ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
4 octobre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Politique commerciale commune – Accords internationaux – Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part – Modification des protocoles no 1 et no 4 de l’accord euro-méditerranéen – Règlement (UE) no 1169/2011 – Article 9 – Article 26, paragraphe 2 – Règlement d’exécution (UE) no 543/2011 – Article 3, paragraphes 1 et 2 – Article 5, paragraphes 1 et 2 – Article 8 –
Article 15, paragraphes 1 et 4 – Annexe I – Annexe IV – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 76 – Information des consommateurs sur les denrées alimentaires – Mention obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance d’une denrée alimentaire – Fruits et légumes récoltés au Sahara occidental – Demande adressée à un État membre d’interdire unilatéralement les importations de ces produits sur son territoire – Mention obligatoire du Sahara occidental en tant que lieu de provenance des tomates et
des melons récoltés sur ce territoire »
Dans l’affaire C‑399/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 9 juin 2022, parvenue à la Cour le 15 juin 2022, dans la procédure
Confédération paysanne
contre
Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire,
Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, MM. A. Arabadjiev, C. Lycourgos, E. Regan, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, présidents de chambre, MM. S. Rodin, I. Jarukaitis, A. Kumin, N. Jääskinen (rapporteur), Mme M. L. Arastey Sahún et M. M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2023,
considérant les observations présentées :
– pour la Confédération paysanne, par Me G. Devers, avocat,
– pour le gouvernement français, par MM. G. Bain, J.-L. Carré, B. Herbaut, T. Stéhelin et Mme B. Travard, en qualité d’agents,
– pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. F. Naert et V. Piessevaux, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Bouquet, D. Calleja Crespo, Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 24 octobre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement
européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18), notamment de ses articles 9 et 26, du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), notamment de son
article 76, du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 594/2013 de la Commission, du 21 juin 2013 (JO 2013, L 170, p. 43) (ci-après le « règlement d’exécution no 543/2011 »), du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen
et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »), et de la décision (UE) 2019/217 du Conseil, du 28 janvier 2019, relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une
part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2019, L 34, p. 1), ainsi que sur la validité de cette décision au regard de l’article 3, paragraphe 5, et de l’article 21 TUE ainsi que de l’article 1er de la charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Confédération paysanne, un syndicat agricole français, au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (France) ainsi qu’au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (France) au sujet de la légalité d’une décision implicite de rejet opposée par ces derniers à sa demande de prendre un arrêté prohibant l’importation des tomates cerises et des melons charentais récoltés sur le
territoire du Sahara occidental (ci-après les « produits en cause au principal »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement d’exécution no 543/2011
3 Les considérants 4, 8, 12 et 16 du règlement d’exécution no 543/2011 énoncent :
« (4) L’article 113, paragraphe 1, points b) et c), du règlement (CE) no 1234/2007 [du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1),] autorise la Commission [européenne] à prévoir des normes de commercialisation, respectivement pour les fruits et légumes et les fruits et légumes transformés. En vertu de l’article 113 bis,
paragraphe 1, dudit règlement, les fruits et légumes qui sont destinés à être vendus à l’état frais au consommateur ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué. Pour harmoniser la mise en œuvre de cette disposition, il convient de la préciser et de prévoir une norme générale de commercialisation pour tous les fruits et légumes frais.
[...]
(8) Il convient que les mentions requises par les normes de commercialisation figurent clairement sur l’emballage et/ou l’étiquette. Pour empêcher les fraudes et éviter que le consommateur ne soit induit en erreur, il convient que les mentions requises dans le cadre des normes soient accessibles au consommateur avant l’achat, en particulier dans le cas de la vente à distance, dans lequel l’expérience a montré qu’il existe des risques de fraude et de contournement de la protection du consommateur
prévue par les normes.
[...]
(12) Il convient que chaque État membre désigne les organismes de contrôle responsables de l’exécution des contrôles de conformité à chaque stade de la commercialisation. L’un de ces organismes devrait être chargé des contacts et de la coordination entre tous les autres organismes désignés.
[...]
(16) Il convient également que les importations de fruits et légumes en provenance de pays tiers soient conformes aux normes de commercialisation ou à des normes équivalentes à celles-ci. Les contrôles de conformité doivent donc être effectués avant l’introduction de ces marchandises sur le territoire douanier de l’Union [européenne], sauf pour les lots de petite taille pour lesquels les organismes de contrôle estiment qu’il y a peu de risques de non-conformité. Dans certains pays tiers qui
offrent des garanties satisfaisantes de la conformité avec les normes, les contrôles avant exportation peuvent être exécutés par les organismes de contrôle desdits pays tiers. Lorsque cette possibilité est mise en œuvre, il convient que les États membres vérifient régulièrement l’efficacité et la qualité des contrôles avant exportation effectués par les organismes de contrôle des pays tiers. »
4 Sous l’intitulé « Normes de commercialisation ; détenteurs », l’article 3 de ce règlement d’exécution énonce :
« 1. Les exigences énoncées à l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 sont désignées comme norme générale de commercialisation. Le détail de la norme générale de commercialisation est présenté à l’annexe I, partie A, du présent règlement.
Les fruits et légumes qui ne relèvent pas d’une norme de commercialisation spécifique doivent être conformes à la norme générale de commercialisation. [...]
2. Les normes de commercialisation spécifiques visées à l’article 113, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 1234/2007 figurent à l’annexe I, partie B, du présent règlement pour les produits suivants :
[...]
j) tomates.
[...] »
5 L’article 5 dudit règlement d’exécution, intitulé « Mentions prévues », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les mentions requises au titre du présent chapitre sont indiquées de manière lisible, visible et indélébile sur l’un des côtés de l’emballage, soit par impression directe, soit au moyen d’une étiquette intégrée ou fixée au colis.
2. Pour les marchandises expédiées en vrac, chargées directement sur un moyen de transport, les mentions visées au paragraphe 1 doivent figurer sur un document accompagnant les marchandises ou sur une fiche placée visiblement à l’intérieur du moyen de transport. »
6 Le titre II du règlement d’exécution no 543/2011 comprend un chapitre II, intitulé « Contrôles de la conformité avec les normes de commercialisation », qui comporte l’article 8 de ce règlement d’exécution, intitulé « Champ d’application », lequel est ainsi libellé :
« Le présent chapitre fixe les règles relatives aux contrôles de conformité, c’est-à-dire aux contrôles effectués sur les fruits et légumes à tous les stades de la commercialisation, en vue de vérifier leur conformité avec les normes de commercialisation et avec les autres dispositions du présent titre ainsi que des articles 113 et 113 bis du règlement (CE) no 1234/2007. »
7 L’article 15 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulé « Agrément des contrôles de conformité réalisés par les pays tiers avant l’importation dans l’Union », prévoit, à ses paragraphes 1 et 4 :
« 1. À la demande d’un pays tiers, la Commission peut agréer, conformément à la procédure visée à l’article 195, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1234/2007, les contrôles de conformité avec les normes de commercialisation effectués par ce pays tiers avant l’importation dans l’Union.
[...]
4. Les pays tiers dans lesquels les contrôles de conformité ont été agréés en vertu du présent article et les produits concernés sont mentionnés à l’annexe IV.
[...] »
8 Aux termes de l’article 17, paragraphe 3, premier et cinquième alinéas, de ce règlement d’exécution :
« En cas de non-conformité, l’organisme de contrôle émet un constat de non-conformité à l’attention de l’opérateur ou de ses représentants. Les marchandises ayant fait l’objet d’un constat de non-conformité ne peuvent pas être déplacées sans autorisation de l’organisme de contrôle qui a émis ce constat. Cette autorisation peut être subordonnée au respect des conditions fixées par l’organisme de contrôle.
[...]
Lorsque les marchandises ne peuvent ni être mises en conformité, ni être destinées à l’alimentation animale, à la transformation industrielle ou à toute autre utilisation non alimentaire, l’organisme de contrôle peut, si nécessaire, demander aux opérateurs de prendre les mesures adéquates afin de s’assurer que les produits en cause ne seront pas commercialisés. Les opérateurs fournissent les informations jugées nécessaires par les États membres aux fins de l’application du présent paragraphe. »
9 L’article 18, paragraphe 2, dudit règlement d’exécution énonce :
« Tout État membre sur le territoire duquel la mise en libre pratique a été refusée pour un envoi de marchandises en provenance d’un pays tiers en raison de leur non-conformité avec les normes de commercialisation en informe immédiatement la Commission, les autres États membres susceptibles d’être concernés, ainsi que le pays tiers concerné figurant sur la liste de l’annexe IV. »
10 L’annexe I du règlement d’exécution no 543/2011, relative aux normes de commercialisation visées à l’article 3 de ce règlement d’exécution, mentionne, comme norme générale de commercialisation, au point 4 de sa partie A, le marquage de l’origine des produits, plus particulièrement du nom complet du pays d’origine des produits. La norme de commercialisation applicable aux tomates, figurant à la partie 10 de la partie B de l’annexe I dudit règlement d’exécution prévoit que chaque colis doit porter
en caractères groupés sur un même côté, lisibles, indélébiles et visibles de l’extérieur, des indications relatives au pays d’origine et, éventuellement, à la zone de production.
11 Le Maroc figure à l’annexe IV du règlement d’exécution no 543/2011 parmi les pays tiers dont les contrôles de conformité ont été agréés conformément à l’article 15 pour les « fruits et légumes frais ».
Le règlement no 1169/2011
12 L’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011 énonce :
« Le présent règlement s’applique sans préjudice des exigences d’étiquetage prévues par des dispositions particulières de l’Union applicables à certaines denrées alimentaires. »
13 L’article 9 de ce règlement, intitulé « Liste des mentions obligatoires », prévoit, à son paragraphe 1, sous i) :
« Conformément aux articles 10 à 35, et sous réserve des exceptions prévues dans le présent chapitre, les mentions suivantes sont obligatoires :
[...]
i) le pays d’origine ou le lieu de provenance lorsqu’il est prévu à l’article 26 ».
14 L’article 26 dudit règlement, intitulé « Pays d’origine ou lieu de provenance », dispose, à son paragraphe 2, sous a) :
« L’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire :
a) dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l’étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d’origine ou un lieu de provenance différent ».
Le code des douanes de l’Union
15 L’article 59 du code des douanes de l’Union prévoit :
« Les articles 60 et 61 fixent les règles pour la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises aux fins de l’application :
[...]
c) d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises. »
16 L’article 60 de ce code, intitulé « Acquisition de l’origine », est libellé comme suit :
« 1. Les marchandises entièrement obtenues dans un même pays ou territoire sont considérées comme originaires de ce pays ou territoire.
2. Les marchandises dans la production de laquelle interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important. »
17 L’article 134 dudit code, intitulé « Surveillance douanière », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les marchandises qui sont introduites sur le territoire douanier de l’Union sont, dès cette introduction, soumises à la surveillance douanière et peuvent faire l’objet de contrôles douaniers. Le cas échéant, elles peuvent faire l’objet de mesures de prohibition ou de restriction justifiées, entre autres, par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection de
l’environnement, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique et la protection de la propriété industrielle ou commerciale, y compris le contrôle des précurseurs chimiques, des marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle et des sommes d’argent liquide, ainsi que la mise en œuvre de mesures de conservation et de gestion des ressources de pêche et de mesures de politique commerciale.
Elles restent sous cette surveillance aussi longtemps qu’il est nécessaire pour déterminer leur statut douanier et ne peuvent y être soustraites sans l’autorisation des autorités douanières.
Sans préjudice de l’article 254, les marchandises de l’Union ne font pas l’objet d’une surveillance douanière une fois leur statut douanier établi.
Les marchandises non Union restent sous surveillance douanière, soit jusqu’à ce qu’elles changent de statut douanier, soit jusqu’à ce qu’elles soient sorties du territoire douanier de l’Union ou détruites. »
Le règlement no 1308/2013
18 L’article 74 du règlement no 1308/2013, intitulé « Principe général », énonce :
« Les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été fixées par secteur ou par produit conformément à la présente section ne peuvent être commercialisés dans l’Union que s’ils sont conformes auxdites normes. »
19 L’article 75 de ce règlement prévoit :
« 1. Des normes de commercialisation peuvent s’appliquer à l’un ou plusieurs des produits et secteurs suivants :
[...]
b) fruits et légumes ;
[...]
3. Sans préjudice de l’article 26 du règlement [no 1169/2011], les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 peuvent porter sur un ou plusieurs des éléments énumérés ci-après, déterminés sur la base des secteurs ou des produits et en fonction des caractéristiques de chaque secteur, de la nécessité de réglementer la mise sur le marché et des conditions énoncées au paragraphe 5 du présent article :
[...]
j) le lieu de production et/ou l’origine (à l’exclusion de la viande de volaille et des matières grasses tartinables) ;
[...] »
20 L’article 76 du règlement no 1308/2013, intitulé « Exigences supplémentaires pour la commercialisation de produits dans le secteur des fruits et légumes », dispose :
« 1. En plus des normes de commercialisation visées à l’article 75 qui sont applicables, le cas échéant, aux produits du secteur des fruits et légumes destinés à être vendus frais au consommateur, ceux-ci ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué.
2. Les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 et toute norme de commercialisation applicable au secteur des fruits et légumes prévue conformément à la présente sous-section s’appliquent à tous les stades de commercialisation, y compris à l’importation et à l’exportation, et comprennent la qualité, le classement en catégories, le poids, la taille, le conditionnement, l’emballage, le stockage, le transport, la présentation et la commercialisation.
3. Le détenteur de produits du secteur des fruits et légumes couverts par les normes de commercialisation ne peut exposer ces produits, les mettre en vente, les livrer ou les commercialiser à l’intérieur de l’Union d’une manière qui ne soit pas conforme à ces normes et il est responsable du respect de cette conformité.
[...] »
21 La partie III de ce règlement, intitulée « Échanges avec les pays tiers », comprend un article 194, intitulé « Mesures de sauvegarde », qui prévoit :
« 1. Des mesures de sauvegarde à l’égard des importations dans l’Union sont prises par la Commission, sous réserve du paragraphe 3, conformément aux règlements (CE) no 260/2009 [du Conseil, du 26 février 2009, relatif au régime commun applicable aux importations (JO 2009, L 84, p. 1),] et (CE) no 625/2009 du Conseil [, du 7 juillet 2009, relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers (JO 2009, L 185, p. 1)].
2. Sauf dispositions contraires de tout autre acte du Parlement européen et du Conseil [de l’Union européenne] et de tout autre acte du Conseil, des mesures de sauvegarde à l’égard des importations dans l’Union prévues dans le cadre des accords internationaux conclus conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont prises par la Commission en application du paragraphe 3.
3. La Commission peut adopter des actes d’exécution établissant les mesures visées aux paragraphes 1 et 2, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative. [...]
Lorsque la Commission est saisie d’une demande par un État membre, elle prend, au moyen d’actes d’exécution, une décision dans les cinq jours ouvrables qui suivent la réception de cette demande. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 229, paragraphe 2.
Pour des raisons d’urgence impérieuses dûment justifiées, la Commission adopte des actes d’exécution immédiatement applicables en conformité avec la procédure visée à l’article 229, paragraphe 3.
Les mesures adoptées sont communiquées aux États membres et prennent effet immédiatement.
4. La Commission peut adopter des actes d’exécution visant à abroger ou à modifier les mesures de sauvegarde adoptées en application du paragraphe 3. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 229, paragraphe 2. Pour des raisons d’urgence impérieuses dûment justifiées, la Commission adopte des actes d’exécution immédiatement applicables en conformité avec la procédure visée à l’article 229, paragraphe 3. »
Le règlement (UE) 2015/478
22 L’article 1er du règlement (UE) 2015/478 du Parlement et du Conseil, du 11 mars 2015, relatif au régime commun applicable aux importations (JO 2015, L 83, p. 16, ci-après le « règlement de base sur les sauvegardes »), dispose :
« 1. Le présent règlement s’applique aux importations de produits originaires des pays tiers, à l’exception :
a) des produits textiles soumis à des règles d’importation spécifiques en vertu du règlement (CE) no 517/94 [du Conseil, du 7 mars 1994, relatif au régime commun applicable aux importations de produits textiles en provenance de certains pays tiers non couverts par des accords, protocoles ou autres arrangements bilatéraux, ou par d’autres régimes communautaires spécifiques d’importation (JO 1994, L 67, p. 1)] ;
b) des produits originaires de certains pays tiers énumérés dans le règlement [no 625/2009].
2. L’importation dans l’Union des produits visés au paragraphe 1 est libre et n’est donc soumise à aucune restriction quantitative, sans préjudice des mesures de sauvegarde pouvant être prises en vertu du chapitre V. »
23 L’article 15 du règlement de base sur les sauvegardes prévoit :
« 1. Lorsqu’un produit est importé dans l’Union en quantités tellement accrues et/ou à des conditions ou selon des modalités telles qu’un dommage grave est causé ou risque d’être causé aux producteurs de l’Union, la Commission, afin de sauvegarder les intérêts de l’Union, peut, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative :
a) abréger la durée de validité des documents de surveillance, au sens de l’article 11, qui sont émis après l’entrée en vigueur de cette mesure ;
b) modifier le régime d’importation du produit en question en subordonnant sa mise en libre pratique à la présentation d’une autorisation d’importation à octroyer selon les modalités et dans les limites qu’elle définit.
Les mesures visées aux points a) et b) prennent effet immédiatement.
2. À l’égard des membres de l’[Organisation mondiale du commerce (OMC)], les mesures visées au paragraphe 1 ne sont prises que lorsque les deux conditions indiquées au premier alinéa dudit paragraphe sont réunies.
[...]
5. Les mesures visées au présent article s’appliquent à tout produit mis en libre pratique après leur entrée en vigueur. Elles peuvent, conformément à l’article 17, être limitées à une ou à plusieurs régions de l’Union.
Toutefois, ces mesures ne s’opposent pas à la mise en libre pratique des produits qui sont en cours d’acheminement vers l’Union, à condition que ces derniers ne puissent recevoir une autre destination et que ceux dont la mise en libre pratique est, en vertu des articles 10 et 11, subordonnée à la présentation d’un document de surveillance, soient effectivement accompagnés d’un tel document.
6. Lorsqu’un État membre a demandé l’intervention de la Commission, celle-ci, statuant conformément à la procédure d’examen visée à l’article 3, paragraphe 3, ou, en cas d’urgence, conformément à l’article 3, paragraphe 4, se prononce dans un délai maximal de cinq jours ouvrables à compter de la date de la réception de la demande. »
24 L’article 24, paragraphe 2, sous a), du même règlement prévoit :
« Sans préjudice d’autres dispositions de l’Union, le présent règlement ne fait pas obstacle à l’adoption ou à l’application par les États membres :
a) d’interdictions, de restrictions quantitatives ou de mesures de surveillance justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique, ou de protection de la propriété industrielle et commerciale ».
La décision 2019/217
25 L’article 1er de la décision 2019/217 dispose que l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de l’accord euro‑méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2019, L 34, p. 4, ci-après l’« accord sous forme d’échange de lettres »), est approuvé au nom de l’Union.
26 L’accord sous forme d’échange de lettres énonce :
« L’[Union] et le Royaume du Maroc sont convenus d’insérer la déclaration commune ci-après à la suite du protocole no 4 de l’[accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, qui a été signé à Bruxelles le 26 février 1996 (JO 2000, L 70, p. 2, ci-après l’“accord d’association”)] :
“Déclaration commune concernant l’application des protocoles no 1 et no 4 de l’[accord d’association]
1. Les produits originaires du Sahara occidental qui sont soumis au contrôle des autorités douanières du Royaume du Maroc bénéficient des mêmes préférences commerciales que celles accordées par l’[Union] aux produits couverts par l’accord d’association.
2. Le protocole no 4 s’applique mutatis mutandis aux fins de la définition du caractère originaire des produits visés au paragraphe 1, y compris pour ce qui concerne les preuves de l’origine.
3. Les autorités douanières des États membres de l’[Union] et du Royaume du Maroc sont chargées d’assurer l’application du protocole no 4 à ces produits.” »
Le droit français
27 Aux termes de l’article 23 bis du code des douanes français :
« Sous réserve de l’application des accords internationaux, l’importation des denrées, matières et produits de toute nature et de toutes origines, qui ne satisfont pas aux obligations législatives ou réglementaires imposées en matière de commercialisation ou de vente, aux denrées, matières ou produits similaires nationaux, peut être prohibée ou réglementée par des arrêtés conjoints du ministre de l’[É]conomie et des [F]inances, du ministre responsable de la [R]essource et du ministre de
l’[A]griculture chargé de la répression des fraudes. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
28 Le 2 octobre 2020, la Confédération paysanne a saisi le Conseil d’État (France), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite de rejet du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ainsi que du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de sa demande de prendre un arrêté prohibant l’importation des produits en cause au principal en application de l’article 23 bis du code des
douanes français et, d’autre part, à enjoindre ces ministres de prendre ledit arrêté. Elle fait valoir, en substance, que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc et que, par conséquent, l’étiquetage indiquant que les produits en cause au principal sont originaires du Maroc viole les dispositions du droit de l’Union relatives à l’information des consommateurs sur l’origine des fruits et des légumes mis à la vente.
29 La juridiction de renvoi rappelle, en premier lieu, qu’il ressort de la réglementation pertinente du droit de l’Union que l’exigence de mentionner le pays ou le territoire d’origine d’un produit doit, en principe, être respectée dès le stade de l’importation de ce produit. Elle observe également que cette réglementation ne confère pas expressément de compétence aux États membres pour adopter des mesures d’interdiction des importations de produits qui ne sont pas conformes à cette exigence.
Cependant, elle estime qu’une telle mesure pourrait être justifiée notamment dans l’hypothèse où la méconnaissance de ladite réglementation présente un caractère « massif » qui rend difficile la réalisation de contrôles une fois que les produits concernés sont disséminés sur le territoire de l’Union.
30 Par conséquent, cette juridiction s’interroge quant à la possibilité d’interpréter la même réglementation en ce sens qu’elle autorise un État membre à adopter une mesure nationale d’interdiction des importations, en provenance d’un pays tiers, de produits dont l’étiquetage ne mentionne pas correctement le pays ou le territoire dont ils proviennent, lorsque cette pratique présente un caractère « massif » qui rend le contrôle de ces produits difficile une fois qu’ils se trouvent sur le territoire
de l’Union.
31 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi rappelle que, par les arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973), et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118), la Cour a jugé qu’il résultait du principe d’autodétermination et du principe de l’effet relatif des traités que le territoire du Sahara occidental ne pouvait être considéré comme faisant partie du territoire du Royaume du Maroc, au sens de l’accord d’association ainsi que des
accords qui lui sont subordonnés. Toutefois, elle observe que, postérieurement à ces arrêts, le Royaume du Maroc et l’Union ont conclu l’accord sous forme d’échange de lettres, lequel a été approuvé par la décision 2019/217. Cet accord étend aux produits originaires du Sahara occidental le bénéfice des préférences tarifaires octroyées aux produits d’origine marocaine exportés vers l’Union.
32 Cette juridiction ajoute que, si la décision 2019/217 a été annulée par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T‑279/19, EU:T:2021:639), ses effets ont néanmoins été maintenus jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur le pourvoi introduit par la Commission contre ledit arrêt. Par conséquent, elle indique que, dans l’hypothèse où un État membre pourrait être autorisé à adopter une mesure nationale d’interdiction des importations de
produits dont l’étiquetage ne mentionne pas correctement le pays ou le territoire dont ils proviennent, la question se poserait de savoir, d’une part, si l’accord sous forme d’échange de lettres doit être interprété en ce sens que les produits en cause au principal ont comme pays d’origine le Royaume du Maroc et, d’autre part, si les autorités marocaines sont compétentes pour délivrer les certificats de conformité prévus par le règlement d’exécution no 543/2011.
33 En troisième lieu, la juridiction de renvoi estime que, en cas de réponse affirmative à cette question, il conviendrait de s’interroger également sur le point de savoir si la décision 2019/217 est conforme à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21 TUE, ainsi qu’au principe coutumier d’autodétermination rappelé notamment à l’article 1er de la charte des Nations unies.
34 Enfin, en quatrième lieu, la juridiction de renvoi se demande si, compte tenu des appréciations portant sur la situation du territoire du Sahara occidental qui figurent dans les arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973), et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118), la réglementation pertinente du droit de l’Union doit être interprétée en ce sens que, au stade de l’importation des produits en cause au principal comme à celui de
leur vente au consommateur, l’étiquetage desdits produits peut mentionner le Royaume du Maroc au titre du pays d’origine ou s’il doit seulement mentionner le territoire du Sahara occidental.
35 Dans ces circonstances, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions du règlement no 1169/2011, du règlement no 1308/2013, du [règlement d’exécution no 543/2011] et du [code des douanes de l’Union] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles autorisent un État membre à adopter une mesure nationale d’interdiction des importations, en provenance d’un pays déterminé, de fruits et légumes qui méconnaissent l’article 26 du règlement no 1169/2011 et l’article 76 du règlement no 1308/2013 faute de mentionner le pays ou territoire dont ils
sont réellement originaires, notamment lorsque cette méconnaissance présente un caractère massif et qu’elle peut difficilement être contrôlée une fois les produits entrés sur le territoire de l’Union ?
2) En cas de réponse [affirmative] à la première question, l’accord sous forme d’échange de lettres, approuvé par [la] décision [2019/217], doit-il être interprété en ce sens que, pour l’application des articles 9 et 26 du [règlement no 1169/2011] et de l’article 76 du [règlement no 1308/2013], d’une part, les fruits et légumes récoltés sur le territoire du Sahara occidental ont comme pays d’origine le Maroc et, d’autre part, les autorités marocaines sont compétentes pour délivrer les certificats
de conformité prévus par le [règlement d’exécution no 543/2011] aux fruits et légumes récoltés sur ce territoire ?
3) En cas de réponse [affirmative] à la deuxième question, la décision [2019/217] est-elle conforme à l’article 3, paragraphe 5, [et] à l’article 21 TUE [ainsi qu’]au principe coutumier d’autodétermination rappelé notamment à l’article 1er de la Charte des Nations unies ?
4) Les articles 9 et 26 du [règlement no 1169/2011] et l’article 76 du [règlement no 1308/2013] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’au stade de l’importation comme de la vente au consommateur, l’emballage des fruits et légumes récoltés sur le territoire du Sahara occidental ne peut mentionner le Maroc au titre du pays d’origine mais doit faire mention du territoire du Sahara occidental ? »
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
36 La décision 2019/217 a été annulée par l’arrêt du Tribunal du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T‑279/19, EU:T:2021:639).
37 Par l’arrêt de ce jour, Commission et Conseil/Front Polisario (C‑779/21 P et C‑799/21 P), la Cour a rejeté les pourvois introduits contre cet arrêt du Tribunal.
38 Ainsi qu’il ressort de l’arrêt de ce jour, Commission et Conseil/Front Polisario (C‑779/21 P et C‑799/21 P), les effets de cette décision sont maintenus jusqu’au 4 octobre 2025. Il s’ensuit que les protocoles no 1 et no 4 de l’accord d’association, tels que modifiés par l’accord sous forme d’échange de lettres, peuvent continuer, jusqu’à cette date, à régir les importations dans l’Union des produits en cause au principal.
39 Partant, les importations de ces produits n’ont pas été et ne sont toujours pas, à ce stade, affectées par le constat d’invalidité de la décision 2019/217. Il demeure donc nécessaire de déterminer, en réponse aux première et quatrième questions, quelle indication d’origine doit assortir ces produits et quel type de mesure de sauvegarde peut être pris par un État membre lorsqu’il s’avère que lesdits produits sont systématiquement assortis d’une indication d’origine erronée.
Sur la première question
40 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le
juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question. En effet, la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à
cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige [arrêt du 22 décembre 2022, Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air), C‑61/21, EU:C:2022:1015, point 34 ainsi que jurisprudence citée].
41 En l’occurrence, il ressort des explications données par la juridiction de renvoi que la Confédération paysanne a, en substance, demandé au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ainsi qu’au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique d’adopter un arrêté prohibant l’importation, depuis le territoire du Sahara occidental, des produits en cause au principal au motif que la mention du pays d’origine qui figurait sur l’étiquetage desdits
produits était erronée. Par sa première question, la juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union et, plus particulièrement, le règlement no 1169/2011, le règlement no 1308/2013, le règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que le code des douanes de l’Union autorisent l’adoption d’une telle mesure par un État membre.
42 Comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 21 de ses conclusions, l’importation des marchandises dans l’Union relève du champ des relations commerciales que celle-ci entretient avec les pays tiers ou les organisations internationales, lesquelles sont régies par la politique commerciale commune, conformément au paragraphe 1 de l’article 207 TFUE.
43 En effet, il résulte de cette disposition, et en particulier de la seconde phrase de ce paragraphe 1 aux termes de laquelle la politique commerciale commune s’inscrit dans le cadre de « l’action extérieure de l’Union », que ladite politique est relative aux échanges commerciaux avec les États tiers (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, C‑414/11, EU:C:2013:520, point 50, ainsi que du 22 octobre 2013, Commission/Conseil, C‑137/12, EU:C:2013:675,
point 56).
44 Or, dès lors que la première question posée par la juridiction de renvoi porte sur l’importation des produits en cause au principal dans un État membre et non pas sur les conditions de leur vente, c’est au regard des actes du droit de l’Union régissant la politique commerciale commune, ou de dispositions relatives à des instruments de politique commerciale figurant dans d’autres actes du droit de l’Union, qu’il convient de l’examiner.
45 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 207 TFUE, le règlement de base sur les sauvegardes et le règlement no 1308/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un État membre d’adopter unilatéralement une mesure prohibant l’importation de produits agricoles dont l’étiquetage est systématiquement non conforme à la législation de l’Union relative à l’indication du pays ou du
territoire d’origine.
46 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE attribue à l’Union une compétence exclusive dans le domaine de la politique commerciale commune. Conformément à l’article 207, paragraphe 1, TFUE, cette politique est fondée sur des principes uniformes et elle est menée dans le cadre des principes et des objectifs de l’action extérieure de l’Union.
47 D’autre part, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, lorsque les traités attribuent à l’Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans un tel domaine uniquement s’ils y sont habilités par l’Union ou pour mettre en œuvre les actes de l’Union.
48 Il s’ensuit que les États membres ne peuvent pas adopter unilatéralement une mesure prohibant l’importation d’une catégorie de produits provenant d’un territoire ou d’un pays tiers, ladite importation étant par ailleurs admise et réglée par un accord commercial conclu par l’Union, sauf s’ils y sont expressément habilités par le droit de l’Union.
49 À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 1er du règlement de base sur les sauvegardes prévoit, en substance, que, à l’exception des produits textiles et des produits issus de certains pays tiers, parmi lesquels ne figurent ni le Royaume du Maroc ni le Sahara occidental, l’importation dans l’Union des produits originaires des pays tiers est libre et n’est donc soumise à aucune restriction quantitative, tout en ajoutant que cela est sans préjudice des mesures de sauvegarde pouvant être
prises en vertu du chapitre V de ce règlement. Il ressort de l’article 15, paragraphe 1, dudit règlement que, en cas de risque de dommage grave causé aux producteurs de l’Union, des mesures de sauvegarde sont adoptées par la Commission à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative.
50 En outre, l’article 194 du règlement no 1308/2013, qui figure dans la partie III de ce règlement consacrée aux échanges avec les pays tiers, établit un régime de sauvegarde analogue à celui qui découle de l’article 15 du règlement de base sur les sauvegardes, en ce qu’il est également fondé sur des mesures prises par la Commission à l’égard des importations dans l’Union de produits entrant dans le champ d’application du règlement no 1308/2013.
51 Par conséquent, les dispositions relatives aux mesures de sauvegarde pouvant être adoptées conformément aux deux règlements mentionnés aux points 49et 50 du présent arrêt ne permettent pas à un État membre d’adopter unilatéralement une mesure prohibant certaines importations de produits dans l’Union.
52 Certes, l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes prévoit que ce règlement ne fait pas obstacle à l’adoption ou à l’application, par les États membres, « d’interdictions, de restrictions quantitatives ou de mesures de surveillance justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une
valeur artistique, historique ou archéologique, ou de protection de la propriété industrielle et commerciale ». Comme l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 40 de ses conclusions, cette disposition permet, pour des raisons comparables à celles visées à l’article 36 TFUE en ce qui concerne l’aspect interne du marché unique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 mai 2002, Expo Casa Manta, C‑296/00, EU:C:2002:316, point 34), d’interférer avec la liberté des importations
dans l’Union prévue à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base sur les sauvegardes.
53 Toutefois, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 24, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, cette disposition est sans préjudice d’autres dispositions pertinentes du droit de l’Union. Dans un cas tel que celui au principal, qui concerne l’importation de produits agricoles, ces autres dispositions pertinentes comportent, notamment, l’article 194 du règlement no 1308/2013, lequel réserve, ainsi qu’il a été relevé au point 50 du présent arrêt, à la Commission la compétence pour prendre
des mesures de sauvegarde à l’égard des importations dans l’Union de produits entrant dans le champ d’application du règlement no 1308/2013. L’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes ne saurait, par conséquent, être compris en ce sens qu’il habilite les États membres à adopter, unilatéralement, des mesures de sauvegarde à l’égard de l’importation de produits agricoles.
54 Au demeurant, la mesure générale de prohibition de l’importation des produits en cause au principal dont l’adoption par la République française est réclamée, en l’occurrence, par la Confédération paysanne vise, selon cette dernière, à garantir le respect des dispositions du droit de l’Union relatives à l’information des consommateurs sur l’origine des fruits et des légumes mis à la vente. Cependant, dans l’hypothèse d’une méconnaissance généralisée desdites dispositions par les exportateurs, il
appartiendrait, le cas échéant, non pas à un État membre, mais à la Commission d’intervenir dans le cadre fixé par les mécanismes de coopération prévus par l’accord d’association.
55 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 207 TFUE, le règlement de base sur les sauvegardes et le règlement no 1308/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne permettent pas à un État membre d’adopter unilatéralement une mesure prohibant l’importation de produits agricoles dont l’étiquetage est systématiquement non conforme à la législation de l’Union relative à l’indication du pays ou du territoire d’origine.
Sur les deuxième et troisième questions
56 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi ne pose les deuxième et troisième questions que dans l’hypothèse où la Cour estimerait devoir répondre de manière affirmative à la première question.
57 Or, ainsi qu’il est conclu au point 55 du présent arrêt, cette première question appelle une réponse négative.
58 Par conséquent, il n’y a lieu de répondre ni à la deuxième ni à la troisième questions.
Sur la quatrième question
Sur la recevabilité
59 Le gouvernement français et la Commission considèrent, en substance, que, s’il découlait de la réponse à la première question que l’adoption d’une mesure telle que celle ayant été sollicitée par la partie requérante au principal ne peut être compatible avec le droit de l’Union, la question de savoir si les produits en cause au principal respectent effectivement la réglementation de l’Union en matière d’indication de la provenance des denrées alimentaires ne serait pas pertinente pour trancher le
litige dont est saisie la juridiction de renvoi.
60 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des
questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 21 mars 2023, Mercedes-Benz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation), C‑100/21, EU:C:2023:229, point 52 et jurisprudence citée].
61 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de
droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 21 mars 2023, Mercedes-Benz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation), C‑100/21, EU:C:2023:229, point 53 et jurisprudence citée].
62 En l’occurrence, si la première question ne porte que sur l’importation des produits en cause au principal, la quatrième question vise, en revanche, tant le stade de l’importation desdits produits que celui de leur vente aux consommateurs. Dans ses observations écrites, la Confédération paysanne évoque d’ailleurs, à de nombreuses reprises, la nécessité d’une mention correcte de l’origine des produits en cause au principal aux fins de leur commercialisation.
63 Ainsi, la juridiction de renvoi indique que la réponse aux moyens soulevés dans le recours au principal implique de déterminer si, aussi bien au stade de l’importation des produits en cause au principal qu’à celui de leur commercialisation, l’emballage desdits produits doit mentionner le territoire du Sahara occidental et non pas celui du Royaume du Maroc en tant que pays d’origine.
64 Il résulte de ce qui précède que la quatrième question porte sur l’interprétation de dispositions du droit de l’Union qui ont un rapport avec l’objet du litige au principal. Dans ce contexte, ladite question doit être considérée comme étant pertinente, au sens de la jurisprudence citée au point 60 du présent arrêt.
65 Il s’ensuit que la quatrième question est recevable.
Sur le fond
66 Il ressort, en substance, de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt que, pour donner une réponse utile qui permette à la juridiction de renvoi de trancher le litige dont elle est saisie, il incombe à la Cour, lorsque cela est nécessaire, de reformuler les questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question.
67 En l’occurrence, la quatrième question porte sur l’interprétation des articles 9 et 26 du règlement no 1169/2011 ainsi que de l’article 76 du règlement no 1308/2013, lesquels prévoient notamment des obligations relatives à l’indication de la provenance des denrées alimentaires concernées.
68 À ce sujet, il ressort de la décision de renvoi que les produits en cause au principal sont des légumes et des fruits. Or, il découle, d’une part, de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011, que ce règlement s’applique sans préjudice des exigences d’étiquetage prévues par des dispositions particulières de l’Union applicables à certaines denrées alimentaires, ce que confirme, en substance, l’article 26, paragraphe 1, dudit règlement. D’autre part, l’article 75, paragraphe 1,
sous b), du règlement no 1308/2013, lu en combinaison avec l’article 75, paragraphe 3, sous j), de celui-ci, indique que les normes de commercialisation des fruits et des légumes peuvent porter sur leur lieu d’origine, tandis que l’article 76 de ce règlement précise que les fruits et les légumes frais destinés au consommateur final ne peuvent être commercialisés que si le pays d’origine est indiqué, ces normes s’appliquant à tous les stades de commercialisation, y compris à l’importation et à
l’exportation.
69 Parallèlement, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 prévoit les modalités d’application du règlement no 1234/2007, lequel a été abrogé par le règlement no 1308/2013. Le considérant 4 de ce règlement d’exécution énonce que les fruits et les légumes qui sont destinés à être vendus à l’état frais au consommateur ne peuvent être commercialisés que si leur pays d’origine est indiqué. Plus spécifiquement, les melons charentais sont soumis aux normes générales de
commercialisation prévues à l’annexe I, partie A, dudit règlement d’exécution, tandis que les tomates cerises sont soumises aux normes spécifiques de commercialisation prévues à l’annexe I, partie B, partie 10, du même règlement d’exécution, ces deux types de normes de commercialisation comprenant, par ailleurs, des exigences portant sur l’indication de la provenance des produits qu’elles visent. Ainsi, il découle de ce qui précède que, dès lors que le règlement no 1308/2013 et le règlement
d’exécution no 543/2011 prévoient des exigences spécifiques en matière d’indication de la provenance des produits en cause au principal, le règlement no 1169/2011 n’est pas pertinent pour répondre à la quatrième question.
70 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 76 du règlement no 1308/2013, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, doit être interprété en ce sens que, aux stades de l’importation et de la vente au consommateur, l’étiquetage des produits en cause au principal doit indiquer le Sahara occidental, sans pouvoir mentionner le Royaume du Maroc, comme étant leur
pays d’origine.
71 En premier lieu, ainsi que cela ressort des points 68 et 69du présent arrêt, les normes de commercialisation pertinentes pour les produits en cause au principal prévoient que, à tous les stades de commercialisation, y compris à l’importation et à l’exportation, la mention de leur pays d’origine est obligatoire.
72 Le considérant 8 du règlement d’exécution no 543/2011, à la lumière duquel les exigences prévues à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement d’exécution doivent être lues, énonce, en substance, que les mentions requises par les normes de commercialisation doivent figurer clairement sur l’emballage et/ou l’étiquette des produits concernés, notamment afin d’éviter que le consommateur ne soit induit en erreur.
73 Il découle de ce qui précède que l’indication du pays d’origine qui doit nécessairement figurer sur les produits tels que les produits en cause au principal ne doit pas être trompeuse (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot, C‑363/18, EU:C:2019:954, point 25).
74 En deuxième lieu, il convient d’observer que la Cour a déjà jugé, en ce qui concerne le règlement no 1308/2013, que la notion de « pays d’origine » qui est visée à l’article 76 de ce règlement doit également être définie par renvoi au code des douanes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2019, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main, C‑686/17, EU:C:2019:659, point 46).
75 En effet, conformément à l’article 59, sous c), de ce code, les règles prévues aux articles 60 et 61 de celui-ci et portant sur la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises sont applicables à d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises, telles que l’article 76 du règlement no 1308/2013 et l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011.
76 Il s’ensuit que la notion de « pays d’origine » qui figure aussi bien au point 4 de la partie A de l’annexe I du règlement d’exécution no 543/2011, concernant notamment les melons charentais, qu’à la section VI de la partie 10 de la partie B de la même annexe, concernant notamment les tomates cerises, doit être définie par renvoi au code des douanes de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 septembre 2019, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main, C‑686/17, EU:C:2019:659,
point 50).
77 À cet égard, aux termes de l’article 60 du code des douanes de l’Union, sont à considérer comme originaires d’un « pays » ou d’un « territoire » donné les marchandises qui ont soit été entièrement obtenues dans ce pays ou territoire, soit ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle dans ledit pays ou territoire.
78 Par conséquent, le pays d’origine des produits en cause au principal est le pays ou le territoire sur lequel ils ont été récoltés.
79 S’agissant, d’abord, du terme « pays », il y a lieu de relever, d’une part, qu’il est utilisé à de nombreuses reprises par le traité UE et par le traité FUE en tant que synonyme du terme « État ». Dès lors, il convient, pour assurer une interprétation cohérente du droit de l’Union, de conférer le même sens à ce terme dans le code des douanes de l’Union, dans le règlement no 1308/2013 ainsi que dans le règlement d’exécution no 543/2011 (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2019, Organisation
juive européenne et Vignoble Psagot, C‑363/18, EU:C:2019:954, point 28).
80 S’agissant, ensuite, de la notion d’« État », celle-ci doit être comprise comme désignant une entité souveraine exerçant, à l’intérieur de ses frontières géographiques, la plénitude des compétences reconnues par le droit international (arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot, C‑363/18, EU:C:2019:954, point 29 ainsi que jurisprudence citée).
81 S’agissant, enfin, du terme « territoire », il résulte de la formulation alternative même de l’article 60 du code des douanes de l’Union que ce terme désigne des entités autres que des « pays » et, par suite, autres que des « États » (arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot, C‑363/18, EU:C:2019:954, point 30).
82 Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, de telles entités comprennent notamment des espaces géographiques qui, tout en se trouvant placés sous la juridiction ou sous la responsabilité internationale d’un État, disposent néanmoins, au regard du droit international, d’un statut propre et distinct de celui de cet État (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK, C‑266/16, EU:C:2018:118, points 62 à 64, et du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot,
C‑363/18, EU:C:2019:954, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
83 Il résulte de ce qui précède que, eu égard à l’article 60 du code des douanes de l’Union, l’obligation de mentionner le pays d’origine des produits en cause au principal qui découle, d’une part, des normes générales de commercialisation prévues dans la partie A de l’annexe I du règlement d’exécution no 543/2011, ainsi que des normes spécifiques de commercialisation qui figurent dans la partie 10 de la partie B de cette annexe, et, d’autre part, de l’article 76, paragraphe 1, du règlement
no 1308/2013, trouve à s’appliquer non seulement aux produits qui sont originaires de « pays », tels qu’entendus aux points 79 et 80 du présent arrêt, mais également à ceux qui sont originaires de « territoires », tels que visés aux points 81 et 82 de cet arrêt.
84 En troisième lieu, dans la présente affaire, il ressort de la décision de renvoi que les produits en cause au principal ont été récoltés sur le territoire du Sahara occidental.
85 Or, le territoire du Sahara occidental constitue un territoire distinct de celui du Royaume du Maroc (arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 92, et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK, C‑266/16, EU:C:2018:118, point 62).
86 Par ailleurs, l’annexe 1 du règlement d’exécution (UE) 2020/1470 de la Commission, du 12 octobre 2020, relatif à la nomenclature des pays et territoires pour les statistiques européennes du commerce international de biens et à la ventilation géographique pour les autres statistiques d’entreprises (JO 2020, L 334, p. 2), applicable au domaine de la législation douanière de l’Union, prévoit des codes et des textes distincts pour le Sahara occidental et pour le Royaume du Maroc.
87 Dans ces conditions, le territoire du Sahara occidental doit être considéré comme étant un territoire douanier, au sens de l’article 60 du code des douanes de l’Union et, par conséquent, du règlement no 1308/2013 ainsi que du règlement d’exécution no 543/2011. Dès lors, l’indication du pays d’origine qui doit figurer sur les produits en cause au principal ne peut désigner que le Sahara occidental en tant que tel, puisque lesdits produits sont récoltés sur ce territoire.
88 Toute autre indication serait trompeuse, au sens de la jurisprudence rappelée au point 73 du présent arrêt. Elle pourrait, en effet, induire les consommateurs en erreur quant à la véritable origine des produits en cause au principal, en ce qu’elle serait susceptible de laisser penser que ces derniers proviennent d’un autre lieu que le territoire sur lequel ils ont été récoltés (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot, C‑363/18, EU:C:2019:954,
point 51).
89 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 76 du règlement no 1308/2013, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, doit être interprété en ce sens que, aux stades de l’importation et de la vente au consommateur, l’étiquetage des produits en cause au principal doit indiquer le seul Sahara occidental comme étant leur pays d’origine.
Sur les dépens
90 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
1) L’article 207 TFUE, le règlement (UE) 2015/478 du Parlement et du Conseil, du 11 mars 2015, relatif au régime commun applicable aux importations, et le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne permettent pas à un État membre d’adopter unilatéralement une mesure prohibant l’importation de produits agricoles dont l’étiquetage est systématiquement non conforme à la législation de l’Union relative à l’indication du pays ou du territoire d’origine.
2) L’article 76 du règlement no 1308/2013, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 594/2013 de la Commission, du 21 juin 2013,
doit être interprété en ce sens que :
aux stades de l’importation et de la vente au consommateur, l’étiquetage des melons charentais et des tomates cerises récoltés sur le territoire du Sahara occidental doit indiquer le seul Sahara occidental comme étant leur pays d’origine.
Lenaerts
Bay Larsen
Arabadjiev
Lycourgos
Regan
Csehi
Spineanu-Matei
Rodin
Jarukaitis
Kumin
Jääskinen
Arastey Sahún
Gavalec
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2024.
Le greffier
A. Calot Escobar
Le président
K. Lenaerts
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( *1 ) Langue de procédure : le français.