ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
19 septembre 2024 ( *1 )
« Manquement d’État – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Article 5, article 8, paragraphe 1, et article 9, paragraphe 1 – Régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages – Pouvoir de dérogation des États membres pour des fins de recherche – Conditions »
Dans l’affaire C‑23/23,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 20 janvier 2023,
Commission européenne, représentée par MM. C. Hermes et R. Lindenthal, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
République de Malte, représentée par Mme A. Buhagiar, en qualité d’agent, assistée de Me D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogado,
partie défenderesse,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, MM. T. von Danwitz, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 mars 2024,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en adoptant un régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages, à savoir le pinson des arbres (Fringilla coelebs), la linotte mélodieuse (Carduelis cannabina), le chardonneret élégant (Carduelis carduelis), le verdier d’Europe (Carduelis chloris), le gros-bec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes), le serin cini (Serinus serinus) et le tarin des aulnes (Carduelis
spinus) (ci-après les « sept espèces de fringillidés concernées »), la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010 L 20, p. 7), lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 L’article 2 de la directive 2009/147 dispose :
« Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. »
3 L’article 5, sous a) et e), de cette directive est libellé comme suit :
« Sans préjudice des articles 7 et 9, les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er et comportant notamment l’interdiction :
a) de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ;
[...]
e) de détenir les oiseaux des espèces dont la chasse et la capture ne sont pas permises. »
4 Selon l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, « [e]n ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d’oiseaux dans le cadre de la présente directive, les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, point a) ».
5 L’annexe IV, sous a), quatrième tiret, de la directive 2009/147, énumère les moyens suivants :
« – filets, pièges-trappes, appâts empoisonnés ou tranquillisants ».
6 L’article 9, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :
« 1. Les États membres peuvent déroger aux articles 5 à 8 s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après :
[...]
b) pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions ;
c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités.
2. Les dérogations visées au paragraphe 1 doivent mentionner :
a) les espèces qui font l’objet des dérogations ;
b) les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés ;
c) les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises ;
d) l’autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en œuvre, dans quelles limites et par quelles personnes ;
e) les contrôles qui seront opérés. »
Le droit maltais
Les règles sur la conservation des oiseaux sauvages
7 Le Legal Notice 79 – Conservation of Wild Birds Regulations (acte juridique 79, relatif aux règles sur la conservation des oiseaux sauvages), du 29 mars 2006 (ci‑après les « règles sur la conservation des oiseaux sauvages »), constitue le principal acte juridique de transposition de la directive 2009/147 dans le droit maltais.
8 En particulier, la règle 9 des règles sur la conservation des oiseaux sauvages transpose, pour l’essentiel, l’article 9 de la directive 2009/147 et fixe les conditions devant servir à l’examen des dérogations. Cette règle 9 organise une procédure décisionnelle incluant un examen obligatoire de la part du comité ornithologique maltais (ci-après le « comité ornithologique »).
9 Selon la règle 10 des règles sur la conservation des oiseaux sauvages, le rôle du comité ornithologique consiste, notamment, à faire des recommandations au ministre chargé de l’environnement (ci-après le « ministre ») sur l’autorisation de dérogations aux dispositions des règles 4 à 7, 18 et 21 et à s’assurer à intervalles réguliers que les conditions régissant l’octroi d’une telle autorisation ou de telles autorisations restent remplies. En outre, cette règle 10 fixe le pouvoir que détient le
ministre, à l’occasion de son examen des recommandations du comité ornithologique, de se prononcer sur l’autorisation de dérogations, ainsi que l’obligation qui lui incombe d’indiquer par écrit les motifs de sa décision en cas de divergence importante entre les recommandations du comité ornithologique et sa décision.
10 La règle 27 des règles sur la conservation des oiseaux sauvages prévoit les procédures visant à traiter les manquements auxdites règles ainsi que les sanctions applicables en cas de violations commises dans le cadre des dérogations.
Le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2020
– Les règles-cadres de 2020
11 Le Legal Notice 399 – Conservation of Wild Birds (Framework for Allowing a Research Derogation to determine Malta’s Reference Population of Seven Finch Species) Regulations, 2020 [acte juridique 399, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (cadre permettant une dérogation à des fins de recherche en vue de déterminer la population à Malte de sept espèces de fringillidés)], du 19 octobre 2020 (ci-après les « règles-cadres de 2020 »), établit une dérogation pour la capture à des fins de
recherche d’individus des sept espèces de fringillidés concernées.
12 La règle 1, paragraphe 2, des règles-cadres de 2020, énonce :
« Les présentes règles ont pour objectif d’établir un cadre permettant une dérogation à des fins de recherche en vue de déterminer la population de référence des sept espèces de fringillidés [concernées] à Malte sur la base de l’article 9, paragraphe 1, sous b) de la directive [2009/147]. Ces règles visent spécifiquement à recueillir des informations scientifiques suffisantes pour permettre à la République de Malte de mettre en place un régime dérogatoire au sens de l’article 9, paragraphe 1,
sous c), de la directive [2009/147] qui satisfasse au critère des “petites quantités”, tel qu’interprété par la Cour de justice dans l’arrêt [du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477)] ».
13 La règle 3 de ces règles-cadres dispose que les oiseaux de ces sept espèces peuvent uniquement être capturés au moyen de filets dénommés « clap-nets » d’un maillage d’au moins 18 mm x 18 mm, afin qu’ils puissent être contrôlés et/ou bagués et/ou équipés d’une balise satellite. Les formulaires de contrôle de bagues doivent être renvoyés à la Maltese Wild Birds Regulation Unit (unité maltaise de régulation des oiseaux sauvages, ci-après la « WBRU »), qui relève du ministère de l’Environnement, du
Développement durable et du Changement climatique.
14 La règle 4 desdites règles-cadres prévoit que le ministre peut déclarer une période de recherche ne dépassant pas 64 jours à l’automne et constater qu’il n’existe pas « d’autre solution satisfaisante », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/147.
15 La règle 5 des règles-cadres de 2020 restreint la capture d’individus des sept espèces de fringillidés concernées aux personnes disposant d’une licence à cet effet. Cette ’’licence peut uniquement être octroyée aux personnes qui, notamment, présentent des plans d’ensemble indiquant la localisation de leurs clap-nets autorisés, ont suivi un cours obligatoire sur les objectifs des recherches et ont réussi un examen à cet égard.
– La déclaration de 2020
16 Aux termes de la règle 1, paragraphe 2, du Legal Notice 400 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation allowing a Research Period to determine Malta’s Reference Population of Seven Finch Species) Regulations, 2020 [acte juridique 400, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (déclaration autorisant une période de recherche pour déterminer la population à Malte de sept espèces de fringillidés), du 19 octobre 2020 (ci-après la « déclaration de 2020) :
« [...] étant donné que, sur le territoire de la République de Malte :
a) [les sept espèces de fringillidés concernées] sont des oiseaux migrateurs de passage non-résidents ;
b) des données très limitées sur le contrôle des bagues pour les [sept espèces de fringillidés concernées] ont été collectées jusqu’à présent afin de fournir des informations concluantes sur les régions d’origine des principaux contingents d’oiseaux (population de référence) [...]
le ministre constate par la présente l’absence d’une autre solution satisfaisante pour mener une étude de recherche exhaustive, réalisée par des personnes titulaires d’une licence au moyen de clap-nets enregistrés, qui constituent la méthode la plus sélective pour capturer des spécimens de ces espèces, afin d’enregistrer des données relatives à la récupération (au contrôle) des bagues et de baguer les oiseaux, puis de les relâcher immédiatement dans la nature et, dans la mesure où cela est
absolument nécessaire, pour obtenir des données permettant de déterminer la population de référence des espèces concernées à Malte, conformément aux dispositions de la directive [2009/147] et des [règles-cadres de 2020]. »
17 La règle 4 de cette déclaration prévoit :
« [...] la période de recherche pour les [sept espèces de fringillidés concernées] pour l’année 2020 est de soixante-deux (62) jours, du 20 octobre 2020 au 20 décembre 2020, ces deux dates incluses [...] »
Le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2021
– Les règles-cadres de 2021
18 Le Legal Notice 387 – Conservation of Wild Birds (Framework for Allowing a Research Derogation to determine Malta’s Reference Population of Seven Finch Species) (Repeal) Regulations, 2021 [acte juridique 387, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (cadre permettant une dérogation à des fins de recherche en vue de déterminer la population à Malte de sept espèces de fringillidés) (abrogation)], du 14 octobre 2021, a abrogé les règles-cadres de 2020.
19 Le Legal Notice 394 – Conservation of Wild Birds (Framework for Allowing a Derogation to Carry out Scientific Research on Seven Finch Species) Regulations, 2021 [acte juridique 394, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (cadre permettant une dérogation pour effectuer des recherches scientifiques sur sept espèces de fringillidés)], du 19 octobre 2021 (ci-après les « règles-cadres de 2021 »), établit ’un régime de dérogation pour des fins de recherche permettant la capture d’individus des
sept espèces de fringidillés concernées.
20 L’article 8 des règles-cadres de 2021 est libellé dans les mêmes termes que l’article 4 des règles-cadres de 2020.
– La déclaration de 2021
21 Aux termes de la règle 1, paragraphe 2, du Legal Notice 395 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation Allowing Scientific Research on Seven Finch Species) Regulations, 2021 [acte juridique 395, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (déclaration autorisant des recherches scientifiques sur sept espèces de fringillidés)], du 19 octobre 2021 :
« [...] étant donné que, sur le territoire de la République de Malte :
a) [les sept espèces de fringillidés concernées] sont des oiseaux migrateurs de passage non-résidents ;
b) le système de filets japonais utilisé pour la capture des oiseaux n’est pas approprié pour fournir des données [...] sur le contrôle des bagues pour ce qui est des espèces concernées en vue d’’obtenir des informations concluantes sur les régions d’origine des principaux contingents d’oiseaux (population de référence), comme l’a confirmé la Cour de justice [...] dans [l’arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477)] ; et puisque
c) les bagueurs du programme national de baguage ne peuvent pas utiliser des appelants vivants à des fins de baguage et de contrôle, et sont d’’ailleurs opposés à cette utilisation pour des raisons éthiques, lesquels appelants vivants sont au cœur du fonctionnement du système de clap-nets,
le ministre constate par la présente l’absence d’une autre solution satisfaisante pour mener une étude de recherche exhaustive, réalisée par des personnes titulaires d’une licence au moyen de clap-nets enregistrés, qui constituent la méthode la plus sélective [...] pour capturer des spécimens des espèces concernées, afin d’enregistrer des données sur la récupération (le contrôle) des bagues et de baguer les oiseaux, puis de les relâcher immédiatement dans la nature, et, dans la mesure où cela est
absolument nécessaire, pour obtenir des données permettant de déterminer la population de référence des espèces concernées à Malte, conformément aux dispositions de la directive [2009/147] et des règles-cadres. »
22 La règle 4 de cette déclaration dispose :
« [...] la période de recherche pour les espèces concernées pour l’année 2021 est de soixante-deux (62) jours, du 20 octobre 2021 au 20 décembre 2021, ces deux dates incluses [...] »’’’
Le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2022
– Les règles-cadres de 2022
23 Le Legal Notice 256 – Conservation of Wild Birds (Framework for Allowing a Derogation to Carry out Scientific Research on Seven Finch Species) (Amendment) Regulations, 2022 [acte juridique 256, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (cadre permettant une dérogation pour effectuer des recherches scientifiques sur sept espèces de fringillidés) (amendement)], du 19 octobre 2022, a modifié certaines dispositions des règles-cadres de 2021
– La déclaration de 2022
24 Le Legal Notice 257 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation Allowing Scientific Research on Seven Finch Species) Regulations, 2022 [acte juridique 257, relatif à la conservation des oiseaux sauvages (déclaration autorisant des recherches scientifiques sur sept espèces de fringillidés)], du 19 octobre 2022 (ci-après la « déclaration de 2022 ») a ouvert une autre « période de recherche », à savoir du 20 octobre au 20 décembre 2022, aux mêmes conditions que celles fixées par la
déclaration de 2021.
Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse
25 Au cours de l’année 2014, la République de Malte avait adopté, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/147, un régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants des sept espèces de fringillidés concernées. Par l’arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477), la Cour a jugé que, en ayant adopté ce régime dérogatoire, la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5, sous a)
et e), et de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.
26 À la suite de cet arrêt, la République de Malte a adopté le 19 octobre 2020, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147, le régime de dérogation à des fins de recherche visé aux points 11 à 17 du présent arrêt, permettant le piégeage des sept espèces de fringillidés concernées. Le 3 décembre 2020, la Commission a adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure indiquant que ce régime était incompatible avec l’article 5 et l’article 8, paragraphe 1, de
cette directive et n’était pas justifié par des fins de recherche au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous b) de celle-ci. En ce qui concerne cette dernière disposition, la Commission considérait que la République de Malte n’avait pas démontré que ce régime de dérogation avait été adopté en raison de l’absence d’une autre solution satisfaisante, pas plus qu’elle n’avait établi que ledit régime poursuivait un véritable objectif de recherche.
27 Par une lettre du 3 février 2021, la République de Malte a répondu que le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2020 remplissait les conditions énoncées à l’article 9 de la directive 2009/147.
28 Considérant que les arguments invoqués par la République de Malte en réponse à la mise en demeure n’étaient pas satisfaisants, la Commission a, le 9 juin 2021, adressé un avis motivé à cet État membre, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai d’un mois à compter de sa notification.
29 Le 14 octobre 2021, le ministre a abrogé les règles-cadres de 2020 « sans préjudice de la validité de tout ce qui a été fait ou omis au titre de celles-ci ».
30 Le 19 octobre 2021, le ministre a adopté le régime de dérogation à des fins de recherche visé aux points 18 à 22 du présent arrêt, pour la période s’étendant du 20 octobre au 20 décembre 2021. Par la déclaration de 2022, ce ministre a ouvert une autre « période de recherche » allant du 20 octobre au 20 décembre 2022.
Sur le recours
31 La Commission indique que, étant donné que les règles-cadres de 2020 et de 2021 ainsi que les déclarations de 2020, de 2021 et de 2022 font partie du même comportement, il convient de les traiter comme un même régime de dérogation à des fins de recherche au regard des dispositions de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147. La Commission fait observer que la République de Malte n’a pas contesté que ce régime est incompatible avec les interdictions énoncées à l’article 5,
sous a), et à l’article 8, paragraphe 1, lues en combinaison avec l’annexe IV, sous a), de la directive 2009/147, et considère que cet État membre n’a pas établi que les conditions de dérogation prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de cette directive étaient réunies. Premièrement, la République de Malte n’établirait pas que ledit régime poursuit un objectif de recherche. Deuxièmement, cet État membre ne motiverait pas l’absence d’une autre solution satisfaisante. Troisièmement, il ne
démontrerait pas l’absence d’une telle alternative.
Sur la recevabilité
Argumentation des parties
32 La République de Malte excipe de l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où il est fondé sur un avis motivé qui a été rapidement suivi d’une modification substantielle du cadre juridique national, que la requête confond avec le cadre juridique antérieur. Selon cet État membre, le manque de clarté de l’objet et de la portée du recours nuirait à l’exercice des droits de la défense. La Commission ne préciserait pas dans sa requête si ses griefs portent sur le cadre juridique qui était en vigueur
à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ou sur le cadre juridique actuellement en vigueur.
33 La République de Malte relève que, bien que la Commission tente de minimiser, dans sa requête, l’importance des modifications introduites par les règles-cadres de 2021, ces modifications sont substantielles, de sorte que le cadre juridique en résultant n’est pas « pratiquement identique » à celui résultant des règles-cadres de 2020. Au contraire, le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2021 aurait répondu aux préoccupations de la Commission et aurait modifié de manière
importante plusieurs aspects essentiels du régime antérieur.
34 La République de Malte soutient à cet égard qu’elle n’est pas en mesure de comprendre si les manquements visés par la Commission dans sa requête concernent le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2020 ou celui adopté en 2021. Il en irait de même du grief de la Commission concernant le choix de ne pas faire appel à des ornithologues expérimentés, cette institution ne précisant pas si ce grief se rapporte au premier ou au second de ces régimes, alors que ce dernier aurait apporté
des améliorations majeures visant à ce que des ornithologues compétents soient engagés et pleinement intégrés au projet de recherche, afin que les données collectées soient correctement analysées, traitées et extrapolées.
35 Dans sa réplique, la Commission fait observer que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les recours en manquement peuvent s’étendre aux faits postérieurs à l’avis motivé, dès lors qu’ils sont de même nature que ceux visés par cet avis et qu’ils sont constitutifs d’un même comportement, ce qui est le cas en l’espèce. En l’occurrence, l’avis motivé du 9 juin 2021 viserait le régime de dérogation pour des fins de recherche adopté en 2020. La Commission indique avoir, dans sa requête, visé
ce régime, lequel avait été prorogé par le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2021 et par la déclaration de 2022.
36 À cet égard, la Commission relève que des éléments essentiels du régime de dérogation pour des fins de recherche adopté en 2020 qui ne respectaient pas, selon l’avis motivé, l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147 ont été maintenus dans le régime dérogatoire pour des fins de recherche adopté en 2021 en vigueur à la date d’introduction du présent recours. Ce serait notamment le cas en ce qui concerne l’objectif de collecte d’informations sur les populations de référence des
sept espèces de fringillidés concernées, les conditions d’octroi de licences ainsi que sur le champ d’application de ce régime.
37 Cette continuité serait attestée par le fait que, en vertu des règles-cadres de 2021, des licences auraient été accordées sur la base de demandes présentées conformément aux règles-cadres de 2020. C’est la raison pour laquelle ces dernières auraient été « abrogées sans préjudice de la validité de tout ce qui a été fait ou omis au titre de celles-ci ».
38 La Commission considère que, contrairement à l’allégation de la République de Malte selon laquelle il existe un nouvel « organisme de régulation composé d’universitaires accrédités, d’ornithologues qualifiés et d’analystes de données », l’organisme de régulation responsable de la recherche demeure en réalité la WBRU, qui assumait déjà cette fonction en vertu des règles-cadres de 2020. La possibilité nouvellement créée, pour la WBRU, de désigner des experts scientifiques ou des ornithologues
semblerait peu pertinente dans la pratique.
39 En outre, la République de Malte n’indiquerait pas en quoi la possibilité d’introduire des paramètres préétablis, les règles relatives à la constatation de l’absence d’autres solutions, les règles relatives à la déclaration des oiseaux piégés et les conditions applicables aux sites de recherche modifieraient substantiellement la nature du régime de dérogation à des fins de recherche de 2020.
40 La Commission réfute l’allégation de la République de Malte selon laquelle la requête n’identifie pas de manière précise les mesures nationales à l’origine du manquement allégué. La requête préciserait que le régime de dérogation pour des fins de recherche contesté comprend « [les] règles-cadres de 2020, [...] la déclaration de 2020, [les] règles-cadres de 2021 et [les] déclarations de 2021 et 2022 (ainsi [que] toute mesure future du même type constituant le même comportement) ». Compte tenu de
cet objet clairement défini, les droits de la défense de la République de Malte n’auraient pas été compromis.
41 Dans sa duplique, la République de Malte souligne que l’abrogation du régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2020 et l’adoption d’un nouveau régime en 2021 sont la conséquence directe des indications que lui avait fournies la Commission. Cette situation différerait de la simple poursuite, année après année, de la pratique administrative dénoncée dans l’avis motivé.
42 La République de Malte affirme que le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2021 diffère du régime antérieur car il a introduit de nouvelles procédures, de nouveaux organes ainsi que de nouveaux acteurs, et renforcé les mécanismes de mise en œuvre.
43 La Commission commettrait une erreur en voyant la preuve de la continuité entre le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2020 et celui adopté en 2021 dans le fait que le premier aurait été abrogé « sans préjudice de la validité de ce qui a été fait ou omis en exécution de [celui]-ci ». L’expression « sans préjudice », fréquente dans la législation maltaise, aurait pour but de s’assurer que les procédures judiciaires en cours ne sont pas affectées par l’abrogation de lois
anciennes.
44 En outre, l’objet de la requête de la Commission serait si vaste qu’il empêcherait la République de Malte de développer une défense ciblée. Le fait que la Commission confonde les régimes de dérogation à des fins de recherche adoptés en 2020 et en 2021 créerait une incertitude juridique qui empêcherait cet État membre de développer une défense adéquate à partir de règles attaquées clairement définies.
Appréciation de la Cour
45 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’objet d’un recours en manquement, en application de l’article 258 TFUE, est fixé par l’avis motivé de la Commission, de telle sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que cet avis (arrêt du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie, C‑488/15, EU:C:2017:267, point 37 et jurisprudence citée).
46 En l’occurrence, dans le cadre du présent recours, comme dans l’avis motivé du 9 juin 2021, la Commission fait valoir que, en adoptant un régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants des sept espèces de fringillidés concernées, la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, au motif que la
République de Malte, premièrement, n’établit pas que son régime dérogatoire poursuit un objectif de recherche, en ce que ce régime n’est pas fondé sur des méthodes scientifiques, donne lieu à une application défaillante, poursuit un objectif sans lien avec la conservation et, en tout état de cause, est inapproprié pour atteindre l’objectif déclaré, deuxièmement, ne motive pas l’absence d’une autre solution satisfaisante et, troisièmement, ne démontre pas l’absence d’une autre solution
satisfaisante.
47 Par conséquent, le présent recours est fondé sur les mêmes motifs et les mêmes moyens que l’avis motivé du 9 juin 2021.
48 En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (arrêt du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie, C‑488/15, EU:C:2017:267, point 40 et jurisprudence citée), à savoir, en l’occurrence, le 9 juillet 2021.
49 Toutefois, dans la mesure où le présent recours vise à dénoncer un manquement systématique et persistant aux dispositions de l’article 5, et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, il convient de rappeler que la production d’éléments complémentaires visant, au stade de la procédure devant la Cour, à étayer la généralité et la constance du manquement ainsi allégué ne saurait être exclue en principe (voir, par
analogie, arrêt du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie, C‑488/15, EU:C:2017:267, point 42 et jurisprudence citée).
50 En particulier, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que l’objet d’un recours en manquement peut s’étendre à des faits postérieurs à l’avis motivé pour autant qu’ils sont de même nature et constitutifs d’un même comportement que les faits visés par cet avis [arrêt du 7 septembre 2023, Commission/Italie (Valeurs limites – Arsenic et fluorures), C‑197/22, EU:C:2023:642, point 53 et jurisprudence citée].
51 En l’occurrence, s’il est constant que les règles-cadres de 2021 ont introduit des modifications par rapport aux règles-cadres de 2020, il n’apparaît pas que ces modifications soient pertinentes au regard du présent recours.
52 En effet, celui-ci tend à faire constater que le régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants des sept espèces de fringillidés concernées contrevient aux obligations découlant des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci, au motif que la République de Malte, premièrement, n’établit pas que ce régime poursuit un objectif de recherche, en ce que ledit régime n’est pas fondé
sur des méthodes scientifiques, donne lieu à une application défaillante, poursuit un objectif sans lien avec la conservation et, en tout état de cause, est inapproprié pour atteindre l’objectif déclaré, deuxièmement, ne motive pas l’absence d’une autre solution satisfaisante et, troisièmement, ne démontre pas l’absence d’une autre solution satisfaisante. Or, le simple fait que la République de Malte a modifié le cadre juridique en adoptant de nouvelles procédures, de nouveaux organes ainsi que
de nouveaux acteurs appelés à prendre part à ce même régime et d’avoir renforcé les mécanismes nécessaires à sa mise en œuvre n’est pas, par son caractère général et à défaut d’éléments plus précis, de nature à démontrer que le régime de dérogation à des fins de recherche adopté en 2021 constitue, au regard de l’objet du présent recours, un nouveau régime dérogatoire qui diffère substantiellement de celui précédemment en vigueur.
53 En outre, l’allégation de la République de Malte selon laquelle le régime dérogatoire contesté n’est pas clairement défini dans la requête est également dénuée de fondement. En effet, le régime dérogatoire visé par la requête comprend les règles-cadres de 2020, la déclaration de 2020, les règles-cadres de 2021 et les déclarations de 2021 et de 2022 ainsi que toute mesure future du même type constituant le même comportement, cette dernière précision étant, en l’occurrence, sans objet, puisque la
Commission n’a pas étendu l’objet de son recours à des mesures postérieures à la déclaration de 2022.
54 Ainsi, les droits de la défense de la République de Malte n’ont pas été lésés. À cet égard, il convient, par ailleurs, de relever que la République de Malte a pu, ainsi qu’il ressort de ses écritures, développer un argumentaire circonstancié à l’égard des griefs et arguments invoqués par la Commission.
55 Par conséquent, le recours est recevable.
Sur le moyen tiré du défaut de motivation concernant l’inexistence d’une « autre solution satisfaisante », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/147
Argumentation des parties
56 La Commission souligne que les règles-cadres de 2020 et de 2021 ne contiennent aucune motivation quant à l’absence de solution alternative satisfaisante et se limitent à en laisser l’appréciation au ministre lorsqu’il décide de l’ouverture des « périodes de recherche » au moyen de déclarations.
57 Dans ses déclarations de 2020, de 2021 et de 2022, le ministre aurait affirmé l’absence « d’une autre solution satisfaisante », sans fournir de motivation suffisamment claire pour satisfaire aux exigences de la sécurité juridique. Ces déclarations décriraient l’objectif du régime de dérogation à des fins de recherche, qui serait de collecter des données relatives au contrôle des bagues afin de déterminer la population de référence des sept espèces de fringillidés concernées sur le territoire de
la République de Malte. Toutefois, ni ces déclarations ni les documents mentionnés dans les notes de bas de page de celles-ci n’expliqueraient pourquoi le ministre a décidé de poursuivre cet objectif par l’octroi de licences à des milliers d’amateurs, plutôt que par d’autres moyens, comme la participation de scientifiques compétents.
58 Le ministre n’expliquerait nullement les raisons pour lesquelles la République de Malte aurait décidé de ne pas associer les bagueurs d’oiseaux du programme national de baguage ou de ne pas recourir à d’autres moyens scientifiques établis, tels que les recensements des populations d’oiseaux couramment utilisés, pour remédier au manque de données constaté.
59 Au demeurant, la République de Malte n’aurait pas motivé l’absence de solution alternative satisfaisante, puisque ni les déclarations de 2020, de 2021 et de 2022, ni les recommandations du comité ornithologique, ni les rapports de la WBRU, auxquels la République de Malte ferait référence, n’aborderaient la question de savoir si la participation de véritables scientifiques constituerait une solution alternative satisfaisante.
60 La République de Malte rétorque que les règles-cadres de 2020 et de 2021ainsi que les déclarations de 2020, de 2021 et de 2022 fournissent des motifs suffisants pour justifier l’absence de solution alternative satisfaisante. Premièrement, l’absence de solution alternative serait expressément imposée par l’article 9 de la directive 2009/147. Deuxièmement, la règle 6, paragraphe 1, des règles-cadres de 2021 prévoirait que l’étude de recherche devra s’assurer, après évaluation et analyse, qu’il
« n’existe pas d’autre solution satisfaisante ». Troisièmement, dans le cadre du régime de dérogation à des fins de recherche de 2021 ainsi qu’au cours des « périodes de recherche » de 2020, de 2021 et de 2022, les mesures prises auraient fourni toutes les informations pertinentes justifiant l’absence de solution alternative satisfaisante. En particulier, la déclaration de 2020 contiendrait une référence explicite aux recommandations du comité ornithologique ainsi que des références aux
récupérations de bagues au cours de la période couvrant les années 1920 à 2018 et au rapport sur la sélectivité et la dimension des mailles présenté par le WBRU. Ces rapports seraient intégrés à cette déclaration et fourniraient les informations de contexte pertinentes ainsi que des données scientifiques précises, qui justifieraient l’absence de solution alternative satisfaisante.
Appréciation de la Cour
61 À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort, notamment, de l’article 1er de la directive 2009/147, la conservation des oiseaux constitue l’objectif principal de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux, C‑900/19, EU:C:2021:211, point 34). Ainsi, en vertu de l’article 5, sous a) et e), de cette directive, les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les
espèces d’oiseaux visées audit article 1er et comportant, notamment, l’interdiction de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée, ainsi que de détenir les oiseaux des espèces dont la chasse et la capture ne sont pas permises.
62 Selon l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, en ce qui concerne, notamment, la capture d’oiseaux, les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, sous a), de cette même directive, qui mentionne, en particulier, les filets et les pièges-trappes.
63 L’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147 dispose que les États membres peuvent déroger, notamment, auxdites dispositions s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, en particulier, pour des fins de recherche.
64 À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, afin de permettre aux autorités compétentes de ne recourir aux dérogations prévues à l’article 9 de la directive 2009/147 que d’une manière qui soit conforme au droit de l’Union, le cadre législatif et réglementaire national doit être conçu de sorte que la mise en œuvre des dispositions dérogatoires qui y sont énoncées réponde au principe de sécurité juridique. Partant, la réglementation nationale applicable en cette
matière doit énoncer les critères de dérogation de manière claire et précise, et obliger les autorités chargées de leur application à en tenir compte (arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte, C‑557/15, EU:C:2018:477, point 47).
65 Il y a encore lieu de souligner, s’agissant d’un régime d’exception, tel que celui prévu à l’article 9 de la directive 2009/147, qui doit être d’interprétation stricte et faire peser la charge de la preuve de l’existence des conditions requises pour chaque dérogation sur l’autorité qui prend la décision, que les États membres sont tenus de garantir que toute intervention touchant aux espèces protégées ne soit autorisée que sur la base de décisions comportant une motivation précise et adéquate se
référant aux motifs, aux conditions et aux exigences prévus à cet article (arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte, C‑557/15, EU:C:2018:477, point 47). En outre, il ressort des dispositions de l’article 9 de la directive 2009/147, qui font référence au contrôle strict de la dérogation prévue à cet article et au caractère sélectif des captures, comme d’ailleurs du principe général de proportionnalité que la dérogation au titre de l’article 9 de la directive 2009/147 dont un État membre entend
faire usage doit être proportionnée aux besoins qui la justifient [arrêt du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle), C‑217/19, EU:C:2020:291, points 66 et 67 ainsi que jurisprudence citée].
66 Il appartient donc à la République de Malte d’établir, en respectant les conditions énoncées par la jurisprudence visée aux points 64 et 65 du présent arrêt, que les conditions de la dérogation au titre de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/147, sur laquelle elle s’est fondée, sont réunies.
67 Il convient de relever que la réglementation maltaise énonce les critères de dérogation de manière claire et précise et oblige les autorités chargées de leur application à en tenir compte. En effet, ainsi qu’il est indiqué aux points 8, 14 et 20 du présent arrêt, la règle 9 des règles sur la conservation des oiseaux sauvages transpose, pour l’essentiel, l’article 9 de la directive 2009/147, tandis que la règle 4 des règles-cadres de 2020 et la règle 8 des règles-cadres 2021 imposent au ministre
de vérifier, lors de l’ouverture d’une période de recherche, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante.
68 En revanche, force est de constater que les déclarations de 2020, de 2021 et de 2022 autorisant le piégeage d’individus des sept espèces de fringillidés concernées durant les « périodes de recherche » au cours des années 2020, 2021 et 2022 ne sont pas conformes à l’article 9 de la directive 2009/147.
69 En effet, ces déclarations, bien que mentionnant qu’il n’existe aucune autre solution satisfaisante et tout en contenant une référence explicite aux recommandations du comité ornithologique, ne comportent aucune motivation précise et adéquate quant à une telle inexistence. En particulier, dans lesdites déclarations, ne sont pas même évoqués d’autres moyens scientifiques de recherche courants dans le domaine ornithologique, que ce soit pour les confirmer ou pour les écarter.
70 Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de motivation, dans le régime dérogatoire adopté par la République de Malte, concernant l’inexistence d’une « autre solution satisfaisante », au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147, est fondé en droit et doit, dès lors, être accueilli.
71 Compte tenu de ce constat, il n’apparaît pas, en l’espèce, nécessaire d’examiner les moyens tirés, respectivement, de l’absence de démonstration de l’inexistence d’une autre solution satisfaisante ainsi que de ce que le régime dérogatoire maltais ne poursuit pas un objectif de recherche, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/147 (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte, C‑557/15, EU:C:2018:477, point 53).
72 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, en adoptant un régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages, à savoir le pinson des arbres (Fringilla coelebs), la linotte mélodieuse (Carduelis cannabina), le chardonneret élégant (Carduelis carduelis) , le verdier d’Europe (Carduelis chloris), le gros-bec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes), le serin cini (Serinus serinus) et le tarin des aulnes (Carduelis spinus), la
République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci.
Sur les dépens
73 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Malte et celle‑ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) En adoptant un régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages, à savoir le pinson des arbres (Fringilla coelebs), la linotte mélodieuse (Carduelis cannabina), le chardonneret élégant (Carduelis carduelis), le verdier d’Europe (Carduelis chloris), le gros-bec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes), le serin cini (Serinus serinus) et le tarin des aulnes (Carduelis spinus), la République de Malte a manqué aux obligations qui lui
incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages, lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci.
2) La République de Malte est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.