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12/09/2024 | CJUE | N°C-579/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Anglo Austrian AAB AG in Abwicklung contre Banque centrale européenne., 12/09/2024, C-579/22


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Directive 2013/36/UE – Accès à l’activité des établissements de crédit – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Retrait d’agrément – Étendue des compétences de la BCE – Règlement (UE) no 468/2014 – Répartition des compétences entre la BCE et les autorités nationales – Prévent

ion de l’utilisation du système financier aux
fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme – Cons...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Directive 2013/36/UE – Accès à l’activité des établissements de crédit – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Retrait d’agrément – Étendue des compétences de la BCE – Règlement (UE) no 468/2014 – Répartition des compétences entre la BCE et les autorités nationales – Prévention de l’utilisation du système financier aux
fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme – Constatations du Tribunal de l’Union européenne à l’égard du droit national – Examen portant sur l’éventuelle dénaturation du droit national »

Dans l’affaire C‑579/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er septembre 2022,

Anglo Austrian AAB AG, en liquidation, représentée par Me O. Behrends, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Belegging-Maatschappij « Far-East » BV, établie à Velp (Pays-Bas), représentée par Me O. Behrends, Rechtsanwalt,

partie demanderesse en première instance,

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. V. Hümpfner, R. Tutsch et Mme E. Yoo, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, MM. P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Anglo Austrian AAB AG, en liquidation, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 juin 2022, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij "Far-East"/BCE (T‑797/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:389), par lequel celui‑ci a rejeté son recours, introduit conjointement avec Belegging-Maatschappij « Far-East » BV (ci‑après l’« actionnaire »), tendant à l’annulation de la décision ECB-SSM-2019-AT 8 WHD-2019 0009 de la Banque centrale européenne
(BCE), du 14 novembre 2019, par laquelle celle-ci, sur proposition de la Finanzmarktaufsichtsbehörde (Autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche) (ci-après la « FMA »), a retiré l’agrément de la requérante pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit (ci‑après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive CRD IV

2 L’article 18 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338, ci‑après la « directive CRD IV »), intitulé « Retrait de l’agrément », dispose :

« Les autorités compétentes ne peuvent retirer l’agrément accordé que lorsqu’un établissement de crédit :

[...]

f) commet l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1. »

3 L’article 67 de cette directive, intitulé « Autres dispositions », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le présent article s’applique au moins dans une des circonstances suivantes :

[...]

d) un établissement n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 ;

[...]

o) un établissement a été déclaré responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15)] ;

[...] »

4 L’article 74 de ladite directive, intitulé « Gouvernance interne et plans de redressement et de résolution », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les établissements disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de
rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques. »

Le règlement MSU de base

5 Les considérants 28, 29 et 34 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci-après le « règlement MSU de base »), sont formulés comme suit :

« (28) Les missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE devraient rester du ressort des autorités nationales. Ces missions devraient inclure le pouvoir de recevoir les notifications soumises par les établissements de crédit dans le cadre de l’exercice du droit d’établissement et de la libre prestation de services, de surveiller les entités qui ne relèvent pas de la définition des établissements de crédit dans le droit de l’Union, mais qui sont surveillées en tant que tels en vertu du
droit national, de surveiller les établissements de crédit de pays tiers qui établissent une succursale ou fournissent des services en prestation transfrontalière dans l’Union européenne, de surveiller les services de paiement, de réaliser des contrôles quotidiens concernant les établissements de crédit et d’exercer la fonction d’autorités compétentes pour les établissements de crédit en ce qui concerne les marchés d’instruments financiers, la prévention de l’utilisation du système
financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que la protection des consommateurs.

(29) La BCE devrait, le cas échéant, coopérer pleinement avec les autorités nationales qui ont pour mission d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs et de lutter contre le blanchiment de capitaux.

[...]

(34) Pour l’accomplissement de ses missions et l’exercice de ses compétences en matière de surveillance, la BCE devrait appliquer les règles matérielles relatives à la surveillance prudentielle des établissements de crédit. Ces règles sont constituées des dispositions pertinentes du droit de l’Union, notamment de règlements directement applicables et de directives telles que celles relatives aux exigences de fonds propres des établissements de crédit ou aux conglomérats financiers. Lorsque les
règles matérielles ayant trait à la surveillance prudentielle des établissements de crédit sont énoncées dans des directives, la BCE devrait appliquer les dispositions de droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et dans les domaines où, à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE devrait également appliquer la législation nationale
faisant usage de ces options. Ces options devraient s’entendre comme excluant celles qui ne pourraient être utilisées que par les autorités compétentes ou désignées. Cela est sans préjudice du principe de la primauté du droit de l’Union. Il s’ensuit que, si la BCE adopte des orientations ou des recommandations ou arrête des décisions, elle devrait se fonder sur la disposition contraignante pertinente du droit de l’Union et agir conformément à celle-ci. »

6 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Missions confiées à la BCE », énonce :

« 1.   Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :

a) agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;

[...]

3.   Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique également
la législation nationale faisant usage de ces options.

[...] »

7 L’article 9 dudit règlement, intitulé « Pouvoirs de surveillance et d’enquête », dispose, à son paragraphe 1 :

« Aux seules fins de l’accomplissement des missions que lui confient l’article 4, paragraphes 1 et 2, et l’article 5, paragraphe 2, la BCE est considérée, selon le cas, comme l’autorité compétente ou l’autorité désignée des États membres participants, conformément aux dispositions pertinentes du droit de l’Union.

À ces seules et mêmes fins, la BCE est investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations prévus dans le présent règlement. Elle est également investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations qui incombent aux autorités compétentes et désignées en vertu des dispositions pertinentes du droit de l’Union, sauf disposition contraire du présent règlement. La BCE est notamment investie des pouvoirs énumérés dans les sections 1 et 2 du présent chapitre.

Dans la mesure nécessaire pour accomplir les tâches qui lui incombent en vertu du présent règlement, la BCE peut demander, par voie d’instructions, que les autorités nationales précitées fassent usage de leurs pouvoirs, conformément aux dispositions nationales en vigueur, lorsque le présent règlement ne confère pas de tels pouvoirs à la BCE. Lesdites autorités nationales informent dûment la BCE de l’exercice de ces pouvoirs. »

8 L’article 14 du même règlement, intitulé « Agrément », prévoit, à ses paragraphes 5 et 6 :

« 5.   Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. Ces consultations visent, en particulier, à garantir qu’avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur
permettre d’arrêter les mesures correctrices nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.

Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale.

6.   Tant que les autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des établissements de crédit à une procédure de résolution, lorsqu’elles considèrent que le retrait de l’agrément nuirait à la mise en œuvre adéquate ou à des mesures nécessaires à la résolution ou au maintien de la stabilité financière, elles font dûment part de leur objection à la BCE en expliquant en détail le préjudice qu’un retrait entraînerait. Dans ces cas, la BCE s’abstient de procéder à un retrait pendant une
période fixée d’un commun accord avec les autorités nationales. La BCE peut prolonger cette période si elle estime que des progrès suffisants ont été accomplis. Si, toutefois, la BCE établit, dans une décision motivée, que les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales, le retrait de l’agrément est applicable avec effet immédiat. »

Le règlement-cadre MSU

9 L’article 80 du règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), intitulé « Proposition d’une autorité compétente nationale de retirer un agrément », dispose :

« 1.   Si l’autorité compétente nationale concernée considère qu’il convient que l’agrément d’un établissement de crédit fasse l’objet d’un retrait total ou partiel conformément au droit de l’Union ou au droit national applicable, y compris à la demande de l’établissement de crédit, elle soumet à la BCE un projet de décision prévoyant le retrait de l’agrément (ci-après un “projet de décision de retrait”), ainsi que tout document justificatif pertinent.

2.   L’autorité compétente nationale assure la coordination avec l’autorité nationale de résolution compétente pour les établissements de crédit (ci-après l’“autorité nationale de résolution”) en ce qui concerne le projet de décision de retrait d’agrément. »

10 L’article 83 de ce règlement, intitulé « Décision de retrait d’agrément prise par la BCE », énonce :

« 1.   La BCE prend une décision de retrait d’agrément dans les meilleurs délais. Ce faisant, elle peut accepter ou rejeter le projet de décision de retrait concerné.

2.   Lorsqu’elle prend sa décision, la BCE tient compte de l’ensemble des points suivants : a) son examen des circonstances justifiant le retrait ; b) le cas échéant, le projet de décision de retrait de l’autorité compétente nationale ; c) la consultation de l’autorité compétente nationale concernée et, lorsque l’autorité compétente nationale n’est pas l’autorité nationale de résolution, de l’autorité nationale de résolution (ensemble avec l’autorité compétente nationale les “autorités
nationales”) ; d) les observations présentées par l’établissement de crédit conformément à l’article 81, paragraphe 2, et à l’article 82, paragraphe 3.

3.   La BCE prend également une décision dans les cas prévus à l’article 84 si l’autorité nationale de résolution concernée ne soulève pas d’objections à l’encontre du retrait d’agrément, ou bien la BCE décide que les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales. »

Le droit autrichien

11 L’article 39, paragraphes 2 et 2b, du Bundesgesetz über das Bankwesen (Bankwesengesetz) (loi fédérale sur le secteur bancaire, BGBl. 532/1993), dans sa version applicable aux faits au principal (ci‑après le « BWG »), prévoit :

« (2)   Les établissements de crédit doivent disposer de mécanismes administratifs, comptables et de contrôle pour la saisie, l’évaluation, la gestion et le suivi des risques découlant des opérations et transactions bancaires, ainsi que de leur politique et pratiques de rémunération. Ces mécanismes doivent être adaptés au type, à la portée et à la complexité des opérations bancaires effectuées. Dans la mesure du possible, les mécanismes d’administration, de comptabilité et de contrôle doivent
également saisir les risques découlant des transactions et opérations bancaires ainsi que les risques découlant de la politique et des pratiques de rémunération qui pourraient éventuellement survenir. [...]

(2b)   En particulier, les procédures visées au paragraphe 2 doivent inclure les éléments suivants :

[...]

11.   le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme,

[...] »

12 En vertu de l’article 70, paragraphe 4, point 3, du BWG, lorsqu’un établissement de crédit enfreint, notamment, les dispositions du BWG ou des actes pris pour son application, la FMA doit révoquer l’agrément de l’établissement de crédit dans les cas où d’autres mesures énoncées dans le BWG ne peuvent pas assurer le fonctionnement de l’établissement de crédit.

13 Aux termes de l’article 31, paragraphe 3, du Bundesgesetz zur Verhinderung der Geldwäscherei und Terrorismusfinanzierung im Finanzmarkt (loi fédérale relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur les marchés financiers, BGBl. I, 118/2016) (ci-après le « FM‑GwG ») :

« En cas de manquement aux obligations visées à l’article 34 paragraphes 2 et 3, la FMA peut :

[...]

2.   révoquer l’agrément accordé par la FMA [...]

[...] »

14 Les obligations contenues à l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG visent à transposer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux édictées par la directive 2005/60, laquelle a été abrogée et remplacée par la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du
Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73).

Les antécédents du litige

15 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 2 à 9 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés comme suit.

16 La requérante, un établissement de crédit moins important, au sens du règlement MSU de base, établi en Autriche, exerçait ses activités en vertu d’un agrément délivré au titre du BWG. L’actionnaire, une société de participation financière, détenait 99,99 % des actions de la requérante.

17 Le 26 avril 2019, la FMA a soumis à la BCE un projet de décision visant à retirer l’agrément de la requérante en tant qu’établissement de crédit, conformément à l’article 80, paragraphe 1, du règlement‑cadre MSU.

18 Par lettre du 14 juin 2019, la BCE a transmis à la requérante un projet de décision de retrait d’agrément, sur lequel cette dernière a pris position le 23 juillet 2019.

19 Par la décision litigieuse, la BCE a retiré à la requérante son agrément en tant qu’établissement de crédit, avec effet à la date de notification de ladite décision. En substance, la BCE a estimé que, sur la base des constats de la FMA effectués dans le cadre de l’exercice de sa mission de surveillance prudentielle, relatifs à l’inobservation continue et répétée des exigences en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi qu’à la gouvernance interne par la
requérante, celle-ci n’était pas apte à assurer une gestion saine de ses risques. La BCE a ainsi considéré que les critères justifiant le retrait de l’agrément de la requérante pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit, prévus à l’article 18, sous f), de la directive CRD IV, transposés dans le droit autrichien, étaient remplis, dès lors que celle-ci avait commis des violations de l’article 67, paragraphe 1, sous d) et o), de cette directive, tel que transposé dans le droit
autrichien, et que ce retrait était proportionné.

20 En outre, la BCE a refusé de suspendre les effets de la décision litigieuse pour une période de trente jours au motif que les observations de la requérante n’étaient pas de nature à faire naître un doute sur la légalité de cette décision, que celle-ci n’était pas susceptible de causer un dommage irréparable et que l’intérêt public visant à protéger les déposants, les investisseurs et les autres partenaires de la requérante ainsi que la stabilité du système financier justifiait l’application
immédiate de ladite décision.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019, la requérante et l’actionnaire ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

22 À l’appui de leur recours, la requérante et l’actionnaire ont soulevé cinq moyens, tirés, en substance, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base, en ce que les critères exigés pour le retrait d’un agrément n’étaient pas remplis (premier moyen) ; d’une violation du principe de proportionnalité (deuxième moyen) ; d’une violation de l’article 34 du règlement-cadre MSU, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle
effective, découlant du refus de la BCE de suspendre l’application de la décision litigieuse (troisième moyen) ; d’une violation des droits de la défense de la requérante (quatrième moyen), et d’une violation du droit de propriété de l’actionnaire (cinquième moyen).

23 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties au pourvoi

24 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, dans le cas où la Cour ne s’estimerait pas en mesure de statuer sur le fond, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner la BCE aux dépens des deux instances.

25 Par son mémoire en réponse, l’actionnaire demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, dans le cas où la Cour ne s’estimerait pas en mesure de statuer sur le fond, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner la BCE aux dépens exposés par la requérante dans le cadre des deux instances.

26 La BCE demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante aux dépens.

Sur la demande de renvoi à la grande chambre et de réouverture de la procédure orale

27 Par acte déposé au greffe de la Cour le 5 juin 2024, la requérante a demandé que la présente affaire soit réattribuée à la grande chambre de la Cour et que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

28 À l’appui de ses demandes, la requérante soutient, en substance, que les conclusions de Mme l’avocate générale soulèvent une question fondamentale pour le droit de l’Union, à savoir l’habilitation des juridictions de l’Union à appliquer le droit national. Par ailleurs, la requérante invoque son droit à une protection juridictionnelle effective.

29 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de la demande de réattribution de l’affaire à la grande chambre de la Cour, il y a lieu de relever d’emblée qu’aucune disposition du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou du règlement de procédure ne prévoit le traitement de ce type de demande de la part d’une partie à l’instance autre qu’un État membre ou qu’une institution de l’Union dans le cadre d’un pourvoi (voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13,
EU:C:2014:2090, point 19).

30 Certes, en vertu de l’article 60, paragraphe 3, du règlement de procédure, la formation de jugement devant laquelle une affaire a été renvoyée peut, à tout stade de la procédure, demander à la Cour de renvoyer cette affaire à une formation de jugement plus importante, mais il s’agit là d’une mesure que la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée adopte, en principe, d’office et librement (arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, point 20).

31 En l’occurrence, la première chambre de la Cour considère qu’il n’y a pas lieu de demander à la Cour de renvoyer la présente affaire à la grande chambre.

32 En second lieu, pour ce qui est de la demande de réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure, il convient de rappeler, d’une part, que ni le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ni le règlement de procédure ne prévoient la possibilité, pour les intéressés visés à l’article 23 de ce statut, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 8 février 2024, Pilatus Bank/BCE,
C‑750/21 P, EU:C:2024:124, point 27 et jurisprudence citée).

33 D’autre part, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. Il s’agit donc non pas d’un avis destiné aux juges ou aux parties qui émanerait d’une autorité extérieure à la Cour, mais de l’opinion individuelle, motivée et exprimée publiquement, d’un membre de
l’institution elle-même. Dans ces conditions, les conclusions de l’avocat général ne peuvent être débattues par les parties. Par ailleurs, la Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie intéressée avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions que ce dernier examine dans ses conclusions, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la
procédure orale (arrêt du 8 février 2024, Pilatus Bank/BCE, C‑750/21 P, EU:C:2024:124, point 28 et jurisprudence citée).

34 Certes, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner l’ouverture ou la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour.

35 Toutefois, en l’espèce, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que les éléments invoqués par la requérante au soutien de sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure ne constituent pas des éléments nouveaux de nature à pouvoir exercer une influence décisive sur la décision qu’elle est appelée à rendre. En effet, la question relative à l’interprétation du droit national par le Tribunal, abordée par Mme l’avocate générale dans ses
conclusions, fait partie des griefs de la requérante dans le cadre du pourvoi, sur lesquels la BCE a également pris position.

36 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocate générale entendue, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

37 Au soutien de son pourvoi, la requérante, soutenue par l’actionnaire, invoque sept moyens, tirés, en substance, pour le premier, de l’incompétence du Tribunal, d’une violation du droit de l’Union et, le cas échéant, d’une dénaturation des faits ; pour le deuxième, de l’incompétence de la BCE en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux ; pour le troisième, d’une appréciation erronée du droit national et du droit de l’Union par le Tribunal et, en tout état de cause, d’une dénaturation
des faits ; pour le quatrième, d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 67, sous d), de la directive CRD IV et du droit national ; pour le cinquième, du défaut d’examen des griefs tirés de la violation du principe de proportionnalité ; pour le sixième, d’une violation de ses droits de défense, et, pour le septième, de plusieurs erreurs de procédure qui porteraient atteinte à ses intérêts.

Sur le deuxième moyen

38 Le deuxième moyen de pourvoi, qu’il convient d’examiner en premier lieu, est subdivisé en quatre branches.

Sur la première branche

– Argumentation des parties

39 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que le considérant 28 du règlement MSU de base confère aux autorités nationales, telle la FMA, une compétence exclusive en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, la BCE étant incompétente en la matière. Partant, elle reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné d’office la question de la compétence de la BCE et d’avoir scindé le processus décisionnel en matière de retrait d’agrément en deux parties, l’une relative à
la constatation de la violation des dispositions de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et l’autre relative au retrait de l’agrément en tant que conséquence juridique de cette violation.

40 L’actionnaire reprend cette même argumentation. Elle précise notamment, en faisant référence à cet égard à une publication d’auteurs faisant partie des services juridiques de la BCE, que cette dernière a elle-même admis une telle incompétence .

41 La BCE conteste tant l’argumentation de la requérante que celle de l’actionnaire.

– Appréciation de la Cour

42 La requérante contestant, par la première branche du deuxième moyen, la définition retenue par le Tribunal des compétences de la BCE, résultant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU de base, il y a lieu de considérer que les griefs qui y sont exposés sont dirigés contre le point 29 de l’arrêt attaqué.

43 À cet égard, il y a lieu d’emblée de relever que la compétence en matière de retrait de l’agrément des établissements de crédit est, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU de base, réservée exclusivement à la BCE (arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 91).

44 Par ailleurs, l’article 14, paragraphe 5, de ce règlement prévoit que la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité (arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 93).

45 En outre, la coopération entre la BCE et les autorités compétentes nationales s’exprime, conformément à ce même article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base, d’une part, par l’obligation de consultation de ces autorités, dans le cas où la BCE retire l’agrément de sa propre initiative, et, d’autre part, par la possibilité pour ces autorités de proposer ledit retrait à la BCE (arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 95).

46 L’article 18, sous f), de la directive CRD IV mentionne, au nombre des motifs susceptibles de justifier le retrait de l’agrément bancaire, la commission de l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1, de cette directive. À cet égard, il a été jugé que, si les États membres demeurent compétents pour la mise en œuvre des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, comme le prévoit explicitement le considérant 28 du règlement MSU
de base, la BCE dispose d’une compétence exclusive pour le retrait de l’agrément, pour tous les établissements de crédit, indépendamment de leur importance, même lorsque celui-ci se fonde, comme en l’espèce, sur les motifs prévus à l’article 67, paragraphe 1, sous d) et o), de la directive CRD IV, auquel renvoie l’article 18 de cette directive, dès lors que l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement fixe comme condition pour le retrait de l’agrément l’existence d’un ou de plusieurs motifs
justifiant le retrait aux termes de l’article 18 de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 97).

47 Dès lors, le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit en jugeant que la BCE était compétente pour retirer l’agrément de la requérante sur la base des infractions constatées par la FMA au titre de l’article 18, sous f), et de l’article 67, paragraphe 1, sous d) et o), de la directive CRD IV.

48 Partant, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

Sur la deuxième branche

– Argumentation des parties

49 Par la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, au point 29 de l’arrêt attaqué, de la distinction entre « missions » et « pouvoirs » de la BCE et souligne que cette institution ne dispose pas du pouvoir d’appliquer la législation nationale relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux transposant les directives pertinentes.

50 Il découlerait de l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU de base qu’une application par la BCE du droit national en la matière ne serait possible que dans le cadre des « missions » confiées à la BCE. Par conséquent, puisque cette dernière ne disposerait pas des « pouvoirs » nécessaires à cet égard, son action serait subordonnée à la condition que l’autorité nationale agisse, sur le plan externe, sous le contrôle des juridictions nationales, sur la base d’une instruction que la BCE lui a
transmise, conformément à l’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce règlement et à l’article 22 du règlement-cadre MSU. Une interprétation différente de l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU de base aurait pour effet de rendre cette disposition illégale, puisqu’elle impliquerait que l’application du droit national soit soustraite au contrôle des juridictions nationales.

51 La BCE réfute cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

52 Il ressort de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement MSU de base que, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ce règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Or, parmi les missions auxquelles fait référence le paragraphe 3 de cet article figure celle consistant
à retirer les agréments des établissements de crédit.

53 Par ailleurs, il découle de l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement que, à seules fins de l’accomplissement des missions que lui confie notamment l’article 4, paragraphes 1, de celui-ci, la BCE est investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations prévus dans ce même règlement.

54 Dès lors, la BCE dispose de l’ensemble des pouvoirs prévus par le règlement MSU de base aux fins, notamment, de l’accomplissement, qui lui incombe, de la mission de retrait d’agrément des établissements de crédit, sans que la distinction entre « missions » et « pouvoirs » invoquée par la requérante soit pertinente à cet égard.

55 Quant au grief tiré de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement MSU de base, en ce que, ainsi interprétée, cette disposition aurait pour conséquence de soustraire l’application du droit national au contrôle des juridictions nationales, il y a lieu de relever que la requérante ne l’a pas invoqué à l’appui de son recours en première instance. Or, en vertu de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de
l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, ce qui n’est ni établi ni même allégué en l’espèce.

56 Quant à l’argument de la requérante et de l’actionnaire selon lequel l’action de la BCE est subordonnée à la condition que l’autorité nationale agisse sur le plan externe sous le contrôle des juridictions nationales, il convient de relever que, selon l’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement MSU de base, auquel fait référence la requérante, la seule hypothèse dans laquelle la BCE doit demander, par voie d’instructions, que les autorités nationales compétentes fassent usage de
leurs pouvoirs, conformément aux dispositions nationales en vigueur, est celle où ce règlement ne confère justement pas de tels pouvoirs à la BCE.

57 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 29 de l’arrêt attaqué, que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU de base, et sous réserve de l’article 14 de ce règlement, la BCE est seule compétente, au titre des missions qui lui sont confiées par ledit règlement, pour agréer les établissements de crédit établis dans les États membres participant au mécanisme de surveillance unique et retirer les agréments auxdits
établissements.

58 Partant, la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant, en partie, dénuée de fondement et, en partie, irrecevable.

Sur la troisième branche

– Argumentation des parties

59 Par la troisième branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la BCE n’est compétente, en vertu de l’article 18 du règlement MSU de base et du considérant 36 de celui-ci, que pour adopter des sanctions visant à mettre en œuvre le droit de l’Union directement applicable, et non pas des sanctions visant à mettre en œuvre le droit national transposant les directives pertinentes.

60 La BCE conteste cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

61 D’emblée, il convient de constater que la requérante n’identifie pas avec précision les points de motifs de l’arrêt attaqué qui sont contestés dans le cadre de cette troisième branche du deuxième moyen. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du
règlement de procédure qu’un pourvoi doit, sous peine d’irrecevabilité, indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 24 mars 2022, GVN/Commission, C‑666/20 P, EU:C:2022:225, point 51 et jurisprudence citée).

62 Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la quatrième branche

– Argumentation des parties

63 Par la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal d’avoir méconnu, au point 29 de l’arrêt attaqué, le fait que la compétence de la BCE est limitée aux missions spécifiques ayant trait à la surveillance des activités bancaires au sens strict du droit de l’Union, c’est-à-dire des activités de dépôt et de crédit exercées simultanément. En revanche, la grande majorité des activités soumises à autorisation ne relèverait pas du champ
d’application du règlement MSU de base et serait, par conséquent, de la seule compétence des autorités nationales.

64 La BCE réfute cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

65 Force est de constater que l’argumentation tirée de la prétendue limitation de la compétence de la BCE qui, comme la requérante le soutient dans le cadre de cette quatrième branche du deuxième moyen, aurait été méconnue par le Tribunal n’a été avancée qu’au stade du pourvoi. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant
les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal. En effet, permettre aux requérants de soulever pour la première fois devant la Cour des arguments qu’ils n’ont pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à les autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE,
C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 101 et jurisprudence citée).

66 La quatrième branche du deuxième moyen doit donc être écartée comme étant irrecevable.

67 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

68 Par le premier moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, fait valoir, en se référant à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que le Tribunal a outrepassé sa compétence et a ainsi violé l’article 263 TFUE, en ce qu’il a tranché des questions relatives à l’interprétation et à l’application du droit national en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. En outre, cette violation de la délimitation des compétences aurait conduit le Tribunal à exposer une
motivation contradictoire, puisque, d’un côté, il aurait considéré que la question de savoir si la condition essentielle du retrait de l’agrément contesté, à savoir l’existence d’une infraction aux dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux qui serait suffisamment grave et toujours pertinente, était remplie devait être tranchée au niveau national, mais que, de l’autre côté, il aurait lui-même tranché cette question, du moins en partie.

69 À titre subsidiaire, la requérante soutient que le Tribunal a dénaturé le droit national. En particulier, aux points 45 à 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait procédé à un amalgame entre le droit national et le droit de l’Union, par exemple en appliquant par analogie des principes du droit administratif de l’Union afin de déterminer la portée de décisions administratives autrichiennes.

70 De son côté, l’actionnaire soutient, en substance, que le Tribunal s’est approprié des compétences des juridictions nationales et que, partant, dans le cadre des litiges concernant les matières en cause dans la présente affaire, la Cour ne pourrait être saisie à titre préjudiciel. Or, et ainsi qu’il découle de l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea (C‑284/16, EU:C:2018:158), un tel transfert serait incompatible avec la compétence dévolue à la Cour telle qu’elle est définie à l’article 267 TFUE et, par
conséquent, avec un élément essentiel de l’ordre juridique de l’Union.

71 L’actionnaire ajoute, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant directement des dispositions du droit de l’Union tirées de la directive CRD IV et en remplaçant le droit autrichien transposant cette directive par la jurisprudence directement applicable des juridictions de l’Union.

72 La BCE soutient que ce moyen est irrecevable dans son ensemble et, en tout état de cause, non fondé.

Appréciation de la Cour

73 Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement MSU de base, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ce règlement, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives, la requérante ne saurait valablement remettre en cause la compétence du Tribunal à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2023,
Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, points 138 à 142).

74 En outre, la requérante reste en défaut d’établir que la motivation de l’arrêt attaqué est contradictoire, puisqu’elle n’identifie pas les points de l’arrêt dans lesquels le Tribunal aurait constaté les infractions aux dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux qui lui sont reprochées.

75 S’agissant de l’argument soulevé à titre subsidiaire par la requérante, relatif à une application erronée du droit national, il convient de constater, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 73 de ses conclusions, que la requérante ne précise pas en quoi les principes appliqués par le Tribunal différeraient des règles administratives autrichiennes, en particulier en quoi l’application du droit national entraînerait des conséquences différentes de celles évoquées par le Tribunal, et,
partant, quelles erreurs le Tribunal aurait commises à cet égard.

76 En ce qui concerne l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea (C‑284/16, EU:C:2018:158), invoqué par l’actionnaire, il y a lieu de relever que la Cour a jugé dans cet arrêt que les tribunaux arbitraux ad hoc ne présentent pas de liens suffisants avec les systèmes juridictionnels des États membres et ne sont, dès lors, pas habilités à saisir la Cour à titre préjudiciel en vertu de l’article 267 TFUE. Celui-ci n’est, partant, pas pertinent dans le cadre de la présente affaire.

77 Quant à l’argumentation soulevée par l’actionnaire, tirée de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant directement des dispositions du droit de l’Union tirées de la directive CRD IV et en remplaçant le droit autrichien transposant cette directive par la jurisprudence directement applicable des juridictions de l’Union, il suffit de relever que, contrairement aux conditions établies par la jurisprudence figurant au point 61 du présent arrêt, la requérante n’identifie pas avec
précision les points critiqués de l’arrêt attaqué concernés par cette argumentation. Ladite argumentation doit, dès lors, être rejetée comme étant irrecevable.

78 Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le troisième moyen

Sur la première branche

– Argumentation des parties

79 Par la première branche du troisième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, fait valoir que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM-GwG, en ce qu’il a considéré, au point 44 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu d’attendre que les décisions nationales concernées deviennent définitives avant de constater que les conditions de retrait de l’agrément soient réunies.

80 En outre, la requérante reproche au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation radicale du droit national, en ce qu’il n’a pas jugé problématique l’existence de deux décisions distinctes traitant de la même infraction, à savoir une décision nationale, ayant constaté cette infraction, et une décision de la BCE, l’ayant sanctionnée en retirant l’agrément. En effet, le retrait de l’agrément ne pourrait être que le résultat d’une décision unique, qui devrait être adoptée par la FMA.

81 De surcroît, la requérante, soutenue par l’actionnaire, fait valoir que le Tribunal a, au point 61 de l’arrêt attaqué, commis une erreur d’interprétation de l’article 70, paragraphe 4, du BWG, expressément déclaré applicable par l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM-GwG.

82 La BCE conteste l’ensemble de cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

83 S’agissant du grief tiré de ce que le Tribunal aurait, au point 44 de l’arrêt attaqué, interprété et appliqué de manière erronée l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM‑GwG, il convient de relever que ce grief repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, à ce point, le Tribunal s’est borné à répondre à l’argument de la requérante selon lequel l’établissement de crédit doit avoir été déclaré responsable d’une infraction dans une décision juridictionnelle récente et ayant
autorité de chose jugée. Dans ce contexte, le Tribunal a considéré que, dans l’hypothèse dans laquelle le constat et la sanction de la violation des dispositions en cause relèvent de la compétence d’une autorité administrative, le fait de retenir la thèse de la requérante reviendrait à faire dépendre l’application de l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, et de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG du choix de l’établissement concerné d’introduire ou non un recours contre les
décisions de cette autorité. Ainsi, le grief soulevé par la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

84 En ce qui concerne le reproche dirigé contre le point 61 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal se serait fondé, en violation de l’article 70, paragraphe 4, du BWG, sur des infractions antérieures et aurait jugé qu’il n’était pas nécessaire de démontrer qu’une nouvelle infraction a été commise, alors que, en vertu de cette disposition, il conviendrait de constater une infraction à chaque niveau de traitement, il y a lieu d’examiner si le Tribunal a dénaturé cette disposition de droit national.

85 En effet, il est de jurisprudence constante que, s’agissant d’une interprétation du droit national effectuée par le Tribunal, la Cour n’est compétente, dans le cadre du pourvoi, que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit, laquelle doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier (arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE, C‑326/21 P, EU:C:2022:693, point 71).

86 En particulier, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations faites par le Tribunal à l’égard de la législation nationale, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de doctrine qui les concernent, ensuite si le Tribunal ne s’est
pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, afin de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressorte de façon manifeste des pièces du dossier (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 53).

87 Or, si la requérante et l’actionnaire soutiennent que le Tribunal a commis une erreur d’interprétation de l’article 70, paragraphe 4, du BWG, elles ne démontrent pas en quoi cette disposition aurait été dénaturée.

88 Partant, c’est sans commettre une telle dénaturation que le Tribunal a jugé, au point 61 de l’arrêt attaqué, que la position soutenue par la requérante selon laquelle certains manquements constatés avaient été corrigés et ne pouvaient plus justifier un retrait d’agrément remettrait en cause l’objectif de sauvegarde du système bancaire européen dans la mesure où elle permettrait aux établissements de crédit ayant commis des infractions graves de continuer leurs activités tant que les autorités
compétentes ne démontrent pas à nouveau qu’elles ont commis de nouvelles infractions.

89 La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée.

Sur la deuxième branche

– Argumentation des parties

90 Par la deuxième branche du troisième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans son appréciation des décisions nationales.

91 À cet égard, le Tribunal aurait estimé qu’il était nécessaire qu’une décision constatant le manquement fautif et soumise à un contrôle juridictionnel soit rendue au niveau national, sans toutefois mentionner une quelconque décision de cette nature, laquelle n’existerait, en tout état de cause, pas en droit autrichien.

92 Quant aux onze mesures énumérées au point 26 de l’arrêt attaqué, celles-ci ne pourraient servir de fondement pour un retrait d’agrément, en raison soit, pour certaines, de leur caractère non contraignant ou provisoire et de l’impossibilité d’un contrôle par le juge, soit, pour d’autres, du fait qu’il y a déjà eu une décision rendue par une juridiction administrative nationale, ce qui s’opposerait à ce qu’une mesure plus stricte que celle prévue dans cette décision puisse être prise.

93 La BCE réfute cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

94 La requérante reproche au Tribunal d’avoir estimé qu’il était nécessaire qu’une décision constatant le manquement fautif et soumise à un contrôle juridictionnel soit rendue au niveau national. Se référant au point 26 de l’arrêt attaqué, elle relève que les actes repris à ce point ne revêtaient pas le caractère d’une décision. Or, le Tribunal s’est limité à mentionner ces actes tels qu’ils ont été cités par la BCE au soutien de ses conclusions, sans procéder à une appréciation de leur nature. Ce
faisant, la requérante reste en défaut d’identifier l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal à cet égard.

95 Par conséquent, la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la troisième branche

– Argumentation des parties

96 Par la troisième branche du troisième moyen, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir, au point 46 de l’arrêt attaqué, déduit de la jurisprudence relative aux actes des organes de l’Union que les décisions qui ne sont pas contestées par leurs destinataires dans le délai prévu deviennent définitives à l’égard de ces derniers et d’avoir, au point 47 de cet arrêt, considéré que cette jurisprudence s’applique, par analogie, aux décisions des autorités administratives nationales.

97 La BCE conclut au rejet de cette branche.

– Appréciation de la Cour

98 Il y a lieu de relever que, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé sa jurisprudence selon laquelle la culpabilité d’une personne accusée d’une infraction peut être considérée comme définitivement établie lorsque la décision constatant cette infraction est devenue définitive. Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 100 de ses conclusions, la requérante ne démontre pas en quoi ce principe serait en contradiction avec le droit autrichien applicable.

99 La troisième branche du troisième moyen doit, dès lors, être rejetée comme étant non fondée.

Sur la quatrième branche

– Argumentation des parties

100 Par la quatrième branche du troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur, aux points 149 et 150 de l’arrêt attaqué, en attribuant aux décisions administratives autrichiennes un certain nombre de conséquences que ne prévoient ni le droit autrichien ni le droit de l’Union. La requérante se réfère aux prétendues conséquences suivantes, à savoir que les manquements mentionnés dans la motivation de décisions ont été établis de manière définitive ; que les considérations
figurant dans les motivations établissent de manière définitive que les prétendus manquements sont également suffisamment graves pour justifier un retrait ultérieur de l’agrément, nonobstant le fait que, au contraire, elles appliquent, tout au plus, une conséquence juridique moins stricte ; que la pertinence des prétendus manquements aux fins d’un retrait ultérieur de l’agrément est établie ex ante de manière définitive, et qu’il est exclu d’apporter la preuve contraire visant à démontrer que
les manquements ne se sont pas produits.

101 La BCE réfute cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

102 Il y a lieu de constater, d’emblée, que la quatrième branche du troisième moyen, qui n’est explicitement dirigée que contre les points 149 et 150 de l’arrêt attaqué, n’est soutenue par aucune argumentation circonstanciée concernant l’ensemble des éléments invoqués dans le cadre de cette branche.

103 Pour autant que la requérante fait valoir, en se référant à ces points 149 et 150 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a commis une erreur de droit en attribuant aux décisions nationales l’effet d’exclure la preuve du contraire, il y a lieu de considérer, à l’instar de la BCE, qu’un tel grief procède d’une dénaturation de l’arrêt attaqué.

104 En effet, à ces mêmes points, le Tribunal a, dans le cadre de son appréciation des preuves, constaté que des rapports d’audit internes d’une banque ne peuvent pas constituer une preuve contraire suffisante pour remettre en cause les constatations contenues dans des décisions administratives nationales devenues définitives.

105 Dans cette mesure également, la requérante n’a ni allégué ni établi que l’appréciation des preuves par le Tribunal était entachée d’une dénaturation.

106 Par conséquent, la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant infondée.

Sur la cinquième branche

– Argumentation des parties

107 Par la cinquième branche du troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal de n’avoir pris en compte ni la nécessité de l’existence d’infractions spécifiques relevant de l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM-GwG, ni la nécessité que ces infractions aient un caractère fautif. En effet, de l’avis de la requérante, de simples constats de l’existence de carences et des invitations à y remédier ne permettraient pas de déterminer si ces carences ont été précédées de manquements fautifs.

108 Par ailleurs, la requérante soutient qu’il lui aurait, certes, été demandé de remédier à la situation sous peine d’infliction d’amendes, mais que ces amendes n’auraient pas été infligées. Cette circonstance démontrerait que, au regard des procédures menées au niveau national, il n’y avait pas lieu d’appliquer d’autres sanctions, tel un retrait d’agrément.

109 La BCE conteste cette argumentation.

– Appréciation de la Cour

110 Force est de constater que, dans le cadre de la cinquième branche du troisième moyen, les griefs avancés par la requérante ne permettent pas d’identifier les motifs de l’arrêt attaqué qu’elle conteste. Il s’ensuit, eu égard à la jurisprudence citée au point 61 du présent arrêt, que cette branche doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la sixième branche

– Argumentation des parties

111 Par la sixième branche du troisième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal l’absence de prise en compte de décisions appréciant la situation de manière globale. En particulier, le Tribunal aurait dû prendre en considération l’ensemble des décisions administratives et judiciaires au niveau national et en apprécier le contenu. Parmi ces décisions figureraient, notamment, les arrêts par lesquels le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) a
censuré à plusieurs reprises la tentative de la FMA de remplacer partiellement la direction de la requérante. Or, le constat, par cette juridiction, de l’illégalité de telles tentatives impliquerait qu’une mesure plus stricte, en l’occurrence un retrait de l’agrément, justifiée sur le même fondement soit également illégale. Les décisions mentionnées par le Tribunal traiteraient, en revanche, de thèmes très spécifiques et anciens.

112 La BCE conclut à l’irrecevabilité de cette branche.

– Appréciation de la Cour

113 Il convient de relever, d’emblée, que la requérante n’indique pas les points de la motivation de l’arrêt attaqué qu’elle entend contester par ses griefs. De même, l’argumentation de la requérante et de l’actionnaire ne permet pas d’identifier quelle est précisément l’erreur de droit reprochée au Tribunal.

114 Par ailleurs, en tant que, par cette branche, la requérante et l’actionnaire sollicitent de la Cour qu’elle constate que le Tribunal n’a pas accordé l’importance qu’elles attribuent à certains faits, elles demandent en réalité à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de ces faits au stade du pourvoi sans alléguer une dénaturation des preuves. Or, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni pour examiner les éléments de preuve, sauf lorsque la partie requérante fait valoir
que le Tribunal a dénaturé les faits et qu’une telle dénaturation ressort de façon manifeste des pièces du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, points 63 et 64). En outre, la partie qui allègue la dénaturation doit indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (voir, en ce sens,
arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55).

115 Dans ces conditions, la sixième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant irrecevable dans son intégralité.

Sur la septième branche

– Argumentation des parties

116 Par la septième branche du troisième moyen, la requérante soutient, tout d’abord, que le Tribunal a méconnu le fait que l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive CRD IV suppose que des infractions graves aient été commises. Il conviendrait également d’interpréter l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM-GwG en ce sens. Or, aucune infraction de cette nature n’aurait été commise.

117 Ensuite, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu la jurisprudence qu’il a lui-même citée au point 49 de l’arrêt attaqué, à savoir l’arrêt de la Cour du 16 février 2012, Costa et Cifone (C‑72/10 et C‑77/10, EU:C:2012:80, point 81), lorsqu’il a jugé que, s’agissant du respect par les banques de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, il convient d’appliquer des exigences plus strictes que celles appliquées aux opérateurs de jeux de hasard. En effet,
l’appréciation du Tribunal reviendrait à considérer que l’organisation de jeux de hasard a plus d’importance que la gestion d’une banque.

118 Enfin, la requérante soutient qu’il n’y a aucune raison d’interpréter le droit matériel autrichien à la lumière du droit de l’Union.

119 La BCE rétorque que cette branche est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

– Appréciation de la Cour

120 S’agissant, tout d’abord, du grief de la requérante tiré de la violation par le Tribunal de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive CRD IV, il y a lieu de relever que celle-ci omet tant d’identifier les passages pertinents de l’arrêt attaqué que de motiver son grief. En tout état de cause, la requérante invite la Cour à procéder à une nouvelle appréciation des faits, alors que, sauf dans l’hypothèse où une partie requérante invoque une dénaturation des faits, ce qui n’est pas le cas
en l’espèce, les arguments relatifs aux faits qu’elle soulève doivent être considérés comme étant irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 98).

121 S’agissant, ensuite, de l’argumentation de la requérante selon laquelle l’appréciation du Tribunal figurant au point 49 de l’arrêt attaqué reviendrait à considérer que l’organisation de jeux de hasard a plus d’importance que la gestion d’une banque, cette argumentation est trop imprécise pour permettre à la Cour d’appréhender en quoi consisterait l’erreur de droit que, de l’avis de la requérante, le Tribunal aurait commise à cet égard. Il s’ensuit que ladite argumentation doit également être
écartée comme étant irrecevable.

122 Enfin, dans la mesure où la requérante soutient qu’il n’y a pas de raison d’interpréter le droit matériel autrichien à la lumière du droit de l’Union, là encore, l’argumentation de la requérante ne permet pas d’appréhender en quoi consisterait l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal.

123 Par suite, la septième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la huitième branche

– Argumentation des parties

124 Par la huitième branche du troisième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal, en se référant au point 158 de l’arrêt attaqué, un examen insuffisant du moyen tiré de l’absence de prise en compte de l’applicabilité de l’article 70, paragraphe 4, du BWG.

125 Le Tribunal aurait méconnu le fait que, même en cas de manquement suffisamment grave, il est nécessaire que les conditions prévues à cette disposition nationale soient remplies, parmi lesquelles figure l’obligation de constater l’existence d’un manquement propre à la date de la décision et à chacun des trois niveaux de traitement prescrits. À cet égard, la requérante indique que ladite disposition exige expressément, au premier niveau de traitement, d’ordonner de remédier à la situation sous
peine d’amende (mesure qui, en l’occurrence, n’aurait pas été prise), au deuxième niveau, d’ordonner le remplacement de la direction et, au troisième niveau, à la condition que les autres mesures aient été vouées à l’échec, d’ordonner le retrait de l’agrément.

126 Or, le Tribunal aurait adopté, aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué, une approche opposée à celle découlant de l’article 70, paragraphe 4, du BWG, puisqu’il se serait appuyé, aux fins de la motivation de la décision litigieuse, sur des infractions antérieures qui n’appelaient pas un retrait de l’agrément.

127 En outre, la requérante, soutenue par l’actionnaire, fait valoir que le Tribunal s’est arrogé le droit de procéder, par voie de création juridique, à un « remaniement fondamental du droit autrichien », ce qui serait contraire au respect de l’État de droit. En effet, le règlement MSU de base n’habiliterait pas le Tribunal à remanier la législation nationale relative à la surveillance prudentielle, sauf à violer l’article 127, paragraphe 6, TFUE.

128 BCE soutient que cette branche du troisième moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

– Appréciation de la Cour

129 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 122 à 125 de ses conclusions, il convient de constater que, dans le cadre de la huitième branche du troisième moyen, la Cour est invitée à procéder à une nouvelle appréciation des constatations des faits s’agissant, notamment, de l’évaluation des mesures prises par la requérante pour corriger les manquements et des différentes décisions adoptées par la FMA dans le cadre de sa mission de surveillance.

130 Ainsi, et alors qu’aucune dénaturation des faits n’est invoquée, ces arguments sont irrecevables.

131 S’agissant des autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de cette huitième branche du troisième moyen, celle-ci n’indique pas les points concernés de l’arrêt attaqué pas plus qu’elle ne précise la nature de la prétendue erreur du Tribunal, au-delà d’une référence générale à des considérations de politique juridique et à l’État de droit.

132 Par suite, la huitième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la neuvième branche

– Argumentation des parties

133 La requérante reproche au Tribunal d’avoir commis, aux points 105 et suivants de l’arrêt attaqué, une erreur de droit s’agissant de son appréciation du rapport entre l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM‑GwG et l’article 70, paragraphe 4, du BWG. Plus précisément, la requérante affirme que la BCE a fondé sa décision sur l’article 70, paragraphe 4, du BWG alors que le pouvoir de sanctionner des activités contraires aux règles de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme est régi uniquement par le FM-GwG, auquel l’article 70, paragraphe 4, du BWG ne fait pas référence.

134 À cet égard, la requérante soutient que le fait que le BWG aborde, de manière marginale, des questions relevant de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux est dépourvu d’importance, ce que le Tribunal aurait méconnu au point 106 de l’arrêt attaqué. En outre, le renvoi, audit point 106, à l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG serait inopérant, cette disposition ne modifiant en rien le fait que l’article 70, paragraphe 4, du BWG ne mentionne pas le FM‑GwG.

135 La requérante ajoute que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété la décision litigieuse en ce sens qu’elle serait fondée sur de prétendues infractions passées au sens de l’article 31, paragraphe 3, point 2, du FM‑GwG, et non sur des infractions actuelles aux conditions d’octroi de l’agrément. Elle précise qu’elle ne relève cette erreur que par un souci d’exhaustivité.

136 La BCE considère que cette branche doit être écartée comme étant dénuée de fondement.

– Appréciation de la Cour

137 S’agissant de l’argumentation de la requérante relative à la base juridique prétendument erronée sur laquelle serait fondée la décision litigieuse, il y a lieu de relever que, aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, jugé qu’il ne saurait être considéré que les seules normes prévoyant le retrait d’un agrément pour des infractions à la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en droit autrichien sont les
dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 3, point 2, et de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM-GwG. Il a, à cet égard, relevé que l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG fait expressément référence au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et qu’il ressort de l’article 70, paragraphe 4, de cette loi que des violations du BWG peuvent justifier un retrait de l’agrément.

138 Au point 108 de l’arrêt attaqué, non contesté dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a rappelé que, même à supposer que la BCE se soit fondée sur une base juridique erronée, l’annulation d’une décision administrative en raison d’une base juridique erronée n’est pas justifiée lorsqu’une telle erreur n’a pas eu d’influence déterminante sur l’appréciation portée par l’administration.

139 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 109 de l’arrêt attaqué, qui ne fait pas non plus l’objet du présent pourvoi, la requérante n’a pas allégué, devant le Tribunal, que le choix d’une base juridique différente aurait pu avoir une influence sur l’appréciation de la BCE.

140 Les points 108 et 109 de l’arrêt attaqué sont ainsi suffisants pour justifier la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, même dans l’hypothèse où la BCE se serait fondée sur une base juridique erronée.

141 Partant, les griefs de la requérante relatifs aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué doivent être écartés comme étant inopérants, dans la mesure où l’éventuel accueil de ceux-ci par la Cour n’entraînerait pas l’annulation de cet arrêt.

142 Dans ces conditions, la neuvième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant inopérante.

143 Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le quatrième moyen

Sur la première branche

– Argumentation des parties

144 Par la première branche du quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis, aux points 132 et suivants de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en ce qu’il a jugé que des violations commises trois ou cinq ans avant l’adoption de la décision litigieuse et auxquelles il a entre-temps été remédié étaient suffisantes pour justifier cette décision.

145 Le Tribunal n’aurait pas dû prendre en compte certaines violations, telles celles concernant les obligations relatives à la tenue, au contrôle et au dépôt des comptes, à la gouvernance, à la gestion du risque, au système de documentation interne et contractuelle ainsi qu’à la gestion des dossiers de crédit.

146 La BCE considère que cette branche est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

– Appréciation de la Cour

147 Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Il s’ensuit que l’appréciation des faits ne
constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 25 avril 2024, NS/Parlement, C‑218/23 P, EU:C:2024:358, point 58 et jurisprudence citée).

148 En l’espèce, dans la mesure où la requérante conteste des appréciations factuelles du Tribunal et vise à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour, sans pour autant alléguer une dénaturation de ceux-ci par le Tribunal, cette branche doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la deuxième branche

– Argumentation des parties

149 Par la deuxième branche du quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis, aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en constatant qu’il n’est pas nécessaire que les violations soient graves pour justifier un retrait d’agrément. Un tel constat méconnaîtrait la nature d’une telle mesure ainsi que le principe de proportionnalité.

150 La BCE réfute les arguments de la requérante.

– Appréciation de la Cour

151 Contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de relever que l’article 67, paragraphe 1, sous d), de la directive CRD IV, auquel renvoie l’article 18, sous f) de cette directive, relatif au retrait d’agrément, et auquel il est fait référence aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué, dispose que cet article 67 s’applique au moins dans l’une des circonstances qu’il énonce, telle celle dans laquelle un établissement n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les
autorités compétentes conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de ladite directive. Il en ressort que ledit article 67 ne mentionne pas spécifiquement la commission d’infractions « graves ».

152 Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir jugé que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la requérante avait violé des dispositions du BWG transposant l’article 74 de la même directive sans établir que ces violations étaient graves, flagrantes ou systémiques.

153 Par ailleurs, les constatations du Tribunal figurant aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué ne méconnaissent pas la nature d’une mesure de retrait d’agrément ni le principe de proportionnalité. En effet, ni l’article 67, paragraphe 1, sous d), de la directive CRD IV, auquel renvoie l’article 18, sous f) de cette directive, ni le principe de proportionnalité ne s’opposent à ce qu’un nombre élevé d’infractions répétées aux règles d’une gouvernance d’entreprise régulière puisse, en principe,
aboutir à ce que le retrait de l’agrément soit considéré comme étant une mesure appropriée.

154 Par conséquent, la deuxième branche du quatrième moyen doit être écartée comme étant infondée.

Sur la troisième branche

– Argumentation des parties

155 Par la troisième branche du quatrième moyen, la requérante prétend que, en refusant d’examiner l’argument tiré de ce que l’audit interne de la requérante a été suffisant au motif que la FMA avait, par le passé, constaté que tel n’était pas le cas et que les décisions de la FMA étaient devenues définitives, le Tribunal a, aux points 140 et suivants de l’arrêt attaqué, violé la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023).

156 La BCE réfute l’argumentation de la requérante.

– Appréciation de la Cour

157 Il convient de relever que, au point 59 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023), la Cour a jugé que l’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante adoptés par les autorités compétentes nationales dans le cadre de la procédure prévue aux articles 22 et 23 de la directive CRD IV, à
l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement MSU de base ainsi qu’aux articles 85 à 87 du règlement‑cadre MSU.

158 Or, dès lors que les décisions par lesquelles la FMA a constaté le caractère inapproprié du mécanisme d’audit interne de la requérante ne constituent pas de tels actes d’ouverture ou préparatoires en vue d’un retrait d’agrément, et que le Tribunal a jugé, aux points 145 et 146 de l’arrêt attaqué, que la décision de la FMA concernant l’absence de mise en place par la requérante du dispositif de gouvernance requis avait un caractère définitif, la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 décembre 2018,
Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023), est dépourvue de pertinence.

159 Par suite, la troisième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la quatrième branche

– Argumentation des parties

160 Par la quatrième branche du quatrième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a apprécié de manière erronée les documents énumérés au point 122 de l’arrêt attaqué s’agissant de la nature juridique, du caractère attaquable ou de l’éventuel caractère définitif des mesures qui y sont énumérées, et n’a pas analysé les trois niveaux de conséquences qui sont prescrits à l’article 70, paragraphe 4, du BWG. Il aurait ainsi commis les mêmes erreurs que celles affectant le point 26 de l’arrêt
attaqué quant à l’appréciation des mesures qui y sont visées.

161 L’actionnaire soutient également qu’aucune des mesures énumérées au point 122 de l’arrêt attaqué n’était de nature à justifier un retrait d’agrément.

162 La BCE soutient que cette argumentation ne saurait prospérer.

– Appréciation de la Cour

163 Il convient d’emblée de relever que, au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté d’énumérer les différents ordres formels adressés par la FMA à la requérante, sur lesquels s’est fondée la BCE pour constater la violation des dispositions nationales transposant l’article 74 de la directive CRD IV, sans se livrer à une quelconque appréciation à cet égard. Il en est de même s’agissant des actes visés au point 26 de cet arrêt.

164 Par conséquent, la quatrième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

165 Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le cinquième moyen

Sur la première branche

– Argumentation des parties

166 Par la première branche du cinquième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, reproche au Tribunal, en visant les points 163 et suivants de l’arrêt attaqué, un défaut d’examen de son moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité ainsi qu’un défaut d’examen de l’article 70, paragraphe 4, du BWG. Le retrait de l’agrément aurait abouti, selon la requérante, à un résultat moins efficace en termes de prévention du blanchiment d’argent et de contrôle à cet égard.

167 L’actionnaire ajoute que le cinquième moyen du pourvoi, tiré du caractère erroné des considérations du Tribunal consacrées au principe de proportionnalité, est étroitement lié au traitement insuffisant de l’article 70, paragraphe 4, du BWG, qui concrétise ce principe. À cet égard, il aurait été nécessaire qu’il tienne compte du fait que les tentatives d’ordonner une mesure moins stricte avaient été censurées par les juridictions nationales.

168 La BCE conclut au rejet de cette branche.

– Appréciation de la Cour

169 Il convient de relever que les arguments invoqués dans le cadre de la première branche du cinquième moyen ont déjà été soulevés dans le cadre de la huitième branche du troisième moyen. Ainsi, et pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 129 à 131 du présent arrêt, la première branche du cinquième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

Sur la seconde branche

– Argumentation des parties

170 Par la seconde branche du cinquième moyen, la requérante fait valoir que, en adoptant la décision litigieuse, la BCE a rendu le FM-GwG inapplicable, alors que ce texte serait resté contraignant pour la requérante si elle avait choisi de procéder plutôt à une liquidation volontaire.

171 La BCE conclut à l’irrecevabilité de cette deuxième branche.

– Appréciation de la Cour

172 Force est de constater que la requérante répète le moyen invoqué à l’appui du recours en première instance, sans identifier une erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans le cadre de son appréciation.

173 Au demeurant, la requérante ne conteste pas les points 189 à 192 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a constaté que la solution de la liquidation volontaire n’aurait pas constitué une mesure plus adaptée qu’un retrait d’agrément.

174 Dans ces conditions, la seconde branche du cinquième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

175 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant irrecevable.

Sur le sixième moyen

Argumentation des parties

176 Par le sixième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir à tort rejeté ses arguments avancés dans le cadre du quatrième moyen de son recours de première instance, par lequel elle faisait valoir une violation de ses droits de la défense.

177 Elle avance, à cet égard, que le Tribunal a commis des erreurs, notamment en rapport avec la violation du droit d’accès au dossier ainsi qu’avec la violation de l’obligation de déterminer les circonstances pertinentes, invoquées par la requérante, et aurait rejeté à tort les griefs soulevés dans ce contexte au motif que la requérante avait eu l’occasion de contester en justice, au niveau national, la décision constatant des manquements et qu’elle n’avait pas fait usage de cette faculté.

178 L’actionnaire ajoute que ce moyen est étroitement lié à d’autres erreurs commises par le Tribunal.

179 La BCE conclut au rejet dudit moyen.

Appréciation de la Cour

180 D’emblée, il y a lieu de relever que l’argumentation avancée par la requérante découle d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

181 En effet, le Tribunal a constaté, aux points 245 à 248 de l’arrêt attaqué, que la BCE n’était pas tenue de divulguer à la requérante la partie confidentielle du dossier. Il a invoqué, à l’appui de cette constatation, au point 241 de cet arrêt, l’article 32, paragraphes 1 et 5, du règlement‑cadre MSU, en vertu duquel le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles, qui peuvent inclure la correspondance entre la BCE et les autorités compétentes nationales.

182 En outre, le Tribunal a, aux points 244 et 245 de l’arrêt attaqué, rejeté les griefs invoqués au motif que le retrait d’agrément était fondé sur des décisions de la FMA et des arrêts des juridictions autrichiennes constatant l’existence de violations ou la commission d’infractions et que la requérante était destinataire de ces décisions administratives ou partie aux procédures juridictionnelles concernées, de sorte qu’elle ne pouvait prétendre avoir été empêchée de vérifier la pertinence
matérielle des documents ou d’identifier les reproches soulevés par la BCE et la FMA qui reposaient sur ces décisions ou ces arrêts.

183 Quant à la détermination des circonstances pertinentes par la BCE, il convient de relever que le Tribunal a analysé cette obligation de manière approfondie aux points 251 à 273 de l’arrêt attaqué, lesquels ne sont pas contestés par la requérante dans le cadre du présent pourvoi.

184 Enfin, l’argumentation de l’actionnaire ne permet pas, en raison de son imprécision, de déceler l’erreur de droit ainsi dénoncée.

185 Il s’ensuit que le sixième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

Sur le septième moyen

Argumentation des parties

186 Par le septième moyen, la requérante, soutenue par l’actionnaire, invoque des irrégularités procédurales qu’aurait commises le Tribunal.

187 Elle soutient, tout d’abord, que le Tribunal aurait dû, au préalable, l’informer de la position sur laquelle il s’est fondé dans l’arrêt attaqué, à savoir que les motivations des décisions administratives et judiciaires antérieures avaient un effet contraignant également en ce qui concerne le retrait de l’agrément.

188 Ensuite, la requérante ainsi que l’actionnaire font valoir que le Tribunal n’a jamais fait savoir qu’il avait modifié l’approche exprimée dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure du 27 avril 2021, approche selon laquelle un retrait d’agrément au titre de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux aurait supposé que des infractions graves aient été commises au sens de l’article 3, point 4, sous f), de la directive 2015/849.

189 En outre, la requérante soutient que la demande de mesure d’organisation de la procédure qu’elle a introduite le 8 avril 2021 a été rejetée en raison du fait que le Tribunal avait estimé à ce moment-là que, en l’absence d’infractions graves, les conditions d’un retrait de l’agrément n’étaient pas réunies. La position prise par le Tribunal reviendrait, en définitive, à permettre aux parties de présenter librement des mémoires et des documents supplémentaires.

190 Enfin, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas examiné les faits de manière approfondie alors qu’il aurait dû faire référence à des manquements concrets suffisamment graves, et elle ajoute que cette carence se traduit, en outre, par un défaut de motivation de l’arrêt attaqué.

191 La BCE conclut au rejet du septième moyen.

Appréciation de la Cour

192 S’agissant, tout d’abord, des arguments de la requérante tirés de ce que l’occasion aurait dû lui être donnée de prendre position sur l’approche retenue par le Tribunal selon laquelle les motivations des décisions administratives et judiciaires avaient un effet contraignant également en ce qui concerne le retrait de l’agrément, il y a lieu de constater que la requérante n’identifie pas et ne permet pas d’identifier les points de l’arrêt attaqué concernés par ces arguments, de sorte que son
grief, dont il est d’ailleurs difficile d’appréhender la portée, doit être écarté comme étant irrecevable.

193 Ne saurait non plus prospérer l’argumentation de la requérante, soutenue par l’actionnaire, selon laquelle le Tribunal ne lui a pas fait savoir qu’il avait modifié son opinion initialement exprimée dans des questions posées dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure du 27 avril 2021, puisque, dans ces questions, le Tribunal n’a exposé aucune opinion.

194 Quant à l’argumentation de la requérante relative au rejet de sa demande de mesure d’organisation de la procédure introduite le 8 avril 2021, celle-ci ne précise pas la nature de l’erreur prétendument commise par le Tribunal. Dès lors, cette argumentation est irrecevable.

195 Enfin, en ce que la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, puisqu’il ne permet pas de déterminer quelles prétendues infractions graves ont motivé le retrait de l’agrément, il convient de relever que ce grief présente un caractère général et, en particulier, ne permet pas d’identifier les points de l’arrêt attaqué qu’il vise.

196 En tout état de cause, au point 26 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énuméré de manière détaillée un certain nombre de mesures et de décisions juridictionnelles dont la requérante avait été destinataire et sur lesquelles la BCE s’est fondée pour constater l’existence d’infractions graves.

197 Il s’ensuit que cet argument doit également être écarté.

198 Dans ces conditions, le septième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

199 Aucun des moyens du pourvoi n’ayant été accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

200 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

201 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

202 La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu, conformément aux conclusions de la BCE, de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la BCE.

203 Aucune des parties n’ayant conclu à la condamnation d’une autre partie aux dépens de l’actionnaire, il y a lieu de décider que celui-ci supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Anglo Austrian AAB AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

  3) Belegging-Maatschappij « Far-East » BV supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-579/22
Date de la décision : 12/09/2024

Analyses

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Directive 2013/36/UE – Accès à l’activité des établissements de crédit – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Retrait d’agrément – Étendue des compétences de la BCE – Règlement (UE) no 468/2014 – Répartition des compétences entre la BCE et les autorités nationales – Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme – Constatations du Tribunal de l’Union européenne à l’égard du droit national – Examen portant sur l’éventuelle dénaturation du droit national.


Parties
Demandeurs : Anglo Austrian AAB AG in Abwicklung
Défendeurs : Banque centrale européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/09/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:731

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