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16/07/2024 | CJUE | N°C-724/23

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, ATHINAÏKI ZYTHOPOIIA A. E. contre Anexartiti Archi Dimosion Esodon., 16/07/2024, C-724/23


 ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

16 juillet 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laissant place à aucun doute raisonnable – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Détermination du montant de l’accise prélevée sur la bière – Méthode de calcul des degrés Plato – Modification législative visant à préciser cette méthode – Directive (UE) 2020/1151 – Article 1er, point 1 – Absence d’effet

de cette directive sur les situations
antérieurement acquises »

Dans l’affaire C‑724/23,

ayant pour objet une ...

 ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

16 juillet 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laissant place à aucun doute raisonnable – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Détermination du montant de l’accise prélevée sur la bière – Méthode de calcul des degrés Plato – Modification législative visant à préciser cette méthode – Directive (UE) 2020/1151 – Article 1er, point 1 – Absence d’effet de cette directive sur les situations
antérieurement acquises »

Dans l’affaire C‑724/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (tribunal administratif de première instance de Thessalonique, Grèce), par décision du 29 septembre 2023, parvenue à la Cour le 28 novembre 2023, dans la procédure

ATHINAÏKI ZYTHOPOIIA A. E.

contre

Anexartiti Archi Dimosion Esodon,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme O. Spineanu-Matei, présidente de chambre, M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la quatrième chambre, et Mme L. S. Rossi, juge,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er de la directive (UE) 2020/1151 du Conseil, du 29 juillet 2020, modifiant la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO 2020, L 256, p. 1), dans la mesure où cette disposition a modifié l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur
l’alcool et les boissons alcooliques (JO 1992, L 316, p. 21).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ATHINAÏKI ZYTHOPOIIA A. E. (ci-après « Athinaïki Zythopoiia ») à l’Anexartiti Archi Dimosion Esodon (Autorité indépendante des recettes publiques, Grèce) (ci-après l’« AADE ») au sujet des droits d’accises prélevés, pour l’année 2019, sur une bière aromatisée produite et commercialisée par cette société.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Dans sa version initiale, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 était libellé comme suit :

« L’accise prélevée par les États membres sur la bière est déterminée par référence au nombre :

– d’hectolitres par degré Plato

ou

– d’hectolitres par titre alcoométrique acquis

de produit fini. »

4 Les considérants 2 et 3 de la directive 2020/1151 énoncent :

« (2) Afin de garantir l’application uniforme des conditions de fixation du droit d’accise sur la bière, il est nécessaire d’établir les conditions applicables à la mesure du degré Plato. Plus particulièrement, en ce qui concerne la mesure du degré Plato des bières sucrées ou aromatisées, il importe de préciser que les ingrédients de la bière qui ont été ajoutés après fermentation doivent également être pris en compte pour mesurer le degré Plato. Compte tenu des difficultés pratiques liées à
l’identification et à la mesure de l’extrait sec du moût primitif du produit fini, une telle précision est nécessaire et se justifie par la nécessité de prévoir une approche harmonisée garantissant l’application correcte et simple de ces règles par les assujettis concernés et les administrations fiscales ainsi que l’efficacité des contrôles fiscaux face aux risques de fraude, d’évasion ou d’abus.

(3) Afin d’assurer un passage sans heurt à une méthode harmonisée pour mesurer le degré Plato de la bière, il convient de permettre aux États membres qui, le 29 juillet 2020, ne prennent pas les ingrédients de la bière qui ont été ajoutés après fermentation en compte aux fins de la mesure du degré Plato de continuer à utiliser la méthode actuellement appliquée durant une période transitoire. »

5 L’article 1er, point 1, de cette directive a ajouté à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 un deuxième et un troisième alinéa libellés comme suit :

« Tous les ingrédients de la bière, y compris ceux ajoutés après l’achèvement de la fermentation, sont pris en compte aux fins de la mesure du degré Plato.

Par dérogation au deuxième alinéa, les États membres qui, le 29 juillet 2020, ne prennent pas les ingrédients de la bière qui ont été ajoutés après fermentation en compte aux fins de la mesure du degré Plato peuvent continuer à le faire jusqu’au 31 décembre 2030. »

6 En vertu de l’article 2 de la directive 2020/1151, les États membres étaient tenus d’adopter et de publier, au plus tard le 31 décembre 2021, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive et devaient appliquer ces dispositions à partir du 1er janvier 2022.

7 Conformément à l’article 3 de la directive 2020/1151, celle-ci est entrée en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Le droit grec

8 À la date des faits au principal, la directive 92/83 était transposée en droit grec par la Nomos 2960/2001 « Ethnikos Teloneiakos Kodikas » (loi 2960/2001 « code national des douanes », FEK A’ 265/22.11.2001), dans sa version issue de l’article 1er, paragraphe 1, de la Nomos 3336/2005 (loi 3336/2005, FEK A’ 96/20.04.2005) (ci-après le « code national des douanes »).

9 Conformément à l’article 86 du code national des douanes, la notion de « bière » couvre deux types de produits d’un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol., à savoir, d’une part, les boissons alcooliques qui relèvent de la position 2203 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement
d’exécution (UE) no 2015/1754 de la Commission, du 6 octobre 2015 (JO 2015, L 285, p. 1) (ci-après la « NC »), et, d’autre part, les mélanges de bière et de boissons non alcoolisées qui relèvent de la position 2206 de la NC.

10 L’article 87 du code national des douanes dispose, à son paragraphe 1, point a), que le montant de l’accise sur ces produits est déterminé par référence au nombre d’hectolitres par degré Plato volumique et habilite, à son paragraphe 1, point c), le pouvoir exécutif à fixer la méthode de calcul des degrés Plato.

11 Sur la base de cette compétence déléguée, le ministre des Finances a arrêté la apofasi 3006674/1102/0029/2010 « Tropos ypologismou vathmon PLATO sti byra » (décision no 3006674/1102/0029/2010 « modalités de calcul des degrés Plato dans la bière », FEK B’ 528/27.04.2010) (ci-après la « décision du ministre des Finances »).

12 Selon l’annexe I de la décision du ministre des Finances, aux fins de ce calcul, les degrés Plato sont la valeur exprimant la masse, en grammes (g), de l’extrait (sec) de malt ou d’autres matières premières amylacées ou sucrées contenu dans 100 cm3 (ml) ou dans 100 g du moût à partir duquel la bière est fabriquée, avant le début de la fermentation.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Athinaïki Zythopoiia produit une bière aromatisée portant le nom commercial Amstel Radler. Ce produit consiste en un mélange de bière et de substances non alcooliques, à savoir du jus de citron, du jus d’orange et du sirop de sucre. L’adjonction de ces substances a lieu après l’achèvement de la fermentation alcoolique et n’engendre pas de nouveau processus de fermentation.

14 Athinaïki Zythopoiia a introduit, entre le mois de février 2019 et le mois de janvier 2020, douze déclarations fiscales relatives à l’accise et à d’autres taxes dues au titre des ventes dudit produit au cours de l’année 2019.

15 À la suite de ces déclarations, elle a acquitté, à raison de ces ventes, des droits d’accises pour un montant de 1087279,10 euros et d’autres taxes pour un montant de 44534,96 euros. Ces montants ont été fixés sur la base d’une analyse, dans un laboratoire de l’État, d’échantillons de la bière aromatisée en cause au principal après fermentation et adjonction de substances non alcooliques. Selon cette analyse, le nombre de degrés Plato de ce produit était de 10,07. Ce chiffre a été arrondi à 10.

16 Étant d’avis que les degrés Plato auraient dû être mesurés en fonction non pas de l’ensemble des substances présentes dans cette bière aromatisée, mais de la masse de l’extrait sec du moût primitif avant la fermentation, Athinaïki Zythopoiia a introduit, le 10 avril 2020, une demande visant le remboursement de la moitié des droits d’accises et autres taxes acquittés. En effet, selon cette société, un calcul correct mènerait, pour ladite bière aromatisée, à un nombre de degrés Plato de 5.

17 À l’appui de cette demande de remboursement partiel, Athinaïki Zythopoiia s’est notamment fondée sur l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325), dans lequel la Cour a jugé que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer la base d’imposition des bières aromatisées selon l’échelle de Plato, il y a lieu de prendre en compte l’extrait sec du moût primitif sans tenir compte des arômes et du sirop de sucre ajoutés après
l’achèvement de la fermentation.

18 La demande de remboursement partiel d’Athinaïki Zythopoiia ayant fait l’objet d’un rejet implicite par les autorités fiscales grecques, cette société a introduit un recours contre l’AADE devant le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (tribunal administratif de première instance de Thessalonique, Grèce), qui est la juridiction de renvoi.

19 Devant cette juridiction, l’AADE observe que, en 2014, Athinaïki Zythopoiia a été informée que les autorités fiscales interprétaient la réglementation grecque, dont la décision du ministre des Finances, en ce sens qu’il faut, dans le cas des bières aromatisées, qui relèvent de la position 2206 de la NC, calculer les degrés Plato en tenant compte de l’ensemble des ingrédients du produit fini, et non uniquement de la bière traditionnelle, relevant de la position 2203 de la NC, qui est intégrée dans
le produit fini en tant qu’ingrédient.

20 Dans la mesure où Athinaïki Zythopoiia se réfère à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 fournie par la Cour dans l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325), l’AADE estime qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de cette interprétation, dès lors qu’il résulte de la précision apportée par la directive 2020/1151 que la méthode de calcul qui s’impose est non pas celle mentionnée par la Cour, mais celle consistant à tenir compte de l’ensemble des
ingrédients du produit fini.

21 La juridiction de renvoi constate que les faits du litige au principal sont antérieurs à l’entrée en vigueur, voire à l’adoption, de la directive 2020/1151. Elle en déduit que la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, introduite par la directive 2020/1151, n’est pas applicable.

22 Cela étant, cette juridiction se demande si la précision apportée en 2020, à l’issue d’une procédure législative entamée en 2016, selon laquelle les degrés Plato doivent être calculés en tenant compte de l’ensemble des ingrédients du produit fini, en ce compris ceux ajoutés après la fermentation, a un caractère purement interprétatif et devrait, à ce titre, être prise en compte dans les affaires, telles que celle au principal, qui portent sur des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la
directive 2020/1151.

23 Ladite juridiction n’exclut pas non plus que la précision apportée par la directive 2020/1151 constitue un « élément nouveau », susceptible d’amener la Cour à revenir sur l’interprétation qu’elle a fournie dans l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325).

24 Dans ces conditions, le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (tribunal administratif de première instance de Thessalonique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 1er de la directive [2020/1151] – qui a ajouté à l’article 3, paragraphe 1, [de la directive 92/83] l’alinéa suivant : “Tous les ingrédients de la bière, y compris ceux ajoutés après l’achèvement de la fermentation, sont pris en compte aux fins de la mesure du degré Plato” – peut-il être considéré comme une disposition purement interprétative, qui reflète le sens véritable de la notion du “degré Plato” et de sa méthode de calcul ?

2) En cas de réponse affirmative à la question précédente, lorsque, avant l’adoption de la directive [2020/1151] et avant l’expiration au 31 décembre 2021 du délai de transposition de cette directive dans le droit national, un État membre, qui calculait aux fins de détermination de l’accise les degrés Plato du “produit fini” en prenant en compte tous les ingrédients de la bière (y compris ceux ajoutés après l’achèvement de la fermentation), est saisi d’une demande de remboursement de droits
d’accises indûment payés, l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325), qui a donné une interprétation diamétralement opposée à la disposition de l’article 3, paragraphe 1, de la directive [92/83], a-t-il valeur contraignante ?

3) En cas de réponse négative à la première question, l’adoption, sur la base du raisonnement susmentionné, de l’article 1er de la directive [2020/1151] peut-elle, en tout état de cause, être considérée comme un élément nouveau justifiant (ou imposant) que la Cour de justice de l’Union européenne revienne sur l’interprétation dont l’article 3, paragraphe 1, de la directive [92/83] a fait l’objet depuis son entrée en vigueur (voir ordonnance du 5 mars 1986, Wünsche, 69/85, EU:C:1986:104,
point 15 ; arrêt du 11 juin 1987, X, 14/86, EU:C:1987:275, point 12 ; arrêt du 6 mars 2003, Kaba, C‑466/00, EU:C:2003:127, point 39, et ordonnance du 30 juin 2016, Sokoll-Seebacher et Naderhirn, C‑634/15, EU:C:2016:510, point 19) ? Si tel est le cas, l’interprétation de cette disposition par la Cour, pour ce qui concerne le mode de calcul des degrés Plato aux fins de la détermination de l’accise due, serait-elle différente de celle retenue dans son arrêt précité du 17 mai 2018, Kompania
Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325) ? »

Sur les questions préjudicielles

25 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à cette question ne laisse place à aucun doute raisonnable.

26 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

Sur la première question

27 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151 constitue une disposition purement interprétative, c’est-à-dire une disposition qui ne modifie pas le contenu du droit applicable, mais se limite à clarifier la manière dont ce droit doit être compris.

28 Il y a lieu de considérer que la réponse à cette question ne laisse place à aucun doute raisonnable.

29 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des considérants 2 et 3 de la directive 2020/1151 que la précision introduite par l’article 1er, point 1, de cette directive vise à assurer une méthode de calcul uniforme des « degrés Plato ».

30 Or, cette précision diverge de l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 fournie par la Cour dans l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325).

31 Aux points 26 à 28 de cet arrêt, la Cour s’était, en l’absence de définition dans la réglementation de l’Union de la notion de « degrés Plato » ou de la méthode de calcul de ces degrés, fondée sur le sens habituel de cette notion dans le domaine brassicole.

32 Dans ces points dudit arrêt, la Cour a exposé que, dans ce domaine, l’échelle de Plato vise à calculer le pourcentage d’extrait sec dans la masse du moût primitif, un degré Plato équivalant à 1 g d’extrait sec par 100 g de moût primitif. Le moût primitif désigne, jusqu’au moment où débute le processus de fermentation, le mélange composé d’eau et des autres ingrédients de la bière préparés pour la fermentation, tels que le malt d’orge et le houblon. L’extrait sec de ce moût primitif consiste en
l’ensemble des ingrédients dudit moût autres que l’eau, avant la fermentation. Partant, étant donné la notion de « degrés Plato » telle qu’elle est comprise dans le domaine brassicole, les degrés Plato doivent être calculés sans prendre en compte les arômes et le sirop de sucre ajoutés après le processus de fermentation.

33 Aux points 31 à 42 du même arrêt, la Cour a exposé que cette méthode de calcul des degrés Plato est corroborée tant par le contexte que par la finalité de la directive 92/83, celle-ci visant à imposer un niveau d’accises plus élevé à mesure que la teneur en alcool augmente. Eu égard à cette finalité, les substances non alcoolisées restent neutres dans le calcul des degrés Plato et, ainsi, dans le calcul des accises.

34 En fournissant, à titre préjudiciel, cette interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, la Cour a assuré à cette disposition un effet uniforme dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

35 En ajoutant à ladite disposition un nouvel alinéa qui impose une application uniforme différente de celle qui découlait de l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325), le législateur de l’Union a, pour ce qui concerne la méthode de calcul des degrés Plato, modifié l’état du droit de l’Union. Par conséquent, l’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151 doit être considéré comme opérant une modification du droit applicable et non comme une disposition qui se limite à
clarifier la manière dont ce droit doit être compris.

36 Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151 doit être interprété en ce sens qu’il ne constitue pas une disposition purement interprétative.

Sur la deuxième question

37 Compte tenu de la réponse négative apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

38 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151 constitue un élément nouveau justifiant ou imposant que la Cour revienne sur l’interprétation qu’elle a fournie de la version antérieure de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, qui est applicable dans l’affaire au principal.

39 La réponse à cette question peut être clairement déduite de la jurisprudence.

40 En effet, il est de jurisprudence constante qu’une règle de droit nouvelle s’applique à compter de l’entrée en vigueur de l’acte qui l’instaure et ne s’applique donc pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises antérieurement à cette entrée en vigueur. Elle s’applique aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Il n’en va autrement, et sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, que
si la règle nouvelle est accompagnée des dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps (arrêt du 14 mai 2020, Azienda Municipale Ambiente, C‑15/19, EU:C:2020:371, point 57 et jurisprudence citée).

41 Il peut également en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêt du 25 janvier 2022, VYSOČINA WIND, C‑181/20, EU:C:2022:51, point 49 et jurisprudence citée).

42 En l’occurrence, ni la directive 2020/1151 ni la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 qui en est issue ne comporte des dispositions permettant d’appliquer cette nouvelle version à une situation juridique antérieurement née et définitivement acquise, comme celle du prélèvement d’accises pour l’année 2019.

43 Il résulte, au contraire, de l’article 2 de la directive 2020/1151 que les États membres disposaient d’un délai de transposition, qui expirait à une date postérieure à celle de l’entrée en vigueur de cette directive, pour se conformer aux modifications apportées par celle-ci. En outre, il ressort du troisième alinéa de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, dans sa version issue de la directive 2020/1151, que la méthode de calcul des degrés Plato, telle que précisée au deuxième alinéa
de cet article 3, paragraphe 1, ne sera contraignante qu’à partir du 1er janvier 2031 pour les États membres qui se fondaient, à la date d’adoption de la directive 2020/1151, sur une autre méthode.

44 Il s’ensuit que la directive 2020/1151 ne peut être interprétée en ce sens qu’elle permet d’appliquer le deuxième alinéa ajouté par l’article 1er, point 1, de cette directive à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 à une situation juridique, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui est née et définitivement acquise avant la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2020/1151.

45 Ainsi, l’interprétation contenue dans l’arrêt du 17 mai 2018, Kompania Piwowarska (C‑30/17, EU:C:2018:325), au sujet de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, dans sa version applicable à l’affaire au principal, lie les autorités fiscales grecques et la juridiction de renvoi.

46 Partant, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151 doit être interprété en ce sens qu’il ne constitue pas un élément nouveau justifiant ou imposant que la Cour revienne sur l’interprétation qu’elle a fournie de la version de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, antérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2020/1151.

Sur les dépens

47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, point 1, de la directive (UE) 2020/1151 du Conseil, du 29 juillet 2020, modifiant la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques,

doit être interprété en ce sens que :

il ne constitue pas une disposition purement interprétative.

  2) L’article 1er, point 1, de la directive 2020/1151

doit être interprété en ce sens que :

il ne constitue pas un élément nouveau justifiant ou imposant que la Cour de justice de l’Union européenne revienne sur l’interprétation qu’elle a fournie de la version de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, antérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2020/1151.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le grec.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-724/23
Date de la décision : 16/07/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laissant place à aucun doute raisonnable – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Détermination du montant de l’accise prélevée sur la bière – Méthode de calcul des degrés Plato – Modification législative visant à préciser cette méthode – Directive (UE) 2020/1151 – Article 1er, point 1 – Absence d’effet de cette directive sur les situations antérieurement acquises.


Parties
Demandeurs : ATHINAÏKI ZYTHOPOIIA A. E.
Défendeurs : Anexartiti Archi Dimosion Esodon.

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:670

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