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25/04/2024 | CJUE | N°C-684/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, S.Ö. e.a. contre Stadt Duisburg e.a., 25/04/2024, C-684/22


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

25 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Nationalité d’un État membre et d’un pays tiers – Acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Perte de plein droit de la nationalité de l’État membre et de la citoyenneté de l’Union – Possibilité de demander le maintien de la nationalité de l’État membre avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Examen individuel des conséquences de la perte de la nationalité de l’État

membre au regard du droit de l’Union – Portée »

Dans les affaires jointes C‑684/22 à C‑686/22,

ayant pour objet des ...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

25 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Nationalité d’un État membre et d’un pays tiers – Acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Perte de plein droit de la nationalité de l’État membre et de la citoyenneté de l’Union – Possibilité de demander le maintien de la nationalité de l’État membre avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Examen individuel des conséquences de la perte de la nationalité de l’État membre au regard du droit de l’Union – Portée »

Dans les affaires jointes C‑684/22 à C‑686/22,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf, Allemagne), par décisions du 3 novembre 2022, parvenues à la Cour le 8 novembre 2022, dans les procédures

S.Ö.

contre

Stadt Duisburg (C‑684/22),

et

N.Ö.,

M.Ö.

contre

Stadt Wuppertal (C‑685/22),

et

M.S.,

S.S.

contre

Stadt Krefeld (C‑686/22),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, Mme O. Spineanu-Matei, MM. J.-C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour M.S. et S.S., par Me B. Steeger, Rechtsanwältin,

– pour Stadt Krefeld, par M. S. Wolf, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement estonien, par Mme M. Kriisa, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes S. Grünheid et E. Montaguti, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 décembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décisions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 20 TFUE.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant, respectivement, S.Ö. au Stadt Duisburg (ville de Duisbourg, Allemagne), N.Ö. et M.Ö. au Stadt Wuppertal (ville de Wuppertal, Allemagne) ainsi que M.S. et S.S. au Stadt Krefeld (ville de Krefeld, Allemagne) au sujet de la perte de la nationalité allemande des demandeurs dans ces litiges.

Le cadre juridique

Le droit international

3 La convention européenne sur la nationalité, adoptée le 6 novembre 1997 dans le cadre du Conseil de l’Europe et entrée en vigueur le 1er mars 2000 (ci-après la « convention sur la nationalité »), a été ratifiée par la République fédérale d’Allemagne le 11 mai 2005.

4 Sous le titre « Perte de la nationalité de plein droit ou à l’initiative d’un État partie », l’article 7 de la convention sur la nationalité dispose :

« Un État Partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité de plein droit ou à son initiative, sauf dans les cas suivants :

a) acquisition volontaire d’une autre nationalité ;

[...]

e) absence de tout lien effectif entre l’État Partie et un ressortissant qui réside habituellement à l’étranger ;

[...] »

5 Sous le titre « Autres cas possibles de pluralité de nationalités », l’article 15, sous b), de cette convention prévoit que les dispositions de celle-ci ne limitent pas le droit de chaque État partie de déterminer dans son droit interne si l’acquisition ou la conservation de sa nationalité est subordonnée à la renonciation ou la perte d’une autre nationalité.

Le droit de l’Union

6 Aux termes de l’article 20 TFUE :

« 1.   Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2.   Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres :

a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

[...] »

Le droit allemand

7 L’article 25 du Staatsangehörigkeitsgesetz (loi sur la nationalité) dans sa version consolidée (Bundesgesetzblatt, partie III, no 102-1), tel que modifié par l’article 1er, point 7, du Gesetz zur Reform des Staatsangehörigkeitsrechts (loi réformant le droit de la nationalité), du 15 juillet 1999 (BGBl. I, p. 161) (ci-après le « StAG »), en vigueur depuis le 1er janvier 2000 et applicable aux litiges au principal, énonce :

« (1)   Un ressortissant allemand perd sa nationalité lorsqu’il acquiert une nationalité étrangère si cette acquisition a lieu à sa demande ou à la demande de son représentant légal, mais le représenté ne perd sa nationalité que si les conditions auxquelles la déchéance pourrait être demandée en vertu de l’article 19 sont remplies. La perte visée à la première phrase n’intervient pas lorsqu’un ressortissant allemand acquiert la nationalité d’un autre État membre de l’Union européenne, de la Suisse
ou d’un État avec lequel la République fédérale d’Allemagne a conclu un traité international conformément à l’article 12, paragraphe 3.

(2)   Toute personne qui, avant d’acquérir la nationalité étrangère, a obtenu à sa demande l’autorisation écrite de l’autorité compétente de conserver sa nationalité ne perd pas sa nationalité. [...] Lors de la décision sur une demande visée à la première phrase, les intérêts publics et privés doivent être mis en balance. Si le demandeur a sa résidence habituelle à l’étranger, il convient notamment de tenir compte du point de savoir s’il peut démontrer de manière crédible un maintien de liens avec
l’Allemagne. »

8 L’article 30, paragraphe 1, du StAG est ainsi libellé :

« (1)   L’existence ou l’absence de la nationalité allemande est constatée sur demande par l’autorité en matière de nationalité lorsqu’un intérêt légitime est démontré de manière crédible. La constatation est contraignante dans toutes les affaires pour lesquelles l’existence ou l’absence de la nationalité allemande est juridiquement pertinente. En présence d’un intérêt public, la constatation peut également être effectuée d’office. »

9 L’article 38 du Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet (loi relative au séjour, à l’activité professionnelle et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral), du 30 juillet 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1950), dispose :

« (1)   Il convient de délivrer à un ancien ressortissant allemand

1. un titre de résident permanent si, au moment de la perte de la nationalité allemande, il avait sa résidence habituelle sur le territoire national depuis cinq ans en tant que ressortissant allemand.

2. un permis de séjour si, au moment de la perte de la nationalité allemande, il avait sa résidence habituelle sur le territoire national depuis au moins un an.

La demande de délivrance d’un titre de séjour visée à la première phrase doit être introduite dans les six mois suivant la connaissance de la perte de la nationalité allemande.

[...]

(2)   Un permis de séjour peut être délivré à un ancien ressortissant allemand ayant sa résidence habituelle à l’étranger s’il a une connaissance suffisante de la langue allemande.

(3)   Dans certains cas particuliers, le titre de séjour visé au paragraphe 1 ou 2 peut être délivré par dérogation à l’article 5.

[...] »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Affaire C‑684/22

10 S.Ö., qui est né en Turquie au cours de l’année 1966, est entré sur le territoire allemand au cours de l’année 1990. Il est marié et père de trois enfants. Le 10 mai 1999, il a acquis la nationalité allemande par naturalisation et la nationalité turque lui a été retirée le 13 septembre 1999.

11 Le 25 mai 2018, dans le cadre d’une demande de titre de voyage pour son fils, S.Ö. a indiqué avoir acquis à nouveau la nationalité turque.

12 Les autorités allemandes ayant exprimé des doutes sérieux quant à la possession de la nationalité allemande par son fils, S.Ö. a demandé, le 25 avril 2019, à l’autorité de naturalisation territorialement compétente de lui délivrer un titre de nationalité lui permettant d’établir la preuve du maintien de sa nationalité allemande. Par la suite, S.Ö. a déménagé dans le ressort de la ville de Duisbourg.

13 Par arrêté de police administrative du 13 septembre 2019, la ville de Duisbourg a constaté, conformément à l’article 30, paragraphe 1, du StAG, que S.Ö. n’avait plus la nationalité allemande. Selon la ville de Duisbourg, la réintégration dans la nationalité turque a eu lieu après le 1er janvier 2000 et, conformément à l’article 17, paragraphe 1, point 2, et à l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, celle-ci a entraîné une perte automatique de la nationalité allemande. Il n’aurait pu
en aller autrement que si la réintégration dans la nationalité turque avait eu lieu avant le 31 décembre 1999, car l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, dans sa version en vigueur jusqu’à cette date, prévoyait que la perte de la nationalité allemande n’intervenait que pour les allemands résidant à l’étranger. Cependant, S.Ö. n’aurait pas démontré une réintégration dans la nationalité turque avant ladite date.

14 S.Ö. a introduit un recours contre cet arrêté devant le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf, Allemagne), à savoir la juridiction de renvoi.

Affaire C‑685/22

15 Les époux M.Ö. et N.Ö., de nationalité turque, nés respectivement au cours des années 1959 et 1970, sont entrés sur le territoire allemand au cours de l’année 1974. Ils ont acquis la nationalité allemande par naturalisation le 27 août 1999 et la nationalité turque leur a été retirée le 2 septembre 1999.

16 Le 1er septembre 2005, dans le cadre d’un entretien avec les autorités municipales de Wuppertal, ils ont reconnu avoir acquis à nouveau la nationalité turque le 24 novembre 2000.

17 Ils ont produit, à cet égard, une attestation du consulat général de Turquie, du 31 août 2005, mentionnant qu’ils avaient demandé, le 2 septembre 1999, leur réintégration dans la nationalité turque et avaient recouvré celle-ci par décision du conseil des ministres du 24 novembre 2000.

18 Par arrêtés de police administrative du 24 février 2021, conformément à l’article 30, paragraphe 1, du StAG, la ville de Wuppertal a constaté que M.Ö. et N.Ö. n’avaient plus la nationalité allemande. Selon l’autorité municipale, leur réintégration dans la nationalité turque, le 24 novembre 2000, a entraîné, conformément à l’article 17, paragraphe 1, point 2, et à l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, une perte automatique de la nationalité allemande. Il n’aurait pu en aller
autrement que si la réintégration dans la nationalité turque avait eu lieu avant le 31 décembre 1999, car l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, dans sa version en vigueur jusqu’à cette date, prévoyait que la perte de la nationalité allemande n’intervenait que pour les allemands résidant à l’étranger. Cependant, M.Ö. et N.Ö. n’auraient pas démontré une réintégration dans la nationalité turque avant ladite date.

19 M.Ö. et N.Ö. ont introduit un recours contre ces arrêtés devant le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf).

Affaire C‑686/22

20 Les époux M.S. et S.S., de nationalité turque, nés respectivement au cours des années 1965 et 1971, sont entrés sur le territoire allemand respectivement au cours des années 1981 et 1989. Ils ont acquis la nationalité allemande par naturalisation, le 10 juin 1999, et, par la suite, la nationalité turque leur a été retirée.

21 M.S. et S.S. ont demandé leur réintégration dans la nationalité turque après l’obtention de la nationalité allemande.

22 Le 19 décembre 2017, M.S. et S.S. ont demandé à la ville de Krefeld de faire constater qu’ils détenaient la nationalité allemande.

23 Par arrêtés de police administrative du 24 février 2021, conformément à l’article 30, paragraphe 1, du StAG, la ville de Krefeld a constaté que M.S. et S.S. n’avaient plus la nationalité allemande. Selon l’autorité municipale, leur réintégration dans la nationalité turque a eu lieu après le 1er janvier 2000 et a entraîné, conformément à l’article 17, paragraphe 1, point 2, et à l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, la perte automatique de la nationalité allemande. Il n’aurait pu
en aller autrement que si la réintégration dans la nationalité turque avait eu lieu avant le 31 décembre 1999, car l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, dans sa version en vigueur jusqu’à cette date, prévoyait que la perte de la nationalité allemande n’intervenait que pour les allemands résidant à l’étranger. Cependant, M.S. et S.S. n’auraient pas démontré une réintégration dans la nationalité turque avant ladite date.

24 M.S. et S.S. ont introduit un recours contre ces arrêtés devant le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf).

Les questions préjudicielles

25 Dans ces trois affaires jointes, la juridiction de renvoi demande, premièrement, si la perte automatique de la nationalité allemande, prévue à l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG, est conforme au droit de l’Union.

26 Elle confirme, d’emblée, que la version de l’article 25 du StAG, qui est applicable aux requérants dans les affaires au principal, est celle en vigueur à partir du 1er janvier 2000 dès lors qu’ils ont acquis à nouveau la nationalité turque après cette date, les documents présentés par certains d’entre eux pour démontrer l’inverse n’ayant aucune valeur probante. Elle indique, en outre, qu’aucune autorisation de conserver la nationalité, visée à l’article 25, paragraphe 2, première phrase, du StAG,
n’a été sollicitée par les requérants au principal avant que ceux-ci n’acquièrent, à nouveau, la nationalité turque.

27 À cet égard, selon la jurisprudence nationale, l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du StAG est conforme au droit de l’Union dans la mesure où la personne concernée peut présenter, au titre du paragraphe 2, première phrase, de cet article, une demande d’autorisation de conserver la nationalité allemande, dans le cadre de laquelle un examen individuel des conséquences de la perte de cette nationalité sur la situation de la personne concernée est explicitement prévu.

28 Cela étant, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur une telle conformité. En effet, dans l’hypothèse où aucune procédure d’autorisation de conserver la nationalité allemande, visée audit article 25, paragraphe 2, n’est entamée, il résulterait des dispositions du même article 25 que la perte de la nationalité allemande et, partant, la perte de la citoyenneté de l’Union pour les personnes qui ne possèdent pas la nationalité d’un autre État membre, intervient de manière automatique, sans
aucun examen individuel.

29 Cette juridiction indique que le droit allemand ne prévoit aucune possibilité d’examen incident des conséquences de la perte de la nationalité allemande après que cette perte a eu lieu. Dans un tel cas de figure, les personnes concernées n’auraient que la possibilité de déposer une nouvelle demande de naturalisation aux fins de l’acquisition, sans effet rétroactif, de la nationalité allemande.

30 Deuxièmement, tout en relevant que, conformément au libellé de l’article 25, paragraphe 2, du StAG, une demande d’autorisation de conserver la nationalité allemande offre une possibilité de tenir compte des exigences du droit de l’Union, la juridiction de renvoi indique que les conséquences de la perte du statut de citoyen de l’Union, en pratique, ne sont pas examinées par les autorités administratives ni par les juridictions nationales. En effet, l’autorisation de conserver la nationalité
allemande ne serait délivrée que lorsqu’il existe un intérêt particulier à l’acquisition d’une nationalité étrangère tout en conservant la nationalité allemande. Ainsi, les conséquences de la perte de la nationalité allemande, entraînant la perte du statut de citoyen de l’Union, ne seraient pas examinées au regard des droits découlant de ce statut.

31 Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer dans les trois affaires au principal et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 20 TFUE s’oppose-t-il à une disposition prévoyant que, en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité (non privilégiée) d’un État tiers, la nationalité de l’État membre et, partant, la citoyenneté de l’Union sont perdues de plein droit si un examen individuel des conséquences de la perte n’a lieu que pour autant que le ressortissant étranger concerné a présenté au préalable une demande de délivrance d’une autorisation de conserver sa nationalité et que cette demande a reçu une
réponse positive avant l’acquisition de la nationalité étrangère ?

2) Si la première question appelle une réponse négative : l’article 20 TFUE doit-il être interprété en ce sens que, dans la procédure de délivrance de l’autorisation de conserver la nationalité, on ne peut fixer aucune condition qui conduirait, en définitive, à ce qu’une appréciation de la situation individuelle de la personne concernée ainsi que de celle de sa famille au regard des conséquences de la perte du statut de citoyen de l’Union n’ait pas lieu ou soit supplantée par d’autres
exigences ? »

32 Par décision du président de la Cour du 7 décembre 2022, les affaires C‑684/22 à C‑686/22 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

33 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui prévoit que, en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité d’un pays tiers, la nationalité de cet État membre est perdue de plein droit, ce qui entraîne, pour les personnes n’ayant pas la nationalité d’un autre État membre, la perte de la citoyenneté de l’Union, à moins que ces
personnes obtiennent l’autorisation des autorités nationales compétentes, à la suite d’un examen individuel de la situation desdites personnes tenant compte d’une mise en balance des intérêts publics et privés en présence, de conserver leur nationalité avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers.

34 Selon une jurisprudence constante, si la définition des conditions d’acquisition et de perte de la nationalité relève, conformément au droit international, de la compétence de chaque État membre, le fait qu’une matière ressortit à la compétence des États membres n’empêche pas que, dans des situations relevant du droit de l’Union, les règles nationales concernées doivent respecter ce dernier [arrêts du 2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, points 39 et 41, ainsi que du 5 septembre 2023,
Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 28].

35 Or, l’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union, lequel a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres [arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31, et du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 29].

36 Partant, la situation de citoyens de l’Union qui, tels les requérants au principal, ne possèdent la nationalité que d’un seul État membre et qui, par la perte de cette nationalité, sont confrontés à la perte du statut conféré à l’article 20 TFUE ainsi que des droits qui y sont attachés relève, par sa nature et ses conséquences, du droit de l’Union. Ainsi, les États membres doivent, dans l’exercice de leur compétence en matière de nationalité, respecter le droit de l’Union et, notamment, le
principe de proportionnalité [arrêts du 2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, points 42 et 45, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 30].

37 Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé qu’il est légitime pour un État membre de vouloir protéger le rapport particulier de solidarité et de loyauté entre lui-même et ses ressortissants ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs, qui sont le fondement du lien de nationalité [arrêts du2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, point 51, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 31].

38 Dans l’exercice de la compétence qu’il détient de définir les conditions d’acquisition et de perte de sa nationalité, il est également légitime pour un État membre de considérer qu’il convient d’éviter la pluralité de nationalités [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Wiener Landesregierung (Révocation d’une assurance de naturalisation), C‑118/20, EU:C:2022:34, point 54].

39 En l’occurrence, conformément à l’article 25, paragraphe 1, du StAG, les ressortissants allemands perdent leur nationalité lorsqu’ils acquièrent volontairement la nationalité de certains pays tiers. Cette disposition précise, en outre, que la perte de la nationalité allemande n’intervient pas lorsqu’un ressortissant allemand acquiert, notamment, la nationalité d’un autre État membre. Ainsi que l’a indiqué le gouvernement allemand, cette disposition vise essentiellement à prévenir la pluralité de
nationalités.

40 La légitimité, dans son principe, de cet objectif est corroborée à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la convention sur la nationalité selon lequel un État partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité de plein droit ou à son initiative, excepté, notamment, dans le cas d’acquisition volontaire d’une autre nationalité, ainsi qu’à l’article 15, sous b), de cette convention selon lequel les dispositions de celle-ci ne limitent pas le droit de chaque État partie de
déterminer dans son droit interne si l’acquisition ou la conservation de sa nationalité est subordonnée à la renonciation ou à la perte d’une autre nationalité [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Wiener Landesregierung (Révocation d’une assurance de naturalisation), C‑118/20, EU:C:2022:34, point 55].

41 Il s’ensuit que le droit de l’Union ne s’oppose pas, par principe, à ce que, dans des situations telles que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du StAG, un État membre prévoie, pour des motifs d’intérêt général, la perte de plein droit de sa nationalité lorsque ses ressortissants acquièrent volontairement la nationalité d’un pays tiers, quand bien même cette perte entraîne, pour les personnes concernées, celle de leur statut de citoyen de l’Union.

42 Toutefois, compte tenu de l’importance que le droit primaire de l’Union attache au statut de citoyen de l’Union qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 34 du présent arrêt, constitue le statut fondamental des ressortissants des États membres, il appartient aux autorités nationales compétentes et aux juridictions nationales de vérifier si la perte de la nationalité de l’État membre concerné, lorsqu’elle entraîne la perte du statut de citoyen de l’Union et des droits qui en découlent, respecte le
principe de proportionnalité en ce qui concerne ses conséquences sur la situation de la personne concernée et, le cas échéant, sur celle des membres de sa famille, au regard du droit de l’Union [arrêts du 2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, points 55 et 56, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 38].

43 La Cour a jugé que la perte de plein droit de la nationalité d’un État membre serait incompatible avec le principe de proportionnalité si les règles nationales pertinentes ne permettaient, à aucun moment, un examen individuel des conséquences que comporte cette perte pour les personnes concernées au regard du droit de l’Union [arrêts du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 41, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité
danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 39].

44 Il s’ensuit que, dans des situations dans lesquelles la perte de la nationalité d’un État membre intervient de plein droit en cas d’acquisition volontaire de la nationalité d’un pays tiers et entraîne la perte du statut de citoyen de l’Union, les autorités et les juridictions nationales compétentes doivent être en mesure d’examiner les conséquences de cette perte de nationalité et, le cas échéant, de permettre à ces personnes de conserver leur nationalité ou de la recouvrer ex tunc [voir, en ce
sens, arrêts du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 42, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 40].

45 En l’occurrence, il ressort des demandes de décision préjudicielle que l’article 25, paragraphe 2, du StAG prévoit que toute personne qui, avant d’acquérir la nationalité d’un pays tiers, a obtenu, à sa demande, l’autorisation écrite de l’autorité compétente de conserver sa nationalité ne perd pas sa nationalité. Cette disposition ajoute que, lors de l’adoption d’une décision sur une telle demande, les intérêts publics et privés doivent être mis en balance.

46 Ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, le droit de l’Union ne s’oppose pas, par principe, à ce qu’un État membre prévoie que l’examen individuel, au regard du principe de proportionnalité, des conséquences que comporte, pour les personnes concernées, la perte de la nationalité d’un État membre au regard du droit de l’Union soit effectué dans le cadre spécifique d’une procédure d’autorisation préalable, telle que celle prévue audit article 25,
paragraphe 2.

47 Cela étant, afin d’assurer le respect des droits que les citoyens de l’Union tirent de l’article 20 TFUE, il importe que cette procédure permette effectivement que cet examen individuel de proportionnalité ait lieu conformément à ce qu’exige cet article tel qu’interprété par la Cour dans sa jurisprudence.

48 À cet égard, en premier lieu, la juridiction de renvoi indique que, dans le cadre de ladite procédure d’autorisation préalable, la pratique des autorités administratives, corroborée par la jurisprudence nationale, consiste à ne pas examiner les conséquences, au regard du droit de l’Union, de la perte de la nationalité allemande de la personne concernée, lorsque cette perte entraîne celle du statut de citoyen de l’Union. En effet, l’autorisation de conserver la nationalité allemande ne serait
délivrée que lorsqu’il existe un intérêt particulier à l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers.

49 Or, dans une situation dans laquelle les autorités compétentes n’effectuent pas cet examen de proportionnalité ou dans laquelle il ne ressort pas clairement des motifs figurant dans la décision de ces autorités, fondée sur l’article 25, paragraphe 2, du StAG, que ledit examen a eu lieu, il appartient à la juridiction nationale, éventuellement saisie, d’effectuer le même examen ou de faire en sorte que celui-ci soit réalisé par lesdites autorités [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2023,
Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 53].

50 L’examen en question doit comporter une appréciation de la situation individuelle de la personne concernée ainsi que de celle de sa famille, afin de déterminer si la perte de la nationalité allemande, lorsqu’elle emporte celle du statut de citoyen de l’Union, a des conséquences qui affecteraient de manière disproportionnée, par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur national, le développement normal de sa vie familiale et professionnelle, au regard du droit de l’Union. De telles
conséquences ne sauraient être hypothétiques ou éventuelles [arrêts du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 44, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 54].

51 Dans le cadre de cet examen de proportionnalité, il incombe, en particulier, aux autorités nationales compétentes et, le cas échéant, aux juridictions nationales de s’assurer qu’une telle perte de nationalité est conforme aux droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dont la Cour assure le respect et, tout particulièrement, au droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la Charte. Cet article
doit être lu, le cas échéant, en combinaison avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte [arrêts du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 45, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 55].

52 En second lieu, il ressort des demandes de décision préjudicielle que l’article 25, paragraphe 2, du StAG exige que la personne concernée n’ait pas acquis la nationalité d’un pays tiers avant de demander et, le cas échéant, d’obtenir, le maintien de la nationalité allemande.

53 À cet égard, la Cour a déjà jugé que les États membres peuvent exiger, au nom du principe de sécurité juridique, qu’une demande de maintien de la nationalité soit introduite devant les autorités compétentes dans les limites d’un délai raisonnable [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 43].

54 Or, à l’instar de ce qu’indique M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, l’exigence selon laquelle l’autorisation de maintien de la nationalité doit être demandée et obtenue avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers respecte les limites d’un délai raisonnable dès lors que, dans l’intérêt de la sécurité juridique que les États membres sont en droit de protéger, elle n’empêche pas, en principe, les personnes concernées d’exercer de manière effective les droits découlant de
leur statut de citoyens de l’Union, en particulier, le droit à ce que les autorités nationales compétentes effectuent un examen individuel de la proportionnalité des conséquences que comporte la perte de la nationalité au regard du droit de l’Union.

55 Il y a lieu de souligner que, lorsqu’un ressortissant allemand, n’ayant pas la nationalité d’un autre État membre, a acquis volontairement la nationalité d’un pays tiers tout en ayant omis, auparavant, de suivre la procédure visée à l’article 25, paragraphe 2, du StAG afin de demander et d’obtenir l’autorisation de conserver la nationalité allemande, il est légitime de considérer que, au jour de cette acquisition, il a fait preuve de sa volonté de ne plus être citoyen de l’Union.

56 Cependant, la Cour a déjà jugé que, au regard des graves conséquences engendrées par la perte de la nationalité d’un État membre, lorsque celle-ci entraîne la perte du statut de citoyen de l’Union, pour l’exercice effectif des droits que le citoyen de l’Union tire de l’article 20 TFUE, ne sauraient être considérées comme étant conformes au principe d’effectivité des règles ou des pratiques nationales qui sont susceptibles d’avoir pour effet d’empêcher la personne exposée à cette perte de
nationalité de demander que soit examiné le caractère proportionné des conséquences de ladite perte au regard du droit de l’Union, et ce au motif que le délai pour demander cet examen est expiré, dans une situation dans laquelle cette personne n’aurait pas été dûment informée du droit de demander un tel examen ainsi que du délai dans les limites duquel elle devait introduire une telle demande [arrêt du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise),
C‑689/21, EU:C:2023:626, point 48].

57 Ainsi, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si les requérants au principal ont été dûment informés sur la procédure prévue à l’article 25 du StAG en vigueur à partir du 1er janvier 2000, qui, selon cette juridiction, leur est applicable. À cette fin, cette juridiction devra, d’une part, prendre en compte le fait que, avant cette date, ces personnes ont dû renoncer à leur nationalité turque pour acquérir la nationalité allemande, ce qui laisse supposer qu’elles étaient informées
non seulement de la réglementation allemande qui leur était applicable avant ladite date, mais aussi, à tout le moins, du fait que cette réglementation vise à éviter la pluralité de nationalités et, en particulier, ne permet pas, en principe, le cumul de la nationalité allemande avec celle d’un pays tiers.

58 Cette juridiction devra, d’autre part, tenir compte du contexte dans lequel lesdites personnes ont demandé, puis recouvré la nationalité turque. En effet, il ressort des décisions de renvoi que les requérants au principal ont cherché à conserver tant la nationalité turque que la nationalité allemande conformément à ce que permettait la version de l’article 25 du StAG applicable jusqu’au 31 décembre 1999 pour les ressortissants allemands qui résident en Allemagne. Si, avant cette date, ils ont
renoncé à leur nationalité turque afin d’obtenir la nationalité allemande, puis ont demandé le recouvrement de leur nationalité turque, la juridiction de renvoi indique que cette dernière nationalité leur a été à nouveau octroyée après ladite date.

59 À cet égard, les requérants au principal dans l’affaire C‑686/22 indiquent dans leurs observations écrites qu’ils n’avaient aucune raison d’introduire une demande d’autorisation préalable de maintien de la nationalité allemande avant la réforme de l’article 25 du StAG et que, en tout état de cause, cette réforme n’a pas été clairement explicitée ou portée à leur connaissance.

60 Or, dans une telle situation, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, compte tenu des graves conséquences que comporte la perte de la nationalité allemande, entraînant celle du statut de citoyen de l’Union pour l’exercice effectif des droits que le citoyen de l’Union tire de l’article 20 TFUE, les requérants au principal auraient dû être mis en mesure, éventuellement dans le cadre d’un régime transitoire, d’engager, de manière effective, la procédure
d’autorisation préalable prévue à l’article 25, paragraphe 2, du StAG, en vue de conserver la nationalité allemande.

61 Afin de déterminer si les requérants au principal ont été en mesure de bénéficier effectivement de cette procédure et d’un examen individuel des conséquences de la perte de la nationalité allemande au regard du droit de l’Union, il importe que la juridiction de renvoi tienne compte également des dates auxquelles ils ont recouvré la nationalité turque. En effet, il n’est pas exclu que, dans les situations où la date de recouvrement de cette nationalité est proche du 1er janvier 2000, date d’entrée
en vigueur de la réforme de la procédure prévue à l’article 25 du StAG, ces requérants se soient trouvés dans l’impossibilité pratique de mettre en œuvre cette procédure dès lors que cette dernière exige de demander et d’obtenir l’autorisation de conserver la nationalité allemande avant d’acquérir la nationalité d’un pays tiers. Dans un tel cas, contrairement aux personnes qui ont demandé l’obtention de la nationalité d’un pays tiers après cette date, lesdits requérants n’ont pas pu demander le
maintien de la nationalité allemande, et attendre la réponse à celle-ci, avant que les autorités du pays tiers concerné accèdent à leur demande.

62 Il convient d’ajouter que, si la juridiction de renvoi conclut que les requérants au principal n’ont pas été mis en mesure d’engager, de manière effective, la procédure d’autorisation préalable de conserver la nationalité allemande prévue à l’article 25, paragraphe 2, du StAG et de bénéficier d’un examen individuel des conséquences de la perte de la nationalité allemande au regard du droit de l’Union, un tel examen doit pouvoir être effectué, de manière incidente, à l’occasion d’une demande, par
la personne concernée, d’un document de voyage ou de tout autre document attestant de sa nationalité et, plus généralement, dans le cadre d’une procédure en constatation de nationalité, les autorités compétentes devant être en mesure, le cas échéant, de faire recouvrer ex tunc la nationalité de l’État membre (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 42).

63 En l’occurrence, un tel examen incident avec possibilité de recouvrement ex tunc de la nationalité allemande doit pouvoir être effectué par la juridiction de renvoi dans les affaires au principal, qui concernent des recours contre des arrêtés de police administrative ayant constaté la perte de la nationalité des intéressés et qui ont été adoptés dans le cadre de demandes de titre de voyage ou de procédures en constatation de la nationalité.

64 Il y a lieu de préciser, à cet égard, que, la date pertinente à prendre en compte aux fins de l’examen de proportionnalité des conséquences de la perte de la nationalité allemande au regard du droit de l’Union est celle où la personne concernée a obtenu ou recouvré la nationalité d’un pays tiers, dès lors que, conformément à l’article 25, paragraphe 1, du StAG, le moment auquel cette nationalité est acquise ou recouvrée fait partie intégrante des critères légitimes que la République fédérale
d’Allemagne a déterminés, et dont dépend la perte de sa nationalité [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 56].

65 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui prévoit que, en cas d’acquisition volontaire de la nationalité d’un pays tiers, la nationalité de cet État membre est perdue de plein droit, ce qui entraîne, pour les personnes n’ayant pas la nationalité d’un autre État membre, la perte de la citoyenneté de l’Union, à moins que ces personnes obtiennent l’autorisation des autorités
nationales compétentes, à la suite d’un examen individuel de la situation desdites personnes tenant compte d’une mise en balance des intérêts publics et privés en présence, de conserver leur nationalité avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers. Toutefois, la compatibilité avec le droit de l’Union est subordonnée au fait, d’une part, que les mêmes personnes aient eu un accès effectif, dans les limites d’un délai raisonnable, à la procédure de maintien de la nationalité prévue par
cette réglementation, et aient été dûment informées de cette procédure et, d’autre part, que ladite procédure inclue un examen par les autorités compétentes de la proportionnalité des conséquences que comporte la perte de cette nationalité au regard du droit de l’Union. À défaut, ces autorités ainsi que les juridictions éventuellement saisies doivent être en mesure d’effectuer un tel examen, de manière incidente, lors d’une demande, par les personnes concernées, d’un document de voyage ou de tout
autre document attestant de leur nationalité ou, le cas échéant, lors d’une procédure de constatation de la perte de la nationalité, lesdites autorités et juridictions devant être en mesure, le cas échéant, de faire recouvrer ex tunc cette nationalité.

Sur les dépens

66 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui prévoit que, en cas d’acquisition volontaire de la nationalité d’un pays tiers, la nationalité de cet État membre est perdue de plein droit, ce qui entraîne, pour les personnes n’ayant pas la nationalité d’un autre État membre, la perte de la citoyenneté de l’Union, à moins que ces personnes obtiennent l’autorisation des autorités nationales compétentes, à la suite d’un examen
  individuel de la situation desdites personnes tenant compte d’une mise en balance des intérêts publics et privés en présence, de conserver leur nationalité avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers. Toutefois, la compatibilité avec le droit de l’Union est subordonnée au fait, d’une part, que les mêmes personnes aient eu un accès effectif, dans les limites d’un délai raisonnable, à la procédure de maintien de la nationalité prévue par cette réglementation, et aient été dûment informées
de cette procédure et, d’autre part, que ladite procédure inclue un examen par les autorités compétentes de la proportionnalité des conséquences que comporte la perte de cette nationalité au regard du droit de l’Union. À défaut, ces autorités ainsi que les juridictions éventuellement saisies doivent être en mesure d’effectuer un tel examen, de manière incidente, lors d’une demande, par les personnes concernées, d’un document de voyage ou de tout autre document attestant de leur nationalité ou, le
cas échéant, lors d’une procédure de constatation de la perte de la nationalité, lesdites autorités et juridictions devant être en mesure, le cas échéant, de faire recouvrer ex tunc cette nationalité.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-684/22
Date de la décision : 25/04/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Nationalité d’un État membre et d’un pays tiers – Acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Perte de plein droit de la nationalité de l’État membre et de la citoyenneté de l’Union – Possibilité de demander le maintien de la nationalité de l’État membre avant l’acquisition de la nationalité d’un pays tiers – Examen individuel des conséquences de la perte de la nationalité de l’État membre au regard du droit de l’Union – Portée.


Parties
Demandeurs : S.Ö. e.a.
Défendeurs : Stadt Duisburg e.a.

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:345

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