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29/02/2024 | CJUE | N°C-314/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, « Consortium Remi Group » AD contre Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite., 29/02/2024, C-314/22


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

29 février 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2 – Base d’imposition – Réduction de la base d’imposition – Non-paiement total ou partiel du prix – Délai de forclusion en vue de demander la réduction postérieure de la base d’imposition de la TVA – Date à laquelle le délai de forclusion commence à courir – Droit de l’assujetti au versement d’intérêts »
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ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduit...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

29 février 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2 – Base d’imposition – Réduction de la base d’imposition – Non-paiement total ou partiel du prix – Délai de forclusion en vue de demander la réduction postérieure de la base d’imposition de la TVA – Date à laquelle le délai de forclusion commence à courir – Droit de l’assujetti au versement d’intérêts »

Dans l’affaire C‑314/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 4 mai 2022, parvenue à la Cour le 11 mai 2022, dans la procédure

« Consortium Remi Group » AD

contre

Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. Z. Csehi (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et D. Gratsias, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme R. Stefanova-Kamisheva, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mai 2023,

considérant les observations présentées :

– pour le Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite, par Mme M. Koleva et M. S. Petkov,

– pour le gouvernement bulgare, par Mme T. Mitova, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes D. Drambozova et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte, notamment, sur l’interprétation de l’article 90 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Consortium Remi Group » AD au Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite (directeur de la direction « Recours et pratique en matière de fiscalité et de sécurité sociale » de Varna près l’Agence nationale des recettes publiques, Bulgarie) (ci-après le « Directeur ») au sujet du refus de ce dernier d’accorder à Consortium Remi Group une
régularisation du montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée par celle-ci pour des créances impayées par les débiteurs.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’acte d’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne

3 Aux termes de l’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203) :

« Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient la Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte. »

La directive TVA

4 L’article 63 de la directive TVA dispose :

« Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. »

5 L’article 73 de cette directive prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

6 L’article 90 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1.   En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

2.   En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1. »

7 Aux termes de l’article 185 de la même directive :

« 1.   La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.

2.   Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.

En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »

8 L’article 273, premier alinéa, de la directive TVA prévoit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »

Le droit bulgare

9 Aux termes de l’article 115 du zakon za danak varhu dobavenata stoynost (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, DV no 63, du 4 août 2006), entré en vigueur le 1er janvier 2007, dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « ZDDS ») :

« (1)   En cas de changement de base d’imposition ou de résiliation d’une livraison pour laquelle une facture a été émise, le fournisseur est tenu d’émettre une note relative à cette facture.

(2)   [...] La note doit être émise dans les cinq jours qui suivent l’événement visé au paragraphe 1, et lorsqu’elle concerne une livraison pour laquelle une facture a été émise, indiquant la TVA facturée sur le paiement d’un acompte, dans un délai de cinq jours à compter de la date du remboursement, de la compensation ou d’un autre règlement à titre onéreux du montant de l’acompte prévu, pour le montant remboursé, compensé ou réglé à titre onéreux d’une autre manière.

(3)   Une note de débit est émise en cas d’augmentation de la base d’imposition et une note de crédit est émise en cas de diminution de la base d’imposition ou de résiliation de l’opération.

(4)   Outre les éléments essentiels visés à l’article 114, une note relative à une facture doit obligatoirement préciser :

1. le numéro et la date de la facture pour laquelle la note est émise ;

2. le motif de l’émission de cette note ;

(5)   Une note doit être émise en deux exemplaires au moins : un pour le fournisseur et un pour le destinataire.

[...]

(7)   [...] La note concernant une facture peut ne pas contenir les éléments essentiels visés à l’article 114, paragraphe 1, points 12, 14 et 15, sauf lorsqu’elle concerne une opération dont le lieu d’exécution est [situé] sur le territoire d’un État membre, une opération intracommunautaire et une vente à distance de biens. »

10 L’article 116 du ZDDS est libellé comme suit :

« (1)   Il n’est pas permis d’apporter des rectifications et ajouts à des factures et aux notes y afférentes. Les documents établis ou rectifiés de manière erronée doivent être annulés et il convient d’en établir de nouveaux.

(2)   Sont également considérées comme des documents établis de manière erronée les factures émises et les notes y afférentes, sur lesquelles la TVA n’est pas indiquée alors qu’elle devrait l’être.

(3)   Sont également considérés comme des documents établis de manière erronée les factures émises et les notes y afférentes, sur lesquelles la TVA est indiquée alors qu’elle ne devrait pas l’être.

(4)   Lorsque des documents établis de manière erronée ou rectifiés sont pris en compte dans les registres comptables du fournisseur ou du destinataire, pour les annuler, il convient d’établir, pour chacune des parties, un procès-verbal indiquant :

1. le motif de l’annulation ;

2. le numéro et la date du document annulé ;

3. le numéro et la date d’émission du nouveau document ;

4. la signature des personnes qui ont établi le procès-verbal pour chacune des parties.

(5)   Tous les exemplaires des documents annulés sont conservés par l’émetteur et ils sont inscrits dans les comptabilités du fournisseur et du destinataire conformément au règlement d’application de la [présente] loi. »

11 L’article 128, paragraphe 1, du Danachno-osiguritelnia protsesualen kodeks (code de procédure fiscale et de cotisations sociales) (DV no 105, du 29 décembre 2005), en vigueur à compter du 1er janvier 2006), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « DOPK »), prévoit :

« Les montants indûment payés ou perçus, au titre d’impôts, de cotisations sociales obligatoires, d’amendes et sanctions pécuniaires imposées par les services des recettes, ainsi que les montants susceptibles d’être remboursés par [la Natsionalnata agentsia za prihodite (Agence nationale des recettes publiques)] en vertu de la législation fiscale ou de la législation sur la sécurité sociale, sont compensés par les services des recettes pour le remboursement des créances publiques exigibles
collectées par l’Agence nationale des recettes publiques. Il est possible d’effectuer une compensation avec une dette prescrite lorsque la créance du débiteur est devenue exigible avant que sa dette ne soit prescrite. »

12 Aux termes de l’article 129 du DOPK :

« (1)   La compensation ou le remboursement peuvent être effectués à l’initiative de l’administration fiscale ou sur demande écrite de l’intéressé. La demande de compensation ou de remboursement est examinée si elle est soumise dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle est survenu le fait générateur du remboursement, à moins que la loi n’en dispose autrement.

[...]

(3)   [...] L’avis de compensation ou de remboursement est émis dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la demande si aucun contrôle n’est ordonné avant l’expiration de ce délai. Même en cas de compensation ou de remboursement et même lorsque l’avis visé à la première phrase fait l’objet d’un recours, les dettes d’impôts ou de cotisations sociales obligatoires sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle. Si l’avis fait l’objet d’un recours contentieux, il est possible
d’émettre un avis de redressement jusqu’au moment de l’entrée en vigueur de la décision de justice.

[...]

(7)   Les avis de compensation ou de remboursement sont susceptibles de recours selon les modalités des recours contre des avis de redressement. »

13 L’article 110 du zakon za zadalzheniyata i dogovorite (loi relative aux obligations et aux contrats) (DV no 275, du 22 novembre 1950), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « ZZD »), dispose :

« L’écoulement d’une durée de prescription de cinq ans emporte l’extinction de toute créance pour laquelle la loi n’en dispose pas autrement.

[...] »

14 Aux termes de l’article 116 du ZZD :

« La prescription est interrompue :

a) lorsque le débiteur reconnaît la créance ;

b) par l’introduction d’une action, d’une opposition ou d’une demande de conciliation ; s’il n’est pas fait droit à l’action, à l’opposition ou à la demande de conciliation, la prescription est réputée ne pas avoir été interrompue ;

c) par l’adoption de mesures d’exécution forcée.

[...] »

15 L’article 117 du ZZD est libellé comme suit :

« À partir de l’interruption du délai de prescription, un nouveau délai de prescription commence à courir.

Si la créance a été constatée par une décision de justice, le nouveau délai de prescription est de cinq ans dans tous les cas.

[...] »

16 L’article 120 du ZZD prévoit :

« La prescription ne s’applique pas d’office. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 Consortium Remi Group a pour activité la construction de bâtiments et d’installations. Elle avait été immatriculée aux fins de la TVA le 16 juin1995 et a été radiée du registre de la TVA le 7 mars 2019 en raison d’un manquement systématique aux obligations prévues par le ZDDS. Par jugement du 18 septembre 2020, l’Okrazhen sad Varna (tribunal régional de Varna, Bulgarie) a déclaré Consortium Remi Group insolvable et une procédure d’insolvabilité a été ouverte.

18 Pour la période allant de l’année 2006 à l’année 2010 et pour l’année 2012, Consortium Remi Group a adressé des factures à cinq sociétés, à savoir à « Promes » OOD, à « Orkid Sofia Hills » EOOD, à « Valentin Stoyanov » EOOD, à « Sunshine Coast Investment » EOOD et à « Mosstroy-Varna » AD (ci-après les « sociétés débitrices »). Ces factures mentionnaient la TVA et, pour la plupart des périodes d’imposition, celle-ci a été acquittée. Pour autant, en raison du non-paiement de ces factures par les
sociétés débitrices, le montant total des créances de Consortium Remi Group relatives à la TVA afférentes auxdites factures s’élève à 618171,16 leva bulgares (BGN) (environ 309085 euros).

19 Par un avis de redressement fiscal du 31 janvier 2011, Consortium Remi Group s’est vu imputer, pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 juillet 2010, des dettes au titre du ZDDS, lesquelles incluaient la TVA mentionnée sur les factures adressées à Sunshine Coast Investment. Consortium Remi Group a contesté en justice cet avis, mais son recours a été rejeté par la juridiction de première instance, dont le jugement a été confirmé par un arrêt du Varhoven administrativen sad (Cour
administrative suprême, Bulgarie).

20 Par une demande du 7 février 2020, présentée en vertu de l’article 129, paragraphe 1, du DOPK (ci-après la « demande de compensation »), Consortium Remi Group a sollicité de l’administration fiscale bulgare, sur le fondement de l’article 128, paragraphe 1, du DOPK, une compensation de ses dettes en matière de TVA avec la somme de 618171,16 BGN, majorée d’intérêts de retard, qui équivalait à la TVA déclarée et acquittée au titre des factures adressées aux sociétés débitrices. En annexe de sa
demande de compensation, Consortium Remi Group a produit une « liste des montants impayés des contreparties ».

21 Cette demande a toutefois été rejetée au motif qu’elle avait été introduite après l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article 129, paragraphe 1, du DOPK. En outre, il a été considéré que Consortium Remi Group n’avait pas apporté la preuve d’un non‑paiement total ou partiel des créances relatives à la TVA facturée aux société débitrices.

22 Lors de la phase de contestation administrative de la décision ayant rejeté ladite demande, Consortium Remi Group a produit les décisions d’ouverture des procédures d’insolvabilité adoptées à l’égard des sociétés débitrices ainsi que les preuves démontrant que ces créances avaient été admises par les syndics des sociétés débitrices et qu’elles figuraient sur les registres de créances admises établis dans le cadre de ces procédures d’insolvabilité.

23 La décision de rejet de la demande de compensation a été confirmée dans son intégralité par une décision adoptée le 22 mai 2020 par le Directeur.

24 Consortium Remi Group a saisi l’Administrativen sad Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie) d’un recours dirigé contre la décision de rejet de la demande de compensation, confirmée par le Directeur, que cette juridiction a rejeté. Elle a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême), qui est la juridiction de renvoi, en faisant valoir que, conformément à l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, la base
d’imposition de la TVA devrait être réduite dans les cas où l’assujetti n’a pas reçu tout ou partie de la contrepartie due après que la livraison de biens ou la prestation de services a été effectuée, que ladite disposition a un effet direct et devrait donc être appliquée dès lorsque les dispositions nationales y sont contraires.

25 La juridiction de renvoi indique que le droit bulgare ne contient pas de dispositions permettant la réduction de la base d’imposition de la TVA en cas de non-paiement, l’article 115 du ZDDS ne prévoyant une telle réduction qu’en cas de résiliation de la livraison.

26 Еn s’appuyant sur le raisonnement de la Cour dans les arrêts du 23 novembre 2017, Di Maura (C‑246/16, EU:C:2017:887, points 21 à 27), ainsi que du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing (C‑242/18, EU:C:2019:558, points 62 et 65), la juridiction de renvoi considère que, comme Consortium Remi Group le soutient, la possibilité de rembourser la TVA en cas de non-paiement du prix ne peut être totalement exclue, et ce nonobstant la dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA. Tel
serait notamment le cas lorsque l’assujetti prouve que, compte tenu des circonstances, l’obligation de payer une facture, pesant sur le destinataire de celle-ci, risque de ne pas être exécutée.

27 Selon la juridiction de renvoi, la dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2, de cette directive n’a pas été prise en considération dans le cadre d’une réglementation spécifique en Bulgarie, tant en ce qui concerne la manière dont la base d’imposition est régularisée lorsque l’obligation de paiement d’une créance de TVA est susceptible de ne pas être exécutée que s’agissant des conditions dans lesquelles le remboursement de la TVA payée peut être demandé.

28 C’est dans ces conditions que le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) En cas de dérogation au titre de l’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA, le principe de neutralité et l’article 90 de la directive TVA s’opposent-ils à une disposition du droit national, telle que celle figurant à l’article 129, paragraphe 1, deuxième phrase, du [DOPK], qui prévoit un délai de forclusion pour l’introduction de la demande de compensation ou de remboursement de la taxe perçue par l’assujetti en cas de non-paiement total ou partiel par le destinataire de la livraison ?

2) Indépendamment de la réponse à la première question, le fait que la facture émise par l’assujetti soit rectifiée, avant l’introduction de la demande de remboursement, quant à la TVA facturée en raison du non-paiement total ou partiel du prix de la livraison par le destinataire de la facture, constitue-t-il, dans les circonstances de l’affaire au principal, une condition nécessaire pour la reconnaissance du droit à la réduction de la base d’imposition au titre de l’article 90, paragraphe 1, de
la directive TVA ?

3) En fonction des réponses aux deux premières questions, comment convient-il d’interpréter l’article 90, paragraphe 1, de la [directive TVA] lors de la détermination du moment où naît le motif de réduction de la base d’imposition, en cas de non-paiement total ou partiel du prix et en l’absence de réglementation nationale en la matière du fait de la dérogation à l’article 90, paragraphe 1 ?

4) Comment convient-il d’appliquer les motifs [des arrêts] du 23 novembre 2017, Di Maura (C‑246/16, EU:C:2017:887, points 21 à 27), [ainsi que] du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing (C‑242/18, EU:C:2019:558, points 62 et 65), compte tenu de l’absence en droit bulgare de conditions particulières pour l’application de la dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA ?

5) Le principe de neutralité et l’article 90 de la directive TVA autorisent-ils une pratique en matière de fiscalité et de sécurité sociale empêchant la régularisation de la taxe facturée en cas de non-paiement, avant que l’annulation de la taxe ne soit communiquée au destinataire du bien ou du service, si ce dernier est un assujetti, aux fins d’une régularisation de la déduction initialement opérée par le destinataire ?

6) L’interprétation de l’article 90, paragraphe 1, de la [directive TVA] permet-elle de considérer qu’un éventuel droit à la réduction de la base imposable en cas de non-paiement total ou partiel donne lieu à un droit au remboursement de la TVA payée par le fournisseur, majorée d’intérêts de retard, et à partir de quel moment ? »

Sur la compétence de la Cour

29 Selon une jurisprudence constante, la Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union uniquement pour ce qui concerne l’application de celui-ci dans un nouvel État membre à partir de la date d’adhésion de ce dernier à l’Union européenne (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C‑801/19, EU:C:2020:1049, point 16 et jurisprudence citée).

30 Il en résulte, notamment, que la Cour n’est pas compétente pour interpréter des directives de l’Union relatives à la TVA lorsque la période de recouvrement des taxes en cause est antérieure à l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union (arrêt du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing, C‑242/18, EU:C:2019:558, point 31).

31 En effet, dès lors que l’obligation de régularisation est indissociablement liée à l’exigibilité de la TVA due ou acquittée en amont et au droit à déduction qui en résulte, l’apparition, après l’adhésion d’un État membre à l’Union, des circonstances qui sont, en principe, susceptibles de fonder cette obligation ne permet pas à la Cour d’interpréter la directive TVA si la livraison des biens ou la prestation de services visées sont intervenues avant cette adhésion (arrêt du 27 juin 2018, Varna
Holideis, C‑364/17, EU:C:2018:500, point 31).

32 En l’occurrence, le litige au principal porte sur la période d’imposition à la TVA allant de l’année 2006 à l’année 2010 et sur celle afférente à l’année 2012. Partant, la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur les questions préjudicielles en ce qu’elles concernent les livraisons des biens ou les prestations de services ayant eu lieu en 2006, intervenues antérieurement à l’adhésion de la République de Bulgarie, le 1er janvier 2007, à l’Union.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première, troisième et quatrième questions

33 À titre liminaire, il convient de rappeler que, afin de répondre utilement à la juridiction de renvoi, la Cour peut être amenée à prendre en considération des dispositions du droit de l’Union auxquelles la juridiction nationale n’a pas fait référence dans l’énoncé de ses questions, en extrayant notamment de la motivation de la décision de renvoi les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 2 mars 2023, Åklagarmyndigheten, C‑666/21,
EU:C:2023:149, point 22 et jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, si, dans le libellé de ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi s’est uniquement référée au principe de neutralité fiscale, cet élément ne fait pas obstacle à la prise en compte d’autres principes généraux du droit de l’Union qui peuvent être pertinents afin de répondre à ces questions.

35 Dès lors, il convient de considérer que, par ses première, troisième et quatrième questions préjudicielles, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, compte tenu de la dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA, l’article 90, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec les principes de neutralité fiscale, de proportionnalité et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un
État membre qui prévoit un délai de forclusion pour l’introduction d’une demande de remboursement de la TVA résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA en cas de non‑paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti et, dans la négative, à partir de quelle date un tel délai doit commencer à courir, en l’absence de dispositions nationales spécifiques à cet égard.

36 Il y a lieu de rappeler que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit que, en cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. Cette disposition oblige les États membres à réduire la base d’imposition de la TVA et, partant, le montant de la TVA due par l’assujetti chaque fois que,
postérieurement à la conclusion d’une transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie n’est pas perçue par l’assujetti. Ladite disposition constitue l’expression d’un principe fondamental de la directive TVA selon lequel la base d’imposition est constituée par la contrepartie réellement reçue et dont le corollaire consiste en ce que l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti a perçu (arrêt du 11 novembre 2021, ELVOSPOL,
C‑398/20, EU:C:2021:911, points 24 et 25).

37 L’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA, quant à lui, dispose que, en cas de non-paiement total ou partiel de la contrepartie, les États membres peuvent déroger à l’obligation de réduire la base d’imposition de la TVA prévue à l’article 90, paragraphe 1, de cette directive.

38 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une disposition nationale qui, dans l’énumération des situations dans lesquelles la base d’imposition est réduite, ne vise pas celle du non‑paiement du prix de l’opération doit être regardée comme le résultat de l’exercice, par l’État membre, de la faculté de dérogation qui lui a été accordée en vertu de l’article 90, paragraphe 2, de la directive TVA (arrêt du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing, C‑242/18, EU:C:2019:558, point 60 et jurisprudence citée).

39 En l’occurrence, il ressort tant de la décision de renvoi que des observations orales du gouvernement bulgare que la législation nationale, en énumérant à l’article 115, paragraphe 1, du ZDDS, les situations dans lesquelles la base d’imposition est corrigée, ne prévoit aucune correction en cas de non-paiement du prix de l’opération soumise à la TVA.

40 Dès lors, en ce qui concerne la période en cause au principal, la République de Bulgarie doit être regardée comme ayant exercé sa faculté de dérogation à l’obligation de réduction de la base d’imposition en cas de non‑paiement, de sorte que l’assujetti ne saurait se prévaloir d’un tel droit (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing, C‑242/18, EU:C:2019:558, point 61).

41 Néanmoins, selon la jurisprudence constante de la Cour, cette faculté de dérogation, qui est strictement limitée aux cas de non-paiement total ou partiel, est fondée sur l’idée selon laquelle le non-paiement de la contrepartie peut, dans certaines circonstances et en raison de la situation juridique existant dans l’État membre concerné, être difficile à vérifier ou n’être que provisoire (arrêt du 11 novembre 2021, ELVOSPOL, C‑398/20, EU:C:2021:911, point 27 et jurisprudence citée).

42 Il s’ensuit que l’exercice d’une telle faculté de dérogation doit être justifié, afin que les mesures prises par les États membres pour sa mise en œuvre ne bouleversent pas l’objectif d’harmonisation fiscale poursuivi par la directive TVA, et qu’une telle faculté ne saurait permettre à ces derniers d’exclure purement et simplement la réduction de la base d’imposition à la TVA en cas de non-paiement (arrêt du 11 novembre 2021, ELVOSPOL, C‑398/20, EU:C:2021:911, point 28 et jurisprudence citée).

43 En effet, admettre la possibilité pour les États membres d’exclure toute réduction de la base d’imposition à la TVA en cas de non-paiement définitif irait à l’encontre du principe de neutralité de la TVA, dont il découle notamment que, en sa qualité de collecteur de taxes pour le compte de l’État, l’entrepreneur doit être entièrement soulagé du poids de la taxe due ou acquittée dans le cadre de ses activités économiques elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 11 novembre 2021, ELVOSPOL, C‑398/20,
EU:C:2021:911, point 31 et jurisprudence citée).

44 Dans ce contexte, il convient de rappeler que, d’une part, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA remplit les conditions pour produire un effet direct [arrêt du 15 octobre 2020, E. (TVA – Réduction de la base d’imposition), C‑335/19, EU:C:2020:829, point 51 et jurisprudence citée] et, d’autre part, la faculté de dérogation prévue au paragraphe 2 de cet article ne vise qu’à permettre aux États membres de combattre l’incertitude liée au recouvrement des sommes dues et ne règle pas la
question de savoir si une réduction de la base d’imposition à la TVA peut ne pas être effectuée en cas de non-paiement définitif (arrêt du 11 juin 2020, SCT, C‑146/19, EU:C:2020:464, point 24 et jurisprudence citée).

45 Au demeurant, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale aux points 41 et 56 de ses conclusions, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA peut être directement applicable lorsque l’État membre, comme en l’occurrence, n’autorise aucune réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement total ou partiel sans prendre en compte le degré d’incertitude quant au caractère définitif de celui-ci.

46 En ce qui concerne la limitation dans le temps du droit à réduction de la base d’imposition visée à l’article 90 de cette directive, il importe de relever, en premier lieu, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que la possibilité d’introduire une demande de remboursement de TVA sans une telle limitation irait à l’encontre du principe de sécurité juridique, qui exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et à ses obligations à l’égard de l’administration fiscale, ne
soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2021, FGSZ, C‑507/20, EU:C:2021:157, point 23 et jurisprudence citée).

47 Par ailleurs, la Cour a jugé, s’agissant du régime de la déduction de la TVA, dont elle a souligné qu’il devait faire l’objet d’une interprétation cohérente avec l’article 90 de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2018, T‑2, C‑396/16, EU:C:2018:109, point 35), qu’un délai de forclusion dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction de
la TVA, ne saurait être considéré comme incompatible avec le régime établi par la directive TVA pour autant, d’une part, que ce délai s’applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l’Union (principe d’équivalence), et, d’autre part, qu’il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction de la TVA (principe d’effectivité) (arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de
Reciclagens, C‑8/17, EU:C:2018:249, point 37 et jurisprudence citée).

48 Partant, s’agissant de la réglementation nationale en cause au principal qui fixe un délai de forclusion à l’expiration duquel la demande de remboursement d’une taxe est irrecevable, il suffit de relever, à l’instar de Mme l’avocate générale au point 44 de ses conclusions, que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA ne s’oppose pas à une telle limitation dans le temps du droit à réduction de la base d’imposition.

49 En second lieu, si l’existence d’un délai de forclusion dont l’expiration a pour conséquence de ne plus permettre à un créancier de demander la réduction de la base d’imposition à la TVA afférente à certaines créances ne saurait être, en soi, considérée comme incompatible avec la directive TVA, la détermination de la date à compter de laquelle ce délai commence à courir relève du droit national, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens, ordonnance du
3 mars 2021, FGSZ, C‑507/20, EU:C:2021:157, point 23 et jurisprudence citée).

50 Pour ce qui concerne, plus particulièrement, le principe d’effectivité, il peut être déduit de la jurisprudence de la Cour qu’un délai de forclusion qui aurait commencé à courir à compter de la date d’émission des factures initiales et aurait expiré, pour certaines opérations, avant l’introduction de la demande de compensation ne pourrait valablement être opposé à l’exercice du droit à réduction de la TVA si l’assujetti n’a pas fait preuve d’un manque de diligence, et en l’absence d’abus ou de
collusion frauduleuse (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2021, FGSZ, C‑507/20, EU:C:2021:157, point 25 et jurisprudence citée).

51 À cet égard, il convient de considérer, comme l’a également relevé Mme l’avocate générale au point 50 de ses conclusions, que, eu égard au principe de neutralité de la TVA, dont il découle que l’entrepreneur, qui assure le préfinancement de la TVA en la collectant pour le compte de l’État, est entièrement soulagé du poids de cette taxe dans le cadre de ses activités économiques soumises à la TVA, le point de départ du délai de forclusion pour l’exercice du droit à réduction de la base
d’imposition, au titre de l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, doit présenter un lien suffisant avec la date à partir de laquelle l’assujetti, agissant de façon diligente, peut faire usage de ce droit.

52 Au demeurant, en l’absence de dispositions nationales concernant les modalités de l’exercice du droit à réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement total ou partiel, comme dans le litige au principal, les principes de proportionnalité et de sécurité juridique exigent que le point de départ du délai de forclusion soit identifiable par l’assujetti avec une probabilité raisonnable.

53 Il importe de relever, à cet égard, que l’incertitude liée au caractère définitif du non-paiement pourrait également être prise en compte en accordant la réduction de la base d’imposition de la TVA lorsque le créancier fait état, avant l’issue de la procédure d’insolvabilité ou de liquidation de son débiteur, d’une probabilité raisonnable que la dette ne sera pas honorée, quitte à ce que cette base d’imposition soit réévaluée à la hausse dans l’hypothèse où le paiement interviendrait néanmoins.
Il incomberait ainsi aux autorités nationales de déterminer, dans le respect du principe de proportionnalité et sous le contrôle du juge, les preuves d’une probable durée prolongée du non-paiement à fournir par le créancier, en fonction des particularités du droit national applicable. Une telle modalité serait aussi efficace pour atteindre l’objectif visé tout en étant moins contraignante pour le créancier, qui assure le préfinancement de la TVA en la collectant pour le compte de l’État [arrêt du
15 octobre 2020, E. (TVA – Réduction de la base d’imposition), C‑335/19, EU:C:2020:829, point 48 et jurisprudence citée].

54 Ce constat vaut a fortiori dans le contexte de procédures d’insolvabilité ou de liquidation, dans lesquelles la certitude du caractère définitivement irrécouvrable de la créance ne peut être acquise, en principe, qu’au terme d’une longue période. Un tel délai est, en tout état de cause, de nature à faire supporter aux entrepreneurs soumis à la législation prévoyant de telles procédures, lorsqu’ils sont confrontés au non-paiement d’une facture, un désavantage de trésorerie par rapport à leurs
concurrents d’autres États membres, qui serait manifestement de nature à bouleverser l’objectif d’harmonisation fiscale poursuivi par la directive TVA [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, E. (TVA – Réduction de la base d’imposition), C‑335/19, EU:C:2020:829, point 50 et jurisprudence citée].

55 En l’occurrence, si les livraisons de biens et les prestations de services en cause au principal ont été effectuées pendant les années 2007 à 2010 et en 2012, Consortium Remi Group n’a introduit la demande de remboursement résultant de la réduction de la base d’imposition de la TVA qu’au cours de l’année 2020. Or, il ressort tant des pièces du dossier dont dispose la Cour que des réponses des parties au principal aux questions posées lors de l’audience que, parmi les sociétés débitrices, les deux
premières avaient été radiées du registre du commerce avant la date d’introduction de cette demande, respectivement en 2012 et en 2017, la troisième a été radiée de ce registre durant la procédure en cause au principal et, enfin, les deux dernières font l’objet de procédures d’insolvabilité ouvertes avant l’introduction de ladite demande.

56 Par conséquent, il incombe à la juridiction de renvoi, seule compétente pour statuer sur les faits, de déterminer la date à partir de laquelle Consortium Remi Group aurait pu, sans faire preuve d’un manque de diligence, faire valoir son droit à la réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement total ou partiel, notamment au regard d’un éventuel caractère irrécouvrable de ses créances.

57 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première, troisième et quatrième questions que l’article 90 de la directive TVA, lu en combinaison avec les principes de neutralité fiscale, de proportionnalité et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui prévoit un délai de forclusion pour l’introduction d’une demande de remboursement de la TVA résultant d’une réduction de la base d’imposition
de la TVA en cas de non‑paiement total ou partiel, dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner l’assujetti insuffisamment diligent, à la condition que ce délai ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle cet assujetti a pu, sans faire preuve d’un manque de diligence, faire valoir son droit à réduction. En l’absence de dispositions nationales concernant les modalités de l’exercice de ce droit, le point de départ d’un tel délai de forclusion doit être identifiable par l’assujetti
avec une probabilité raisonnable.

Sur les deuxième et cinquième question préjudicielles

58 Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 33 du présent arrêt, il convient de comprendre que, par ses deuxième et cinquième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 90, paragraphe 1, et l’article 273 de la directive TVA, lus conjointement avec les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, en l’absence de dispositions nationales spécifiques, à une exigence
de l’administration fiscale subordonnant la réduction de la base d’imposition de la TVA, en cas de non-paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti, à la condition que ce dernier rectifie préalablement la facture initiale et à celle qu’il communique préalablement à son débiteur son intention d’annuler la TVA, pour autant qu’il s’agisse d’un assujetti.

59 À titre liminaire, en ce qui concerne la condition qui subordonne la réduction de la base d’imposition à la TVA à la circonstance que l’assujetti ait rectifié les factures initialement émises, il importe de relever que, contrairement à l’argument avancé par le Directeur et la Commission européenne, une telle condition ne découle pas de l’article 203 de la directive TVA.

60 En effet, selon la jurisprudence de la Cour, cette disposition n’a vocation à s’appliquer que lorsque la TVA a été facturée à tort et, partant, ne couvre pas les situations dans lesquelles la taxe mentionnée sur la facture est exacte [voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2022, Finanzamt Österreich (TVA facturée par erreur à des consommateurs finals), C‑378/21, EU:C:2022:968, points 21 et 23].

61 En revanche, tant une exigence de rectification de la facture initiale que celle qui subordonne la réduction à due concurrence de la base d’imposition d’un assujetti, en cas de non-paiement, à la communication préalable par ce dernier à son débiteur, s’il est assujetti, de son intention d’annuler une partie ou la totalité de la TVA relèvent, simultanément, de l’article 90, paragraphe 1, et de l’article 273 de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kraft Foods Polska,
C‑588/10, EU:C:2012:40, point 24, et du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 35).

62 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 273 de la directive TVA, les États membres peuvent prévoir les obligations qu’ils jugent nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, à la condition, notamment, que cette faculté ne soit pas utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3 de ladite directive.

63 Étant donné que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions de l’article 90, paragraphe 1, et de l’article 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir, ces dispositions confèrent à ces derniers une marge d’appréciation, notamment, quant aux formalités à remplir par les assujettis devant les autorités fiscales, afin de procéder à une réduction de la base d’imposition (arrêt du 11 juin 2020, SCT, C‑146/19,
EU:C:2020:464, point 35 et jurisprudence citée).

64 Toutefois, les mesures que les États membres ont la faculté d’adopter en vertu de l’article 273 de la directive TVA ne peuvent en principe déroger au respect des règles relatives à la base d’imposition de la TVA que dans les limites strictement nécessaires pour atteindre cet objectif spécifique. En effet, elles doivent affecter le moins possible les objectifs et les principes de la directive TVA et ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu’elles remettraient en cause la neutralité
de la TVA, laquelle constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union en la matière (arrêt du 6 octobre 2021, Boehringer Ingelheim, C‑717/19, EU:C:2021:818, point 60 et jurisprudence citée).

65 En outre, si le remboursement de la TVA devient impossible ou excessivement difficile en fonction des conditions dans lesquelles des demandes de restitution de taxes peuvent être exercées, ledit principe de neutralité de la TVA ainsi que le principe de proportionnalité peuvent exiger que les États membres prévoient les instruments et les modalités procédurales nécessaires pour permettre à l’assujetti de récupérer la taxe indûment facturée (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2012, Kraft Foods
Polska, C‑588/10, EU:C:2012:40, point 29 et jurisprudence citée).

66 Par conséquent, les formalités à remplir par les assujettis pour exercer, devant les autorités fiscales, le droit de procéder à une réduction de la base d’imposition à la TVA doivent être limitées à celles qui permettent de justifier que, postérieurement à la conclusion de la transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie ne sera définitivement pas perçue. Il incombe, à cet égard, aux juridictions nationales de vérifier que tel est le cas des formalités exigées par l’État membre
concerné (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Boehringer Ingelheim, C‑717/19, EU:C:2021:818, point 61 et jurisprudence citée).

67 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que l’exigence consistant à subordonner la réduction de la base d’imposition, telle qu’elle résulte d’une facture initiale, à la possession, par l’assujetti, d’un accusé de réception d’une facture rectificative remis par le preneur des biens ou des services est, en principe, susceptible de contribuer tant à assurer l’exacte perception de la TVA et à éviter la fraude qu’à éliminer le risque de perte de recettes fiscales et, dès lors, poursuit les objectifs
légitimes énoncés à l’article 90, paragraphe 1, et à l’article 273 de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2012, Kraft Foods Polska, C‑588/10, EU:C:2012:40, points 32 et 33).

68 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, ce constat vaut également pour l’exigence subordonnant la réduction de la base d’imposition à la communication préalable par l’assujetti à son débiteur, s’il est assujetti, de son intention d’annuler une partie ou la totalité de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, points 35 et 36).

69 Par conséquent, les exigences consistant à subordonner la réduction de la base d’imposition à la rectification de la facture initiale par l’assujetti en raison du non-paiement total ou partiel et à la communication préalable par celui-ci à son débiteur de son intention d’annuler la taxe, de sorte que ce dernier soit informé aux fins de la régularisation de la déduction initialement opérée, telles que celles en cause au principal, ne remettent pas, en principe, en cause la neutralité de la TVA
(voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kraft Foods Polska, C‑588/10, EU:C:2012:40, point 37, et du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 39).

70 Cela étant, il n’en demeure pas moins qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si de telles exigences ne paraissent pas, en l’occurrence, excessivement contraignantes pour l’assujetti, fournisseur de biens ou de services (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 41).

71 Or, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour, qui ont été confirmés lors de l’audience, que, d’une part, la réglementation bulgare, dans sa version applicable aux faits du litige au principal, ne prévoyait pas d’exigences de régularisation de la facture initiale et d’information du débiteur de l’annulation de la taxe en cas de non-paiement.

72 D’autre part, selon ces mêmes éléments d’information, Consortium Remi Group a été radiée du registre de la TVA le 7 mars 2019, de sorte que, à la date d’introduction de la demande de compensation en cause au principal, cet assujetti ne disposait plus de la possibilité d’émettre des factures rectificatives. En effet, le Directeur a précisé à cet égard, sans être contredit sur ce point, que, selon les dispositions nationales pertinentes ratione temporis, la rectification de la TVA ne pouvait pas
être effectuée lorsque l’assujetti avait été radié dudit registre.

73 Dès lors, force est de constater que, la rectification d’une facture étant, dans la pratique de l’administration fiscale bulgare, une condition sine qua non pour obtenir une réduction de la base d’imposition, la neutralité de la TVA est affectée lorsqu’il est impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti de procéder à la rectification d’une telle facture (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Boehringer Ingelheim, C‑717/19, EU:C:2021:818, point 63).

74 Par conséquent, dans une hypothèse telle que celle du litige au principal dans laquelle l’assujetti est dans l’impossibilité d’émettre un document rectificatif à l’égard de factures dont le montant n’a pas été payé, les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité exigent que l’État membre concerné lui permette d’établir, par d’autres moyens, devant les autorités fiscales nationales, le non-paiement de ces factures, qui est à l’origine de son droit à la réduction de la base
d’imposition (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Boehringer Ingelheim, C‑717/19, EU:C:2021:818, point 65).

75 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le fait de soumettre le droit de réduction de la base d’imposition de la TVA, en l’absence des dispositions nationales pertinentes, à la condition que la facture initiale ait fait l’objet d’une rectification va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par l’article 273 de la directive TVA et consistant à éliminer le risque de perte de recettes fiscales, lorsque cette condition est devenue impossible à satisfaire.

76 Il en va de même, à plus forte raison, de l’obligation d’informer le destinataire de cette facture de l’intention de l’émetteur de celle-ci d’annuler la TVA, telle que celle visée par la cinquième question, dont il ressort du libellé même, ainsi que d’autres constatations exposées dans la demande de décision préjudicielle, qu’elle constitue une condition nécessaire, imposée par la pratique de l’administration fiscale bulgare, pour la régularisation de la TVA facturée en cas de non‑paiement total
ou partiel.

77 Cela étant, il convient d’observer que, en l’occurrence, Consortium Remi Group a été radiée du registre de la TVA en raison d’un manquement systématique à ses obligations découlant du ZDDS et que sa demande de compensation portait sur le non-paiement de factures émises plusieurs années avant sa radiation. Dès lors, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si l’impossibilité pour l’assujetti d’émettre des factures rectificatives ne lui est pas imputable.

78 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième et cinquième questions que l’article 90, paragraphe 1, et l’article 273 de la directive TVA, lus en combinaison avec les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, en l’absence de dispositions nationales spécifiques, à une exigence de l’administration fiscale subordonnant la réduction de la base d’imposition de la TVA, en cas de non-paiement total ou
partiel d’une facture émise par un assujetti, à la condition que ce dernier rectifie préalablement la facture initiale et à celle qu’il communique préalablement à son débiteur son intention d’annuler la TVA, dès lors qu’il est impossible pour cet assujetti de procéder à une telle rectification en temps utile, sans que cette impossibilité lui soit imputable.

Sur la sixième question

79 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un éventuel droit à la réduction de la base d’imposition de la TVA en cas de non-paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti donne droit au remboursement de la TVA payée par celui-ci, majorée d’intérêts de retard, et, s’il est répondu par l’affirmative, à partir de quelle date un tel droit peut-il être invoqué.

80 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, le système commun de la TVA garantit la neutralité de celle-ci et vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Il résulte également de la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt que, si les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans l’établissement des modalités visées à l’article 90 de la directive TVA, ces modalités ne
peuvent pas porter atteinte au principe de neutralité fiscale en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de la TVA.

81 En particulier, lesdites modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA, cela impliquant que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d’une manière équivalente, et que, en tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doit faire courir aucun risque financier à l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021,
technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, point 38).

82 Or, si, dans le cas où le remboursement résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA n’a pas lieu dans un délai raisonnable, l’assujetti n’avait pas droit à des intérêts de retard, sa situation s’en trouverait affectée de manière négative, en méconnaissance du principe de neutralité fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, points 39 et 41).

83 Il s’ensuit que, même si l’article 90 de la directive TVA ne prévoit pas une obligation de verser des intérêts sur le remboursement de la TVA résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA ni ne précise la date à partir de laquelle de tels intérêts seraient dus, le principe de neutralité du système fiscal de la TVA exige que les pertes financières générées à cause d’un remboursement d’un excédent de TVA effectué au-delà d’un délai raisonnable soient compensées par le paiement
d’intérêts de retard (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, points 40 et 41).

84 En effet, dans une telle situation, l’assujetti bénéficie d’un excédent de TVA qui doit lui être remboursé, mais qui est susceptible de générer des pertes financières à son égard en raison de l’indisponibilité des sommes d’argent en cause. Or, si, dans le cas où l’administration fiscale ne rembourse pas cet excédent dans un délai raisonnable, l’assujetti n’avait pas droit à des intérêts de retard, sa situation s’en trouverait affectée de manière négative, portant ainsi atteinte au principe de
neutralité fiscale (arrêt du 12 mai 2021, technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, point 42).

85 En ce qui concerne, plus particulièrement, les modalités d’application des intérêts sur le remboursement résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA, celles-ci relèvent de l’autonomie procédurale des États membres, encadrée par les principes d’équivalence et d’effectivité (voir, par analogie, arrêt du 13 octobre 2022, HUMDA, C‑397/21, EU:C:2022:790, point 45).

86 Partant, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, au regard de ces principes ainsi que de toutes les particularités du litige dont elle est saisie, si, en l’occurrence, il y a eu lieu d’effectuer un remboursement résultant d’une réduction de la base d’imposition de la TVA et, dans la mesure où elle constate que ce remboursement n’a pas eu lieu dans un délai raisonnable, le moment à partir duquel des intérêts de retard s’ajoutent au montant de ce remboursement (voir, en ce sens,
ordonnance du 5 octobre 2023, ZSE Elektrárne, C‑151/23, EU:C:2023:751, point 28).

87 En l’occurrence, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale aux points 99, 100 et 102 de ses conclusions, en l’absence de modalités précises prévues par le droit national, des intérêts sur le droit au remboursement en raison d’une réduction de la base d’imposition de la TVA ne sauraient être calculés qu’à partir de la date à laquelle l’assujetti considère que le non-paiement de la créance en cause revêt un caractère définitif, au sens de l’article 90 de la directive TVA, et fait
valoir son droit à la réduction de la base d’imposition de la TVA dans le cadre de la déclaration relative à la période d’imposition alors en cours dès lors que, avant cette date, la base juridique du versement de la TVA est constituée par l’article 63 de cette directive.

88 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la sixième question que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, lu en combinaison avec le principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’un éventuel droit à la réduction de la base d’imposition de la TVA en cas de non-paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti donne droit au remboursement de la TVA payée par celui-ci, majorée d’intérêts de retard, et que, en l’absence de modalités d’application
des intérêts éventuellement dus dans la réglementation d’un État membre, la date à partir de laquelle l’assujetti fait valoir son droit à ladite réduction dans le cadre de la déclaration relative à la période d’imposition alors en cours constitue le point de départ pour le calcul de ces intérêts.

Sur les dépens

89 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 90 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajouté, lu en combinaison avec les principes de neutralité fiscale, de proportionnalité et d’effectivité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui prévoit un délai de forclusion pour l’introduction d’une demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) résultant d’une réduction de la base d’imposition de
la TVA en cas de non-paiement total ou partiel, dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner l’assujetti insuffisamment diligent, à la condition que ce délai ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle cet assujetti a pu, sans faire preuve d’un manque de diligence, faire valoir son droit à réduction. En l’absence de dispositions nationales concernant les modalités de l’exercice de ce droit, le point de départ d’un tel délai de forclusion doit être identifiable par l’assujetti
avec une probabilité raisonnable.

  2) L’article 90, paragraphe 1, et l’article 273 de la directive 2006/112, lus en combinaison avec les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, en l’absence de dispositions nationales spécifiques, à une exigence de l’administration fiscale subordonnant la réduction de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en cas de non-paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti, à la condition que ce
dernier rectifie préalablement la facture initiale et à celle qu’il communique préalablement à son débiteur son intention d’annuler la TVA, dès lors qu’il est impossible pour cet assujetti de procéder à une telle rectification en temps utile, sans que cette impossibilité ne lui soit imputable.

  3) L’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112, lu en combinaison avec le principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’un éventuel droit à la réduction de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en cas de non-paiement total ou partiel d’une facture émise par un assujetti donne droit au remboursement de la TVA payée par celui-ci, majorée d’intérêts de retard, et que, en l’absence de modalités d’application des intérêts éventuellement dus dans la
réglementation d’un État membre, la date à partir de laquelle l’assujetti fait valoir son droit à ladite réduction dans le cadre de la déclaration relative à la période d’imposition alors en cours constitue le point de départ pour le calcul de ces intérêts.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-314/22
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Varhoven administrativen sad.

Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2 – Base d’imposition – Réduction de la base d’imposition – Non-paiement total ou partiel du prix – Délai de forclusion en vue de demander la réduction postérieure de la base d’imposition de la TVA – Date à laquelle le délai de forclusion commence à courir – Droit de l’assujetti au versement d’intérêts.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité


Parties
Demandeurs : « Consortium Remi Group » AD
Défendeurs : Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Csehi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:183

Source

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