ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
11 janvier 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Énergie – Directive 2010/30/UE – Indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie – Règlement délégué de la Commission européenne complétant cette directive – Étiquetage énergétique des aspirateurs – Annulation – Recours en indemnité – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant
pour objet de conférer des droits aux particuliers – Méconnaissance manifeste et grave des limites du pouvoir d’appréciation – Éléments pertinents en cas d’absence de marge d’appréciation »
Dans l’affaire C‑122/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 février 2022,
Dyson Ltd, établie à Malmesbury (Royaume-Uni),
Dyson Technology Ltd, établie à Malmesbury,
Dyson Operations Pte Ltd, établie à Singapour (Singapour),
Dyson Manufacturing Sdn Bhd, établie à Senai (Malaisie),
Dyson Spain SLU, établie à Madrid (Espagne),
Dyson Austria GmbH, établie à Vienne (Autriche),
Dyson sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne),
Dyson Ireland Ltd, établie à Dublin (Irlande),
Dyson GmbH, établie à Cologne (Allemagne),
Dyson SAS, établie à Paris (France),
Dyson Srl, établie à Milan (Italie),
Dyson Sweden AB, établie à Stockholm (Suède),
Dyson Denmark ApS, établie à Copenhague (Danemark),
Dyson Finland Oy, établie à Helsinki (Finlande),
Dyson BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),
représentées par Mes E. Batchelor, M. Healy et T. Selwyn Sharpe, avocats et solicitors,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, B. De Meester et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu–Matei (rapporteure), MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme R. Stefanova-Kamisheva, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 avril 2023,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 6 juillet 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, Dyson Ltd et les quatorze autres parties requérantes demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 décembre 2021, Dyson e.a./Commission (T‑127/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:870), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à obtenir l’indemnisation des dommages qu’elles prétendent avoir subis en raison de l’adoption par la Commission européenne du règlement délégué (UE) no 665/2013, du 3 mai 2013, complétant la directive 2010/30/UE
du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 1, ci-après le « règlement litigieux »).
Le cadre juridique
2 La directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 2010, concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie (JO 2010, L 153, p. 1), a été abrogée par le règlement (UE) 2017/1369 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2017, établissant un cadre pour l’étiquetage énergétique et abrogeant la directive 2010/30/UE (JO 2017, L 198, p. 1). Les
considérants 5 et 8 de cette directive énonçaient :
« (5) La fourniture d’une information exacte, pertinente et comparable sur la consommation énergétique spécifique des produits liés à l’énergie devrait orienter le choix de l’utilisateur final au profit des produits consommant, directement ou indirectement, moins d’énergie et d’autres ressources essentielles pendant l’utilisation. Les fabricants seront, par conséquent, amenés à prendre des mesures en vue de réduire la consommation en énergie et en autres ressources essentielles des produits qu’ils
fabriquent. Afin de contribuer à atteindre l’objectif de l’Union [européenne] de 20 % en matière d’efficacité énergétique, cette information devrait encourager également, de manière indirecte, l’utilisation rationnelle de ces produits. En l’absence de cette information, l’action des forces du marché ne permettra pas à elle seule de promouvoir, pour ces produits, l’utilisation rationnelle de l’énergie et d’autres ressources essentielles.
[...]
(8) L’information joue un rôle capital dans le fonctionnement des forces du marché et, à cet effet, il est nécessaire d’introduire une étiquette uniforme pour tous les produits d’un même type, de fournir aux acheteurs potentiels des informations complémentaires normalisées relatives au coût en énergie et à la consommation de ces produits en autres ressources essentielles et de prendre des mesures afin que ces informations soient données également aux utilisateurs finals potentiels qui ne voient
pas le produit exposé et n’ont donc pas la possibilité de voir l’étiquette. Par souci d’efficacité, l’étiquette devrait être facilement reconnaissable pour les utilisateurs finals, simple et concise. À cette fin, il convient de conserver la présentation actuelle de l’étiquette comme base de l’information fournie à l’utilisateur final sur l’efficacité énergétique des produits. La consommation d’énergie et les autres données concernant les produits devraient être mesurées selon des normes et des
méthodes harmonisées. »
3 Aux termes de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de ladite directive :
« 1. La présente directive établit un cadre pour l’harmonisation des mesures nationales concernant l’information des utilisateurs finals, notamment par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, sur la consommation d’énergie et, le cas échéant, d’autres ressources essentielles pendant l’utilisation ainsi que des renseignements complémentaires relatifs aux produits liés à l’énergie, permettant ainsi aux utilisateurs finals de choisir des produits ayant un meilleur
rendement.
2. La présente directive s’applique aux produits liés à l’énergie qui ont une incidence significative directe ou indirecte sur la consommation d’énergie et, le cas échéant, sur d’autres ressources essentielles pendant leur utilisation. »
4 Selon l’article 5, sous a) et b), de la même directive, les États membres veillent à ce que « les fournisseurs qui mettent sur le marché ou qui mettent en service les produits régis par un acte délégué fournissent une étiquette et une fiche conformément à la présente directive et à l’acte délégué » et à ce que ces fournisseurs « produisent une documentation technique suffisante pour permettre d’évaluer l’exactitude des informations figurant sur l’étiquette et sur la fiche ».
5 L’article 10 de la directive 2010/30, intitulé « Actes délégués », disposait :
« 1. La Commission définit les spécifications relatives à l’étiquette et à la fiche au moyen d’actes délégués conformément aux articles 11, 12 et 13, pour chaque type de produit conformément au présent article.
Le produit qui satisfait aux critères énoncés au paragraphe 2 est régi par un acte délégué conformément au paragraphe 4.
Les dispositions des actes délégués concernant les informations figurant sur l’étiquette et dans la fiche, relatives à la consommation du produit en énergie ou en autres ressources essentielles pendant son utilisation, permettent aux utilisateurs finals d’effectuer leur achat en meilleure connaissance de cause et aux autorités de surveillance du marché de vérifier si les produits satisfont aux informations fournies.
[...]
4. Les actes délégués indiquent en particulier :
[...]
b) les normes et les méthodes de mesure à appliquer pour obtenir les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1 ;
[...]
i) le degré d’exactitude des informations figurant sur l’étiquette et dans les fiches ;
j) la date à laquelle l’acte délégué sera évalué et, éventuellement, modifié, en tenant compte du rythme des progrès technologiques ».
6 L’article 11 de cette directive, intitulé « Exercice de la délégation », énonçait, à son paragraphe 1 :
« Le pouvoir d’adopter les actes délégués visés à l’article 10 est conféré à la Commission pour une période de cinq ans à compter du 19 juin 2010. La Commission présente un rapport relatif aux pouvoirs délégués au plus tard six mois avant la fin de la période de cinq ans. La délégation de pouvoir est automatiquement renouvelée pour des périodes d’une durée identique, sauf si le Parlement européen ou le Conseil [de l’Union européenne] la révoque conformément à l’article 12. »
Les antécédents du litige
7 En vertu de la délégation qui lui avait été conférée par la directive 2010/30, la Commission a adopté le règlement litigieux, mettant en œuvre cette directive en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des aspirateurs. Ce faisant, elle a retenu une méthode de test permettant la mesure, notamment, de la performance énergétique et du taux de dépoussiérage des aspirateurs, le test étant réalisé avec un réservoir à poussières vide au début des essais d’aspiration sur différents types de surfaces
(ci-après le « test avec réservoir vide »).
8 La première requérante est un fabricant d’aspirateurs de conception particulière, dits « cycloniques », dont les performances énergétiques seraient supérieures à d’autres types d’aspirateurs. Ces performances auraient été sous-estimées du fait de la méthode de test retenue par la Commission, dans la mesure où cette méthode n’aurait pas permis de rendre compte de la diminution des performances des autres types d’aspirateurs au fur et à mesure que leur réservoir à poussières se remplit. Par requête
déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2013, cette requérante a demandé l’annulation de ce règlement, faisant notamment valoir l’incompétence de la Commission pour établir une telle méthode de test. Elle soutenait à cet égard que cette méthode ne rendait pas compte de la performance d’un aspirateur « pendant son utilisation », comme cela était requis par l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30. Ce recours a été rejeté par l’arrêt du 11 novembre 2015, Dyson/Commission (T‑544/13,
EU:T:2015:836).
9 Sur pourvoi de la première requérante, cet arrêt a été annulé par l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2017:357), et l’affaire renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue sur certains éléments du recours en annulation, à savoir, d’une part, la première branche du premier moyen, tirée de l’incompétence de la Commission pour établir la méthode de test qu’elle avait retenue, et, d’autre part, sur le troisième moyen, tiré de la violation du
principe d’égalité de traitement.
10 Par l’arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission (T‑544/13 RENV, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2018:761), devenu définitif, le Tribunal a jugé que la Commission avait méconnu un élément essentiel de l’habilitation conférée par la directive 2010/30, à savoir que l’information fournie aux consommateurs devait porter sur le rendement énergétique des appareils « pendant l’utilisation ». Il a, en conséquence, annulé le règlement litigieux, sans examiner le troisième moyen.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2019, la première requérante et les autres requérantes, qui sont économiquement liées, ont introduit un recours par lequel elles ont demandé la réparation du préjudice qu’elles prétendent avoir subi du fait de l’illégalité du règlement litigieux. Elles ont soutenu, en substance, que la Commission avait commis plusieurs violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, de
nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir des violations de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, du principe d’égalité de traitement, du principe de bonne administration ainsi que du devoir de diligence et, enfin, du droit d’exercer une activité professionnelle.
12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours des requérantes et les a condamnées aux dépens, estimant qu’aucune des illégalités alléguées, pour autant qu’elles aient été considérées comme établies, ne constituait une violation suffisamment caractérisée de la règle de droit visée.
13 En effet, premièrement, s’agissant de la violation de l’habilitation conférée à la Commission par l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, le Tribunal a tout d’abord constaté que la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation, mais a relevé que ce constat n’était pas suffisant pour conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette disposition, estimant qu’il fallait en outre prendre en considération la complexité des situations à régler, les
difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise (arrêt attaqué, points 36 à 38). Examinant le contexte dans lequel l’illégalité avait été commise sous ces différents aspects, le Tribunal a constaté successivement qu’il existait des difficultés d’interprétation et d’application au regard du degré de clarté et de précision de l’article 10, paragraphe 1, de la directive
2010/30 et, plus généralement, de cette directive prise dans son ensemble (arrêt attaqué, points 45 et 97) et que plusieurs éléments étaient de nature à établir le caractère excusable de l’erreur ainsi que la complexité technique des problèmes à régler (arrêt attaqué, point 97). Sur la base de ces éléments, il a considéré qu’une administration normalement prudente et diligente pouvait estimer qu’elle s’exposait à un risque en retenant une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir
chargé, selon laquelle le test se poursuit jusqu’à ce que le réservoir soit rempli jusqu’à un certain niveau, plutôt qu’une méthode de test avec réservoir vide et, partant, que la Commission n’avait pas méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation (arrêt attaqué, point 97).
14 Deuxièmement, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement au regard du type d’aspirateurs fabriqués par les différents opérateurs économiques concernés, le Tribunal a considéré que l’existence de doutes légitimes quant à la validité scientifique et à l’exactitude des résultats auxquels pouvait aboutir la méthode de test de la section 5.9 de la norme harmonisée EN 60312-1:2013 adoptée par le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) (ci-après la « norme
Cenelec ») suffisait pour considérer que, indépendamment de toute différence objective entre les aspirateurs « cycloniques » et les autres types d’aspirateurs, la Commission n’avait pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement en retenant la méthode de test avec réservoir vide (arrêt attaqué, points 110 et 111).
15 Troisièmement, s’agissant de la violation du principe de bonne administration et du devoir de diligence, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas manqué à ce dernier, qu’il n’était pas établi qu’elle aurait manqué à l’obligation d’impartialité ou commis un détournement de procédure, ni, en définitive, qu’elle aurait violé le principe de bonne administration (arrêt attaqué, point 117), et en tout cas qu’elle n’avait pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir
d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée du principe de bonne administration, pour des motifs analogues à ceux retenus concernant les deux premières illégalités alléguées (arrêt attaqué, point 118).
16 Enfin, quatrièmement, s’agissant de la violation du droit d’exercer une activité professionnelle, le Tribunal a considéré qu’aucune violation de la liberté d’entreprise ou du droit de propriété n’était établie (arrêt attaqué, point 130) et que, pour le surplus, l’argumentation des requérantes étant, en substance, identique à celle développée concernant les trois autres illégalités alléguées, s’agissant de la validité du choix de ne pas retenir la méthode de test de la section 5.9 de la norme
Cenelec, il y avait lieu de la rejeter pour les mêmes motifs (arrêt attaqué, point 131).
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi
17 Les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de déclarer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union ;
– de renvoyer l’affaire pour le surplus devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens des procédures devant la Cour et le Tribunal.
18 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi, et
– de condamner les requérantes aux dépens.
Sur le pourvoi
19 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes présentent sept moyens.
20 Les quatre premiers moyens concernent l’appréciation du Tribunal selon laquelle la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 ne constituait pas une violation suffisamment caractérisée d’une règle du droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Les cinquième à septième moyens concernent les appréciations du Tribunal selon lesquelles les violations alléguées, respectivement, du principe d’égalité de traitement, du principe de bonne administration
ainsi que du devoir de diligence et, enfin, de la liberté d’entreprise n’étaient pas suffisamment caractérisées.
Sur le premier moyen, tiré de défauts de motivation, de la violation de l’autorité de la chose jugée et d’une erreur de méthode lors de l’examen de la notion de « violation suffisamment caractérisée », dans le cadre de l’appréciation de la violation alléguée de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30
21 Le premier moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, la première, d’un défaut de réponse à un moyen des requérantes et de la violation de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt d’annulation, et, la seconde, de la méconnaissance de la notion de « violation suffisamment caractérisée » et d’un défaut de motivation.
Sur la première branche
– Argumentation des parties
22 Par la première branche de leur premier moyen, qui est dirigée contre le point 52 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent, d’une part, que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen, présenté à l’appui de leur recours en indemnité, tiré de ce que la Commission ne pouvait pas retenir une méthode de test avec réservoir vide sans méconnaître un élément essentiel de l’acte d’habilitation que comportait la directive 2010/30 et que cette méconnaissance suffisait pour constater une violation
suffisamment caractérisée d’une règle du droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, de nature à engager la responsabilité de celle-ci.
23 En effet, le Tribunal aurait considéré que, pour statuer sur ce moyen, eu égard au point 68 de l’arrêt sur pourvoi, il était nécessaire de déterminer si la Commission avait pu écarter la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec en raison de doutes concernant la validité scientifique des résultats obtenus par cette méthode et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs sur la base de ceux-ci, sans commettre une violation manifeste et grave des limites du pouvoir
d’appréciation dont elle disposait à cet égard. Or, selon les requérantes, ledit moyen concernait uniquement l’impossibilité pour la Commission de retenir une méthode de test avec réservoir vide.
24 D’autre part, le Tribunal aurait méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation. En effet, par cet arrêt, qui aurait précisément tiré les conséquences du point 68 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal avait jugé que le choix d’un test avec réservoir vide constituait en soi une violation d’un élément essentiel de la directive 2010/30 et que, par conséquent, il ne lui était pas nécessaire de se prononcer sur l’existence de méthodes de test scientifiquement valables avec
réservoir chargé.
25 La Commission conteste le bien-fondé de ces deux griefs.
– Appréciation de la Cour
26 Aux points 36 à 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que « la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation lui permettant d’outrepasser le mandat qui lui a été confié par l’acte d’habilitation, [le] pouvoir délégué [dont elle disposait] devant respecter, en toute hypothèse, les éléments essentiels de l’acte d’habilitation », que, cependant, « l’absence de marge d’appréciation n’[était] pas suffisante pour conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du droit
de l’Union », mais qu’il y avait lieu de déterminer si la Commission « a[vait] commis une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de respecter l’élément essentiel de l’acte d’habilitation que constitue l’exigence prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 [et, à cette fin,] de prendre en considération la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le
caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise ».
27 C’est dans ce contexte que, au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énoncé que « [s]eule une violation manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose à cet égard est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union », où les termes « à cet égard » visent le fait que la Commission avait décidé d’« écarter l’utilisation de la méthode de test [de] la section 5.9 de la norme Cenelec compte tenu de doutes concernant la validité scientifique
des résultats obtenus et de l’exactitude des informations fournies aux consommateurs ».
28 Le point 52 de l’arrêt attaqué s’inscrit donc dans le cadre de l’examen auquel le Tribunal s’est livré, aux points 38 et suivants de cet arrêt, pour déterminer si la Commission avait commis une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de respecter l’élément essentiel de l’acte d’habilitation selon lequel l’information fournie aux consommateurs devait porter sur le rendement énergétique des appareils « pendant l’utilisation », et, plus particulièrement, dans le cadre de son
appréciation, aux points 46 et suivants dudit arrêt, de la complexité de la situation à régler et du caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise par la Commission. En conséquence, ce point 52 ne saurait être lu comme reconnaissant l’existence d’une marge d’appréciation, que le Tribunal avait expressément exclue au point 36 de l’arrêt attaqué, mais constitue le point de départ d’un examen des appréciations effectuées par la Commission qui ont conduit celle-ci à adopter une méthode de
test avec réservoir vide, plutôt qu’une méthode de test avec réservoir chargé, et à commettre ainsi l’illégalité identifiée dans l’arrêt d’annulation.
29 À cet égard, le Tribunal a considéré que cette illégalité ne pourrait être qualifiée de violation suffisamment caractérisée que s’il était constaté, dans le cadre de l’examen de toutes les circonstances qui caractérisaient la situation, que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation eu égard au pouvoir d’appréciation dont elle dispose normalement dans une situation où elle doit effectuer des analyses et des choix de nature technique.
30 À l’issue de cet examen, il a estimé, au point 97 de cet arrêt, que, compte tenu notamment de la complexité technique des problèmes à régler, « la Commission n’[avait] pas méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation » et, au point 99 dudit arrêt, que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à ce que la violation de la règle de droit soit suffisamment caractérisée n’était pas remplie.
31 Il découle des considérations qui précèdent que, d’une part, le Tribunal a répondu au moyen selon lequel la violation, par la Commission, de l’élément essentiel de l’acte d’habilitation que constituait l’interdiction de retenir une méthode de test avec réservoir vide suffisait pour constituer une « violation suffisamment caractérisée », en lui opposant une appréciation contraire et en indiquant les raisons de cette appréciation. En conséquence, le Tribunal n’a pas méconnu son obligation de
motivation à cet égard.
32 D’autre part, c’est sans méconnaître l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation que le Tribunal a examiné les circonstances factuelles de l’erreur que la Commission a commise en méconnaissant l’élément essentiel de l’acte d’habilitation que constituait le critère portant sur les « informations [...] relatives à la consommation du produit [...] pendant son utilisation », figurant à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30, afin de déterminer si cette
erreur constituait une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
33 En effet, le Tribunal a adopté, comme prémisse de son raisonnement, le constat résultant dudit arrêt selon lequel la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation lui permettant d’outrepasser le mandat qui lui avait été confié, tout en procédant pour le surplus à une appréciation relative à la notion de « violation suffisamment caractérisée », distincte de celle opérée dans le cadre du recours en annulation dont il avait précédemment connu.
34 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.
Sur la seconde branche
– Argumentation des parties
35 Les requérantes soutiennent, d’abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 82 de l’arrêt attaqué, qu’il importait de savoir si la Commission avait commis une violation manifeste et grave des limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation en préférant recourir à une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide plutôt que d’un réservoir chargé. Il découlerait de cette considération que, aux fins d’apprécier le caractère excusable de l’erreur
commise par la Commission, le Tribunal aurait estimé que celle-ci se trouvait devant l’alternative consistant à choisir entre la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec ou une méthode de test avec réservoir vide. Or, les requérantes soulignent qu’un tel choix n’existait pas, puisque la Commission ne pouvait pas recourir à cette dernière méthode. En effet, la Commission aurait pu recourir à toute autre méthode de test avec réservoir chargé ou prendre l’initiative de proposer une
modification de la directive 2010/30 visant à supprimer le critère imposant que les informations rendent compte de la consommation d’un produit « pendant son utilisation ».
36 Ensuite, l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation, dans la mesure où le Tribunal aurait considéré que la question de la validité scientifique de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec était décisive, sans donner plus d’explications et alors que la Commission n’aurait pas établi qu’elle doutait de cette validité à la date des faits considérés.
37 Enfin, les requérantes invoquent une dénaturation des éléments de preuve et une violation des règles en matière de charge de la preuve, en renvoyant aux considérations émises à cet égard dans le cadre du quatrième moyen.
38 La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.
– Appréciation de la Cour
39 Aux points 46 et suivants de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation portant sur la question de savoir si la violation du droit de l’Union ayant justifié l’annulation du règlement litigieux pouvait être qualifiée de suffisamment caractérisée au regard de la complexité de la situation à régler et du caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise, le Tribunal a examiné le contexte dans lequel la Commission avait commis l’erreur consistant à retenir une méthode de test avec
réservoir vide plutôt qu’avec réservoir chargé, en tenant compte des circonstances concrètes ayant entouré la préparation et l’adoption du règlement litigieux, en particulier concernant les travaux réalisés en vue d’établir une méthode de test, c’est-à-dire en ayant égard aux éléments que, selon le Tribunal, elle avait effectivement pris en considération. Au point 82 de cet arrêt, le Tribunal n’a dès lors pas cherché à établir un tableau exhaustif des options dont disposait la Commission, mais
s’est limité à apprécier si, dans le contexte concret de l’adoption du règlement litigieux, la Commission avait commis une violation suffisamment caractérisée de la règle de droit concernée.
40 Le premier grief, par lequel il est reproché au Tribunal d’avoir considéré que la Commission était placée devant un choix binaire, repose dès lors sur une lecture inexacte de l’arrêt attaqué.
41 S’agissant du deuxième grief, le Tribunal a considéré, au point 82 de l’arrêt attaqué, que « la question de savoir si la méthode de test [de] la section 5.9 de la norme Cenelec est scientifiquement et techniquement fondée n’est pas pertinente en l’espèce ». C’est dès lors sans fondement que les requérantes lui reprochent de ne pas avoir suffisamment motivé l’affirmation selon laquelle la question de la validité scientifique de cette méthode de test aurait été décisive.
42 Enfin, il convient de constater que les griefs des requérantes tirés d’une dénaturation des éléments de preuve et de la violation des règles en matière de charge de la preuve ne sont pas assortis, dans le cadre du présent moyen, des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.
43 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, ce moyen dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de la notion de « violation suffisamment caractérisée », dans le cadre de l’appréciation de la violation alléguée de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30
Argumentation des parties
44 Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne jugeant pas que le fait que la règle violée ne conférait aucune marge d’appréciation à la Commission était fondamental et décisif pour conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée. Elles appuient ce moyen sur cinq éléments de contexte qu’elles estiment seuls déterminants, à savoir, premièrement, le fait que le critère selon lequel les informations devaient porter sur la
consommation du produit pendant son utilisation était un élément essentiel de la directive 2010/30 et qui avait été énoncé dans le but de limiter le pouvoir d’appréciation de la Commission, deuxièmement, l’importance de l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par cette directive, troisièmement, le caractère essentiel dudit critère pour atteindre cet objectif, quatrièmement, le fait que la Commission aurait eu connaissance du caractère trompeur de la méthode de test retenue et,
cinquièmement, l’impossibilité pour les fabricants de compléter par d’autres informations celles fournies par les étiquettes énergétiques.
45 En toute hypothèse, à supposer que d’autres éléments aient pu être également pris en compte, tels que des difficultés d’interprétation ou la complexité réglementaire, le Tribunal aurait dû mettre ceux-ci en balance avec le non-respect d’un critère ne laissant aucune marge d’appréciation, qui n’était pas susceptible d’être supplanté par d’autres considérations.
46 La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.
Appréciation de la Cour
47 Il y a lieu de rappeler que, parmi les conditions requises pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, figure l’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 29 et jurisprudence citée).
48 Une telle violation est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30 et jurisprudence citée).
49 Ainsi, l’identification d’une telle méconnaissance suppose la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 43).
50 Pour déterminer si une violation d’une règle du droit de l’Union doit être considérée comme suffisamment caractérisée, il convient de se référer au domaine, aux conditions ainsi qu’au contexte dans lesquels intervient l’institution (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 40 et jurisprudence citée).
51 Les éléments à prendre en considération à cet égard sont, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que cette règle laisse à l’autorité de l’Union (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30 et jurisprudence citée), la complexité de la situation à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P,
EU:C:2007:226, point 50 et jurisprudence citée] ainsi que le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit (arrêt du 4 décembre 2003, Evans, C‑63/01, EU:C:2003:650, point 86 et jurisprudence citée).
52 Il résulte de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 48 à 51 du présent arrêt que, comme Mme l’avocate générale l’a relevé au point 91 de ses conclusions, l’étendue de la marge d’appréciation que la règle de droit enfreinte laissait à l’autorité de l’Union n’est qu’un des éléments à prendre en considération afin de déterminer si cette autorité a commis une violation suffisamment caractérisée de cette règle. S’il s’agit d’un élément pertinent, qui doit être examiné dans tous les cas,
l’absence de marge d’appréciation laissée par la disposition enfreinte n’a pas nécessairement pour corollaire que sa violation est suffisamment caractérisée.
53 En effet, selon les circonstances de chaque espèce, d’autres éléments peuvent être pris en compte, au regard du contexte dans lequel a été commise la violation constatée. Ainsi, la méconnaissance d’une règle de droit ne laissant aucune marge d’appréciation à l’autorité concernée peut, à la lumière des circonstances, ne pas apparaître manifeste, et donc suffisamment caractérisée, notamment si elle procède d’une erreur de droit excusable eu égard aux difficultés d’interprétation du texte comportant
cette règle.
54 Par conséquent, si, dans certaines situations, la simple infraction au droit de l’Union peut conduire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée lorsque la règle enfreinte ne laissait à l’autorité de l’Union ayant commis cette infraction qu’une marge d’appréciation réduite, voire inexistante, un tel constat ne peut découler que de l’ensemble des circonstances ayant entouré cette infraction, lorsque l’examen de celles-ci ne révèle aucun autre élément pertinent qui conduirait à
écarter le caractère manifeste et grave de la méconnaissance de cette limite du pouvoir d’appréciation.
55 Dans l’arrêt attaqué, comme il était annoncé au point 22 de celui-ci, le Tribunal a d’abord déterminé si la Commission disposait d’une marge d’appréciation quant au respect du critère selon lequel les informations devaient porter sur la consommation du produit pendant son utilisation et a constaté que tel n’était pas le cas, au point 36 de cet arrêt. Il a ensuite considéré, aux points 37 et 38 de celui-ci, en substance, que ce constat ne suffisait pas, en lui-même, pour conclure à l’existence
d’une violation suffisamment caractérisée de la disposition violée et a identifié un ensemble d’éléments qu’il estimait pertinents afin de se prononcer sur l’existence d’une telle violation, à savoir la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise. Il a ensuite tenu compte des circonstances de l’espèce avant de conclure, au
point 97 de celui-ci, que la Commission n’avait pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation.
56 Il résulte des considérations exposées aux points 53 à 55 du présent arrêt que, ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.
57 Par ailleurs, il résulte du point 54 du présent arrêt que la détermination des éléments pertinents pour apprécier l’existence d’une violation suffisamment caractérisée relève d’une appréciation qui, sous réserve d’erreurs de droit, ne saurait être mise en cause dans le cadre d’un pourvoi qu’en raison d’une dénaturation. Or, les requérantes se limitent, dans le cadre du présent moyen, à opposer implicitement aux éléments pris en compte par le Tribunal d’autres éléments qui, selon elles, étaient
déterminants.
58 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance de la notion de « violation suffisamment caractérisée » et de la violation de l’autorité de la chose jugée, au regard de l’absence de complexité juridique
Argumentation des parties
59 Le troisième moyen vise les points 42, 43 et 45 de l’arrêt attaqué. Il est tiré, en substance, en sa première branche, de la méconnaissance de la notion de « violation suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union, du fait de la prise en considération d’éléments postérieurs à l’adoption du règlement litigieux, et, en sa seconde branche, de la violation de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt d’annulation.
60 En premier lieu, les requérantes soutiennent que le Tribunal ne pouvait pas se référer au déroulement de la procédure en annulation relative au règlement litigieux pour apprécier l’existence de difficultés d’application ou d’interprétation des textes ayant encadré l’adoption de ce règlement. Complémentairement, elles contestent la manière dont il a procédé à cette appréciation.
61 Selon elles, d’une part, le Tribunal a commis une erreur de droit en prenant en considération des circonstances autres que celles dans lesquelles la Commission a agi au moment de l’adoption du règlement litigieux, aucun enseignement ne pouvant être tiré de circonstances postérieures. D’autre part, le fait que, par l’arrêt sur pourvoi, la Cour a renvoyé l’examen du recours en annulation devant le Tribunal n’aurait révélé aucune complexité juridique, dès lors que ce dernier aurait simplement jugé,
par l’arrêt d’annulation, que le choix d’une méthode de test avec réservoir vide était contraire à l’acte d’habilitation et que la prétendue impossibilité de recourir à une méthode de test avec réservoir chargé était sans influence à cet égard.
62 En second lieu, le point 68 de l’arrêt sur pourvoi n’indiquerait pas que, pour statuer sur le recours en annulation en tant qu’il était fondé sur la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, il y avait lieu de procéder à une mise en balance entre l’obligation d’adopter une méthode de test reflétant les conditions réelles d’utilisation et l’obligation de précision des résultats du test. Il résulterait, au contraire, de l’arrêt d’annulation que ces deux obligations étaient
cumulatives. L’appréciation du Tribunal selon laquelle il existait des difficultés d’interprétation liées à la complexité et à l’imprécision des dispositions pertinentes de cette directive serait donc fondée sur une méconnaissance de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation ainsi que sur une interprétation erronée de l’arrêt sur pourvoi.
63 La Commission conteste le bien-fondé des deux branches de ce moyen.
Appréciation de la Cour
64 S’agissant de la première branche du troisième moyen, il convient de rappeler que le degré de caractérisation de la violation d’une règle de droit de l’Union commise par l’institution en cause, en ce qu’il est intrinsèquement lié à cette violation, ne saurait être apprécié à un moment différent de celui auquel ladite violation a été commise. Il s’ensuit que l’existence d’une « violation suffisamment caractérisée » doit nécessairement être appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles
l’institution a agi à ce moment précis (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, points 45 et 46).
65 Si l’absence ou l’existence de difficultés d’application et d’interprétation des textes encadrant l’adoption de l’acte constitutif d’une violation d’une règle de droit de l’Union doit être appréciée au regard du texte de la règle concernée et en se replaçant au moment de l’adoption de l’acte litigieux, rien n’empêche toutefois qu’elle le soit par référence à des éléments de jurisprudence pertinents, en raison des indications qu’ils contiennent (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie
du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 59). Il peut s’agir, le cas échéant, d’indications contenues dans des décisions postérieures à l’adoption de l’acte en cause, qu’elles soient de nature à révéler l’absence de difficultés d’interprétation du texte que cet acte a méconnu, telles qu’une décision constatant que ce texte constitue un acte clair, ou, au contraire, l’existence de telles difficultés, telles qu’une décision clarifiant la portée dudit texte ou des décisions
divergentes sur l’interprétation qu’il convient de lui donner.
66 En l’espèce, de tels éléments de jurisprudence existaient, puisque l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30 était une disposition déterminante dans le cadre de la procédure en annulation relative au règlement litigieux.
67 Par conséquent, le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer pertinent de se référer aux points 40 à 45 de l’arrêt attaqué, en substance, aux décisions rendues dans le cadre de la procédure en annulation successivement par la Cour, sur pourvoi, et par le Tribunal, sur renvoi, y compris donc aux motifs de l’arrêt sur pourvoi relatifs au renvoi de l’affaire devant le Tribunal, afin de statuer sur la question de savoir si le respect de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de
la directive 2010/30 soulevait des questions complexes et des difficultés d’application ou d’interprétation au regard, notamment, du degré de clarté et de précision de cette disposition quant à la portée des termes « pendant son utilisation ».
68 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme non fondée.
69 S’agissant de la seconde branche de ce moyen, il y a lieu de relever que, aux points 41 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les motifs de l’arrêt d’annulation à la lumière de l’arrêt sur pourvoi. À cet égard, il a souligné, au point 42 de l’arrêt attaqué, qu’il résultait de l’arrêt sur pourvoi qu’il y avait lieu de mettre en balance, d’une part, l’obligation de retenir une méthode de calcul qui permette de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi
proches que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau, et, d’autre part, les exigences liées à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs, ce qui avait rendu nécessaire le renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur l’existence d’une violation de la disposition concernée. Il a ensuite constaté, aux points 43 et 44 de l’arrêt
attaqué, que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait interprété les motifs de l’arrêt sur pourvoi en ce sens que cette obligation et ces exigences constituaient deux conditions cumulatives, de sorte que le non-respect de la première suffisait pour constater l’existence d’une violation de cette disposition et, donc, pour annuler le règlement litigieux.
70 Le Tribunal en a conclu, au point 45 de l’arrêt attaqué, que ces éléments de motivation établissaient que l’application de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 au cas spécifique des aspirateurs était de nature à susciter certaines différences d’appréciation, indicatives de difficultés d’interprétation au regard du degré de clarté et de précision de cette disposition et, plus généralement, de la directive 2010/30 prise dans son ensemble.
71 Ce faisant, le Tribunal n’a pas méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation. En effet, il n’a pas fondé son appréciation sur ce seul arrêt, mais sur la comparaison entre le raisonnement dont procédait celui-ci et le raisonnement dont procédait l’arrêt sur pourvoi. L’argument des requérantes selon lequel, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, l’arrêt d’annulation du règlement litigieux révélerait que le contexte juridique ne recelait aucune complexité doit être
écarté pour la même raison, l’appréciation critiquée portant non pas sur l’examen de cet arrêt en lui-même, mais sur la comparaison de celui-ci avec l’arrêt sur pourvoi. Au surplus, il y a lieu de souligner que les examens auxquels le Tribunal a procédé, d’une part, dans l’arrêt d’annulation, dans le cadre d’un recours en annulation, et, d’autre part, dans l’arrêt attaqué, dans le cadre d’un recours en indemnité, sont de nature différente. En effet, dans l’arrêt d’annulation, il avait uniquement
à statuer sur l’existence d’une violation d’une règle du droit de l’Union, et non sur l’existence d’une « violation suffisamment caractérisée ».
72 En conséquence, il y a également lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen comme non fondée et, dès lors, le troisième moyen dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance à plusieurs égards de la notion de « violation suffisamment caractérisée », concernant le critère d’appréciation relatif à la complexité des situations à régler
73 Le quatrième moyen, qui comporte, en substance, huit branches, est tiré de la méconnaissance à plusieurs égards de la notion de « violation suffisamment caractérisée » d’une règle du droit de l’Union, concernant le critère d’appréciation relatif à la complexité des situations à régler.
Sur la première branche du quatrième moyen
– Argumentation des parties
74 Les requérantes estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 52 de l’arrêt attaqué, que la question de la validité scientifique de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec était pertinente pour apprécier la complexité du contexte réglementaire. En effet, dès lors qu’il était établi que la Commission avait méconnu un élément essentiel de la directive 2010/30, il aurait été juridiquement dépourvu de pertinence d’examiner en outre si la Commission
avait des doutes légitimes quant à cette méthode. Le raisonnement du Tribunal serait, à cet égard encore, vicié en ce qu’il a considéré que la Commission aurait été confrontée à l’alternative consistant à choisir entre une méthode de test irrégulière, car réalisée avec un réservoir vide, et la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec.
75 La Commission conteste le bien-fondé de cette branche.
– Appréciation de la Cour
76 Il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 51 du présent arrêt, la complexité de la situation à régler est un élément pertinent afin de déterminer si une violation d’une règle de droit de l’Union peut être qualifiée de suffisamment caractérisée.
77 Par ailleurs, il y a lieu de souligner, d’une part, que, au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicitement indiqué qu’il était nécessaire de déterminer si la Commission avait pu écarter l’utilisation de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec compte tenu de doutes concernant la validité scientifique des résultats obtenus et de l’exactitude des informations fournies aux consommateurs, afin de statuer sur l’argumentation des requérantes. Il résulte en effet des points 46,
47, 49 et 50 de cet arrêt que ces dernières soutenaient que l’utilisation d’une méthode de test avec réservoir chargé ne présentait aucune complexité particulière et que la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec était scientifiquement valable, en particulier concernant les exigences de précision, de fiabilité et de reproductibilité des mesures.
78 D’autre part, il ressort de l’arrêt sur pourvoi, en particulier de ses points 19 à 42, 68, 70 et 83, que la question de la reproductibilité des mesures réalisées au moyen de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec, liée à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs, était un élément important dans la procédure relative au recours en annulation, et ce tant avant qu’après la clarification par cet arrêt de la portée
des termes « pendant son utilisation » figurant à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30. En effet, cette question avait été débattue devant le Tribunal lors de la première phase de ce recours et il résulte des points 68 et 70 dudit arrêt qu’elle conservait une pertinence.
79 C’est dès lors sans commettre d’erreur que le Tribunal a décidé d’examiner la complexité de la situation à régler et, dans ce cadre, qu’il a pris en considération ladite question.
80 Pour le surplus, il résulte de la réponse au premier moyen que le grief des requérantes relatif au fait que le Tribunal aurait erronément estimé que la Commission était placée devant une alternative repose sur une lecture inexacte de l’arrêt attaqué.
81 Il y a dès lors lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen comme non fondée.
Sur les deuxième et quatrième branches du quatrième moyen
– Argumentation des parties
82 Par la deuxième branche de leur quatrième moyen, les requérantes invoquent une dénaturation des éléments de preuve et une violation des règles en matière de charge de la preuve ainsi qu’un défaut de motivation. Elles soutiennent que la Commission n’a pas établi que, au moment de l’adoption du règlement litigieux, elle avait des doutes concernant la validité scientifique des résultats obtenus et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs avec la méthode de test de la section 5.9 de
la norme Cenelec. Par conséquent, en l’absence de preuve à cet égard, le Tribunal n’aurait pas pu retenir l’existence de tels doutes, au point 52 de l’arrêt attaqué. Il lui est également fait grief de n’avoir pas indiqué la raison pour laquelle l’examen de la complexité de la situation à régler dépendait de la question de savoir « si la Commission avait rejeté la validité scientifique d’un seul mode de chargement ».
83 Dans le cadre de la quatrième branche, qu’il convient d’examiner conjointement avec la seconde branche, les requérantes soutiennent que, au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément considéré l’article 7 du règlement litigieux comme un élément pertinent. Par leur premier grief, elles invoquent la dénaturation de cet article, dès lors que celui-ci ne comporterait pas de « déclaration » de la Commission concernant le non-recours à la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec
en raison de l’existence de doutes quant à sa validité scientifique. Au contraire, ledit article confirmerait que, au moment de l’adoption du règlement litigieux, la Commission n’avait pas encore examiné la possibilité de recourir à des méthodes de mesure avec réservoir chargé.
84 Par leur second grief, les requérantes soutiennent que, en prenant en considération ledit article 7, le Tribunal a statué ultra petita et violé leurs droits de défense, en l’absence d’élément de preuve relatif au fait que la Commission aurait procédé à une évaluation de ladite méthode de test.
85 La Commission conteste le bien-fondé des griefs formulés en ces deux branches.
– Appréciation de la Cour
86 S’agissant de la deuxième branche du quatrième moyen, il y a lieu de relever que, au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énoncé ce qui suit :
« Il découle de l’article 7 du règlement [litigieux] que la Commission a estimé, au vu de l’état des connaissances techniques, que la méthode de test [de la section 5.9 de la norme Cenelec] ne pouvait être retenue au titre de l’article 10, paragraphe 4, sous b), de la directive 2010/30. Une telle exclusion doit être interprétée en ce sens que la Commission, aux fins de l’évaluation de la performance énergétique des aspirateurs, a implicitement estimé que ladite méthode de test ne constituait pas
une méthode de mesure et de calcul fiable, précise et reproductible, au sens de l’article 5 [du] règlement [litigieux]. La Commission a ainsi préféré opter pour une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide qui, bien que reflétant une gamme d’utilisation plus étroite qu’une méthode fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé, répondait aux critères de fiabilité, de précision et de reproductibilité. »
87 Par ces considérations, le Tribunal a, d’une part, indiqué précisément sur quels éléments, issus du règlement litigieux lui-même, il fondait son constat selon lequel la Commission éprouvait des doutes quant à la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec, la prise en compte de ces éléments ne comportant aucune méconnaissance des règles en matière de charge de la preuve. D’autre part, il a ainsi également motivé ce constat et indiqué l’importance accordée aux éléments de contexte ayant
conduit la Commission à écarter cette méthode pour apprécier la complexité de la situation à régler, dès lors que cette décision a abouti à retenir une méthode qui s’est ensuite avérée irrégulière.
88 Toutefois, par le premier grief de leur quatrième branche, les requérantes soutiennent que les considérations figurant au point 60 de l’arrêt attaqué procèdent d’une dénaturation de l’article 7 du règlement litigieux.
89 Cet article, auquel le Tribunal s’est référé au point 60 de l’arrêt attaqué, était libellé comme suit :
« La Commission réexamine le présent règlement sur la base du progrès technologique au plus tard cinq ans après son entrée en vigueur. Ce réexamen porte en particulier sur [...] la faisabilité de l’utilisation, pour la consommation annuelle d’énergie, le taux de dépoussiérage et l’émission de poussière, de méthodes de mesure fondées sur un réservoir partiellement rempli plutôt que vide. »
90 Il importe de relever, en premier lieu, que, audit point 60, le Tribunal a entendu non pas paraphraser les termes de cette disposition, mais en tirer des enseignements, ainsi que l’indiquent les termes « il découle de l’article 7 du règlement [litigieux] ».
91 En second lieu, ce point fait suite à diverses constatations relatives à la directive 2010/30, au règlement litigieux et à la publication de la norme Cenelec au Journal officiel de l’Union européenne, figurant aux points 55 à 58 de l’arrêt attaqué, dans le cadre desquelles s’inscrivent les considérations qui suivent, comme l’indiquent les termes « [à] cet égard », par lesquels débute le point 59 dudit arrêt.
92 Ainsi, premièrement, le Tribunal a relevé que la directive 2010/30 imposait à la Commission d’utiliser des normes et des méthodes de mesure harmonisées afin de déterminer les modalités de calcul des indicateurs pertinents, tels que la consommation énergétique (arrêt attaqué, point 55). Deuxièmement, il s’est référé à divers éléments du règlement litigieux, à savoir son considérant 4 et son article 5, intitulé « Méthodes de mesure », indiquant que les informations à fournir devaient être obtenues
en appliquant des méthodes de mesure et de calcul fiables, précises et reproductibles, qui tiennent compte des méthodes de mesure et de calcul reconnues les plus récentes, renvoyant à l’annexe VI de ce règlement. Il a, en particulier, rappelé que le point 1 de cette annexe visait à cette fin les normes harmonisées dont les numéros de référence avaient été publiés au Journal officiel et précisait que ces normes devaient être conformes aux définitions, conditions, équations et paramètres techniques
énoncés dans cette annexe (arrêt attaqué, point 56). Enfin, troisièmement, le Tribunal a mentionné que les références de la norme Cenelec avaient été publiées dans une communication au Journal officiel, dans laquelle il était précisé que la section 5.9 de cette norme avait été exclue de la citation concernée, ce dont il avait résulté que, pour l’application de l’annexe VI du règlement litigieux, la norme harmonisée concernant le calcul de la performance de dépoussiérage et de la consommation
d’énergie annuelle des aspirateurs était déterminée sur la base de tests avec réservoir vide (arrêt attaqué, points 57 et 58).
93 Il découle de l’ensemble des éléments mentionnés aux points 90 à 92 du présent arrêt que les enseignements tirés par le Tribunal de l’article 7 du règlement litigieux, replacés dans leur contexte et éclairés par celui-ci, ne sont pas inconciliables avec les termes de cet article.
94 Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle l’article 7 du règlement litigieux pouvait être compris en ce sens que la Commission n’avait pas examiné la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec au moment de l’adoption du règlement litigieux, mais aurait prévu d’y procéder ultérieurement, il y a lieu de rappeler que la circonstance qu’un élément du dossier soumis au Tribunal puisse faire l’objet d’une autre lecture que celle retenue par celui-ci ne saurait suffire à démontrer
que cette dernière procède d’une dénaturation (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Commission/ANKO, C‑78/14 P, EU:C:2015:732, point 55). Il convient en outre de relever que l’emploi, dans cet article, des termes « réexamen » et « sur la base du progrès technologique » rend improbable l’interprétation proposée par les requérantes, mais, au contraire, conforte celle effectuée par le Tribunal.
95 Enfin, le grief selon lequel, par les considérations figurant au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait statué ultra petita et en violation des droits de la défense des requérantes, doit être rejeté au motif que, par ces considérations, ce dernier s’est limité à apprécier la portée d’un élément du dossier qui lui était soumis. En effet, il y a lieu de constater que le règlement litigieux était nécessairement l’élément central du recours en indemnité dont le Tribunal était saisi et
faisait de toute évidence partie de ce dossier, que les requérantes en avaient connaissance et qu’elles ont pu prendre position à son sujet. Par conséquent, il appartenait au Tribunal de prendre ce règlement en considération et, le cas échéant, d’en tirer les enseignements qu’il estimait utiles afin d’apprécier la pertinence des thèses respectives des parties quant à une circonstance factuelle ayant trait à la complexité de la situation à régler.
96 Il y a dès lors lieu de rejeter les deuxième et quatrième branches du quatrième moyen comme non fondées.
Sur la troisième branche du quatrième moyen
– Argumentation des parties
97 Par la troisième branche de leur quatrième moyen, les requérantes contestent l’énonciation figurant à la fin du point 53 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission disposait d’une période de cinq années, à compter du 19 juin 2010, pour adopter les actes délégués prévus par la directive 2010/30, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de celle-ci.
98 D’une part, les requérantes soutiennent que le Tribunal a erronément pris en compte cette disposition dans le cadre de son appréciation de la complexité réglementaire, car il aurait considéré que la « pression temporelle » en résultant pouvait justifier l’adoption du règlement litigieux imposant une méthode de test avec réservoir vide, alors que ladite disposition n’aurait imposé aucun délai impératif à la Commission.
99 D’autre part, le Tribunal aurait erronément considéré que cette période de cinq années dont disposait la Commission pour adopter le règlement litigieux avait eu une incidence sur le comportement de celle-ci, en l’absence de tout élément de preuve à cet égard.
100 La Commission conteste le bien-fondé de cette branche.
– Appréciation de la Cour
101 Au point 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à rappeler le contenu de certains éléments du préambule et du dispositif de la directive 2010/30, parmi lesquels l’article 11, paragraphe 1, de celle-ci, sans en déduire aucune indication.
102 Le reproche fait au Tribunal d’avoir, ce faisant, considéré que cet article exerçait une « pression temporelle » sur la Commission en imposant à celle-ci d’adopter le règlement litigieux dans un certain délai, repose dès lors sur une lecture inexacte de ce point.
103 En outre, pour autant qu’il puisse être considéré que les requérantes visent également les considérations figurant au point 95 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater qu’il résulte des termes mêmes de ce point que ces considérations ont été émises à titre surabondant, après que, au point 94 de cet arrêt, le Tribunal eut conclu de l’ensemble des développements qui précédaient que la Commission avait pu estimer, sans excéder d’une manière manifeste et grave les limites de son pouvoir
d’appréciation, que la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec n’était pas apte à garantir la validité scientifique et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs et opter, alternativement, pour une méthode de test apte à répondre aux critères de validité et d’exactitude des informations.
104 En tout état de cause, le Tribunal était fondé à retenir lesdites considérations, dès lors que, indépendamment de l’erreur de droit qu’elle a commise concernant la condition énoncée à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30, la Commission pouvait considérer qu’elle était tenue de légiférer concernant les aspirateurs. En effet, le deuxième alinéa de ce paragraphe prévoyait que tout produit satisfaisant aux critères énoncés au paragraphe 2 de cet article, au nombre
desquels figurait ce type de produits, devait être régi par un acte délégué de la Commission.
105 La troisième branche du quatrième moyen doit dès lors être rejetée.
Sur la cinquième branche du quatrième moyen
– Argumentation des parties
106 La cinquième branche du quatrième moyen comporte deux griefs. Par leur premier grief, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a dénaturé, au point 71 de l’arrêt attaqué, leur argument concernant le mandat confié par la Commission au Cenelec. Par leur second grief, elles soutiennent qu’il n’a pas motivé l’énonciation figurant au point 68 de cet arrêt selon laquelle la mise au point d’une méthode d’essai de la performance de dépoussiérage fondée sur l’utilisation d’un réservoir
chargé aux fins du calcul de la performance énergétique aurait donné lieu à des difficultés ni ne leur a donné la possibilité de s’exprimer à cet égard.
107 La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.
– Appréciation de la Cour
108 Au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état d’un rapport du Cenelec, qualifié de rapport final, dans lequel cet organisme a noté que la Commission avait décidé de ne pas adopter la procédure relative à la performance de dépoussiérage sur tapis et sol dur aux fins de la mise en œuvre du règlement litigieux. Le Tribunal a relevé que, bien que cet organisme ait indiqué que cette procédure faisait partie de la norme Cenelec, ladite procédure concernait divers points de cette norme qui ne
faisaient pas partie des normes harmonisées visées au point 1 de l’annexe VI de ce règlement. Il en a déduit que l’argumentation des requérantes se rapportant à ces points était sans pertinence pour déterminer si la Commission a pu écarter l’utilisation de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec sans méconnaître, de manière manifeste et grave, les limites de son pouvoir d’appréciation.
109 Par leur premier grief, les requérantes soutiennent, en substance, que, ce faisant, le Tribunal a interprété erronément l’argument qu’elles avaient présenté, qu’elles identifient comme étant « le seul argument que Dyson a présenté concernant le mandat M353 ».
110 Il y a lieu de constater que les requérantes ne précisent pas le ou les passages de leurs écritures qui auraient été dénaturés par le Tribunal et ne permettent dès lors pas à la Cour d’examiner le bien-fondé de leurs allégations.
111 Par conséquent, le premier grief doit être rejeté comme irrecevable.
112 Par leur second grief, les requérantes soutiennent que le Tribunal n’a pas motivé son appréciation, figurant au point 68 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la mise au point d’une méthode d’essai de la performance de dépoussiérage des aspirateurs fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé aux fins du calcul de la performance énergétique aurait donné lieu à des difficultés.
113 Il y a toutefois lieu de relever que, au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que « l’une des difficultés inhérentes à [la] méthode de test [de la section 5.9 de la norme Cenelec] tenait à la nécessité de définir au préalable ce que constitue un réservoir chargé » et, au point 73 de cet arrêt, que cette méthode « comporte ainsi trois définitions possibles de ce qui peut être entendu par “réservoir chargé” ». Il a ensuite fait état, aux points 75 à 79 dudit arrêt, de comptes rendus
des travaux de la Commission électrotechnique internationale (CEI) et de la note qui précède la description de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec, documents antérieurs à l’adoption du règlement litigieux dont le Tribunal a estimé qu’ils étayaient l’affirmation de la Commission selon laquelle l’approche consistant à retenir trois définitions possibles d’un réservoir chargé n’était pas apte à garantir l’uniformité et la comparabilité des résultats, puisqu’elle pouvait
impliquer des niveaux de remplissage différents selon les aspirateurs.
114 Par ces considérations, le Tribunal a motivé à suffisance de droit l’énonciation figurant au point 68 de l’arrêt attaqué.
115 Par ailleurs, les requérantes n’allèguent pas que le Tribunal s’est fondé sur des éléments qui ne figuraient pas au dossier qui lui a été soumis et au sujet desquels elles n’auraient pas été en mesure de prendre position.
116 Il s’ensuit que le second grief doit être rejeté comme non fondé en tous ses éléments, de sorte que la cinquième branche doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.
Sur la sixième branche du quatrième moyen
117 La sixième branche du quatrième moyen comporte sept griefs.
118 Par leur premier grief, les requérantes reprochent au Tribunal, d’une part, d’avoir dénaturé la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec en affirmant, au point 73 de l’arrêt attaqué, que celle-ci comporte trois définitions possibles de ce qu’il y a lieu d’entendre par « réservoir chargé ». Elles soutiennent que cette méthode comporte une seule définition assortie de trois conditions.
119 D’autre part, elles estiment que le Tribunal ne pouvait pas juger que la Commission était fondée à écarter ladite méthode au motif que celle-ci comportait trois points d’arrêt, alors que le règlement (UE) no 666/2013 de la Commission, du 8 juillet 2013, portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 24), prévoyait que les tests portant sur la durée de vie utile
des moteurs des aspirateurs étaient réalisés avec un réservoir rempli à 50 %, ce qui aurait constitué une variante de la même méthode, sans que la Commission mette en doute sa validité scientifique.
120 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
121 Il y a lieu de constater que le reproche de dénaturation de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec est fondé sur une lecture partielle du passage concerné de l’arrêt attaqué.
122 En effet, dans un premier temps, au point 72 de celui-ci, le Tribunal a exposé que cette méthode consiste à mesurer la performance de dépoussiérage au fur et à mesure que l’appareil aspire des poussières d’essai, et ce jusqu’à ce que soit remplie l’une des trois conditions prévues, à savoir soit lorsqu’un indicateur de l’aspirateur signale que le réservoir de poussière doit être vidé ou remplacé, soit lorsque la pression observée à l’intérieur de l’appareil a chuté de 40 % par rapport à la
pression enregistrée au début du test, soit lorsque la quantité de poussières d’essai injectées dans l’appareil atteint 100 grammes par litre du « volume maximal utilisable » du réservoir à poussières. Ce n’est que dans un second temps qu’il a exposé, au point 73 de cet arrêt, dans le cadre d’une explicitation, que ladite méthode « comport[ait] ainsi trois définitions possibles de ce qui peut être entendu par “réservoir chargé” ». Or, cette explicitation, fondée sur les termes « définitions
possibles », ne saurait être assimilée à une lecture manifestement contraire au passage concerné de la section 5.9 de ladite norme.
123 S’agissant du second argument, il y a lieu de relever que, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé que les types de mesures concernées par le règlement litigieux et par le règlement no 666/2013 n’étaient pas comparables, car, contrairement aux mesures de performance énergétique, le test de durabilité des moteurs prévu par le second règlement ne nécessitait pas d’examiner le rapport entre la performance de dépoussiérage et la consommation énergétique.
124 Le premier grief doit dès lors être rejeté comme non fondé.
125 Par leur deuxième grief, les requérantes soutiennent que le Tribunal a dénaturé la note qui précède la description de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec par diverses considérations figurant aux points 76 à 79 de cet arrêt.
126 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
127 Les requérantes relèvent que la note concernée ne contient pas divers éléments repris dans les considérations relatives à celle-ci qui figurent aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué. Or, ainsi qu’il apparaît à la lecture de ces points, le Tribunal a entendu non pas y reproduire, fût-ce en les reformulant, des passages de cette note, mais indiquer l’objet de celle-ci et tirer de ces passages certaines conséquences pratiques concernant l’utilité de cette méthode à la lumière d’autres éléments
qu’il avait précédemment identifiés. Par ailleurs, par lesdites considérations, le Tribunal n’a pas manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable de ladite note.
128 S’agissant du point 79 de l’arrêt attaqué, les requérantes se bornent à émettre l’hypothèse, inexacte, que le Tribunal ait pu y exprimer que la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec était invalide, alors qu’il a simplement paraphrasé un passage de la note concernée sans en tirer de conclusion.
129 Il y a dès lors lieu de rejeter le deuxième grief comme non fondé.
130 Par leur troisième grief, les requérantes font valoir que, au point 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé le rapport de l’entreprise AEA Energy & Environment intitulé « Report to the Commission, Preparatory studies for Eco-Design Requirements of EUPs (II), Lot 17 Vacuum Cleaners », daté du mois de février 2009.
131 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
132 Il y a lieu de relever que, au point 82 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de l’examen de la complexité de la situation à régler et du caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise par la Commission, le Tribunal a considéré qu’il importait de savoir si, en préférant recourir à la méthode de test avec réservoir vide plutôt qu’une méthode de test avec réservoir chargé, la Commission avait commis une violation manifeste et grave des limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.
Le Tribunal y a également estimé, au vu des éléments relevés aux points précédents de cet arrêt, que, si la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec permettait d’évaluer la performance des aspirateurs dans des conditions d’utilisation plus proches des conditions normales d’usage que celles reflétées par l’utilisation d’un réservoir vide, cette méthode générait des incertitudes quant à l’exactitude des informations destinées à être fournies aux consommateurs. Au point 83 dudit arrêt,
il a ajouté que d’autres éléments étayaient cette constatation, qu’il a énumérés et commentés aux points 84 à 91 de celui-ci.
133 Il en résulte que les considérations relatives à ces autres éléments, dont celles figurant au point 85 de l’arrêt attaqué, ont un caractère surabondant.
134 Le troisième grief doit dès lors être rejeté comme inopérant.
135 Par leur quatrième grief, les requérantes soutiennent que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs.
136 Elles font valoir que le Tribunal a considéré, aux points 76 à 79 de cet arrêt, que la Commission avait des doutes quant à la validité scientifique de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec, ce qui serait inconciliable avec les énonciations figurant aux points 81 et 82 dudit arrêt selon lesquelles, d’une part, « il découle de la nature du processus de normalisation que le fait qu’une méthode d’essai ait été incorporée dans une norme harmonisée, telle que la norme Cenelec,
permet de présumer de la validité scientifique et technique de cette méthode » et, d’autre part, « la question de savoir si la méthode de test [de la section 5.9 de la norme Cenelec] est scientifiquement et techniquement fondée n’est pas pertinente en l’espèce, la Commission n’ayant pas contesté ces éléments lors de l’adoption du règlement [litigieux] ».
137 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
138 Il y a lieu de constater que ce grief repose sur une lecture incorrecte de l’arrêt attaqué. En effet, les points 76 à 79 de celui-ci n’ont pas la portée que les requérantes leur prêtent, le Tribunal s’y étant limité à examiner le contenu d’une note émanant du Cenelec au regard de la difficulté de déterminer un niveau de remplissage du réservoir d’un aspirateur qui puisse servir de référence pour mesurer la performance de celui-ci, telle qu’identifiée aux points 72 et 73 dudit arrêt.
139 Le quatrième grief doit donc être rejeté comme non fondé.
140 Par leur cinquième grief, les requérantes soutiennent que, aux points 75 et 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a irrégulièrement pris en considération des documents dont la Commission aurait admis qu’ils n’étaient pas en la possession de ses services chargés de l’élaboration de la réglementation concernée. Elles se réfèrent, à cet égard, aux points 5 à 15 du mémoire en défense déposé par la Commission dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.
141 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
142 Au point 15 de son mémoire en défense dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, la Commission a indiqué que « [l]es éléments exposés ci-dessus ont conduit [...] à l’adoption [...] du règlement [litigieux] ». Les documents mentionnés aux points 75 et 87 de l’arrêt attaqué ne sont pas au nombre des éléments ainsi visés.
143 Il y a toutefois lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’énonciation figurant au point 15 de ce mémoire ne signifiait pas que les services de la Commission n’avaient connaissance que des éléments mentionnés dans les points précédents de celui-ci au moment de l’adoption du règlement litigieux. Ainsi, à titre d’exemple, il ne saurait être considéré que la Commission n’avait pas connaissance de l’analyse d’impact qu’elle avait fait réaliser ou des consultations
qu’elle avait organisées en vue de l’adoption de ce règlement, bien que cette analyse et ces consultations ne soient pas mentionnées dans le passage concerné desdites observations.
144 Le cinquième grief, qui repose donc sur une prémisse inexacte, doit par conséquent être rejeté comme non fondé.
145 Par leur sixième grief, les requérantes soutiennent que, aux points 86 à 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pris en considération des éléments non pertinents, dès lors qu’ils étaient postérieurs à l’adoption du règlement litigieux.
146 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
147 Il convient de constater que ce grief porte sur des motifs surabondants de l’arrêt attaqué, ainsi qu’il résulte des points 132 et 133 du présent arrêt, qui n’ont été exposés par le Tribunal qu’afin de confirmer les considérations qu’il avait énoncées précédemment sur la base d’éléments relevant des circonstances dans lesquelles la Commission avait agi au moment de l’adoption du règlement litigieux.
148 Par conséquent, le sixième grief doit être rejeté comme inopérant.
149 Par leur septième et dernier grief, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve et adopté des motifs contradictoires, en considérant, au point 82 de l’arrêt attaqué, que, au moment de l’adoption du règlement litigieux, la Commission avait examiné et écarté la validité scientifique de la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec. Or, d’une part, cette énonciation ne serait étayée par aucun élément de preuve. D’autre part, le Tribunal aurait
considéré, au début du même point, que la Commission n’avait pas contesté la validité scientifique de cette méthode.
150 La Commission conteste le bien-fondé de ce grief.
151 Le point 82 de l’arrêt attaqué est libellé comme suit :
« [...], la question de savoir si la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec est scientifiquement et techniquement fondée n’est pas pertinente en l’espèce, la Commission n’ayant pas contesté ces éléments lors de l’adoption du règlement [litigieux], mais estimé, en substance, que ladite méthode de test était inadaptée aux fins de l’évaluation de la performance énergétique des aspirateurs au regard des critères de fiabilité, de précision et de reproductibilité. [...] »
152 Il s’impose de constater que, par ces énonciations, le Tribunal n’a pas considéré que la Commission avait écarté la validité scientifique de cette méthode, de sorte que le grief des requérantes repose sur une prémisse inexacte.
153 Par conséquent, le septième grief n’est pas fondé et doit dès lors être rejeté, de même que la sixième branche du quatrième moyen dans son ensemble.
Sur la septième branche du quatrième moyen
– Argumentation des parties
154 Par la septième branche de leur quatrième moyen, qui vise le point 92 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a statué ultra petita en considérant que la réglementation relative à l’étiquetage des aspirateurs n’était pas comparable à celle relative à l’étiquetage d’autres appareils électroménagers, ce qui aurait accru la complexité de la situation à régler, alors que la Commission n’avait pas allégué que seuls les aspirateurs présentaient des difficultés quant à la
simulation de la charge. En outre, le Tribunal n’aurait pas motivé cette appréciation ni permis aux requérantes de s’exprimer sur cette question.
155 La Commission conteste le bien-fondé de cette branche.
– Appréciation de la Cour
156 Le point 92 de l’arrêt attaqué est libellé comme suit :
« Ces difficultés propres à la technique et au mode d’utilisation des aspirateurs permettent également d’écarter l’argumentation par laquelle les requérantes soutiennent que la Commission n’était pas face à une situation complexe, car elle avait déjà eu l’occasion d’adopter, aux fins de l’étiquetage énergétique, des normes d’essai reflétant les conditions d’utilisation normales d’appareils électriques à usage domestique tels que les fours, les lave-linges, les sèche-linges et les chauffe-eaux. »
157 Il résulte des termes employés par le Tribunal, d’une part, que, par les considérations émises dans ce point, il entendait répondre à un argument des requérantes et, d’autre part, qu’il se référait à l’ensemble des constatations qu’il avait exposées précédemment, relatives aux particularités que présentent les aspirateurs, notamment en ce qui concerne la variabilité de la charge du réservoir et la complexité de l’élaboration d’une méthode de test qui en tienne compte tout en étant reproductible,
par rapport aux autres produits mentionnés audit point.
158 Ce faisant, le Tribunal n’a ni statué ultra petita ni méconnu les droits de la défense des requérantes. Il a en outre motivé à suffisance de droit le rejet de leur argument.
159 Il y a donc lieu de rejeter cette septième branche du quatrième moyen comme non fondée.
Sur la huitième branche du quatrième moyen
– Argumentation des parties
160 La huitième et dernière branche du quatrième moyen est tirée du défaut de réponse à l’argument des requérantes selon lequel la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec avait été retenue par la Commission dans le cadre du règlement no 666/2013, tandis que celle-ci avait écarté cette méthode dans le cadre du règlement litigieux. Les requérantes auraient soutenu à cet égard que ces deux règlements subordonnaient les méthodes de test à la même exigence de validité scientifique, de sorte
que, en retenant la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec dans le cadre du règlement no 666/2013, la Commission en avait reconnu la validité scientifique. Or, le Tribunal se serait borné à considérer que les requérantes n’étaient pas fondées à établir une analogie entre lesdits règlements compte tenu des différences existant entre les mesures de performance énergétique et les tests de durabilité, et n’aurait dès lors pas répondu à leur argument.
161 La Commission conteste le bien-fondé de cette branche.
– Appréciation de la Cour
162 Il convient de rappeler que, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que, contrairement à ce que prétendaient les requérantes, la question de savoir si la méthode de test de la section 5.9 de la norme Cenelec était scientifiquement fondée n’était pas pertinente en l’espèce. Par ces considérations, le Tribunal a, en tout état de cause, répondu à l’argument des requérantes tel que celles-ci le présentent dans le cadre du pourvoi.
163 Par conséquent, il y a également lieu de rejeter la huitième branche du quatrième moyen et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.
Sur les cinquième à septième moyens, tirés de la méconnaissance de la notion de « violation suffisamment caractérisée » dans le cadre de l’appréciation de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, du principe de bonne administration et du devoir de diligence ainsi que de la liberté d’entreprise
Argumentation des parties
164 Par leurs cinquième à septième moyens, les requérantes critiquent les appréciations du Tribunal selon lesquelles les illégalités alléguées à l’appui de leur recours en indemnité autres que la méconnaissance de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30 ne constituent pas des « violations suffisamment caractérisées ». Ces autres illégalités sont, respectivement, la violation du principe d’égalité de traitement, la violation du principe de bonne administration et du
devoir de diligence ainsi que la violation de la liberté d’entreprise.
165 La Commission conteste le bien-fondé de ces moyens.
Appréciation de la Cour
166 Les trois moyens du recours en indemnité relatifs aux violations alléguées des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, du devoir de diligence et de la liberté d’entreprise, tels que décrits, respectivement, aux points 102 et 109, au point 113 et au point 120 de l’arrêt attaqué, étaient essentiellement fondés sur le fait que la Commission avait décidé de recourir à une méthode de test avec réservoir vide, et non chargé, en méconnaissance d’un élément essentiel de la
directive 2010/30, ces autres violations étant des conséquences de la violation de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de cette directive. Elles procédaient donc du même contexte que la violation de cette dernière disposition.
167 Dans sa réponse à chacun de ces trois moyens, le Tribunal s’est notamment référé à tout ou partie de son appréciation relative à la violation de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30, au terme de laquelle il a conclu que celle-ci ne constituait pas une violation suffisamment caractérisée d’une disposition du droit de l’Union, appréciation vainement critiquée dans le cadre des quatre premiers moyens du présent pourvoi.
168 Ainsi qu’il résulte des points 50 et 51 du présent arrêt, la constatation de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle du droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est fonction des éléments pertinents au regard du contexte dans lequel cette violation a été commise.
169 Or, en l’espèce, dès lors que les circonstances qui étaient invoquées à l’appui des moyens du recours en indemnité qui sont concernés par les cinquième à septième moyens du pourvoi correspondent au choix illégal opéré par la Commission dans le cadre du règlement litigieux, le contexte factuel des diverses illégalités reprochées à la Commission dans le recours en indemnité est essentiellement le même. Il en découle que les appréciations du Tribunal critiquées dans le cadre des présents moyens,
selon lesquelles les violations reprochées à la Commission autres que la violation de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30, mais qui découlent de cette dernière violation, n’étaient, elles non plus, pas suffisamment caractérisées, sont en toute hypothèse justifiées à suffisance de droit par sa conclusion selon laquelle la violation de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30 n’était pas suffisamment caractérisée.
170 Il s’ensuit que les cinquième à septième moyens doivent être rejetés.
171 En conséquence, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
172 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
173 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celles-ci aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter l’ensemble des dépens afférents au présent pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Dyson Ltd et les quatorze autres parties requérantes supportent, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.