ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
26 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Droit institutionnel – Membres du Parlement européen – Communication officielle par les États membres des noms des députés élus – Pouvoirs du Parlement – Demande de défense de l’immunité – Actes insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation »
Dans l’affaire C‑600/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 septembre 2022,
Carles Puigdemont i Casamajó, demeurant à Waterloo (Belgique),
Antoni Comín i Oliveres, demeurant à Waterloo,
représentés par Mes P. Bekaert, S. Bekaert, advocaten, et Me G. Boye, abogado,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz, T. Lukácsi et J.-C. Puffer, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu–Matei, MM. J.–C. Bonichot (rapporteur), S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, MM. Carles Puigdemont i Casamajó et Antoni Comín i Oliveres demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 juillet 2022, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement (T‑388/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:421), par lequel celui-ci a rejeté comme irrecevable leur recours tendant à l’annulation de l’instruction du 29 mai 2019 du président du Parlement européen leur refusant le bénéfice du service d’accueil et d’assistance offert aux
députés européens entrants et l’octroi d’une accréditation temporaire (ci-après l’« instruction du 29 mai 2019 »), ainsi que du refus du président de cette institution de leur reconnaître la qualité de député européen contenu dans la lettre du 27 juin 2019 (ci-après la « lettre du 27 juin 2019 ») (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »).
Le cadre juridique
L’acte électoral
2 L’article 5 de l’acte portant élection des membres du Parlement au suffrage universel direct (JO 1976, L 278, p. 5), annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), tel que modifié par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1) (ci-après l’« acte électoral »), dispose :
« 1. La période quinquennale pour laquelle sont élus les membres du Parlement [...] commence à l’ouverture de la première session tenue après chaque élection.
[...]
2. Le mandat de chaque membre du Parlement [...] commence et expire en même temps que la période visée au paragraphe 1. »
3 L’article 8 de l’acte électoral dispose :
« Sous réserve des dispositions du présent acte, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales.
Ces dispositions nationales, qui peuvent éventuellement tenir compte des particularités dans les États membres, ne doivent pas globalement porter atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin. »
4 Aux termes de l’article 12 de cet acte :
« Le Parlement [...] vérifie les pouvoirs des membres du Parlement [...] À cet effet, il prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions du présent acte, à l’exclusion des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie. »
5 L’article 13 dudit acte est libellé comme suit :
« 1. Un siège devient vacant quand le mandat d’un membre du Parlement [...] expire en cas de sa démission ou de son décès ou de déchéance de son mandat.
2. Sous réserve des autres dispositions du présent acte, chaque État membre établit les procédures appropriées pour que, au cas où un siège devient vacant, ce siège soit pourvu pour le reste de la période quinquennale visée à l’article [5].
3. Lorsque la législation d’un État membre établit expressément la déchéance du mandat d’un membre du Parlement [...], son mandat expire en application des dispositions de cette législation. Les autorités nationales compétentes en informent le Parlement [...] »
Le règlement intérieur
6 L’article 3 du règlement intérieur du Parlement applicable à la neuvième législature (2019-2024) (ci-après le « règlement intérieur »), intitulé « Vérification des pouvoirs », est libellé comme suit :
« 1. À l’issue des élections générales au Parlement [...], le [p]résident [du Parlement] invite les autorités compétentes des États membres à communiquer sans retard au Parlement les noms des députés élus, afin que l’ensemble de ceux-ci puissent siéger au Parlement dès l’ouverture de la première séance suivant les élections.
Le [p]résident [du Parlement] attire en même temps l’attention de ces mêmes autorités sur les dispositions pertinentes de l’acte [électoral] et les invite à prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la survenance de toute incompatibilité avec le mandat de député au Parlement [...]
2. Les députés dont l’élection est communiquée au Parlement sont tenus de déclarer par écrit, avant de siéger au Parlement, qu’ils n’exercent pas une fonction incompatible avec celle de député au Parlement [...], aux termes de l’article 7, paragraphe 1 ou 2, de l’[acte électoral]. À l’issue des élections générales, cette déclaration doit être faite dans la mesure du possible six jours au plus tard avant l’ouverture de la première séance suivant les élections. Aussi longtemps que leurs pouvoirs
n’ont pas été vérifiés ou qu’il n’a pas été statué sur une contestation éventuelle, les députés siègent au Parlement et dans ses organes en pleine jouissance de leurs droits, à la condition qu’ils aient effectué au préalable la déclaration écrite susmentionnée.
Dans le cas où des faits vérifiables à partir de sources accessibles au public permettent d’établir qu’un député exerce une fonction incompatible avec celle de député au Parlement [...], aux termes de l’article 7, paragraphe 1 ou 2, de l’[acte électoral], le Parlement, sur la base des informations fournies par son [p]résident, constate la vacance.
3. Sur la base d’un rapport de la commission compétente, le Parlement procède sans retard à la vérification des pouvoirs et statue sur la validité du mandat de chacun de ses membres nouvellement élus, ainsi que sur les contestations éventuelles présentées conformément aux dispositions de l’[acte électoral], à l’exclusion de celles qui, en vertu dudit acte, relèvent exclusivement des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie.
Le rapport de la commission est fondé sur la communication officielle, par chaque État membre, de l’ensemble des résultats électoraux précisant le nom des candidats élus, ainsi que celui des suppléants éventuels, avec leur ordre de classement tel qu’il résulte du vote.
La validité du mandat des députés ne peut être confirmée qu’après que ceux-ci ont effectué les déclarations écrites exigées par le présent article ainsi que par l’annexe I du présent règlement intérieur.
[...] »
7 Aux termes de l’article 5 de ce règlement intérieur, intitulé « Privilèges et immunités » :
« [...]
2. Dans l’exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement s’emploie à conserver son intégrité en tant qu’assemblée législative démocratique et à assurer l’indépendance des députés dans l’exercice de leurs fonctions. L’immunité parlementaire n’est pas un privilège personnel du député, mais une garantie d’indépendance du Parlement dans son ensemble et de ses députés.
[...] »
8 L’article 7 dudit règlement intérieur, intitulé « Défense des privilèges et immunités », prévoit :
« 1. Lorsqu’est alléguée une violation, déjà commise ou sur le point de se produire, des privilèges et immunités d’un député ou d’un ancien député par les autorités d’un État membre, une demande peut être introduite conformément à l’article 9, paragraphe 1, pour que le Parlement décide s’il y a eu ou s’il est susceptible d’y avoir violation de ces privilèges et immunités.
2. En particulier, une telle demande de défense des privilèges et immunités peut être introduite s’il est considéré que les circonstances pourraient constituer soit une restriction d’ordre administratif ou autre au libre déplacement des députés se rendant au lieu de réunion du Parlement ou en revenant, soit une restriction d’ordre administratif ou autre à une opinion ou à un vote émis dans l’exercice de leurs fonctions, ou encore que ces circonstances pourraient entrer dans le champ
d’application de l’article 9 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne.
3. Une demande de défense des privilèges et immunités d’un député est irrecevable si une demande de levée ou de défense de l’immunité de ce député a déjà été reçue pour les mêmes faits, qu’une décision ait ou non été prise à la suite de cette première demande.
4. L’examen d’une demande de défense des privilèges et immunités d’un député n’est pas poursuivi si une demande de levée de l’immunité de ce député est reçue pour les mêmes faits.
5. Lorsqu’une décision de ne pas défendre les privilèges et immunités d’un député a été prise, celui-ci peut, à titre exceptionnel, introduire une demande de réexamen de la décision en présentant de nouveaux éléments de preuve conformément à l’article 9, paragraphe 1. La demande de réexamen est irrecevable si un recours a été formé contre la décision en vertu de l’article 263 [TFUE] ou si le [p]résident [du Parlement] estime que les nouveaux éléments de preuve présentés ne sont pas suffisamment
étayés pour justifier un réexamen. »
9 L’article 8 du même règlement intérieur, intitulé « Action d’urgence du [p]résident [du Parlement] en vue de confirmer l’immunité », établit ce qui suit :
« 1. Dans les cas où un député est arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation apparente de ses privilèges et immunités, le [p]résident [du Parlement] peut prendre d’urgence, après consultation du président et du rapporteur de la commission compétente, une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités du député concerné. Le [p]résident [du Parlement] communique son initiative à la commission et en informe le Parlement.
2. Lorsque le [p]résident [du Parlement] fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés au paragraphe 1, la commission prend connaissance de l’initiative [de ce p]résident au cours de sa réunion suivante. Lorsqu’elle l’estime nécessaire, la commission peut établir un rapport à soumettre au Parlement. »
10 L’article 9 du règlement intérieur, intitulé « Procédures relatives à l’immunité », dispose ce qui suit :
« 1. Toute demande adressée au [p]résident [du Parlement] par une autorité compétente d’un État membre en vue de lever l’immunité d’un député, ou par un député ou un ancien député en vue de défendre des privilèges et immunités, est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.
2. Avec l’accord du député ou de l’ancien député concerné, la demande peut être adressée par un autre député, qui est autorisé à représenter le député ou l’ancien député concerné à toutes les étapes de la procédure.
Le député qui représente le député ou l’ancien député concerné ne participe pas à la prise de décisions en commission.
3. La commission examine sans retard, en tenant compte toutefois de leur complexité relative, les demandes de levée de l’immunité ou de défense des privilèges et immunités.
4. La commission présente une proposition de décision motivée qui recommande l’adoption ou le rejet de la demande de levée de l’immunité ou de défense des privilèges et immunités. Les amendements ne sont pas recevables. En cas de rejet de la proposition, la décision contraire est réputée adoptée.
5. La commission peut demander à l’autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu’elle estime nécessaires pour déterminer s’il convient de lever ou de défendre l’immunité.
6. Le député concerné reçoit la possibilité d’être entendu et peut présenter tout document ou élément de preuve écrit qu’il juge pertinent.
Le député concerné n’assiste pas aux débats sur la demande de levée ou de défense de son immunité, si ce n’est lors de l’audition elle-même.
Le président de la commission invite le député à une audition, en lui indiquant la date et l’heure de celle-ci. Le député concerné peut renoncer à son droit d’être entendu.
Si le député concerné ne se présente pas à l’audition conformément à l’invitation, il est réputé avoir renoncé à son droit d’être entendu, à moins qu’il n’ait demandé, en indiquant ses motifs, à être dispensé de l’audition à la date et à l’heure proposées. Le président de la commission détermine si une telle demande doit être acceptée eu égard aux motifs avancés. Le député concerné ne peut pas faire appel de cette décision.
Si le président de la commission accepte la demande de dispense, il invite le député concerné à être entendu à une nouvelle date et à une nouvelle heure. Si le député concerné ne se présente pas à la seconde invitation pour être entendu, la procédure se poursuit sans que le député soit entendu. Aucune autre demande de dispense ou d’audition ne peut alors être acceptée.
7. Lorsque la demande de levée ou de défense de l’immunité porte sur plusieurs chefs d’accusation, chacun d’eux peut faire l’objet d’une décision distincte. Le rapport de la commission peut, exceptionnellement, proposer que la levée ou la défense de l’immunité concerne exclusivement la poursuite de l’action pénale, sans qu’aucune mesure d’arrestation, de détention ni aucune autre mesure empêchant le député d’exercer les fonctions inhérentes à son mandat puisse être adoptée contre celui-ci, tant
qu’un jugement définitif n’a pas été rendu.
8. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l’autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l’opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui sont imputés au député, même dans le cas où l’examen de la demande permet à la commission d’acquérir une connaissance approfondie de l’affaire.
9. La proposition de décision de la commission est inscrite à l’ordre du jour de la première séance suivant le jour de son dépôt. Il ne peut être déposé d’amendements à cette proposition.
Le débat ne porte que sur les raisons qui militent pour et contre chacune des propositions de levée ou de maintien de l’immunité, ou de défense d’un privilège ou de l’immunité.
Sans préjudice de l’article 173, le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.
La ou les propositions de décision contenues dans le rapport sont mises aux voix à la première heure des votes qui suit le débat.
Après examen par le Parlement, il est procédé à un vote séparé sur chacune des propositions contenues dans le rapport. En cas de rejet d’une proposition, la décision contraire est réputée adoptée.
10. Le [p]résident [du Parlement] communique immédiatement la décision du Parlement au député concerné et à l’autorité compétente de l’État membre concerné, en demandant à être informé de toute évolution et de toute décision judiciaire rendue dans la procédure concernée. Dès que le [p]résident [du Parlement] reçoit ces informations, il les communique au Parlement sous la forme qu’il juge la plus appropriée, le cas échéant après consultation de la commission compétente.
11. La commission traite ces questions et examine tous les documents qu’elle reçoit en observant la plus grande confidentialité. L’examen par la commission des demandes relevant des procédures relatives à l’immunité a toujours lieu à huis clos.
12. Le Parlement examine uniquement les demandes de levée de l’immunité d’un député qui lui sont communiquées par les autorités judiciaires ou par la représentation permanente d’un État membre.
13. La commission fixe les principes d’application du présent article.
14. Toute demande relative au champ d’application des privilèges ou immunités d’un député adressée par une autorité compétente est examinée conformément aux dispositions ci-dessus. »
11 L’article 4, paragraphe 1, de l’annexe I de ce règlement intérieur, intitulée « Code de conduite des députés au Parlement [...] en matière d’intérêts financiers et de conflits d’intérêts », dispose :
« Pour des raisons de transparence, les députés au Parlement [...] présentent sous leur responsabilité personnelle une déclaration d’intérêts financiers au Président avant la fin de la première période de session consécutive aux élections au Parlement [...] (ou, en cours de législature, dans les 30 jours suivant leur entrée en fonction au Parlement), en utilisant le formulaire à adopter par le [b]ureau [de cette institution] en vertu de l’article 9. Ils informent le [p]résident [du Parlement] de
tout changement influant sur leur déclaration avant la fin du mois qui suit ledit changement. »
La loi électorale espagnole
12 L’article 224 de la Ley orgánica 5/1985 del Régimen Electoral General (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE no 147, du 20 juin 1985, p. 19110, ci-après la « loi électorale espagnole »), établit ce qui suit :
« 1. La Junta Electoral Central [Commission électorale centrale, Espagne] procède, au plus tard le vingtième jour suivant les élections, au décompte des votes au niveau national, à l’attribution des sièges correspondant à chacune des candidatures et à la proclamation des candidats élus.
2. Dans un délai de cinq jours à compter de leur proclamation, les candidats élus doivent jurer ou promettre de respecter la Constitución española (Constitution espagnole) devant la [Commission électorale centrale]. À l’issue de ce délai, la [Commission électorale centrale] déclare vacants les sièges attribués aux députés du Parlement [...] n’ayant pas juré ou promis de respecter la Constitution espagnole et suspendues toutes les prérogatives qui pourraient leur revenir du fait de leurs
fonctions, jusqu’à ce que cette prestation de serment ait lieu.
[...] »
Les antécédents du litige
13 Les antécédents du litige sont exposés aux points 13 à 36 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent, pour les besoins du présent arrêt, être résumés de la manière suivante.
14 M. Puigdemont i Casamajó était président de la Generalitat de Cataluña (Généralité de Catalogne, Espagne) et M. Comín i Oliveres membre du Gobierno autonómico de Cataluña (gouvernement autonome de Catalogne, Espagne), au moment de l’adoption de la Ley 19/2017 del Parlamento de Cataluña, reguladora del referéndum de autodeterminación (loi 19/2017 du Parlement de Catalogne, portant réglementation du référendum d’autodétermination), du 6 septembre 2017 (DOGC no 7449A, du 6 septembre 2017, p. 1), et
de la Ley 20/2017 del Parlamento de Cataluña, de transitoriedad jurídica y fundacional de la República (loi 20/2017 du Parlement de Catalogne, de transition juridique et constitutive de la République), du 8 septembre 2017 (DOGC no 7451A, du 8 septembre 2017, p. 1), ainsi que de la tenue, le 1er octobre 2017, du référendum d’autodétermination prévu par la première de ces lois, dont les dispositions avaient, dans l’intervalle, été suspendues par une décision du Tribunal Constitucional (Cour
constitutionnelle, Espagne).
15 À la suite de l’adoption desdites lois et de la tenue de ce référendum, le Ministerio fiscal (ministère public, Espagne), l’Abogado del Estado (avocat de l’État, Espagne) et le parti politique VOX ont engagé une procédure pénale contre, notamment, les requérants, des chefs de « sédition » et de « détournement de fonds publics ».
16 Par une ordonnance du 9 juillet 2018, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a déclaré les requérants défaillants, à la suite de leur départ du territoire espagnol, et a suspendu cette procédure pénale jusqu’à ce que ceux-ci soient retrouvés.
17 Par la suite, les requérants ont été élus aux élections au Parlement qui se sont tenues en Espagne le 26 mai 2019, sur la liste de la coalition Lliures per Europa (Junts) [Libres pour l’Europe (Ensemble)], qu’ils conduisaient. Cette liste a obtenu deux sièges au Parlement.
18 Par l’instruction du 29 mai 2019, le président du Parlement a indiqué au secrétaire général de cette institution qu’il convenait de refuser à tous les candidats élus en Espagne l’accès au « village d’accueil » (welcome village) ainsi que le bénéfice de l’assistance fournie aux candidats nouvellement élus au Parlement (ci-après le « service spécial d’accueil »), ainsi que de surseoir à leur accréditation jusqu’à la confirmation officielle de leur élection, conformément à l’article 12 de l’acte
électoral. Les requérants n’ont donc pas pu bénéficier du service spécial d’accueil et ils se sont vu refuser l’accès au « village d’accueil », ainsi que l’octroi d’une accréditation et d’un badge temporaires.
19 Le 13 juin 2019, la Commission électorale centrale a adopté une décision portant « [p]roclamation des députés élus au Parlement européen aux élections organisées le 26 mai 2019 » (ci-après la « proclamation du 13 juin 2019 »), qui indiquait que, conformément à l’article 224, paragraphe 1, de la loi électorale espagnole, et d’après les données figurant dans les décomptes consolidés transmis par chacune des commissions électorales provinciales, elle avait procédé à un nouveau décompte des voix au
niveau national, à l’attribution des sièges correspondants à chacun des candidats et à la proclamation des noms des candidats élus, parmi lesquels figuraient les requérants. La proclamation du 13 juin 2019 indiquait également que les candidats élus prêteraient le serment de respecter la Constitution espagnole, exigé à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, le 17 juin 2019.
20 Par une lettre du 14 juin 2019, les requérants ont demandé au président du Parlement de prendre acte des résultats des élections du 26 mai 2019, tels qu’ils figuraient dans la proclamation du 13 juin 2019, de retirer l’instruction du 29 mai 2019 afin qu’ils puissent avoir accès aux locaux du Parlement et bénéficier du service spécial d’accueil ainsi que de leur permettre de prendre possession de leurs sièges et de jouir des droits afférents à leur qualité de député européen à compter du 2 juillet
2019, date d’ouverture de la première séance plénière suivant les élections du 26 mai 2019.
21 Le 15 juin 2019, le juge d’instruction du Tribunal Supremo (Cour suprême) a rejeté une demande des requérants visant au retrait des mandats d’arrêt nationaux délivrés contre eux par les juridictions pénales espagnoles dans le but de les juger dans le cadre de la procédure pénale mentionnée au point 15 du présent arrêt.
22 La Commission électorale centrale a adressé au Parlement, le 17 juin 2019, la liste des députés élus en Espagne (ci-après la « communication du 17 juin 2019 »). Les noms des requérants n’y figuraient pas.
23 Le 20 juin 2019, la Commission électorale centrale a refusé que les requérants prêtent le serment de respecter la Constitution espagnole exigé à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole par la voie d’une déclaration écrite faite devant un notaire en Belgique ou par l’intermédiaire de mandataires désignés par un acte notarié fait en Belgique, ce serment devant, selon elle, être prêté en personne.
24 Le même jour, la Commission électorale centrale a indiqué au Parlement que les requérants n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole et que, conformément à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, elle avait déclaré la vacance des sièges attribués à ces derniers au Parlement ainsi que la suspension temporaire de toutes les prérogatives afférentes à leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient prêté ce serment (ci-après la « communication du 20 juin
2019 »).
25 Par une lettre du 20 juin 2019, les requérants ont demandé au président du Parlement d’adopter en urgence, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, toute mesure afin de confirmer leurs privilèges et immunités et, en particulier, de défendre ces privilèges et immunités, de déclarer que les mandats d’arrêt nationaux dont ils faisaient l’objet violaient lesdits privilèges et immunités, dont ils bénéficiaient en vertu de l’article 9 du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités
de l’Union européenne (ci-après le « protocole sur les privilèges et immunités »), de déclarer que l’article 9, deuxième alinéa, de ce protocole protégeait les députés européens contre toute restriction judiciaire apportée à leur liberté de circulation pouvant les empêcher d’accomplir les formalités nécessaires à leur prise de fonction et, enfin, de transmettre immédiatement sa décision aux autorités espagnoles compétentes.
26 Par une lettre du 24 juin 2019, les requérants ont, en substance, réitéré l’ensemble des demandes présentées dans leurs lettres des 14 et 20 juin 2019, qui étaient restées sans réponse.
27 Par une lettre du 27 juin 2019, le président du Parlement a répondu aux lettres des 14, 20 et 24 juin 2019, indiquant, en substance, aux requérants qu’il ne pouvait pas les traiter comme de futurs membres du Parlement au motif que leurs noms ne figuraient pas sur la liste des candidats élus officiellement communiquée par les autorités espagnoles.
28 Le 28 juin 2019, les requérants ont demandé au Tribunal, par un recours enregistré sous le numéro T‑388/19, d’une part, d’annuler l’instruction du 29 mai 2019 et, d’autre part, d’annuler les différents actes contenus, selon eux, dans la lettre du 27 juin 2019, à savoir, premièrement, le refus du président du Parlement de prendre acte des résultats des élections du 26 mai 2019, deuxièmement, la déclaration de la vacance du siège attribué à chacun des requérants effectuée par le président du
Parlement, troisièmement, le refus du président du Parlement de leur permettre de prendre leurs fonctions, d’exercer le mandat de député européen et de siéger au Parlement dès l’ouverture de la première session suivant les élections du 26 mai 2019 et, quatrièmement, le refus du président du Parlement de prendre une initiative d’urgence sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur en vue de confirmer leurs privilèges et immunités.
29 Le même jour, les requérants ont assorti leur recours d’une demande en référé, enregistrée sous le numéro T‑388/19 R, tendant au sursis à l’exécution, premièrement, de la décision du président du Parlement de ne pas prendre acte des résultats, officiellement proclamés par le Royaume d’Espagne, des élections au Parlement du 26 mai 2019 et de la décision subséquente de prendre acte d’une liste différente et incomplète de membres élus, notifiée le 17 juin 2019 par les autorités espagnoles,
deuxièmement, de la décision du président du Parlement de regarder la communication du 20 juin 2019 comme privant d’effet la proclamation des requérants en tant que membres élus du Parlement et, troisièmement, de la décision du Parlement portant refus de garantir, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement intérieur, le droit des requérants de siéger au Parlement et dans ses organes en pleine jouissance de leurs droits à partir de l’ouverture de la session parlementaire et jusqu’à ce
qu’il ait été statué sur les contestations portées devant le Parlement et les autorités judiciaires espagnoles. Les requérants demandaient également qu’il soit enjoint au Parlement de prendre toutes mesures nécessaires, y compris la confirmation de leurs privilèges et immunités tirés de l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités, pour leur permettre de siéger au Parlement dès l’ouverture de la première session suivant les élections.
30 Par un courriel du 10 octobre 2019, Mme Riba i Giner, députée européenne, agissant au nom des requérants, a adressé au président du Parlement élu le 3 juillet 2019 ainsi qu’au président et au vice-président de la commission des affaires juridiques de cette institution une demande émanant de 38 députés européens de différentes nationalités et de différents partis politiques, dont elle faisait partie, visant notamment à ce que le Parlement défende, sur le fondement de l’article 9 du règlement
intérieur, l’immunité parlementaire des requérants, visée à l’article 9, premier et deuxième alinéas, du protocole sur les privilèges et immunités.
31 Le 14 octobre 2019, le juge d’instruction de la chambre pénale du Tribunal Supremo (Cour suprême) a émis un mandat d’arrêt national, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international contre M. Puigdemont i Casamajó, afin que ce dernier soit jugé dans le cadre de la procédure pénale mentionnée au point 15 du présent arrêt. Les mêmes mandats d’arrêt ont été émis contre M. Comín i Oliveres le 4 novembre 2019. M. Puigdemont i Casamajó et M. Comín i Oliveres ont été placés en détention en
Belgique respectivement le 17 octobre et le 7 novembre 2019 et libérés, aux mêmes dates, sous conditions.
32 Par deux lettres du 10 décembre 2019 libellées en des termes similaires, l’une adressée à Mme Riba i Giner et l’autre à l’ensemble des 38 députés mentionnés au point 30 du présent arrêt, le président du Parlement a indiqué qu’il ne pouvait considérer les requérants comme étant membres du Parlement en l’absence de communication officielle de leur élection par les autorités espagnoles.
33 Par l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), la Cour a notamment jugé qu’une personne qui avait été officiellement proclamée élue au Parlement, mais qui n’avait pas été autorisée à se conformer à certaines exigences prévues par le droit interne à la suite d’une telle proclamation, ainsi qu’à se rendre au Parlement en vue de prendre part à la première session de celui-ci, devait être regardée comme bénéficiant d’une immunité en vertu de l’article 9, deuxième alinéa,
du protocole sur les privilèges et immunités.
34 Par une ordonnance du 1er juillet 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement (T‑388/19 R, EU:T:2019:467), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé mentionnée au point 29 du présent arrêt et réservé les dépens.
35 Par une ordonnance du 20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement [C‑646/19 P(R), EU:C:2019:1149], la vice-présidente de la Cour a annulé l’ordonnance du président du Tribunal du 1er juillet 2019 (T‑388/19 R, EU:T:2019:467), lui a renvoyé l’affaire et réservé les dépens.
36 Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement a annoncé que cette institution prenait acte, à la suite de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), de l’élection au Parlement des requérants avec effet au 2 juillet 2019 (ci-après l’« acte du 13 janvier 2020 »).
37 Le 20 février 2020, les requérants ont introduit un recours en annulation contre la lettre du 10 décembre 2019 adressée à Mme Riba i Giner par le président du Parlement. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑115/20.
38 Par une ordonnance du 19 mars 2020, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement (T‑388/19 R-RENV, EU:T:2020:114), le président du Tribunal, statuant sur renvoi après l’ordonnance du 20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement [C‑646/19 P (R), EU:C:2019:1149], a jugé que, compte tenu de l’intervention de l’acte du 13 janvier 2020, il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en référé et a réservé les dépens.
39 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, rejeté le recours mentionné au point 28 du présent arrêt au motif qu’il était dirigé contre des actes insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
40 Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de renvoyer l’affaire au Tribunal ou, à titre subsidiaire, d’annuler les actes litigieux, et
– de condamner le Parlement et le Royaume d’Espagne aux dépens ou, à titre subsidiaire, de réserver les dépens.
41 Le Parlement demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérants aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.
42 Le Royaume d’Espagne demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable ou, à défaut, comme étant infondé et
– de condamner les requérants aux dépens.
Sur le pourvoi
43 Au soutien de leur pourvoi, les requérants soulèvent quatre moyens. Par leur premier moyen, ils contestent les motifs par lesquels le Tribunal a rejeté leurs conclusions tendant à l’annulation des actes litigieux comme irrecevables au motif qu’ils n’avaient pas modifié leur situation juridique. Par leur deuxième moyen, ils demandent à titre subsidiaire à la Cour de revenir sur sa jurisprudence issue de l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275) et
soulèvent, à défaut, une exception d’illégalité de l’article 12 de l’acte électoral. Par leur troisième moyen, les requérants critiquent les motifs par lesquels le Tribunal a jugé que l’absence d’adoption, par le président du Parlement, d’une initiative d’urgence en vue de confirmer leurs privilèges et immunités, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, ne pouvait faire l’objet d’un recours en annulation. Enfin, par leur quatrième moyen, ils reprochent au Tribunal d’avoir jugé que
leur argumentation tendant à la contestation du prétendu refus du président du Parlement de transmettre leur demande de défense de leurs privilèges et immunités à la commission compétente de cette institution était dirigée contre un acte inexistant, faute pour les intéressés d’avoir présenté une telle demande sur le fondement des articles 7 et 9 du règlement intérieur.
Sur la recevabilité du pourvoi
Argumentation des parties
44 Le Royaume d’Espagne soutient, à titre principal, que le pourvoi est irrecevable dans son ensemble, au motif, en substance, qu’il ne répond pas aux exigences prévues à l’article 256, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE ainsi qu’à l’article 168, paragraphe 1, sous d), et à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, faute d’identifier de manière suffisamment précise et claire les points de motifs critiqués de l’arrêt attaqué et les arguments juridiques qui sous-tendent leur
demande. Il allègue également que le pourvoi se limite à reproduire les moyens et arguments déjà soulevés devant le Tribunal, de sorte qu’il constitue, en réalité, une demande de réexamen de la requête présentée devant ce dernier, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
45 Dans leur argumentation en réponse aux différents moyens soulevés par les requérants, le Parlement et le Royaume d’Espagne soutiennent également que ces moyens sont, en grande partie, irrecevables.
Appréciation de la Cour
46 S’il est vrai que les écritures des requérants s’apparentent en partie à une demande de réexamen de la requête présentée devant le Tribunal et apparaissent à plusieurs égards confuses et redondantes, il convient toutefois de constater que le pourvoi dans son ensemble, de même que l’argumentation principale développée au soutien de chacun des moyens du pourvoi, mentionne les points de motifs critiqués de l’arrêt attaqué et fait état, de manière suffisamment précise pour mettre la Cour à même de
statuer, des arguments juridiques par lesquels les requérants entendent les remettre en cause.
47 Dans ces conditions, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, le pourvoi, dans son ensemble, ne méconnaît pas les exigences prévues à l’article 256, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE ainsi qu’à l’article 168, paragraphe 1, sous d), et à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure. Tel n’est pas non plus le cas de l’argumentation invoquée au soutien de chacun des moyens du pourvoi.
48 Il s’ensuit que les motifs d’irrecevabilité opposés par le Parlement et par le Royaume d’Espagne doivent être écartés.
Sur le fond
Sur le premier moyen
– Argumentation des parties
49 Par leur premier moyen, les requérants estiment, en substance, que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’erreurs de droit au regard de l’article 263 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), d’erreurs de qualification juridique et de diverses dénaturations en jugeant que les actes litigieux n’étaient pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au motif qu’ils n’avaient pas entraîné de changement dans leur
situation juridique.
50 En ce qui concerne, en premier lieu, la lettre du 27 juin 2019, les requérants reprochent principalement au Tribunal d’avoir jugé que le président du Parlement était tenu de prendre acte des communications des 17 et 20 juin 2019, qui reflétaient la position des autorités espagnoles selon laquelle ils ne faisaient pas partie des députés élus au motif qu’ils n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole, prévu à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, et
non des résultats du 13 juin 2019, reflétant les suffrages exprimés lors du scrutin du 26 mai 2019. À cet égard, l’arrêt attaqué serait entaché d’erreur de droit et de dénaturation en ce qu’il reposerait sur l’idée que les communications des 17 et 20 juin 2019 reflétaient les résultats des élections du 26 mai 2019.
51 Les requérants font valoir que, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de l’acte électoral, ils étaient de toute façon en droit de siéger provisoirement avec les autres membres du Parlement à compter de la session ouverte le 2 juillet 2019, même si leurs pouvoirs n’avaient pas encore été vérifiés. L’adoption, par la suite, de l’acte du 13 janvier 2020 aurait confirmé cette interprétation.
52 Selon eux, le Tribunal aurait également commis une erreur de droit au regard de l’article 223 TFUE et entaché l’arrêt attaqué de dénaturation en jugeant que la détermination des conditions ou exigences préalables à l’entrée en fonction des députés européens relevait d’une compétence partagée avec les États membres, alors qu’elle relève d’une compétence exclusive de l’Union. Comme cela résulterait de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115) et de l’ordonnance du
20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement [C‑646/19 P(R), EU:C:2019:1149], le droit espagnol méconnaîtrait le droit de l’Union en ce qu’il instituerait des exigences supplémentaires à celles prévues par ce dernier, qui ne relèveraient pas de la procédure électorale nationale, cette dernière s’achevant, d’après eux, avec la proclamation des résultats. Les requérants estiment qu’il appartenait au Parlement, en vertu de l’article 12 de l’acte électoral, de trancher ce
point comme relevant d’une contestation électorale portée devant lui sur le fondement de cet acte. Le Tribunal aurait également entaché l’arrêt attaqué d’omission à statuer et d’erreur de droit, ainsi que méconnu l’article 47 de la Charte, en écartant comme étant inopérante l’argumentation tirée de l’incompétence du Royaume d’Espagne pour édicter l’exigence de prêter le serment de respecter la Constitution espagnole prévue à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole.
53 Les requérants estiment par ailleurs que le Tribunal a procédé à une substitution illégale des motifs de la lettre du 27 juin 2019 et dénaturé les termes de cette dernière en relevant en plusieurs points de l’arrêt attaqué qu’elle n’était pas fondée sur le constat que les requérants n’avaient pas acquis la qualité de député européen, mais seulement sur celui qu’ils ne remplissaient pas les conditions formelles permettant d’exercer leurs mandats.
54 De plus, les requérants soutiennent que l’arrêt attaqué est entaché de dénaturation, de contradiction de motifs et méconnaît les articles 8 et 12 de l’acte électoral, l’article 39, paragraphe 2, de la Charte ainsi que l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275), en ce que le Tribunal a jugé que le Parlement ne pouvait prendre acte des résultats proclamés le 13 juin 2019, alors que cette proclamation n’avait fait l’objet d’aucune contestation et
constituait le seul acte juridiquement contraignant dont il devait tenir compte, à l’exclusion des communications des 17 et 20 juin 2019, qui ne le liaient pas. La circonstance que le Royaume d’Espagne ait manqué à son obligation de coopération loyale en ne communiquant pas au Parlement les résultats proclamés officiellement le 13 juin 2019 ne dispensait pas cette institution d’en prendre acte.
55 À supposer qu’il faille considérer qu’une notification des résultats au Parlement était nécessaire, ce que les requérants contestent, ils estiment que, contrairement à ce qui ressort des motifs de l’arrêt attaqué, la proclamation du 13 juin 2019 était de toute façon suffisante pour que le Parlement soit tenu de prendre acte de ce qu’ils avaient été élus députés européens.
56 Les requérants soutiennent encore que les motifs de l’arrêt attaqué reviennent à juger que le Parlement devrait prendre acte de n’importe quel acte émanant des autorités nationales, même ceux qui auraient été adoptés par ces dernières de manière incompétente, ce qui serait contraire à l’arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49). Ils estiment que ces motifs méconnaissent également le fait que le droit de l’Union, notamment l’article 223, paragraphe 2, et l’article 232 TFUE,
n’autorise pas les États membres à prononcer la suspension, même temporaire, du mandat d’un député européen et, ce faisant, à modifier le nombre de députés et donc la composition du Parlement. À cet égard, ils font valoir que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491), se distingue de la présente affaire.
57 Tout en indiquant que ce point porte sur le fond de l’affaire et non sur le respect des conditions de recevabilité du recours en annulation prévu à l’article 263 TFUE, les requérants font également valoir que la décision prise, selon eux, par le président du Parlement, de les empêcher de siéger au sein de cette institution a entraîné à leur égard une violation « particulièrement grave et sans précédent » de l’article 39, paragraphe 2, de la Charte ainsi que de l’article 1er, paragraphe 3, de
l’acte électoral, relatifs à leur éligibilité, allant à l’encontre des positions prises par le comité des droits de l’homme des Nations unies ainsi que par la Commission européenne pour la démocratie par le droit dite « Commission de Venise ».
58 Enfin, le Tribunal aurait aussi entaché l’arrêt attaqué de dénaturation ou, à tout le moins, méconnu la portée des écritures qui lui étaient soumises en jugeant qu’il était constant que les requérants n’avaient pas respecté l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, alors qu’un recours à ce sujet était pendant devant le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle).
59 En ce qui concerne, en second lieu, l’instruction du 29 mai 2019, les requérants soutiennent que cet acte, qui les concernait directement et individuellement, était indissociable de la lettre du 27 juin 2019 et que le Tribunal a dénaturé ou, à tout le moins, déformé les faits et entaché l’arrêt attaqué de contradiction de motifs en jugeant que les effets de cette instruction avaient pris fin le 17 juin 2019. Les motifs de cet arrêt seraient également entachés d’erreurs de droit manifestes en ce
qu’ils indiquent que l’instruction du 29 mai 2019 n’était pas à l’origine de l’impossibilité pour les requérants de prendre leurs fonctions.
60 Le Parlement et le Royaume d’Espagne estiment que l’argumentation invoquée par les requérants au soutien de leur premier moyen doit être écartée.
– Appréciation de la Cour
61 S’agissant, en premier lieu, de la lettre du 27 juin 2019, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 2, et à l’article 13, paragraphe 2, TUE, le Parlement agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées par les traités.
62 En ce qui concerne l’élection des membres du Parlement, en l’absence d’adoption d’une procédure électorale uniforme, la procédure reste régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales, sous réserve des dispositions de l’acte électoral, conformément à l’article 8 de cet acte (arrêt du 22 décembre 2022, Junqueras i Vies/Parlement, C‑115/21 P, EU:C:2022:1021, point 60).
63 L’article 12 dudit acte dispose que le Parlement « prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions [de celui-ci], à l’exclusion des dispositions nationales auxquelles [cet acte] renvoie ».
64 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, dans le contexte de l’acte électoral, l’expression « prendre acte » exclut toute marge d’appréciation de la part du Parlement pour désigner les députés élus, les autorités nationales étant seules compétentes pour ce faire, conformément à la procédure régie par le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement, C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275, points 55 et 56 ainsi que jurisprudence citée).
65 Il ressort des termes mêmes de l’article 12 de l’acte électoral que, dans ce contexte, il appartient seulement au Parlement de statuer sur les contestations soulevées sur le fondement de l’acte électoral. Cette institution ne dispose en revanche d’aucune compétence l’habilitant à contrôler la régularité ou la conformité, au regard du droit de l’Union, de la procédure électorale nationale ou de la proclamation des résultats par les autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2009,
Italie et Donnici/Parlement, C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275, points 55 à 57, 60, 67 et 68). Il en va ainsi y compris dans les cas dans lesquels l’acte électoral renvoie lui-même au droit national.
66 La mise en œuvre du partage des compétences entre l’Union et les États membres prévue par l’acte électoral est notamment assurée par l’article 3 du règlement intérieur, qui prévoit, à son paragraphe 1, que les autorités compétentes des États membres communiquent au Parlement les noms des députés élus. Seuls les députés dont les noms figurent sur la liste communiquée par les autorités nationales sont par la suite soumis aux formalités prévues à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement
intérieur, au nombre desquelles figure la vérification de leurs pouvoirs.
67 La circonstance que la liste communiquée au Parlement par les autorités nationales ne correspondrait pas aux résultats proclamés officiellement par un État membre, contrairement à ce que prévoit l’article 12 de l’acte électoral, ou, plus largement, que cette liste serait entachée d’erreurs ou d’omissions, ne saurait permettre à cette institution de s’affranchir des noms des députés élus qui lui ont été officiellement communiqués par les autorités nationales.
68 En effet, outre que la vérification de l’exactitude de la liste des députés élus communiquée par les États membres constituerait une tâche en pratique impossible à mener à bien pour le Parlement, elle reviendrait à permettre à cette institution de contrôler la conformité au droit de l’Union de la procédure électorale nationale, et donc les résultats des élections régies par cette procédure, ce qui irait à l’encontre de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres prévue par
l’acte électoral.
69 Dans le système complet de voies de recours institué par le droit de l’Union, un tel contrôle appartient aux seules juridictions nationales, le cas échéant après renvoi préjudiciel à la Cour sur le fondement de l’article 267 TFUE, ou à cette dernière, saisie d’un recours en manquement sur le fondement de l’article 258 TFUE [voir en ce sens, par analogie, ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies/Parlement, C‑201/20 P(R), EU:C:2020:818, point 66].
70 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation des requérants concernant la lettre du 27 juin 2019.
71 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, estimé que la lettre du 27 juin 2019 n’avait pas modifié la situation juridique des requérants et qu’elle était donc insusceptible de faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE dès lors que, comme il l’a jugé, en particulier, aux points 104, 114 et 117 à 119 de cet arrêt, le président du Parlement n’avait fait que prendre acte, comme il y était tenu, de la liste des députés élus qui lui avait été communiquée
par les autorités espagnoles les 17 et 20 juin 2019, qui constituait pour lui une situation préexistante.
72 Le Tribunal a précisé, aux points 130 et 131 de l’arrêt attaqué, que, à supposer que l’exigence de prêter le serment de respecter la Constitution espagnole prévue à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole soit contraire au droit de l’Union au motif qu’elle ne ferait pas partie de la procédure électorale nationale relevant de la compétence des États membres, il n’appartenait pas au Parlement ni, par conséquent, au Tribunal, dans le cadre du recours dont il était saisi, de se
prononcer sur ce point, une telle contestation devant être tranchée par les juridictions nationales, le cas échéant après renvoi préjudiciel à la Cour, ou directement par cette dernière dans le cadre d’un recours en manquement sur le fondement de l’article 258 TFUE.
73 Le Tribunal a également jugé, aux points 142 à 144 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation des requérants selon laquelle les formalités nécessaires pour siéger au Parlement devraient être accomplies exclusivement devant cette institution ne trouvait pas de confirmation dans l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115).
74 Dans leur pourvoi, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et entaché l’arrêt attaqué d’omission à statuer et de diverses dénaturations en jugeant que le Parlement était tenu de prendre acte de la liste des députés élus qui lui avait été officiellement communiquée par les autorités espagnoles.
75 Il résulte toutefois des considérations énoncées aux points 60 à 68 du présent arrêt que c’est sans commettre d’erreur de droit au regard des articles 8 et 12 de l’acte électoral ni méconnaître l’article 39, paragraphe 2, de la Charte que le Tribunal, qui n’a pas entaché l’arrêt attaqué de dénaturation s’agissant de la teneur des communications des 17 et 20 juin 2019 ou du contenu de la lettre du 27 juin 2019, a jugé que le président du Parlement ne pouvait, sous peine de méconnaître le partage
des compétences entre l’Union et les États membres institué par l’acte électoral, s’affranchir de la liste des députés élus qui lui avait été officiellement notifiée par les autorités espagnoles, dont il n’avait pas compétence pour contrôler l’exactitude.
76 L’article 5, paragraphe 1, de l’acte électoral, qui précise que la période quinquennale pour laquelle sont élus les membres du Parlement commence à l’ouverture de la première session tenue après chaque élection, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion dès lors que cette disposition se borne à définir les limites temporelles du mandat des membres du Parlement et ne régit pas la répartition des compétences entre l’Union et les États membres en matière électorale.
77 Tel n’est pas non plus le cas de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115). Il convient en effet de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Cour était interrogée à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour suprême) sur la question, distincte, de savoir à quel moment une personne élue au Parlement acquiert la qualité de membre de cette institution, en vue de déterminer la date à compter de laquelle elle bénéficie de l’immunité prévue à
l’article 9, deuxième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, attachée à cette qualité. Dans ce cadre, la Cour a jugé que la qualité de membre du Parlement était acquise à compter de la proclamation officielle des résultats électoraux, dont elle a relevé qu’elle était intervenue le 13 juin 2019 pour ce qui concerne les élections qui se sont tenues en Espagne le 26 mai 2019. Elle n’a en revanche pas pris position sur les conséquences à tirer, par le Parlement, de la communication par
les autorités nationales de la liste des députés élus, et notamment sur la question de savoir si cette institution était ou non liée par une telle communication, qui ne faisait pas l’objet des interrogations de la juridiction de renvoi.
78 En réalité, loin de venir au soutien des allégations des requérants, l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), corrobore au contraire l’analyse du Tribunal, la Cour ayant relevé, au point 69 de cet arrêt, que le Parlement ne dispose d’aucune compétence l’habilitant à remettre en cause la régularité de la proclamation officielle des résultats électoraux ou à en contrôler la conformité au droit de l’Union, ce qui, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt,
laisse entendre que le Parlement a l’obligation de prendre acte des communications officielles des résultats qui lui sont adressées par les autorités nationales, telles que, en l’espèce, la communication du 17 juin 2019.
79 Le Tribunal n’a donc pas méconnu l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), en estimant, au point 130 de l’arrêt attaqué, que le Parlement était tenu de prendre acte de la liste des candidats élus communiquée officiellement par les autorités nationales, cette institution n’étant pas compétente pour exercer un quelconque contrôle sur le contenu de cette liste.
80 Par ailleurs, il ne peut pas non plus être reproché au Tribunal d’avoir méconnu l’ordonnance du 20 décembre 2019, Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres/Parlement [C‑646/19 P(R), EU:C:2019:1149], par laquelle la vice-présidente de la Cour a jugé, avant dire droit, qu’il ne pouvait être exclu que la procédure électorale nationale relevant de la compétence des États membres doive être regardée comme prenant fin avec la proclamation des résultats, à l’exclusion de toute formalité subséquente. En
effet, comme l’a jugé le Tribunal au point 139 de l’arrêt attaqué, à supposer que le Royaume d’Espagne ait excédé sa compétence en édictant l’obligation de prêter le serment de respecter la Constitution espagnole prévue à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation du président du Parlement de prendre acte des résultats des élections qui lui sont officiellement communiqués par les autorités nationales.
81 À cet égard, il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur les questions de savoir si le Royaume d’Espagne était compétent, au regard de l’article 223, paragraphe 2, TFUE et de l’article 8 de l’acte électoral, pour édicter l’exigence énoncée à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, ou si cette exigence était contraire au droit de l’Union. Après avoir relevé, au point 117 de l’arrêt attaqué, par des motifs exempts de dénaturation, que les requérants
n’avaient pas prêté le serment de respecter la Constitution espagnole prévu à cet article 224, paragraphe 2, il a au contraire estimé au point 131 de cet arrêt, sans commettre d’erreur de droit ni entacher ledit arrêt d’omission à statuer, que, de même que le Parlement ne pouvait remettre en cause la légalité de la liste des candidats élus communiquée officiellement par les autorités espagnoles le 17 juin 2019, il était lui-même incompétent pour trancher de telles questions. Le Tribunal en a
déduit à bon droit, au point 135 du même arrêt, que l’argumentation des requérants tirée de l’incompétence des autorités espagnoles pour prévoir l’obligation énoncée à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole devait être écartée comme étant inopérante.
82 Compte tenu des motifs qui précèdent, l’argumentation des requérants dirigée contre les motifs surabondants retenus par le Tribunal aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, par lesquels il a estimé que le Parlement ne disposait pas d’une compétence exclusive pour énoncer les conditions et exigences préalables à l’entrée en fonction des députés, doit être écartée comme étant inopérante.
83 La circonstance que, postérieurement à la lettre du 27 juin 2019, le Parlement ait adopté l’acte du 13 janvier 2020 autorisant les requérants à siéger sans procéder à la vérification préalable de leurs pouvoirs, tirant ainsi les conséquences qu’il croyait devoir attacher à l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), n’est en tout état de cause pas de nature à modifier la nature juridique de la lettre du 27 juin 2019, comme l’a jugé le Tribunal aux points 121 et 122 de
l’arrêt attaqué.
84 Il y a encore lieu de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’analyse qui précède n’équivaut pas à permettre aux États membres de s’affranchir de la répartition des compétences prévue par l’acte électoral ou de méconnaître l’article 223, paragraphe 2, et l’article 232 TFUE, l’éventuel non-respect de ces dispositions pouvant être contesté devant les juridictions nationales, le cas échéant après renvoi préjudiciel à la Cour, ou directement devant celle-ci sur le fondement
de l’article 258 TFUE.
85 En ce qui concerne, en second lieu, l’instruction du 29 mai 2019, le Tribunal, après en avoir décrit et analysé la teneur, a jugé, aux points 184 et 185 de l’arrêt attaqué, que cette instruction n’avait pas eu pour effet d’empêcher les requérants de procéder aux formalités préalables à la prise de fonction des députés que constitue la déclaration de non-incompatibilité et la déclaration d’intérêts financiers, et qu’elle n’était donc pas à l’origine de leur impossibilité de siéger au Parlement à
compter de l’ouverture, le 2 juillet 2019, de la première session suivant les élections. Aux points 186 et 187 de cet arrêt, il a estimé que cette instruction n’avait pas modifié la situation juridique des requérants et que leurs conclusions tendant à l’annulation de cette dernière devaient par conséquent être écartées comme étant irrecevables.
86 Pour aboutir à cette conclusion, le Tribunal a estimé, aux points 179 à 182 de l’arrêt attaqué, premièrement, que cette instruction, par laquelle le président du Parlement se limitait à indiquer qu’il convenait de « geler » ou de suspendre l’accès au « village d’accueil » et de ne pas procéder à l’accréditation temporaire des députés espagnols dans l’attente de la communication des résultats définitifs par les autorités espagnoles, s’apparentait à une mesure d’organisation intérieure et revêtait
un caractère provisoire, ses effets ayant pris fin à la date de cette communication. Deuxièmement, le Tribunal a relevé qu’il découlait de son caractère provisoire que l’instruction du 29 mai 2019 ne préjugeait pas de la possibilité pour les requérants de pouvoir bénéficier par la suite d’une accréditation définitive. Troisièmement, il a rappelé que c’était le fait que les requérants n’apparaissent pas sur la communication de la liste officielle des résultats communiquée par les autorités
espagnoles qui faisait obstacle à ce qu’ils puissent siéger, et non l’absence de souscription de leurs déclarations d’intérêts financiers et de non-incompatibilité, ces déclarations pouvant, selon le règlement intérieur, être souscrites postérieurement à l’ouverture de la première session parlementaire suivant les élections.
87 Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué de dénaturation ou déformé les faits en analysant l’instruction du 29 mai 2019 comme un acte distinct de la lettre du 27 juin 2019, et en estimant que les effets de cette instruction avaient pris fin à la date de la communication officielle des résultats par les autorités espagnoles, le 17 juin 2019. L’argumentation tirée de la violation des droits de la
défense découlant des dénaturations alléguées doit par conséquent être également écartée.
88 Quant à l’éventuelle contradiction qui existerait entre les motifs figurant au point 181 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé que le fait que les requérants n’ont pas effectué leurs déclarations d’intérêts financiers et de non-incompatibilité n’était pas de nature à les empêcher de siéger dès l’ouverture de la première session du Parlement suivant les élections, et ceux figurant au point 183 de cet arrêt, par lesquels le Tribunal a indiqué que les requérants n’alléguaient pas que
l’instruction du 29 mai 2019 les avaient empêché de souscrire de telles déclarations, force est de constater que, comme le révèle l’emploi des termes « au surplus », ce point 183 revêt un caractère surabondant par rapport aux motifs exempts d’erreur de droit ou de dénaturation figurant aux points 179 à 182 dudit arrêt. Par conséquent, l’argumentation des requérants spécifiquement dirigée contre ledit point 183 doit être écartée comme étant inopérante.
89 Enfin, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, aux points 184 à 187 de l’arrêt attaqué, en déduisant des motifs figurant, notamment, aux points 179 à 182 de cet arrêt que l’instruction du 29 mai 2019 n’était pas à l’origine de l’impossibilité pour les requérants de siéger au Parlement et qu’elle n’avait pas modifié leur situation juridique, de sorte que les conclusions à fin d’annulation présentées par les requérants contre cette instruction devaient être écartées comme étant irrecevables.
90 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
– Argumentation des parties
91 Par leur deuxième moyen, qu’ils soulèvent à titre subsidiaire, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir retenu une interprétation erronée de la répartition des compétences entre les autorités nationales et le Parlement prévue à l’article 12 de l’acte électoral. Ce faisant, ils invitent la Cour à revenir sur la jurisprudence issue de l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275). Ils estiment en particulier que le Parlement était de toute façon
compétent, sous peine de méconnaître le principe d’effectivité, pour statuer sur une contestation électorale fondée sur l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur et que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’erreur de droit en jugeant, sans réserve, que l’acte électoral excluait la compétence du Parlement pour statuer sur les contestations fondées sur le droit national, y compris lorsque l’acte électoral opère un renvoi à ce droit. Ils ajoutent que le juge de l’Union devrait être en
mesure de contrôler tous les actes privant un député européen de ses droits.
92 À titre infiniment subsidiaire, les requérants font valoir que l’article 12 de l’acte électoral ou toute autre disposition de cet acte, du statut des députés européens ou de droit de l’Union dont il résulterait que cette institution est liée par les communications faites par les États membres en matière électorale, même lorsqu’ils excèdent leur compétence, est contraire au droit primaire, et notamment aux articles 10 et 14 TUE ainsi qu’à l’article 39, paragraphe 2, de la Charte.
93 Le Parlement et le Royaume d’Espagne soutiennent en substance que, compte tenu de la réponse au premier moyen, il n’y a pas lieu, pour la Cour, d’examiner le deuxième moyen en tant qu’il porte sur la remise en cause de la jurisprudence issue de l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275).
94 Le Parlement estime par ailleurs que l’exception d’illégalité soulevée par les requérants doit être écartée comme étant irrecevable, car soulevée pour la première fois dans le cadre du pourvoi ou, à titre subsidiaire, comme étant, en tout état de cause, non fondée.
– Appréciation de la Cour
95 Par leur deuxième moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a fait une interprétation erronée de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres en matière électorale, et plus particulièrement de l’article 12 de l’acte électoral, en faisant application, dans l’arrêt attaqué, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275). Or, il ressort des motifs retenus en réponse au premier moyen du pourvoi, en
particulier aux points 59 à 67 du présent arrêt, que cette argumentation doit être écartée.
96 En ce qui concerne l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire par les requérants, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui. Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal reviendrait en effet à l’autoriser à saisir la
Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui soumis au Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C‑95/23 P, EU:C:2024:177, point 53 et jurisprudence citée).
97 En l’espèce, outre que l’exception d’illégalité soulevée par les requérants dans le cadre du deuxième moyen n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé, il ressort du dossier soumis à la Cour que cette exception d’illégalité a été soulevée pour la première fois dans le cadre du pourvoi. Elle doit, par suite, être écartée comme étant irrecevable.
98 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté dans son ensemble.
Sur les troisième et quatrième moyens
– Argumentation des parties
99 Par leur troisième moyen, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et insuffisamment motivé l’arrêt attaqué en jugeant que le refus du président du Parlement de prendre une initiative d’urgence sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur ne constituait pas un acte attaquable sur le fondement de l’article 263 TFUE. Ils estiment que c’est à tort que, en l’espèce, le Tribunal a jugé qu’un tel refus n’était pas lié au refus de leur reconnaître
la qualité de député européen. Selon les requérants, en statuant comme il l’a fait, le Tribunal a méconnu le devoir d’assistance du Parlement envers ses membres qui résulterait de l’article 5, paragraphe 2, du règlement intérieur. Ils indiquent également que, s’il convient d’interpréter l’arrêt attaqué en ce sens que le Tribunal aurait considéré que le refus contesté constituait un acte inexistant, l’arrêt attaqué serait entaché d’erreur de droit et de dénaturation.
100 Par leur quatrième moyen, les requérants font valoir, en substance, que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué de dénaturation en jugeant qu’ils n’avaient pas présenté de demande de défense de leur immunité sur le fondement des articles 7 et 9 du règlement intérieur. Ils estiment également que le Tribunal a commis une erreur de droit et méconnu la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579), en jugeant que le refus de communiquer une telle
demande en séance plénière ne produisait pas d’effets de droit attaquables sur le fondement de l’article 263 TFUE.
101 Le Parlement et le Royaume d’Espagne soutiennent, en substance, que, à défaut d’être écarté comme étant irrecevable, le troisième moyen doit être écarté comme étant non fondé. Ils soutiennent que le quatrième moyen doit, quant à lui, être écarté comme étant inopérant ou, à défaut, comme étant, lui aussi, non fondé.
– Appréciation de la Cour
102 Les troisième et quatrième moyens posent des questions communes relatives à l’articulation et à la teneur des mécanismes de défense des privilèges et immunités respectivement prévus aux articles 7 et 9 et à l’article 8 du règlement intérieur. Il y a donc lieu de les traiter ensemble.
103 Aux points 155 à 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le fait que le président de cette institution se soit abstenu de prendre une initiative d’urgence en vue de confirmer les privilèges et immunités de MM. Puigdemont i Casamajó et Comín i Oliveres sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur ne découlait pas de l’éventuel refus de ce président de leur reconnaître la qualité de député européen, mais de l’absence de mise en œuvre de son pouvoir discrétionnaire de prendre, ou
non, une telle initiative. Le Tribunal en a déduit que l’absence d’exercice d’un tel pouvoir ne pouvait faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE. Il a par ailleurs précisé, par des motifs surabondants que, à supposer même que l’absence d’adoption par le président du Parlement d’une telle initiative résulte du prétendu refus de ce dernier de leur reconnaître la qualité de député européen, un tel refus aurait en tout état de cause été dépourvu d’effet
contraignant à l’égard des autorités espagnoles.
104 Aux points 160 à 167 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ensuite écarté comme étant dirigée contre un acte inexistant l’argumentation par laquelle les requérants contestaient, au regard de l’article 9, paragraphe 1, du règlement intérieur, le refus du président du Parlement de communiquer à la commission compétente leur demande de défense de leurs privilèges et immunités, au motif qu’ils n’avaient pas présenté une telle demande sur le fondement des articles 7 et 9 de ce règlement intérieur.
105 L’article 7 du règlement intérieur régit la défense des privilèges et immunités des membres du Parlement. Il dispose notamment, à son paragraphe 1, que, lorsqu’est alléguée une violation, déjà commise ou sur le point de se produire, des privilèges et immunités d’un député ou d’un ancien député par les autorités d’un État membre, une demande peut être introduite conformément à l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement intérieur, pour que le Parlement décide s’il y a eu ou s’il est susceptible
d’y avoir violation de ces privilèges et immunités. Le libellé de l’article 7, paragraphe 5, dudit règlement intérieur implique que la décision de ne pas faire droit à une telle demande peut faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.
106 L’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement intérieur, portant procédures relatives à l’immunité, précise que la demande de défense des privilèges et immunités mentionnée à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement intérieur peut être adressée au Parlement par un député ou un ancien député, ou encore par un autre député, autorisé à représenter le député ou l’ancien député concerné. L’article 9, paragraphes 3 à 14, dudit règlement intérieur détaille la procédure applicable à de telles
demandes, laquelle comprend en particulier une phase d’examen par la commission compétente du Parlement, la possibilité pour le député ou l’ancien député concerné d’être entendu et de présenter tout élément de preuve qu’il juge pertinent, l’examen par le Parlement de la ou des propositions de décision de la commission ainsi que la communication de la mesure adoptée au député ou ancien député et à l’État membre concernés.
107 L’article 8 du règlement intérieur régit quant à lui l’action d’urgence du président du Parlement en vue de confirmer l’immunité d’un député. Cet article prévoit que, lorsqu’un député est arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation apparente de ses privilèges et immunités, le président du Parlement, après avoir consulté le président et le rapporteur de la commission compétente, peut prendre d’urgence une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités de l’intéressé.
Lorsqu’il fait usage de ce pouvoir, le président du Parlement communique son initiative à cette commission, qui en prend connaissance lors de sa réunion suivante, et il en informe cette institution.
108 Il résulte de ces dispositions que le règlement intérieur prévoit deux mécanismes distincts de protection des privilèges et immunités des députés européens. L’un, prévu aux articles 7 et 9 du règlement intérieur, est initié sur demande adressée au président du Parlement et traité selon les modalités procédurales prévues à cet article 9, destinées notamment à garantir les droits du député ou ancien député concerné. Elle donne lieu à une décision du Parlement dont l’article 7, paragraphe 5, dudit
règlement intérieur indique qu’elle peut faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE. L’autre, prévu à l’article 8 du même règlement intérieur, relève en revanche de l’initiative individuelle du président du Parlement, qui décide seul, et n’est encadrée par aucun formalisme procédural, ce dernier étant seulement tenu d’en informer par la suite la commission compétente du Parlement et cette institution elle-même.
109 Ainsi, contrairement aux articles 7 et 9 du règlement intérieur, l’article 8 de celui-ci confère au président du Parlement le pouvoir propre de prendre d’urgence une initiative en vue de confirmer les privilèges et immunités d’un député, lorsque les conditions prévues à cet article 8 sont réunies. Il ressort également de l’économie dudit article 8, lu à la lumière du reste des dispositions du règlement intérieur, que le président du Parlement n’est pas tenu de prendre une telle initiative, mais
dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation qui exclut le droit pour les députés d’exiger de lui qu’il prenne une position dans un sens déterminé (voir, par analogie, arrêt du 9 décembre 2014, Schönberger/Parlement, C‑261/13 P, EU:C:2014:2423, point 24).
110 Il s’ensuit que, comme l’a jugé le Tribunal aux points 155 à 157 de l’arrêt attaqué, de manière suffisamment motivée et sans commettre d’erreur de droit au regard de l’article 5, paragraphe 2, du règlement intérieur, l’absence de mise en œuvre par le président du Parlement de la faculté qui lui est conférée par l’article 8 de ce règlement intérieur, qui ne découle pas du prétendu refus de ce dernier de leur reconnaître la qualité de député européen, mais de l’exercice, par celui-ci, du large
pouvoir d’appréciation dont il dispose, ne constitue pas un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE.
111 L’argumentation développée par les requérants contre les motifs retenus à titre surabondant par le Tribunal au point 158 de l’arrêt attaqué doit quant à elle être écartée comme étant inopérante.
112 Il ressort, par ailleurs, du dossier soumis à la Cour que le Tribunal n’a pas entaché l’arrêt attaqué de dénaturation en jugeant, aux points 163 et 164 de celui-ci, que la demande des requérants tendant à la défense de leurs privilèges et immunités était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, du règlement intérieur et non sur les articles 7 et 9 de ce dernier, qu’elle ne mentionnait pas.
113 C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 165 et 166 de celui-ci, que la contestation par les requérants du prétendu refus du président du Parlement de communiquer leur demande à la commission compétente de cette institution était dirigée contre un acte matériellement inexistant, en l’absence de demande présentée sur le fondement des articles 7 et 9 du règlement intérieur. Une telle communication préalable pour examen par la commission compétente ne concerne en effet que les
demandes de défense des privilèges et immunités introduites sur le fondement des articles 7 et 9 du règlement intérieur, qui instituent, ainsi qu’il est jugé aux points 107 et 108 du présent arrêt, un mécanisme distinct de celui prévu à l’article 8 de ce règlement intérieur.
114 Il convient encore de préciser que l’argumentation tirée de ce que, en statuant comme il l’a fait, le Tribunal aurait méconnu l’arrêt du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579), ne saurait prospérer dès lors que cet arrêt porte sur la question, distincte, des conséquences à tirer, par une juridiction nationale saisie d’une action contre un député européen, de l’existence d’une demande de défense de privilèges et immunités présentée au Parlement par l’intéressé. Il ne saurait
en tout état de cause en être tiré de conclusion en ce qui concerne la nature de l’absence d’adoption d’une initiative d’urgence telle que celle prévue à l’article 8 du règlement intérieur.
115 Il résulte de tout ce qui précède que les troisième et quatrième moyens du pourvoi doivent être écartés et, partant, que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
116 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
117 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce dernier, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
118 Le Parlement ayant conclu à la condamnation des requérants aux dépens et ceux-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de condamner ces derniers à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire C‑600/22 P-R.
119 Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Cour peut décider que, lorsqu’elle n’a pas elle-même formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance qui a participé à la phase écrite ou orale de la procédure de pourvoi supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que le Royaume d’Espagne, partie intervenante en première instance qui a participé à la phase écrite de la procédure dans le cadre du pourvoi, supportera ses propres dépens,
y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire C‑600/22 P-R.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) MM. Carles Puigdemont i Casamajó et Antoni Comín i Oliveres supportent, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.
3) Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.