ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
16 novembre 2023 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Article 110 TFUE – Impositions intérieures – Interdiction des impositions discriminatoires – Taxe sur les véhicules – Véhicules d’occasion importés d’autres États membres – Application de taux d’imposition différents en fonction de la date d’immatriculation d’un véhicule au Portugal »
Dans l’affaire C‑349/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal)], par décision du 23 mai 2022, parvenue à la Cour le 31 mai 2022, dans la procédure
NM
contre
Autoridade Tributária e Aduaneira,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. N. Piçarra, président de chambre, MM. M. Safjan et N. Jääskinen (rapporteur), juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour NM, par Me P. Carido, advogado,
– pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, A. Pimenta, A. Rodrigues et M. N. Vitorino, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. M. Björkland et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 110 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NM à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) (ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de l’avis de paiement de la taxe sur les véhicules (ci-après la « taxe ») prévue par le Código do Imposto sobre Veículos (code de la taxe sur les véhicules) et portant sur une voiture importée au Portugal par NM.
Le cadre juridique
3 L’article 2, paragraphe 1, sous a), du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Champ d’application objectif », dispose :
« Les véhicules suivants sont soumis à la taxe :
a) Les véhicules automobiles légers destinés au transport de passagers, étant considérés comme tels, les véhicules dont le poids brut ne dépasse pas 3500 [kilogrammes (kg)] et dont la capacité ne dépasse pas 9 sièges, y compris celui du conducteur, qui sont destinés au transport de personnes ».
4 L’article 3, paragraphe 1, de ce code, intitulé « Champ d’application subjectif », prévoit :
« Sont redevables de la taxe, les opérateurs agréés, les opérateurs reconnus et les particuliers, tels qu’ils sont définis par le présent code, qui mettent à la consommation des véhicules imposables, c’est-à-dire les personnes au nom desquelles est émise la déclaration en douane de véhicules. »
5 L’article 5 dudit code, intitulé « Fait générateur », est libellé comme suit :
« 1 – Constituent des faits générateurs de taxe, la fabrication, l’assemblage, l’admission ou l’importation sur le territoire national de véhicules imposables soumis à une obligation d’immatriculation au Portugal.
[...]
3 – Aux fins du présent code, on entend par :
a) “admission”, l’entrée sur le territoire national d’un véhicule originaire d’un autre État membre de l’Union européenne ou mis en libre pratique dans ce dernier ».
6 L’article 6 du même code, intitulé « Exigibilité », dispose :
« 1 – Dans les cas visés au paragraphe 1 de l’article précédent, la taxe devient exigible au moment de la mise à la consommation, celle-ci étant réputée avoir eu lieu :
[...]
b) Au moment du dépôt de la déclaration en douane de véhicules pour les particuliers.
[...]
3 – Le taux de la taxe à appliquer est celui en vigueur au moment où elle devient exigible. »
7 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Taux normaux – automobiles » :
« I – Le barème A, ci-après, établit le montant de la taxe en fonction des composantes cylindrée et environnement, et s’applique aux véhicules suivants :
a) les véhicules automobiles destinés au transport de passagers ».
8 Dans sa version découlant de la Lei n.o 82-D/2014 que procede à alteração das normas fiscais ambientais nos sectores da energia e emissões, transportes, água, resíduos, ordenamento do território, florestas e biodiversidade, introduzindo ainda um regime de tributação dos sacos de plástico e um regime de incentivo ao abate de veículos em fim de vida, no quadro de uma reforma da fiscalidade ambiental (loi no 82-D/2014, relative à la modification des normes fiscales en matière environnementale dans
les secteurs de l’énergie et des émissions, des transports, de l’eau, des déchets, de l’aménagement du territoire, des forêts et de la biodiversité, et qui introduit un régime d’imposition des sacs en plastique ainsi qu’un régime de primes à la casse pour les véhicules automobiles en fin de vie dans le cadre d’une réforme de la fiscalité environnementale), du 31 décembre 2014 (Diário da República, 1re série, no 252, du 31 décembre 2014), en vigueur entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020
(ci-après la « loi no 82‑D/2014 »), l’article 8, paragraphe 1, sous d), du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Taux intermédiaires – automobiles », prévoyait :
« Un taux intermédiaire, équivalent aux pourcentages indiqués ci‑dessous de la taxe résultant de l’application du barème A du paragraphe 1 de l’article précédent, s’applique aux véhicules suivants :
d) 25 %, pour les véhicules automobiles légers destinés au transport de passagers équipés de moteurs hybrides rechargeables dont la batterie peut être rechargée en la branchant au réseau électrique et qui ont une autonomie minimale, en mode électrique, de 25 kilomètres. »
9 Dans sa version découlant de la Lei n.o 75-B/2020, Orçamento do Estado para 2021 (loi no 75-B/2020, concernant le budget de l’État pour l’année 2021), du 31 décembre 2020 (Diário da República, 1re série, no 253, du 31 décembre 2020), en vigueur à partir du 1er janvier 2021 (ci‑après la « loi no 75-B/2020 »), l’article 8 du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Taux intermédiaires – automobiles », dispose, à son paragraphe 1, sous d) :
« Un taux intermédiaire, équivalent aux pourcentages indiqués ci‑dessous de la taxe résultant de l’application du barème A du paragraphe 1 de l’article précédent, s’applique aux véhicules suivants :
[...]
d) 25 %, pour les véhicules automobiles légers destinés au transport de passagers équipés de moteurs hybrides rechargeables dont la batterie peut être rechargée en la branchant au réseau électrique et qui ont une autonomie minimale, en mode électrique, de 50 km et des émissions officielles inférieures à 50g de CO2/km. »
10 L’article 11 du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Taux – véhicules d’occasion », dispose :
« 1 – La taxe frappant les véhicules ayant une immatriculation communautaire définitive attribuée par un autre État membre de l’Union européenne fait l’objet d’un calcul provisoire selon les règles du présent code, auquel sont appliqués les pourcentages de réduction, prévus au barème D, de la taxe résultant du barème pertinent, qui tiennent compte des composantes cylindrée et environnement, y compris de l’alourdissement prévu à l’article 7, paragraphe 3, auxquelles sont associées la
dépréciation commerciale moyenne des véhicules sur le marché national et la durée de vie utile restante des véhicules, respectivement :
Barème D [...] »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 Le 14 septembre 2018, un véhicule léger équipé d’un moteur hybride rechargeable a été immatriculé, pour la première fois, en Allemagne.
12 Le 13 septembre 2021, NM a déposé auprès de l’autorité douanière compétente une déclaration en douane portant sur ce véhicule en vue de sa mise à la consommation au Portugal.
13 L’autorité douanière compétente a calculé le montant de la taxe, que NM était tenu de payer, en se fondant sur les composantes cylindrée et environnement (barème A) dudit véhicule ainsi que sur la durée d’utilisation depuis la première immatriculation (barème D) de celui-ci. Au terme de ce calcul, elle a établi qu’il convenait d’appliquer la taxe au taux plein à ce véhicule, correspondant à un montant de 2928,28 euros, et elle a émis un avis de paiement en ce sens.
14 NM a acquitté le montant de la taxe indiqué par l’avis de paiement qui lui avait été communiqué par l’autorité douanière compétente. Il a, ensuite, introduit, auprès du président du Centro de arbitragem Administrativa (centre d’arbitrage administratif, Portugal), une demande de constitution d’un tribunal arbitral visant à contester ledit avis de paiement.
15 La demande introduite par NM a été transmise au Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], qui est la juridiction de renvoi.
16 En substance, NM fait valoir que, à la date de la première immatriculation du véhicule en cause au principal, le 14 septembre 2018, l’article 8, paragraphe 1, sous d), du code de la taxe sur les véhicules, dans sa version issue de la loi no 82-D/2014, était en vigueur et que, aux termes de cet article, un taux réduit égal à 25 % de la taxe s’appliquait pour les véhicules légers équipés d’un moteur hybride rechargeable qui avaient une autonomie minimale, en mode électrique, de 25 kilomètres. En
revanche, à la date à laquelle il a déposé une déclaration en douane portant sur ce véhicule, ce serait l’article 8, paragraphe 1, sous d), du code de la taxe sur les véhicules, dans sa version issue de la loi no 75-B/2020, qui s’applique. Or, contrairement à la version de cet article en vigueur en 2018, cette disposition ne permettrait plus aux véhicules comportant des caractéristiques analogues à celui en cause au principal de bénéficier de l’application d’un taux réduit égal à 25 % de cette
taxe. Il soutient que, par conséquent, un véhicule présentant de telles caractéristiques et initialement immatriculé dans un autre État membre de l’Union, qui serait ensuite introduit au Portugal, subirait un traitement défavorable par rapport à celui que connaîtrait un véhicule présentant des caractéristiques similaires, mais initialement acquis et immatriculé au Portugal dans la mesure où ce premier véhicule ne pourrait pas bénéficier de l’application du taux réduit égal à 25 % de ladite taxe.
Ainsi, une charge financière plus lourde pèserait sur les véhicules initialement immatriculés dans un autre État membre de l’Union par rapport aux véhicules présentant des caractéristiques similaires et qui auraient initialement été immatriculés au Portugal, ce qui ne serait pas conforme à l’article 110 TFUE.
17 En revanche, l’autorité fiscale souligne que le fait générateur de la taxe est l’admission sur le territoire portugais d’un véhicule qui y est soumis à une obligation d’immatriculation et que cette taxe devient exigible lors de la mise à la consommation de ce véhicule au Portugal. Ainsi, c’est seulement à cette date qu’il conviendrait d’apprécier si un véhicule donné remplit, ou non, les critères lui permettant de bénéficier de l’application du taux réduit égal à 25 % de la taxe. En outre,
l’autorité fiscale soutient qu’il n’y a pas méconnaissance de l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe perçue, lors de l’admission sur le territoire portugais d’un véhicule d’occasion provenant d’un autre État membre, ne dépasse pas le montant résiduel de cette taxe inclus dans le prix de véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national, ce qui serait le cas du montant de la taxe ayant été exigé dans le cas du véhicule en cause au principal.
18 Dans ces circonstances, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 110 [TFUE] s’oppose-t-il à ce qu’une règle de droit national – énoncée à l’article 8, paragraphe 1, sous d), du [code de la taxe sur les véhicules] – en vertu de laquelle les véhicules légers destinés au transport de passagers répondant à certains critères environnementaux paient seulement 25 % de la [taxe], entre en vigueur et soit appliquée – dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2021, plus restrictive que celle en vigueur jusqu’alors – tant aux véhicules nationaux
neufs qu’aux véhicules d’occasion provenant d’autres États membres de l’Union européenne immatriculés pour la première fois au Portugal à partir de cette date, conférant un traitement fiscal égal à ces véhicules, mais aboutissant à une situation qui peut être considérée comme inégale entre les véhicules d’occasion ayant la même durée d’utilisation, qui répondent aux critères environnementaux moins exigeants de la législation antérieure, mais pas à ceux de la nouvelle loi, selon que a) ils ont été
initialement commercialisés et immatriculés au Portugal avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version, auquel cas ils n’auront supporté que 25 % de la taxe, ce qui peut être compris comme tendant à se refléter dans leur prix de vente en tant que véhicules d’occasion, ou b) ils ont été immatriculés dans un autre État membre à une date où la version précédente était en vigueur et sont mis à la consommation au Portugal après cette date, auquel cas ils supportent 100 % du montant de la
taxe ? »
Sur la question préjudicielle
19 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, à la date de la mise à la consommation dans un État membre d’un véhicule ayant été immatriculé pour la première fois dans un autre État membre, une taxe sur les véhicules soit calculée selon les règles applicables à cette date, alors qu’une version antérieure de la réglementation relative à cette taxe, qui conduirait à appliquer une taxe
plus faible et dont ont pu bénéficier les véhicules similaires présentant les mêmes caractéristiques pertinentes que ce véhicule mais immatriculés pour la première fois dans ce premier État membre, était en vigueur lors de la première immatriculation de ce véhicule.
20 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, sous réserve de certaines exceptions non pertinentes pour la présente affaire, la taxation des véhicules automobiles n’a pas été harmonisée au niveau de l’Union. Les États membres sont donc libres d’exercer leur compétence fiscale dans ce domaine, à condition de l’exercer dans le respect du droit de l’Union [arrêt du 19 septembre 2017, Commission/Irlande (Taxe d’immatriculation), C‑552/15, EU:C:2017:698, point 71 et jurisprudence citée].
21 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour, une taxe sur les véhicules automobiles prélevée par un État membre lors de l’immatriculation de tels véhicules en vue de leur mise en circulation sur son territoire ne constitue ni un droit de douane ni une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, au sens des articles 28 et 30 TFUE. En outre, une telle taxe ne saurait non plus être appréciée à l’aune de l’article 34 TFUE portant interdiction des restrictions quantitatives à
l’importation et des mesures d’effet équivalent à de telles restrictions. En effet, une taxe telle que celle en cause au principal constitue une imposition intérieure et doit donc être examinée au regard de l’article 110 TFUE (arrêts du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, points 32 et 33, ainsi que du 17 décembre 2015, Viamar, C‑402/14, EU:C:2015:830, point 33 et jurisprudence citée,).
22 L’article 110 TFUE a pour objectif d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence. Cette disposition vise l’élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l’application d’impositions intérieures, notamment de celles qui sont discriminatoires à l’égard de produits en provenance d’autres États membres (arrêt du 14 avril 2015, Manea, C‑76/14, EU:C:2015:216, point 28). Cet article est violé lorsque l’imposition
frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé [arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Portugal (Taxe sur les véhicules), C‑169/20, EU:C:2021:679, point 34 et jurisprudence citée].
23 Plus spécifiquement, en matière de taxation des véhicules automobiles d’occasion importés, l’article 110 TFUE vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre les produits se trouvant déjà sur le marché national et les produits importés et oblige, partant, chaque État membre à choisir et à aménager les taxes frappant les véhicules automobiles de façon à ce que celles-ci n’aient pas pour effet de favoriser la vente de véhicules d’occasion
nationaux et de décourager ainsi l’importation de véhicules d’occasion similaires (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 56, et ordonnance du 17 avril 2018, dos Santos, C‑640/17, EU:C:2018:275, point 17).
24 Or, les véhicules automobiles présents sur le marché d’un État membre sont des produits nationaux de celui-ci, au sens de l’article 110 TFUE. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme des produits similaires aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de
l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents (arrêt du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 55, et ordonnance du 17 avril 2018, dos Santos, C‑640/17, EU:C:2018:275, point 16).
25 Ainsi, il y a violation de l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe frappant un véhicule d’occasion en provenance d’un autre État membre excède le montant résiduel de ladite taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national. En effet, un tel cas de figure risquerait de favoriser la vente de véhicules d’occasion nationaux et de décourager ainsi l’importation de véhicules d’occasion similaires (arrêt du 19 décembre 2013, X,
C‑437/12, EU:C:2013:857, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).
26 En l’occurrence, il ressort des éléments dont dispose la Cour que, d’une part, la taxe est une taxe sur la consommation perçue, notamment, sur tout véhicule soumis à une obligation d’immatriculation au Portugal et qu’elle est exigible au moment où un tel véhicule y est mis à la consommation. Cette taxe trouve ainsi à s’appliquer aux véhicules neufs ainsi qu’aux véhicules d’occasion importés, puisqu’elle n’est perçue qu’une seule fois, lors de la mise à la consommation d’un véhicule donné sur le
territoire portugais.
27 D’autre part, la juridiction de renvoi explique que l’article 8 du code de la taxe sur les véhicules a fait l’objet d’une modification intervenue postérieurement à la date de la première immatriculation du véhicule en cause au principal en Allemagne, mais antérieurement à sa mise à la consommation au Portugal. Ladite modification visait à rendre plus exigeantes les conditions devant être remplies pour qu’un véhicule puisse bénéficier de l’application du taux réduit égal à 25 % de la taxe.
28 En effet, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, sous l’empire du régime qui était applicable au Portugal en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du code de la taxe sur les véhicules, dans sa version issue de la loi no 82-D/2014, à la date de la première immatriculation du véhicule en cause au principal en Allemagne, un tel véhicule pouvait prétendre bénéficier de l’application du taux réduit égal à 25 % de la taxe. En revanche, à la date de sa mise à la consommation
au Portugal, ledit véhicule n’aurait pas rempli les conditions prévues pour bénéficier d’un tel taux réduit sous l’empire du régime prévu à l’article 8, paragraphe 1), sous d), du code de la taxe sur les véhicules, dans sa version issue de la loi no 75-B/2020.
29 Il s’ensuit que des véhicules d’occasion de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure, qui sont ainsi des produits similaires au sens de la jurisprudence mentionnée au point 24 du présent arrêt, peuvent se voir appliquer la taxe à un taux différent selon qu’ils ont été mis à la consommation au Portugal avant ou après la modification législative décrite aux points 27 et 28 du présent arrêt.
30 Dans ce contexte, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que, au moment de la mise à la consommation au Portugal d’un véhicule d’occasion en provenance d’un autre État membre, une telle mise en œuvre de la réglementation relative à la taxe ne conduit pas à ce que la taxe qui frappe ledit véhicule d’occasion excède le montant résiduel de ladite taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national et ne risque pas ainsi de
favoriser la vente de véhicules d’occasion nationaux ainsi que de décourager l’importation de véhicules d’occasion similaires, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 25 du présent arrêt.
31 En premier lieu, cette juridiction devra tenir compte, d’une part, de ce que la taxe est perçue à taux plein à l’occasion de l’importation et de la mise à la consommation d’un tel véhicule en provenance d’un autre État membre, même lorsque ledit véhicule remplissait les conditions pour bénéficier de l’application du taux réduit égal à 25 % de cette taxe au moment où il a été immatriculé pour la première fois dans cet autre État membre. D’autre part, elle devra tenir compte de ce que l’acquéreur
d’un véhicule d’occasion similaire, déjà présent sur le marché portugais, doit seulement supporter le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur marchande du véhicule qu’il achète, la valeur de cette taxe étant, par ailleurs, liée à un tel taux réduit acquitté lors de la mise à la consommation initiale de ce véhicule.
32 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a précisé que les États membres ne peuvent pas instaurer de nouvelles taxes ou apporter des modifications à celles existantes qui ont pour objet ou pour effet de décourager la vente de produits importés au profit de la vente de produits similaires disponibles sur le marché national et introduits sur celui-ci avant l’entrée en vigueur desdites taxes ou modifications (arrêt du 19 décembre 2013, X, C‑437/12, EU:C:2013:857, point 35).
33 En second lieu, il ressort des explications données par la juridiction de renvoi que les modalités de calcul de la taxe ont été progressivement modifiées au moyen de plusieurs réformes législatives, afin que la composante environnementale de celle-ci prenne désormais en compte la dépréciation résultant de la durée d’utilisation des véhicules d’occasion importés au Portugal.
34 Néanmoins, sous réserve des vérifications que la juridiction de renvoi devra opérer, de telles réformes législatives ne paraissent pas être de nature à garantir, à elles-seules, une application de la taxe compatible avec l’article 110 TFUE. En effet, ainsi que cela ressort, en substance, du point 31 du présent arrêt, la valeur marchande des véhicules similaires à un véhicule tel que celui en cause au principal, qui sont également commercialisés sur le marché portugais des véhicules d’occasion et
qui ont bénéficié de l’application du taux réduit égal à 25 % de la taxe lors de leur mise à la consommation, comprend le montant résiduel de ladite taxe. Or, c’est par rapport au taux auquel cette taxe a été acquittée qu’un tel montant résiduel doit être évalué.
35 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, à la date de la mise à la consommation dans un État membre d’un véhicule ayant été immatriculé pour la première fois dans un autre État membre, une taxe sur les véhicules soit calculée selon les règles applicables à cette date, alors qu’une version antérieure de la réglementation relative à cette taxe, qui conduirait à
appliquer une taxe plus faible et dont ont pu bénéficier les véhicules similaires présentant les mêmes caractéristiques pertinentes que ce véhicule mais immatriculés pour la première fois dans ce premier État membre, était en vigueur lors de la première immatriculation dudit véhicule, si, et dans la mesure où, le montant de la taxe perçue sur le même véhicule importé dépasse le montant de la valeur résiduelle de la taxe qui est incorporée dans la valeur des véhicules nationaux similaires présents
sur le marché national des véhicules d’occasion.
Sur les dépens
36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, à la date de la mise à la consommation dans un État membre d’un véhicule ayant été immatriculé pour la première fois dans un autre État membre, une taxe sur les véhicules soit calculée selon les règles applicables à cette date, alors qu’une version antérieure de la réglementation relative à cette taxe, qui conduirait à appliquer une taxe plus faible et dont ont pu bénéficier les véhicules similaires présentant les mêmes
caractéristiques pertinentes que ce véhicule mais immatriculés pour la première fois dans ce premier État membre, était en vigueur lors de la première immatriculation dudit véhicule, si, et dans la mesure où, le montant de la taxe perçue sur le même véhicule importé dépasse le montant de la valeur résiduelle de la taxe qui est incorporée dans la valeur des véhicules nationaux similaires présents sur le marché national des véhicules d’occasion.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.