ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
19 septembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directive 2009/103/CE – Articles 3 et 13 – Contrat d’assurance conclu sur la base d’une fausse déclaration intentionnelle concernant le conducteur habituel – Réglementation nationale déclarant l’opposabilité au “passager victime”, qui est également le preneur d’assurance, de la nullité du contrat d’assurance résultant d’une fausse déclaration intentionnelle faite par ce
dernier au moment de la conclusion du contrat – Abus de droit – Recours dirigé contre le preneur d’assurance en vue d’engager sa responsabilité en raison de sa fausse déclaration intentionnelle »
Dans l’affaire C‑236/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 30 mars 2023, parvenue à la Cour le 7 avril 2023, dans la procédure
Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut)
contre
TN,
MAAF assurances SA,
Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO),
PQ,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), par Me F. Rocheteau, avocat,
– pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), par Me E. Trichet, avocate,
– pour TN, par Me J.-P. Caston, avocat,
– pour le gouvernement français, par MM. J.-L. Carré, B. Fodda et M. B. Herbaut, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes G. Goddin et H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 et 13 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009, L 263, p. 11).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut) à TN, MAAF assurances SA, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et PQ au sujet de l’opposabilité à ce dernier de la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité civile automobile conclu entre lui et la Matmut.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 1, 2 et 20 de la directive 2009/103 énoncent :
« (1) La directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité [(JO 1972, L 103, p. 1)], la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile
résultant de la circulation de véhicules automoteurs [(JO 1984, L 8, p. 17)], la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs [(JO 1990, L 129, p. 33)] et la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à
l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (quatrième directive sur l’assurance automobile) [(JO 2000, L 181, p. 65)] ont été modifiées à plusieurs reprises et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ces quatre directives ainsi que de la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, modifiant les directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 88/357/CEE
et 90/232/CEE du Conseil et la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs [(JO 2005, L 149, p. 14)].
(2) L’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (l’assurance auto mobile) revêt une importance particulière pour les citoyens européens, qu’ils soient preneurs d’assurance ou victimes d’un accident. Elle présente aussi une importance majeure pour les entreprises d’assurances, puisqu’elle représente une grande partie des contrats d’assurance non-vie conclus dans la Communauté. L’assurance automobile a, par ailleurs, une incidence sur la libre
circulation des personnes et des véhicules. Le renforcement et la consolidation du marché intérieur de l’assurance automobile devraient donc représenter un objectif fondamental de l’action communautaire dans le domaine des services financiers.
[...]
(20) Il y a lieu de garantir aux victimes d’accidents de la circulation automobile un traitement comparable, quels que soient les endroits de la Communauté où les accidents se sont produits. »
4 L’article 3 de la directive 2009/103 dispose :
« Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.
Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa.
[...]
L’assurance visée au premier alinéa couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels. »
5 L’article 10, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d’indemniser, au moins dans les limites de l’obligation d’assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n’a pas été satisfait à l’obligation d’assurance visée à l’article 3.
Le premier alinéa ne porte pas atteinte au droit des États membres de donner ou non à l’intervention de l’organisme un caractère subsidiaire, ainsi qu’à celui de réglementer les recours entre cet organisme et le ou les responsables du sinistre et d’autres assureurs ou organismes de sécurité sociale tenus d’indemniser la victime pour le même sinistre. Toutefois, les États membres ne peuvent pas autoriser l’organisme à subordonner son intervention à la condition que la victime établisse, d’une
quelconque manière, que la personne responsable n’est pas en mesure ou refuse de payer. »
6 L’article 12, paragraphe 1, de ladite directive énonce :
« Sans préjudice de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, l’assurance visée à l’article 3 couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule. »
7 Aux termes de l’article 13 de cette même directive :
« 1. Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées pour que, aux fins de l’application de l’article 3, soit réputée sans effet, en ce qui concerne le recours des tiers victimes d’un sinistre, toute disposition légale ou clause contractuelle contenue dans une police d’assurance délivrée conformément à l’article 3 qui exclut de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par :
a) des personnes n’y étant ni expressément ni implicitement autorisées ;
b) des personnes non titulaires d’un permis leur permettant de conduire le véhicule concerné ;
c) des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d’ordre technique concernant l’état et la sécurité du véhicule concerné.
Toutefois, la disposition ou la clause visée au premier alinéa, point a), peut être opposée aux personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l’assureur peut prouver qu’elles savaient que le véhicule était volé.
Les États membres ont la faculté – pour les sinistres survenus sur leur territoire – de ne pas appliquer la disposition du premier alinéa si et dans la mesure où la victime peut obtenir l’indemnisation de son préjudice d’un organisme de sécurité sociale.
2. Dans le cas de véhicules volés ou obtenus par la violence, les États membres peuvent prévoir que l’organisme prévu à l’article 10, paragraphe 1, interviendra en lieu et place de l’assureur dans les conditions prévues au paragraphe 1 du présent article. Lorsque le véhicule a son stationnement habituel dans un autre État membre, cet organisme n’aura de possibilité de recours contre aucun organisme dans cet État membre.
Les États membres qui, pour le cas de véhicules volés ou obtenus par la violence, prévoient l’intervention de l’organisme visé à l’article 10, paragraphe 1, peuvent fixer pour les dommages matériels une franchise, opposable à la victime, ne dépassant pas 250 [euros].
3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que toute disposition légale ou toute clause contractuelle contenue dans une police d’assurance, qui exclut un passager de cette couverture d’assurance au motif qu’il savait ou aurait dû savoir que le conducteur du véhicule était sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue au moment de l’accident, soit réputée sans effet en ce qui concerne le recours de ce passager. »
Le droit français
8 L’article L. 113-8 du code des assurances dispose que le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans incidence sur le sinistre.
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Le 5 octobre 2012, PQ a souscrit un contrat d’assurance automobile auprès de la Matmut et a déclaré, lors de cette souscription, qu’il était le seul conducteur du véhicule assuré.
10 Le 28 septembre 2013, ce véhicule, conduit par TN, qui se trouvait en état d’ivresse, a été impliqué dans un accident de la circulation avec un autre véhicule assuré par MAAF assurances. PQ, qui était passager dans le premier véhicule, a été blessé dans cet accident.
11 Poursuivi devant le tribunal correctionnel (France), TN a été déclaré coupable, notamment, de « blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l’empire d’un état alcoolique avec incapacité supérieure à trois mois sur la personne de [PQ] ».
12 À l’audience pénale devant cette juridiction, au cours de laquelle ont été examinées les demandes de réparations civiles de PQ, la Matmut a invoqué l’exception de nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré quant à l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné, a demandé à être mise hors de cause et a sollicité la prise en charge de l’indemnisation de PQ par le FGAO, qui, en vertu du code des assurances, est l’organisme chargé d’indemniser les
victimes d’accidents de la circulation dont le responsable n’est pas assuré.
13 Par jugement du 17 décembre 2018, le tribunal correctionnel a prononcé la nullité du contrat d’assurance conclu entre la Matmut et PQ en raison d’une fausse déclaration intentionnelle de ce dernier. En conséquence, la Matmut a été mise hors de cause, TN a été condamné à réparer les préjudices subis par les victimes de l’accident de la circulation concerné et ce jugement a été déclaré opposable au FGAO.
14 Le FGAO, MAAF assurances et TN ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Lyon (France). Par un arrêt du 21 octobre 2020, cette juridiction a confirmé ledit jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat d’assurance liant PQ et la Matmut. Ladite juridiction a constaté que, lors de la souscription du contrat d’assurance par PQ, TN était propriétaire du véhicule concerné ainsi que son conducteur habituel. Ainsi, cette même juridiction a retenu que PQ avait fait une fausse
déclaration intentionnelle sur l’identité du conducteur habituel, ce qui avait modifié l’opinion du risque pour l’assureur, compte tenu notamment du fait que TN avait été condamné précédemment pour conduite en état alcoolique.
15 La cour d’appel de Lyon a cependant jugé que la nullité du contrat d’assurance en cause est inopposable à PQ et a refusé de mettre la Matmut hors de cause, au motif qu’il résulte de la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national que la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, prévue à l’article L. 113-8 du code des assurances, n’est pas opposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit. Ladite juridiction a
précisé que le fait qu’une victime ait été passager du véhicule ayant causé l’accident, le preneur d’assurance ou le propriétaire de ce véhicule ne permettait pas de lui dénier la qualité de tiers victime.
16 La Matmut a formé un pourvoi devant la Cour de cassation (France), qui est la juridiction de renvoi, contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, en faisant valoir que cette dernière a erronément déclaré que la nullité du contrat d’assurance au principal était inopposable à PQ.
17 La juridiction de renvoi rappelle que, en vertu de l’article L. 113-8 du code des assurances, un contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans incidence sur le sinistre.
18 À cet égard, cette juridiction fait observer que, selon la jurisprudence nationale, la nullité du contrat d’assurance prend effet à la date de la fausse déclaration intentionnelle. Par conséquent, lorsqu’une telle déclaration est faite au moment de la souscription du contrat, la nullité anéantit rétroactivement ce dernier, qui est donc réputé n’avoir jamais existé.
19 La juridiction de renvoi précise que, jusqu’à un arrêt du 29 août 2019, qui a marqué un revirement de sa jurisprudence, elle jugeait que la nullité d’un contrat résultant de la fausse déclaration de l’assuré était opposable à la victime. Depuis cet arrêt, elle jugerait, en substance, qu’il peut être déduit de l’article L. 113-8 du code des assurances, interprété à la lumière des articles 3 et 13 de la directive 2009/103, que la nullité édictée par cette disposition n’est pas opposable aux
victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit et que le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime dans un tel cas.
20 La juridiction de renvoi indique également que, pour mettre le code des assurances en conformité avec le droit de l’Union, le législateur français a, en 2019, introduit l’article L. 211‑7‑1 dans ce code, aux termes duquel, d’une part, la nullité d’un contrat d’assurance automobile n’est pas opposable aux victimes des dommages nés d’un accident de la circulation, ou à leurs ayants droit, et, dans une telle hypothèse, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait du véhicule impliqué est
tenu de les indemniser et, d’autre part, l’assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident, à concurrence du montant des sommes qu’il a versées.
21 Cela étant, ladite juridiction relève que, s’il ressort, en substance, de la jurisprudence pertinente de la Cour en matière d’assurance de la responsabilité civile automobile que le fait qu’un passager d’un véhicule qui est victime d’un accident de la circulation soit également la personne qui est couverte par l’assurance du véhicule impliqué dans cet accident ne permet pas de lui dénier la qualité de tiers victime, l’affaire au principal soulèverait la question de savoir si la nullité d’un
contrat d’assurance peut être opposée au passager victime lorsqu’il est également le preneur d’assurance et l’auteur de la fausse déclaration intentionnelle ayant entraîné la nullité de ce contrat.
22 La juridiction de renvoi se demande également si, dans l’hypothèse où la nullité du contrat d’assurance serait déclarée inopposable à la victime, preneur d’assurance, l’assureur pourrait, sans contrevenir au droit de l’Union, être admis à exercer un recours contre cette victime, fondé sur la faute intentionnelle de celle-ci commise lors de la conclusion du contrat d’assurance, pour obtenir remboursement de la totalité des sommes qu’il lui a versées en exécution de ce contrat.
23 À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, selon la jurisprudence nationale en la matière, la responsabilité du souscripteur d’un contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile qui a fait volontairement de fausses déclarations peut être engagée par l’assureur, et que, en cas d’annulation de ce contrat pour fausse déclaration intentionnelle, le souscripteur est tenu de rembourser à l’assureur l’indemnité que celui-ci a versée à la victime de l’accident de la circulation.
24 En revanche, dans l’hypothèse où la nullité du contrat d’assurance serait opposable à la victime, preneur d’assurance, la réglementation nationale prévoirait que le FGAO prend en charge l’indemnisation qui doit être versée à la victime.
25 C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les articles 3 et 13 de la [directive 2009/103] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la nullité du contrat d’assurance [de la] responsabilité civile automobile soit déclarée opposable au passager victime lorsqu’il est également le preneur d’assurance ayant commis une fausse déclaration intentionnelle au moment de la conclusion du contrat, à l’origine de cette nullité ? »
Sur la question préjudicielle
26 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question
préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du
droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 22 février 2024, Direcţia pentru Evidenţa Persoanelor şi Administrarea Bazelor de Date, C‑491/21, EU:C:2024:143, point 23 et jurisprudence citée).
27 En l’occurrence, eu égard à l’ensemble des indications de la juridiction de renvoi ainsi qu’aux observations présentées par TN, la Matmut, le FGAO, le gouvernement français et la Commission européenne, il y a lieu, en vue de fournir à cette juridiction des éléments d’interprétation utiles, de reformuler la question posée.
28 Ainsi, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, premier alinéa, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2009/103 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet, d’une part, d’opposer au passager d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est également le preneur d’assurance, la nullité du contrat
d’assurance de la responsabilité civile automobile résultant d’une fausse déclaration de ce preneur d’assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné et, d’autre part, à l’assureur, dans l’hypothèse où une telle nullité est effectivement inopposable à un tel passager victime, d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu’il a versées à ce passager en exécution du contrat d’assurance au moyen d’un recours introduit
contre ce dernier, fondé sur la faute intentionnelle commise par celui-ci lors de la conclusion de ce contrat.
29 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que l’énonce le considérant 1 de la directive 2009/103, que celle-ci a codifié la directive 72/166, la deuxième directive 84/5, la troisième directive 90/232, la directive 2000/26 et la directive 2005/14. Ces directives ont progressivement précisé les obligations des États membres en matière d’assurance obligatoire. Elles tendaient, d’une part, à assurer la libre circulation tant des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de l’Union
européenne que des personnes qui sont à leur bord et, d’autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficient d’un traitement comparable, quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où l’accident s’est produit (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 54 et jurisprudence citée).
30 En outre, il découle des considérants 2 et 20 de la directive 2009/103, que celle-ci poursuit les mêmes objectifs que ceux poursuivis par lesdites directives (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 55 et jurisprudence citée).
31 Il ressort de l’évolution de la réglementation de l’Union en matière d’assurance obligatoire que l’objectif de protection des victimes d’accidents causés par ces véhicules a constamment été poursuivi et renforcé par le législateur de l’Union (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 56 et jurisprudence citée).
32 L’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 impose aux États membres de prendre toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5 de cette directive, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.
33 À cet égard, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, une compagnie d’assurance de la responsabilité civile automobile ne saurait refuser d’indemniser les tiers victimes d’un accident causé par un véhicule assuré, en se prévalant de dispositions légales ou de clauses contractuelles contenues dans une police d’assurance excluant de la couverture par l’assurance de la responsabilité civile automobile les dommages causés aux tiers victimes en raison de
l’utilisation ou de la conduite du véhicule assuré par des personnes non autorisées à conduire ce véhicule, par des personnes non titulaires d’un permis de conduire ou par des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d’ordre technique concernant l’état et la sécurité dudit véhicule (voir, en ce sens, ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).
34 Par dérogation à ce premier alinéa, l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2009/103 prévoit que certaines victimes pourront ne pas être indemnisées par la compagnie d’assurances, compte tenu de la situation qu’elles ont elles-mêmes créée, à savoir dans les cas où le véhicule qui a causé le dommage était utilisé ou conduit par des personnes n’y étant ni expressément ni implicitement autorisées et où les tiers victimes ont de leur plein gré pris place dans ce véhicule, sachant
que celui-ci avait été volé (voir, en ce sens, ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 60 et jurisprudence citée).
35 Il ressort de l’article 12, paragraphe 1, de cette directive que, sans préjudice de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de celle-ci, l’assurance visée à l’article 3 de ladite directive couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule.
36 La Cour a jugé que l’objectif de protection des victimes s’oppose à ce qu’une réglementation nationale réduise indûment la notion de passager couvert par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Delgado Mendes, C‑503/16, EU:C:2017:681, point 42 et jurisprudence citée).
37 En effet, en ce qui concerne la qualité de victime d’un accident de la circulation, de preneur d’assurance et de propriétaire du véhicule impliqué dans cet accident, la Cour a jugé que cet objectif impose que la situation juridique du propriétaire du véhicule, qui se trouvait à bord de ce dernier au moment dudit accident en tant que passager, soit assimilée à celle de tout autre « passager victime » dudit accident (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Delgado Mendes, C‑503/16,
EU:C:2017:681, point 41 et jurisprudence citée).
38 La Cour a également considéré que ledit objectif impose que la situation juridique de la personne qui était assurée pour la conduite du véhicule, mais qui était passager de ce véhicule au moment du même accident, soit assimilée à celle de tout autre « passager victime » de cet accident et que, partant, le fait qu’une personne était assurée pour conduire le véhicule qui a causé ledit accident ne permet pas d’exclure cette personne de la notion de « tiers victime », au sens de l’article 13,
paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/103, dès lors qu’elle était passager, et non conducteur, de ce véhicule (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Delgado Mendes, C‑503/16, EU:C:2017:681, point 43 et jurisprudence citée).
39 Ainsi, le fait qu’un passager lors d’un accident de la circulation était le preneur d’assurance ne permet pas d’exclure cette personne de la notion de « tiers victime », au sens de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/103 (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2017, Delgado Mendes, C‑503/16, EU:C:2017:681, point 44 et jurisprudence citée).
40 La circonstance que le passager était également le preneur d’assurance ne saurait justifier un traitement différent, eu égard au même objectif de protection poursuivi par cette directive, tel que mentionné au point 31 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2017, Delgado Mendes, C‑503/16, EU:C:2017:681, point 45).
41 Il en va de même s’agissant de la circonstance que le preneur d’assurance n’est pas le conducteur habituel du véhicule impliqué dans un accident de la circulation (arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, C‑287/16, EU:C:2017:575, point 28).
42 Il s’ensuit que, en l’occurrence, la circonstance que, au moment de la survenance de l’accident de la circulation, PQ, le preneur d’assurance, était passager du véhicule concerné est sans incidence sur sa qualité de « tiers victime », au sens de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/103.
43 S’agissant de l’opposabilité à PQ de la nullité du contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile résultant de sa fausse déclaration faite lors de la conclusion de celui-ci quant à l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt que le législateur a prévu à l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2009/103 une seule dérogation à l’obligation des compagnies d’assurances d’indemniser les
tiers victimes d’un accident de la circulation.
44 Il découle également de la jurisprudence que cette dérogation doit faire l’objet d’une interprétation stricte (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 61 et jurisprudence citée).
45 Toute autre interprétation permettrait aux États membres de limiter l’indemnisation des tiers victimes d’un accident de la circulation à certaines circonstances, ce que la directive 2009/103 vise précisément à éviter (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 62 et jurisprudence citée).
46 Ainsi, l’article 13, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’une disposition légale ou une clause contractuelle qui est contenue dans une police d’assurance, qui exclut de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par des personnes n’y étant ni expressément ni implicitement autorisées, ne peut être opposée aux tiers victimes d’un accident de la circulation que dans les cas où le véhicule qui a causé le dommage a été utilisé ou
conduit par de telles personnes et où les tiers victimes ont de leur plein gré pris place dans ce véhicule en sachant qu’il avait été volé (voir, en ce sens, ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 63 et jurisprudence citée).
47 Il s’ensuit que la circonstance qu’une compagnie d’assurances a conclu un contrat d’assurance sur la base d’omissions ou de fausses déclarations de la part du preneur d’assurance ne saurait permettre à cette compagnie de se prévaloir de dispositions légales ou d’une clause contractuelle prévoyant la nullité du contrat pour opposer cette nullité au tiers victime afin de s’exonérer de son obligation découlant de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 d’indemniser ce dernier du
préjudice subi du fait d’un accident causé par le véhicule assuré (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, C‑287/16, EU:C:2017:575, point 27).
48 Cette interprétation ne saurait être remise en cause par la possibilité que soit versée une indemnisation à la victime par le FGAO. En effet, l’intervention de l’organisme visé à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2009/103 a été conçue comme une mesure de dernier recours, prévue uniquement dans le cas où les dommages ont été causés par un véhicule pour lequel il n’a pas été satisfait à l’obligation d’assurance visée à l’article 3 de cette directive, à savoir un véhicule pour lequel il
n’existe pas de contrat d’assurance (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C‑375/20, EU:C:2021:861, point 69 et jurisprudence citée).
49 En l’occurrence, il y a toutefois lieu de relever que, à la différence des affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros (C‑287/16, EU:C:2017:575), et à l’ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros (C‑375/20, EU:C:2021:861), en l’occurrence, PQ est non seulement le « passager victime » de l’accident de la circulation en cause au principal qui cherche à être indemnisé mais également le preneur d’assurance qui est l’auteur de la fausse déclaration
intentionnelle ayant entraîné la nullité du contrat d’assurance.
50 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la directive 2009/103 ne contient pas de dispositions régissant l’éventuel abus de droit effectué par le preneur d’assurance.
51 Néanmoins, conformément à une jurisprudence constante, il existe, dans le droit de l’Union, un principe général de droit selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 281 ainsi que jurisprudence citée).
52 Le respect de ce principe général de droit s’impose aux justiciables. En effet, l’application de la réglementation de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir les opérations qui sont réalisées dans le but de bénéficier frauduleusement ou abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 282 ainsi que jurisprudence citée).
53 Il découle ainsi dudit principe qu’un État membre doit refuser, même en l’absence de dispositions nationales prévoyant un tel refus, le bénéfice des dispositions du droit de l’Union lorsque celles-ci sont invoquées par une personne non pas en vue de réaliser les objectifs de ces dispositions, mais dans le but de bénéficier d’un avantage accordé à cette personne par le droit de l’Union alors que les conditions objectives requises aux fins de l’obtention de l’avantage recherché, prévues par le
droit de l’Union, ne sont que formellement remplies (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 283 ainsi que jurisprudence citée).
54 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, la preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives dont il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour
son obtention (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 285 ainsi que jurisprudence citée).
55 La vérification de l’existence d’une pratique abusive exige de la juridiction de renvoi qu’elle prenne en compte l’ensemble des faits et des circonstances de l’espèce, y compris ceux postérieurs à l’opération dont le caractère abusif est allégué (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 286 ainsi que jurisprudence citée).
56 Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément aux règles de preuve prévues par le droit national, pour autant qu’il n’est pas porté atteinte à l’efficacité du droit de l’Union, si les éléments constitutifs d’une pratique abusive, tels qu’ils sont rappelés au point 54 du présent arrêt, sont réunis dans le litige au principal. Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider cette juridiction dans son
interprétation (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 287 ainsi que jurisprudence citée).
57 À cet égard, en ce qui concerne, d’une part, le point de savoir si, en l’occurrence, l’objectif poursuivi de la directive 2009/103 est atteint, il y a lieu de relever, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 67 et 68 de ses conclusions, que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, l’objectif de protection des victimes d’accidents de la circulation semble être atteint, PQ étant une victime de l’accident concerné qui cherche à être indemnisée.
58 Or, s’agissant, d’autre part, de l’élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union, en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention, il ressort de la décision de renvoi que la fausse déclaration en cause au principal avait pour but d’éviter que TN doive conclure un contrat d’assurance, compte tenu de sa condamnation antérieure pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Ainsi, cette fausse déclaration aurait
été faite par PQ afin que soit assuré le véhicule de TN tout en bénéficiant d’une prime d’assurance plus avantageuse que celle qui aurait été due si l’identité du conducteur habituel de ce véhicule avait été connue de l’assureur.
59 À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 77 de ses conclusions, il n’apparaît pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que PQ ait effectué de fausses déclarations dans le but essentiel de se prévaloir lui-même des articles 3 et 13 de la directive 2009/103 et de contourner une disposition nationale relative aux conditions légales de nullité d’un contrat d’assurance.
60 Dans ces conditions, il n’apparaît pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que les éléments constitutifs d’une pratique abusive, tels qu’ils sont rappelés au point 54 du présent arrêt, sont réunis en l’occurrence.
61 Ainsi, pour autant que PQ n’a pas violé le principe d’interdiction de l’abus de droit, il y a lieu de considérer que la nullité du contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile en cause au principal, résultant de sa fausse déclaration faite lors de la conclusion de ce contrat, ne saurait lui être opposée.
62 En second lieu, en ce qui concerne la possibilité pour l’assureur, dans un tel cas de figure, d’obtenir de PQ le remboursement de la totalité des sommes qu’il lui a versées en exécution du contrat d’assurance au moyen d’un recours, fondé sur la faute intentionnelle commise par ce dernier lors de la conclusion de ce contrat, il convient de relever que les conditions légales de validité d’un contrat d’assurance ainsi que celles relatives à l’engagement de la responsabilité du preneur d’assurance en
raison de fausses déclarations au moment de la conclusion du contrat d’assurance sont régies non pas par le droit de l’Union, mais par le droit des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, C‑287/16, EU:C:2017:575, point 31).
63 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les États membres doivent exercer leurs compétences en ce domaine dans le respect du droit de l’Union et que les dispositions nationales qui régissent l’indemnisation des sinistres résultant de la circulation des véhicules ne peuvent priver la directive 2009/103 de son effet utile (voir, par analogie, arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, C‑287/16, EU:C:2017:575, point 32 et jurisprudence citée).
64 La Cour a, à plusieurs reprises, considéré que, afin de garantir l’effet utile des dispositions du droit de l’Union relatives à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent aux réglementations nationales qui portent atteinte à cet effet utile, en ce que, en excluant d’office ou en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une
indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, elles compromettent la réalisation de l’objectif de protection des victimes d’accident de la circulation, constamment poursuivi et renforcé par le législateur de l’Union (arrêt du 10 juin 2021, Van Ameyde España, C‑923/19, EU:C:2021:475, point 44 et jurisprudence citée).
65 Dans ces conditions, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 105 et 110 de ses conclusions, il y a lieu de considérer qu’une réglementation nationale permettant à l’assureur, dans des circonstances telles que celles en cause au principal et au moyen d’un recours dirigé contre le « passager victime », qui est également le preneur d’assurance et l’auteur de la fausse déclaration faite au moment de la conclusion du contrat d’assurance, d’obtenir le remboursement de la
« totalité » des sommes versées audit « passager victime » en exécution de ce contrat est susceptible de priver cette personne, définitivement et de manière disproportionnée, de la protection que la directive 2009/103 accorde aux victimes de tels accidents et, en conséquence, de porter atteinte au droit de cet individu d’être indemnisé par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile.
66 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, premier alinéa, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2009/103 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, sauf si la juridiction de renvoi constate l’existence d’un abus de droit, à une réglementation nationale qui permet, d’une part, d’opposer au passager d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est
également le preneur d’assurance, la nullité du contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile résultant d’une fausse déclaration de ce preneur d’assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné et, d’autre part, à l’assureur, dans l’hypothèse où une telle nullité est effectivement inopposable à un tel « passager victime », d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu’il a versées à ce passager en exécution
du contrat d’assurance au moyen d’un recours introduit contre ce dernier, fondé sur la faute intentionnelle commise par celui-ci lors de la conclusion de ce contrat, dès lors qu’un tel remboursement conduirait à priver de tout effet utile les dispositions de cette directive, en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.
Sur les dépens
67 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 3, premier alinéa, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent, sauf si la juridiction de renvoi constate l’existence d’un abus de droit, à une réglementation nationale qui permet, d’une part, d’opposer au passager d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est également le preneur d’assurance, la nullité du contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile résultant d’une fausse déclaration de ce preneur d’assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à
l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné et, d’autre part, à l’assureur, dans l’hypothèse où une telle nullité est effectivement inopposable à un tel « passager victime », d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu’il a versées à ce passager en exécution du contrat d’assurance au moyen d’un recours introduit contre ce dernier, fondé sur la faute intentionnelle commise par celui-ci lors de la conclusion de ce contrat, dès lors qu’un tel remboursement conduirait à priver
de tout effet utile les dispositions de cette directive, en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le français.