ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
5 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière d’un État membre – Versement à la Commission européenne des montants correspondant à une perte de ressources propres – Recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union – Obligations des États membres en matière de ressources propres – Constatation des montants de ressources propres – Inscription des montants non recouvrés dans la comptabilité B – Délais – Dispense de mise à disposition des montants
correspondant aux droits constatés déclarés irrécouvrables – Conditions »
Dans l’affaire C‑494/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 juillet 2022,
Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne, T. Materne et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
République tchèque, représentée par Mme L. Březinová, MM. O. Serdula, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,
partie demanderesse en première instance,
soutenue par :
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman, A. Hanje et M. J. Langer, en qualité d’agents,
partie intervenante au pourvoi,
Royaume de Belgique, représenté initialement par MM. S. Baeyens et J.-C. Halleux, puis par MM. S. Baeyens, P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, Mme A. Kramarczyk-Szaładzińska et M. R. Stańczyk, en qualité d’agents,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 janvier 2024,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 21 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 mai 2022, République tchèque/Commission (T‑151/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:281), par lequel celui-ci a partiellement accueilli le recours de la République tchèque fondé sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la restitution de la somme de 40482255 couronnes tchèques (CZK) (environ 1,6 million d’euros) versée au titre des ressources propres de l’Union
européenne.
Le cadre juridique
Le code des douanes
2 L’article 217, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), applicable à la date des faits à l’origine du litige, prévoyait :
« Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé “montant de droits”, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte). »
3 L’article 218 du code des douanes énonçait :
« 1. Lorsqu’une dette douanière naît de l’acceptation de la déclaration d’une marchandise pour un régime douanier autre que l’admission temporaire en exonération partielle des droits à l’importation ou de tout autre acte ayant les mêmes effets juridiques que cette acceptation, la prise en compte du montant correspondant à cette dette douanière doit avoir lieu dès que ce montant a été calculé et, au plus tard, le deuxième jour suivant celui au cours duquel la mainlevée de la marchandise a été
donnée.
[...]
3. En cas de naissance d’une dette douanière dans des conditions autres que celles visées au paragraphe 1, la prise en compte du montant des droits correspondants doit intervenir dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières sont en mesure de :
a) calculer le montant des droits en cause
et
b) déterminer le débiteur. »
Le règlement (CE) no 515/97
4 L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1), dispose :
« La Commission communique aux autorités compétentes de chaque État membre, dès qu’elle en dispose, toutes informations de nature à leur permettre d’assurer le respect des réglementations douanière et agricole. »
5 L’article 20 de ce règlement énonce :
« 1. En vue d’atteindre les objectifs du présent règlement, la Commission peut, dans les conditions prévues à l’article 19, procéder à des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives dans des pays tiers en coordination et en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres.
2. Les missions communautaires dans des pays tiers visées au paragraphe 1 s’effectuent dans les conditions suivantes :
a) la mission peut être entreprise à l’initiative de la Commission, le cas échéant sur la base d’éléments d’information fournis par le Parlement européen, ou à la demande d’un ou de plusieurs États membres ;
b) participent aux missions, des agents de la Commission désignés à cet effet et des agents désignés à cet effet par le ou les États membres concernés ;
[...]
3. La Commission informe les États membres et le Parlement européen des résultats des missions effectuées en application du présent article. »
6 L’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement prévoit :
« Les renseignements communiqués, sous quelque forme que ce soit, en application du présent règlement ont un caractère confidentiel, y compris les données stockées dans le [système d’information douanier]. Ils sont couverts par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée par la loi nationale de l’État membre qui les a reçus pour les renseignements de même nature, ainsi que par les dispositions correspondantes s’appliquant aux instances communautaires. »
Le règlement (CE) no 1073/1999
7 Aux termes des considérants 1, 3 et 16 du règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 1), applicable à la date des faits à l’origine du litige :
« (1) [C]onsidérant que les institutions et les États membres attachent une grande importance à la protection des intérêts financiers des Communautés et à la lutte contre la fraude et toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers communautaires ; [...]
[...]
(3) considérant qu’il est nécessaire de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour réaliser ces objectifs, notamment sous l’angle de la mission d’enquête dévolue au niveau communautaire, tout en conservant la répartition et l’équilibre actuels des responsabilités entre le niveau national et le niveau communautaire ;
[...]
(16) considérant que, pour assurer la prise en compte des résultats des enquêtes effectuées par les agents de l’Office [européen de lutte antifraude (OLAF)] et pour assurer le suivi nécessaire, il importe de prévoir que les rapports puissent constituer des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires ; que, à cette fin, ils doivent être établis en tenant compte des conditions d’élaboration des rapports administratifs nationaux [...] ».
8 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de ce règlement disposait :
« 1. En vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne, l’[OLAF] exerce les compétences d’enquête conférées à la Commission par la réglementation communautaire et les accords en vigueur dans ces domaines.
2. L’[OLAF] apporte le concours de la Commission aux États membres pour organiser une collaboration étroite et régulière entre leurs autorités compétentes, afin de coordonner leur action visant à protéger contre la fraude les intérêts financiers de la Communauté européenne. L’[OLAF] contribue à la conception et au développement des méthodes de lutte contre la fraude, ainsi que contre toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne. »
9 L’article 9 dudit règlement, intitulé « Rapport d’enquête et suites des enquêtes », disposait, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. À l’issue d’une enquête effectuée par l’[OLAF], celui-ci établit sous l’autorité du directeur un rapport qui comporte notamment les faits constatés, le cas échéant le préjudice financier et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur de l’[OLAF] sur les suites qu’il convient de donner.
2. Ces rapports sont établis en tenant compte des exigences de procédure prévues par la loi nationale de l’État membre concerné. Les rapports ainsi dressés constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Ils sont soumis aux mêmes règles d’appréciation que celles
applicables aux rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux et ont une valeur identique à ceux-ci.
3. Le rapport établi à la suite d’une enquête externe et tout document utile y afférent sont transmis aux autorités compétentes des États membres concernés conformément à la réglementation relative aux enquêtes externes. »
10 L’article 10 du même règlement, relatif à la transmission des informations par l’OLAF, énonçait, à son paragraphe 1 :
« Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement et des dispositions du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 [du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2)], l’[OLAF] peut transmettre à tout moment aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours
d’enquêtes externes. »
Les décisions 2000/597/CE, Euratom et 2007/436/CE, Euratom
11 S’agissant de la période concernée par les faits à l’origine du litige, deux décisions relatives au système des ressources propres de l’Union se sont appliquées successivement, à savoir la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 253, p. 42), puis, à compter du 1er janvier 2007, la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des
Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17).
12 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2000/597, dont le contenu a été repris, en substance, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union les recettes provenant, notamment, « des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions [de l’Union] sur les échanges avec les pays non membres ».
13 L’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la décision 2000/597 et l’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la décision 2007/436 prévoient, d’une part, que ces ressources propres de l’Union sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union, et, d’autre part, que les États membres mettent lesdites ressources
à la disposition de la Commission.
Le règlement no 1150/2000
14 Le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436 (JO 2000, L 130, p. 1), est le résultat de deux modifications introduites, au cours de la période concernée par les faits à l’origine du litige, respectivement, avec effet au28 novembre 2004, par le règlement (CE, Euratom) no 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1), et, avec effet au 1er janvier 2007, par le règlement (CE, Euratom) no 105/2009 du Conseil, du
26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1) (ci-après le « règlement no 1150/2000 »).
15 L’article 2 du règlement no 1150/2000 énonçait, à son paragraphe 1, qu’un droit de l’Union sur les ressources propres « est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable ». Cet article 2 précisait, à son paragraphe 2, premier alinéa, que « [l]a date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation
douanière ». Enfin, ledit article 2 indiquait, à son paragraphe 3, premier alinéa, que, « [d]ans les cas de contentieux, les autorités administratives compétentes sont réputées pouvoir calculer, aux fins de la constatation visée au paragraphe 1, le montant du droit dû au plus tard à l’occasion de la première décision administrative qui communique la dette au redevable, ou à l’occasion de la saisine de l’autorité judiciaire, si cette saisine intervient en premier lieu ».
16 L’article 6, paragraphes 1 et 3, de ce règlement prévoyait :
« 1. Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.
[...]
3.
a) Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité [couramment désignée comme la “comptabilité A”] au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.
b) Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée [couramment désignée comme la “comptabilité B”]. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends
survenus.
[...] »
17 L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement disposait :
« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. »
18 L’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1150/2000 fixait, notamment, le délai d’inscription des ressources propres au crédit du compte visé à l’article 9 de ce dernier, tandis que l’article 11 de ce règlement disposait que tout retard dans cette inscription donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.
19 L’article 17, paragraphes 1 et 2, dudit règlement prévoyait :
« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.
2. Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :
a) soit pour des raisons de force majeure ;
b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.
Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.
Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.
En cas de paiement échelonné, la période de cinq ans au maximum court à compter du dernier paiement effectif dans la mesure où celui-ci ne solde pas la dette.
Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, point b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, point b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article. »
Les antécédents du litige
20 Les antécédents du litige sont présentés aux points 1 à 15 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour autant qu’ils concernent le présent pourvoi, être résumés de la manière suivante.
21 Entre le 2 et le 26 novembre 2007, l’OLAF a effectué une mission communautaire de coopération et d’enquête administratives au Laos, à laquelle a participé une représentante des autorités douanières tchèques (ci-après la « mission d’inspection »). L’enquête portait sur des vérifications concernant l’importation, dans différents États membres, de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables (ci-après les « briquets de poche »), en provenance du Laos, au cours de la période comprise entre
l’année 2004 et l’année 2007. Un document intitulé « agreed joint minutes » a été établi le 15 novembre 2007, lequel a été signé par l’ensemble des membres de la mission ainsi que par les autorités laotiennes compétentes (ci-après le « procès-verbal du 15 novembre 2007 »).
22 Le 30 mai 2008, à la suite de la mission d’inspection, l’OLAF a adopté un rapport de fin de mission (ci-après le « rapport de l’OLAF »). Ce rapport a été transmis à la République tchèque, dans ses versions en langues allemande, anglaise et française, le 9 juillet 2008. Le rapport final d’enquête a été adopté par l’OLAF le 10 décembre 2008.
23 Il ressort des conclusions du rapport de l’OLAF que, durant la période couverte par celui-ci, Baide lighter Industry (LAO) Co., Ltd. (ci-après « BAIDE ») a importé des briquets de poche originaires de Chine, mais présentés en douane comme provenant du Laos, échappant ainsi au droit antidumping de l’Union applicable aux briquets de poche d’origine chinoise.
24 Le rapport de l’OLAF indiquait à cet égard que « les éléments de preuve de l’origine chinoise établis au cours de la mission d’inspection [suffisent] pour que les États membres ouvrent une procédure administrative de redressement fiscal ». Selon ce rapport, il était nécessaire que « les États membres réalisent des audits de suivi et, le cas échéant, des enquêtes sur les importateurs concernés et qu’ils ouvrent, d’urgence, une procédure de recouvrement, si cela n’a pas été déjà fait ».
25 Les conclusions du rapport de l’OLAF portaient notamment sur 28 cas d’importations par BAIDE de briquets de poche en République tchèque réalisées et mises en libre pratique entre le 26 septembre 2005 et le 1er mars 2007 (ci-après les « importations litigieuses »).
26 Les bureaux de douane tchèques compétents ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces cas. Cependant, il n’a pas été possible, dans la totalité desdits cas, d’effectuer le redressement et de recouvrer l’ensemble des droits constatés.
27 Entre le 22 septembre 2008 et le 18 février 2009, les sommes correspondant aux droits constatés, mais non encore recouvrés, pour les importations litigieuses ont été inscrites dans la comptabilité B.
28 Puis, entre le mois de novembre 2013 et le mois de novembre 2014, la République tchèque a, conformément à la réglementation applicable, consigné, dans le système d’information WOMIS (Write-Off Management and Information System), les cas d’impossibilité de recouvrement du montant des ressources propres de l’Union.
29 La République tchèque a, par ailleurs, demandé à la Commission à être dispensée de l’obligation de mettre à disposition de celle-ci les ressources propres de l’Union mentionnées au point précédent.
30 Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission a informé la République tchèque, en réponse à cette demande, que les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 n’étaient réunies dans aucun des cas en cause. Elle a, par conséquent, invité les autorités tchèques à adopter les mesures nécessaires pour que son compte soit crédité du montant de 53976340 CZK (environ 2,1 millions d’euros), au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois
suivant le mois durant lequel cette lettre a été envoyée.
31 Le 17 mars 2015, la République tchèque a procédé au versement de 75 % de ce montant sur le compte de la Commission prévu à cet effet, après déduction des frais de perception, représentant 25 % dudit montant, soit une somme de 40482255 CZK (environ 1,6 million d’euros). Préalablement, par lettre du 27 février 2015, la République tchèque avait émis des réserves en indiquant à la Commission qu’il s’agissait d’un versement conditionnel, sous réserve du bien-fondé des prétentions de cette institution,
afin d’éviter d’être soumise au paiement des intérêts prévus à l’article 11 du règlement no 1150/2000.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2020, la République tchèque a introduit un recours fondé sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la restitution de la somme de 40482255 CZK (environ 1,6 million d’euros) en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union.
33 Par des décisions du 16 septembre 2020, la présidente de la sixième chambre du Tribunal a admis le Royaume de Belgique et la République de Pologne à intervenir au soutien des conclusions de la République tchèque.
34 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait partiellement droit aux prétentions de la République tchèque. Il a accueilli le recours pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission de la somme de 17828399,66 CZK (environ 700000 euros) versée au titre des ressources propres de l’Union (point 1 du dispositif) et a rejeté ce recours pour le surplus (point 2 du dispositif).
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
35 Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :
– d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué ;
– de rejeter le recours de la République tchèque dans l’affaire T‑151/20 ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les parties des moyens qui n’ont pas encore été examinées, et
– dans l’hypothèse où la Cour jugerait définitivement le litige, de condamner la République tchèque aux dépens exposés par la Commission en première instance et en pourvoi ou, dans l’hypothèse où l’affaire serait renvoyée devant le Tribunal, de réserver la décision sur les dépens.
36 La République tchèque demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé et
– de condamner la Commission aux dépens.
37 Le Royaume de Belgique et la République de Pologne demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.
38 Par acte déposé au greffe de la Cour le 11 janvier 2023, le Royaume des Pays-Bas a demandé à intervenir dans le cadre du présent pourvoi au soutien des conclusions de la République tchèque. Par décision du 13 février 2023, le président de la Cour a fait droit à cette demande. Le Royaume des Pays-Bas n’a pas déposé de mémoire en intervention.
Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure
39 Par acte déposé au greffe de la Cour le 22 mars 2024, la République tchèque a demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.
40 À l’appui de cette demande, la République tchèque fait valoir que les conclusions de Mme l’avocate générale reposent, s’agissant de l’appréciation du second moyen du pourvoi, sur une compréhension erronée des faits. En effet, celle-ci aurait considéré, au point 133 de ces conclusions, que cet État membre n’avait ni pris de position proactive ni demandé les informations nécessaires à l’OLAF et, aux points 138 et 143 desdites conclusions, qu’il s’était contenté d’attendre passivement que l’OLAF lui
transmît des informations. Or, ces affirmations ne seraient pas soutenues par les faits constatés par le Tribunal, notamment aux points 99 à 103, 122 et 124 de l’arrêt attaqué. Il serait donc nécessaire de clarifier ces différents aspects.
41 À cet égard, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, l’avocat général entendu, ordonner à tout moment la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu
entre les parties.
42 Par ailleurs, il importe de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par
ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2023, Grupa Azoty e.a./Commission, C‑73/22 P et C‑77/22 P, EU:C:2023:570, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que du
8 février 2024, Pilatus Bank/BCE, C‑256/22 P, EU:C:2024:125, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).
43 Or, il ressort des motifs avancés au soutien de sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure que la République tchèque entend uniquement répondre à certaines appréciations factuelles faites par Mme l’avocate générale dans ses conclusions, ce qui ne constitue pas un motif de réouverture de la phase orale de la procédure.
44 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocate générale entendue, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur le pourvoi
45 À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève deux moyens.
46 La République tchèque conteste, à titre liminaire, la recevabilité de chacun de ces moyens et, partant, du pourvoi dans son intégralité.
47 À cet égard, il est opportun d’examiner la contestation de la recevabilité dans le cadre de l’examen de chacun de ces moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
48 Par le premier moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, la Commission soutient que, aux points 85 à 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000. Ce moyen est subdivisé en deux branches.
49 Par la première branche dudit moyen, la Commission allègue que, aux points 88, 90 et 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000.
50 À cet égard, elle souligne que, s’agissant des droits de douane, chaque État membre, qui est responsable de la gestion du système des ressources propres, est tenu de procéder, de sa propre initiative et dans les délais prévus par le droit de l’Union, à trois opérations successives, à savoir la constatation des droits, leur inscription dans la comptabilité A ou B et leur mise à disposition, prévues respectivement aux articles 2, 6 et 10 du règlement no 1150/2000. Ces opérations seraient
étroitement liées au point que le non-respect des règles ou des délais applicables à l’une d’entre elles se répercuterait inévitablement sur les opérations en aval.
51 L’article 17, paragraphe 2, de ce règlement prévoirait une dispense de l’obligation de procéder à la mise à disposition. Ainsi que le Tribunal l’aurait correctement relevé au point 84 de l’arrêt attaqué, une telle dispense présupposerait, outre le respect des conditions énoncées à cette disposition, l’inscription régulière des droits en comptabilité B.
52 Or, le Tribunal aurait omis de tenir compte du fait que, selon le point 69 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414), la régularité de l’inscription implique également que celle-ci soit effectuée « dans le respect du droit de l’Union ». Cette exigence couvrirait non seulement le respect des délais d’inscription des droits dans la comptabilité A ou B, mais aussi la constatation des droits dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière.
53 Partant, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 90 de l’arrêt attaqué, l’inscription des droits en cause dans la comptabilité B dans un délai calculé à partir de la date tardive, à laquelle ces droits ont été effectivement constatés, ne saurait être régulière. À cet égard, la circonstance que, selon le Tribunal, l’inscription dans la comptabilité B est une « opération purement comptable » ne serait pas pertinente.
54 Par la seconde branche du premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis, aux points 85 à 88 et 93 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000.
55 Premièrement, la Commission souligne que cette disposition n’est pas applicable en cas d’inscription irrégulière dans la comptabilité B. Or, une inscription serait irrégulière lorsque, comme en l’espèce, les droits ont été constatés tardivement au titre de l’article 2 de ce règlement.
56 Deuxièmement, la Commission est d’avis que, en cas d’inapplicabilité de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, l’État membre doit mettre à la disposition de l’Union le montant correspondant aux droits constatés tardivement. L’appauvrissement de cet État membre, tout comme l’enrichissement corrélatif de l’Union, trouveraient donc bien leur justification dans l’obligation de mise à disposition.
57 Partant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en rejetant comme étant inopérant, aux points 85 à 88 de l’arrêt attaqué, l’argument soulevé par la Commission et en limitant son analyse, au point 87 de cet arrêt, au seul respect des délais prévus à l’article 6 du règlement no 1150/2000. Il s’ensuivrait également que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 88 dudit arrêt, il appartient à l’État membre d’établir que l’ensemble des opérations relatives aux ressources propres ont
été réalisées dans le respect des règles pertinentes, des délais et de la protection des intérêts financiers de l’Union.
58 Enfin, la Commission soutient que l’interprétation retenue par le Tribunal est susceptible d’entraîner des conséquences dommageables pour les intérêts financiers de l’Union.
59 La République tchèque rétorque que le premier moyen est irrecevable au motif qu’il ne respecte pas les exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure. En effet, la structure et le contenu des arguments soulevés à l’appui de ce moyen ne correspondraient pas à la délimitation dudit moyen telle qu’effectuée par la Commission.
60 Plus spécifiquement, celle-ci aurait avancé des arguments dépourvus de tout lien avec la contestation de la qualification de l’inscription des droits en cause dans la comptabilité B en tant qu’« opération purement comptable » et se serait contredite quant à la pertinence de cette qualification. Elle aurait omis d’invoquer des arguments concrets à l’appui de cette contestation et de l’allégation selon laquelle la République tchèque aurait dû démontrer le caractère parfait de l’ensemble du
processus de constatation, de recouvrement et de mise à disposition des droits sur les ressources propres. Les titres des deux branches du présent moyen ne correspondraient pas à leur substance. Les seuls arguments de fond avancés concerneraient non pas le respect du délai d’inscription des droits dans la comptabilité B, mais leur constatation en temps utile et les conséquences d’une constatation tardive, ce qui ne relèverait pas des points 85 à 93 de l’arrêt attaqué et ferait par ailleurs
l’objet du second moyen. En outre, il ne ressortirait pas clairement du premier moyen si la Commission envisage une inscription tardive des droits dans la comptabilité B ou si elle considère que ces droits ne peuvent aucunement être inscrits dans cette comptabilité en cas d’irrégularité.
61 En tout état de cause, le premier moyen serait également non fondé.
62 À cet égard, la République tchèque fait valoir, en premier lieu, que l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 prévoit expressément que le délai d’inscription des droits dans la comptabilité B est calculé à partir du moment où « le droit a été constaté » et, donc, du moment de la constatation effective de ce droit. Ni le libellé ni la finalité de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement n’empêcheraient l’application de cette disposition en cas d’inscription tardive de ces droits
dans la comptabilité B. L’interprétation suggérée par la Commission contredirait la finalité de cette disposition, car elle serait de nature à priver un État membre de la dispense de l’obligation de mettre à disposition des ressources propres, alors qu’il est dans l’impossibilité de recouvrer les droits pour des raisons de force majeure ou des raisons qui ne lui sont pas imputables. L’inscription dans la comptabilité B serait bien une opération purement comptable.
63 En deuxième lieu, la République tchèque soutient que, dans l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414), la Cour s’est prononcée sur les conditions matérielles de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 dans un contexte particulier caractérisé par des agissements frauduleux imputables à l’État membre concerné. Au vu de ce contexte, la Commission ne saurait déduire de cet arrêt que l’inscription des droits en cause dans la comptabilité B, en temps utile et
dans un délai calculé à partir de la date à laquelle ces droits auraient dû être constatés, est une condition préalable à l’application de cette disposition. La Cour n’aurait ni examiné le calcul du délai d’inscription des droits dans la comptabilité B ni abordé les conséquences d’une inscription tardive.
64 En troisième lieu, la République tchèque soutient que l’arrêt attaqué ne produit pas de conséquences dommageables pour le budget de l’Union.
65 En quatrième lieu, la République tchèque fait valoir que l’argument de la Commission, selon lequel un État membre doit démontrer, dans le cadre d’une action en répétition de l’indu, que l’ensemble de la procédure douanière a été exécutée conformément aux règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union, n’a aucun rapport avec la substance du premier moyen.
66 Le Royaume de Belgique et la République de Pologne concluent également au rejet du premier moyen comme étant non fondé.
67 Le Royaume de Belgique fait observer que le délai d’inscription d’une dette dans la comptabilité B court, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, à compter de la date de constatation de cette dette. Il ne pourrait donc y avoir inscription tardive dans la comptabilité B qu’en cas de constatation tardive de la dette concernée. Or, en l’espèce, il découlerait du point 92 de l’arrêt attaqué que la constatation des droits en cause n’a pas été tardive.
68 Par ailleurs, une inscription tardive n’exclurait pas automatiquement la possibilité de se prévaloir de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000. En effet, le point 69 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414), devrait être lu dans le contexte de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en ce sens qu’il viserait uniquement la situation dans laquelle une dette constatée est reprise dans la comptabilité B alors qu’elle ne remplit pas les conditions de
fond pour ce faire.
69 La République de Pologne avance également, en substance, ce dernier argument relatif à la portée du point 69 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414).
70 Elle ajoute que le délai de constatation des droits de douane ne repose pas sur un critère objectif et précis, compte tenu de l’expression, vague et subjective, « pouvoir calculer », figurant à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000. En pratique, la Commission déterminerait de manière arbitraire le moment auquel les autorités douanières nationales sont réputées pouvoir calculer et, partant, constater les droits de douane. Pour éviter l’arbitraire, le délai prévu à l’article 6,
paragraphe 3, de ce règlement devrait être calculé à compter de la date à laquelle les droits de douane sont effectivement constatés.
71 Enfin, l’argument de la Commission pris de la protection des intérêts financiers de l’Union serait dénué de pertinence, puisque les litiges relatifs aux ressources propres traditionnelles ne représenteraient qu’une faible proportion de l’ensemble des affaires concernant les contributions des États membres au titre de ces ressources et ne sauraient donc remettre en cause le système de financement de l’Union. Il en irait d’autant plus ainsi que toute mise à disposition tardive de ressources propres
exposerait l’État membre concerné à l’obligation de payer des intérêts de retard, conformément à l’article 11 du règlement no 1150/2000.
Appréciation de la Cour
– Sur la recevabilité
72 Aux termes de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure, les moyens et les arguments de droit invoqués identifient avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés. Ainsi, selon une jurisprudence constante, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen
concerné (arrêts du 20 septembre 2018, Agria Polska e.a./Commission, C‑373/17 P, EU:C:2018:756, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, point 186).
73 À cet égard, un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels ce moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard, ne répond pas aux exigences rappelées au point précédent du présent arrêt et doit être déclaré irrecevable (voir, en ce sens,
arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, point 187).
74 En l’espèce, dans sa requête en pourvoi, la Commission identifie de manière précise et univoque les points de l’arrêt attaqué qu’elle conteste par le premier moyen du pourvoi et expose les raisons pour lesquelles elle estime que les appréciations figurant à ces points sont entachées d’erreurs de droit qu’elle expose de manière également claire.
75 Au demeurant, il découle des écritures de la République tchèque que celle-ci a été en mesure de comprendre la portée de ce premier moyen du pourvoi et de présenter ses arguments en défense.
76 Partant, le premier moyen du pourvoi est recevable.
– Sur le fond
77 Par les deux branches du premier moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, qui sont étroitement liées et doivent donc être examinées ensemble, la Commission conteste les points 85 à 93 de l’arrêt attaqué.
78 À ces points, le Tribunal a écarté l’argumentation de la Commission selon laquelle, en substance, la République tchèque ne pouvait, en l’espèce, bénéficier de la dispense, prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, de l’obligation de mettre les ressources propres à disposition au motif que, en raison de la constatation tardive des droits en cause au titre de l’article 2 de ce règlement, ces droits n’avaient pas été régulièrement inscrits dans la comptabilité B en vertu de
l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement.
79 Le raisonnement du Tribunal est fondé, à cet égard, sur deux motifs dont la Commission, par le présent moyen, conteste le bien–fondé.
80 D’une part, le Tribunal a jugé, aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation de cette institution était inopérante. À ce titre, il a relevé que, dans le cadre d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union, « il ne saurait [...] être exigé de la République tchèque [...] d’établir [...] que “l’ensemble du processus lors de la procédure douanière, du recouvrement de la créance et des opérations relatives aux ressources propres a été exécuté conformément à toutes les
règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union” ». Selon le Tribunal, en effet, une mise à disposition de ressources propres ne trouve pas de justification dans l’obligation de respecter les délais prévus à l’article 6 du règlement no 1150/2000, dont la méconnaissance ne conduit à aucun versement, pas même à celui d’intérêts de retard.
81 D’autre part, le Tribunal a considéré, aux points 89 à 92 de cet arrêt, que, en tout état de cause, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, les délais d’inscription des droits dans la comptabilité B doivent être calculés à partir non pas de la date à laquelle les droits en cause auraient dû être constatés, conformément à l’article 2 de ce règlement, mais de celle à laquelle ces droits ont effectivement été constatés. Or cette condition serait satisfaite en
l’espèce.
82 Afin d’apprécier le bien-fondé de ces motifs à la lumière des arguments des parties, il convient de rappeler, en premier lieu, les règles de preuve applicables à une action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union.
83 Selon la jurisprudence de la Cour, une telle action, formée au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, requiert la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur ainsi que celle d’un appauvrissement du requérant lié audit enrichissement [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 49, et du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 82].
84 Dans le cadre de l’examen d’une action de cette nature, introduite par un État membre ayant mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette institution, il appartient au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre requérant, correspondant à la mise à la disposition de la Commission de ce montant, et l’enrichissement corrélatif de cette institution, trouvent leur
justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 83).
85 Dans ce cadre, il incombe donc à l’État membre requérant de démontrer qu’il n’est pas tenu, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant de ressources propres faisant l’objet du litige et qu’il s’est conformé aux obligations qui lui incombent à ce titre.
86 Contrairement à ce que la République tchèque a laissé entendre en reprochant à la Commission d’avoir changé de position à plusieurs reprises entre les stades précontentieux et contentieux de la présente affaire, il découle également de ce qui précède que l’objet de l’action fondée sur un enrichissement sans cause de l’Union introduite dans les conditions évoquées au point 84 du présent arrêt ne saurait être limité à la seule réfutation de la position prise par la Commission préalablement à
l’introduction d’un recours. Cette institution peut, en sa qualité de partie défenderesse, apporter des arguments nouveaux visant à contester la position de l’État membre requérant.
87 En second lieu, il importe de rappeler les caractéristiques du système des ressources propres de l’Union, ainsi qu’elles ont été résumées par la Cour dans sa jurisprudence.
88 À cet égard, en l’état actuel du droit de l’Union, la gestion de ce système est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers [arrêts du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62, et du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 345].
89 Ainsi, il résulte de l’article 8, paragraphe 1, des décisions 2000/597 et 2007/436 que les ressources propres de l’Union visées, respectivement, à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2000/597 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 sont perçues par les États membres et que ceux-ci ont l’obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, EU:C:2010:414,
point 34, ainsi que du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 340 et jurisprudence citée].
90 À cette fin, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière « en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable ». Les États membres sont, par conséquent, obligés de reprendre les droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement dans la comptabilité des
ressources propres de l’Union dans les conditions prévues à l’article 6 dudit règlement. À cet égard, il y a lieu de préciser que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du même règlement, un droit constaté qui n’a pas encore été recouvré et pour lequel aucune caution n’a été fournie est inscrit dans une comptabilité séparée, dite « comptabilité B » [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 57 et jurisprudence citée,
ainsi que du 8 mars 2022, Commission/Royaume‑Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 341].
91 Les États membres doivent ensuite mettre les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission dans les conditions fixées aux articles 9 à 11 du règlement no 1150/2000, en les inscrivant, dans le respect des délais prévus, au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de cette institution. Conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ce règlement, tout retard dans l’inscription à ce compte donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard [arrêts du 9 juillet
2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 58, ainsi que du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 342].
92 En outre, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1150/2000, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n’en sont dispensés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement
pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées. Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 60).
93 C’est sous le bénéfice de ces rappels qu’il convient d’apprécier le bien‑fondé du présent moyen.
94 À cet effet, il y a lieu, en premier lieu, de déterminer le point de départ du délai d’inscription des droits dans la comptabilité B, au titre de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000.
95 Cette disposition prévoit que les « droits constatés conformément à l’article 2 » de ce règlement sont inscrits dans la comptabilité des ressources propres « au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté », étant précisé que ce délai s’impose pour l’inscription des droits tant dans la comptabilité A que dans la comptabilité B.
96 De prime abord, comme l’allègue notamment la République tchèque, l’emploi du passé composé pourrait, certes, être compris en ce sens que le délai visé à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 court à compter de la date à laquelle les droits ont effectivement été constatés, y compris en cas de constatation tardive, et ce indépendamment de la date à laquelle ces droits auraient dû être constatés.
97 Toutefois, en prévoyant que doivent être inscrits dans la comptabilité des ressources propres les « droits constatés conformément à l’article 2 [du règlement no 1150/2000] », le libellé de l’article 6, paragraphe 3, de ce règlement établit un lien indissociable entre l’inscription dans cette comptabilité et la constatation préalable des droits, lien qui a d’ailleurs été reconnu par la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1986, Commission/Allemagne, 303/84, EU:C:1986:140,
point 11, et du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 59).
98 Le délai d’inscription des droits constatés dans la comptabilité des ressources propres doit donc être apprécié à la lumière de l’obligation de constatation des droits prévue à l’article 2 du règlement no 1150/2000. L’inscription des droits dans la comptabilité présuppose, dès lors, leur constatation conforme à cet article 2, laquelle doit être intervenue en temps utile (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2006, Commission/Pays-Bas, C‑312/04, EU:C:2006:643, points 58 à 62), à savoir dès lors
que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.
99 Cette dernière disposition énonçant, ainsi, de manière abstraite et objective, les conditions dans lesquelles naît l’obligation de constater un droit de l’Union sur les ressources propres, il ne saurait être allégué, comme le fait la République de Pologne, que le moment auquel les droits doivent être constatés est déterminé arbitrairement par la Commission.
100 Partant, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 90 de l’arrêt attaqué, le respect du délai dans lequel les droits doivent être repris dans la comptabilité des ressources propres en vertu de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 s’apprécie à compter de la date à laquelle les droits doivent ou auraient dû être constatés au titre de l’article 2 de ce règlement.
101 Cette conclusion est corroborée par la responsabilité incombant aux États membres dans la gestion du système des ressources propres, qui requiert, ainsi que Mme l’avocate générale l’a, en substance, relevé au point 94 de ses conclusions, d’interpréter strictement les obligations de ces États membres quant à la constatation des droits, à leur inscription dans la comptabilité des ressources propres et à leur mise à disposition.
102 Elle s’impose d’autant plus que l’interprétation inverse de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 permettrait aux États membres de retarder indûment la constatation des droits et, par la suite, leur inscription dans la comptabilité des ressources propres et leur mise à disposition, au risque de favoriser ainsi l’apparition des circonstances entraînant l’impossibilité de procéder à leur recouvrement.
103 En second lieu, la Cour a déjà jugé que la possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, exige non seulement le respect des conditions énoncées à cette disposition, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B, autrement dit que l’inscription ait été effectuée dans
le respect du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, EU:C:2010:414, points 65 et 69).
104 S’il est vrai que, comme l’ont fait valoir l’ensemble des États membres ayant participé à la présente instance, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414), portait sur un contexte factuel distinct de celui de la présente affaire, il n’en demeure pas moins que rien dans cet arrêt ne laisse à penser que la Cour ait entendu limiter la portée de l’exigence d’une inscription régulière dans la comptabilité B au seul contexte factuel porté devant
elle.
105 Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 103 du présent arrêt et compte tenu également des motifs énoncés aux points 101 et 102 de celui-ci, il doit être considéré, à l’instar de la Commission, qu’un État membre ne saurait se voir exempté de l’obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant à des droits qui n’ont pas été régulièrement inscrits dans la comptabilité B dans le respect du délai prévu à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement
no 1150/2000, lu en combinaison avec l’article 2 de celui-ci, en raison d’une constatation tardive de ces droits.
106 Par conséquent, lorsque, à l’occasion d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause dans les conditions définies aux points 83 à 85 du présent arrêt, un État membre se prévaut de la dispense de l’obligation de mise à la disposition de la Commission des ressources propres prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, cet État membre doit démontrer la régularité du processus de constatation des droits en cause et d’inscription de ces droits dans la comptabilité B, y compris
le respect des délais pertinents. En l’absence d’une telle démonstration, ledit État membre ne peut bénéficier de cette dispense et doit, partant, procéder à la mise à disposition des ressources propres. Cette mise à disposition ne saurait, dès lors, constituer un enrichissement sans base légale valable de l’Union.
107 Il s’ensuit que c’est à tort que, aux points 87 et 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il n’appartenait pas à la République tchèque d’établir la régularité des opérations relatives aux ressources propres.
108 À la lumière des motifs qui précèdent, il convient d’accueillir le premier moyen en ses deux branches.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
109 Par le second moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, la Commission fait valoir que, aux points 94 à 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, lus en combinaison avec l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes et de l’article 325 TFUE. En effet, ce serait à tort que le Tribunal a jugé que la République tchèque pouvait attendre la communication officielle,
par l’OLAF, des éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection, alors même que la représentante de l’administration douanière tchèque avait le droit de demander et de recevoir de l’OLAF les éléments de preuve collectés dès son retour de mission. Selon la Commission, la République tchèque était tenue, au contraire, de demander à l’OLAF, dès ce retour, les éléments de preuve collectés au cours de cette mission, ce qui lui aurait permis de constater le droit de l’Union sur les
ressources propres dans les jours ayant suivi ledit retour.
110 En premier lieu, la Commission tire argument des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 ainsi que de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes.
111 Elle allègue qu’il incombe aux États membres de prendre, dès que possible, toutes les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral des droits de douane. La constatation du droit sur les ressources propres devrait intervenir, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, « dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable ». Au
vu de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes, les autorités douanières devraient donc constater les droits résultant d’une dette douanière dès qu’elles disposent des éléments nécessaires à cette fin et qu’elles sont en mesure de calculer le montant de ces droits ainsi que d’en déterminer le débiteur. Les États membres étant responsables de l’établissement de la dette douanière et de la constatation des droits sur les ressources propres, ils seraient tenus de prendre toutes les mesures
nécessaires, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de celui–ci soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par ce règlement.
112 La Commission concède que, pour pouvoir établir la dette douanière, un État membre peut coopérer avec l’OLAF, tout en soulignant que, ainsi qu’il ressort du considérant 3 du règlement no 1073/1999, la création et les compétences d’enquête de celui-ci ne sont pas de nature à affecter la répartition et l’équilibre actuels des responsabilités entre le niveau national et le niveau de l’Union. Ainsi, il ressortirait de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement que l’OLAF n’aurait qu’un rôle
d’appui et ne pourrait émettre que des recommandations non contraignantes à l’adresse des autorités de l’Union ou des autorités nationales.
113 Dans ces conditions, la Commission considère que le déroulement d’une enquête de l’OLAF ne peut dispenser les États membres de l’obligation de prendre les mesures nécessaires imposées par le droit de l’Union et que l’assistance de l’OLAF ne saurait exempter ces derniers de leur devoir de diligence dans la perception des droits de douane. En l’occurrence, la République tchèque était donc tenue, parallèlement à la mission d’inspection et indépendamment de celle-ci, de prendre les mesures
nécessaires en vue d’établir la dette douanière. Ainsi que le Tribunal l’aurait constaté au point 119 de l’arrêt attaqué, la représentante de l’administration douanière tchèque aurait pu, dès son retour de cette mission, demander et recevoir de l’OLAF les éléments de preuve annexés au procès-verbal du 15 novembre 2007 et les communiquer aux autorités tchèques compétentes, étant entendu que ces éléments étaient suffisants pour établir la dette douanière de BAIDE. Par ailleurs, la République
tchèque aurait disposé d’informations suffisantes dès avant le retour de la mission d’inspection.
114 Une telle conclusion s’imposerait d’autant plus au vu de la responsabilité des États membres en matière de ressources propres. Au contraire, l’approche retenue par le Tribunal permettrait à un État membre de faire preuve de passivité et de négligence au seul motif que l’OLAF s’est engagé à lui communiquer les éléments de preuve collectés durant une mission d’inspection.
115 L’exigence de promptitude dans l’établissement de la dette douanière trouverait encore appui dans l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 515/97. Elle permettrait d’assurer l’effet utile de l’article 20, paragraphe 2, sous b), de ce règlement et, plus particulièrement, de la participation d’experts envoyés par les États membres à des missions d’enquête dirigées par l’OLAF dans des pays tiers.
116 En second lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a également violé l’article 325 TFUE. Cette disposition imposerait aux États membres une obligation de résultat inconditionnelle de prendre les mesures nécessaires afin de garantir le prélèvement effectif et intégral des droits de douane et ne leur laisserait que le choix des mesures à prendre dans le respect des principes de proportionnalité, d’équivalence et d’effectivité. Ainsi, la République tchèque aurait été tenue, en vertu de
ladite disposition, d’établir la dette douanière au plus tard dans les jours suivant le retour de la mission d’inspection.
117 La Commission conclut que la dette douanière a été établie de manière tardive, de telle sorte que les montants correspondant à cette dette n’ont pas été inscrits de manière régulière dans la comptabilité B. En constatant de manière tardive la dette douanière, la République tchèque aurait elle-même provoqué l’émergence des conditions d’application de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, de telle sorte que le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur, juger que
l’article 17, paragraphe 2, de celui-ci était applicable.
118 La République tchèque rétorque que le second moyen est irrecevable. En effet, premièrement, l’argumentation avancée dans la note en bas de page no 55 de la requête en pourvoi, selon laquelle cet État membre aurait disposé d’informations suffisantes pour procéder à la constatation des droits antidumping dus par BAIDE avant de participer à la mission d’inspection, serait sans rapport avec l’objet de ce moyen. Elle serait également nouvelle en ce que, devant le Tribunal, la Commission n’aurait pas
allégué que la République tchèque disposait d’informations suffisantes pour procéder à une telle constatation avant la fin de la mission d’inspection. Deuxièmement, l’argument relatif à la prétendue violation de l’article 325 TFUE aurait été soulevé pour la première fois au stade du pourvoi. Troisièmement, formellement dirigé contre les points 94 à 126 de l’arrêt attaqué, le second moyen ne concernerait, en réalité, que les points 122 à 125 de cet arrêt.
119 En tout état de cause, la République tchèque considère que le second moyen est également non fondé, puisqu’elle pouvait légitimement attendre la transmission du rapport de l’OLAF par ce dernier.
120 Premièrement, ni l’absence de pouvoir décisionnel de la Commission en matière de ressources propres ni le caractère non contraignant des recommandations de l’OLAF ne seraient de nature à remettre en cause le fait que la collaboration effective des États membres avec la Commission et l’OLAF est, dans certains cas, une condition essentielle pour que les États membres puissent procéder à la constatation des droits sur les ressources propres et procéder à leur recouvrement.
121 Deuxièmement, il ressortirait des constatations de fait opérées par le Tribunal que les droits afférents aux importations litigieuses ne pouvaient être constatés que sur la base des éléments de preuve obtenus dans le cadre de la mission d’inspection. L’OLAF, qui se serait engagé à communiquer ces éléments à la République tchèque, les lui aurait transmis tardivement, à savoir le 9 juillet 2008, en méconnaissance de son engagement. La République tchèque estime qu’elle pouvait légitimement attendre
que l’OLAF respecte son engagement, conformément au principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE.
122 Troisièmement, la Commission tenterait de transférer sur la République tchèque la responsabilité de son propre retard lié à la transmission tardive des éléments de preuve par l’OLAF.
123 Ce serait donc sans commettre d’erreur de droit que, aux points 123 et 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, dans les circonstances de la présente affaire, il ne pouvait être reproché à cet État membre de ne pas avoir sollicité de la part de l’OLAF la production des éléments de preuve dès le retour de la mission d’inspection.
124 En toute hypothèse, pour autant que la Commission conteste le fait que la République tchèque pouvait estimer nécessaire, comme le Tribunal l’a jugé au point 124 de l’arrêt attaqué, d’attendre que les éléments de preuve soient analysés et vérifiés par l’OLAF, cet État membre fait observer que la réglementation applicable prévoit précisément que les éléments de preuve collectés dans le cadre d’une enquête menée par l’OLAF sont analysés, appréciés puis transmis aux États membres sous la forme de
rapports de mission et de rapports d’enquête. De surcroît, il découlerait de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, lu en combinaison avec le considérant 16 de celui-ci, que le rapport de mission de l’OLAF a une valeur probante essentielle. L’OLAF serait le mieux à même de procéder à l’analyse et à l’appréciation des éléments de preuve, comme le Tribunal l’a relevé au point 124 de l’arrêt attaqué, et cela d’autant plus lorsque ces éléments sont obtenus dans le cadre d’une mission
d’inspection menée dans un pays tiers et sont susceptibles d’avoir des répercussions sur un grand nombre d’États membres.
125 La République tchèque ajoute que l’OLAF a la possibilité de transmettre aux États membres les éléments de preuve pertinents avant l’adoption du rapport de mission, et cela conformément à l’article 10 du règlement no 1073/1999, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97. Or, l’OLAF, qui savait que la République tchèque avait besoin des éléments de preuve recueillis, aurait pu faire usage de cette possibilité, compte tenu du retard important du rapport de mission.
126 Le Royaume de Belgique et la République de Pologne rejoignent, en substance, la position défendue par la République tchèque.
127 Le Royaume de Belgique ajoute que l’argumentation de la Commission, fondée sur la responsabilité incombant aux États membres, reviendrait à ce que la République tchèque supporte seule les conséquences financières négatives d’un retard imputable à l’OLAF. En outre, l’argument de la Commission relatif à l’effet utile de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 515/97 ne saurait prospérer. Enfin, l’article 325 TFUE ne pourrait pas être interprété comme imposant aux États membres des
obligations supplémentaires par rapport à celles prévues par le règlement no 1150/2000 dans les circonstances de la présente affaire.
128 La République de Pologne souligne qu’il ne saurait être considéré que la République tchèque a violé l’article 325 TFUE, dans la mesure où elle a déployé des efforts adéquats pour constater la dette douanière en cause.
Appréciation de la Cour
– Sur la recevabilité
129 Selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges
(arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59, ainsi que du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 45).
130 La Cour a, néanmoins, itérativement jugé qu’un requérant peut faire valoir, à l’appui de son pourvoi formé devant elle, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien‑fondé (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 54).
131 En l’espèce, premièrement, même s’il fallait comprendre, à l’instar de République tchèque, la note en bas de page no 55 de la requête en pourvoi comme une allégation de ce que cet État membre possédait, déjà avant le retour de la mission d’inspection, suffisamment d’éléments pour constater les droits en cause, une telle allégation n’est pas reprise dans le corps du second moyen. L’existence de cette note en bas de page ne saurait donc être de nature à affecter la recevabilité dudit moyen.
132 Deuxièmement, s’il est vrai que la Commission n’a pas invoqué l’article 325 TFUE devant le Tribunal, il n’en demeure pas moins que l’argument fondé sur cette disposition tend à démontrer une erreur de droit commise par celui-ci. Partant, cet argument est recevable.
133 Troisièmement, l’identification ambiguë des points contestés par le second moyen, à la supposer établie, n’a nullement empêché la République tchèque de comprendre la substance de ce moyen, laquelle ressort clairement des écritures de la Commission, et de présenter ses arguments en défense.
134 Partant, le second moyen est recevable.
– Sur le fond
135 Par le second moyen, la Commission conteste, en substance, le bien‑fondé des appréciations du Tribunal, figurant aux points 94 à 126 de l’arrêt attaqué, relatives à la date à laquelle les droits antidumping dus par BAIDE en lien avec les importations litigieuses devaient être constatés par la République tchèque.
136 À ces points, le Tribunal a, en substance, considéré que la République tchèque n’était pas tenue de constater ces droits dès les jours suivant le retour de la mission d’inspection et qu’elle pouvait légitimement attendre la transmission du rapport de l’OLAF, auquel étaient joints les éléments de preuve collectés lors de cette mission.
137 Plus spécifiquement, le Tribunal a jugé, aux points 119 et 121 de l’arrêt attaqué, que la représentante de l’administration douanière tchèque ayant participé à la mission d’inspection était habilitée à demander et à recevoir de l’OLAF les éléments de preuve annexés au procès-verbal du 15 novembre 2007 et à les communiquer aux autorités tchèques compétentes afin que celles-ci les utilisent comme éléments de preuve à l’encontre de BAIDE, et cela même si l’OLAF devait vérifier ces éléments avant de
les transmettre. Aux points 122 à 124 de cet arrêt, il a constaté que, toutefois, l’OLAF s’était engagé à communiquer à la République tchèque lesdits éléments dès le début de l’année 2008 mais a tardé à communiquer son rapport auquel ils étaient joints. Dans ces conditions, selon le Tribunal, il ne pouvait être reproché à la République tchèque d’avoir attendu la communication du rapport de l’OLAF et de ne pas avoir sollicité la production des éléments de preuve dès le retour de la mission
d’inspection. Au vu de ces éléments, le Tribunal a conclu, au point 125 dudit arrêt, que la République tchèque avait établi n’avoir pas pu être en possession des éléments de preuve nécessaires à la constatation des droits antidumping dus par BAIDE sur les importations litigieuses dès le retour de la mission d’inspection.
138 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 88 du présent arrêt, en l’état actuel du droit de l’Union, la gestion du système des ressources propres de l’Union est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers.
139 En outre, dès lors qu’un lien direct existe entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes, il incombe aux États membres, conformément aux obligations qui leur sont imposées en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de protéger les intérêts financiers de l’Union contre la fraude ou toute autre activité illégale portant atteinte à ces intérêts, de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le
prélèvement effectif et intégral de ces droits et, partant, de ces ressources [arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 346 et jurisprudence citée].
140 Dans l’exercice de cette responsabilité, il appartient aux États membres, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière « en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable ». L’obligation des États membres de constater un droit de l’Union sur les ressources propres naît donc dès que ces conditions
sont remplies, sans qu’il soit nécessaire que la prise en compte ait effectivement eu lieu. Ainsi qu’il ressort des articles 217 et 218 du code des douanes, lesdites conditions sont remplies lorsque les autorités douanières disposent des éléments nécessaires et, partant, sont en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et de déterminer le débiteur (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, points 57 à 59).
141 En l’occurrence, il découle des éléments de fait constatés par le Tribunal aux points 1, 99, 178 et 183 de l’arrêt attaqué, qui n’ont pas été contestés devant la Cour et qu’il ne revient pas à celle-ci de contrôler en l’absence de toute allégation de dénaturation, que, premièrement, bien avant la mission d’inspection, la République tchèque avait connaissance de l’existence d’importations frauduleuses déclarées en provenance du Laos et introduites sur son territoire par BAIDE, deuxièmement, cet
État membre a transmis à l’OLAF, avant cette mission, la liste des importations litigieuses dont l’origine devait être vérifiée et, troisièmement, une représentante de l’administration douanière tchèque a participé à ladite mission et signé le procès-verbal du 15 novembre 2007 au terme de la même mission.
142 Il ressort également des constatations de fait effectuées par le Tribunal aux points 2, 122 et 124 de l’arrêt attaqué que, au retour de la mission d’inspection, l’OLAF s’est engagé à communiquer à la République tchèque les éléments de preuve collectés lors de cette mission dès le début de l’année 2008 mais que l’OLAF n’a communiqué son rapport, auquel étaient joints ces éléments, que le 9 juillet 2008, tandis que la République tchèque estimait nécessaire d’attendre que lesdits éléments soient
analysés et vérifiés par l’OLAF avant de les utiliser dans le cadre d’une procédure de redressement fiscal.
143 Or, au vu de ces éléments, le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, juger, aux points 124 à 126 de l’arrêt attaqué, que la République tchèque pouvait attendre la transmission du rapport de l’OLAF, assorti des éléments de preuve, sans solliciter la transmission de ces éléments, le cas échéant, avant la finalisation de ce rapport, et que cet État membre n’a pas violé les obligations qui lui incombaient dans le cadre de la gestion du système des ressources propres de l’Union en ne
procédant pas à la constatation des droits en cause dans les jours suivant le retour de la mission d’inspection.
144 En effet, compte tenu de la responsabilité qui lui incombe dans le cadre de la gestion du système des ressources propres ainsi que dans la protection des intérêts financiers de l’Union, un État membre ne saurait, alors qu’il a connaissance d’un risque sérieux de fraude concernant des importations identifiées et que ce risque a été vérifié et confirmé à l’occasion d’une enquête externe menée par l’OLAF dans un pays tiers en présence d’un représentant de cet État membre, se borner à attendre
pendant plusieurs mois la transmission du rapport final de l’OLAF assorti des éléments de preuve sans jamais solliciter la transmission préalable de ces éléments. Au contraire, compte tenu de cette responsabilité, il appartient audit État membre de prendre toutes les mesures utiles lui permettant de réunir les éléments nécessaires à la constatation des droits en cause.
145 Aucun des arguments avancés en défense n’est de nature à infirmer cette conclusion.
146 Premièrement, s’agissant de l’argument tiré de ce que l’OLAF a tardé à transmettre son rapport et les éléments de preuve, il convient de constater que la réalisation d’une enquête externe par l’OLAF dans un pays tiers n’est pas de nature à décharger les États membres de la responsabilité qui est la leur, en l’état actuel du droit de l’Union, dans la gestion du système des ressources propres de l’Union.
147 Ainsi, d’une part, compte tenu du considérant 3 du règlement no 1073/1999, la réalisation d’une enquête ne saurait modifier la répartition et l’équilibre des responsabilités entre le niveau national et le niveau de l’Union. L’OLAF joue, comme il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, un rôle d’appui et de coordination de l’action visant à protéger contre la fraude les intérêts financiers de l’Union. Les rapports adoptés par l’OLAF au terme d’une enquête effectuée par celui-ci
comportent, conformément à l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, « notamment les faits constatés, le cas échéant le préjudice financier et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur de l’[OLAF] sur les suites qu’il convient de donner ». Il revient ainsi aux États membres de décider des suites qu’il convient de donner à un tel rapport, dans l’exercice des responsabilités qui leur incombent en vertu du droit de l’Union.
148 D’autre part, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1073/1999, l’OLAF « peut transmettre à tout moment aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes ». Compte tenu de l’emploi du verbe « pouvoir », qui met en évidence le fait que l’OLAF jouit, à cet égard, d’une marge d’appréciation, il ne saurait être déduit de cette disposition que l’omission de l’OLAF de transmettre les éléments de preuve avant la finalisation
de son rapport décharge l’État membre concerné de sa responsabilité dans la gestion du système des ressources propres.
149 Deuxièmement, le devoir de coopération loyale pesant sur l’OLAF ne saurait davantage avoir pour effet de modifier la répartition des tâches et des responsabilités telle qu’elle est prévue pour la mise en œuvre du règlement no 1073/1999 [voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 19 avril 2005, Tillack/Commission, C‑521/04 P(R), EU:C:2005:240, point 33] ni de décharger les États membres de la responsabilité qui leur incombe dans la gestion du système des ressources propres de
l’Union.
150 Au demeurant, conformément au principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, TUE, les États membres, qui sont eux-mêmes soumis à ce principe, sont tenus de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 584 et jurisprudence citée].
151 À la lumière des motifs qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le second moyen du pourvoi.
152 Il convient, partant, d’annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il a accueilli, au point 1 de son dispositif, le recours de la République tchèque pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission de la somme de 17828399,66 CZK (environ 700000 euros) versée au titre des ressources propres de l’Union.
Sur le recours devant le Tribunal
153 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
154 En l’espèce, le recours de la République tchèque devant le Tribunal est fondé sur des arguments qui ont fait l’objet d’un débat contradictoire devant ce dernier et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier (voir, par analogie, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 130). Dans ces conditions, le présent litige étant en état d’être
jugé, il convient de statuer définitivement sur celui-ci.
155 À cet égard, il ressort du point 152 du présent arrêt que l’arrêt attaqué est annulé seulement en ce qu’il a accueilli, au point 1 de son dispositif, le recours de la République tchèque pour autant que ce recours vise à la restitution par la Commission de la somme de 17828399,66 CZK (environ 700000 euros, ci–après le « montant litigieux »).
156 En revanche, le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté le recours de la République tchèque pour le surplus, n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, de sorte qu’il est revêtu de l’autorité de la chose jugée nonobstant l’annulation partielle de cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, points 109 à 111).
157 Le recours dans l’affaire T‑151/20 ne subsiste donc qu’en ce qu’il tend à obtenir la restitution du montant litigieux.
158 À l’appui de son recours, la République tchèque soutient, en substance, qu’elle n’est pas redevable de ce montant, car elle n’a pu prendre les mesures nécessaires à son recouvrement qu’à la suite de la transmission du rapport de l’OLAF. Elle fait valoir qu’elle devrait être dispensée de l’obligation de mise à disposition des ressources propres, au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, en raison de l’impossibilité de recouvrer la dette douanière après la cessation, à
compter du mois de mai 2008, des activités de BAIDE sur le territoire de la République tchèque.
159 Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé aux points 100, 103 et 105 du présent arrêt, un État membre ne peut être exempté de l’obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant à des droits qui n’ont pas été régulièrement inscrits dans la comptabilité B dans le respect du délai prévu à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, lu en combinaison avec l’article 2 de celui-ci, lorsque ces droits ont été constatés tardivement. Or, il ressort des
points 141 à 144 du présent arrêt que, en omettant, dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, de prendre les mesures nécessaires pour assurer une constatation des droits dans les meilleurs délais, la République tchèque n’a pas établi qu’elle avait constaté, en temps utile, les droits en cause ni, partant, qu’elle les avait régulièrement inscrits dans la comptabilité B, dans le respect du délai prévu à l’article 6, paragraphe 3, sous b), de ce règlement.
160 Partant, la République tchèque ne saurait se prévaloir de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 pour être dispensée de son obligation de mettre le montant litigieux à la disposition de la Commission. Cet État membre est donc resté en défaut de démontrer que son refus de mettre à la disposition de l’Union le montant litigieux est conforme à l’ensemble des obligations qui lui incombent et, partant, d’établir un enrichissement sans base légale valable de l’Union, au sens de la
jurisprudence citée au point 83 du présent arrêt.
161 À la lumière de l’ensemble de ces motifs, le recours de la République tchèque dans l’affaire T‑151/20 doit être rejeté en ce qu’il tend à obtenir la restitution du montant litigieux.
Sur les dépens
162 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
163 En l’espèce, la République tchèque a succombé tant dans l’affaire C‑494/22 P que dans la partie de l’affaire T‑151/20 qui a été évoquée par la Cour. En outre, devant le Tribunal, la République tchèque a succombé pour le surplus dans l’affaire T‑151/20. Ainsi, le recours de la République tchèque est, aux termes de l’arrêt attaqué et du présent arrêt, rejeté dans son ensemble. Dans ces circonstances, et conformément aux conclusions de la Commission, il y a lieu de condamner la République tchèque à
supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission relatifs tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.
164 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume de Belgique, le Royaume des Pays-Bas ainsi que la République de Pologne, parties intervenantes au litige, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 mai 2022, République tchèque/Commission (T‑151/20, EU:T:2022:281), est annulé, en ce qu’il a accueilli, au point 1 du dispositif de cet arrêt, le recours de la République tchèque pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission européenne de la somme de 17828399,66 couronnes tchèques (CZK) (environ 700000 euros) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne.
2) Le recours dans l’affaire T‑151/20 est rejeté dans la mesure où il vise à la restitution par la Commission européenne de la somme de 17828399,66 couronnes tchèques (CZK) (environ 700000 euros) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne.
3) La République tchèque est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, relatifs tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.
4) Le Royaume de Belgique, le Royaume des Pays-Bas ainsi que la République de Pologne supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.