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16/11/2023 | CJUE | N°C-283/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, DZ e.a. contre Ministerstvo vnútra Slovenskej republiky., 16/11/2023, C-283/22


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 novembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 1er, paragraphes 1 et 2 – Champ d’application – Notion de “transport international” – Article 2, paragraphe 1 – Notion de “transport effectué par l’État” – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager – Assurance des transporteurs aériens et des exploitants d’aéronefs – Règlement (CE) n

o 785/2004 – Article 1er, paragraphe 1, et article 2,
paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Champ d’application – Notion d’“aér...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 novembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 1er, paragraphes 1 et 2 – Champ d’application – Notion de “transport international” – Article 2, paragraphe 1 – Notion de “transport effectué par l’État” – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager – Assurance des transporteurs aériens et des exploitants d’aéronefs – Règlement (CE) no 785/2004 – Article 1er, paragraphe 1, et article 2,
paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Champ d’application – Notion d’“aéronefs d’État” – Article 4, paragraphe 1 – Exigences minimales concernant l’assurance des transporteurs aériens et des exploitants d’aéronefs – Chute d’un hélicoptère exploité par l’administration publique d’un État membre, au cours d’une opération de formation spécialisée d’évacuation et de sauvetage – Décès d’un membre du corps des pompiers et secouristes participant à cette opération – Indemnisation »

Dans l’affaire C‑283/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov, Slovaquie), par décision du 29 mars 2022, parvenue à la Cour le 26 avril 2022, dans la procédure

DZ,

EO,

YV,

YE,

MP

contre

Ministerstvo vnútra Slovenskej republiky,

en présence de :

KOOPERATIVA Poisťovňa a.s., Vienna Insurance Group,

Generali Česká pojišťovna a.s., anciennement Generali Poisťovňa a.s.,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 avril 2023,

considérant les observations présentées :

– pour DZ, EO, YV, YE et MP, par Me O. Urban, advokát,

– pour Generali Česká pojišťovna a.s., anciennement Generali Poisťovňa a.s., par Me S. Dubjel, advokát,

– pour le gouvernement slovaque, par Mme E. V. Drugda, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme B. Sasinowska, MM. A. Tokár et G. Wilms, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999 et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194, p. 38) (ci-après la « convention de Montréal »), qui est
entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004, ainsi que de l’article 3, sous g), du règlement (CE) no 785/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs (JO 2004, L 138, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DZ, EO, YV, YE et MP, ayants-droit de NK, décédé dans un accident d’hélicoptère, au Ministerstvo vnútra Slovenskej republiky (ministère de l’Intérieur de la République slovaque), propriétaire et exploitant de cet hélicoptère, au sujet de la réparation du préjudice moral subi par les requérants au principal du fait du décès de NK.

Le cadre juridique

Le droit international

La convention de Chicago

3 Intitulé « Aéronefs civils et aéronefs d’État », l’article 3 de la convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944 (Recueil des traités des Nations unies, volume 15, no 102, ci-après la « convention de Chicago ») et ratifiée par tous les États membres de l’Union européenne, dispose :

« (a) La présente Convention s’applique uniquement aux aéronefs civils et ne s’applique pas aux aéronefs d’État.

(b) Les aéronefs utilisés dans des services militaires, de douane ou de police sont considérés comme aéronefs d’État.

[...] »

La convention de Montréal

4 Intitulé « Champ d’application », l’article 1er de la convention de Montréal dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   La présente convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s’applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien.

2.   Au sens de la présente convention, l’expression transport international s’entend de tout transport dans lequel, d’après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu’il y ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés soit sur le territoire de deux États parties, soit sur le territoire d’un seul État partie si une escale est prévue sur le territoire d’un autre État, même si cet État n’est pas un État partie. Le transport sans une telle
escale entre deux points du territoire d’un seul État partie n’est pas considéré comme international au sens de la présente convention. »

5 L’article 2 de cette convention, intitulé « Transport effectué par l’État et transport d’envois postaux », prévoit, à son paragraphe 1, que ladite convention « s’applique aux transports effectués par l’État ou les autres personnes juridiques de droit public, dans les conditions prévues à l’article 1 ».

6 L’article 17 de la même convention, intitulé « Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement. »

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 2027/97

7 L’article 1er, seconde phrase, du règlement (CE) no 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages (JO 1997, L 285, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002 (JO 2002, L 140, p. 2) (ci-après le « règlement no 2027/97 »), étend l’application des dispositions pertinentes de la convention de Montréal « aux transports
aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre ».

Le règlement no 785/2004

8 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 785/2004, celui-ci « a pour objet de fixer les exigences minimales en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers ».

9 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1.   Le présent règlement s’applique à tous les transporteurs aériens et à tous les exploitants d’aéronefs qui utilisent l’espace aérien à l’intérieur, à destination, en provenance ou au-dessus du territoire d’un État membre auquel le traité s’applique.

2.   Le présent règlement ne s’applique pas :

a) aux aéronefs d’État visés à l’article 3, point b), de la [convention de Chicago] ;

[...] »

10 L’article 3 dudit règlement prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) “transporteur aérien”, une entreprise de transport aérien titulaire d’une licence d’exploitation en cours de validité ;

[...]

c) “exploitant d’aéronef”, la personne ou l’entité qui, sans être transporteur aérien, gère effectivement de manière continue l’utilisation ou l’exploitation de l’aéronef ; la personne physique ou morale au nom de laquelle l’aéronef est immatriculé est présumé être l’exploitant, sauf si cette personne peut prouver que l’exploitant est une autre personne ;

[...]

g) “passager”, toute personne effectuant un vol avec l’accord du transporteur aérien ou de l’exploitant d’aéronef, à l’exception des membres tant de l’équipage de conduite que de l’équipage de cabine ;

[...] »

11 L’article 4 du même règlement, intitulé « Principes d’assurance », est libellé comme suit :

« 1.   Les transporteurs aériens et les exploitants d’aéronefs visés à l’article 2 sont assurés conformément au présent règlement quant à leur responsabilité spécifique de l’activité aérienne à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers. [...]

[...]

3.   Le présent règlement ne porte pas atteinte aux règles en matière de responsabilité qui découlent :

– des conventions internationales auxquelles les États membres et/ou la Communauté sont parties,

– du droit communautaire, et

– du droit interne des États membres. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Le 10 mai 2017, NK est décédé lors de la chute d’un hélicoptère, dont le propriétaire et exploitant était le ministère de l’Intérieur de la République slovaque, survenue dans la zone militaire de l’aéroport de Prešov (Slovaquie), dans le cadre d’une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, qui comprenait un entraînement sur cet hélicoptère, destiné à l’évacuation et au sauvetage de personnes en terrain difficile au moyen d’un treuil embarqué. Au moment de cette
chute, ledit hélicoptère se trouvait en vol stationnaire.

13 Devant la juridiction de renvoi, les requérants au principal demandent la réparation du préjudice moral subi du fait du décès de NK, à hauteur de 550000 euros pour DZ, de 350000 euros pour EO, de 350000 euros pour YV, de 150000 euros pour YE et de 150000 euros pour MP. À l’appui de leur demande, ils invoquent les règlements de l’Union pertinents en matière d’aviation civile, qui primeraient les dispositions du droit slovaque, notamment celles du code civil. Ils soutiennent que tant la convention
de Montréal que le règlement no 785/2004 sont applicables, dès lors que, d’une part, NK aurait eu la qualité de « passager » et, d’autre part, l’hélitreuillage constituerait une méthode spécifique d’embarquement.

14 Pour sa part, le ministère de l’Intérieur de la République slovaque, soutenu par KOOPERATIVA Poisťovňa a.s., Vienna Insurance Group, et par Generali Česká pojišťovna a.s., anciennement Generali Poisťovňa a.s., deux sociétés d’assurances, fait valoir que la convention de Montréal et le règlement no 785/2004 ne s’appliquent pas à l’affaire au principal, dès lors que NK était non pas un « passager », au sens de ces deux instruments, mais un membre de « l’équipage de cabine » et que, au moment de
l’accident, il aurait été accroché à un équipement de l’hélicoptère, sans être donc monté à bord de celui-ci ni en être descendu.

15 KOOPERATIVA Poisťovňa a.s., Vienna Insurance Group, conteste également l’applicabilité de la convention de Montréal à l’affaire au principal, en faisant valoir que l’utilisation d’un hélicoptère dans une situation telle que celle en cause au principal n’est pas assimilable à un « transport », au sens de l’article 1er de cette convention. Celle-ci s’appliquerait, en vertu de son article 2, paragraphe 1, aux transports effectués par l’État uniquement dans le but de transporter des passagers d’un
point de départ à un point de destination, ce qui ne saurait être confondu avec l’utilisation d’aéronefs d’État, comme en l’occurrence, aux fins de l’exécution d’une mission de fonctionnaires d’État.

16 Lors de l’audience devant la Cour, il a été précisé que les requérants au principal ont, dans leur ensemble, été indemnisés par l’État à hauteur d’environ 70000 euros, conformément à la réglementation slovaque relative à la sécurité sociale des membres du corps des pompiers et secouristes, et qu’une somme de 30000 euros, provenant de la réserve du ministère de l’Intérieur de la République slovaque, leur a été versée à titre exceptionnel.

17 Dans ces conditions, l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov, Slovaquie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 3, sous g), du règlement [no 785/2004] en ce sens qu’une personne

– qui, pendant le vol, ne se trouve pas à bord d’un hélicoptère d’un transporteur aérien de [l’Union], mais est accrochée à un câble de treuil en tant qu’accessoire (partie) indissociable de l’hélicoptère, et qui a décollé avec l’hélicoptère (en étant accrochée au treuil) ;

– qui a été transportée dans le cadre d’une opération de transport gratuite assurée par l’État (utilisation de l’hélicoptère d’État par les services de police) en tant que transporteur en vertu d’un “contrat de transport” conclu entre le transporteur aérien (escadron d’État) et l’employeur de la personne effectuant la mission spéciale (notamment, sur le fondement de l’Uznesenie vlády č. 411/2006, zo dňa 10. mája 2006, k návrhu zásad vykonávania letov lietadiel v policajných službách
[ordonnance no 411/2006 du gouvernement slovaque, du 10 mai 2006, sur le projet de principes pour l’exécution des vols d’aéronefs par les services de police], et du Nariadenie Ministerstva vnútra Slovenskej republiky č. 50/2012 zo dňa 14. marca 2012 o vyžadovaní a schvaľovaní letov [décret no 50/2012 du ministère de l’Intérieur de la République slovaque, du 14 mars 2012, sur la demande et l’approbation des vols], prévoyant que l’aéronef du transporteur aérien effectuera des vols pour
assurer les missions de l’employeur de la personne concernée) ;

– le transport ayant eu pour objet l’exécution d’une mission spéciale telle que celle en cause au principal [exécution d’une mission professionnelle consistant en une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes à l’utilisation d’un aéronef (hélicoptère) sous forme d’exercice d’hélitreuillage du sauveteur et de la personne secourue],

et

– qui a participé à l’exécution de la mission en tant que membre en formation de l’unité de lutte contre l’incendie [et] qui, sur instruction du pilote et de l’opérateur de bord, s’est accrochée à l’hélicoptère par le câble du treuil en tant qu’accessoire (partie) indissociable de l’hélicoptère et devait ainsi monter à bord de l’hélicoptère au cours du vol effectué,

a) a la qualité de passager

ou

b) fait partie des membres de l’équipage de conduite ou de l’équipage de cabine ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 17, paragraphe 1, de la [convention de Montréal] en ce sens que la personne se trouvant dans les conditions décrites dans la première question doit être considérée comme

a) ayant la qualité de passager

ou

b) faisant partie des membres de l’équipage de conduite ou de l’équipage de cabine ?

3) L’utilisation de l’hélicoptère d’État du 10 mai 2017 peut-elle être assimilée à un transport tel que le définissent et entendent les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 1er de la [convention de Montréal] ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

18 Selon le gouvernement slovaque, la demande de décision préjudicielle est irrecevable, dès lors qu’elle ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 94, sous b) et c), du règlement de procédure de la Cour. La juridiction de renvoi ne définirait pas suffisamment le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’inscrivent les questions préjudicielles et n’exposerait pas les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union. Par ailleurs, l’applicabilité tant du
règlement no 785/2004 que de la convention de Montréal à l’affaire au principal serait discutable.

19 En vertu de l’article 94, sous a) à c), du règlement de procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis. Ces exigences
cumulatives concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1) (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, Lyoness Europe, C‑455/21, EU:C:2023:455, points 26 et 27).

20 En l’occurrence, d’une part, la demande de décision préjudicielle contient un exposé suffisamment précis des éléments factuels pertinents et, d’autre part, la juridiction de renvoi y indique explicitement que l’interprétation des notions de droit de l’Union visées par ses questions préjudicielles est controversée entre les parties au principal, raison qui l’a conduite à poser à la Cour des questions portant sur l’interprétation de ces notions. Par ailleurs, le lien que cette juridiction établit
entre ces questions et l’objet du litige au principal ressort à suffisance de cette demande ainsi que du libellé même desdites questions.

21 Certes, ladite juridiction n’a pas indiqué la teneur des dispositions du droit slovaque en vertu desquelles le ministère de l’Intérieur de la République slovaque serait responsable du préjudice moral allégué par les requérants au principal. Cependant, dès lors que la procédure de renvoi préjudiciel n’a pas pour objet l’interprétation de dispositions législatives ou réglementaires nationales, dans l’esprit de coopération qui doit présider aux rapports entre les juridictions nationales et la Cour
au cours de cette procédure, l’absence, dans une demande de décision préjudicielle, de certaines indications concernant le droit national applicable au litige au principal ne saurait nécessairement entraîner l’irrecevabilité de cette demande [voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, point 12, ainsi que du 6 octobre 2021, LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière), C‑136/20, EU:C:2021:804, point 32 et jurisprudence citée].

22 Par ailleurs, lorsqu’il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation d’un acte de droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, l’objection tirée de l’inapplicabilité de cet acte à l’affaire au principal n’a pas trait à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais relève du fond des questions préjudicielles posées [arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour), C‑638/22 PPU,
EU:C:2023:103, point 53 ainsi que jurisprudence citée].

23 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer la demande de décision préjudicielle recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur les deuxième et troisième questions

24 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement et en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, lu en combinaison avec l’article 1er et l’article 2, paragraphe 1, de cette convention, doit être interprété en ce sens qu’il peut fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants-droits d’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des
pompiers et secouristes, réalisée dans la zone militaire d’un aéroport d’un État partie, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet hélicoptère.

25 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal, celle-ci s’applique à tout transport international de personnes, de bagages ou de marchandises effectué par aéronef, y compris lorsque ce transport est gratuit et effectué par une entreprise de transport aérien. Cet article définit, à son paragraphe 2, la notion de « transport international » comme « tout transport dans lequel, d’après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu’il y ait
ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés soit sur le territoire de deux États parties, soit sur le territoire d’un seul État partie si une escale est prévue sur le territoire d’un autre État, même si cet État n’est pas un État partie », et précise que le « transport sans une telle escale entre deux points du territoire d’un seul État partie n’est pas considéré comme international au sens de [cette] convention ». L’article 2, paragraphe 1, de ladite convention prévoit que
celle–ci s’applique aux transports effectués par l’État ou les autres personnes juridiques de droit public, dans les conditions prévues audit article 1er.

26 Il découle ainsi de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention de Montréal que les notions de « transport international » et de « transport effectué par l’État », dont dépend l’application de cette convention, supposent un déplacement, effectué par aéronef d’après les stipulations des parties, de personnes, de bagages ou de marchandises d’un « point de départ » vers un « point de destination » autre que ce « point de départ ».

27 Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la finalité de l’opération effectuée par l’hélicoptère en cause au principal n’était pas le déplacement de personnes, de bagages ou de marchandises vers un point de destination autre que le point de départ, mais l’exécution d’une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, sous forme d’exercice d’hélitreuillage, réalisée dans la zone militaire du même aéroport.

28 À cet égard, l’affaire au principal se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 26 février 2015, Wucher Helicopter et Euro-Aviation Versicherung (C‑6/14, EU:C:2015:122, points 40 et 41), dès lors que, dans cette dernière affaire, l’objectif du vol en cause était le transport, à bord d’un hélicoptère, d’employés d’une société du lieu de décollage de cet hélicoptère vers les lieux où ils étaient tenus d’effectuer leur travail quotidien, pour ensuite les ramener sur ce lieu de décollage.

29 Dans ces conditions, et sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, une opération telle que celle en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la convention de Montréal, en tant que « transport international » ou « transport effectué par l’État », au sens respectivement de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, et de l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci.

30 Une telle opération ne relève pas davantage du champ d’application du règlement no 2027/97. En effet, si l’article 1er, seconde phrase, de ce règlement étend l’application des dispositions pertinentes de la convention de Montréal aux « transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre », l’application de ces dispositions requiert, néanmoins, l’existence de tels transports. Or, ainsi qu’il découle du point 27 du présent arrêt et sous réserve des vérifications qu’il incombe à la
juridiction de renvoi, un « transport aérien effectué sur le territoire d’un seul État membre » fait également défaut en l’occurrence.

31 Ainsi, indépendamment de la question de savoir si une personne qui participait à une formation spécialisée telle que celle en cause au principal et se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à l’hélicoptère concerné au moment de la chute de celui-ci devrait être considérée comme étant un « passager », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, cette disposition ne saurait fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants-droit de cette personne dès lors qu’une
telle formation, au cours de laquelle est survenu l’accident ayant causé la mort de ladite personne, ne peut pas être qualifiée de « transport international », au sens de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette convention, de « transport effectué par l’État », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ladite convention, ou de « transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre », au sens de l’article 1er, seconde phrase, du règlement no 2027/97 (voir, en ce sens, arrêt du
9 septembre 2015, Prüller-Frey, C‑240/14, EU:C:2015:567, point 35).

32 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, lu en combinaison avec l’article 1er et l’article 2, paragraphe 1, de cette convention, doit être interprété en ce sens qu’il ne saurait fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants-droits d’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, réalisée dans la zone
militaire d’un aéroport d’un État partie, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet hélicoptère, dès lors qu’une telle situation ne saurait être qualifiée de « transport international » ou de « transport effectué par l’État », au sens respectivement de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 1, de ladite convention.

Sur la première question

33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous g), du règlement no 785/2004 doit être interprété en ce sens qu’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, réalisée dans la zone militaire d’un aéroport d’un État membre, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet
hélicoptère, relève de la notion de « passager », au sens de cette disposition.

34 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération prévue à l’article 267 TFUE, la Cour peut être amenée à fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale et,
notamment, de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de ce droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1990, SARPP, C‑241/89, EU:C:1990:459, point 8, et du 15 juillet 2021, DocMorris, C‑190/20, EU:C:2021:609, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

35 En l’occurrence, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient d’examiner si un droit à indemnisation, tel que celui dont les requérants au principal se prévalent, peut être fondé sur le règlement no 785/2004, qui, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, a pour objet de « fixer les exigences minimales en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers ».

36 La notion de « transporteur aérien » est définie à l’article 3, sous a), du règlement no 785/2004 comme « une entreprise de transport aérien titulaire d’une licence d’exploitation en cours de validité ». Pour sa part, l’article 3, sous c), de ce règlement définit « exploitant d’aéronef » comme « la personne ou l’entité qui, sans être transporteur aérien, gère effectivement de manière continue l’utilisation ou l’exploitation de l’aéronef » et précise que « la personne physique ou morale au nom de
laquelle l’aéronef est immatriculé est présumée être l’exploitant, sauf si cette personne peut prouver que l’exploitant est une autre personne ».

37 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 785/2004, celui-ci s’applique « à tous les transporteurs aériens et à tous les exploitants d’aéronefs qui utilisent l’espace aérien à l’intérieur, à destination, en provenance ou au-dessus du territoire d’un État membre auquel le traité s’applique. » En vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de ce règlement, ces transporteurs aériens et ces exploitants d’aéronefs sont assurés « quant à leur responsabilité spécifique de l’activité
aérienne à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers ». Une telle responsabilité est soumise aux conventions internationales auxquelles les États membres et/ou l’Union sont parties, au droit de l’Union ou au droit interne des États membres.

38 Toutefois, l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement no 785/2004 exclut du champ d’application de ce règlement les « aéronefs d’État » visés à l’article 3, sous b), de la convention de Chicago. L’article 3, sous a), de cette convention prévoit que celle-ci « s’applique uniquement aux aéronefs civils et ne s’applique pas aux aéronefs d’État ». Cet article 3, sous b), précise que « les aéronefs utilisés dans des services militaires, de douane ou de police sont considérés comme aéronefs
d’État ».

39 En l’occurrence, il ressort du libellé de la première question que l’hélicoptère dont la chute a causé le décès de NK est un « hélicoptère d’État [utilisé] par les services de police » et que cet hélicoptère a été affecté, sur le fondement de deux actes du droit slovaque, à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes.

40 Il s’ensuit que l’exploitant d’un tel aéronef n’est pas soumis aux exigences imposées par le règlement no 785/2004 en matière d’assurance à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’interpréter les notions de « passager » et de « membres de l’équipage de conduite ou de l’équipage de cabine », au sens de l’article 3, sous g), dudit règlement.

41 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 785/2004 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne sauraient fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants-droits d’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, réalisée dans la zone
militaire d’un aéroport d’un État membre, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet hélicoptère, qui est un « aéronef d’État ».

Sur les dépens

42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999 et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, lu en combinaison avec l’article 1er et l’article 2, paragraphe 1, de cette convention,

doit être interprété en ce sens que :

il ne saurait fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants‑droits d’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, réalisée dans la zone militaire d’un aéroport d’un État partie, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet hélicoptère, dès lors qu’une telle situation ne saurait être qualifiée de
« transport international » ou de « transport effectué par l’État », au sens respectivement de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 1, de ladite convention.

  2) Les dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 785/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs,

doivent être interprétées en ce sens que :

elles ne sauraient fonder un droit à indemnisation au bénéfice des ayants-droits d’une personne qui, lors de sa participation à une formation spécialisée des membres du corps des pompiers et secouristes, réalisée dans la zone militaire d’un aéroport d’un État membre, est décédée en raison de la chute d’un hélicoptère exploité par des services de police, alors qu’elle se trouvait accrochée à un câble de treuil relié à cet hélicoptère, qui est un « aéronef d’État ».

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le slovaque.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-283/22
Date de la décision : 16/11/2023

Analyses

Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 1er, paragraphes 1 et 2 – Champ d’application – Notion de “transport international” – Article 2, paragraphe 1 – Notion de “transport effectué par l’État” – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager – Assurance des transporteurs aériens et des exploitants d’aéronefs – Règlement (CE) no 785/2004 – Article 1er, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Champ d’application – Notion d’“aéronefs d’État” – Article 4, paragraphe 1 – Exigences minimales concernant l’assurance des transporteurs aériens et des exploitants d’aéronefs – Chute d’un hélicoptère exploité par l’administration publique d’un État membre, au cours d’une opération de formation spécialisée d’évacuation et de sauvetage – Décès d’un membre du corps des pompiers et secouristes participant à cette opération – Indemnisation.


Parties
Demandeurs : DZ e.a.
Défendeurs : Ministerstvo vnútra Slovenskej republiky.

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:886

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