ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
26 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par la République fédérale d’Allemagne en faveur de grands consommateurs d’électricité – Exonération des redevances de réseau pour la période 2012-2013 – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Notion d’“aide d’État” – Ressources d’État – Taxe parafiscale ou autres prélèvements obligatoires »
Dans les affaires jointes C‑792/21 P et C‑793/21 P,
ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 16 décembre 2021,
AZ, représentée par Mes D. Fouquet, T. Hartmann, M. Kachel, M. J. Panknin et R. Wilde, Rechtsanwälte,
partie requérante dans l’affaire C‑792/21 P,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée initialement par Mme K. Herrmann, MM. C. Kovács et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents, assistés de Mes C. von Donat et G. Quardt, Rechtsanwälte, puis par Mme K. Herrmann, MM. C. Kovács et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
et
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
partie requérante dans l’affaire C‑793/21 P,
les autres parties à la procédure étant :
AZ, représentée par Mes D. Fouquet, T. Hartmann, M. Kachel, M. J. Panknin et R. Wilde, Rechtsanwälte,
partie demanderesse en première instance,
Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. C. Kovács et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2023,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 9 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P, AZ demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, AZ/Commission (T‑196/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:646), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2019/56 de la Commission, du 28 mai 2018, relative à l’aide d’État SA.34045 (2013/C) (ex 2012/NN) accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV (JO
2019, L 14, p. 1, ci‑après la « décision litigieuse »).
2 Par son pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’arrêt attaqué.
3 Par ses pourvois incidents, formés dans chacune des affaires C‑792/21 P et C‑793/21 P, la Commission européenne demande également l’annulation de l’arrêt attaqué.
Le cadre juridique
4 Le considérant 39 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), énonce :
« Il importe, aux fins de la transparence et de la sécurité juridique, d’assurer la publicité des décisions de la Commission, tout en maintenant le principe selon lequel les décisions en matière d’aides d’État sont adressées à l’État membre concerné. Il convient, par conséquent, de publier toutes les décisions qui sont de nature à affecter les intérêts des parties intéressées, soit intégralement, soit sous forme résumée, ou de tenir à leur disposition des copies de ces décisions lorsque celles-ci
n’ont pas été publiées ou n’ont pas été publiées intégralement. »
5 L’article 1er, sous h), de ce règlement dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
h) “partie intéressée” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »
6 L’article 32 dudit règlement, intitulé « Publication des décisions », prévoit, à son paragraphe 3 :
« La Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne les décisions qu’elle prend en application de l’article 8, paragraphes 1 et 2 et de l’article 9. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
7 Les antécédents du litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.
Sur les mesures législatives et réglementaires en cause
Sur le système de redevances de réseau avant l’introduction des mesures litigieuses
8 L’article 21 de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi relative à la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie), tel que modifié par le Gesetz zur Neuregelung energiewirtschaftsrechtlicher Vorschriften (loi portant nouvelle réglementation des dispositions relatives à l’approvisionnement en énergie), du 26 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1554), et avant les modifications apportées par le Gesetz zur Weiterentwicklung des Strommarktes (loi relative à l’évolution du marché de l’électricité), du 26 juillet
2016 (BGBl. 2016 I, p. 1786) (ci‑après l’« EnWG 2011 »), prévoyait notamment que les redevances de réseau devaient être raisonnables, non discriminatoires, transparentes et calculées sur la base des coûts d’une exploitation efficace du réseau.
9 L’article 24 de l’EnWG 2011 habilitait le gouvernement fédéral allemand à établir, par voie réglementaire, des dispositions détaillées en ce qui concerne, d’une part, la définition de la méthode générale de détermination des redevances de réseau et, d’autre part, la réglementation des cas particuliers d’utilisation du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles l’autorité de régulation pouvait autoriser ou interdire des redevances de réseau individuelles.
10 L’article 17 de la Stromnetzentgeltverordnung (règlement fédéral relatif aux redevances de réseau), du 25 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2225, ci-après le « règlement StromNEV 2005 »), définit la méthode de calcul à utiliser par les gestionnaires de réseau pour déterminer les redevances générales. Il s’agit d’une méthode en deux temps consistant, tout d’abord, à déterminer les différents éléments de coûts annuels de l’ensemble des réseaux et, ensuite, à calculer les redevances générales sur la
base du total annuel des coûts de réseau.
11 La détermination des redevances générales tient compte des deux éléments suivants, à savoir la « fonction de simultanéité », qui reflète la probabilité que la consommation individuelle d’un utilisateur contribue à la charge de pointe annuelle du niveau de réseau concerné, et le seuil maximum de recettes par gestionnaire, fixé par la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux, Allemagne) (ci-après la « BNetzA »), sur la base d’une analyse comparative avec d’autres gestionnaires de réseau,
visant à éviter que les coûts découlant de l’inefficacité soient compensés par les redevances de réseau.
12 L’article 19 du règlement StromNEV 2005 prévoit des redevances individuelles pour des catégories d’utilisateurs dont les profils de consommation et de charge sont très différents de ceux des autres utilisateurs (ci-après les « utilisateurs atypiques »). Ces redevances tiennent compte, conformément au principe selon lequel les droits de réseau reflètent les coûts du réseau, de la contribution de ces utilisateurs atypiques à la réduction ou à la prévention d’une hausse de ces coûts.
13 À cet égard, l’article 19, paragraphe 2, du règlement StromNEV 2005 instaure des redevances individuelles pour les deux catégories d’utilisateurs atypiques suivantes :
– les utilisateurs dont la contribution à la charge de pointe est susceptible de différer sensiblement de la charge de pointe annuelle simultanée de tous les autres utilisateurs raccordés au même niveau de réseau, c’est-à-dire les utilisateurs qui consomment systématiquement de l’électricité en dehors des heures de pointe (ci‑après les « consommateurs anticycliques »), et
– les utilisateurs dont la consommation annuelle d’électricité représente au moins 7000 heures d’utilisation et plus de 10 gigawatts/heure (ci-après les « consommateurs de charge en continu »).
14 Jusqu’à sa modification par l’EnWG 2011, le règlement StromNEV 2005 prévoyait que les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu étaient assujettis à des redevances individuelles, lesquelles étaient calculées selon la « méthode du chemin physique », élaborée par la BNetzA. Cette méthode tenait compte des coûts de réseau engendrés par ces consommateurs, avec une redevance minimale équivalant à 20 % des redevances générales annoncées (ci‑après la « redevance minimale »).
Cette dernière garantissait une rétribution pour l’exploitation du réseau auquel lesdits consommateurs étaient raccordés dans l’hypothèse où les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique auraient été plus basses que cette redevance minimale ou même proches de zéro.
Sur les mesures litigieuses
15 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, deuxième et troisième phrases, du règlement StromNEV 2005, tel que modifié par l’EnWG 2011 (ci-après le « règlement StromNEV 2011 »), à partir du 1er janvier 2011, date d’application rétroactive de cette disposition, les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu ont été supprimées et remplacées par une exonération complète des redevances de réseau (ci-après l’« exonération litigieuse »), accordée par une autorisation de
l’autorité de régulation compétente, à savoir la BNetzA ou l’autorité de régulation du Land concerné. Le coût de cette exonération pesait sur les gestionnaires de réseau de transport ou de distribution selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés.
16 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, sixième et septième phrases, du règlement StromNEV 2011, les gestionnaires de réseau de transport étaient tenus de rembourser aux gestionnaires de réseau de distribution la moins-value résultant de l’exonération litigieuse et devaient compenser, entre eux, les coûts entraînés par cette exonération, au moyen d’une compensation financière conformément à l’article 9 du Kraft-Wärme-Kopplungsgesetz (loi sur la promotion de la cogénération de chaleur et
d’électricité), du 19 mars 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1092), de sorte que chacun assumait la même charge financière calculée selon la quantité d’électricité qu’il fournissait aux consommateurs finals raccordés à son réseau.
17 À partir de l’année 2012, la décision de la BNetzA du 14 décembre 2011 (BK8-11-024) (ci-après la « décision BNetzA de 2011 ») a mis en place un mécanisme de financement. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe (ci‑après la « surtaxe litigieuse ») dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport pour compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération
litigieuse.
18 Le montant de la surtaxe litigieuse était déterminé chaque année, à l’avance, par les gestionnaires de réseau de transport, sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du mécanisme, a été fixé directement par la BNetzA.
19 Ces dispositions ne s’appliquaient pas aux coûts de l’exonération litigieuse pour l’année 2011 et, partant, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution a dû supporter les pertes relatives à cette exonération pour cette année.
Sur le système de redevance de réseau postérieur aux mesures litigieuses
20 Pendant la procédure administrative qui a conduit à la décision litigieuse, l’exonération litigieuse a tout d’abord été déclarée nulle et non avenue par des décisions juridictionnelles de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 8 mai 2013 et du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 6 octobre 2015. Cette exonération a ensuite été abrogée, à partir du 1er janvier 2014, par le règlement StromNEV 2005, tel que modifié par la
Verordnung zur Änderung von Verordnungen auf dem Gebiet des Energiewirtschaftsrechts (règlement portant modification des règlements en matière d’énergie), du 14 août 2013 (BGBl. 2013 I, p. 3250) (ci-après le « règlement StromNEV 2013 »). Le règlement StromNEV 2013 a réintroduit, pour l’avenir, les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique, avec l’application, au lieu de la redevance minimale, de redevances forfaitaires de 10, de 15 et de 20 % des redevances générales,
en fonction de la consommation d’électricité (respectivement 7000, 7500 et 8000 heures d’utilisation annuelle du réseau).
21 Le règlement StromNEV 2013 a introduit un régime transitoire, en vigueur à partir du 22 août 2013 et applicable, de manière rétroactive, aux consommateurs de charge en continu qui n’avaient pas encore bénéficié de l’exonération litigieuse pour les années 2012 et 2013 (ci‑après le « régime transitoire »). Au lieu des redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique et de la redevance minimale, ce régime prévoyait exclusivement l’application à ces consommateurs de ces
redevances forfaitaires.
Sur la procédure administrative et la décision litigieuse
22 À la suite de plusieurs plaintes, la Commission a publié, le 4 mai 2013, sa décision d’ouvrir la procédure au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides reposant sur les mesures litigieuses (JO 2013, C 128, p. 43).
23 Au terme d’une procédure au cours de laquelle la République fédérale d’Allemagne et d’autres parties intéressées ont présenté leurs observations, la Commission a adopté, le 28 mai 2018, la décision litigieuse.
24 Par cette décision, la Commission a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse.
25 Plus particulièrement, la Commission a conclu que le montant des aides d’État correspondait aux coûts de réseau engendrés en 2012 et en 2013 par les consommateurs de charge en continu exonérés ou, si ces coûts étaient inférieurs à la redevance minimale, à cette dernière.
26 En outre, la Commission a relevé que les aides en question étaient incompatibles avec le marché intérieur, dès lors qu’elles ne relevaient d’aucune des exceptions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, et qu’elles ne pouvaient pas non plus être considérées comme étant compatibles pour d’autres motifs.
27 Par conséquent, la Commission a décidé ce qui suit :
– l’exonération litigieuse constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où les consommateurs de charge en continu avaient été exonérés des redevances de réseau, correspondant aux coûts de réseau qu’ils engendraient, ou de la redevance minimale, si ces coûts étaient inférieurs à cette redevance ;
– l’aide en question avait été exécutée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et n’était pas compatible avec le marché intérieur ;
– l’aide individuelle, octroyée au titre du régime en question, n’était pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions définies par un règlement concernant les aides « de minimis », adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), et
– la République fédérale d’Allemagne, d’une part, était obligée de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles avec le marché intérieur, octroyées au titre du régime d’aides en question, y compris les intérêts, et, d’autre part, était tenue d’annuler tous les paiements non encore effectués au titre de ce régime dès la date d’adoption de la décision litigieuse.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2019, AZ a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
29 Par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 20 septembre 2019, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de AZ, conformément à la demande de cet État membre.
30 À l’appui de son recours, AZ a soulevé trois moyens, tirés, le premier, de l’absence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, de la violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.
31 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré le recours recevable, puis a rejeté ces moyens et, par conséquent, le recours en annulation dans son ensemble.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
32 Par son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P, AZ demande, en substance, à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et d’annuler la décision litigieuse pour les années 2012 et 2013 dans son intégralité ou, subsidiairement, en tant que cette décision la concerne ;
– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et, partiellement, la décision litigieuse et, pour le surplus, de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur le surplus de ses conclusions à fin d’annulation de la décision litigieuse ;
– à titre plus subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire au Tribunal ; et
– de condamner la Commission aux dépens.
33 La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P et de condamner la Commission aux dépens.
34 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P et de condamner AZ aux dépens.
35 Par son pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté le recours en annulation comme étant non fondé ;
– d’annuler la décision litigieuse, et
– de condamner la Commission aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.
36 AZ demande à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P et de condamner la Commission aux dépens.
37 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P et de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.
38 Par ses pourvois incidents dans les affaires C‑792/21 P et C‑793/21 P, la Commission demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de déclarer irrecevable le recours en annulation, et
– de condamner AZ aux dépens exposés devant la Cour et devant le Tribunal.
39 AZ et la République fédérale d’Allemagne concluent au rejet des pourvois incidents et à la condamnation de la Commission aux dépens.
40 Par décision du président de la Cour du 18 avril 2023, les affaires C‑792/21 P et C‑793/21 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.
Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure dans l’affaire C‑792/21 P
41 Par acte déposé au greffe le 1er février 2024, AZ a demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.
42 À l’appui de cette demande, AZ allègue, en premier lieu, que, dans ses conclusions, Mme l’avocate générale a omis de tenir dûment compte d’un argument décisif avancé par cette partie pour démontrer l’absence de charge obligatoire en l’espèce.
43 En second lieu, AZ est d’avis que le point 61 de l’arrêt du Tribunal du 24 janvier 2024, Allemagne/Commission (T‑409/21, EU:T:2024:34), par lequel ce dernier aurait jugé que « les gestionnaires de réseau ne sont pas obligés, en vertu de la loi, de réclamer le prélèvement [en cause dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt] à leurs clients, de sorte que ce prélèvement ne peut être qualifié de prélèvement obligatoire », constitue un fait nouveau et décisif aux fins de la présente instance.
44 À cet égard, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, l’avocat général entendu, ordonner à tout moment la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas encore été
débattu entre les parties.
45 En premier lieu, s’agissant de la prétendue omission, par Mme l’avocate générale, de tenir compte d’un argument décisif, il importe de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en
toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet
2023, Grupa Azoty e.a./Commission, C‑73/22 P et C‑77/22 P, EU:C:2023:570, point 25 ainsi que jurisprudence citée, et du 8 février 2024, Pilatus Bank/BCE, C‑256/22 P, EU:C:2024:125, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).
46 En second lieu, s’agissant de l’invocation de l’arrêt du Tribunal du 24 janvier 2024, Allemagne/Commission (T‑409/21, EU:T:2024:34), il y a lieu de constater qu’un arrêt rendu par le Tribunal ne saurait lier la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2019, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, C‑342/18 P, EU:C:2019:1043, point 60).
47 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocate générale entendue, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur les pourvois incidents
48 Les pourvois incidents introduits par la Commission visent à contester la recevabilité du recours de première instance, ce qui constitue une question préalable à celles relatives au fond soulevées dans les pourvois principaux. Il y a donc lieu d’examiner les pourvois incidents en premier (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C‑461/18 P, EU:C:2020:979, point 43).
49 À l’appui de ses pourvois incidents, la Commission soulève deux moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
50 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, en retenant une interprétation large de la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Ainsi, le Tribunal aurait erronément considéré que toute publication au Journal officiel répond à cette notion, indépendamment du point de savoir si une telle publication conditionne l’entrée en vigueur de
l’acte en cause conformément à l’article 297 TFUE et si elle est prévue par le traité lui-même.
51 En premier lieu, l’interprétation du Tribunal serait contraire à la jurisprudence de la Cour telle qu’elle se dégagerait de l’arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission (C‑339/16 P, EU:C:2017:384, points 34 à 40), ainsi que des ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a. (C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 22), et du 5 septembre 2019, Fryč/Commission (C‑230/19 P, EU:C:2019:685, point 15). Par cette jurisprudence, la Cour aurait établi un parallélisme entre l’article 263, sixième
alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE, en ce sens que la publication de l’acte en cause ne constitue le point de départ du délai de recours que si elle conditionne l’entrée en vigueur de cet acte et si elle est prévue par le traité lui-même.
52 Cette approche serait confirmée par une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
53 S’agissant, d’une part, du libellé de cette disposition, la Commission fait valoir que, dans toutes les versions linguistiques, à l’exception de la version en langue allemande, les termes « publication » et « notification » figurent tant à l’article 263, sixième alinéa, TFUE qu’à l’article 297 TFUE, ce qui démontre l’existence d’un parallélisme entre ces deux dispositions.
54 S’agissant, d’autre part, de l’esprit et de la finalité de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les délais de recours fixés à cette disposition participeraient de l’objectif de sécurité juridique. Si un justiciable souhaitait attaquer un acte, il devrait en principe le faire dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la version définitive de son contenu a été portée à sa connaissance. En revanche, pour les actes de portée générale qui n’ont pas de destinataires, cette date serait
celle de la publication au Journal officiel. Pour les actes désignant un destinataire, ladite date serait celle de la notification à ce destinataire. Ce ne serait qu’à titre exceptionnel et subsidiaire que, s’agissant d’un acte ne devant être ni publié ni notifié, la prise de connaissance pourrait constituer un événement déclenchant le délai de recours. Ainsi, le parallélisme entre l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE garantirait qu’une publication ultérieure d’un acte au
Journal officiel à des fins d’information n’entraîne pas une prolongation des délais de recours et, partant, une insécurité juridique.
55 En deuxième lieu, la publication au Journal officiel d’une décision de la Commission de clore une procédure formelle d’examen ne saurait être assimilée à une « publication », au sens de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. Elle ne constituerait donc pas le point de départ du délai de recours.
56 D’une part, une telle décision serait adressée à l’État membre concerné et ne serait notifiée qu’à celui-ci. Conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, elle entrerait en vigueur par cette notification et non pas par sa publication au Journal officiel, laquelle ne viserait qu’à informer le public, y compris les bénéficiaires de l’aide auprès desquels l’État membre concerné devrait récupérer cette aide avant même la publication de la décision. D’autre part, ladite
publication dériverait non pas du traité FUE, mais de l’article 32 du règlement 2015/1589, lu à la lumière de son considérant 39. Dans ces conditions, pour déterminer le point de départ du délai de recours dont dispose une entreprise bénéficiaire pour attaquer une décision de clore la procédure formelle d’examen, il y aurait lieu de se fonder sur la prise de connaissance effective de cette décision. En l’absence de prise de connaissance préalable démontrable, la date de la publication de l’acte
au Journal officiel ferait office de prise de connaissance effective sur la base d’une fiction juridique.
57 En troisième lieu, la Commission invoque une série d’arguments qui, selon elle, confortent son interprétation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
58 Premièrement, elle se fonde sur l’économie de cette disposition pour soutenir que la publication et la notification d’un acte sont placées sur un pied d’égalité et que la prise de connaissance constitue un événement subsidiaire par rapport aux deux premières. Ce rapport de subsidiarité serait rompu par l’interprétation effectuée par le Tribunal, dès lors que, si la publication au titre de l’article 32 du règlement 2015/1589 équivalait à une publication au titre de l’article 297, paragraphe 1,
TFUE, le délai de recours devrait commencer à courir, y compris à l’égard de l’État membre concerné et malgré la notification, à la date de cette publication.
59 Deuxièmement, la Commission est d’avis que l’interprétation retenue par le Tribunal conduit à une inégalité des armes entre les entreprises auprès desquelles une aide est récupérée et leurs concurrentes qui n’ont pas reçu d’aide. Tandis que les premières recevraient en pratique une copie de la décision par l’État membre concerné, les secondes devraient attendre la publication de la décision au Journal officiel, conformément à l’article 32 du règlement 2015/1589, de sorte que les délais de recours
effectifs pour ces entreprises seraient différents. Cette interprétation conduirait également à une inégalité entre la Commission et les entreprises auprès desquelles l’aide doit être récupérée. En effet, pour répondre au recours d’une entreprise bénéficiaire, la Commission disposerait d’un délai de deux mois tandis que, du fait de ladite interprétation, ces entreprises bénéficieraient d’un délai plus long pour préparer leur recours.
60 Troisièmement, le Tribunal s’appuierait sur une lecture erronée de l’arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil (C‑122/95, EU:C:1998:94). En effet, à la différence de la décision litigieuse, la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’aurait désigné aucun destinataire.
61 Quatrièmement, le point 38 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a relevé que AZ pouvait subjectivement escompter la publication de la décision litigieuse au Journal officiel, méconnaîtrait le caractère d’ordre public des délais de recours.
62 La République fédérale d’Allemagne rétorque que le premier moyen n’est pas fondé. AZ conclut au rejet de ce moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.
Appréciation de la Cour
– Sur la recevabilité du premier moyen
63 Il ressort d’une jurisprudence constante que, si, certes, la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, ne saurait être saisie d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59), il n’en demeure pas moins qu’un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant elle, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit,
le bien-fondé (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 54).
64 Par le premier moyen de ses pourvois incidents, la Commission conteste l’appréciation, par le Tribunal, de l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée devant ce dernier et qui était tirée de la tardiveté du recours formé par AZ. L’invocation, dans ce cadre, de précédents jurisprudentiels qu’elle n’a pas évoqués devant le Tribunal constitue ainsi une simple ampliation de son argumentation et doit, partant, être déclarée recevable (voir, par analogie, arrêts du 19 mai 1983, Verros/Parlement,
306/81, EU:C:1983:143, point 9 ; du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 40, et du 5 mars 2024, Kočner/Europol, C‑755/21 P, EU:C:2024:202, point 41).
65 Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir AZ, ce moyen est recevable dans son intégralité.
– Sur le bien-fondé du premier moyen
66 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission conteste le bien-fondé des appréciations du Tribunal figurant aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué. Selon elle, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé à ces points, le délai de recours en annulation de la décision litigieuse courait, pour AZ, à compter non pas de la date de publication de cette décision au Journal officiel, mais de la date de la prise de connaissance effective de ladite décision par cette
société.
67 À cet égard, il convient de constater que, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’exception d’irrecevabilité de la Commission tirée de la prétendue tardiveté du recours en annulation de la décision litigieuse formé par AZ.
68 Il ressort d’une lecture d’ensemble des points 36 à 38 de cet arrêt que le Tribunal a estimé que le délai de recours courait, en l’espèce, à compter de la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel, qui a eu lieu le 16 janvier 2019, et que ce délai a été respecté.
69 À l’appui de cette considération, le Tribunal a rappelé, au point 37 dudit arrêt, que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ dudit délai, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Tout en soulignant que la publication n’était pas une condition de la prise d’effet de la décision litigieuse, il a relevé, au point 38 du même arrêt, que cette décision devait être publiée au Journal officiel
conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, de telle sorte que AZ pouvait légitimement escompter que ladite décision ferait l’objet d’une publication.
70 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».
71 Il ressort clairement du libellé de cette disposition, en particulier des expressions « suivant le cas » et « à défaut », que le point de départ du délai de recours est déterminé en fonction de la situation en cause et que les trois critères susceptibles de déclencher ce délai sont hiérarchisés.
72 Ainsi, le délai de recours en annulation commence à courir, à titre principal, à compter de la publication de l’acte ou de la notification de celui-ci au requérant. Ces deux critères principaux sont placés, dans l’économie de ladite disposition, sur un pied d’égalité en ce sens qu’aucun desdits critères n’est subsidiaire par rapport à l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 38).
73 En revanche, comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 37 de l’arrêt attaqué, le critère de la date de prise de connaissance de l’acte attaqué en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, EU:C:1998:94, point 35), ce qui n’est au demeurant pas contesté en l’espèce.
74 En l’occurrence, la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, désignait comme destinataire l’État membre concerné, à savoir la République fédérale d’Allemagne, et a été notifiée à celui-ci, conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. Corrélativement, cette décision a fait l’objet d’une publication au Journal officiel, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.
75 Dans une telle hypothèse, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour le destinataire de l’acte auquel il devait être notifié, à savoir l’État membre concerné, le délai de recours en annulation court à compter de la date de cette notification, et ce même si l’acte fait également l’objet d’une publication au Journal officiel (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 37).
76 En revanche, il découle d’une interprétation littérale, téléologique et contextuelle de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que le délai de recours en annulation court, pour les autres parties intéressées, telles que AZ, à compter de la publication de l’acte au Journal officiel, y compris lorsque cette publication procède non pas de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, mais d’une disposition de droit dérivé, telle que l’article 32,
paragraphe 3, du règlement 2015/1589.
77 En effet, premièrement, il y a lieu de constater que le libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE évoque la « publication » des actes en général (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C‑625/11 P, EU:C:2013:594, point 31). Ainsi, ce libellé n’assortit cette notion d’aucune condition spécifique, notamment quant au fondement juridique de l’obligation de publication.
78 Sur ce point, il est vrai que, comme la Commission l’allègue, la Cour a, notamment, jugé que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, vise une publication au Journal officiel qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte et est prévue par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 36 ; ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 22, ainsi que du
5 septembre 2019, Fryč/Commission, C‑230/19 P, EU:C:2019:685, point 15).
79 Toutefois, contrairement à la position défendue par la Commission, il ne saurait en être déduit que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, se limite à cette hypothèse.
80 En effet, les précédents cités au point 78 du présent arrêt ne sauraient être lus de manière isolée, mais s’intègrent dans une jurisprudence de la Cour qui a interprété la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, de manière large. Ainsi, relèvent de cette notion, outre l’hypothèse visée à ce point 78, une publication de l’acte attaqué au Journal officiel qui procède non d’une obligation imposée par le traité, mais d’une pratique constante des institutions de
l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, EU:C:1998:94, points 36 et 39), ou d’une disposition de droit dérivé, telle que l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens, ordonnance du 25 novembre 2008, S.A.BA.R./Commission, C‑501/07 P, EU:C:2008:652, point 23), voire une publication sur le site Internet d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union lorsque celle-ci est prévue par le droit dérivé (voir, en ce sens,
arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C‑625/11 P, EU:C:2013:594, points 30 à 32).
81 Deuxièmement, s’agissant des objectifs de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de cette disposition sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge. Ils ont été institués dans l’objectif de sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit ainsi que d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire
dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1967, Muller-Collignon/Commission, 4/67, EU:C:1967:51, p. 479 ; du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95,EU:C:1997:33, point 21 ; ordonnances du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 52, ainsi que du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 21).
82 Or, d’une part, s’agissant d’une décision telle que la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, il apparaît que, à la différence de la date de la prise de connaissance, la date de la publication d’un acte au Journal officiel peut être établie, dans l’intérêt de la sécurité juridique, de manière objective et avec certitude à l’égard de l’ensemble des parties intéressées auxquelles cette décision n’a pas été notifiée. Il est indifférent, à cet égard, que
ces dernières ont pu prendre connaissance de cet acte antérieurement à sa publication.
83 Cela explique d’ailleurs que, dans l’économie générale de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et dans l’intérêt de la sécurité juridique, la date de publication prime celle de la prise de connaissance, qui est, ainsi que cela a été rappelé au point 73 du présent arrêt, un critère subsidiaire de départ du délai de recours. La Commission ne saurait donc être suivie lorsqu’elle suggère, en réalité, d’inverser le rapport entre ces deux critères visés à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
84 D’autre part, contrairement aux allégations de la Commission, l’interprétation retenue aux points 76 et 80 du présent arrêt est également de nature à éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice et à assurer, ainsi, l’égalité des armes des bénéficiaires de l’aide d’État et des entreprises concurrentes. En effet, pour l’ensemble de ces parties intéressées, le délai de recours commence à courir à compter de la même date, à savoir celle de la publication
de la décision au Journal officiel. En outre, dans la mesure où la Commission est l’auteure d’une telle décision et est responsable de sa publication au Journal officiel, elle ne saurait valablement tirer argument d’une prétendue inégalité des armes à son détriment.
85 Troisièmement, s’agissant du contexte, la structure des traités milite également contre le parallélisme strict, suggéré par la Commission, entre les notions de « publication » employées respectivement à l’article 263, sixième alinéa, et à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il suffit de constater, à cet égard, que, si ces deux dispositions relèvent du titre I de la sixième partie du traité FUE, elles ne régissent pas le même objet. Alors que la première figure à son
chapitre 1, consacré aux institutions, et, plus spécifiquement, à sa section 5, dédiée à la Cour de justice de l’Union européenne, la seconde s’inscrit dans son chapitre 2, consacré aux actes juridiques de l’Union et à leurs procédures d’adoption.
86 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, que le délai de recours commençait à courir, pour AZ, à la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel.
87 Partant, le premier moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
88 Par le second moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au point 41 de l’arrêt attaqué.
89 En affirmant, à ce point 41, qu’« il n’a pas été démontré que, en l’espèce, [AZ] avait eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] » avant la publication de celle-ci, le Tribunal aurait dénaturé les faits et les éléments de preuve. Il serait en effet manifeste, au vu des éléments avancés par la Commission devant le Tribunal, que AZ avait eu connaissance de l’existence de la décision litigieuse avant sa publication au Journal officiel, au plus tard le 21 septembre 2018.
90 La République fédérale d’Allemagne considère que, le premier moyen des pourvois incidents n’étant pas fondé, le second moyen est dépourvu de pertinence pour l’issue de ces pourvois. AZ estime que ce second moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
91 Au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que « en tout état de cause, il n’a pas été démontré que, en l’espèce, [AZ] avait eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] ».
92 À cet égard, l’expression « en tout état de cause » indique que ce motif forme un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Or, selon une jurisprudence constante, les arguments dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 21 décembre 2023, United Parcel Service/Commission, C‑297/22 P, EU:C:2023:1027, point 55 et jurisprudence citée).
93 Partant, le second moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
94 Par conséquent, les pourvois incidents doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur les pourvois principaux
95 À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P, AZ invoque, formellement, quatre moyens. Toutefois, elle traite ensemble ceux qu’elle désigne comme étant les deux premiers moyens et n’opère, entre ceux-ci, aucune distinction. Il y a donc lieu de considérer que AZ soulève, en substance, trois moyens. Le premier moyen, qui est divisé en quatre branches, est tiré d’une violation du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen, qui peut être divisé en quatre branches,
est pris d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de non‑discrimination.
96 Au soutien de son pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par AZ, soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce moyen rejoint, en substance, les trois premières branches du deuxième moyen soulevé par AZ, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P.
Sur le premier moyen dans l’affaire C‑792/21 P
Argumentation des parties
97 Par le premier moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, AZ fait valoir que le Tribunal a violé son droit d’être entendue, l’obligation de motiver l’arrêt attaqué, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.
98 Ce moyen est divisé en quatre branches.
99 Par la première branche, AZ reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’obligation de motivation lui incombant et d’avoir violé son droit d’être entendue, en considérant de manière manifestement erronée, au point 8 de l’arrêt attaqué, que la redevance de réseau applicable aux consommateurs anticycliques était calculée selon la méthode du chemin physique. Contrairement à ce que le Tribunal aurait retenu à ce point, et comme AZ l’aurait souligné en première instance, le règlement StromNEV 2005 n’aurait
jamais prévu pour les consommateurs anticycliques un calcul de la redevance fondé sur la méthode du chemin physique. À cet égard, le Tribunal aurait, aux points 117 et 127 de l’arrêt attaqué, mal compris l’argumentation de AZ. Si le Tribunal avait correctement pris en compte cette argumentation, il ne se serait pas uniquement fondé sur la redevance de réseau individuelle prévue à l’article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement StromNEV 2005 pour déterminer le cadre juridique pertinent.
100 Par la deuxième branche, AZ reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 12, 68 et 101 de l’arrêt attaqué, son argumentation liée à la détermination du montant de la surtaxe litigieuse. En partant erronément du principe que ce montant a été calculé et fixé pour l’année 2012 par la décision BNetzA de 2011, le Tribunal aurait à tort conclu, au point 100 de cet arrêt, à l’existence d’un contrôle étatique sur cette surtaxe. Or, selon AZ, ce sont les gestionnaires de réseau qui
disposent d’une marge de manœuvre pour le calcul et la fixation de ladite surtaxe, laquelle n’est soumise à aucun contrôle ni à aucune norme étatique.
101 Par la troisième branche, AZ reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, son argumentation relative à l’absence de remboursement de toutes les pertes de recettes et de tous les coûts liés à l’exonération litigieuse. Ce faisant, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation ainsi que le droit de AZ d’être entendue. Si le Tribunal avait pris en compte cette argumentation, il aurait dû conclure que la surtaxe litigieuse ne constituait pas une
taxe.
102 Par la quatrième branche, AZ fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, au point 76 de l’arrêt attaqué, son argumentation relative à la nullité de la décision BNetzA de 2011. En jugeant que cette décision a effectivement été appliquée et qu’elle a pu produire ses effets aussi longtemps qu’elle n’a pas été abrogée ou que son illégalité n’a pas été constatée, le Tribunal se serait fondé sur une lecture erronée du droit national. En effet, selon AZ, ladite décision ayant été annulée
avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, elle était nulle dès le départ.
103 La Commission conclut au rejet du premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en tout état de cause, non fondé dans son intégralité.
Appréciation de la Cour
104 Par son premier moyen, AZ reproche, en substance, au Tribunal d’avoir méconnu son droit d’être entendue ainsi que l’obligation de motiver l’arrêt attaqué, en omettant de tenir dûment compte de plusieurs arguments qu’elle avait présentés. Ces omissions auraient par ailleurs conduit à des appréciations erronées du droit allemand et de la surtaxe litigieuse.
105 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 53, premier alinéa, de celui-ci, lui impose de faire connaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt
du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 135 et 136 ainsi que jurisprudence citée).
106 Toutefois, cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P,
EU:C:2016:912, point 80 ainsi que jurisprudence citée).
107 En l’occurrence, s’agissant de la première branche du présent moyen, d’une part, il y a lieu de constater que le point 8 de l’arrêt attaqué se situe non pas dans les motifs par lesquels le Tribunal a statué sur les moyens et les arguments des parties, mais dans l’exposé des antécédents factuels du litige. D’autre part, s’agissant des points 117 et 127 de cet arrêt, il y a lieu de relever que ceux-ci contiennent un résumé de certains arguments avancés par AZ devant le Tribunal, que celui-ci a
examinés, et rejetés de manière motivée, aux points 128 à 132 dudit arrêt à la lumière de la jurisprudence qu’il a rappelée aux points 122 à 125 du même arrêt. L’allégation d’une violation de l’obligation de motivation qui entacherait le point 8 de l’arrêt attaqué est donc, en partie, inopérante et, en partie, non fondée.
108 S’agissant des deuxième à quatrième branches du présent moyen, il convient de relever que, aux points 53 à 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté de manière motivée la première branche du premier moyen soulevé par AZ en première instance, laquelle était tirée de l’absence d’aide octroyée au moyen de ressources d’État. Dans ce contexte, il a explicitement statué sur plusieurs arguments de AZ et a, notamment, écarté, aux points 76 et 90 de cet arrêt, son argument pris de la
nullité de la décision BNetzA de 2011, aux points 95 et 96 dudit arrêt, son argument pris de l’absence de compensation intégrale des pertes et, au point 101 du même arrêt, son argument relatif à la détermination du montant de la surtaxe litigieuse.
109 Il s’ensuit que, contrairement à ce que AZ allègue, le Tribunal n’a pas méconnu l’obligation de motivation qui lui incombe en omettant de tenir dûment compte de ces arguments. L’allégation, par AZ, d’une violation de son droit d’être entendue étant fondée sur la prémisse que le Tribunal a omis de tenir compte de ses arguments, elle doit également être écartée.
110 Au demeurant, dans la mesure où AZ paraît, sous couvert d’une prétendue violation de l’obligation de motivation, soutenir que le Tribunal aurait dû accueillir lesdits arguments, il convient de constater qu’il s’agit là d’une question distincte de celle de la violation de l’obligation de motivation et qui a trait au bien‑fondé de la motivation (voir, par analogie, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 79).
111 En deuxième lieu, s’agissant des arguments relatifs aux erreurs que le Tribunal aurait commises dans l’analyse du droit allemand, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve.
L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 46 et jurisprudence citée).
112 Partant, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, qui, dans le domaine des aides d’État, constituent des appréciations de faits, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79, et du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a., C‑457/21 P, EU:C:2023:985, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Une
dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 80).
113 En outre, lorsqu’il allègue une dénaturation des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à
cette dénaturation (arrêts du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 99, ainsi que du 28 avril 2022, Yieh United Steel/Commission, C‑79/20 P, EU:C:2022:305, point 53).
114 En l’occurrence, premièrement, il est vrai que la présentation du droit allemand faite par le Tribunal au point 8 de l’arrêt attaqué est entachée d’une imprécision. À la différence de ce que ce point peut laisser entendre, seules les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu, et non celles applicables aux consommateurs anticycliques, étaient calculées selon la méthode du chemin physique avant la mise en place de l’exonération litigieuse. Toutefois, AZ n’est pas
parvenue à démontrer, dans le cadre du présent moyen, que cette imprécision, au stade de l’exposé des antécédents du litige, s’est répercutée sur l’appréciation, par le Tribunal, du bien-fondé du recours en première instance.
115 Deuxièmement, pour le surplus, il y a lieu de constater que AZ n’a pas démontré de dénaturation du droit national, des éléments de fait et de son argumentation avancée devant le Tribunal. Elle s’est, en effet, contentée, pour l’essentiel, de simples affirmations visant à contester de manière générale certaines appréciations de ce dernier.
116 En troisième lieu, l’argument relatif à l’absence d’effets de la décision BNetzA de 2011 rejoignant une argumentation présentée par AZ dans le cadre de la deuxième branche de son deuxième moyen, il sera examiné dans ce cadre.
117 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et sous la réserve exprimée au point précédent, il y a lieu d’écarter le premier moyen soulevé dans l’affaire C‑792/21 P comme étant, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.
Sur les trois premières branches du deuxième moyen dans l’affaire C‑792/21 P et le moyen unique dans l’affaire C‑793/21 P
118 AZ et la République fédérale d’Allemagne reprochent au Tribunal d’avoir méconnu l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a considéré, à tort, que l’exonération litigieuse constitue une aide accordée au moyen de « ressources d’État », au sens de cette disposition.
119 Leur argumentation porte, en substance, sur trois questions ayant trait, la première, au critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État », la deuxième, à l’existence d’une taxe obligatoire et, la troisième, au contrôle étatique.
Sur le critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État »
– Argumentation des parties
120 AZ, par la première branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la première branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour apprécier la nature étatique des ressources en cause.
121 En premier lieu, dans le cadre de leurs écritures déposées devant la Cour, AZ et la République fédérale d’Allemagne ont contesté, respectivement, le point 77 ainsi que les points 64 à 66 et 77 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a erronément considéré que, afin de déterminer la nature étatique ou non des ressources, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals et le contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires de ces fonds sont deux
éléments qui « font partie d’une alternative », de sorte qu’il lui suffisait de vérifier si la surtaxe litigieuse était une charge obligatoire assimilable à une taxe parafiscale. Il s’agirait, au contraire, de critères cumulatifs, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence issue, notamment, des arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, points 66, 69, 70, 72 et 75), du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 72), du 15 mai 2019,
Achema e.a. (C‑706/17, EU:C:2019:407), ainsi que du 16 septembre 2021, FVE Holýšov I e.a./Commission (C‑850/19 P, EU:C:2021:740).
122 En outre, pour la République fédérale d’Allemagne, cette interprétation du Tribunal, fondée sur des critères alternatifs, entrerait en contradiction avec les points 99 et suivants de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal aurait examiné l’existence d’un contrôle étatique, alors même qu’il avait déjà conclu à l’existence d’une charge obligatoire.
123 En deuxième lieu, selon la République fédérale d’Allemagne, cette approche du Tribunal ne serait pas davantage confortée par les articles 30 et 110 TFUE, qui viseraient essentiellement la suppression et l’interdiction des mesures protectionnistes.
124 À cet égard, AZ allègue, pour sa part, que, aux points 83 et 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à tort, examiné l’existence d’une obligation de paiement à la charge de l’utilisateur de réseau et non du consommateur final et s’est référé, à cet égard, à la notion de « taxe », au sens des articles 30 et 110 TFUE. La surtaxe litigieuse ne remplirait pas les critères issus de la jurisprudence de la Cour, relative à cette notion. Cette surtaxe se distinguerait des prélèvements en cause dans les
affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence.
125 En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, selon laquelle il y aurait lieu de présumer que toute taxe a une origine étatique, indépendamment des objectifs poursuivis par cette disposition, est erronée en droit. Cette interprétation aboutirait à une conséquence non prévue par les traités, à savoir que toute régulation des prix du marché conduirait à une utilisation des ressources d’État et devrait ainsi être notifiée,
conformément à l’article 108 TFUE. Or, une telle régulation relèverait du champ d’application de la libre circulation des marchandises et non des règles relatives aux aides d’État.
126 En quatrième lieu, AZ allègue que, aux points 101, 104 et 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’affectation des ressources imposée par l’État démontrait en l’occurrence l’existence d’un contrôle étatique.
127 La Commission rétorque que la première branche du deuxième moyen soulevé par AZ est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée. Elle estime que la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne est, en tant que telle, inopérante.
– Appréciation de la Cour
128 AZ et la République fédérale d’Allemagne reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour déterminer si les montants résultant de la surtaxe litigieuse ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
129 Selon une jurisprudence constante, la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou « au moyen de ressources d’État », que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, que ladite intervention accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et que la même intervention fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 12 janvier
2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
130 S’agissant de la première de ces conditions, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une mesure peut être qualifiée d’intervention de l’État ou d’aide accordée « au moyen de ressources d’État » si, d’une part, la mesure est accordée directement ou indirectement au moyen de ces ressources et, d’autre part, la mesure est imputable à un État membre (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
131 S’agissant, plus particulièrement, de la condition tenant à ce que l’avantage soit accordé « au moyen de ressources d’État », la Cour a, au fil de sa jurisprudence, dégagé deux critères permettant d’établir que des fonds au moyen desquels un avantage tarifaire est accordé, en vertu de la législation nationale, constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, points 34,
38, 39 et 42).
132 Ainsi, en premier lieu, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 38).
133 En second lieu, le fait que des sommes restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État », au sens de cette disposition (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 39 ainsi que jurisprudence citée).
134 Les critères mentionnés aux points 132 et 133 du présent arrêt constituent des critères alternatifs permettant d’établir qu’une mesure est accordée « au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 42), ainsi que AZ et la République fédérale d’Allemagne l’ont reconnu à l’audience de plaidoiries en réponse à une question de la Cour au sujet de la portée de l’arrêt du
12 janvier 2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1).
135 Il s’ensuit, premièrement, que c’est sans commettre d’erreur de droit que, aux points 64 à 66 et 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le caractère étatique des ressources, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, peut être établi par deux conditions alternatives tenant, l’une, à l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals et, l’autre, au contrôle étatique sur la gestion du système et, notamment, sur les fonds ou les gestionnaires de ces
fonds. Compte tenu des réponses apportées par AZ et la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience de plaidoiries, l’ensemble des arguments visant à contester cette appréciation doivent être écartés.
136 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir estimé opportun d’examiner, aux points 99 à 112 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds perçus au titre de la surtaxe litigieuse ou sur les gestionnaires de réseau, après avoir constaté, au point 98 de cet arrêt, l’existence d’une taxe parafiscale ou d’une charge obligatoire impliquant l’utilisation de ressources d’État.
137 Il est vrai que le Tribunal aurait pu faire l’économie de cet examen relatif à l’existence d’un contrôle étatique, compte tenu de la nature alternative des deux critères qu’il a examinés. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que, notamment pour des motifs de bonne administration de la justice, le Tribunal poursuive son raisonnement par des considérations surabondantes, telles que, en l’occurrence, celles relatives à l’existence d’un contrôle étatique, de la même manière que la Cour l’a fait au
point 41 de l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1).
138 Troisièmement, dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne argue qu’il serait contraire aux objectifs de l’article 107, paragraphe 1, TFUE de présumer que toute taxe a une origine étatique, son argumentation est fondée sur une prémisse et une lecture de l’arrêt attaqué erronées.
139 En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 132 du présent arrêt, ce sont non pas les fonds alimentés par toute taxe, mais seulement ceux qui sont alimentés par une taxe obligatoire, prévue par la législation nationale, gérée et répartie conformément à cette législation, qui sont susceptibles de constituer des « ressources d’État », au sens de cette disposition. D’autre part, le Tribunal s’est précisément employé, ainsi qu’il ressort des points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, à vérifier si
la surtaxe litigieuse était imposée par l’État et intégralement répercutée, par une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de cette surtaxe.
140 Quatrièmement, pour ce qui est de l’argumentation développée par AZ et par la République fédérale d’Allemagne au sujet des articles 30 et 110 TFUE, il y a lieu de constater que, au point 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte, dans un motif surabondant introduit par la locution adverbiale « [p]ar ailleurs », de la jurisprudence afférente à ces dispositions. Il en a déduit que la qualité du débiteur de la taxe importait peu, pour autant que la taxe ait porté sur le produit en cause ou
sur une activité nécessaire en relation avec ce produit. Il a ajouté que l’élément décisif est alors constitué par le fait que les entités ayant perçu la taxe sont non pas simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres, mais mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État.
141 Ce point énonçant un motif surabondant, l’argumentation le critiquant est inopérante.
142 En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le Tribunal s’est référé à la jurisprudence relative aux articles 30 et 110 TFUE non pas pour apprécier la surtaxe litigieuse à l’aune de ces dispositions, mais pour corroborer son analyse de cette surtaxe au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir confondu les régimes juridiques distincts issus, respectivement, des deux premières de ces dispositions du traité FUE et de la troisième
de celles-ci.
143 Cinquièmement, pour ce qui est de l’argument de AZ selon lequel, en substance, il n’y aurait de taxe que si le débiteur du prélèvement est le consommateur final, il convient de constater que cet argument concerne, plus spécifiquement, l’appréciation de l’existence d’une charge obligatoire. Celle-ci faisant l’objet de la deuxième branche du deuxième moyen soulevé par AZ, cet argument sera examiné dans le cadre de cette branche.
144 Sixièmement, s’agissant des arguments de AZ visant à contester les points 101, 104 et 110 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que ces points, de même que ces arguments ont trait à l’appréciation, par le Tribunal, de l’existence d’un contrôle étatique. Celle-ci faisant l’objet de la troisième branche du deuxième moyen soulevé par AZ, il y a lieu de renvoyer à l’analyse, ci-après, de cette dernière branche.
145 Il découle des motifs qui précèdent que, sous les réserves exprimées aux points 143 et 144 du présent arrêt, la première branche du deuxième moyen soulevé par AZ et la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doivent être écartées comme étant, en partie, inopérantes, et, en partie, non fondées.
Sur l’existence d’une taxe obligatoire
– Argumentation des parties
146 AZ, par la deuxième branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la deuxième branche de son moyen unique, font valoir, en substance, que, aux points 68 et 75 à 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale ou de charge obligatoire.
147 AZ soutient, premièrement, que le Tribunal a méconnu le droit national en constatant, à tort, l’existence d’une obligation de perception de la surtaxe litigieuse dans le chef des gestionnaires de réseau. À cet effet, le Tribunal se serait fondé, de manière erronée, uniquement sur la décision BNetzA de 2011. Cette décision aurait pourtant été déclarée non seulement illégale, mais nulle dès le départ, par les juridictions allemandes, de telle sorte que, contrairement à ce que le Tribunal aurait
jugé au point 76 de l’arrêt attaqué, ladite décision n’a pu produire d’effet. Ce serait à tort que, sur ce point, le Tribunal a considéré l’argument de AZ, présenté dans sa réponse aux questions du Tribunal, comme tardif. Selon AZ, il convenait d’apprécier le fonctionnement du mécanisme de la surtaxe litigieuse à l’aune du règlement StromNEV 2013, applicable avec effet rétroactif au 1er janvier 2012 à la suite de l’annulation de l’article 19, paragraphe 2, septième phrase, du règlement
StromNEV 2011. Or, ces règlements n’auraient ni prévu d’obligation, pour les gestionnaires de réseau, de percevoir la surtaxe litigieuse ni habilité la BNetzA à imposer à ces gestionnaires une telle obligation. En outre, l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 6 octobre 2015, sur lequel le Tribunal se serait fondé au point 85 de l’arrêt attaqué, ne formulerait aucune obligation de ce type.
148 Deuxièmement, AZ allègue que le droit national ne comporte aucune obligation de paiement de la surtaxe litigieuse ni dans le chef des utilisateurs du réseau, que le Tribunal aurait erronément désignés comme étant les « consommateurs finals », ni dans le chef des consommateurs finals à proprement parler. À supposer même que la décision BNetzA de 2011 ait imposé aux gestionnaires de réseau une obligation de percevoir cette surtaxe, une telle obligation ne saurait suffire, contrairement à ce que le
Tribunal aurait jugé aux points 85, 88 et 90 de l’arrêt attaqué, pour obliger symétriquement les utilisateurs du réseau au paiement de la surtaxe. Une obligation de paiement ne pouvait être prévue qu’en vertu d’un accord contractuel, négocié au cas par cas, en l’absence, pour les années 2012 et 2013, de prescription légale relative à l’adoption ou au contenu d’une obligation contractuelle de répercuter la surtaxe litigieuse sur les utilisateurs du réseau. AZ est d’avis que, en réalité, il
revenait à chaque fournisseur d’électricité, en tant qu’utilisateur du réseau, de décider de répercuter la surtaxe litigieuse sur les consommateurs finals, ce que le Tribunal aurait omis d’examiner. Quand bien même tous les fournisseurs auraient décidé de répercuter systématiquement cette surtaxe sur les consommateurs finals, une telle pratique serait insuffisante pour conclure à l’existence d’une obligation légale.
149 Troisièmement, AZ estime que, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé, aux points 91 à 96 de l’arrêt attaqué, les gestionnaires de réseau ne recevaient pas de compensation intégrale des pertes de recettes et des coûts engendrés par l’exonération litigieuse. En particulier, en cas d’insolvabilité du consommateur de charge en continu ayant bénéficié de cette exonération alors que les conditions n’étaient pas réunies, tant la décision BNetzA de 2011 que le cadre juridique applicable auraient
exclu la compensation des pertes de créances du gestionnaire de réseau à l’égard d’un tel consommateur. En outre, le Tribunal aurait déformé le contexte juridique national en écartant, au point 96 de cet arrêt, l’argument de AZ tiré du fait que les gestionnaires de réseau fermé de distribution subissaient des pertes de recettes en raison des exonérations litigieuses.
150 De manière similaire, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, d’une part, que, notamment aux points 78, 83, 84 et 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, à tort, que la relation entre le fournisseur et le consommateur final d’électricité n’était pas déterminante pour conclure à l’existence d’une charge obligatoire, au motif erroné que la surtaxe litigieuse est prélevée non pas sur la consommation d’électricité, mais sur l’utilisation du réseau. D’autre part, aux points 85 et 87
à 90 de cet arrêt, le Tribunal se serait erronément référé, et sans aucune motivation, à l’obligation de prélèvement et en aurait erronément déduit une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse prévue par la loi nationale. En l’absence d’obligation légale de paiement de cette surtaxe, la perception de celle-ci ne pourrait avoir eu lieu que sur le fondement des règles du droit civil. Le raisonnement du Tribunal pour parvenir à ce constat et à cette déduction serait en contradiction avec la
jurisprudence de la Cour.
151 La Commission rétorque que les arguments de AZ sont, selon le cas, irrecevables, inopérants ou non fondés. Elle estime que les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne reposent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et de la jurisprudence de la Cour et qu’ils sont, en tout état de cause, inopérants.
– Appréciation de la Cour
152 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 132 du présent arrêt, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
153 En l’occurrence, après avoir apprécié, aux points 78 à 97 de l’arrêt attaqué, la surtaxe litigieuse, le Tribunal a conclu, au point 98 de cet arrêt, que cette surtaxe impliquait l’utilisation de ressources d’État. À l’appui de cette conclusion, il a relevé que la décision BNetzA de 2011 imposait aux gestionnaires de réseau de distribution l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau et de transférer les recettes correspondantes aux gestionnaires de réseau de
transport. Il a également estimé que le mécanisme de cette surtaxe assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de ladite surtaxe était adapté au montant des ressources requises en raison de cette exonération. Il a encore souligné que ce montant était déterminé selon une méthodologie fixée par la décision BNetzA de 2011, étant précisé que, pour l’année 2012, cette décision a fixé le
montant initial de la même surtaxe.
154 AZ et la République fédérale d’Allemagne contestent ces appréciations par trois séries d’arguments.
155 En premier lieu, AZ reproche au Tribunal d’avoir déduit l’obligation de perception de la surtaxe litigieuse de la décision BNetzA de 2011 alors que cette décision a été déclarée nulle par les juridictions allemandes et que le cadre législatif ne permettait pas à la BNetzA d’imposer une telle obligation.
156 À cet égard, premièrement, aux points 76 et 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les arguments pris de l’absence d’effets de la décision BNetzA de 2011 ont été soulevés tardivement devant lui.
157 Ce constat n’est entaché d’aucune erreur de droit.
158 En effet, il est constant que, devant le Tribunal, AZ a soulevé ces arguments seulement au stade d’une réponse à des questions posées par le Tribunal. Lesdits arguments ne sauraient, en outre, être considérés comme étant une ampliation du premier moyen soulevé dans la requête en première instance, tiré de l’absence d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors que ce moyen ne remettait pas en cause l’existence, en tant que telle, d’effets produits par la décision
BNetzA de 2011, mais visait à critiquer les appréciations que la Commission a tirées de cette décision. Par conséquent, le Tribunal a fait une exacte application des dispositions de l’article 84, paragraphe 1, de son règlement de procédure en constatant que les mêmes arguments étaient irrecevables en raison de leur tardiveté.
159 Deuxièmement, en tout état de cause, il convient de relever que les arguments visés au point 155 du présent arrêt ne sauraient prospérer.
160 En effet, ni l’illégalité éventuelle d’un régime d’aides, au regard notamment du droit national, ni son annulation ne lui retirent son caractère d’« aide d’État », dans la mesure où, malgré une telle illégalité ou annulation, un tel régime a produit des effets en pratique (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, EU:C:2005:130, point 38, ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 69), comme
le Tribunal l’a, en substance, jugé à bon droit aux points 76 et 90 de l’arrêt attaqué. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a également relevé à bon droit au point 76 de cet arrêt, l’effectivité des règles en matière d’aides d’État serait considérablement affaiblie si l’application de celles-ci pouvait être écartée en raison du seul fait qu’une mesure d’aide, qui a, en pratique, été appliquée, a ultérieurement été déclarée nulle ab initio. Ainsi, il est dépourvu de pertinence, à cet égard, que
l’annulation éventuelle du régime d’aides est rétroactive, dès lors que, pendant une certaine période, le régime a bien été appliqué en pratique (voir, par analogie, arrêt du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C‑286/12, EU:C:2012:687, points 44 et 45).
161 Quant à l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 6 octobre 2015, évoqué au point 85 de l’arrêt attaqué, il convient de souligner que le Tribunal s’est limité à relever que cette juridiction allemande a considéré que la surtaxe litigieuse constituait une taxe au moyen de laquelle la moins-value subie par les gestionnaires de réseau devait être couverte. Il s’ensuit que, dans la mesure où AZ reproche au Tribunal d’avoir erronément déduit de cet arrêt l’existence d’une obligation
de perception de la surtaxe litigieuse, son argument est fondé sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
162 En deuxième lieu, AZ et la République fédérale d’Allemagne allèguent que le Tribunal a constaté, à tort, l’existence d’une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse à la charge des consommateurs finals, lesquels ont, en outre, été erronément définis comme incluant les utilisateurs du réseau.
163 Premièrement, s’agissant de l’identification des débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse, le Tribunal a considéré, au point 83 de l’arrêt attaqué, que cette surtaxe ne concernait que la relation entre les gestionnaires de réseau et les utilisateurs du réseau, dès lors que cette surtaxe est perçue en conséquence non pas de la consommation d’électricité, mais de l’utilisation du réseau. Il en a déduit, au point 84 de cet arrêt, que la question de savoir si les fournisseurs d’électricité étaient
à leur tour obligés de répercuter ladite surtaxe sur les consommateurs finals d’électricité était dénuée de pertinence. Selon lui, en effet, les débiteurs ultimes de la surtaxe étaient les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals.
164 À cet égard, la considération selon laquelle la surtaxe litigieuse est perçue en conséquence de l’utilisation du réseau et celle selon laquelle les utilisateurs du réseau doivent être appréhendés comme étant des consommateurs finals relèvent d’une appréciation factuelle. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 111 du présent arrêt, il n’appartient pas à la Cour de contrôler une telle appréciation, en l’absence de toute allégation de dénaturation.
165 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une obligation de paiement dans le chef des utilisateurs du réseau, il ressort des points 85 et 87 à 89 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a fait siennes les appréciations de la Commission selon lesquelles la décision BNetzA de 2011 imposait, aux gestionnaires de réseau de distribution, l’obligation de perception et de répercussion de la surtaxe litigieuse et que cette décision prévoyait de transférer mensuellement les recettes issues de cette surtaxe
aux différents gestionnaires de réseau de transport. Il en a conclu que la surtaxe litigieuse, introduite par une autorité administrative au moyen d’une mesure réglementaire, avait un caractère obligatoire à l’égard des utilisateurs du réseau.
166 Selon la jurisprudence de la Cour précisant le critère rappelé aux points 132 et 152 du présent arrêt, des montants résultant du supplément de prix imposé par l’État aux acheteurs d’électricité s’apparentent à une taxe qui frappe l’électricité et ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Pour être considérés comme telles, les fonds doivent provenir de contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre concerné et être gérés et
répartis conformément à cette législation, indépendamment du point de savoir si le mécanisme de financement relève, au sens strict, de la catégorie des prélèvements de nature fiscale dans le droit national. En revanche, il ne suffit pas que les gestionnaires de réseau répercutent sur le prix de vente de l’électricité à leurs clients finals les surcoûts provoqués par leur obligation d’acheter l’électricité produite à partir de certaines sources d’énergie aux tarifs fixés par la loi, si cette
compensation résulte non pas d’une obligation légale, mais seulement d’une pratique. En effet, dans un tel cas, le prélèvement ne pourrait pas être considéré comme étant obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, points 34 à 37 ainsi que jurisprudence citée).
167 En l’occurrence, il ressort des constatations factuelles effectuées par le Tribunal, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler, que la décision BNetzA de 2011 obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau. Il est également constant, au vu des constatations factuelles du Tribunal aux points 12, 68 et 94 de l’arrêt attaqué, qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler, que cette décision prévoyait la méthode selon
laquelle le montant de la surtaxe litigieuse devait être déterminé, chaque année, par les gestionnaires de réseau de transport.
168 Or, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 166 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que des montants résultant d’un prélèvement obligatoire qui, tel que la surtaxe litigieuse, est imposé par une mesure réglementaire, identifiant les entités, fussent-elles privées, chargées de la perception de ce prélèvement auprès des débiteurs également identifiés par cette mesure et définissant la méthode permettant de déterminer le montant dudit prélèvement et son adaptation annuelle, ont
pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En particulier, dès lors que le même prélèvement trouve sa source dans une mesure réglementaire, qui fait obligation aux gestionnaires de réseau de le percevoir, il ne saurait être affirmé que celui-ci procède d’une simple pratique.
169 Il est indifférent, à cet égard, que la mesure réglementaire prévoie seulement une obligation de perception de la surtaxe litigieuse à la charge des gestionnaires de réseau sans identifier explicitement une obligation de paiement de cette surtaxe à la charge des utilisateurs du réseau. L’effet utile de l’obligation légale de perception de ladite surtaxe implique, en effet, nécessairement une obligation symétrique de paiement de cette taxe par ses débiteurs.
170 En troisième lieu, s’agissant de la compensation des coûts engendrés par l’exonération litigieuse, premièrement, le Tribunal, en se référant à la décision BNetzA de 2011, a fait sienne, aux points 91, 92 et 95 de l’arrêt attaqué, la constatation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse selon laquelle le mécanisme de la surtaxe litigieuse assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse,
puisque le montant de cette surtaxe était adapté à celui des ressources requises en raison de cette exonération.
171 Or, l’appréciation selon laquelle la méthode de détermination du montant de la surtaxe litigieuse prévue par la décision BNetzA de 2011 devait permettre de couvrir l’intégralité des coûts liés à l’exonération litigieuse relève d’une appréciation factuelle du Tribunal qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler au stade du pourvoi en l’absence de toute allégation de dénaturation, conformément à la jurisprudence rappelée au point 111 du présent arrêt.
172 Deuxièmement, s’agissant des pertes de recettes due à une insolvabilité, qui sont supportées économiquement par les gestionnaires de réseau de distribution, le Tribunal a considéré, au point 95 de l’arrêt attaqué, qu’une telle perte ne constitue pas une perte de recettes au sens du régime en question et se justifie par le fait que les relations entre les gestionnaires de réseau et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé.
173 Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme étant des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25, ainsi que du 15 mai 2019,
Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 54).
174 Partant, et pour autant que de telles entités, à l’instar des gestionnaires de réseau, soient soumises à une obligation de perception des prélèvements en cause, la circonstance que les relations entre ces gestionnaires et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé ne fait pas obstacle à ce que les fonds alimentés par cette surtaxe soient considérés comme étant des ressources d’État. Il en va de même de la circonstance que les pertes de recettes, y compris
des impayés de surtaxe litigieuse, sont supportées, en cas d’insolvabilité, par lesdits gestionnaires.
175 À cet égard, il est vrai que, comme le fait valoir AZ, l’argumentation de cette dernière devant le Tribunal portait non pas sur des créances issues d’impayés de la surtaxe litigieuse, mais sur des créances liées à un impayé des redevances de réseau par un utilisateur ayant indûment bénéficié de l’exonération litigieuse au cours d’une année particulière et se trouvant dans l’incapacité de procéder au paiement a posteriori de la redevance de réseau due. Toutefois, ainsi que le soutient la
Commission, de telles créances relèvent, en substance, des créances commerciales résultant de relations de droit privé, à l’instar des créances issues d’impayés de la surtaxe litigieuse. L’argumentation de AZ était donc, en tout état de cause, vouée à l’échec pour les motifs exposés aux points 173 et 174 du présent arrêt, de telle sorte que cette erreur du Tribunal est inopérante.
176 Troisièmement, s’agissant des réseaux fermés de distribution, le Tribunal a considéré, au point 96 de l’arrêt attaqué, que les gestionnaires de réseau fermé de distribution ne constituaient pas des « gestionnaires de réseau », au sens de la loi sur la promotion de la cogénération de chaleur et d’électricité, et qu’ils étaient soumis à la surtaxe litigieuse, à l’instar des consommateurs finals d’électricité.
177 Or, force est de constater que AZ ne conteste, au fond, aucun de ces deux motifs et se borne à alléguer, sans établir de dénaturation des éléments de fait et de droit national par le Tribunal, que les gestionnaires de réseau fermé de distribution subissaient des pertes de recettes en lien avec l’exonération litigieuse. Une telle argumentation doit donc être écartée comme étant irrecevable au stade du pourvoi.
178 Quatrièmement, dans la mesure où AZ allègue, dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen qu’il y a lieu d’examiner à ce stade, que le Tribunal aurait omis de tenir compte de son argument relatif à l’absence de remboursement des « autres coûts » liés à l’exonération litigieuse, il suffit de relever qu’elle n’a pas soulevé un tel argument dans la requête déposée en première instance. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas en avoir dûment tenu compte.
179 À la lumière des motifs qui précèdent, la deuxième branche du deuxième moyen soulevé par AZ doit être écartée comme étant, en partie, irrecevable, en partie, inopérante et, en partie, non fondée. La deuxième branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doit être écartée comme étant non fondée.
Sur le contrôle étatique
– Argumentation des parties
180 AZ, par la troisième branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la troisième branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant qu’il existe un contrôle étatique sur les fonds issus de la surtaxe litigieuse.
181 La Commission rétorque que les arguments de AZ sont, selon le cas, irrecevables, inopérants ou non fondés. Elle estime que la troisième branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne est non fondée et, en tout hypothèse, inopérante.
– Appréciation de la Cour
182 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 131 à 134 du présent arrêt, l’existence d’une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation et l’existence d’un contrôle étatique sur les sommes en cause constituent deux critères alternatifs permettant d’identifier des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
183 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 98 de l’arrêt attaqué, que la surtaxe litigieuse constituait une taxe parafiscale ou une charge obligatoire impliquant l’usage de « ressources d’État », au sens de cette jurisprudence. Ainsi qu’il ressort des points 152 à 179 du présent arrêt, AZ et la République fédérale d’Allemagne ne sont pas parvenues à démontrer que cette constatation du Tribunal est entachée d’une erreur de droit.
184 Or, ladite constatation est, à elle seule, suffisante pour considérer que la mesure en cause était octroyée au moyen de « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sans qu’il soit besoin d’examiner si les sommes en cause étaient sous contrôle étatique.
185 Partant, la troisième branche du deuxième moyen soulevé par AZ et la troisième branche du moyen unique de la République fédérale d’Allemagne sont inopérantes.
186 Il découle de l’ensemble des motifs qui précèdent, et à la lumière des réserves exprimées au point 145 du présent arrêt, que les trois premières branches du deuxième moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P ainsi que le moyen unique soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑793/21 P doivent être écartés dans leur intégralité.
Sur la quatrième branche du deuxième moyen dans l’affaire C‑792/21 P
Argumentation des parties
187 AZ soutient que, aux points 8 et 128 à 131 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans la détermination du cadre de référence choisi par la Commission aux fins de l’analyse du caractère sélectif de la mesure litigieuse.
188 Premièrement, le Tribunal aurait estimé à tort que la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur la redevance spéciale de réseau prévue à l’article 19, paragraphe 2, du règlement StromNEV 2011. Il aurait dû considérer que la Commission devait examiner l’ensemble des redevances spéciales de réseau, y compris celles visées à l’article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement StromNEV 2011, ce qu’elle n’aurait pourtant pas fait.
189 Deuxièmement, le Tribunal aurait effectué une lecture erronée du droit national en concluant à tort au caractère comparable des redevances de réseau lors de la définition du cadre de référence. Contrairement à ce qu’il aurait considéré, la redevance des consommateurs anticycliques ne serait pas calculée selon la méthode du chemin physique.
190 Selon la Commission, cette branche est, en partie, irrecevable et, dans son ensemble, non fondée.
Appréciation de la Cour
191 Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant
spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal, ne répond pas à cette exigence. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 91 et jurisprudence citée).
192 Or, par son premier argument soulevé à l’appui de la présente branche de son deuxième moyen, AZ se borne, pour l’essentiel, à reprendre son grief avancé devant le Tribunal, sans exposer les raisons spécifiques pour lesquelles ce dernier aurait commis une erreur de droit aux points 128 à 131 de l’arrêt attaqué. Partant, cet argument est irrecevable.
193 S’agissant du second argument soulevé par AZ à l’appui de la présente branche du deuxième moyen, il est vrai que, ainsi qu’il a été relevé au point 114 du présent arrêt, le point 8 de l’arrêt attaqué est entaché d’une imprécision. Toutefois, rien dans les motifs exposés aux points 128 à 131 de l’arrêt attaqué ne permet de conclure que l’appréciation de la comparabilité des redevances de réseau définissant le cadre de référence aurait été affectée par cette imprécision. Si AZ affirme le
contraire, elle n’est toutefois pas parvenue à le démontrer. Son argument est donc non fondé.
194 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du deuxième moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
195 Partant, le deuxième moyen soulevé à l’appui de ce pourvoi doit être écarté dans son intégralité.
Sur le troisième moyen dans l’affaire C‑792/21 P
Argumentation des parties
196 Par le troisième moyen soulevé à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P, AZ invoque une violation du principe de non‑discrimination que le Tribunal aurait commise au point 141 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait omis de tenir compte d’une différence de traitement découlant de l’ordre de récupération de l’aide par rapport à l’application du régime transitoire. L’appréciation du Tribunal selon laquelle ce régime ne serait pas pertinent en l’espèce est motivée par renvoi au point 132
de cet arrêt. Or, selon AZ, il est incompréhensible que le Tribunal n’ait pas examiné la situation de droit existant au moment de l’adoption de la décision litigieuse au regard dudit régime. La circonstance que celui-ci n’a pas été notifié à la Commission ne serait pas une justification convaincante pour ne pas en tenir compte. Si le Tribunal avait considéré le même régime comme étant pertinent et avait examiné l’argumentation de AZ, il aurait abouti à une conclusion différente en ce qui
concerne l’existence d’une discrimination.
197 La Commission soutient que ce moyen est non seulement irrecevable, mais encore inopérant et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
198 À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, le présent moyen est recevable. En effet, par ce moyen, AZ reproche, en substance, au Tribunal d’avoir enfreint le principe de non-discrimination en rejetant, au point 141 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec le point 132 de celui-ci, ses arguments tirés du caractère discriminatoire de l’ordre de récupération de l’aide. Si, dans le cadre de son argumentation, AZ réitère certains arguments
déjà avancés devant le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle critique spécifiquement les motifs pour lesquels le Tribunal a écarté la pertinence de ces arguments.
199 À titre principal, il convient de relever que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté lesdits arguments de AZ au point 141 de cet arrêt, lu conjointement avec le point 132 de celui-ci. Il a relevé, à cet effet, que toute référence au régime transitoire, qui n’a pas fait l’objet de la décision litigieuse et qui ne s’appliquait pas aux consommateurs de charge en continu faisant l’objet de cette décision, est inopérante dans le cadre de l’examen de la légalité du régime fondé sur les mesures
litigieuses. Au demeurant, le régime transitoire n’aurait pas été notifié à la Commission.
200 Cette appréciation n’est entachée d’aucune erreur de droit.
201 En effet, selon une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et implique le rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, EU:C:2005:774, point 113, ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 116). S’agissant
de la récupération de l’aide illégale, il convient donc, contrairement à ce qu’allègue AZ, de se reporter non pas au régime légal applicable au moment de l’adoption de la décision litigieuse, mais à celui applicable antérieurement à l’octroi de cette aide.
202 À cet égard, la jurisprudence, évoquée par AZ, selon laquelle la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, EU:C:1979:29, point 7), n’est pas pertinente. En effet, cette jurisprudence concerne une question différente de celle soulevée par le présent moyen, dès lors qu’elle porte sur
le point de savoir à l’aune de quels éléments de fait la légalité d’un acte attaqué peut être examinée.
203 Par ailleurs, il convient encore d’ajouter que, selon la jurisprudence de la Cour, les bénéficiaires d’une aide illégale, qui sont tenus de la restituer, ne se trouvent manifestement pas dans la même situation que les personnes qui n’ont pas bénéficié de l’aide et ne sont pas concernées par la récupération, de sorte qu’il ne saurait être question d’un traitement différent de situations analogues, en violation du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016,
Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 117).
204 Il s’ensuit que, sans préjudice de la question non pertinente en l’espèce de savoir si le régime transitoire est, en tant que tel, compatible avec le droit de l’Union, le troisième moyen soulevé par AZ à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑792/21 P doit être écarté comme étant non fondé.
205 Par conséquent, l’ensemble des moyens soulevés à l’appui des pourvois principaux dans les affaires C‑792/21 P et C‑793/21 P ayant été rejetés, ces pourvois doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur les dépens
206 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.
207 En l’occurrence, AZ et la République fédérale d’Allemagne ont succombé dans l’ensemble de leurs conclusions concernant, respectivement, le pourvoi principal dans l’affaire C‑792/21 P et le pourvoi principal dans l’affaire C‑793/21 P, tandis que la Commission a succombé dans l’ensemble de ses conclusions concernant les pourvois incidents dans ces affaires.
208 Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) Les pourvois principaux et les pourvois incidents sont rejetés.
2) AZ, la République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.