ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
26 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par la République fédérale d’Allemagne en faveur de grands consommateurs d’électricité – Exonération des redevances de réseau pour la période 2012-2013 – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Notion d’“aide d’État” – Ressources d’État – Taxe parafiscale ou autres prélèvements obligatoires »
Dans les affaires jointes C‑795/21 P et C‑796/21 P,
ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 16 décembre 2021,
WEPA Hygieneprodukte GmbH, établie à Arnsberg (Allemagne),
WEPA Deutschland GmbH & Co. KG, anciennement Wepa Leuna et Wepa Papierfabrik Sachsen, établie à Arnsberg,
représentées par Mes H. Janssen, D. Salm et A. Vallone, Rechtsanwälte,
parties requérantes dans l’affaire C‑795/21 P,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. C. Kovács et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents, assistés de Me H. Heinrich, Rechtsanwalt,
partie défenderesse en première instance,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
et
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
partie requérante dans l’affaire C‑796/21 P,
les autres parties à la procédure étant :
WEPA Hygieneprodukte GmbH, établie à Arnsberg,
WEPA Deutschland GmbH & Co. KG, anciennement Wepa Leuna et Wepa Papierfabrik Sachsen, établie à Arnsberg,
représentées par Mes H. Janssen, D. Salm et A. Vallone, Rechtsanwälte,
parties demanderesses en première instance,
Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. C. Kovács et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2023,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 9 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P, WEPA Hygieneprodukte GmbH ainsi que WEPA Deutschland GmbH & Co. KG (ci-après, ensemble, les « sociétés WEPA ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, Wepa Hygieneprodukte e.a./Commission (T‑238/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:648), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2019/56 de la Commission, du 28 mai 2018, relative à l’aide d’État SA.34045
(2013/C) (ex 2012/NN) accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV (JO 2019, L 14, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).
2 Par son pourvoi dans l’affaire C‑796/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’arrêt attaqué.
3 Par ses pourvois incidents, formés dans chacune des affaires C‑795/21 P et C‑796/21 P, la Commission européenne demande également l’annulation de l’arrêt attaqué.
Le cadre juridique
4 Le considérant 39 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), énonce :
« Il importe, aux fins de la transparence et de la sécurité juridique, d’assurer la publicité des décisions de la Commission, tout en maintenant le principe selon lequel les décisions en matière d’aides d’État sont adressées à l’État membre concerné. Il convient, par conséquent, de publier toutes les décisions qui sont de nature à affecter les intérêts des parties intéressées, soit intégralement, soit sous forme résumée, ou de tenir à leur disposition des copies de ces décisions lorsque celles-ci
n’ont pas été publiées ou n’ont pas été publiées intégralement. »
5 L’article 1er, sous h), de ce règlement dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
h) “partie intéressée” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »
6 L’article 32 dudit règlement, intitulé « Publication des décisions », prévoit, à son paragraphe 3 :
« La Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne les décisions qu’elle prend en application de l’article 8, paragraphes 1 et 2 et de l’article 9. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
7 Les antécédents du litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.
Sur les mesures législatives et réglementaires en cause
Sur le système de redevances de réseau avant l’introduction des mesures litigieuses
8 L’article 21 de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi relative à la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie), tel que modifié par le Gesetz zur Neuregelung energiewirtschaftsrechtlicher Vorschriften (loi portant nouvelle réglementation des dispositions relatives à l’approvisionnement en énergie), du 26 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1554), et avant les modifications apportées par le Gesetz zur Weiterentwicklung des Strommarktes (loi relative à l’évolution du marché de l’électricité), du 26 juillet
2016 (BGBl. 2016 I, p. 1786) (ci‑après l’« EnWG 2011 »), prévoyait notamment que les redevances de réseau devaient être raisonnables, non discriminatoires, transparentes et calculées sur la base des coûts d’une exploitation efficace du réseau.
9 L’article 24 de l’EnWG 2011 habilitait le gouvernement fédéral allemand à établir, par voie réglementaire, des dispositions détaillées en ce qui concerne, d’une part, la définition de la méthode générale de détermination des redevances de réseau et, d’autre part, la réglementation des cas particuliers d’utilisation du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles l’autorité de régulation pouvait autoriser ou interdire des redevances de réseau individuelles.
10 L’article 17 de la Stromnetzentgeltverordnung (règlement fédéral relatif aux redevances de réseau), du 25 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2225, ci-après le « règlement StromNEV 2005 »), définit la méthode de calcul à utiliser par les gestionnaires de réseau pour déterminer les redevances générales. Il s’agit d’une méthode en deux temps consistant, tout d’abord, à déterminer les différents éléments de coûts annuels de l’ensemble des réseaux et, ensuite, à calculer les redevances générales sur la
base du total annuel des coûts de réseau.
11 La détermination des redevances générales tient compte des deux éléments suivants, à savoir la « fonction de simultanéité », qui reflète la probabilité que la consommation individuelle d’un utilisateur contribue à la charge de pointe annuelle du niveau de réseau concerné, et le seuil maximum de recettes par gestionnaire, fixé par la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux, Allemagne) (ci-après la « BNetzA »), sur la base d’une analyse comparative avec d’autres gestionnaires de réseau,
visant à éviter que les coûts découlant de l’inefficacité soient compensés par les redevances de réseau.
12 L’article 19 du règlement StromNEV 2005 prévoit des redevances individuelles pour des catégories d’utilisateurs dont les profils de consommation et de charge sont très différents de ceux des autres utilisateurs (ci-après les « utilisateurs atypiques »). Ces redevances tiennent compte, conformément au principe selon lequel les droits de réseau reflètent les coûts du réseau, de la contribution de ces utilisateurs atypiques à la réduction ou à la prévention d’une hausse de ces coûts.
13 À cet égard, l’article 19, paragraphe 2, du règlement StromNEV 2005 instaure des redevances individuelles pour les deux catégories d’utilisateurs atypiques suivantes :
– les utilisateurs dont la contribution à la charge de pointe est susceptible de différer sensiblement de la charge de pointe annuelle simultanée de tous les autres utilisateurs raccordés au même niveau de réseau, c’est-à-dire les utilisateurs qui consomment systématiquement de l’électricité en dehors des heures de pointe (ci‑après les « consommateurs anticycliques »), et
– les utilisateurs dont la consommation annuelle d’électricité représente au moins 7000 heures d’utilisation et plus de 10 gigawatts/heure (ci-après les « consommateurs de charge en continu »).
14 Jusqu’à sa modification par l’EnWG 2011, le règlement StromNEV 2005 prévoyait que les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu étaient assujettis à des redevances individuelles, lesquelles étaient calculées selon la « méthode du chemin physique » élaborée par la BNetzA. Cette méthode tenait compte des coûts de réseau engendrés par les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu, avec une redevance minimale équivalant à 20 % des redevances
générales annoncées (ci‑après la « redevance minimale »). Cette dernière garantissait une rétribution pour l’exploitation du réseau auquel ces consommateurs étaient raccordés dans l’hypothèse où les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique auraient été plus basses que cette redevance minimale ou même proches de zéro.
Sur les mesures litigieuses
15 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, deuxième et troisième phrases, du règlement StromNEV 2005, tel que modifié par l’EnWG 2011, à partir du 1er janvier 2011, date d’application rétroactive de cette disposition, les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu ont été supprimées et remplacées par une exonération complète des redevances de réseau (ci-après l’« exonération litigieuse »), accordée par une autorisation de l’autorité de régulation compétente, à savoir la
BNetzA ou l’autorité de régulation du Land concerné. Le coût de cette exonération pesait sur les gestionnaires de réseau de transport ou de distribution selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés.
16 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, sixième et septième phrases, du règlement StromNEV 2005, tel que modifié par l’EnWG 2011, les gestionnaires de réseau de transport étaient tenus de rembourser aux gestionnaires de réseau de distribution la moins-value résultant de l’exonération litigieuse et devaient compenser, entre eux, les coûts entraînés par cette exonération, au moyen d’une compensation financière conformément à l’article 9 du Kraft-Wärme-Kopplungsgesetz (loi sur la promotion de la
cogénération de chaleur et d’électricité), du 19 mars 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1092), de sorte que chacun assumait la même charge financière calculée selon la quantité d’électricité qu’il fournissait aux consommateurs finals raccordés à son réseau.
17 À partir de l’année 2012, la décision de la BNetzA du 14 décembre 2011 (BK8-11-024) (ci-après la « décision BNetzA de 2011 ») a mis en place un mécanisme de financement. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe (ci‑après la « surtaxe litigieuse ») dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport pour compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération
litigieuse.
18 Le montant de la surtaxe litigieuse était déterminé chaque année, à l’avance, par les gestionnaires de réseau de transport, sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du mécanisme, a été fixé directement par la BNetzA.
19 Ces dispositions ne s’appliquaient pas aux coûts de l’exonération litigieuse pour l’année 2011 et, partant, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution a dû supporter les pertes relatives à cette exonération pour cette année.
Sur le système de redevance de réseau postérieur aux mesures litigieuses
20 Pendant la procédure administrative qui a conduit à la décision litigieuse, l’exonération litigieuse a tout d’abord été déclarée nulle et non avenue par des décisions juridictionnelles de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 8 mai 2013 et du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 6 octobre 2015. Cette exonération a ensuite été abrogée, à partir du 1er janvier 2014, par le règlement StromNEV 2005, tel que modifié par la
Verordnung zur Änderung von Verordnungen auf dem Gebiet des Energiewirtschaftsrechts (règlement portant modification des règlements en matière d’énergie), du 14 août 2013 (BGBl. 2013 I, p. 3250) (ci-après le « règlement StromNEV 2013 »). Le règlement StromNEV 2013 a réintroduit, pour l’avenir, les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique, avec l’application, au lieu de la redevance minimale, de redevances forfaitaires de 10, de 15 et de 20 % des redevances générales,
en fonction de la consommation d’électricité (respectivement 7000, 7500 et 8000 heures d’utilisation annuelle du réseau).
21 Le règlement StromNEV 2013 a introduit un régime transitoire, en vigueur à partir du 22 août 2013 et applicable, de manière rétroactive, aux consommateurs de charge en continu qui n’avaient pas encore bénéficié de l’exonération litigieuse pour les années 2012 et 2013. Au lieu des redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique et de la redevance minimale, ce régime prévoyait exclusivement l’application à ces consommateurs de ces redevances forfaitaires.
Sur la procédure administrative et la décision litigieuse
22 À la suite de plusieurs plaintes, la Commission a publié, le 4 mai 2013, sa décision d’ouvrir la procédure au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides reposant sur les mesures litigieuses (JO 2013, C 128, p. 43).
23 Au terme d’une procédure au cours de laquelle la République fédérale d’Allemagne et d’autres parties intéressées ont présenté leurs observations, la Commission a adopté, le 28 mai 2018, la décision litigieuse.
24 Par cette décision, la Commission a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse.
25 Plus particulièrement, la Commission a conclu que le montant des aides d’État correspondait aux coûts de réseau engendrés en 2012 et en 2013 par les consommateurs de charge en continu exonérés ou, si ces coûts étaient inférieurs à la redevance minimale, à cette dernière.
26 En outre, la Commission a relevé que les aides en question étaient incompatibles avec le marché intérieur, dès lors qu’elles ne relevaient d’aucune des exceptions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, et qu’elles ne pouvaient pas non plus être considérées comme étant compatibles pour d’autres motifs.
27 Par conséquent, la Commission a décidé ce qui suit :
– l’exonération litigieuse constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où les consommateurs de charge en continu avaient été exonérés des redevances de réseau, correspondant aux coûts de réseau qu’ils engendraient, ou de la redevance minimale, si ces coûts étaient inférieurs à cette redevance ;
– l’aide en question avait été exécutée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et n’était pas compatible avec le marché intérieur ;
– l’aide individuelle, octroyée au titre du régime en question, n’était pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions définies par un règlement concernant les aides « de minimis », adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), et
– la République fédérale d’Allemagne, d’une part, était obligée de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles avec le marché intérieur, octroyées au titre du régime d’aides en question, y compris les intérêts, et, d’autre part, était tenue d’annuler tous les paiements non encore effectués au titre de ce régime dès la date d’adoption de la décision litigieuse.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2019, les sociétés WEPA ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
29 Par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 30 août 2019, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de ces sociétés, conformément à la demande de cet État membre.
30 À l’appui de leur recours, les sociétés WEPA ont soulevé un moyen unique, tiré de l’absence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que l’exonération litigieuse n’aurait pas été financée au moyen de ressources d’État.
31 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré le recours recevable, puis a rejeté ce moyen et, par conséquent, le recours en annulation dans son ensemble.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
32 Par leur pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P, les sociétés WEPA demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.
33 La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P et de condamner la Commission aux dépens.
34 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P et de condamner les sociétés WEPA aux dépens.
35 Par son pourvoi dans l’affaire C-796/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté le recours en annulation comme étant non fondé ;
– d’annuler la décision litigieuse, et
– de condamner la Commission aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.
36 Les sociétés WEPA demandent à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C‑796/21 P.
37 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑796/21 P et de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.
38 Par ses pourvois incidents dans les affaires C‑795/21 P et C‑796/21 P, la Commission demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de déclarer irrecevable le recours en annulation ;
– dans l’affaire C‑795/21 P, de condamner les sociétés WEPA aux dépens exposés devant la Cour et le Tribunal, et
– dans l’affaire C‑796/21 P, de condamner la République fédérale d’Allemagne et les sociétés WEPA aux dépens exposés, respectivement, devant la Cour et devant le Tribunal.
39 Les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne concluent au rejet des pourvois incidents et à la condamnation de la Commission aux dépens.
40 Par décision du président de la Cour du 18 avril 2023, les affaires C‑795/21 P et C‑796/21 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.
Sur les pourvois incidents
41 Les pourvois incidents introduits par la Commission visent à contester la recevabilité du recours de première instance, ce qui constitue une question préalable à celles relatives au fond soulevées dans les pourvois principaux. Il y a donc lieu d’examiner les pourvois incidents en premier (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C‑461/18 P, EU:C:2020:979, point 43).
42 À l’appui de ses pourvois incidents, la Commission soulève deux moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
43 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, en retenant une interprétation large de la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Ainsi, le Tribunal aurait erronément considéré que toute publication au Journal officiel répond à cette notion, indépendamment du point de savoir si une telle publication conditionne l’entrée en vigueur de
l’acte en cause conformément à l’article 297 TFUE et si elle est prévue par le traité lui-même.
44 En premier lieu, l’interprétation du Tribunal serait contraire à la jurisprudence de la Cour telle qu’elle se dégagerait de l’arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission (C‑339/16 P, EU:C:2017:384, points 34 à 40), ainsi que des ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a. (C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 22), et du 5 septembre 2019, Fryč/Commission (C‑230/19 P, EU:C:2019:685, point 15). Par cette jurisprudence, la Cour aurait établi un parallélisme entre l’article 263, sixième
alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE, en ce sens que la publication de l’acte en cause ne constitue le point de départ du délai de recours que si elle conditionne l’entrée en vigueur de cet acte et si elle est prévue par le traité lui-même.
45 Cette approche serait confirmée par une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
46 S’agissant, d’une part, du libellé de cette disposition, la Commission fait valoir que, dans toutes les versions linguistiques, à l’exception de la version en langue allemande, les termes « publication » et « notification » figurent tant à l’article 263, sixième alinéa, TFUE qu’à l’article 297 TFUE, ce qui démontre l’existence d’un parallélisme entre ces deux dispositions.
47 S’agissant, d’autre part, de l’esprit et de la finalité de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les délais de recours fixés à cette disposition participeraient de l’objectif de sécurité juridique. Si un justiciable souhaitait attaquer un acte, il devrait en principe le faire dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la version définitive de son contenu a été portée à sa connaissance. En revanche, pour les actes de portée générale qui n’ont pas de destinataires, cette date serait
celle de la publication au Journal officiel. Pour les actes désignant un destinataire, ladite date serait celle de la notification à ce destinataire. Ce ne serait qu’à titre exceptionnel et subsidiaire que, s’agissant d’un acte ne devant être ni publié ni notifié, la prise de connaissance pourrait constituer un événement déclenchant le délai de recours. Ainsi, le parallélisme entre l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE garantirait qu’une publication ultérieure d’un acte au
Journal officiel à des fins d’information n’entraîne pas une prolongation des délais de recours et, partant, une insécurité juridique.
48 En deuxième lieu, la publication au Journal officiel d’une décision de la Commission de clore une procédure formelle d’examen ne saurait être assimilée à une « publication », au sens de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. Elle ne constituerait donc pas le point de départ du délai de recours.
49 D’une part, une telle décision serait adressée à l’État membre concerné et ne serait notifiée qu’à celui-ci. Conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, elle entrerait en vigueur par cette notification et non pas par sa publication au Journal officiel, laquelle ne viserait qu’à informer le public, y compris les bénéficiaires de l’aide auprès desquels l’État membre concerné devrait récupérer cette aide avant même la publication de la décision. D’autre part, ladite
publication dériverait non pas du traité FUE, mais de l’article 32 du règlement 2015/1589, lu à la lumière de son considérant 39. Dans ces conditions, pour déterminer le point de départ du délai de recours dont dispose une entreprise bénéficiaire pour attaquer une décision de clore la procédure formelle d’examen, il y aurait lieu de se fonder sur la prise de connaissance effective de cette décision. En l’absence de prise de connaissance préalable démontrable, la date de la publication de l’acte
au Journal officiel ferait office de prise de connaissance effective sur la base d’une fiction juridique.
50 En troisième lieu, la Commission invoque une série d’arguments qui, selon elle, confortent son interprétation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
51 Premièrement, elle se fonde sur l’économie de cette disposition pour soutenir que la publication et la notification d’un acte sont placées sur un pied d’égalité et que la prise de connaissance constitue un événement subsidiaire par rapport aux deux premières. Ce rapport de subsidiarité serait rompu par l’interprétation effectuée par le Tribunal, dès lors que, si la publication au titre de l’article 32 du règlement 2015/1589 équivalait à une publication au titre de l’article 297, paragraphe 1,
TFUE, le délai de recours devrait commencer à courir, y compris à l’égard de l’État membre concerné et malgré la notification, à la date de cette publication.
52 Deuxièmement, la Commission est d’avis que l’interprétation retenue par le Tribunal conduit à une inégalité des armes entre les entreprises auprès desquelles une aide est récupérée et leurs concurrentes qui n’ont pas reçu d’aide. Tandis que les premières recevraient en pratique une copie de la décision par l’État membre concerné, les secondes devraient attendre la publication de la décision au Journal officiel, conformément à l’article 32 du règlement 2015/1589, de sorte que les délais de recours
effectifs pour ces entreprises seraient différents. Cette interprétation conduirait également à une inégalité entre la Commission et les entreprises auprès desquelles l’aide doit être récupérée. En effet, pour répondre au recours d’une entreprise bénéficiaire, la Commission disposerait d’un délai de deux mois tandis que, du fait de ladite interprétation, ces entreprises bénéficieraient d’un délai plus long pour préparer leur recours.
53 Troisièmement, le Tribunal s’appuierait sur une lecture erronée de l’arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil (C‑122/95, EU:C:1998:94). En effet, à la différence de la décision litigieuse, la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’aurait désigné aucun destinataire.
54 Quatrièmement, le point 38 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a relevé que les sociétés WEPA pouvaient subjectivement escompter la publication de la décision litigieuse au Journal officiel, méconnaîtrait le caractère d’ordre public des délais de recours.
55 La République fédérale d’Allemagne et les sociétés WEPA rétorquent que le premier moyen n’est pas fondé.
Appréciation de la Cour
56 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission conteste le bien-fondé des appréciations du Tribunal figurant aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué. Selon elle, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé à ces points, le délai de recours en annulation de la décision litigieuse courait, pour les sociétés WEPA, à compter non pas de la date de publication de cette décision au Journal officiel, mais de la date de la prise de connaissance effective de ladite
décision par ces sociétés.
57 À cet égard, il convient de constater que, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’exception d’irrecevabilité de la Commission tirée de la prétendue tardiveté du recours en annulation de la décision litigieuse formé par les sociétés WEPA.
58 Il ressort d’une lecture d’ensemble des points 36 à 38 de cet arrêt que le Tribunal a estimé que le délai de recours courait, en l’espèce, à compter de la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel, qui a eu lieu le 16 janvier 2019, et que ce délai a été respecté.
59 À l’appui de cette considération, le Tribunal a rappelé, au point 37 dudit arrêt, que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ dudit délai, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Tout en soulignant que la publication n’était pas une condition de la prise d’effet de la décision litigieuse, il a relevé, au point 38 du même arrêt, que cette décision devait être publiée au Journal officiel
conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, de telle sorte que les sociétés WEPA pouvaient légitimement escompter que ladite décision ferait l’objet d’une publication.
60 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».
61 Il ressort clairement du libellé de cette disposition, en particulier des expressions « suivant le cas » et « à défaut », que le point de départ du délai de recours est déterminé en fonction de la situation en cause et que les trois critères susceptibles de déclencher ce délai sont hiérarchisés.
62 Ainsi, le délai de recours en annulation commence à courir, à titre principal, à compter de la publication de l’acte ou de la notification de celui-ci au requérant. Ces deux critères principaux sont placés, dans l’économie de ladite disposition, sur un pied d’égalité en ce sens qu’aucun desdits critères n’est subsidiaire par rapport à l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 38).
63 En revanche, comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 37 de l’arrêt attaqué, le critère de la date de prise de connaissance de l’acte attaqué en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, EU:C:1998:94, point 35), ce qui n’est au demeurant pas contesté en l’espèce.
64 En l’occurrence, la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, désignait comme destinataire l’État membre concerné, à savoir à la République fédérale d’Allemagne, et a été notifiée à celui-ci, conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. Corrélativement, cette décision a fait l’objet d’une publication au Journal officiel, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.
65 Dans une telle hypothèse, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour le destinataire de l’acte auquel il devait être notifié, à savoir l’État membre concerné, le délai de recours en annulation court à compter de la date de cette notification, et ce même si l’acte fait également l’objet d’une publication au Journal officiel (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 37).
66 En revanche, il découle d’une interprétation littérale, téléologique et contextuelle de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que le délai de recours en annulation court, pour les autres parties intéressées, telles que les sociétés WEPA, à compter de la publication de l’acte au Journal officiel, y compris lorsque cette publication procède non pas de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, mais d’une disposition de droit dérivé, telle que
l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.
67 En effet, premièrement, il y a lieu de constater que le libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE évoque la « publication » des actes en général (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C‑625/11 P, EU:C:2013:594, point 31). Ainsi, ce libellé n’assortit cette notion d’aucune condition spécifique, notamment quant au fondement juridique de l’obligation de publication.
68 Sur ce point, il est vrai que, comme la Commission l’allègue, la Cour a, notamment, jugé que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, vise une publication au Journal officiel qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte et est prévue par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 36 ; ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 22, ainsi que du
5 septembre 2019, Fryč/Commission, C‑230/19 P, EU:C:2019:685, point 15).
69 Toutefois, contrairement à la position défendue par la Commission, il ne saurait en être déduit que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, se limite à cette hypothèse.
70 En effet, les précédents cités au point 68 du présent arrêt ne sauraient être lus de manière isolée, mais s’intègrent dans une jurisprudence de la Cour qui a interprété la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, de manière large. Ainsi, relèvent de cette notion, outre l’hypothèse visée à ce point 68, une publication de l’acte attaqué au Journal officiel qui procède, non d’une obligation imposée par le traité, mais d’une pratique constante des institutions de
l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, EU:C:1998:94, points 36 et 39), ou d’une disposition de droit dérivé, telle que l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens, ordonnance du 25 novembre 2008, S.A.BA.R./Commission, C‑501/07 P, EU:C:2008:652, point 23), voire une publication sur le site Internet d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union lorsque celle-ci est prévue par le droit dérivé (voir, en ce sens,
arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C‑625/11 P, EU:C:2013:594, points 30 à 32).
71 Deuxièmement, s’agissant des objectifs de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de cette disposition sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge. Ils ont été institués dans l’objectif de sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit ainsi que d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire
dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1967, Muller-Collignon/Commission, 4/67, EU:C:1967:51, p. 479 ; du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, EU:C:1997:33, point 21 ; ordonnances du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 52, ainsi que du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 21).
72 Or, d’une part, s’agissant d’une décision telle que la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, il apparaît que, à la différence de la date de la prise de connaissance, la date de la publication d’un acte au Journal officiel peut être établie, dans l’intérêt de la sécurité juridique, de manière objective et avec certitude à l’égard de l’ensemble des parties intéressées auxquelles cette décision n’a pas été notifiée. Il est indifférent, à cet égard, que
ces dernières ont pu prendre connaissance de cet acte antérieurement à sa publication.
73 Cela explique d’ailleurs que, dans l’économie générale de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et dans l’intérêt de la sécurité juridique, la date de publication prime celle de la prise de connaissance, qui est, ainsi que cela a été rappelé au point 63 du présent arrêt, un critère subsidiaire de départ du délai de recours. La Commission ne saurait donc être suivie lorsqu’elle suggère, en réalité, d’inverser le rapport entre ces deux critères visés à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
74 D’autre part, contrairement aux allégations de la Commission, l’interprétation retenue aux points 66 et 70 du présent arrêt est également de nature à éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice et à assurer, ainsi, l’égalité des armes des bénéficiaires de l’aide d’État et des entreprises concurrentes. En effet, pour l’ensemble de ces parties intéressées, le délai de recours commence à courir à compter de la même date, à savoir celle de la publication
de la décision au Journal officiel. En outre, dans la mesure où la Commission est l’auteure d’une telle décision et est responsable de sa publication au Journal officiel, elle ne saurait valablement tirer argument d’une prétendue inégalité des armes à son détriment.
75 Troisièmement, s’agissant du contexte, la structure des traités milite également contre le parallélisme strict, suggéré par la Commission, entre les notions de « publication » employées respectivement à l’article 263, sixième alinéa, et à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il suffit de constater, à cet égard, que, si ces deux dispositions relèvent du titre I de la sixième partie du traité FUE, elles ne régissent pas le même objet. Alors que la première figure à son
chapitre 1, consacré aux institutions, et, plus spécifiquement, à sa section 5, dédiée à la Cour de justice de l’Union européenne, la seconde s’inscrit dans son chapitre 2, consacré aux actes juridiques de l’Union et à leurs procédures d’adoption.
76 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué, que le délai de recours commençait à courir, pour les sociétés WEPA, à la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel.
77 Partant, le premier moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
78 Par le second moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au point 41 de l’arrêt attaqué.
79 En affirmant, à ce point 41, qu’« il n’a pas été démontré que, en l’espèce, les [sociétés WEPA] ont eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] » avant la publication de celle-ci, le Tribunal aurait dénaturé les faits et les éléments de preuve. Il serait en effet manifeste, au vu des éléments avancés par la Commission devant le Tribunal, que ces sociétés avaient eu connaissance de l’existence de la décision litigieuse avant sa publication au Journal officiel, au plus tard le
26 septembre 2018.
80 La République fédérale d’Allemagne et les sociétés WEPA considèrent que, le premier moyen des pourvois incidents n’étant pas fondé, le second moyen est dépourvu de pertinence pour l’issue des présents pourvois. Ces sociétés ajoutent que ce second moyen est, en tout état de cause, également non fondé.
Appréciation de la Cour
81 Au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que « en tout état de cause, il n’a pas été démontré que, en l’espèce, que les [sociétés WEPA] ont eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] ».
82 À cet égard, l’expression « en tout état de cause » indique que ce motif forme un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Or, selon une jurisprudence constante, les arguments dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 21 décembre 2023, United Parcel Service/Commission, C‑297/22 P, EU:C:2023:1027, point 55 et jurisprudence citée).
83 Partant, le second moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté comme étant inopérant.
84 Par conséquent, les pourvois incidents doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur les pourvois principaux
85 À l’appui de leur pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P, les sociétés WEPA invoquent deux moyens tirés, le premier, d’une dénaturation des faits ainsi que d’une méconnaissance de la teneur et de la portée du droit national et, le second, d’une méconnaissance des conditions de l’existence d’une aide d’État accordée « au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
86 Au soutien de son pourvoi dans l’affaire C‑796/21 P, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par les sociétés WEPA, soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce moyen rejoint, en substance, le second moyen soulevé par les sociétés WEPA, soutenues par la République fédérale d’Allemagne, à l’appui de leur pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P.
Sur le premier moyen dans l’affaire C‑795/21 P
Argumentation des parties
87 Par leur premier moyen soulevé à l’appui de leur pourvoi, les sociétés WEPA reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de fait et méconnu la teneur ainsi que la portée du droit national. Ce moyen est formellement divisé en trois branches.
88 Par une première branche, les sociétés WEPA font valoir que, aux points 12, 66, 93 et 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté de manière inexacte que la BNetzA avait fixé de manière contraignante le montant de la surtaxe litigieuse. Il ressortirait à cet égard des considérants 61, 75 et 123 de la décision litigieuse que le montant de cette surtaxe était déterminé par les gestionnaires de réseau. Cela vaudrait également pour l’année 2012 pour laquelle ladite surtaxe aurait été perçue pour la
première fois par ces derniers. Le montant de la même surtaxe n’aurait jamais été imposé par la BNetzA. S’agissant de cette année 2012, la BNetzA se serait limitée à donner une estimation de la somme globale des moins-values supportées par les gestionnaires de réseau, mais n’aurait aucunement fixé le montant de la surtaxe litigieuse, dans le mesure où une telle fixation aurait nécessité de tenir compte d’autres éléments.
89 Par une deuxième branche, les sociétés WEPA contestent, en substance, le point 93 de l’arrêt attaqué. Contrairement à ce que le Tribunal aurait affirmé à ce point, la BNetzA n’aurait pas imposé aux gestionnaires de réseau de transport « une méthode très détaillée pour le calcul » de la surtaxe litigieuse. Le constat du Tribunal se heurterait ainsi aux considérants 61, 75 et 123 de la décision litigieuse. Les prescriptions de la BNetzA seraient très générales et porteraient sur les pertes de
recettes et moins-values prévisionnelles au cours de l’année à venir. Elles ne contiendraient aucune exigence sur la manière concrète dont les gestionnaires de réseau de transport étaient censés calculer la surtaxe litigieuse à partir des pertes de recettes prévisionnelles.
90 Par une troisième branche, les sociétés WEPA font grief au Tribunal d’avoir dénaturé les faits en affirmant, aux points 93, 94, 99 ainsi que 106 et suivants de l’arrêt attaqué, que les pertes de recettes ont été intégralement couvertes par la surtaxe litigieuse. Le droit national n’envisagerait que la question du recouvrement de créances à l’égard des consommateurs de charge en continu exonérés, qui ne pouvaient être mises à exécution en raison de l’insolvabilité de ces derniers, et exclurait que
de telles créances soient couvertes par la surtaxe litigieuse. Ainsi, les pertes liées à l’insolvabilité de ces consommateurs seraient couvertes par les ressources propres des gestionnaires de réseau et non par celles de l’État. De plus, d’autres coûts devraient également être pris en charge par les gestionnaires de réseau, à savoir les coûts du capital et les redevances administratives versées à la BNetzA.
91 Dans leur mémoire en réplique, les sociétés WEPA invoquent, par ailleurs, un défaut de motivation entachant les points 94, 99 ainsi que 106 et suivants de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal n’aurait pas motivé, à tout le moins sommairement, de façon compréhensible la raison pour laquelle les pertes de recettes des gestionnaires de réseau qui n’ont pas été couvertes par la surtaxe litigieuse ne devraient pas être prises en compte.
92 La Commission estime que les trois branches soulevées à l’appui du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P sont manifestement non fondées et que certains arguments sont, en tout état de cause, irrecevables.
Appréciation de la Cour
93 À titre liminaire, s’agissant d’arguments relatifs aux erreurs que le Tribunal aurait commises dans l’analyse du droit allemand, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve.
L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 46 et jurisprudence citée).
94 Partant, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, qui, dans le domaine des aides d’État, constituent des appréciations de faits, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79, et du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a., C‑457/21 P, EU:C:2023:985, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Une
dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 80).
95 En outre, lorsqu’il allègue une dénaturation des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à
cette dénaturation (arrêts du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 99, ainsi que du 28 avril 2022, Yieh United Steel/Commission, C‑79/20 P, EU:C:2022:305, point 53).
96 C’est à la lumière de ces rappels qu’il y a lieu d’examiner le premier moyen des sociétés WEPA, pris de plusieurs dénaturations du droit national et des faits.
97 S’agissant de la première branche du présent moyen, il convient de constater, premièrement, que l’allégation de ces sociétés selon laquelle le Tribunal aurait dénaturé les faits en considérant que la BNetzA a fixé le montant de la surtaxe litigieuse de manière contraignante repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
98 En effet, il ressort sans équivoque d’une lecture d’ensemble des points 12, 66, 93 et 99 de l’arrêt attaqué, qui sont contestés par cette allégation, que le Tribunal a considéré que la surtaxe litigieuse devait être déterminée par les gestionnaires de réseau de transport sur la base d’une méthode établie par la BNetzA et que, s’agissant de l’année 2012, celle-ci a fixé le montant total de cette surtaxe. Cette lecture ressort explicitement du point 66 de cet arrêt. L’absence de mention de
l’adjectif « total », au point 12 dudit arrêt est sans incidence à cet égard, étant donné que le Tribunal s’est clairement fondé sur la prise en compte d’un montant initial total dans les motifs du même arrêt. De la même manière, il s’est référé, au point 93 de ce dernier, à la fixation d’un montant initial de la surtaxe litigieuse pour l’année 2012, dont on comprend aisément qu’il s’agit du montant global, ainsi que, pour l’année suivante, à la méthode de calcul de cette surtaxe déterminée par
la BNetzA. En outre, la seule mention, au point 99 de l’arrêt attaqué, de la « surtaxe litigieuse, telle que calculée par la BNetzA (pour l’année 2012) » ne saurait induire une conclusion différente dès lors que cette formulation, bien qu’imprécise, peut parfaitement s’entendre comme une référence au montant total de cette surtaxe, ce qu’une lecture d’ensemble de l’arrêt attaqué conforte. Pour le reste, ce point 99 se réfère, lui aussi, à la méthode fixée par la BNetzA pour l’année 2013.
99 Aucune autre conclusion ne saurait être tirée des considérants 61, 75 et 123 de la décision litigieuse auxquels les sociétés WEPA renvoient. En effet, il découle de ces considérants que, si les gestionnaires de réseau de transport devaient déterminer le montant concret de la surtaxe litigieuse, la Commission a également relevé, à l’instar du Tribunal, qu’ils devaient, à cet égard, respecter le cadre et la méthode fixés par la BNetzA.
100 Deuxièmement, il y a lieu de relever que, dans la mesure où les sociétés WEPA insistent, dans le cadre de cette allégation relative à la détermination de la surtaxe litigieuse, sur la marge de manœuvre des gestionnaires de réseau, leur argumentation revient à contester une appréciation factuelle sans établir de dénaturation, ce qui échappe à la compétence de la Cour au stade du pourvoi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 93 du présent arrêt.
101 S’agissant de la deuxième branche du présent moyen, il y a lieu de constater que, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, « pour la seconde année d’application du régime, [la] décision BNetzA [de 2011] a établi une méthode très détaillée pour le calcul de la surtaxe [litigieuse] ». Il a ajouté que, selon cette méthode, « les gestionnaires de réseau de transport devaient déterminer, d’une part, la moins-value escomptée résultant de l’exonération [litigieuse] par rapport au
paiement intégral des redevances de réseau et, d’autre part, la consommation attendue, afin de déterminer le montant de la surtaxe litigieuse par kilowatt/heure, compte tenu des revenus générés durant l’avant-dernière année » et que « les gestionnaires de réseau de transport devaient adapter le montant de la surtaxe litigieuse chaque année sur la base des besoins financiers réels de l’année précédente ». Ces affirmations reprennent, en substance, les considérants 37 et 39 de la décision
litigieuse.
102 À cet égard, d’une part, il est constant que les sociétés WEPA contestent non pas spécifiquement cette description de la méthode de calcul de la surtaxe litigieuse, mais la qualification de cette méthode en tant que « méthode très détaillée ». Or, à supposer même qu’une telle qualification soit erronée, elle n’emporterait aucune conséquence sur l’analyse, par le Tribunal, de ladite méthode en tant que telle. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé le droit national à cet
égard.
103 D’autre part, pour le surplus, les arguments des sociétés WEPA relatifs à la marge de manœuvre des gestionnaires de réseau de transport pour le calcul de la surtaxe litigieuse contredisent, en définitive, les appréciations figurant au considérant 123 de la décision litigieuse selon lesquelles ces gestionnaires ne jouiraient d’aucune marge de manœuvre. Ainsi, ces sociétés invitent la Cour à procéder à une nouvelle appréciation de la méthode de détermination de la surtaxe litigieuse, qui échappe à
la compétence de celle-ci au stade du pourvoi en l’absence de toute dénaturation.
104 S’agissant de la troisième branche, il convient de relever que, aux points 90, 91, 93, 94, 99, 106 et 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en se référant à la décision BNetzA de 2011, a fait sienne la constatation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse selon laquelle le mécanisme de la surtaxe litigieuse assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de cette surtaxe
était adapté à celui des ressources requises en raison de cette exonération. Il a ajouté, notamment au point 94 de cet arrêt, que les pertes de recettes dues à une insolvabilité, qui sont supportées économiquement par les gestionnaires de réseau de distribution, ne constituent pas une perte de recettes au sens du régime en question et se justifient par le fait que les relations entre les gestionnaires de réseau et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé.
105 Or, ce faisant, le Tribunal a exposé avec suffisance les motifs pour lesquels il a écarté les arguments des sociétés WEPA tirés de l’absence de compensation intégrale de la moins-value résultant de l’exonération litigieuse.
106 Au fond, l’appréciation selon laquelle la méthode de détermination du montant de la surtaxe litigieuse prévue par la décision BNetzA de 2011 devait permettre de couvrir l’intégralité des coûts liés à l’exonération litigieuse relève d’une appréciation factuelle du Tribunal qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler au stade du pourvoi. Il en va également ainsi de la question spécifique de savoir si, effectivement, toutes les pertes et tous les coûts en lien avec l’exonération litigieuse ainsi
que les créances irrécouvrables liées à l’insolvabilité de consommateurs de charge en continu ayant erronément bénéficié de cette exonération étaient couverts par la surtaxe litigieuse. Or, les sociétés WEPA ne sont pas parvenues à établir une dénaturation à cet égard.
107 À la lumière de l’ensemble des motifs qui précèdent, les trois branches du premier moyen soulevé par les sociétés WEPA doivent être écartées dans leur intégralité comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées. Il convient donc de rejeter ce moyen dans son intégralité.
Sur le second moyen dans l’affaire C‑795/21 P et le moyen unique dans l’affaire C‑796/21 P
108 Par le second moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P et par le moyen unique dans l’affaire C‑796/21 P, respectivement, les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne reprochent au Tribunal d’avoir méconnu l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a considéré, à tort, que l’exonération litigieuse constitue une aide accordée au moyen de « ressources d’État », au sens de cette disposition.
109 Leur argumentation porte, en substance, sur trois questions ayant trait, la première, au critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État », la deuxième, à l’existence d’une taxe obligatoire et, la troisième, au contrôle étatique.
Sur le critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État »
– Argumentation des parties
110 Les sociétés WEPA, par le premier grief de la première branche ainsi que les deuxième et troisième griefs de la seconde branche de leur second moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la première branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour apprécier la nature étatique des ressources en cause.
111 En premier lieu, par la première branche de leur second moyen, les sociétés WEPA allèguent, en substance, que, aux points 77 à 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément considéré que la surtaxe litigieuse constitue une « taxe », au sens du droit de l’Union, et, par suite, une aide accordée au titre de « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon elles, il découle de la jurisprudence de la Cour issue notamment des arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord
e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851), du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671), du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), du 15 mai 2019, Achema e.a. (C‑706/17, EU:C:2019:407), ainsi que du 16 septembre 2021, FVE Holýšov I e.a./Commission (C‑850/19 P, EU:C:2021:740), qu’une telle « taxe » n’existe que lorsqu’un État membre impose unilatéralement et par un acte de puissance publique
une obligation de paiement au destinataire de cet acte. Or, au point 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait fondé sur un critère différent, et donc erroné, en examinant si la surtaxe litigieuse, imposée par cet État, était intégralement répercutée, en vertu d’une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de cette surtaxe.
112 De surcroît, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour, le Tribunal aurait omis de vérifier l’existence d’une obligation légale de paiement à charge du débiteur.
113 En deuxième lieu, dans le cadre de leurs écritures déposées devant la Cour, les sociétés WEPA, par le troisième grief de la seconde branche de leur second moyen, et la République fédérale d’Allemagne ont contesté, respectivement, les points 62 et suivants, 76, 79 et 110 ainsi que les points 62 à 64 et 76 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a erronément considéré que, afin de déterminer la nature étatique ou non des ressources en cause, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les
consommateurs ou clients finals et le contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires de ces fonds sont deux éléments qui « font partie d’une alternative ». Il s’agirait, au contraire, de critères cumulatifs, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence issue, notamment, des arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, points 66, 69, 70, 72 et 75), du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 72), du 15 mai 2019, Achema e.a.
(C‑706/17, EU:C:2019:407), ainsi que du 16 septembre 2021, FVE Holýšov I e.a./Commission (C‑850/19 P, EU:C:2021:740).
114 En outre, les sociétés WEPA allèguent, par le deuxième grief de la seconde branche de leur second moyen, qu’un troisième critère doit être rempli. Ainsi, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour qu’un lien suffisamment direct entre la surtaxe litigieuse et le budget de l’État doit être établi pour pouvoir conclure à l’existence d’une aide « accordée au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Or, ni la décision litigieuse ni l’arrêt attaqué ne
contiendraient d’éléments permettant de conclure que la surtaxe litigieuse présente un tel lien avec le budget de l’État. De plus, il ressortirait des constatations de la Commission et du Tribunal que ni la BNetzA ni aucun autre organisme étatique n’aurait assumé la responsabilité de la compensation intégrale des pertes de recettes.
115 Par ailleurs, pour la République fédérale d’Allemagne, l’interprétation du Tribunal, fondée sur des critères alternatifs, entrerait en contradiction avec les points 97 à 109 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal aurait examiné l’existence d’un contrôle étatique, alors même qu’il avait déjà conclu à l’existence d’une charge obligatoire.
116 En troisième lieu, selon la République fédérale d’Allemagne, cette approche du Tribunal ne serait pas davantage confortée par les articles 30 et 110 TFUE, qui viseraient essentiellement la suppression et l’interdiction des mesures protectionnistes.
117 En quatrième lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, selon laquelle il y aurait lieu de présumer que toute taxe a une origine étatique, indépendamment des objectifs poursuivis par cette disposition, est erronée en droit. Cette interprétation aboutirait à une conséquence non prévue par les traités, à savoir que toute régulation des prix du marché conduirait à une utilisation des ressources d’État et devrait ainsi être notifiée,
conformément à l’article 108 TFUE. Or, une telle régulation relèverait du champ d’application de la libre circulation des marchandises et non des règles relatives aux aides d’État.
118 La Commission conteste le bien-fondé du deuxième grief de la seconde branche du second moyen soulevé par les sociétés WEPA et considère que la première branche ainsi que le troisième grief de la seconde branche de ce moyen, de même que la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne sont, en tant que tels, inopérants.
– Appréciation de la Cour
119 Les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour déterminer si les montants résultant de la surtaxe litigieuse ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
120 Selon une jurisprudence constante, la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou « au moyen de ressources d’État », que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, que ladite intervention accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et que la même intervention fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 12 janvier
2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
121 S’agissant de la première de ces conditions, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une mesure peut être qualifiée d’intervention de l’État ou d’aide accordée « au moyen de ressources d’État » si, d’une part, la mesure est accordée directement ou indirectement au moyen de ces ressources et, d’autre part, la mesure est imputable à un État membre (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
122 S’agissant, plus particulièrement, de la condition tenant à ce que l’avantage soit accordé « au moyen de ressources d’État », la Cour a, au fil de sa jurisprudence, dégagé deux critères permettant d’établir que des fonds au moyen desquels un avantage tarifaire est accordé, en vertu de la législation nationale, constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, points 34,
38, 39 et 42).
123 Ainsi, en premier lieu, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 38).
124 Selon la jurisprudence de la Cour précisant ce critère, des montants résultant du supplément de prix imposé par l’État aux acheteurs d’électricité s’apparentent à une taxe qui frappe l’électricité et ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Pour être considérés comme telles, les fonds doivent provenir de contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre concerné et être gérés et répartis conformément à cette législation,
indépendamment du point de savoir si le mécanisme de financement relève, au sens strict, de la catégorie des prélèvements de nature fiscale dans le droit national. En revanche, il ne suffit pas que les gestionnaires de réseau répercutent sur le prix de vente de l’électricité à leurs clients finals les surcoûts provoqués par leur obligation d’acheter l’électricité produite à partir de certaines sources d’énergie aux tarifs fixés par la loi, si cette compensation résulte non pas d’une obligation
légale, mais seulement d’une pratique. En effet, dans un tel cas, le prélèvement ne pourrait pas être considéré comme étant obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, points 34 à 37 ainsi que jurisprudence citée).
125 En second lieu, le fait que des sommes restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État », au sens de cette disposition (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 39 ainsi que jurisprudence citée).
126 Les critères mentionnés aux points 123 et 125 du présent arrêt constituent des critères alternatifs permettant d’établir qu’une mesure est accordée « au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 42), ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’a reconnu à l’audience de plaidoiries en réponse à une question de la Cour au sujet de la portée de l’arrêt du 12 janvier
2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1).
127 Il s’ensuit, premièrement, que c’est sans commettre d’erreur de droit que, aux points 62 à 64 et 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le caractère étatique des ressources, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, peut être établi par deux conditions alternatives tenant, l’une, à l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals et, l’autre, au contrôle étatique sur la gestion du système et, notamment, sur les fonds ou les gestionnaires de ces
fonds. Compte tenu des réponses apportées par la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience de plaidoiries, l’ensemble des arguments de cet État membre visant à contester cette appréciation doivent être écartés.
128 Les arguments des sociétés WEPA selon lesquels la jurisprudence de la Cour n’aurait pas consacré de critères alternatifs sont fondés précisément sur la jurisprudence de la Cour, que celle-ci a récapitulée dans l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1), et dont elle a déduit l’existence de deux critères alternatifs. Ces arguments sont donc également voués à l’échec.
129 En outre, dans la mesure où les sociétés WEPA allèguent que le Tribunal aurait dû appliquer une notion de « taxe » entendue comme l’imposition unilatérale et par un acte de puissance publique d’une obligation de paiement ainsi qu’un critère tenant à l’existence d’un lien suffisamment direct entre le budget de l’État et la surtaxe litigieuse, force est de constater que, conformément à la jurisprudence de la Cour exposée aux points 123 à 125 du présent arrêt, aucune des alternatives retenues à bon
droit par le Tribunal ne fait état d’une telle notion ni d’un tel critère. L’existence d’une charge obligatoire, au sens de la jurisprudence visée au point 123 du présent arrêt, doit être appréciée à la lumière des éléments relevés au point 124 de celui-ci. Ceux-ci ont été déterminés par la jurisprudence de la Cour restituée aux points 55 à 62 de l’arrêt attaqué et récapitulés aux points 34 à 37 de l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1), sans que cela soit
spécifiquement contesté dans le cadre des présents pourvois. En vérifiant, ainsi qu’il l’a annoncé aux points 76 et 77 de l’arrêt attaqué, si la surtaxe litigieuse était imposée par l’État et intégralement répercutée, par une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de cette surtaxe, le Tribunal s’est conformé à cette jurisprudence.
130 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir estimé opportun d’examiner, aux points 97 à 109 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds perçus au titre de la surtaxe litigieuse ou sur les gestionnaires de réseau, après avoir constaté, au point 96 de cet arrêt, l’existence d’une taxe parafiscale ou d’une charge obligatoire impliquant l’utilisation de ressources d’État.
131 Il est vrai que le Tribunal aurait pu faire l’économie de cet examen relatif à l’existence d’un contrôle étatique, compte tenu de la nature alternative des deux critères qu’il a examinés. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que, notamment pour des motifs de bonne administration de la justice, le Tribunal poursuive son raisonnement par des considérations surabondantes, telles que, en l’occurrence, celles relatives à l’existence d’un contrôle étatique, de la même manière que la Cour l’a fait au
point 41 de l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1).
132 Troisièmement, dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne argue qu’il serait contraire aux objectifs de l’article 107, paragraphe 1, TFUE de présumer que toute taxe a une origine étatique, son argumentation est fondée sur une prémisse et une lecture de l’arrêt attaqué erronées.
133 En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 123 du présent arrêt, ce sont non pas les fonds alimentés par toute taxe, mais seulement ceux qui sont alimentés par une taxe obligatoire, prévue par la législation nationale, gérée et répartie conformément à cette législation, qui sont susceptibles de constituer des « ressources d’État », au sens de cette disposition. D’autre part, comme relevé au point 129 du présent arrêt, le Tribunal s’est précisément employé, ainsi qu’il ressort des
points 76 et 77 de l’arrêt attaqué, à vérifier si la surtaxe litigieuse était imposée par l’État et intégralement répercutée, par une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de cette surtaxe.
134 Quatrièmement, pour ce qui est de l’argumentation développée par la République fédérale d’Allemagne au sujet des articles 30 et 110 TFUE, il y a lieu de constater que, au point 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte, dans un motif surabondant introduit par la locution adverbiale « [p]ar ailleurs », de la jurisprudence afférente à ces dispositions. Il en a déduit que la qualité du débiteur de la taxe importait peu, pour autant que la taxe ait porté sur le produit en cause ou sur une
activité nécessaire en relation avec ce produit. Il a ajouté que l’élément décisif est alors constitué par le fait que les entités ayant perçu la taxe sont non pas simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres, mais mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État.
135 Ce point énonçant un motif surabondant, l’argumentation le critiquant est inopérante.
136 En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le Tribunal s’est référé à la jurisprudence relative aux articles 30 et 110 TFUE non pas pour apprécier la surtaxe litigieuse à l’aune de ces dispositions, mais pour corroborer son analyse de cette surtaxe au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir confondu les régimes juridiques distincts issus, respectivement, des deux premières de ces dispositions du traité FUE et de la troisième
de celles-ci.
137 Enfin, pour ce qui est des arguments des sociétés WEPA pris de l’absence, en l’espèce, d’une obligation de paiement imposée aux consommateurs finals d’électricité ainsi que de l’absence de compensation des pertes de recettes, exposés aux points 112 et 114 du présent arrêt, ils se rattachent à l’examen du bien-fondé des appréciations consacrées par le Tribunal à l’existence d’une taxe obligatoire. Ils seront donc examinés dans le cadre de cet examen.
138 Il découle des motifs qui précèdent que, sous la réserve exprimée au point précédent, la première branche ainsi que les deuxième et troisième griefs de la seconde branche du second moyen des sociétés WEPA et la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doivent être écartés comme étant, en partie, inopérants et, en partie, non fondés.
Sur l’existence d’une taxe obligatoire
– Argumentation des parties
139 Les sociétés WEPA, par certains de leurs arguments évoqués aux points 112 et 114 du présent arrêt, et la République fédérale d’Allemagne, par la deuxième branche de son moyen unique, font valoir, en substance, que, aux points 78 et 82 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale ou de charge obligatoire.
140 Les sociétés WEPA, d’une part, reprochent au Tribunal d’avoir omis de vérifier l’existence d’une obligation légale de paiement à la charge du débiteur. Selon elles, il n’est pas contesté que la décision BNetzA de 2011 ne contient pas de telle obligation et n’est pas adressée aux utilisateurs du réseau, de telle sorte que l’obligation de payer la surtaxe litigieuse était de nature purement contractuelle. À supposer même qu’il eût existé, en vertu de cette décision, une obligation de perception de
la surtaxe litigieuse et de répercussion aux utilisateurs du réseau, une telle obligation ne suffirait pas pour constater l’utilisation de ressources d’État. En outre, la BNetzA n’aurait ni fixé le montant de cette surtaxe ni collecté cette dernière. Elle ne serait investie d’aucun pouvoir de disposer des montants collectés.
141 D’autre part, les sociétés WEPA soutiennent que, ainsi qu’il ressortirait des constatations de la Commission et du Tribunal, ni la BNetzA ni aucun autre organisme étatique n’aurait assumé la responsabilité de la compensation intégrale des pertes de recettes.
142 La République fédérale d’Allemagne fait valoir, d’une part, que, notamment aux points 77, 82, 83 et 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, à tort, que la relation entre le fournisseur et le consommateur final d’électricité n’était pas déterminante pour conclure à l’existence d’une charge obligatoire, au motif erroné que la surtaxe litigieuse est prélevée non pas sur la consommation d’électricité, mais sur l’utilisation du réseau. D’autre part, aux points 84 et 86 à 89 de cet arrêt, le
Tribunal se serait erronément référé, et sans aucune motivation, à l’obligation de prélèvement et en aurait erronément déduit une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse prévue par la loi nationale. En l’absence d’obligation légale de paiement de cette surtaxe, la perception de celle-ci ne pourrait avoir eu lieu que sur le fondement des règles du droit civil. Le raisonnement du Tribunal pour parvenir à ce constat et à cette déduction serait en contradiction avec la jurisprudence de la
Cour.
143 La Commission conteste l’ensemble de ces arguments et estime que ceux avancés par la République fédérale d’Allemagne reposent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et de la jurisprudence de la Cour et qu’ils sont, en tout état de cause, inopérants.
– Appréciation de la Cour
144 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 123 du présent arrêt, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
145 En l’occurrence, après avoir apprécié, aux points 77 à 95 de l’arrêt attaqué, la surtaxe litigieuse, le Tribunal a conclu, au point 96 de cet arrêt, que cette surtaxe impliquait l’utilisation de ressources d’État. À l’appui de cette conclusion, il a relevé que la décision BNetzA de 2011 imposait aux gestionnaires de réseau de distribution l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau et de transférer les recettes correspondantes aux gestionnaires de réseau de
transport. Il a également estimé que le mécanisme de cette surtaxe assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de ladite surtaxe était adapté au montant des ressources requises en raison de cette exonération. Il a encore souligné que ce montant était déterminé selon une méthodologie fixée par la décision BNetzA de 2011, étant précisé que, pour l’année 2012, cette décision a fixé le
montant initial de la même surtaxe.
146 En premier lieu, les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne allèguent que le Tribunal a constaté, à tort, l’existence d’une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse à la charge des consommateurs finals, lesquels ont, en outre, été erronément définis comme incluant les utilisateurs du réseau.
147 Premièrement, s’agissant de l’identification des débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse, le Tribunal a considéré, au point 82 de l’arrêt attaqué, que cette surtaxe ne concernait que la relation entre les gestionnaires de réseau et les utilisateurs du réseau, dès lors que cette surtaxe est perçue en conséquence non pas de la consommation d’électricité, mais de l’utilisation du réseau. Il en a déduit, au point 83 de cet arrêt, que la question de savoir si les fournisseurs d’électricité étaient
à leur tour obligés de répercuter ladite surtaxe sur les consommateurs finals d’électricité était dénuée de pertinence. Selon lui, en effet, les débiteurs ultimes de la surtaxe étaient les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals.
148 À cet égard, la considération selon laquelle la surtaxe litigieuse est perçue en conséquence de l’utilisation du réseau et celle selon laquelle les utilisateurs du réseau doivent être appréhendés comme étant des consommateurs finals relèvent d’une appréciation factuelle. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 93 du présent arrêt, il n’appartient pas à la Cour de contrôler une telle appréciation, en l’absence de toute allégation de dénaturation.
149 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une obligation de paiement dans le chef des utilisateurs du réseau, il ressort des points 84 et 86 à 88 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a fait siennes les appréciations de la Commission selon lesquelles la décision BNetzA de 2011 imposait, aux gestionnaires de réseau de distribution, l’obligation de perception et de répercussion de la surtaxe litigieuse et que cette décision prévoyait de transférer mensuellement les recettes issues de cette surtaxe
aux différents gestionnaires de réseau de transport. Il en a conclu que la surtaxe litigieuse, introduite par une autorité administrative au moyen d’une mesure réglementaire, avait un caractère obligatoire à l’égard des utilisateurs du réseau.
150 Il ressort ainsi des constatations factuelles effectuées par le Tribunal, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler, que la décision BNetzA de 2011 obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau. Il est également constant, au vu des constatations factuelles du Tribunal aux points 12, 66 et 93 de l’arrêt attaqué, qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler, que cette décision prévoyait la méthode selon laquelle le
montant de la surtaxe litigieuse devait être déterminé, chaque année, par les gestionnaires de réseau de transport.
151 Or, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 124 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que des montants résultant d’un prélèvement obligatoire qui, tel que la surtaxe litigieuse, est imposé par une mesure réglementaire, identifiant les entités, fussent-elles privées, chargées de la perception de ce prélèvement auprès des débiteurs également identifiés par cette mesure et définissant la méthode, fût‑elle générale, permettant de déterminer le montant dudit prélèvement et son
adaptation annuelle, ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En particulier, dès lors que le même prélèvement trouve sa source dans une mesure réglementaire, qui fait obligation aux gestionnaires de réseau de le percevoir, il ne saurait être affirmé que celui-ci procède d’une simple pratique.
152 Il est indifférent, à cet égard, que la mesure réglementaire prévoie seulement une obligation de perception de la surtaxe litigieuse à la charge des gestionnaires de réseau sans identifier explicitement une obligation de paiement de cette surtaxe à la charge des utilisateurs du réseau. L’effet utile de l’obligation légale de perception de ladite surtaxe implique, en effet, nécessairement une obligation symétrique de paiement de cette taxe par ses débiteurs.
153 En second lieu, s’agissant de la compensation, évoquée par les sociétés WEPA, des coûts engendrés par l’exonération litigieuse, il y a lieu de rappeler que le Tribunal, en se référant à la décision BNetzA de 2011, a fait sienne, aux points 90, 91 et 94 de l’arrêt attaqué, la constatation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse selon laquelle le mécanisme de la surtaxe litigieuse assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en
raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de cette surtaxe était adapté à celui des ressources requises en raison de cette exonération.
154 Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 106 du présent arrêt, l’appréciation selon laquelle la méthode de détermination du montant de la surtaxe litigieuse prévue par la décision BNetzA de 2011 devait permettre de couvrir l’intégralité des coûts liés à l’exonération litigieuse relève d’une appréciation factuelle du Tribunal qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler au stade du pourvoi en l’absence de toute allégation de dénaturation, conformément à la jurisprudence rappelée au point 93 du
présent arrêt.
155 À la lumière des motifs qui précèdent, les arguments des sociétés WEPA ainsi que la deuxième branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doivent être écartés comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.
Sur le contrôle étatique
– Argumentation des parties
156 Les sociétés WEPA, par le premier grief de la seconde branche de leur second moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la troisième branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant qu’il existe un contrôle étatique sur les fonds issus de la surtaxe litigieuse.
157 La Commission estime que ce premier grief ainsi que cette troisième branche sont non fondés et, en tout hypothèse, inopérants.
– Appréciation de la Cour
158 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 122 à 126 du présent arrêt, l’existence d’une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation et l’existence d’un contrôle étatique sur les sommes en cause constituent deux critères alternatifs permettant d’identifier des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
159 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 96 de l’arrêt attaqué, que la surtaxe litigieuse constituait une taxe parafiscale ou une charge obligatoire impliquant l’usage de « ressources d’État », au sens de cette jurisprudence. Ainsi qu’il ressort des points 144 à 155 du présent arrêt, les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne ne sont pas parvenues à démontrer que cette constatation du Tribunal est entachée d’une erreur de droit.
160 Or, ladite constatation est, à elle seule, suffisante pour considérer que la mesure en cause était octroyée au moyen de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sans qu’il soit besoin d’examiner si les sommes en cause étaient sous contrôle étatique.
161 Partant, le premier grief de la seconde branche du second moyen soulevé par les sociétés WEPA et la troisième branche du moyen unique de la République fédérale d’Allemagne sont inopérants.
162 Il découle de l’ensemble des motifs qui précèdent que le second moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑795/21 P ainsi que le moyen unique soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C‑796/21 P doivent être écartés dans leur intégralité.
163 Par conséquent, l’ensemble des moyens soulevés à l’appui des pourvois principaux dans les affaires C‑795/21 P et C‑796/21 P ayant été rejetés, ces pourvois doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur les dépens
164 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, rendus applicables à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.
165 En l’occurrence, les sociétés WEPA et la République fédérale d’Allemagne ont succombé dans l’ensemble de leurs conclusions concernant, respectivement, le pourvoi principal dans l’affaire C‑795/21 P et le pourvoi principal dans l’affaire C‑796/21 P, tandis que la Commission a succombé dans l’ensemble de ses conclusions concernant les pourvois incidents dans ces affaires.
166 Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) Les pourvois principaux et les pourvois incidents sont rejetés.
2) WEPA Hygieneprodukte GmbH, WEPA Deutschland GmbH & Co. KG, la République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.