ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
23 novembre 2023 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de crédit à la consommation – Article 3, paragraphe 1 – Déséquilibre significatif – Coûts du crédit hors intérêts – Article 7, paragraphe 1 – Action déclaratoire – Intérêt à agir – Article 6, paragraphe 1 – Constatation du caractère abusif d’une clause – Conséquences »
Dans l’affaire C‑321/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy - Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie centre-ville à Varsovie, Pologne), par décision du 22 février 2022, parvenue à la Cour le 5 mai 2022, dans la procédure
ZL,
KU,
KM
contre
Provident Polska S.A.,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : Mme M. Siekierzyńska, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 mars 2023,
considérant les observations présentées :
– pour Provident Polska S.A., par Me M. Modzelewska de Raad, adwokat, Mes A. Salbert et B. Wodzicki, radcowie prawni,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, Mmes M. Kozak et S. Żyrek, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme M. Brauhoff et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 juin 2023,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre de trois litiges opposant, respectivement, ZL, KU et KM à Provident Polska S.A. au sujet de la validité de diverses clauses figurant dans des contrats de crédit à la consommation que ZL, KU et KM ont conclus avec Provident Polska ou une autre société aux droits de laquelle celle-ci est venue.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
4 L’article 4 de cette directive énonce :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
5 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
6 L’article 7, paragraphe 1, de la même directive dispose :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
7 L’article 8 de la directive 93/13 prévoit :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
Le droit polonais
Le code civil
8 L’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version en vigueur à la date des faits des litiges au principal (ci-après le « code civil »), dispose à son article 58 :
« § 1. Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement, notamment qu’elle prévoie que les dispositions invalides de l’acte juridique sont remplacées par les dispositions pertinentes de la loi.
§ 2. Un acte juridique contraire aux règles de la vie en société est nul.
§ 3. Si une partie seulement de l’acte juridique est frappée de nullité, les autres parties de l’acte restent en vigueur, à moins qu’il ne ressorte des circonstances que l’acte n’aurait pas été exécuté en l’absence des dispositions frappées de nullité. »
9 L’article 3851, paragraphes 1 et 2, de ce code dispose :
« § 1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant gravement atteinte à ses intérêts (clauses contractuelles illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les obligations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de
manière non équivoque.
§ 2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres dispositions du contrat. »
10 L’article 405 dudit code prévoit :
« Toute personne qui, sans fondement juridique, a obtenu un avantage pécuniaire aux dépens d’une autre personne est tenue de restituer l’avantage en nature et, si cela n’est pas possible, d’en rembourser la valeur. »
11 L’article 410 du code civil est libellé comme suit :
« 1. Les dispositions des articles précédents s’appliquent notamment en cas de prestation indue.
2. Une prestation est indue si la personne qui l’a fournie n’était absolument pas tenue de la fournir ou n’était pas tenue de la fournir à la personne à qui elle a été fournie, ou si le fondement de la prestation a disparu ou si le but visé par la prestation n’a pas été atteint, ou si l’acte juridique exigeant la prestation était nul et n’est pas devenu valable après que la prestation a été fournie. »
12 Aux termes de l’article 720, paragraphe 1, de ce code :
« En vertu du contrat de prêt, le prêteur s’engage à transmettre à l’emprunteur la propriété d’une quantité définie d’argent ou de choses déterminées uniquement quant à leur espèce et l’emprunteur s’engage à restituer la même quantité d’argent ou la même quantité de choses de la même espèce et de la même qualité. »
Le code de procédure civile
13 L’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. no 43, position 296), dans sa version en vigueur à la date des faits des litiges au principal (ci-après le « code de procédure civile »), prévoit, à son article 189 :
« Une partie requérante peut demander à une juridiction de constater l’existence ou l’inexistence d’un rapport juridique ou d’un droit, pour autant qu’elle ait un intérêt à agir. »
14 Aux termes de l’article 316, paragraphe 1, de ce code :
« Après la clôture de l’audience, la juridiction prononce son arrêt, en se fondant sur la situation telle qu’elle existe à la clôture de l’audience ; en particulier, la circonstance qu’une créance est devenue exigible en cours d’instance ne s’oppose pas à un jugement de condamnation au paiement de celle-ci. »
La loi relative au crédit à la consommation
15 L’ustawa o kredycie konsumenckim (loi relative au crédit à la consommation), du 12 mai 2011 (Dz. U. no 126, position 715), dans sa version applicable à la date des faits des litiges au principal, dispose, à son article 3 :
« 1. Par “contrat de crédit à la consommation” on entend un contrat de crédit d’un montant inférieur à 255550 [zlotys polonais (PLN)] ou d’une valeur correspondante dans une devise autre que la devise polonaise, que le prêteur consent ou promet de consentir à un consommateur, dans le cadre de son activité.
2. Par contrat de crédit à la consommation on entend notamment :
1) un contrat de prêt ;
[...] »
16 L’article 30, paragraphe 1, de cette loi, dans sa version applicable à la date des faits des litiges au principal, dispose :
« Le contrat de crédit à la consommation doit préciser :
[...]
3) la durée du contrat ;
[...]
8) les conditions et les échéances du remboursement du crédit [...]
[...] »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
17 ZL, KU et KM ont conclu des contrats de crédit à la consommation avec Provident Polska ou avec une autre société aux droits de laquelle Provident Polska est venue.
18 Le contrat conclu avec ZL le 11 septembre 2019 porte sur un prêt de 8100 PLN (environ 1810 euros), à un taux d’intérêt annuel de 10 %. Conformément à ce contrat, le montant dû est, au total, de 15531,73 PLN (environ 3473 euros), devant faire l’objet de 90 paiements hebdomadaires d’approximativement 172 PLN (environ 38 euros).
19 Le montant total dû comprend, outre la somme empruntée de 8100 PLN (environ 1810 euros), un coût total du prêt à la charge de l’emprunteur de 7431,73 PLN (environ 1662 euros). Ce coût total est composé, d’une part, des intérêts à hauteur de 1275,73 PLN (environ 285 euros) et, d’autre part, des coûts hors intérêts à hauteur de 6156 PLN (environ 1377 euros), à savoir une « commission de décaissement » de 4050 PLN (environ 906 euros), des « frais de dossier » de 40 PLN (environ 9 euros) et des
« frais de plan flexible de remboursement » de 2066 PLN (environ 462 euros).
20 Ce « plan de remboursement flexible », auquel l’emprunteur était tenu de souscrire, comporte deux volets. D’une part, il consiste en l’octroi à l’emprunteur, moyennant certaines conditions, de la faculté de différer un nombre maximal de quatre échéances, qui sont reportées à la fin de la période normale de remboursement, sans majoration des intérêts. D’autre part, il comporte une « garantie du caractère soutenable de l’obligation de remboursement », par laquelle le prêteur renonce à toute créance
encore due en vertu du contrat de prêt en cas de décès de l’emprunteur pendant la durée de ce contrat.
21 Conformément au point 6.a du contrat de prêt concerné, les montants dus aux 90 échéances hebdomadaires sont exclusivement payables en espèces en main d’un agent du prêteur, lors de visites de celui-ci au domicile de l’emprunteur.
22 Le contrat conclu avec KU le 13 octobre 2020 porte sur un prêt de 6240 PLN (environ 1395 euros), à un taux d’intérêt annuel de 7,2 %. Ce montant est composé d’une somme de 6000 PLN (environ 1342 euros) remise en espèces et d’une somme de 240 PLN (environ 53 euros) dont ce contrat précise qu’elle a été versée sur un compte selon des instructions de l’emprunteur figurant dans la demande de prêt. Conformément audit contrat, le montant dû est, au total, de 9450,71 PLN (environ 2113 euros), devant
faire l’objet de 60 paiements hebdomadaires d’approximativement 157 PLN (environ 35 euros).
23 Le montant total dû comprend, outre la somme empruntée de 6240 PLN (environ 1395 euros), un coût total du prêt à la charge de l’emprunteur de 3210,71 PLN (environ 718 euros). Ce coût total est composé, d’une part, des intérêts à hauteur de 385,87 PLN (environ 86 euros) et, d’autre part, des coûts hors intérêts à hauteur de 2824,84 PLN (environ 632 euros), à savoir une « commission de décaissement » de 556,96 PLN (environ 125 euros), des « frais de dossier » de 40 PLN (environ 9 euros) et des
« frais de plan flexible de remboursement » de 2227,88 PLN (environ 498 euros).
24 Ledit contrat prévoit que les échéances hebdomadaires sont payables au domicile de l’emprunteur selon des modalités identiques à celles décrites au point 21 du présent arrêt.
25 Le contrat conclu avec KM le 7 août 2019 porte sur un prêt de 6000 PLN (environ 1343 euros), à un taux d’intérêt annuel de 10 %. Conformément à ce contrat, le montant dû est, au total, de 12318,03 PLN (environ 2757 euros), devant faire l’objet de 27 paiements mensuels d’approximativement 456 PLN (environ 102 euros).
26 Le montant total dû comprend, outre la somme empruntée de 6000 PLN (environ 1343 euros), un coût total du prêt à la charge de l’emprunteur de 6318,03 PLN (environ 1414 euros). Ce coût total est composé, d’une part, des intérêts à hauteur de 793,83 PLN (environ 178 euros) et, d’autre part, des coûts hors intérêts, à savoir une « commission de décaissement » de 4143,15 PLN (environ 927 euros) et des « frais de dossier » de 1381,05 PLN (environ 309 euros).
27 ZL, KU et KM, chacun en ce qui le concerne, ont saisi le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie centre-ville à Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, de demandes en rapport avec les contrats qui les lient à Provident Polska, en date, respectivement, du 15 avril, du 17 mai et du 14 septembre 2021.
28 Au dernier stade de leurs écritures devant la juridiction de renvoi, chacun d’entre eux demande, en substance, qu’il soit constaté que les clauses du contrat de prêt qui le concerne relatives aux coûts du crédit hors intérêts lui sont inopposables en raison de leur caractère abusif, du fait du caractère manifestement surévalué et déraisonnable des frais et des commissions visés. Ces frais et commissions seraient disproportionnés par rapport au montant prêté et constitueraient, en fait, la
principale source de revenus du prêteur.
29 La demande de KU porte également sur la somme de 240 PLN (environ 53 euros) mentionnée dans le contrat de prêt le concernant comme ayant été versée sur un compte selon des instructions de l’emprunteur figurant dans la demande de prêt.
30 Provident Polska conclut au rejet des recours de ZL, de KU et de KM, et a introduit contre chacun d’eux une demande reconventionnelle ayant pour objet leur condamnation à lui payer des sommes correspondant à une partie des frais et des commissions prévus par le contrat de prêt le concernant demeurée impayée. Les requérants au principal concluent au rejet de cette demande reconventionnelle.
31 En premier lieu, la juridiction de renvoi se demande si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses fixant des frais ou des commissions dus à un professionnel peuvent être déclarées abusives pour le seul motif que ces frais ou ces commissions sont manifestement excessifs par rapport à la prestation fournie par ce professionnel.
32 À cet égard, elle indique qu’il est normal qu’une entreprise de crédit cherche à couvrir ses coûts d’exploitation ainsi que les risques de défaut de paiement et à se procurer un bénéfice. Il lui semble toutefois que, dans les affaires au principal, la rémunération que le prêteur se ménage dans un laps de temps relativement court dépasse une telle norme, dès lors que cette rémunération correspond à plusieurs dizaines de points de pourcentage du montant prêté, voire est proche de ce montant.
33 Elle estime que les coûts liés au « plan de remboursement flexible » et à la « commission de décaissement » sont très élevés et ne correspondent pas à un service réel, et que les coûts réels couverts par les « frais de dossier » sont négligeables. Elle relève que ces frais, tout comme la « commission de décaissement », se rapportent en définitive uniquement à l’octroi du prêt concerné.
34 L’examen des données relatives aux affaires au principal ainsi qu’à une dizaine d’autres qui ont fait l’objet de décisions récentes de diverses chambres du tribunal dont fait partie la juridiction de renvoi incite celle-ci à envisager que le modèle économique de la défenderesse au principal puisse consister à octroyer des prêts portant sur des montants peu importants pour de courtes périodes en tirant un bénéfice non seulement des intérêts, mais surtout des coûts de crédit hors intérêts, lesquels
représenteraient généralement entre 70 et 90 % du montant prêté.
35 Par ailleurs, la juridiction de renvoi observe qu’une proportion significative des prêts octroyés par la défenderesse au principal concerne les mêmes personnes. Elle considère, à cet égard, qu’il est notoire que les personnes qui contractent des emprunts à court terme sont généralement des personnes ayant des difficultés de gestion de leurs finances et qui, faute de pouvoir obtenir un prêt auprès d’une banque, s’adressent à des établissements de crédit accordant des prêts à des conditions très
défavorables, dont les coûts sont tellement élevés que les emprunteurs n’ont souvent d’autre solution que de contracter un nouvel emprunt pour rembourser le précédent, rentrant ainsi dans une « spirale d’endettement », pour des montants croissants, finissant par dépasser largement la somme empruntée initialement.
36 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 et le principe d’effectivité de l’article 189 et de l’article 316, paragraphe 1, du code de procédure civile, tels qu’ils seraient interprétés par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne).
37 Conformément à ces dispositions du code de procédure civile, une action en constatation ne peut être accueillie que si la partie requérante démontre qu’elle a un intérêt à agir et que cet intérêt persiste jusqu’à la clôture des débats. La juridiction de renvoi expose que, selon la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême), un tel intérêt existe lorsque la clarification d’une situation juridique est objectivement justifiée par des doutes et est nécessaire. Cela serait exclu, notamment,
lorsqu’une protection plus complète d’un droit allégué peut être obtenue par une autre action en justice, par exemple parce qu’il y a eu une atteinte à ce droit qui, elle-même, engendre un droit à prestation susceptible de protection.
38 Dans le cas d’un débiteur, celui-ci aurait un intérêt à faire constater l’étendue, voire l’existence de son obligation aussi longtemps que son créancier n’a pas demandé l’exécution de cette obligation. Lorsque cette exécution a été demandée, ce serait dans le cadre de la procédure relative à cette demande d’exécution que ce débiteur doit assurer sa défense. De même, si un débiteur a payé une somme en exécution d’une obligation qu’il estime douteuse, il disposerait d’une action plus étendue qu’une
action en constatation, à savoir une action en répétition de l’indu.
39 L’interrogation de la juridiction de renvoi provient du fait que, bien qu’un consommateur démontre l’inopposabilité ou la nullité d’un contrat ou de parties de celui-ci, son action en constatation doit être rejetée s’il ne démontre pas son intérêt à agir. En outre, l’absence de définition légale de cette notion engendrerait des divergences dans les décisions rendues à cet égard et, par conséquent, une incertitude pour les consommateurs, laquelle pourrait les conduire à hésiter à introduire une
action en constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat conclu avec un professionnel, vu le risque que cette action soit rejetée pour défaut d’intérêt à agir et qu’ils doivent dès lors en supporter les dépens.
40 En troisième et dernier lieu, la juridiction de renvoi se demande si le principe de proportionnalité et le principe de sécurité juridique s’opposent à l’annulation des contrats conclus par ZL et KU en raison de l’invalidité de la clause selon laquelle les paiements hebdomadaires ne peuvent être effectués qu’en espèces par l’intermédiaire d’un agent de Provident Polska lors de visites de celui-ci au domicile de l’emprunteur. En effet, cette clause serait abusive, car elle ne présenterait pas
d’avantage pour l’emprunteur, mais l’empêcherait d’effectuer les remboursements hebdomadaires par le moyen usuel de versements bancaires, et ne s’expliquerait que par la possibilité qu’elle offre au prêteur d’exercer une pression émotionnelle sur l’emprunteur. En conséquence, ladite clause ne lierait pas ce dernier.
41 La juridiction de renvoi expose à cet égard que la suppression de l’élément abusif de la clause fixant les modalités de remboursement du prêt reviendrait à réviser le contenu de celle-ci en affectant sa substance, de sorte que ce devrait être l’intégralité de cette clause qui ne lie pas le consommateur. Or, en l’absence de ladite clause, les contrats concernés ne pourraient plus être exécutés, car ils ne contiendraient plus aucune disposition relative aux modalités de remboursement et il ne
serait pas possible de les interpréter comme autorisant des remboursements par versement bancaire, puisque les parties ont entendu exclure cette modalité de remboursement. Par ailleurs, il n’y aurait pas lieu de faire application des dispositions supplétives du droit national, car l’impossibilité d’exécuter les contrats concernés n’exposerait pas les consommateurs concernés à des conséquences particulièrement dommageables, puisqu’ils seraient uniquement tenus de rembourser le montant du prêt en
principal.
42 C’est dans ce contexte que le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie centre-ville à Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet de qualifier d’abusive une clause qui accorde à un professionnel des frais ou une commission d’un montant manifestement surévalué par rapport au service qu’il offre ?
2) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 et le principe d’effectivité doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale ou à l’interprétation jurisprudentielle de cette législation nationale qui requiert un intérêt à agir du consommateur pour faire droit au recours de ce consommateur contre un professionnel visant à faire constater la nullité ou l’inopposabilité du contrat ou de la partie du contrat contenant des clauses abusives ?
3) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et les principes d’effectivité, de proportionnalité et de sécurité juridique doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent de considérer qu’un contrat de prêt dont seule la clause [...] réglant les modalités de remboursement du prêt a été déclarée abusive ne peut pas rester contraignant sans cette clause abusive et qu’il est, de ce fait, nul ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
43 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que peut revêtir un caractère abusif une clause relative à des coûts hors intérêts d’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur qui prévoit le paiement par ce dernier de frais ou d’une commission d’un montant manifestement disproportionné par rapport au service fourni en contrepartie.
44 Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause non individuellement négociée d’un contrat est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
45 Il est de jurisprudence constante que l’examen de l’existence d’un tel déséquilibre significatif ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par la clause contractuelle en cause, d’autre part. En effet, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation
juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales [arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51, et du 16 mars 2023,
Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 51].
46 Il découle de cette jurisprudence que le juge national, lorsqu’il constate qu’une appréciation économique de nature quantitative ne fait pas apparaître un déséquilibre significatif, ne peut limiter son examen à cette appréciation. Il lui incombe, dans un tel cas, d’examiner si un tel déséquilibre résulte d’un autre élément, tel qu’une restriction à un droit découlant du droit national ou une obligation supplémentaire non prévue par ce droit.
47 En revanche, lorsqu’une appréciation économique de nature quantitative fait apparaître un déséquilibre significatif, celui-ci peut être constaté sans qu’il soit besoin d’examiner d’autres éléments. Dans le cas d’un contrat de crédit, une telle constatation peut notamment être opérée si les services fournis en contrepartie des coûts hors intérêts ne relèvent pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la conclusion ou de la gestion de ce contrat, ou que les montants mis à la
charge du consommateur au titre des frais d’octroi et de gestion de prêt apparaissent manifestement disproportionnés par rapport au montant prêté. Il appartient à la juridiction de renvoi de tenir compte, à cet égard, de l’effet des autres clauses contractuelles afin de déterminer si lesdites clauses créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 95).
48 En l’occurrence, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la proportionnalité du rapport entre le montant prêté à chacun des requérants au principal et le montant total des coûts hors intérêts mis à sa charge, ce dernier montant apparaissant manifestement disproportionné par rapport, à la fois, aux prestations qui sont normalement inhérentes à l’octroi et à la gestion d’un crédit ainsi qu’au montant des crédits accordés. Il ressort de la jurisprudence rappelée au point précédent qu’un
tel constat est de nature à caractériser un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
49 Cela étant, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier au préalable si l’examen du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles en cause, relatives aux coûts du crédit hors intérêts, n’est pas exclu en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.
50 En effet, selon cette disposition, et sous réserve de l’article 8 de cette directive, l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
51 À cet égard, il convient de rappeler qu’une commission couvrant la rémunération des services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement d’un prêt ou d’un crédit ou d’autres services similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi de ce prêt ou de ce crédit ne saurait être considérée comme relevant des engagements principaux résultant d’un contrat de crédit [voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212,
points 22 et 23].
52 En revanche, les clauses relatives à la contrepartie due par le consommateur au prêteur ou ayant une incidence sur le prix effectif devant être payé à ce dernier par le consommateur relèvent, en principe, de la seconde catégorie de clauses visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en ce qui concerne la question de savoir si le montant de la contrepartie ou du prix tel que stipulé au contrat est en adéquation avec le service fourni en contrepartie par le prêteur (voir, en ce sens,
arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
53 Le gouvernement polonais fait toutefois état de ce que l’article 3851, paragraphe 1, du code civil, qui constituerait la transposition de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 dans le droit polonais, autorise l’examen du rapport entre le prix et le service lorsqu’il s’agit de clauses qui ne sont pas liées aux prestations principales des parties, établissant ainsi une protection plus étendue du consommateur. Or, dans la mesure où une telle disposition nationale confère effectivement une
portée plus stricte à l’exception établie audit article 4, paragraphe 2, en permettant un contrôle plus étendu du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui relèvent du champ d’application de cette directive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, elle participe de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par ladite directive et relève de la faculté, conférée aux États membres par l’article 8 de celle-ci, d’adopter ou de maintenir des dispositions
plus strictes visant à assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, points 83 à 85).
54 Par ailleurs, si le caractère abusif d’une telle clause est allégué devant le juge national en raison de l’absence de prestation effective du prêteur pouvant constituer la contrepartie d’une commission qu’elle prévoit, la question ainsi soulevée ne porte pas sur l’adéquation entre le montant de cette commission et une quelconque prestation, et ne relève dès lors pas du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Matei,
C‑143/13, EU:C:2015:127, point 70 et jurisprudence citée).
55 En outre, il incombe au juge national de vérifier si le consommateur a été informé des motifs justifiant le paiement de ladite commission (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 41).
56 Enfin, il y a lieu de relever que l’exclusion visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 est, en tout état de cause, sans préjudice du respect de l’exigence de transparence que cette disposition impose, qui a la même portée que l’exigence visée à l’article 5 de cette directive et doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais aussi que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le
fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée).
57 À cet égard, il convient de rappeler que, sans que le prêteur soit tenu de détailler dans le contrat la nature de tous les services fournis en contrepartie des frais ou des commissions prévus par certaines clauses contractuelles, il importe, d’une part, que la nature des services effectivement fournis puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité et, d’autre part, que le consommateur soit en mesure de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement
entre les différents frais ou entre les services qui sont mis à sa charge. Cet examen doit être effectué au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, au nombre desquels figurent non seulement les clauses du contrat concerné, mais également la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, points 44 et 45).
58 Il s’ensuit que, si la juridiction de renvoi devait constater que les clauses concernées ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible, celles-ci devraient, en tout état de cause, faire l’objet d’une appréciation de leur éventuel caractère abusif, même si cette juridiction considérait par ailleurs que ces clauses font partie de l’objet principal du contrat ou qu’elles sont de fait contestées au regard de l’adéquation du prix ou de la rémunération par rapport aux services fournis en
contrepartie (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 72 et jurisprudence citée).
59 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, pour autant que l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause relative à des coûts hors intérêts d’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur ne soit pas exclu en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, lu conjointement avec l’article 8 de celle-ci, le
caractère abusif d’une telle clause peut être constaté en considération du fait que cette clause prévoit le paiement par ce consommateur de frais ou d’une commission d’un montant manifestement disproportionné par rapport au service fourni en contrepartie.
Sur la deuxième question
60 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée dans la jurisprudence, exigeant, pour qu’il puisse être fait droit à l’action en justice d’un consommateur visant à faire constater l’inopposabilité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu avec un professionnel, la
preuve d’un intérêt à agir, dès lors qu’il est considéré qu’un tel intérêt fait défaut lorsque ce consommateur dispose d’un autre recours plus protecteur de ses droits, notamment une action en répétition de l’indu, ou lorsqu’il peut faire valoir cette inopposabilité dans le cadre de sa défense à une action reconventionnelle en exécution intentée contre lui par ce professionnel sur le fondement de cette clause.
61 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation spécifique de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence), ni être
aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt du 13 juillet 2023, CAJASUR Banco, C‑35/22, EU:C:2023:569, point 23 et jurisprudence citée).
62 Dès lors, sous réserve du respect de ces deux principes, la question de l’intérêt à agir d’un consommateur dans le cadre d’une action visant à faire constater l’inopposabilité de clauses abusives de même que celle de la charge des dépens d’une telle action relèvent de l’autonomie procédurale des États membres.
63 En ce qui concerne plus particulièrement le principe d’effectivité, qui est le seul desdits principes à être visé dans la présente question, il y a lieu de relever que chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure ainsi que du déroulement et des particularités de cette
dernière devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt du 13 juillet 2023, CAJASUR Banco, C‑35/22, EU:C:2023:569, point 25 et jurisprudence citée).
64 Par ailleurs, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats
conclus avec les consommateurs par un professionnel (arrêt du 13 juillet 2023, CAJASUR Banco, C‑35/22, EU:C:2023:569, point 22 et jurisprudence citée).
65 Ainsi, ladite directive donne à un consommateur le droit de s’adresser à un juge afin de faire constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat qu’un professionnel a conclu avec lui et de faire écarter l’application de celle-ci (arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 98 ainsi que jurisprudence citée).
66 En outre, l’obligation des États membres de prévoir des modalités procédurales permettant d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent de la directive 93/13 contre l’utilisation de clauses abusives implique une exigence de protection juridictionnelle effective, consacrée également à l’article 47 de la Charte. Cette protection doit valoir, notamment, en ce qui concerne la définition des modalités procédurales relatives aux actions fondées sur le droit de l’Union. Toutefois, la
protection du consommateur n’est pas absolue. Ainsi, le fait qu’une procédure particulière comporte certaines exigences procédurales que le consommateur doit respecter afin de faire valoir ses droits ne signifie pas pour autant qu’il ne bénéficie pas d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, points 49 et 50 ainsi que jurisprudence citée).
67 À cet égard, il y a lieu de relever que l’existence d’un intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 83). En évitant notamment que les juridictions soient encombrées d’actions qui viseraient, en fait, à obtenir des consultations juridiques, l’exigence d’un intérêt à agir poursuit un intérêt général de bonne administration de la justice et est
susceptible de prévaloir sur les intérêts particuliers (voir, par analogie, arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, point 51 et jurisprudence citée).
68 En conséquence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 30 à 32 de ses conclusions, il y a lieu de considérer qu’une telle exigence est, en principe, légitime.
69 Ce n’est que si des règles procédurales étaient si complexes et comportaient des exigences à ce point lourdes qu’elles iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif que ces règles affecteraient de manière disproportionnée le droit à une protection juridictionnelle effective du consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, point 52) et, par voie de conséquence, seraient contraires au principe d’effectivité, en ce qu’elles rendraient
excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par la directive 93/13.
70 En l’occurrence, il ressort des éléments dont dispose la Cour que les consommateurs, qui sont les requérants au principal, avaient déjà partiellement exécuté les obligations stipulées dans les clauses concernées lorsqu’ils ont introduit des actions visant à en faire constater le caractère abusif. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi semble indiquer que, eu égard aux dispositions pertinentes du droit national telles qu’interprétées dans la jurisprudence nationale, les actions en constatation
dont elle a ainsi été saisie devraient être rejetées en raison d’un défaut d’intérêt à agir, et les consommateurs condamnés aux dépens de ces actions, pour deux motifs.
71 Premièrement, lorsqu’une personne a déjà exécuté, en l’occurrence partiellement, une obligation contractuelle, le défaut d’intérêt à agir en constatation de l’inexistence de cette obligation découlerait du fait que cette personne dispose d’une action considérée comme étant plus protectrice de ses droits, à savoir une action en répétition de l’indu, dans le cadre de laquelle elle pourrait obtenir la condamnation de son cocontractant à lui rembourser les sommes payées en exécution de l’obligation
litigieuse.
72 Deuxièmement, lorsqu’une personne conteste l’existence d’une obligation qu’elle n’a pas encore exécutée, fût-ce en partie, elle perdrait son intérêt à agir en constatation dès lors que son cocontractant introduit une action visant à obtenir l’exécution de cette obligation, en l’occurrence une action reconventionnelle, en raison de la possibilité de faire valoir l’inexistence de l’obligation concernée dans le cadre de sa défense à l’action de ce cocontractant.
73 Le gouvernement polonais conteste toutefois que la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême) relative à l’application de l’article 189 et de l’article 316, paragraphe 1, du code de procédure civile comporte les implications décrites par la juridiction de renvoi. Il convient cependant de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation ou l’application qu’en fait
le juge national est correcte, une telle interprétation relevant de la compétence exclusive de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Sociálna poisťovňa, C‑799/19, EU:C:2020:960, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée). C’est donc sur la base des indications données par la juridiction de renvoi que les considérations suivantes sont formulées.
74 Dans la première situation, visée au point 71 du présent arrêt, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 41 de ses conclusions, rejeter l’action du consommateur en constatation du caractère abusif des clauses contractuelles pour défaut d’un intérêt à agir idoine, mais non de tout intérêt à agir, et le condamner aux dépens en le renvoyant à mieux se pourvoir reviendrait à introduire dans les procédures visant à accorder aux consommateurs la protection voulue par la directive 93/13 une
source de complexité, de lourdeur, de frais et d’insécurité juridique inutiles, susceptible de les dissuader de faire valoir les droits qu’ils tirent de cette directive, en méconnaissance du principe d’effectivité.
75 En outre, ainsi qu’il est souligné au même point des conclusions de M. l’avocat général, dans un contexte tel que celui des affaires au principal, le rejet de l’action en constatation du consommateur et l’obligation pour celui-ci d’introduire une action plus protectrice de ses droits alors que la juridiction de renvoi sera en tout état de cause tenue d’examiner la problématique juridique concernée par cette action en constatation dans le cadre de l’action reconventionnelle introduite par le
professionnel serait contraire à l’intérêt général à une bonne administration de la justice, en particulier à l’exigence d’économie des procédures.
76 Enfin, pour autant qu’il y ait lieu de considérer que la deuxième question porte également sur la seconde situation, visée au point 72 du présent arrêt, dans laquelle le consommateur, après avoir introduit une action en constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle, perdrait son intérêt à agir en cours de procédure en raison de l’introduction par le professionnel d’une action reconventionnelle visant à obtenir l’exécution des obligations stipulées dans cette clause, le fait de
débouter le consommateur de son action et de le condamner aux dépens de celle-ci, indépendamment de la constatation éventuelle du caractère abusif de ladite clause abusive, reviendrait à faire peser sur lui un risque financier d’autant plus injustifié que la réalisation de ce risque dépendrait exclusivement d’une initiative procédurale du professionnel. Or, faire dépendre le sort de la répartition des dépens de l’action du consommateur d’une telle initiative du professionnel serait de nature à
dissuader le consommateur d’exercer son droit de s’adresser à un juge afin de faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle et de faire écarter son application, en méconnaissance du principe d’effectivité (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 98 ainsi que jurisprudence citée).
77 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée dans la jurisprudence, exigeant, pour qu’il puisse être fait droit à l’action en justice d’un consommateur visant à faire constater l’inopposabilité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu
avec un professionnel, la preuve d’un intérêt à agir, dès lors qu’il est considéré qu’un tel intérêt fait défaut lorsque ce consommateur dispose d’une action en répétition de l’indu ou lorsqu’il peut faire valoir cette inopposabilité dans le cadre de sa défense à une action reconventionnelle en exécution intentée contre lui par ce professionnel sur le fondement de cette clause.
Sur la troisième question
78 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière des principes d’effectivité, de proportionnalité et de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur soit déclaré nul dans l’hypothèse où il est constaté que seule la clause de ce contrat fixant les modalités concrètes de paiement des sommes dues aux échéances
périodiques est abusive et que ledit contrat ne peut subsister sans cette clause.
79 La juridiction de renvoi indique à cet égard que l’unique clause fixant l’ensemble des modalités ainsi que les échéances de remboursement des prêts concernés comporte une stipulation selon laquelle le consommateur ne peut effectuer les paiements hebdomadaires qu’en espèces par l’intermédiaire d’un agent de Provident Polska lors de visites de celui-ci au domicile du consommateur. Elle estime qu’une telle stipulation est abusive, au motif, en substance, qu’elle ne répond à aucun autre objectif que
de mettre le prêteur en position d’exercer une pression illégitime sur l’emprunteur. En conséquence, il y aurait lieu d’invalider cette stipulation et, par voie de conséquence, l’ensemble de la clause dans laquelle elle s’insère, car une intervention limitée à la suppression de ladite stipulation reviendrait à réviser le contenu de cette clause en modifiant sa substance. Or, en l’absence d’autres clauses permettant de déterminer les modalités de remboursement de ces prêts, il serait impossible
d’exécuter les contrats concernés.
80 S’agissant des conséquences à tirer de la constatation du caractère abusif d’une clause d’un contrat liant un consommateur à un professionnel, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes,
s’il peut subsister sans les clauses abusives.
81 Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, cette disposition, et notamment son second membre de phrase, a pour objectif non pas d’entraîner la nullité de tous les contrats contenant des clauses abusives, mais de substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers, étant précisé que le contrat en cause doit, en principe, subsister sans aucune autre modification
que celle résultant de la suppression des clauses abusives. Pourvu qu’il soit satisfait à cette dernière condition, le contrat en cause peut être maintenu pour autant que, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat sans les clauses abusives est juridiquement possible, ce qu’il convient de vérifier selon une approche objective (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 39 et jurisprudence citée).
82 Cette approche objective implique, notamment, que la situation de l’une des parties au contrat ne saurait être considérée comme le critère déterminant réglant le sort futur d’un contrat contenant une ou plusieurs clauses abusives, de telle sorte que l’appréciation par le juge national de la possibilité qu’un tel contrat subsiste sans ces clauses ne saurait être fondée uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour le consommateur de l’annulation de ce contrat dans son ensemble (voir,
en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).
83 L’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13 n’énonce donc pas lui-même les critères régissant la possibilité qu’un contrat subsiste sans les clauses abusives, mais laisse aux États membres le soin de définir, dans leurs droits nationaux, les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés. En tout état de cause, un tel constat doit
permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 66).
84 En conséquence, si une juridiction nationale estime que, en application des dispositions pertinentes de son droit interne, le maintien d’un contrat sans les clauses abusives qu’il comporte n’est pas possible, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose en principe pas à ce qu’il soit invalidé (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 43).
85 Néanmoins, l’objectif de rétablissement de la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de la clause abusive doit être poursuivi dans le respect du principe de proportionnalité, lequel constitue un principe général de droit de l’Union, qui exige que la réglementation nationale mettant en œuvre ce droit n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de
l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 73 et jurisprudence citée].
86 En conséquence, à moins que la détermination selon une approche objective des conséquences qu’il y a lieu de tirer, conformément au droit national, du constat du caractère abusif d’une clause en ce qui concerne la persistance ou non du contrat dans lequel elle s’insère ne laisse aucune marge d’appréciation ni d’interprétation au juge national, celui-ci ne saurait conclure à l’invalidation de ce contrat si la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette
clause abusive peut être rétablie tout en laissant subsister ledit contrat.
87 À cet égard, il convient de rappeler que le juge national peut substituer à une clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif ou une disposition applicable en cas d’accord des parties au contrat en cause à la condition que cette substitution soit conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et permette de restaurer un équilibre réel entre les droits et les obligations des cocontractants. Toutefois, cette possibilité exceptionnelle est limitée
aux hypothèses dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, avec pour effet d’exposer le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que celui-ci en serait pénalisé [voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2015, Unicaja Banco et Caixabank, C‑482/13, C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13, EU:C:2015:21, point 33 ainsi que jurisprudence citée, et du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du
tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 60].
88 En l’occurrence, une telle éventualité est écartée par la juridiction de renvoi, dès lors que l’invalidation des contrats concernés ne serait pas préjudiciable aux consommateurs qui y ont souscrit.
89 Il y a également lieu de rappeler que les dispositions de la directive 93/13 s’opposent à ce qu’une clause jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de cette clause en affectant sa substance (arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 70 et jurisprudence citée).
90 Tel n’est cependant pas le cas lorsque l’élément abusif d’une clause consiste en une obligation contractuelle distincte des autres stipulations, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 71), la stipulation prévoyant une telle obligation pouvant être considérée comme détachable des autres stipulations de la clause concernée.
91 En effet, la directive 93/13 n’exige pas que le juge national écarte, outre la clause déclarée abusive, celles qui n’ont pas été qualifiées comme telles, l’objectif poursuivi par le législateur dans le cadre de cette directive consistant à protéger le consommateur et à rétablir l’équilibre entre les parties en écartant l’application des clauses considérées comme abusives, tout en maintenant, en principe, la validité des autres clauses du contrat en cause (arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH,
C‑19/20, EU:C:2021:341, point 72 et jurisprudence citée). Cet enseignement vaut également pour les diverses stipulations d’une même clause, pour autant que la suppression d’une stipulation abusive ne porte pas atteinte à la substance même de cette clause.
92 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’unique clause fixant l’ensemble des conditions relatives au remboursement des prêts concernés, telles que les montants à payer et les diverses échéances, comporte également une stipulation relative aux modalités concrètes selon lesquelles ces paiements doivent être exécutés, à savoir au domicile de l’emprunteur en main d’un agent du prêteur.
93 Sous réserve de l’appréciation qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’opérer en ayant égard à l’ensemble des circonstances relatives aux contrats concernés et aux dispositions pertinentes du droit national, il apparaît qu’une stipulation déterminant de telles modalités concrètes d’exécution de l’obligation de paiement du consommateur constitue une obligation contractuelle distincte des autres stipulations d’une clause unique telle que celle décrite au point précédent du présent arrêt et
revêt un caractère accessoire par rapport aux éléments du contrat qui définissent la substance de cette clause, tels que ceux relatifs à la détermination des montants à payer et des échéances auxquelles ces paiements doivent intervenir. Par ailleurs, la suppression de cette stipulation n’apparaît pas de nature à affecter la substance même de la clause concernée, dès lors que le consommateur reste tenu d’exécuter son obligation de remboursement conformément aux autres conditions que prévoit cette
clause en choisissant n’importe quel mode de paiement parmi ceux qui sont admissibles en vertu du droit national.
94 Enfin, il convient d’ajouter, d’une part, que la constatation juridictionnelle du caractère abusif d’une clause ou, le cas échéant, d’un élément d’une clause d’un contrat couvert par la directive 93/13 doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de cette clause ou de cet élément [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21,
EU:C:2023:478, point 57 et jurisprudence citée]. Le respect du principe d’effectivité est donc, en principe, fonction de l’adoption de mesures permettant le rétablissement de cette situation.
95 D’autre part, des mesures qui constituent la mise en œuvre concrète de l’interdiction des clauses abusives ne peuvent être considérées comme contraires au principe de sécurité juridique [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 72]. En effet, sous réserve, en particulier, de l’application de certaines règles de procédure internes, notamment celle conférant l’autorité de la chose jugée à une décision
juridictionnelle, ce principe ne saurait porter atteinte à la substance du droit que les consommateurs tirent de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 de ne pas être liés par une clause réputée abusive (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, points 67, 68 et 71).
96 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière des principes d’effectivité, de proportionnalité et de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur soit déclaré nul dans l’hypothèse où il est constaté que seule la clause de ce contrat fixant les modalités concrètes de
paiement des sommes dues aux échéances périodiques est abusive et que ledit contrat ne peut subsister sans cette clause. Néanmoins, lorsqu’une clause comporte une stipulation détachable des autres stipulations de cette clause, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif, dont la suppression permettrait de rétablir un équilibre réel entre les parties sans affecter la substance du contrat concerné, cette disposition, lue à la lumière de ces principes, n’implique
pas que ladite clause, voire ce contrat, soient invalidés dans leur ensemble.
Sur les dépens
97 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
doit être interprété en ce sens que :
pour autant que l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause relative à des coûts hors intérêts d’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur ne soit pas exclu en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, lu conjointement avec l’article 8 de celle-ci, le caractère abusif d’une telle clause peut être constaté en considération du fait que cette clause prévoit le paiement par ce consommateur de frais ou d’une commission d’un montant manifestement
disproportionné par rapport au service fourni en contrepartie.
2) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière du principe d’effectivité,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée dans la jurisprudence, exigeant, pour qu’il puisse être fait droit à l’action en justice d’un consommateur visant à faire constater l’inopposabilité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu avec un professionnel, la preuve d’un intérêt à agir, dès lors qu’il est considéré qu’un tel intérêt fait défaut lorsque ce consommateur dispose d’une action en répétition de l’indu ou lorsqu’il peut faire valoir cette
inopposabilité dans le cadre de sa défense à une action reconventionnelle en exécution intentée contre lui par ce professionnel sur le fondement de cette clause.
3) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière des principes d’effectivité, de proportionnalité et de sécurité juridique,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à ce qu’un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur soit déclaré nul dans l’hypothèse où il est constaté que seule la clause de ce contrat fixant les modalités concrètes de paiement des sommes dues aux échéances périodiques est abusive et que ledit contrat ne peut subsister sans cette clause. Néanmoins, lorsqu’une clause comporte une stipulation détachable des autres stipulations de cette clause, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé
de son caractère abusif, dont la suppression permettrait de rétablir un équilibre réel entre les parties sans affecter la substance du contrat concerné, cette disposition, lue à la lumière de ces principes, n’implique pas que ladite clause, voire ce contrat, soient invalidés dans leur ensemble.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.