuelle dans une société démocratique.
111. Un raccourci permettant de conclure que l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement n’est pas nécessaire dans une société démocratique pour protéger la liberté contractuelle consiste à souligner que cette disposition interdit déjà la discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique lors du choix d’une partie cocontractante. Cela démontre en soi que le législateur polonais ne conçoit pas la liberté de discrimination comme nécessaire pour
garantir la liberté de contracter dans une société démocratique.
112. La manière de mettre en balance deux droits fondamentaux consiste à apprécier si l’un d’entre eux a fait l’objet d’une limitation disproportionnée. Étant donné que, en vertu de l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2000/78, la liberté contractuelle est utilisée comme justification pour déroger à cette directive, cela nécessiterait, paradoxalement, un revirement d’analyse. La question est de savoir si la liberté contractuelle a été limitée de manière disproportionnée par la
directive 2000/78. Si tel n’est pas le cas, on en conclut que la loi nationale protégeant la liberté utilisée comme justification (liberté contractuelle) n’est pas nécessaire dans une société démocratique ( 46 ).
113. Appliquée au cas d’espèce, l’analyse s’effectue de la manière suivante. En premier lieu, le point de départ consiste à constater que le droit invoqué à titre de justification, en l’occurrence la liberté contractuelle, n’est pas un droit absolu ( 47 ). Elle peut être limitée par la loi afin d’atteindre des objectifs socialement acceptables, à condition que l’essence même de ce droit ne soit pas affectée et que la limitation soit proportionnée (appropriée et nécessaire) aux buts poursuivis.
114. L’exigence qu’une limitation de la liberté contractuelle figure dans la loi est remplie, étant donné qu’elle est énoncée dans une directive de l’Union.
115. En deuxième lieu, la directive 2000/78 vise à faire de l’égalité en matière d’« emploi et de travail » une réalité dans tous les États membres de l’Union. Cette directive contribue également à la réalisation d’autres objectifs énoncés dans les traités. Aux termes du considérant 11 de ladite directive, « [l]a discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation [...] [d’]un niveau d’emploi et de protection sociale
élevé, [du] relèvement du niveau et de la qualité de la vie, [de] la cohésion économique et sociale, [de] la solidarité et [de] la libre circulation des personnes ». Dès lors, la directive 2000/78 limite la liberté contractuelle afin de réaliser l’égalité et d’autres objectifs importants de l’Union, qui sont des objectifs légitimes.
116. En troisième lieu, cette directive limite uniquement la liberté de choix des contractants en excluant qu’un tel choix soit fondé sur l’un des motifs énumérés. Elle n’empêche pas les employeurs ou des tiers dans une situation similaire de choisir la personne la plus adaptée pour le travail. À cet égard, le considérant 17 de la directive 2000/78 précise que celle-ci « n’exige pas qu’une personne qui n’est pas compétente, ni capable ni disponible pour remplir les fonctions essentielles du poste
concerné ou pour suivre une formation donnée soit recrutée, promue ou reste employée ». Tel est, à mon sens, l’essence de la liberté contractuelle.
117. Une décision de ne pas engager ou de licencier peut reposer sur des motifs différents, pertinents pour le poste en cause ( 48 ).Dès lors, l’interdiction de discriminer pour les motifs énumérés, dans le cadre du choix de contracter, n’affecte pas le contenu essentiel de la liberté contractuelle.
118. Enfin, si l’on admettait qu’il existe bien une limitation à la liberté contractuelle, encore faudrait-il démontrer qu’une telle limitation est appropriée et nécessaire pour atteindre le ou les objectifs légitimes de la directive 2000/78. Je me limiterai à une analyse de proportionnalité par rapport à l’objectif de lutte contre la discrimination dans le domaine de l’emploi et du travail, car c’est l’objectif directement lié à la base juridique sur laquelle cette directive a été adoptée ( 49 ).
119. En excluant la possibilité d’une discrimination fondée sur des motifs prohibés et en exigeant, à son article 17, que les États membres envisagent des sanctions effectives et dissuasives lors de sa transposition, la directive 2000/78 est propre à contribuer à la lutte contre les discriminations, car l’on pourrait s’attendre à ce que cela conduise à une diminution progressive et, finalement, à la disparition d’un tel comportement.
120. On ne peut parvenir à une société exempte de toute discrimination sur le fondement des motifs prohibés dans le domaine de l’emploi et du travail que si aucun de ceux qui font appel aux services d’autrui ne prend en considération les caractéristiques énumérées par la directive 2000/78. Dans le cas contraire, les personnes qui présentent ces caractéristiques ne bénéficieraient pas des mêmes chances d’obtenir un travail. Dès lors, dans une société dans laquelle de telles préoccupations continuent
à jouer un rôle, interdire de tels choix et les dissuader par des sanctions appropriées est un minimum nécessaire pour atteindre cet objectif. Je ne pense pas qu’il existe une alternative moins restrictive permettant d’atteindre l’objectif d’un secteur de l’emploi et du travail exempt de toute discrimination.
121. Dès lors, étant donné que la liberté contractuelle, que l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement vise à protéger, n’est pas limitée de manière disproportionnée par la directive 2000/78, cette disposition ne saurait être interprétée comme étant nécessaire pour protéger la liberté de choix des parties contractantes dans une société démocratique.
Conclusion intermédiaire
122. Une disposition nationale, telle que l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, n’est pas nécessaire à la protection de la liberté de choisir une partie contractante dans une société démocratique. Cette disposition ne saurait donc justifier l’exclusion de l’application de la directive 2000/78 sur le fondement de l’article 2, paragraphe 5, de celle-ci.
D. Les obligations du juge national en cas de conflit entre la règle de droit national et la directive 2000/78
123. L’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement n’étant pas nécessaire dans une société démocratique, la directive 2000/78 demeure applicable en l’espèce au refus de conclure un contrat avec un travailleur non salarié en raison de son orientation sexuelle.
124. La juridiction nationale a expliqué dans sa décision de renvoi que l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement est applicable à la situation en cause au principal ( 50 ).
125. Cela signifie que la juridiction de renvoi est confrontée à deux dispositions contraires applicables à l’affaire au principal : la première, contenue dans la directive 2000/78, interdit à TP de refuser de conclure un contrat avec J.K. au motif que ce dernier est homosexuel ; la seconde, qui figure dans la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, autorise TP à refuser de conclure un contrat avec J.K. pour ce même motif.
126. Le droit de l’Union comporte une règle qui s’applique lorsqu’il existe un tel conflit entre deux règles toutes deux applicables au même ensemble de faits : la juridiction nationale doit appliquer la règle de l’Union et écarter la règle de droit national lorsqu’elle statue sur l’affaire ( 51 ). La primauté du droit de l’Union résout ainsi un tel conflit de normes au bénéfice de la norme de l’Union.
127. Par souci d’exhaustivité, il convient d’ajouter que la primauté fonctionne comme une règle de conflit et impose de laisser inappliquée une règle nationale contraire lorsqu’une norme de l’Union a un effet direct ( 52 ).
128. Les directives ont un effet direct dans des situations verticales ( 53 ). TP étant une chaîne de télévision publique ( 54 ), il a été constaté par la jurisprudence qu’une telle situation devait être comprise comme verticale aux fins de l’application directe d’une directive ( 55 ). J.K. peut donc se prévaloir de la directive 2000/78 à l’encontre de TP dans l’affaire au principal.
129. En outre, les dispositions pertinentes de la directive 2000/78 [article 3, paragraphe 1, sous a) et c)] sont inconditionnelles et suffisamment précises pour permettre au juge national de les appliquer ( 56 ). Il est évident qu’un sujet tel que J.K. (un travailleur non salarié) a, sur le fondement de ces dispositions, le droit de ne pas être discriminé en raison de son orientation sexuelle lorsqu’il candidate à un nouveau poste ou à la prolongation de la relation de travail existante ; il est
manifeste qu’un sujet tel que TP, à la recherche de services de montage, ne peut refuser de conclure un contrat avec un travailleur non salarié en raison de sa seule orientation sexuelle. Il est donc possible de conclure, sur la base des dispositions pertinentes de la directive 2000/78, qu’un droit a été accordé à J.K. ; que TP a une obligation corrélative ; et que le contenu de ce droit/cette obligation exclut de recourir à l’orientation sexuelle comme critère de conclusion d’un contrat.
130. Par conséquent, la juridiction de renvoi ne saurait appliquer l’article 5, paragraphe 3, de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement pour trancher le litige pendant devant elle. Il convient également de rappeler qu’une telle obligation d’une juridiction nationale ne dépend pas du choix du législateur national de modifier le droit national pour le mettre en conformité avec le droit de l’Union. Cela n’exclut toutefois pas l’obligation parallèle d’un législateur national de le faire.
Conclusion intermédiaire
131. L’article 3, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2000/78 est applicable au cas d’espèce et a un effet direct. J.K. peut donc se prévaloir devant la juridiction de renvoi de l’interdiction, imposée à TP, de refuser de signer un contrat avec lui, en tant que travailleur non salarié, en raison de son orientation sexuelle. La juridiction de renvoi est donc tenue d’écarter la disposition nationale contraire.
V. Conclusion
132. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne) comme suit :
L’article 3, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une réglementation nationale qui permet de refuser la conclusion d’un contrat de droit civil portant sur des prestations de services en vertu duquel le travail doit être exercé par un travailleur non salarié, lorsque le refus est motivé par l’orientation sexuelle de cette personne.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) La juridiction de renvoi a fondé le présent renvoi préjudiciel sur la prémisse selon laquelle le refus de conclure le contrat était motivé par l’orientation sexuelle de J.K. La décision sur l’existence d’une discrimination incombe à cette juridiction. À cet égard, voir considérant 15 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), ainsi que arrêt du
25 avril 2013, Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 42). Les présentes conclusions partiront donc de l’hypothèse selon laquelle la situation à l’origine du litige relève d’une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle.
( 3 ) Arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, point 75).
( 4 ) Countouris, N., et De Stefano, V., New trade union strategies for new forms of employment, CES, Bruxelles, 2019, p. 34.
( 5 ) Countouris, N., et De Stefano, V., New trade union strategies for new forms of employment, CES, Bruxelles, 2019, p. 34, observent donc que « si un travailleur n’est pas un travailleur subordonné, si son travail n’est pas soumis au contrôle ou à la direction d’un employeur, s’il n’est pas intégré à une entreprise ou n’engendre aucun risque commercial particulier, la plupart des systèmes juridiques se limiteront à présumer que cette personne exerce une activité non salariée. »
( 6 ) Cette base juridique a été introduite dans les traités par le traité d’Amsterdam et était, à l’époque de l’adoption de la directive 2000/78, l’article 13 CE.
( 7 ) Comme le précise son article 1er, la directive 2000/78 interdit la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
( 8 ) L’article 19 TFUE n’habilite l’Union à lutter contre les discriminations que dans les limites des compétences qui lui sont attribuées par les traités de l’Union.
( 9 ) Voir intitulé et article 1er de la directive 2000/78.
( 10 ) Proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle, COM(2008) 426 final.
( 11 ) La genèse de celle-ci révèle que les éléments les plus importants qui freinent l’adoption de cette directive sont, d’une part, les coûts d’un accès non discriminatoire aux biens et aux services pour les personnes handicapées et, d’autre part, la subsidiarité. Voir, en ce sens, Conseil de l’Union européenne, Rapport d’étape, no 14046/21, du 23 novembre 2021.
( 12 ) Voir note de bas de page 10 des présentes conclusions.
( 13 ) Directive du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO 2000, L 180, p. 22).
( 14 ) La directive 2000/43, qui interdit la discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique, a également été adoptée sur la base de l’actuel article 19 TFUE à peu près en même temps que la directive 2000/78, ce qui rend comparables les termes utilisés dans ces deux directives.
( 15 ) Voir, à cet égard, De Stefano, V., « Not as simple as it seems : The ILO and the personal scope of international labour standards », International Labour Review, 2021, p. 387 à 406, p. 399. Voir, également, Schubert, C., Economically-dependent Workers as Part of a Decent Economy, Beck/Hart/Nomos, 2022, p. 237.
( 16 ) Voir, également, exposé des motifs de la proposition de directive du Conseil portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. La partie de cet exposé des motifs qui décrivait ce qui deviendrait ultérieurement l’article 3 de la directive 2000/78 indique précisément que « l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès aux activités salariées ou non‑salariées […] implique l’élimination de toute discrimination découlant de toute
disposition qui empêche l’accès des personnes à toute forme d’emploi et de travail ». Italique ajouté par mes soins.
( 17 ) Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20, EU:C:2022:29, point 37).
( 18 ) Arrêt du 2 juin 2022 (C‑587/20, EU:C:2022:419, point 34).
( 19 ) Voir, à cet égard, la version en langue suédoise de la directive 2000/78, qui utilise l’expression « arbetslivet » (vie active) à l’article 1er de cette directive, pour désigner l’expression anglaise « employment and occupation » ou la formulation française « emploi et travail ».
( 20 ) L’importance du travail pour l’épanouissement individuel a également été soulignée par la jurisprudence. Dans ses conclusions dans l’affaire Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:61, point 11), l’avocat général Poiares Maduro a estimé que « [l’]accès à l’emploi et l’épanouissement professionnel sont d’une importance cruciale pour tout individu, non seulement parce qu’ils sont un moyen pour celui-ci de gagner sa vie, mais aussi parce qu’ils constituent un moyen important de s’accomplir soi-même et de
réaliser son potentiel ». Dans ses conclusions dans l’affaire Associazione Avvocatura per i diritti LGBTI (C‑507/18, EU:C:2019:922, point 44), l’avocate générale Sharpston a considéré que cette citation était importante pour appréhender le champ d’application de la directive 2000/78.
( 21 ) Arrêt du 23 avril 2020, Associazione Avvocatura per i diritti LGBTI (C‑507/18, ci-après l’« arrêt LGBTI , EU:C:2020:289, point 39) ; voir, également, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans la même affaire (C‑507/18, EU:C:2019:922, point 42). La Cour a rappelé, dans l’arrêt du 2 juin 2022, HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20, EU:C:419, point 27), que les notions d’« emploi », d’« activité non salariée » et de « travail » doivent être entendues de manière large, dès lors qu’il ressort
d’une comparaison des différentes versions linguistiques de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 que de nombreuses langues emploient des expressions générales.
( 22 ) Arrêt du 2 juin 2022, HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20, EU:C:2022:419, point 29). Voir, également, point 28 de cet arrêt dans lequel la Cour a constaté que « [a]insi, outre le fait que ladite disposition vise expressément les activités non salariées, il découle également des termes “emploi” et “travail”, compris dans leur sens habituel, que le législateur de l’Union n’a pas entendu limiter le champ d’application de la directive 2000/78 aux postes occupés par un “travailleur”, au sens de
l’article 45 TFUE ».
( 23 ) Sur l’évolution dans la jurisprudence de la Cour de la notion de « travailleur » dans le marché intérieur et dans la législation dérivée de l’Union en matière de travail, voir Countouris, N., « The Concept of “Worker” in European Labour Law : Fragmentation, Autonomy and Scope », Industrial Law Journal, 2018, p. 192 à 225, et Goldner Lang, I., « Sloboda kretanja radnika », dans Ćapeta, T., et Goldner Lang, I. (dir.), Pravo unutarnjeg tržišta Europske unije, Narodne novine, Zagreb, 2021, p. 77
à 110.
( 24 ) À cet égard, voir conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20, EU:C:2022:29, point 35).
( 25 ) À cet égard, voir Supiot, A., « Homo faber : continuités et ruptures » dans Supiot, A. (dir.), Le travail au XXIe siècle, Livre du centenaire de l’OIT, éditions de l’Atelier, Paris, 2019, p. 15 à 41.
( 26 ) Voir également, à cet égard, Supiot, A., « Homo faber : continuités et ruptures » dans Supiot, A. (dir.), Le travail au XXIe siècle, Livre du centenaire de l’OIT, éditions de l’Atelier, Paris, 2019, p. 15 à 41, p. 17 ; Dujarier, M. A., Troubles dans le travail, Sociologie d’une catégorie de pensée, PUF, Paris, 2021, p. 365 et 366.
( 27 ) C’est ainsi que la « relation de travail normalisée » était décrite dans une étude de l’OIT sur des formes de travail non normalisées. Voir Non-standard employment around the world : Understanding challenges, shaping prospects, OIT, Genève, 2016, p. 7. Voir, également, carte à la page 52 de cette étude.
( 28 ) Non-standard employment around the world : Understanding challenges, shaping prospects, OIT, Genève, 2016, p. 7.
( 29 ) Deakin, S., et Wilkinson, F., The Law of the Labour Market, OUP, Oxford, 2005, p. 311 à 313.
( 30 ) Fudge, J., « Blurring Legal Boundaries : Regulating for Decent Work », dans Fudge, J., McCrystal, S., et Sankaran, K., Challenging the legal boundaries of work regulation, Hart, Oxford, 2012, p. 1 à 26 ; De Stefano, V., et Aloisi, A., European legal framework for “digital labour platforms”, Commission européenne, Luxembourg, 2018.
( 31 ) Collins, H., explique que le travail personnel peut reposer sur un contrat de travail à durée déterminée ou sur un contrat d’entreprise. D’un point de vue économique, il pourrait exister différentes raisons, principalement liées à la répartition des risques, pour lesquelles un certain type de travail pourrait être convenu. Voir, à cet égard, Collins, H., « Independent Contractors and the Challenge of Vertical Disintegration to Employment », Oxford Journal of Legal Studies, vol. 10 (3), 1990,
p. 362.
( 32 ) Concernant la notion de « travail personnel », voir, par exemple, Freedland, M., et Countouris, N., The Legal Construction of Personal Work Relations, OUP, Oxford, 2011, p. 5 et 42 ; Supiot, A., « Towards a European policy on work », dans Countouris, N., et Freedland, M. (dir.), Resocialising Europe in a Time of Crisis, CUP, Cambridge, 2013, p. 19 à 35, p. 35 ; Countouris, N., et De Stefano, V., New trade union strategies for new forms of employment, CES, Bruxelles, 2019, p. 64.
( 33 ) Cette définition du lien de travail personnel a été proposée par Countouris, N., et De Stefano, V., dans New trade union strategies for new forms of employment, CES, Bruxelles, 2019, p. 65 : « L’idée de “lien de travail personnel” peut être utilisée pour définir le champ d’application personnel du droit du travail applicable à toute personne engagée par une autre en vue de fournir du travail, à moins que cette personne n’exploite véritablement une entreprise pour son propre compte. »
( 34 ) Voir également, en ce sens, Barnard, C., EU Employment Law, OUP, Oxford, 2012, 4e éd., p. 348, qui explique que certains auteurs soutiendraient également que, dans le domaine de la législation sur l’égalité, la référence à la notion de « non‑salarié » s’applique même aux (entrepreneurs) non‑salariés.
( 35 ) Dans son arrêt du 2 juin 2022, HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20, EU:C:2022:419, point 34), la Cour a estimé que, « ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 37 de ses conclusions, la directive 2000/78 n’est pas un acte du droit dérivé de l’Union tel que ceux, notamment fondés sur l’article 153, paragraphe 2, TFUE, qui visent la protection des seuls travailleurs en tant que partie la plus faible d’une relation de travail ».
( 36 ) Clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, du 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).
( 37 ) Voir point 54 des présentes conclusions et jurisprudence citée.
( 38 ) Cela ne signifie pas que ce fait n’ait aucune importance dans d’autres domaines du droit de l’Union tels que le droit de la concurrence. Voir arrêt du 4 décembre 2014, FNV Kunsten Informatie en Media (C‑413/13, EU:C:2014:2411).
( 39 ) Voir, par exemple, document de travail des services de la Commission sur l’évaluation REFIT de la directive 86/653, SWD(2015) 146 final, du 16 juillet 2015.
( 40 ) Point 39 de cet arrêt.
( 41 ) Point 32 de l’arrêt LGBTI.
( 42 ) Point 33 de l’arrêt LGBTI.
( 43 ) Par ailleurs, je souhaite souligner que, dans un contexte différent lié à la liberté de circulation et aux droits des citoyens fondés sur la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE,
75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77), la Cour a déjà admis que la cessation involontaire d’activité d’un travailleur non salarié peut être assimilée à un licenciement d’un travailleur salarié. Voir arrêts du 20 décembre 2017, Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:1004, point 43), et du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 48).
( 44 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 56).
( 45 ) Dans des arrêts récents de la Cour statuant en formation plénière, celle-ci a précisé que les valeurs énumérées à l’article 2 TUE, y compris l’égalité, font partie intégrante de l’identité même de l’Union [arrêts du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil (C‑156/21, EU:C:2022:97, point 232), et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil (C‑157/21, EU:C:2022:98, point 264)]. L’objet même de la directive 2000/78 est de transformer la valeur de l’égalité en réalité, par la mise en
œuvre de l’interdiction des discriminations, telle qu’elle est exprimée à l’article 21 de la Charte. Depuis l’arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56), l’égalité représente un modèle social que l’Union entend réaliser. McCrudden, C., par exemple, explique que, lorsque l’égalité est comprise comme une notion de « protection d’un droit », le principe d’égalité de traitement revêt une importance particulière pour démontrer que les objectifs de l’Union vont au-delà des objectifs économiques
et s’étendent à la protection du modèle social européen. Voir McCrudden, C., « The New Concept of Equality », ERA, 2003, p. 18. Voir, également, Waddington, L., « Testing the Limits of the EC Treatment Article on Non‑Discrimination », Industrial Law Journal, 1999, p. 133 à 151, et spécialement p. 134, qui a considéré que l’inclusion de l’article 13 CE dans le traité n’était pas principalement inspirée par le souci de lutter contre les discriminations pour des raisons économiques, mais plutôt par
celui de « rapprocher l’Europe des citoyens ».
( 46 ) La Cour a procédé, dans l’arrêt LGBTI (points 47 à 57), à une mise en balance similaire entre le droit à la non‑discrimination, tel que prévu par la directive 2000/78, et la liberté d’expression, telle que protégée à l’article 11 de la Charte. La Cour a mis en balance le droit à la non‑discrimination, tel que prévu par la directive 2000/78, et la liberté d’association, telle qu’elle est protégée à l’article 12 de la Charte, dans l’arrêt du 2 juin 2022, HK/Danmark et HK/Privat (C‑587/20,
EU:C:2022:419, points 41 à 47).
( 47 ) Il convient de relever que la liberté contractuelle a également été reconnue dans l’ordre juridique de l’Union comme faisant partie des droits fondamentaux, au titre de la liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte. Voir, par exemple, arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran (C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79). Cela signifie, d’une part, que le législateur de l’Union a l’obligation de prendre en considération cette liberté lors de l’adoption d’une législation luttant
contre les discriminations. D’autre part, au sens de l’ordre juridique de l’Union, la liberté contractuelle n’est pas absolue. Bien au contraire, la Cour a jugé que la liberté d’entreprise, telle que prévue à l’article 16 de la Charte, « peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique ». Voir, à cet égard, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11,
EU:C:2013:28, point 46) ; voir, également, arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran (C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 80 et 81). Concernant ce dernier point, voir aussi Weatherill, S., « Use and Abuse of the EU’s Charter of Fundamental Rights : on the improper veneration of “freedom of contract” », European Review of Contract Law, 2014, p. 167 à 182.
( 48 ) Voir, par exemple, pour le cas d’une femme enceinte licenciée en raison d’un licenciement collectif, arrêt du 22 février 2018, Porras Guisado (C‑103/16, EU:C:2018:99, point 71).
( 49 ) Voir point 44 des présentes conclusions.
( 50 ) La compétence pour interpréter le droit national appartient au seul juge national. Dans le cadre de la procédure préjudicielle, la Cour doit donc s’appuyer sur l’interprétation du droit national retenue par la juridiction de renvoi. Cette dernière a expliqué qu’elle considère que le type de contrat en cause dans l’affaire au principal relève de la loi polonaise relative à l’égalité de traitement, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, et que, partant, l’article 5,
paragraphe 3, de cette loi s’applique également.
( 51 ) Arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, points 21 à 23), et du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle) (C‑430/21, EU:C:2022:99, points 62 et 63).
( 52 ) Arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, points 60 à 64 ainsi que point 68).
( 53 ) Arrêts du 5 avril 1979, Ratti (148/78, EU:C:1979:110, points 20 à 23), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 45).
( 54 ) Son propriétaire est le Trésor public. Il convient de relever que TP, partie défenderesse dans la procédure devant la juridiction de renvoi, n’a pas présenté d’observations écrites ni participé à l’audience devant la Cour.
( 55 ) Arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, points 46 à 49), et du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, points 32 à 35).
( 56 ) Arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, points 11 et 12) ; du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 33) ; du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, points 48 et 49), ainsi que du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct) (C‑205/20, EU:C:2022:168, points 17 à 19).