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04/10/2024 | CJUE | N°C-535/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Aeris Invest Sàrl contre Commission européenne et Conseil de résolution unique., 04/10/2024, C-535/22


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

Table des matières

  I. Le cadre juridique


  A. La directive 2014/5...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

Table des matières

  I. Le cadre juridique
  A. La directive 2014/59/UE
  B. Le règlement MRU
  II. Les antécédents du litige
  A. La situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017
  B. Le déroulement de la procédure de résolution
  C. Le dispositif de résolution litigieux
  D. Les faits postérieurs à l’adoption du dispositif de résolution litigieux
  III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
  A. La procédure devant le Tribunal
  B. L’arrêt attaqué
  IV. Les conclusions des parties au pourvoi
  V. Sur le pourvoi
  A. Considérations liminaires
  B. Sur les premier et quatrième à sixième moyens, tirés d’une violation de l’article 296 TFUE, de l’article 18 du règlement MRU, du devoir de diligence incombant au CRU, de l’article 47 de la Charte, de l’article 6 de la CEDH et du principe du contradictoire
  1. Sur le cinquième moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  1) Sur la recevabilité
  2) Sur le fond
  2. Sur le premier moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  1) Sur la recevabilité
  2) Sur le fond
  i) Sur la première branche du premier moyen
  ii) Sur la seconde branche du premier moyen
  3. Sur le quatrième moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  4. Sur le sixième moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  1) Sur la recevabilité
  2) Sur le fond
  C. Sur le septième moyen, tiré d’une violation des articles 17 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 5, paragraphe 4, TUE
  1. Argumentation des parties
  2. Appréciation de la Cour
  a) Sur la recevabilité
  b) Sur le fond
  D. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 14 et 20 du règlement MRU, de l’article 39 de la directive 2014/59, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE
  1. Argumentation des parties
  2. Appréciation de la Cour
  a) Sur la recevabilité
  b) Sur le fond
  1) Sur les première et quatrième branches du deuxième moyen
  2) Sur la seconde branche du deuxième moyen
  E. Sur les troisième et huitième moyens, tirés d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité
  1. Sur le troisième moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  1) Sur la recevabilité
  2) Sur le fond
  2. Sur le huitième moyen
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  VI. Sur les dépens

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Union bancaire – Règlement (UE) no 806/2014 – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA – Article 18, paragraphe 1 – Conditions auxquelles est soumise l’adoption d’un dispositif de résolution – Obligations du Conseil de
résolution unique (CRU) – Devoir de diligence – Obligation de motivation – Article 88 – Obligation de confidentialité – Article 14 – Objectifs de la résolution – Cession des activités de l’entité concernée – Conditions de la vente et auxquelles une offre peut être acceptée – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 17 – Droit de propriété des actionnaires – Validité du règlement no 806/2014 »

Dans l’affaire C‑535/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 août 2022,

Aeris Invest Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée initialement par Mes E. Galán Burgos, R. Vallina Hoset et M. Varela Suárez, abogados, puis par Mes C. Jaramillo Samper, R. Vallina Hoset et M. Varela Suárez, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn, Mme P. Němečková, M. A. Nijenhuis, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents, assistés de Me J. Rivas Andrés, abogado,

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes H. Ehlers, M. S. Fernández Rupérez, A. R. Lapresta Bienz et M. J. Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de Mes F. B. Fernández de Trocóniz Robles, abogado, B. Meyring et S. Schelo, Rechtsanwälte,

parties défenderesses en première instance,

Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz et Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agents,

Parlement européen, représenté par M. J. Etienne, Mme P. López-Carceller, M. M. Menegatti, Mme L. Stefani et M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes J. Haunold, H. Marcos Fraile et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

Banco Santander SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Remón Peñalver, J. M. Rodríguez Cárcamo, A. M. Rodríguez Conde et D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogados,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur), P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 mars 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Aeris Invest Sàrl demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU (T‑628/17, ci-après l’  arrêt attaqué , EU:T:2022:315), par lequel celui-ci a rejeté son recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 juin 2017, concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA
(ci-après le « dispositif de résolution litigieux »), ainsi que de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA (JO 2017, L 178, p. 15, et rectificatif JO 2017, L 320, p. 31 ).

I. Le cadre juridique

A. La directive 2014/59/UE

2 L’article 38 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE)
no 648/2012 (JO 2014, L 173 p. 190), intitulé « Instrument de cession des activités », dispose, à son paragraphe 2 :

« Un transfert opéré en vertu du paragraphe 1 est effectué à des conditions commerciales, eu égard aux circonstances et conformément au cadre des aides d’État de l’Union [européenne]. »

3 L’article 39 de cette directive, intitulé « Instrument de cession des activités : exigences de procédure », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Sans préjudice du cadre des aides d’État de l’Union, le cas échéant, la vente visée au paragraphe 1 est effectuée selon les critères suivants :

a) elle est aussi transparente que possible et ne donne pas une image matérielle erronée des actifs, droits, engagements ou d’autres titres de propriété de cet établissement que l’autorité entend transférer, eu égard aux circonstances et notamment à la nécessité de maintenir la stabilité financière ;

b) elle ne favorise pas indûment les acquéreurs potentiels ni n’opère de discrimination ;

[...]

f) elle vise à maximiser, dans la mesure du possible, le prix de vente des actions ou autres titres de propriété, actifs, droits ou engagements concernés.

Sous réserve du point b) du présent paragraphe, les principes visés au présent paragraphe n’empêchent pas l’autorité de résolution de solliciter certains acquéreurs potentiels en particulier.

[...] »

B. Le règlement MRU

4 Les considérants 24, 26, 58 et 116 du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci-après le « règlement MRU »), sont libellés comme suit :

« (24) Étant donné que seules les institutions de l’Union peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil [de l’Union européenne] et de la Commission [européenne], en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 [TFUE]. La Commission devrait procéder à
l’évaluation des aspects discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la
Commission, d’assurer le contrôle effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du [Fonds de résolution unique (ci-après le “Fonds”)] à utiliser pour une mesure de résolution donnée. De plus, la Commission devrait être habilitée à adopter des actes délégués pour préciser davantage les critères ou conditions à prendre en compte par le CRU dans l’exercice de ses différents pouvoirs. Cette attribution de tâches
en matière de résolution ne devrait en aucun cas entraver le fonctionnement du marché intérieur des services financiers. Il importe donc de maintenir l’[Autorité bancaire européenne (ABE)] dans son rôle et de lui conserver ses pouvoirs et tâches existants : elle devrait élaborer la législation de l’Union applicable à tous les États membres, contribuer à son application cohérente et favoriser la convergence des pratiques en matière de résolution dans l’ensemble de l’Union.

[...]

(26) La [Banque centrale européenne (BCE)], en tant qu’autorité de surveillance au sein du [mécanisme de surveillance unique établi par le [règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63)], et le CRU devraient être en mesure d’apprécier si un établissement de crédit est en situation de défaillance
avérée ou prévisible, et s’il n’existe aucune perspective raisonnable qu’une autre mesure, de nature privée ou prudentielle, puisse empêcher sa défaillance dans un délai raisonnable. Le CRU, s’il estime réunis tous les critères relatifs au déclenchement de la résolution, devrait adopter le dispositif de résolution. La procédure relative à l’adoption du dispositif de résolution, qui suppose la participation de la Commission et du Conseil, renforce la nécessaire indépendance opérationnelle du
CRU tout en respectant le principe de délégation des pouvoirs aux agences, selon l’interprétation qu’en donne la Cour de justice de l’Union européenne [...].

[...]

(58) La liquidation d’une entité défaillante selon une procédure normale d’insolvabilité pourrait compromettre la stabilité financière, interrompre la fourniture de services essentiels et menacer la protection des déposants. Dans ce cas, il est de l’intérêt public d’appliquer des instruments de résolution. Les objectifs de la résolution devraient donc être d’assurer la continuité des services financiers essentiels, de maintenir la stabilité du système financier, de réduire l’aléa moral en limitant
autant que possible le recours des entités défaillantes à un soutien financier public et de protéger les déposants.

[...]

(116) Les mesures de résolution devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement. Toutefois, dans la mesure où les informations obtenues par le CRU, les autorités de résolution nationales et leurs conseillers professionnels durant la procédure de résolution peuvent être sensibles tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique, elles devraient faire l’objet des exigences de secret
professionnel. Il convient de tenir compte du fait que les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées. Il faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont réunies, sur le recours à un instrument
spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action. Or, le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. Il est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations, comme le contenu et
les détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre. »

5 Conformément à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement MRU, le CRU, au même titre que le Conseil et la Commission, est soumis, d’une part, aux normes techniques de réglementation et d’exécution contraignantes élaborées par l’ABE et adoptées par la Commission conformément au règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et
abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12), ainsi que, d’autre part, aux orientations et aux recommandations émises par l’ABE en vertu de ce dernier règlement.

6 L’article 14 du règlement MRU, intitulé « Objectifs de la résolution », dispose :

« 1.   Lorsqu’ils agissent en vertu de la procédure de résolution visée à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales, dans le cadre de leurs compétences respectives, tiennent compte des objectifs de la résolution et choisissent les instruments de résolution et les pouvoirs de résolution qui, selon eux, sont les mieux à même de réaliser les objectifs de la résolution pertinents dans les circonstances de l’espèce.

2.   Les objectifs de la résolution visés au paragraphe 1 sont les suivants :

a) assurer la continuité des fonctions critiques ;

b) éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché ;

c) protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ;

d) protéger les déposants couverts par la [directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149)] ainsi que les investisseurs couverts par la [directive 97/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (JO 1997, L 84, p. 22)] ;

e) protéger les fonds et les actifs des clients.

Dans la poursuite des objectifs visés au premier alinéa, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales s’efforcent de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige.

3.   Sous réserve de diverses dispositions du présent règlement, les objectifs de la résolution sont d’égale importance et dûment équilibrés en fonction de la nature et des circonstances propres à chaque cas. »

7 L’article 15, paragraphe 1, de ce règlement, intitulé « Principes généraux régissant la résolution », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution définie à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales prennent toutes les dispositions appropriées afin que la mesure de résolution soit prise conformément aux principes suivants :

a) les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ;

[...] »

8 L’article 18 dudit règlement, intitulé « Procédure de résolution », dispose :

« 1.   Le CRU n’adopte, en vertu du paragraphe 6, un dispositif de résolution à l’égard des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 2, et des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’application de ces paragraphes sont remplies, que s’il estime en session exécutive, après réception d’une communication en vertu du quatrième alinéa ou de sa propre initiative, que les conditions suivantes sont remplies :

a) la défaillance de l’entité est avérée ou prévisible ;

b) compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée, y compris des mesures prévues par un système de protection institutionnel, ou des mesures prudentielles, y compris des mesures d’intervention précoce ou la dépréciation ou la conversion d’instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21, prises à l’égard de l’entité, empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable ;

c) une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public en vertu du paragraphe 5.

Une évaluation de la condition visée au premier alinéa, point a), est réalisée par la BCE, après consultation du CRU. Le CRU, en session exécutive, ne peut réaliser une telle évaluation qu’après avoir informé la BCE de son intention et que si la BCE ne procède pas à cette évaluation dans les trois jours calendaires à compter de la réception de cette information. La BCE fournit sans retard au CRU toute information utile demandée par le CRU aux fins de son évaluation.

Lorsqu’elle estime que la condition visée au premier alinéa, point a), est remplie pour une entité ou un groupe visés au premier alinéa, la BCE communique sans retard son évaluation à la Commission et au CRU.

L’évaluation de la condition visée au premier alinéa, point b), est réalisée par le CRU, en session exécutive, ou, le cas échéant, par les autorités de résolution nationales, en étroite collaboration avec la BCE. La BCE peut aussi informer le CRU ou les autorités de résolution nationales concernées qu’elle juge remplie la condition fixée audit point.

2.   Sans préjudice de l’exercice direct par la BCE de ses missions de surveillance à l’égard d’établissements de crédit en vertu de l’article 6, paragraphe 5, point b), du [règlement no 1024/2013], dans le cas de la réception d’une communication effectuée en vertu du paragraphe 1, ou lorsque le CRU a l’intention de réaliser une évaluation de sa propre initiative, en vertu du paragraphe 1, à l’égard d’une entité ou d’un groupe visés à l’article 7, paragraphe 3, le CRU communique sans retard son
évaluation à la BCE.

[...]

4.   Aux fins du paragraphe 1, point a), la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci se trouve dans l’une ou plusieurs des situations suivantes :

a) l’entité enfreint les exigences qui conditionnent le maintien de l’agrément, ou des éléments objectifs permettent de conclure qu’elle les enfreindra dans un proche avenir, dans des proportions justifiant un retrait de l’agrément par la BCE, notamment mais pas exclusivement du fait que l’établissement a subi ou est susceptible de subir des pertes qui absorberont la totalité ou une partie substantielle de ses fonds propres ;

b) l’actif de l’entité est inférieur à son passif, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ;

c) l’entité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ;

d) un soutien financier public exceptionnel est requis, à l’exception des cas dans lesquels, afin de remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre et de préserver la stabilité financière, ce soutien prend l’une des formes suivantes [...].

[...]

5.   Aux fins du paragraphe 1, point c), du présent article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

6.   Si les conditions fixées au paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution. Le dispositif de résolution :

a) soumet l’entité à une procédure de résolution ;

b) détermine l’application des instruments de résolution à l’établissement soumis à une procédure de résolution visés à l’article 22, paragraphe 2, en particulier les exclusions de l’application du renflouement interne conformément à l’article 27, paragraphes 5 et 14 ;

c) détermine le recours au Fonds à l’appui de la mesure de résolution, conformément à l’article 76 et selon une décision prise par la Commission conformément à l’article 19.

7.   Immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission.

Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution dans les cas qui ne sont pas prévus au troisième alinéa du présent paragraphe.

Dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil :

a) d’émettre des objections au dispositif de résolution au motif que le dispositif de résolution adopté par le CRU ne satisfait pas au critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c) ;

b) d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU.

[...]

8.   Si le Conseil s’oppose à ce qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution au motif que le critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c), n’est pas rempli, l’entité concernée est liquidée de manière ordonnée conformément au droit national applicable.

[...] »

9 L’article 20 du même règlement, intitulé « Valorisation aux fins de la résolution », dispose :

« 1.   Avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2 soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

2.   Sous réserve du paragraphe 15, lorsque toutes les exigences fixées aux paragraphes 1 et 4 à 9 sont satisfaites, la valorisation est considérée comme définitive.

3.   Dans le cas où une valorisation indépendante conformément au paragraphe 1 n’est pas possible, le CRU peut procéder à une valorisation provisoire de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2, conformément au paragraphe 10 du présent article.

4.   La valorisation a pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2 qui remplit les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution figurant aux articles 16 et 18.

5.   La valorisation vise les objectifs suivants :

a) fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de fonds propres sont réunies ;

b) si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution sont réunies, fournir les éléments permettant de décider des mesures de résolution appropriées qu’il convient de prendre à l’égard d’une entité visée à l’article 2 ;

c) lorsque le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents est exercé, fournir les éléments permettant de prendre la décision sur l’ampleur de l’annulation ou de la dilution de titres de propriété, et sur l’ampleur de la dépréciation ou de la conversion des instruments de fonds propres pertinents ;

d) si l’instrument de renflouement interne est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision sur l’ampleur de la dépréciation ou de la conversion des engagements éligibles ;

e) si l’instrument de l’établissement-relais ou de séparation des actifs est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et la décision concernant la valeur de toute contrepartie à payer à l’établissement soumis à une procédure de résolution ou, le cas échéant, aux propriétaires des titres de propriété ;

f) si l’instrument de cession des activités est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’article 24, paragraphe 2, point b) ;

g) en tout état de cause, faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte au moment où les instruments de résolution sont appliqués ou au moment où le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents est exercé.

6.   Sans préjudice du cadre des aides d’État de l’Union, lorsqu’il y a lieu, la valorisation se fonde sur des hypothèses prudentes, y compris concernant les taux de défaut et la sévérité des pertes. La valorisation ne prévoit pas d’emblée un apport futur potentiel de soutien financier public exceptionnel, un apport urgent de liquidités par une banque centrale ou un apport de liquidités par une banque centrale à des conditions non conventionnelles [...]

[...]

10.   Dans le cas où, en raison de l’urgence de la situation, soit il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9, soit le paragraphe 3 s’applique, une valorisation provisoire est effectuée. La valorisation provisoire respecte les exigences fixées au paragraphe 4 et, dans la mesure où cela est raisonnablement possible compte tenu des circonstances, les exigences fixées aux paragraphes 1, 7 et 9.

La valorisation provisoire visée au premier alinéa intègre un coussin pour pertes supplémentaires, assorti d’une justification en bonne et due forme.

11.   Une valorisation qui ne respecte pas toutes les exigences fixées au paragraphe 1 et 4 à 9 est considérée comme provisoire jusqu’à ce qu’une personne indépendante visée au paragraphe 1 ait effectué une valorisation respectant pleinement lesdites exigences. Cette valorisation définitive ex post est effectuée dans les meilleurs délais. Elle peut être réalisée soit indépendamment de la valorisation visée aux paragraphes 16, 17 et 18, soit en même temps que ladite valorisation et par la même
personne indépendante, mais tout en restant distincte.

La valorisation définitive ex post vise les objectifs suivants :

a) faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte dans la comptabilité de l’entité concernée ;

b) fournir les éléments permettant de décider sur la reprise des créances ou l’augmentation de la valeur de la contrepartie versée, conformément au paragraphe 12 du présent article.

12.   Au cas où l’estimation de la valeur de l’actif net d’une entité visée à l’article 2 telle qu’elle résulte de la valorisation définitive ex post est supérieure à l’estimation résultant de la valorisation provisoire de l’actif net de ladite entité, le CRU peut exiger que l’autorité de résolution nationale :

a) exerce son pouvoir de relever la valeur des créances des créanciers ou des propriétaires d’instruments de fonds propres pertinents qui ont été dépréciées en application de l’instrument de renflouement interne ;

b) donne instruction à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs de verser une contrepartie supplémentaire à un établissement soumis à une procédure de résolution en ce qui concerne les actifs, droits ou engagements, ou, s’il y a lieu, aux propriétaires des titres de propriété pour ce qui concerne lesdits titres de propriété.

13.   Nonobstant le paragraphe 1, une valorisation provisoire effectuée conformément aux paragraphes 10 et 11 constitue une base valable pour que le CRU décide des mesures de résolution, y compris celle de donner aux autorités de résolution nationales instruction de prendre le contrôle d’un établissement défaillant, ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents.

[...]

15.   La valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres. La valorisation elle-même ne fait pas l’objet d’un droit de recours distinct, mais peut faire l’objet d’un recours visant aussi la décision prise par le CRU.

16.   Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante visée au paragraphe 1 aussitôt que la ou les mesures de résolution ont été exécutées. Cette valorisation est distincte de celle effectuée au titre des paragraphes 1 à 15.

[...] »

10 L’article 21 du règlement MRU, intitulé « Dépréciation et conversion d’instruments de fonds propres », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le CRU n’exerce le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents en agissant selon la procédure définie à l’article 18, à l’égard des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 2, et des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’application de ces paragraphes sont remplies, que s’il estime, en session exécutive, après réception d’une communication conformément au deuxième
alinéa ou de sa propre initiative, qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies :

a) dans le cas où il a été établi que les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution précisées aux articles 16 et 18 ont été remplies, avant de prendre une mesure de résolution ;

[...] »

11 L’article 22 de ce règlement, intitulé « Principes généraux régissant les instruments de résolution », dispose :

« 1.   Lorsque le CRU décide d’appliquer un instrument de résolution à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 2, ou à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’applications de ces paragraphes sont remplies, et que cette mesure de résolution se traduirait par des pertes à charge des créanciers ou par une conversion de leurs créances, le CRU donne instruction aux autorités de résolution nationales d’exercer le
pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21 immédiatement avant l’application de l’instrument de résolution ou simultanément.

2.   Les instruments de résolution visés à l’article 18, paragraphe 6, point b), sont les suivants :

a) la cession des activités ;

b) le recours à un établissement-relais ;

c) la séparation des actifs ;

d) le renflouement interne.

[...]

4.   Les instruments de résolution sont appliqués afin d’atteindre les objectifs de la résolution prévus à l’article 14, conformément aux principes de la résolution définis à l’article 15. Ils peuvent être appliqués séparément ou en combinaison, excepté l’instrument de séparation des actifs, qui ne peut être appliqué qu’en combinaison avec un autre instrument de résolution.

[...] »

12 L’article 24 dudit règlement, intitulé « Instrument de cession des activités », est libellé comme suit :

« 1.   Dans le cadre du dispositif de résolution, l’instrument de cession des activités consiste à transférer à un acquéreur qui n’est pas un établissement-relais :

a) les titres de propriété émis par un établissement soumis à une procédure de résolution ; ou

b) tous les actifs, droits ou engagements d’un établissement soumis à une procédure de résolution ou l’un quelconque de ceux-ci.

2.   En ce qui concerne l’instrument de cession des activités, le dispositif de résolution prévoit :

[...]

b) les conditions commerciales, compte tenu du contexte ainsi que des coûts et charges liés à la procédure de résolution, auxquelles l’autorité de résolution nationale procède au transfert conformément à l’article 38, paragraphes 2, 3 et 4, de la [directive 2014/59] ;

[...]

d) les dispositions en vue de la vente, par l’autorité de résolution nationale, de l’entité ou des instruments, actifs, droits et engagements concernés, conformément à l’article 39, paragraphes 1 et 2, de la [directive 2014/59] ;

e) les conditions dans lesquelles le respect, par l’autorité de résolution nationale, des exigences concernant la vente serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la résolution au sens du paragraphe 3 du présent article.

3.   Le CRU applique l’instrument de cession des activités sans se conformer aux exigences concernant la vente fixées au paragraphe 2, point e), lorsqu’il établit que le fait de s’y conformer serait de nature à compromettre la réalisation d’un ou de plusieurs des objectifs de la résolution, et, en particulier, si les conditions suivantes sont remplies :

a) il considère que la défaillance ou défaillance potentielle de l’établissement soumis à une procédure de résolution fait peser une menace importante sur la stabilité financière ou aggrave une telle menace ; et

b) il considère que le respect des exigences en question risquerait de nuire à l’efficacité de l’instrument de cession des activités en limitant sa capacité de parer à la menace ou d’atteindre les objectifs de la résolution énoncés à l’article 14, paragraphe 2, point b). »

13 L’article 29 du règlement MRU régit la mise en œuvre, par les autorités de résolution nationales et le CRU, des décisions prises en vertu de ce règlement et dispose, à son paragraphe 5, première phrase, que le CRU publie sur son site Internet officiel soit une copie du dispositif de résolution, soit une communication résumant les effets de la mesure de résolution, en particulier les effets sur la clientèle de détail.

14 L’article 34 dudit règlement, intitulé « Demandes d’information », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Aux fins de l’accomplissement de ses tâches au titre du présent règlement, le CRU peut, soit par l’intermédiaire des autorités de résolution nationales, soit directement, après les en avoir informées, en faisant plein usage de toutes les informations dont disposent la BCE ou les autorités compétentes nationales, exiger des personnes morales ou physiques suivantes qu’elles fournissent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement des missions que lui confère le présent règlement :

a) les entités visées à l’article 2 ;

b) les salariés des entités visées à l’article 2 ;

c) les tiers auprès desquels les entités visées à l’article 2 ont externalisé certaines fonctions ou activités.

2.   Les entités et les personnes visées au paragraphe 1 fournissent les informations demandées en vertu dudit paragraphe. Les exigences de secret professionnel ne dispensent pas ces entités et personnes de l’obligation de fournir ces informations. La fourniture des informations demandées n’est pas considérée comme une violation des exigences de secret professionnel. »

15 L’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement MRU dispose que, dans le cadre du dispositif de résolution, le CRU peut recourir au Fonds, dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution, afin de dédommager les actionnaires ou créanciers si, à la suite d’une valorisation réalisée en vertu de l’article 20, paragraphe 5, de ce règlement, ils ont subi des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies, à la suite d’une valorisation effectuée en vertu de
l’article 20, paragraphe 16, dudit règlement, lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

16 Aux termes de l’article 88, paragraphe 1, du même règlement, intitulé « Secret professionnel et échange d’informations » :

« Les membres du CRU, le vice-président, les membres du CRU visés à l’article 43, paragraphe 1, point b), le personnel du CRU et le personnel des États membres participants qui fait l’objet d’un échange ou d’un détachement et exerce des fonctions de résolution sont soumis, même après la cessation de leurs fonctions, aux exigences de secret professionnel prévues par l’article 339 [TFUE] et par les actes pertinents de la législation de l’Union. Il leur est notamment interdit de divulguer à toute
personne ou autorité des informations confidentielles obtenues dans l’exercice de leurs activités professionnelles ou des informations reçues d’une autorité compétente ou d’une autorité de résolution en rapport avec leurs fonctions au titre du présent règlement, à moins que ce ne soit dans l’exercice desdites fonctions, ou sous une forme résumée ou agrégée de telle sorte que les entités visées à l’article 2 ne puissent être identifiées ou qu’elles le soient avec le consentement exprès et
préalable de l’autorité ou de l’entité qui a fourni les informations.

Les informations couvertes par les exigences de secret professionnel ne sont pas divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires.

Ces exigences s’appliquent également aux acquéreurs potentiels contactés afin de préparer la résolution d’une entité en vertu de l’article 13, paragraphe 3. »

17 L’article 90 du règlement MRU, intitulé « Accès aux documents », est libellé comme suit :

« 1.   Le [règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p.43)] s’applique aux documents détenus par le CRU.

[...]

4.   Les personnes qui font l’objet de décisions du CRU ont le droit d’avoir accès au dossier de celui-ci, sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes préparatoires du CRU. »

II. Les antécédents du litige

18 Banco Popular Español SA (ci-après « Banco Popular ») était un établissement de crédit soumis à la surveillance prudentielle directe de la BCE.

19 Aeris Invest est une personne morale de droit luxembourgeois qui était actionnaire de Banco Popular.

A. La situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017

20 Les faits relatifs à l’évolution de la situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017, qui sont exposés aux points 26 à 46 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

21 En 2016, Banco Popular a procédé à une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros.

22 Le 5 décembre 2016, la session exécutive du CRU a adopté un plan de résolution du groupe Banco Popular (ci-après le « plan de résolution de 2016 »). L’instrument de résolution privilégié dans le plan de résolution de 2016 était l’instrument de renflouement interne prévu à l’article 27 du règlement MRU.

23 Le 3 février 2017, Banco Popular a publié son rapport annuel de 2016 dans lequel elle a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, ainsi que la nomination d’un nouveau président.

24 Le 10 février 2017, DBRS Ratings Ltd (DBRS), devenue DBRS Morningstar, a dégradé la note de Banco Popular, avec une perspective négative, au regard de la situation affaiblie du capital de Banco Popular à la suite d’une perte nette plus importante que celle prévue dans son rapport annuel, mentionnée au point 23 du présent arrêt, ainsi que des efforts de Banco Popular pour réduire son stock encore élevé d’actifs non performants.

25 Le 3 avril 2017, Banco Popular a annoncé le résultat d’audits internes indiquant que des corrections au rapport annuel de 2016 pourraient être nécessaires. Ces ajustements ont été effectués dans le rapport financier de Banco Popular pour le premier trimestre 2017.

26 À la suite de cette annonce, DBRS Morningstar a, le 6 avril, dégradé la note de Banco Popular en maintenant sa perspective négative. Standard & Poor’s, le 7 avril, et Moody’s Investors service (ci-après « Moody’s »), le 21 avril 2017, ont également dégradé la note de Banco Popular avec une perspective négative.

27 Le 10 avril 2017, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Banco Popular, le président du conseil d’administration a annoncé que la banque envisageait soit une augmentation de capital, soit une transaction d’entreprise en raison de la situation du groupe en termes de fonds propres et de son niveau d’actifs non performants. Le président-directeur général de Banco Popular a été remplacé moins d’un an après sa prise de fonction.

28 Au mois d’avril 2017, Banco Popular a engagé une procédure de vente privée dans le but de réaliser sa cession à un concurrent fort et de restaurer ainsi sa situation financière. La date limite pour que les éventuels acquéreurs intéressés par l’acquisition de Banco Popular soumettent leur offre avait été fixée au 10 juin 2017.

29 Le 5 mai 2017, Banco Popular a présenté son rapport financier pour le premier trimestre 2017, annonçant des pertes d’un montant de 137 millions d’euros.

30 Le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité (Liquidity Coverage Requirement) de Banco Popular est passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).

31 Par lettre du 16 mai 2017, Banco Santander SA a informé Banco Popular qu’elle n’était pas en mesure de présenter une offre ferme dans le cadre de la procédure de vente privée.

32 Le 16 mai 2017, Banco Popular, dans une communication d’un fait pertinent à la Comisión nacional del mercado de valores (Commission nationale du marché des valeurs, Espagne), a indiqué que des acquéreurs potentiels avaient manifesté leur intérêt dans la procédure de vente privée, mais qu’aucune offre ferme n’avait été reçue.

33 Le 19 mai 2017, l’agence Fitch Ratings Ltd a dégradé la note à long terme de Banco Popular.

34 Le 23 mai 2017, la présidente du CRU, Mme Elke König, a accordé un entretien à la chaîne de télévision Bloomberg, lors duquel elle a été interrogée, notamment, sur la situation de Banco Popular.

35 Dans le courant du mois de mai 2017, de nombreux articles de presse ont rapporté les difficultés de Banco Popular.

36 Les premiers jours du mois de juin 2017, Banco Popular a dû faire face à des retraits de liquidités massifs.

37 Le 5 juin 2017, Banco Popular a présenté, le matin, une première demande d’apport urgent de liquidités au Banco de España (Banque d’Espagne), puis une seconde demande, dans l’après-midi, contenant une extension du montant sollicité, en raison d’importants mouvements de liquidités. Sur le fondement d’une demande de la Banque d’Espagne et à la suite de l’évaluation du même jour de la BCE relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, le conseil des gouverneurs de la BCE n’a
pas émis d’objections à un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour la période allant jusqu’au 8 juin 2017. Banco Popular a reçu une partie de cet apport urgent de liquidités, puis la Banque d’Espagne a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

B. Le déroulement de la procédure de résolution

38 Aux points 47 à 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé les faits relatifs au déroulement de la procédure de résolution, qui peuvent être résumés comme suit.

39 Le 23 mai 2017, le CRU a chargé le cabinet d’audit Deloitte (ci-après « Deloitte »), en qualité d’expert indépendant, de procéder à la valorisation de Banco Popular au titre de l’article 20 du règlement MRU.

40 Le 24 mai 2017, le CRU a demandé à Banco Popular, sur le fondement de l’article 34 du règlement MRU, les informations nécessaires en vue de la réalisation de sa valorisation. Le 2 juin 2017, il a également demandé à Banco Popular de fournir des informations sur la procédure de vente privée ainsi que de prévoir un accès à la salle de données virtuelle sécurisée que cette dernière avait établie dans le cadre de cette procédure.

41 Le 3 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/06, adressée au Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB) (Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne) concernant la commercialisation de Banco Popular. Le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU indiquait
notamment que le FROB devait contacter les cinq acquéreurs potentiels qui avaient été invités à présenter une offre dans le cadre de la procédure de vente privée.

42 Parmi les cinq acquéreurs potentiels, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles.

43 Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle.

44 Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement MRU, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement, étaient remplies.

45 Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement.

46 Il ressort du point 61 de l’arrêt attaqué que, à la suite de cette évaluation, la BCE a considéré, en prenant en compte l’évolution de la situation économique de Banco Popular aux cours des années 2016 et 2017, telle que résumée aux points 21 à 37 du présent arrêt, et en particulier les sorties excessives de dépôts, la rapidité avec laquelle la trésorerie avait été perdue par cette banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, qu’il existait des éléments objectifs indiquant
que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU.

47 Le même jour, Banco Popular a informé la BCE que son conseil d’administration était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

48 Les faits relatifs à la procédure de vente, tels qu’ils ressortent des points 63 à 67 de l’arrêt attaqué peuvent être présentés comme suit.

49 Par lettre du 6 juin 2017, le FROB a communiqué les informations relatives à la procédure de vente et fixant le délai de soumission des offres au 6 juin 2017 à minuit.

50 Le même jour, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, l’un des deux acquéreurs potentiels de Banco Popular, a informé le FROB qu’elle ne présenterait pas d’offre.

51 Également le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), établie en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement MRU. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant
de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. Cette valorisation a notamment estimé la valeur économique de Banco Popular à 1,3 milliard d’euros dans le meilleur scénario, à moins 8,2 milliards d’euros dans le scénario le plus défavorable ainsi qu’à moins 2 milliards d’euros pour la meilleure estimation.

52 Le 7 juin 2017, Banco Santander a soumis une offre ferme.

53 Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par cette dernière pour l’achat des actions de Banco Popular était de un euro. Le FROB a indiqué que son comité directeur avait retenu Banco Santander comme adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular et avait décidé de proposer au CRU de désigner Banco Santander comme acquéreur dans la décision du CRU relative à l’adoption d’un
dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.

C. Le dispositif de résolution litigieux

54 Le 7 juin 2017, le CRU a adopté le dispositif de résolution litigieux à l’égard de Banco Popular, sur le fondement du règlement MRU.

55 Aux considérants 19, 21 à 25, au considérant 26, sous c), ainsi qu’aux considérants 36 et 46 de ce dispositif, le CRU a constaté :

– que, le 5 décembre 2016, le CRU avait adopté un plan de résolution, déterminant une stratégie de résolution et identifiant un instrument de résolution considéré comme préférable (considérants 19, 21 et 22) ;

– qu’il ressortait de l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible que la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis le mois d’octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle ; qu’il en découlait que cette banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin d’être en mesure de s’acquitter de ses engagements à l’échéance (considérant 23) ;

– que plusieurs circonstances avaient conduit à la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, à savoir :

– en février 2017, Banco Popular avait annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros et avait nommé un nouveau président ;

– le 10 février 2017, DBRS Morningstar avait dégradé la note de Banco Popular ;

– le 3 avril 2017, Banco Popular avait publié une déclaration publique ad hoc au sujet du résultat d’audits internes ayant potentiellement un impact significatif sur ses états financiers et confirmé le remplacement de son directeur général moins d’un an après son entrée en fonction ;

– le 7 avril 2017, Standard & Poor’s et, le 21 avril, Moody’s avaient dégradé la note de Banco Popular ;

– le 12 mai 2017, Banco Popular avait enfreint l’exigence de couverture des besoins de liquidité de 80 % et n’avait pas été en mesure de rétablir la conformité avec la limite réglementaire par la suite ;

– la couverture médiatique négative et continue sur les résultats financiers de Banco Popular et sur le supposé risque imminent de faillite ou d’illiquidité avaient causé une augmentation des retraits de dépôts, et

– le 6 juin 2017, DBRS Morningstar et Moody’s avaient dégradé la note de Banco Popular (considérant 24) ;

– que les circonstances susmentionnées avaient entraîné d’importants retraits de dépôts (considérant 25) ;

– que Banco Popular avait reçu un premier apport urgent de liquidités le 5 juin 2017, à la suite de l’accord donné par la BCE, mais que la Banque d’Espagne n’avait pas été en mesure de lui accorder un apport urgent de liquidités supplémentaire [considérant 26, sous c)] ;

– que, le 6 juin 2017, Banco Popular avait informé la BCE que son conseil d’administration était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible (considérant 36), et

– que l’instrument de résolution envisagé dans le plan de résolution de 2016 n’était pas approprié aux circonstances existant à la date de la résolution (considérant 46).

56 À l’article 1er du dispositif de résolution litigieux, le CRU a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution, au motif que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU étaient remplies.

57 À cet égard, il ressort des articles 2 à 4 du dispositif de résolution litigieux que le CRU a considéré, tout d’abord, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, ensuite, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, enfin, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire afin d’assurer la continuité des fonctions
critiques de la banque et d’éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en Espagne.

58 En conséquence, à l’article 5, paragraphe 1, du dispositif de résolution litigieux, le CRU a décidé :

« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement [MRU] par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

59 L’article 6 du dispositif de résolution litigieux précise les conditions afférentes à cette dépréciation ainsi qu’à la cession des activités. Ainsi, à l’article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le CRU a décidé :

– d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2098429046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

– ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution litigieux en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

– ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;

– enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».

60 L’article 6, paragraphe 3, du dispositif de résolution litigieux prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par le FROB.

61 À l’article 6, paragraphe 5, du dispositif de résolution litigieux, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement MRU, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà consenti
au transfert.

62 Le CRU a également indiqué que le transfert des « nouvelles actions II » devrait être effectué sur la base de l’offre contraignante de l’acquéreur du 7 juin 2017 et devrait être mis en œuvre par le FROB.

63 Le dispositif de résolution litigieux a été soumis à la Commission pour approbation le 7 juin 2017.

64 Le même jour, cette institution a adopté la décision 2017/1246 approuvant le dispositif de résolution litigieux et a notifié cette décision au CRU. Ainsi qu’il ressort du considérant 4 de ladite décision :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement [MRU]. »

65 Le 7 juin 2017 également, le CRU a notifié le dispositif de résolution litigieux au FROB, tout en publiant sur son site Internet une communication d’information quant à l’adoption de ce dispositif, accompagnée d’un document résumant les effets de la résolution.

66 Toujours à cette date, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution litigieux, conformément à l’article 29 du règlement MRU.

D. Les faits postérieurs à l’adoption du dispositif de résolution litigieux

67 Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement MRU, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité. Le 31 juillet 2018, Deloitte a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

68 Le 11 juillet 2017, le CRU a publié sur son site Internet une version non confidentielle du dispositif de résolution litigieux. Dans cette version, le CRU a notamment occulté certaines informations figurant aux considérants 23 à 26 de celui-ci, relatives à la crise de liquidité de Banco Popular, ainsi que des parties conséquentes de l’article 6, paragraphes 3 et 4, du dispositif de résolution litigieux concernant l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion.

69 Au mois de juillet 2017, la BCE a publié sur son site Internet une version non confidentielle de son évaluation relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.

70 Le 2 février et le 31 octobre 2018, le CRU a publié des versions non confidentielles moins expurgées du dispositif de résolution litigieux, dans lesquelles étaient désormais visibles certaines informations occultées auparavant, visées au point 68 du présent arrêt, à l’exception de certains éléments chiffrés. Dans ce contexte, il a également publié des versions non confidentielles des valorisations 1 et 2.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

71 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246.

A. La procédure devant le Tribunal

72 Par acte déposé au greffe le 15 novembre 2017, le CRU a demandé au Tribunal, en application de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, d’ordonner des mesures d’instruction concernant la production de certains documents mentionnés à l’annexe de cette demande. Par décision du 30 novembre 2017, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande de mesures d’instruction à ce stade de la procédure.

73 Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 6 et 30 novembre 2017 ainsi que les 5 et 13 décembre 2017, Banco Santander, le Conseil, le Royaume d’Espagne et le Parlement européen ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission et du CRU. Par décisions respectivement du 6 août 2018 et du 12 avril 2019, le Tribunal a fait droit à ces demandes d’intervention.

74 Le 16 février 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité le CRU à déposer la dernière version non confidentielle du dispositif de résolution litigieux ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 2 publiées sur son site Internet. Le CRU a déposé ces documents dans le délai imparti.

75 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2020, la requérante a présenté un moyen nouveau au titre de l’article 84 du règlement de procédure. La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans les délais impartis.

76 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2020, la requérante a produit une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

77 Le 16 mars 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité la Commission et le CRU à produire plusieurs documents. Par lettres du 30 mars et du 20 avril 2021, le CRU a répondu que les documents demandés étaient en tout ou en partie confidentiels et qu’ils pourraient être produits si le Tribunal adoptait une mesure d’instruction en ce sens.

78 Par ordonnance du 12 mai 2021, le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 de son règlement de procédure, de produire les versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2, de l’évaluation de la BCE du 6 juin 2017 relative à la situation de défaillance avérée ou
prévisible de Banco Popular ainsi qu’une version intégrale et une version non confidentielle de la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, y compris son annexe, et de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017.

79 Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en exécution de l’ordonnance du 12 mai 2021 et a transmis à la requérante, au Royaume d’Espagne, au Parlement, au Conseil et à Banco Santander la lettre du 6 juin 2017 de Banco Popular à la BCE sans son annexe.

B. L’arrêt attaqué

80 À l’appui de son recours, la requérante avait soulevé dix moyens.

81 Le premier moyen était tiré de la violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, consacrés aux articles 15 et 296 TFUE et aux articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le deuxième moyen était tiré de la violation du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans et de l’article 88 du règlement MRU. Le troisième moyen était tiré d’une illégalité du règlement MRU, en ce que les articles 21 et 24 de ce règlement
violent les principes relatifs à la délégation de pouvoir. Le quatrième moyen était tiré d’une exception d’illégalité du règlement MRU, en ce que les articles 15 et 22 de ce règlement violent le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, et le principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE. Le cinquième moyen était tiré d’une exception d’illégalité du règlement MRU, en ce que les articles 18 et 20 de ce règlement violent le droit d’être entendu, consacré aux
articles 17 et 41 de la Charte. Le sixième moyen était tiré de la violation du droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, TUE. Le septième moyen était tiré de la violation du droit d’être entendu, consacré aux articles 17 et 41 de la Charte. Le huitième moyen était tiré de la violation de l’article 18 du règlement MRU, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE. Le neuvième moyen était tiré de la violation des articles 14 et 20
de ce règlement, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE. Le dixième moyen était tiré de la violation de l’article 14 dudit règlement, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE.

82 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

83 Dans cet arrêt, il a également rejeté les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction de la requérante.

IV. Les conclusions des parties au pourvoi

84 La requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de faire droit à ses conclusions devant le Tribunal tendant à l’annulation du dispositif de résolution litigieux ainsi que de la décision 2017/1246 et à ce que les articles 15 et 22 du règlement MRU soient déclarés inapplicables, conformément à l’article 277 TFUE, et

– de condamner la Commission et le CRU aux dépens des deux instances.

85 La Commission, le CRU, le Parlement, le Conseil, le Royaume d’Espagne ainsi que Banco Santander demandent chacun à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

86 Dans l’hypothèse où la Cour ferait droit au pourvoi et déciderait, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de statuer elle-même sur le recours en annulation, Banco Santander demande, conformément à l’article 264, deuxième alinéa, TFUE, de limiter la portée de l’arrêt à intervenir en maintenant les effets de la vente de Banco Popular à Banco Santander. Le Conseil demande à la Cour, dans cette même hypothèse, de constater que rien ne remet en cause la
légalité des articles 15, 18, 20, 21, 22 et 24 du règlement MRU.

V. Sur le pourvoi

87 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque huit moyens, respectivement tirés de la violation :

– de l’article 18 du règlement MRU, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE(premier moyen) ;

– des articles 14 et 20 du règlement MRU, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE(deuxième moyen) ;

– du devoir de diligence, des articles 17 et 47 de la Charte, ainsi que de l’article 14 du règlement MRU (troisième moyen) ;

– des droits de la défense consacrés à l’article 47 de la Charte et de l’article 296 TFUE (quatrième moyen) ;

– de l’article 296 TFUE et des droits de la défense consacrés à l’article 47 de la Charte en ce qui concerne la confidentialité du dispositif de résolution litigieux et de la valorisation 2(cinquième moyen) ;

– de l’article 47 de la Charte et de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), en ce que le Tribunal a rejeté la demande de la requérante de production de documents(sixième moyen) ;

– des articles 17 et 52 de la Charte, en ce que le Tribunal a rejeté leur moyen tiré de l’illégalité des articles 15 et 22 du règlement MRU(septième moyen), ainsi que

– des articles 17 et 52 de la Charte et de l’article 5, paragraphe 4, TUE (huitième moyen).

A. Considérations liminaires

88 À titre liminaire, il convient de relever que, par le recours à l’origine du présent pourvoi, la requérante demandait l’annulation tant du dispositif de résolution litigieux que de la décision 2017/1246.

89 Si la Cour a déjà jugé, dans son arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU (C‑551/22 P, EU:C:2024:520, points 102 et 103), que le dispositif de résolution litigieux ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de sorte que ce recours est irrecevable en tant qu’il vise ce dispositif, la décision 2017/1246, par laquelle la Commission a approuvé ce dispositif, présente, quant à elle, les caractéristiques d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en
annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

90 Cela étant, la Cour a précisé que, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission telle que la décision 2017/1246, il est loisible aux personnes physiques ou morales concernées d’invoquer l’illégalité du dispositif de résolution que cette institution a approuvé en lui conférant ainsi des effets juridiques obligatoires, ce qui est de nature à leur garantir une protection juridictionnelle suffisante. En outre, la Commission est, par une telle approbation,
réputée faire siens les éléments et les motifs contenus dans ce dispositif, de sorte qu’elle doit, le cas échéant, en répondre devant les juridictions de l’Union (arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU, C‑551/22 P, EU:C:2024:520, point 96 et jurisprudence citée).

91 C’est dans ce cadre qu’il convient, dès lors, d’examiner les moyens contestant la légalité du dispositif de résolution litigieux.

B. Sur les premier et quatrième à sixième moyens, tirés d’une violation de l’article 296 TFUE, de l’article 18 du règlement MRU, du devoir de diligence incombant au CRU, de l’article 47 de la Charte, de l’article 6 de la CEDH et du principe du contradictoire

92 Par ses premier et quatrième à sixième moyens, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la requérante fait, en substance, valoir que l’accès à la version intégrale, notamment, du dispositif de résolution litigieux et des valorisations 1 et 2 était nécessaire aux fins de l’exercice de son droit à un recours effectif (cinquième moyen), que la motivation du dispositif de résolution litigieux était insuffisante et contradictoire en raison des informations occultées dans celui-ci ainsi que dans les
valorisations 1 et 2 (premier et quatrième moyen) et que, partant, le Tribunal aurait dû ordonner, par une mesure d’organisation de la procédure, la production intégrale de ces documents ainsi que de documents complémentaires (sixième moyen).

1.   Sur le cinquième moyen

93 Par son cinquième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 296 TFUE et de l’article 47 de la Charte, en jugeant, aux points 354 à 402 de l’arrêt attaqué, que les informations confidentielles contenues dans le dispositif de résolution litigieux et la valorisation 2 n’étaient pas nécessaires à l’exercice de son droit à un recours effectif. Ce moyen comporte quatre branches.

a)   Argumentation des parties

94 Par la première branche du cinquième moyen, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 356 à 359 de l’arrêt attaqué, elle avait le droit, en vertu de l’article 296 TFUE et de l’article 47 de la Charte, d’obtenir la communication de la version intégrale du dispositif de résolution litigieux, même si elle n’en était pas le destinataire.

95 À cet égard, elle soutient que, en vertu de l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU, elle aurait dû obtenir le texte intégral du dispositif de résolution litigieux en vue d’introduire un recours. En outre, elle rappelle que le droit de connaître la motivation d’un acte s’applique non seulement aux destinataires de la décision en cause, mais aussi aux personnes tierces concernées par celle-ci. Dans ces conditions, si, en l’absence de publication ou de notification d’une telle décision, il
appartient à ces personnes d’en demander le texte intégral, le délai de recours ne saurait courir qu’à partir du moment où elles ont une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, de manière à pouvoir exercer effectivement leur droit de recours. Or, au cours de l’année 2017, la requérante aurait précisément demandé l’accès au texte intégral du dispositif de résolution litigieux.

96 Par la deuxième branche du cinquième moyen, elle soutient que le Tribunal a enfreint l’article 296 TFUE et l’article 47 de la Charte, en ce qu’il a jugé, aux points 381 et 388 de l’arrêt attaqué, que la publication d’une version expurgée du dispositif de résolution litigieux était conforme à l’article 88 du règlement MRU.

97 En effet, la version initialement publiée du dispositif de résolution litigieux aurait empêché la requérante, notamment, de connaître les objectifs de la résolution et d’accéder à la valorisation 1. Même la version actuelle du dispositif de résolution litigieux ne permettrait ni de connaître tous ces objectifs, ni de comprendre la portée de la crise de liquidité de Banco Popular, ni les raisons pour lesquelles l’apport urgent de liquidités ne pouvait être effectué, ni celles ayant motivé le choix
d’une valeur de moins 8,2 milliards d’euros aux fins de la dépréciation.

98 Selon la requérante, le bien-fondé de cette critique est confirmé par la circonstance que, le 16 février 2018, le Tribunal a ordonné au CRU de produire une version plus complète de ces documents et par le fait que, selon elle, l’arrêt attaqué se fonde principalement sur des informations qui ont été rendues disponibles en 2018. En outre, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 389 à 393 de l’arrêt attaqué, les décisions du comité d’appel du CRU du 28 novembre 2017 et du 19 juin
2018, ayant ultérieurement donné accès auxdits documents n’auraient aucunement été fondées sur le temps écoulé depuis l’adoption du dispositif de résolution litigieux.

99 Par la troisième branche de son cinquième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a méconnu l’article 296 TFUE et l’article 47 de la Charte en jugeant, d’une part, aux points 394 et 395 de l’arrêt attaqué, que les droits de la défense n’avaient pas été violés puisque la requérante avait pu introduire un recours et présenter des observations sur les nouvelles versions du dispositif de résolution litigieux. Toutefois, selon la requérante, le simple fait de pouvoir introduire un recours ne
signifie pas que les droits de la défense ont pu être exercés de façon effective. Elle estime que, à cet effet, les personnes concernées par une décision doivent avoir le droit d’en demander le texte intégral en vue d’introduire un recours en annulation. En effet, lorsque toutes les informations ne seraient pas disponibles, il serait impossible de formuler et de développer pleinement les moyens de recours appropriés. En outre, il serait très difficile de formuler de nouveaux moyens après
l’introduction de la requête devant le Tribunal, ce que confirmerait le fait que, en l’espèce, les deux nouveaux moyens soulevés dans sa réplique en première instance n’auraient pas été pris en compte ou auraient été déclarés irrecevables par le Tribunal, aux points 701 à 704 et 710 à 713 de l’arrêt attaqué.

100 D’autre part, aux points 396 et 397 de cet arrêt, le Tribunal aurait jugé à tort que l’absence de motivation peut être régularisée a posteriori, puisque les informations confidentielles figuraient dès l’origine dans le dispositif de résolution litigieux, dans la valorisation 1 et dans la valorisation 2, bien qu’elles n’aient pas été communiquées à la requérante.

101 Par la quatrième branche du cinquième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 296 TFUE et l’article 47 de la Charte, en ce qu’il a décidé, par ordonnance du 9 juin 2021, visée au point 723 de l’arrêt attaqué, que le texte intégral du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et de l’évaluation relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular n’étaient pas pertinents pour la solution du recours. À cet égard, elle soutient que
le but de recherché d’une demande d’accès à ces documents est d’être en mesure de soulever de nouveaux arguments, voire des moyens nouveaux.

102 En outre, les versions intégrales desdits documents seraient largement connues non seulement du CRU et de la Commission, mais aussi du Tribunal, et auraient, de ce fait, nécessairement une certaine incidence sur leur perception des arguments avancés. Ainsi, au point 278 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait fondé sur l’annexe de la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, alors que ce document n’aurait pas été communiqué à la requérante. Dans ces circonstances, l’absence de
communication desdits documents serait contraire au principe du contradictoire.

103 La Commission et Banco Santander excipent de l’irrecevabilité du cinquième moyen, au motif que la requérante se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments qu’elle a présentés devant le Tribunal. Le CRU fait valoir que la troisième branche de ce moyen est irrecevable, dans la mesure où l’argumentation soulevée à l’appui de cette branche, à savoir la nécessité de disposer de toutes les informations pour être en mesure de présenter sa requête, est avancée pour la
première fois au stade du pourvoi.

104 Quant au fond, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander soutiennent que le cinquième moyen n’est pas fondé.

b)   Appréciation de la Cour

1) Sur la recevabilité

105 En ce qui concerne, tout d’abord, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et Banco Santander, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon
précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens
et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. Un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 11 janvier 2024, Planistat Europe et Charlot/Commission, C‑363/22 P, EU:C:2024:20, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

106 Cependant, lorsqu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P,
EU:C:2006:541, point 51, ainsi que du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 50 et jurisprudence citée).

107 Or, en l’espèce, le cinquième moyen du pourvoi vise, en substance, à remettre en cause la décision du Tribunal relative à plusieurs questions de droit qui lui ont été soumises en première instance en ce qui concerne, notamment, l’obligation de motivation incombant aux institutions en vertu de l’article 296 TFUE et le droit à une protection juridictionnelle effective garanti à l’article 47 de la Charte. En outre, dans la mesure où ce moyen comporte des indications précises sur les points
critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels il s’appuie, il ne saurait être déclaré irrecevable dans son intégralité.

108 Cela étant, ensuite, pour autant que la requérante critique, aux termes de la deuxième branche du cinquième moyen, les points 389 à 393 de l’arrêt attaqué au motif que, dans ses décisions du 28 novembre 2017 et du 19 juin 2018, en réponse aux demandes d’accès aux documents de la requérante, le comité d’appel du CRU aurait tenu compte du temps écoulé depuis l’adoption du dispositif de résolution litigieux pour apprécier la confidentialité de certaines données, elle ne soutient pas ni, a fortiori,
ne prouve que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve en considérant, au point 392 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où ces décisions sont intervenues, respectivement, plus de six mois et un an après l’adoption du dispositif de résolution litigieux, le temps qui s’est ainsi écoulé a pu influencer l’appréciation, par ce comité d’appel, du point de savoir si les conditions dont dépendait la confidentialité des informations concernées étaient réunies.

109 Or, selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise,
comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 71 ainsi que jurisprudence citée).

110 Dès lors, la deuxième branche du cinquième moyen est irrecevable, pour autant qu’elle est dirigée contre les points 389 à 393 de l’arrêt attaqué.

111 En ce qui concerne, enfin, la troisième branche de ce moyen, c’est à tort que le CRU excipe de l’irrecevabilité de celle-ci au motif que ce serait pour la première fois dans son pourvoi que la requérante soulève un argument tiré de la nécessité de disposer de toutes les informations afin d’être en mesure d’exercer son droit de recours. En effet, il ressort de sa requête en première instance que, après que le CRU a refusé de fournir ces informations, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner
la production, entre autres, de la version intégrale du dispositif de résolution litigieux ainsi que celle de la valorisation 1 afin de pouvoir vérifier, notamment, que les conditions auxquelles les articles 18 et 20 du règlement MRU subordonnent l’adoption d’une mesure de résolution ont été respectées en l’espèce.

2) Sur le fond

112 Par les quatre branches de son cinquième moyen, la requérante fait, en substance, valoir que, en vertu des articles 296 TFUE et de l’article 47 de la Charte, elle devait se voir reconnaître le droit d’accéder aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux et des valorisations préparatoires, y compris aux informations confidentielles contenues dans ces documents. Sans mettre en cause, en tant que tel, le caractère suffisant de la motivation du dispositif de résolution litigieux,
elle critique le fait que certains motifs et informations contenus dans la version originale de ce dispositif ont initialement été occultés dans la version publiée sur Internet et n’ont été divulgués que partiellement après l’introduction du recours.

113 À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 130 ainsi que jurisprudence citée).

114 Il est de jurisprudence constante que, si la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, une telle motivation doit, toutefois, être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. Dans cette perspective, il n’est pas
exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank
Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87, ainsi que du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, point 193 et jurisprudence citée).

115 En outre, la Cour a déjà jugé que le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, lors de la rédaction d’un acte, les institutions de l’Union ne sont pas tenues de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of
America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 167 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 48).

116 En ce qui concerne l’article 47 de la Charte, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par cet article exige, selon la jurisprudence constante de la Cour, que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de
défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (arrêts du4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).

117 S’agissant, plus particulièrement, de la communication des motifs à des personnes autres que le destinataire d’un acte, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est notamment concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des
informations confidentielles fournies par celui-ci (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 ainsi que jurisprudence citée).

118 En vue d’assurer le respect de ces obligations, la Cour a considéré, dans plusieurs domaines du droit de l’Union, que la motivation d’un acte faisant grief à un justiciable, qui repose sur une appréciation de la position relative d’opérateurs privés, peut, dans une certaine mesure, être limitée afin de protéger des informations relatives à ces opérateurs et couvertes par le secret des affaires. Cela étant, l’obligation de respecter le secret des affaires ne saurait vider l’obligation de
motivation de sa substance. Dès lors, si un tel acte peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivé sans comporter notamment l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement, la motivation doit tout de même faire apparaître de façon claire et non équivoque ce raisonnement ainsi que la méthodologie employée (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375,
points 108 à 111 ; du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 48, ainsi que du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 110, 111 et 120).

119 Dans le cadre du régime mis en place par le règlement MRU, le respect des exigences de secret professionnel prévues à l’article 339 TFUE est précisé, notamment, par l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce règlement, interdisant au CRU de divulguer les informations couvertes par ces exigences à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires. En outre, l’article 90, paragraphe 4, dudit règlement dispose que les
personnes qui font l’objet de décisions du CRU ont le droit d’avoir accès au dossier de celui-ci, sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, et précise expressément que le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes préparatoires du CRU.

120 En ce qui concerne les première à troisième branches de ce moyen, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal a jugé à bon droit, au point 357 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où la requérante n’était pas destinataire du dispositif de résolution litigieux adressé au FROB, elle ne devait pas, en toute circonstance, se voir communiquer l’intégralité de ce dispositif.

121 En outre, au point 381 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, dans son recours en première instance, la requérante n’avait pas soulevé d’argument spécifique de nature à démontrer que la déclaration de confidentialité des informations occultées dans le dispositif de résolution litigieux était contraire au principe de transparence. Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 388 de cet arrêt, que la jurisprudence rappelée aux
points 117 et 118 du présent arrêt s’applique par analogie aux informations confidentielles détenues par le CRU, au sens de l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU. Or, conformément à cette jurisprudence, une personne tierce concernée par un tel dispositif n’a pas toujours le droit d’en obtenir la version intégrale.

122 Contrairement à ce que soutient la requérante dans le cadre de la première branche du cinquième moyen, la circonstance que l’interdiction de divulguer les informations couvertes par les exigences de secret professionnel s’applique, en vertu de l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU, « sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires » ne s’oppose pas à cette interprétation.

123 En effet, cette réserve, qui met en balance les exigences résultant, d’une part, de l’article 339 TFUE et, d’autre part, de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 47 de la Charte, doit être interprétée à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 117 et 118 du présent arrêt. Ainsi, il y a lieu de considérer que l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU exigeait de la part du CRU que la motivation du dispositif de résolution litigieux fasse apparaître de façon
claire et non équivoque le raisonnement suivi par cet organisme ainsi que la méthodologie employée, sans toutefois que cette obligation lui impose la divulgation d’informations couvertes par le secret des affaires et notamment de l’ensemble des éléments chiffrés mentionnés dans ce dispositif, ce qui est corroboré par le considérant 116 de ce règlement.

124 Il ressort, en effet, de ce considérant que « les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées », de sorte qu’« [i]l est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations ».

125 En outre, la confidentialité exigée par l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU, lu à la lumière du considérant 116 de ce règlement, vise non seulement à protéger les intérêts spécifiques des entreprises directement concernées, mais également à assurer que le CRU puisse effectivement accomplir les missions qui lui sont dévolues par ledit règlement. À cette fin, l’article 34, paragraphes 1 et 2, du règlement MRU confère au CRU notamment le pouvoir de demander aux
établissements de crédit toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions, sans que les exigences liées au respect du secret professionnel dispensent ces établissements de l’obligation de fournir ces informations. En l’absence de confiance que les informations confidentielles fournies conserveront, en principe, leur caractère confidentiel, la transmission sans heurt d’informations nécessaires à l’accomplissement desdites missions risquerait d’être compromise (voir, par
analogie, en ce qui concerne la directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 31 à 33).

126 Dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a jugé, aux points 381 et 388 de l’arrêt attaqué, que la publication d’une version expurgée du dispositif de résolution litigieux respectait les exigences résultant de l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce règlement. Toutefois, cette argumentation procède d’une lecture manifestement erronée de ces points qui portent sur la confidentialité de ce dispositif, sans aborder le caractère
suffisant des motifs qui apparaissent dans la version non confidentielle de celui-ci. L’argumentation de la requérante se heurte également à la considération figurant au point 400 de cet arrêt aux termes duquel le Tribunal a, en substance, relevé qu’il a traité les arguments tirés du caractère prétendument insuffisant de la motivation apparaissent dans la version non confidentielle du dispositif de résolution litigieux non pas aux points 354 à 399 de l’arrêt attaqué, mais dans une autre partie
de cet arrêt, à savoir aux points 330 à 353 de celui-ci.

127 S’agissant, dans ce contexte, des points 394 et 395 de l’arrêt attaqué, si le Tribunal y a relevé que la publication successive de la version non confidentielle du dispositif ainsi que de versions moins expurgées de ce dispositif et des valorisations 1 et 2 ont permis à la requérante d’introduire un recours et de présenter des arguments sur la base de ces versions, il a entendu répondre à l’argumentation de la requérante tirée de la prétendue impossibilité de défendre ses droits en l’absence
d’un accès aux versions intégrales de ces documents. En revanche, le Tribunal n’a aucunement jugé, à ces points, que le seul fait qu’elle avait introduit un recours suffisait à établir que son droit à un recours effectif avait été respecté.

128 Dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 126 du présent arrêt, l’examen du Tribunal figurant aux points 354 à 399 de l’arrêt attaqué ne portait pas sur le caractère prétendument insuffisant de la motivation divulguée du dispositif de résolution litigieux, l’argumentation de la requérante invoquant une telle insuffisance, résumée aux points 97 et 98 du présent arrêt, est inopérante.

129 Enfin, la critique formulée à l’égard des points 396 et 397 de l’arrêt attaqué procède également d’une lecture manifestement erronée de ces points. En effet, c’est sans pour autant admettre que l’irrégularité d’un acte due à une motivation insuffisante pourrait être réparée par la suite que le Tribunal a constaté que le CRU n’avait aucunement complété la motivation du dispositif de résolution litigieux et des valorisations 1 et 2 par des informations qui n’étaient pas, dès l’origine, contenues
dans ces documents. Au contraire, selon les constatations du Tribunal, non contestées par la requérante, le CRU a successivement publié sur son site Internet des informations qui figuraient déjà initialement dans lesdits documents, tout en ayant été considérées comme étant confidentielles.

130 Partant, les première à troisième branches du cinquième moyen sont, pour autant qu’elles sont recevables, non fondées.

131 Par la quatrième branche de ce moyen, la requérante fait valoir que, en demandant au Tribunal d’ordonner la production du texte intégral du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et de l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, elle cherchait à soulever de nouveaux arguments, voire des moyens nouveaux. Dans ces conditions, elle estime que le Tribunal a méconnu l’article 296 TFUE et l’article 47 de la Charte en décidant,
dans l’ordonnance du 9 juin 2021 visée au point 723 de l’arrêt attaqué, que le texte intégral de ces documents n’était pas pertinent pour la solution du recours en première instance.

132 À cet égard, il convient de relever que, dans la mesure où la protection des informations confidentielles peut, en vertu de l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU, interprété à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 117 et 118 du présent arrêt, justifier d’occulter certains éléments chiffrés dans la motivation du dispositif de résolution litigieux, cette protection justifie également que la requérante ne puisse pas contester ces éléments. En effet, la
circonstance que, dans une telle situation, certains éléments chiffrés ne puissent pas être contestés en tant que tels est la conséquence directe de la conciliation nécessaire des exigences résultant, d’une part, de l’article 339 TFUE et, d’autre part, de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 47 de la Charte, qui justifie, selon cette jurisprudence, la non-divulgation d’informations couvertes par le secret des affaires.

133 Il importe de préciser que ces éléments chiffrés ne sont toutefois pas exempts de toute possibilité de recours, dans la mesure où, selon cette même jurisprudence, la motivation de l’acte faisant grief au justiciable et contenant ces éléments chiffrés doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement et la méthodologie employée. Une carence à cet égard ouvre au justiciable concerné un droit de recours devant le juge de l’Union.

134 Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en décidant, dans l’ordonnance du 9 juin 2021 visée au point 723 de l’arrêt attaqué, que le texte intégral de ces documents n’était pas pertinent pour la solution du recours en première instance.

135 Par ailleurs, si la requérante soutient que les informations non divulguées auraient influencé la décision du Tribunal, il suffit de relever qu’elle n’étaye aucunement son argumentation et se fonde, pour autant qu’elle vise le point 278 de l’arrêt attaqué, sur une lecture manifestement erronée de cet arrêt. En effet, il ressort des termes mêmes de ce point que le Tribunal ne s’est aucunement fondé sur l’annexe de la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, mais a seulement reproduit les
informations quant à cette annexe qui étaient contenues dans cette lettre. Or, la requérante ne conteste pas le fait que cette lettre lui a été communiquée.

136 Partant, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

2.   Sur le premier moyen

137 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a jugé à tort, aux points 275 à 327 de l’arrêt attaqué, que le CRU a respecté son obligation de diligence ainsi que l’article 296 TFUE en ce qui concerne l’appréciation des conditions de résolution prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU. Ce moyen se divise en deux branches.

a)   Argumentation des parties

138 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 292 à 302 de l’arrêt attaqué, le CRU a méconnu l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU, son devoir de diligence ainsi que l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE, en ce qu’il s’est abstenu de recueillir de manière approfondie et impartiale tous les faits relatifs à la crise de liquidité de Banco Popular et de
préciser les raisons pour lesquelles il considérait que cette crise n’était pas ponctuelle.

139 Selon la requérante, le non-respect de l’exigence de couverture des besoins de liquidité n’était pas un motif de résolution, mais avait pour conséquence que la BCE devait accorder un délai à Banco Popular pour rétablir sa situation et pouvait, le cas échéant, lui imposer des sanctions, ce qu’elle n’aurait pas fait. Elle estime que le CRU s’est fondé sur un seul critère, ayant trait à la possibilité ou non de réaliser, le 7 juin 2017, un apport urgent de liquidités, ce qui prouve, selon la
requérante, que la crise était ponctuelle. Toutefois, selon les orientations de l’ABE, du 6 août 2015, relatives à l’interprétation des différentes situations dans lesquelles la défaillance d’un établissement est considérée comme avérée ou prévisible en vertu de l’article 32, paragraphe 6, de la directive 2014/59 (EBA/GL/2015/07), mentionnées au point 294 de l’arrêt attaqué, une crise de liquidité ne pourrait conduire à une situation de défaillance avérée ou prévisible que si cette crise n’est
pas temporaire. En se référant à la situation d’une autre banque, la requérante soutient qu’une crise de liquidité doit durer plus de cinq mois pour ne plus pouvoir être considérée comme étant ponctuelle.

140 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit dans l’application du devoir de diligence incombant au CRU et de l’article 296 TFUE, en ce que le Tribunal a affirmé, au point 303 de cet arrêt, que les circonstances et les motifs ayant conduit la BCE à conclure à la défaillance de Banco Popular n’étaient pas pertinents. Compte tenu de la large marge d’appréciation dont disposerait le CRU dans le cadre de l’article 18,
paragraphe 1, premier alinéa, sous b), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU, cet organisme serait tenu d’examiner, de manière approfondie et impartiale, toutes les informations pertinentes et de motiver sa décision à la lumière de ces informations. Ainsi, le CRU ne saurait se contenter de faire référence à l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.

141 En particulier, le Tribunal aurait dû rechercher, contrairement à ce qu’il a jugé au point 315 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles l’apport urgent de liquidités ne pouvait pas être effectué au profit de Banco Popular et s’il ne lui aurait pas été possible d’obtenir un apport urgent de liquidités supplémentaire. À cette fin, le CRU aurait dû recueillir le montant de l’apport urgent de liquidités qui avait été autorisé, le montant qui avait été utilisé, le montant qui était disponible
et le montant supplémentaire d’apport urgent de liquidités susceptible d’être demandé. À cet égard, la considération du Tribunal selon laquelle l’octroi de liquidités d’urgence ne relève pas des compétences du CRU confirmerait que cet organisme n’a pas respecté son devoir de diligence.

142 La Commission soutient que le premier moyen est irrecevable, en ce que la requérante se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments avancés dans son recours en première instance, sans expliquer en quoi le Tribunal a commis une erreur de droit. Selon le CRU, la requérante invoque, pour la première fois au stade du pourvoi, qu’un non-respect du ratio de couverture des besoins de liquidité n’est pas un motif de résolution, que la BCE n’a pas sanctionné Banco Popular pour
le non-respect de l’exigence de couverture des besoins de liquidité et que la demande d’apport urgent de liquidités supplémentaire démontre le caractère temporaire de la crise de liquidité.

143 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander estiment que le premier moyen n’est pas fondé.

b)   Appréciation de la Cour

1) Sur la recevabilité

144 Par son premier moyen, la requérante cherche, en substance, à remettre en cause le bien-fondé des motifs par lesquels le Tribunal a rejeté son huitième moyen en première instance, tiré de ce que le CRU aurait enfreint l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU, son devoir de diligence et l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE. Dans la mesure où ce moyen comporte des indications précises sur les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les
arguments sur lesquels il s’appuie, il ne saurait, conformément à la jurisprudence rappelée au point 106 du présent arrêt, être déclaré irrecevable dans son intégralité.

145 S’agissant, plus particulièrement, des arguments tirés, dans le cadre de la première branche du premier moyen, de l’absence de sanction infligée par la BCE à Banco Popular pour le non-respect de l’exigence de couverture des besoins de liquidité ainsi que de la demande d’apport urgent de liquidités supplémentaire, ces arguments mettent en cause des motifs précis de l’arrêt attaqué. Dans ces conditions, le CRU soutient, à tort, qu’il s’agit d’arguments nouveaux irrecevables dans le cadre du
pourvoi.

146 En effet, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

2) Sur le fond

147 À titre liminaire, il convient de relever que, si, par son premier moyen, la requérante invoque une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU, du devoir de diligence et de l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE, elle ne critique pas l’interprétation que le Tribunal a retenue de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU, mais se limite, en substance, à contester le bien-fondé de la décision selon
laquelle le CRU a respecté son devoir de diligence et son obligation de motivation lorsqu’il a considéré que les conditions de résolution prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU étaient vérifiées en l’espèce.

i) Sur la première branche du premier moyen

148 La requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 292 à 302 de l’arrêt attaqué, le CRU a méconnu son obligation de diligence et son obligation de motivation en s’étant abstenu de recueillir tous les faits relatifs à la crise de liquidité de Banco Popular et de préciser pour quelle raison cette crise devait être considérée comme n’étant pas ponctuelle.

149 Force est de constater que cette argumentation procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué ainsi que du dispositif de résolution litigieux.

150 En premier lieu, il ressort des points 276 à 302 de l’arrêt attaqué que, selon les constatations du Tribunal, le CRU s’est fondé sur une multiplicité d’éléments pour conclure que, en raison de problèmes de liquidité, Banco Popular ne serait plus en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance et, partant, se trouvait dans une situation de défaillance prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4,
premier alinéa, sous c), du règlement MRU.

151 Ainsi, s’agissant de l’évolution de la situation de liquidité de Banco Popular, le Tribunal a, tout d’abord, relevé, au point 290 de l’arrêt attaqué, que le CRU avait constaté, au considérant 23 du dispositif de résolution litigieux, en se référant à l’évaluation effectuée par la BCE, que la situation de trésorerie de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis le mois d’octobre 2016 en raison de retraits de dépôts au niveau de tous les segments de clientèle. Le Tribunal a
ajouté que, au même considérant, le CRU avait déduit de cette évolution que Banco Popular ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin de s’assurer qu’elle serait en mesure de s’acquitter de ses engagements à échéance. Ensuite, au point 291 de cet arrêt, le Tribunal a tenu compte du fait que, au considérant 24 du dispositif de résolution litigieux, le CRU avait énuméré les différents événements publics ayant conduit, depuis le mois de février 2017, à une
détérioration rapide de la position de liquidité de Banco Popular et à une augmentation des retraits de dépôts. Enfin, au point 292 dudit arrêt, il a ajouté que, de plus, le CRU avait indiqué que, depuis le 12 mai 2017, cette banque ne respectait pas l’exigence de couverture des besoins de liquidité et qu’elle n’était toujours pas en mesure de la respecter à la date d’adoption de ce dispositif.

152 Dans ces conditions, la requérante soutient, à tort, que l’impossibilité de réaliser, le 7 juin 2017, un apport urgent de liquidités constituait le seul critère pris en considération. Au contraire, ce refus étant mentionné au considérant 26 de ce dispositif, ce n’est qu’à titre complémentaire que le CRU en a tenu compte par rapport aux éléments visés au point 151 du présent arrêt, énumérés aux considérants 23 et 24 dudit dispositif.

153 Ensuite, il ressort de ces constatations que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU et le Tribunal n’ont aucunement considéré que le non-respect de l’exigence de couverture des besoins de liquidité constituait, en tant que tel, un motif de résolution. En effet, ce non-respect a été pris en compte, ensemble avec d’autres circonstances, pour conclure que Banco Popular se trouvait, en raison de problèmes de liquidité, dans une situation de défaillance prévisible, au sens de
l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU, ce qui est corroboré par les considérations figurant aux points 294 à 299 de l’arrêt attaqué.

154 À ces derniers points, le Tribunal a précisé, en prenant en compte les différents éléments visés au point 151 du présent arrêt, que le CRU s’était conformé, comme le prévoit l’article 5, paragraphe 2, du règlement MRU, aux orientations de l’ABE, du 6 août 2015, relatives à l’interprétation des différentes situations dans lesquelles la défaillance d’un établissement est considérée comme avérée ou prévisible en vertu de l’article 32, paragraphe 6, de la directive 2014/59. Or, selon ces
orientations, la capacité de respecter les exigences minimales de liquidité constitue un élément, parmi d’autres, à prendre en compte à cet effet.

155 Enfin, compte tenu de l’ensemble des éléments visés au point 151 du présent arrêt, c’est à tort que la requérante reproche au CRU de ne pas avoir précisé pour quelle raison cette crise de liquidité devait être considérée comme n’étant pas ponctuelle. En effet, ainsi que le Tribunal l’a constaté à juste titre au point 302 de l’arrêt attaqué, il ressort de ces éléments que les problèmes de liquidité de Banco Popular ne pouvaient pas être considérés comme étant seulement ponctuels. À juste titre,
le Tribunal y a estimé que cette conclusion était confirmée par le fait, d’ailleurs pris en compte au considérant 36 du dispositif de résolution litigieux, que cette banque avait elle-même informé la BCE, par lettre du 6 juin 2017, qu’elle était en situation de défaillance en raison de problèmes de liquidité.

156 Dès lors, il y a lieu de considérer que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

ii) Sur la seconde branche du premier moyen

157 La requérante soutient que le Tribunal a méconnu, aux points 303 et 315 de l’arrêt attaqué, l’obligation du CRU, résultant de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement MRU, de son devoir de diligence et de l’article 296 TFUE, d’examiner, de manière approfondie et impartiale, toutes les informations pertinentes et de motiver sa décision à la lumière de ces informations.

158 S’agissant du point 303 de l’arrêt attaqué, si la requérante fait, à juste titre, remarquer que le Tribunal y a considéré que les circonstances et les motifs ayant conduit la BCE à conclure à la défaillance de Banco Popular n’étaient pas pertinents, il importe de souligner que, par ces motifs, le Tribunal a répondu à l’argumentation de la requérante selon laquelle les problèmes de liquidité de Banco Popular n’étaient pas imputables à cette banque, mais étaient le résultat d’autres évènements.

159 C’est en réponse à cet argument que le Tribunal a jugé, en substance, que les raisons de la défaillance de Banco Popular étaient sans pertinence pour apprécier la légalité du dispositif de résolution litigieux au regard de l’article 18 du règlement MRU. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, audit point, le Tribunal a estimé que le CRU pouvait se contenter de faire référence à l’évaluation de la BCE relative à la situation de la défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular
sans chercher à obtenir des informations à ce sujet. Il en va d’autant plus ainsi que, ainsi qu’il ressort de l’analyse de la première branche du premier moyen, le Tribunal a constaté, notamment aux points 291 et 302 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation du CRU était fondée non seulement sur cette évaluation de la BCE, mais également sur des évènements de notoriété publique ainsi que sur la lettre de Banco Popular du 6 juin 2017, informant la BCE qu’elle était en situation de défaillance en
raison de problèmes de liquidité.

160 Quant au point 315 de l’arrêt attaqué, il est vrai que le Tribunal y a conclu que la requérante ne saurait reprocher au CRU de ne pas avoir examiné, dans le dispositif de résolution litigieux, s’il aurait été possible, pour Banco Popular, d’obtenir un apport urgent de liquidités supplémentaire.

161 Toutefois, pour arriver à cette conclusion, le Tribunal a constaté, aux points 311 et 313 de cet arrêt, premièrement, qu’il résultait de l’article 3, paragraphe 2, sous d), du dispositif de résolution litigieux qu’un apport urgent de liquidités aurait été insuffisant au regard de la rapidité de la détérioration de la position de liquidité de Banco Popular, deuxièmement, qu’un apport urgent de liquidités supplémentaire n’était plus envisageable à la suite du constat de la défaillance de cette
banque le lendemain d’un premier apport urgent de liquidités et, troisièmement, que le CRU ne jouait aucun rôle dans la fourniture d’un apport urgent de liquidités, relevant de la compétence des banques centrales nationales.

162 Dans ces conditions, le Tribunal a pu considérer, sans commettre d’erreur de droit, que le CRU avait examiné, à suffisance de droit, s’il aurait été possible que Banco Popular bénéficie d’un apport urgent de liquidités supplémentaire.

163 En tout état de cause, il ne saurait être reproché au CRU d’avoir omis de rechercher les motifs pour lesquels Banco Popular n’a pas bénéficié d’un apport urgent de liquidités supplémentaire. En effet, l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU subordonne l’adoption d’un dispositif de résolution à la condition, premièrement, que la défaillance de l’entité concernée est avérée ou prévisible, deuxièmement, que, compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes,
il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée prises à l’égard de l’entité empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public. En revanche, cette disposition ne fait aucunement référence aux causes ni de la situation de défaillance ni de l’absence de mesure alternative.

164 Une prise en compte de ces causes serait, par ailleurs, incompatible avec les objectifs du règlement MRU qui vise, ainsi qu’il ressort notamment de son considérant 58, à maintenir la stabilité financière, à assurer la continuité des services financiers essentiels et à protéger les déposants. En particulier, les circonstances ayant causé la défaillance de la banque concernée ne sauraient empêcher le CRU d’adopter une mesure de résolution, alors même que toutes les conditions prévues à
l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement sont remplies, en ce que la banque concernée est défaillante, qu’il n’existe pas de solution alternative et, notamment, qu’une mesure de résolution à son égard est conforme à l’intérêt public.

165 Eu égard aux considérations qui précèdent, la seconde branche du premier moyen est non fondée. Partant, ce moyen dans son ensemble doit être écarté comme étant non fondé.

3.   Sur le quatrième moyen

166 Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 47 de la Charte, de l’article 296 TFUE et des règles relatives à la charge de la preuve. La requérante soutient que le Tribunal a jugé à tort, aux points 330 à 353 de l’arrêt attaqué, que la motivation du dispositif de résolution litigieux n’était ni contradictoire ni insuffisante. Ce moyen se divise en deux branches.

a)   Argumentation des parties

167 Par la première branche du quatrième moyen, la requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 341 à 344 de l’arrêt attaqué, la motivation du dispositif de résolution litigieux est entachée d’une contradiction en ce que le CRU a, d’une part, attribué à Banco Popular une valeur négative de moins 8,2 milliards d’euros dans le cadre de l’exercice du pouvoir de dépréciation, à l’article 6, paragraphes 3 et 4 de ce même dispositif, et, d’autre part, considéré, dans le
cadre de la valorisation 2, faisant partie intégrante de ce dispositif, que la banque était solvable.

168 La seconde branche de ce moyen est tirée d’une violation, par le Tribunal, de l’article 296 TFUE, en ce qu’il a considéré, aux points 345 à 353 de l’arrêt attaqué, que la motivation des considérants 23 et 24 ainsi que du considérant 26, sous c), du dispositif de résolution litigieux était suffisante pour comprendre la gravité de la crise de liquidité de Banco Popular. Toutefois, la requérante considère que les informations contenues dans ces considérants sont génériques et pourraient s’appliquer
à toute crise de liquidité. Pour comprendre la crise de liquidité à laquelle Banco Popular était confrontée, un expert économique aurait dû disposer d’informations supplémentaires et, notamment, des éléments chiffrés reflétant précisément la situation de liquidité de cette banque à la date des 6 et 7 juin 2017. En outre, la motivation du dispositif de résolution litigieux ne ferait pas apparaître pour quelles raisons la Banque d’Espagne n’a pas effectué un apport urgent de liquidités
supplémentaire.

169 Le CRU et Banco Santander soutiennent que le quatrième moyen est irrecevable en ses deux branches, au motif que la requérante se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, sans invoquer une quelconque erreur de droit dans l’arrêt attaqué.

170 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander considèrent que le quatrième moyen n’est pas fondé.

b)   Appréciation de la Cour

171 En ce qui concerne la première branche du quatrième moyen, il y a lieu de rappeler que, aux points 342 à 344 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déjà jugé que le constat de la solvabilité de Banco Popular, fondé sur la valeur comptable de cette dernière, n’était pas en contradiction avec le constat d’une valeur économique négative de moins 8,2 milliards d’euros. Or, dans son pourvoi, la requérante se limite à réitérer son argument tiré d’une contradiction des motifs, sans expliquer pourquoi le
Tribunal aurait eu tort de considérer, aux points 342 à 344 de cet arrêt, qu’une distinction devait être faite entre la valeur comptable et la valeur économique de Banco Popular.

172 Dès lors, il y a lieu de considérer que la première branche du quatrième moyen, en ce qu’elle se limite à réitérer les arguments déjà présentés devant le Tribunal, est irrecevable conformément à la jurisprudence rappelée au point 105 du présent arrêt.

173 S’agissant de la recevabilité de la seconde branche de son quatrième moyen, il y a lieu de constater que, sans se limiter à réitérer les arguments présentés en première instance, la requérante critique l’appréciation, par le Tribunal, de la motivation contenue aux considérants 23 et 24 ainsi qu’au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution litigieux au motif que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, les éléments chiffrés contenus dans le dispositif de résolution litigieux qui ont
été occultés pour des raisons de confidentialité étaient nécessaires pour analyser et comprendre la crise de liquidité de Banco Popular.

174 Dès lors, l’exception d’irrecevabilité invoquée par le CRU et Banco Santander doit être rejetée, pour autant qu’elle vise la seconde branche du quatrième moyen.

175 Quant au fond, il ressort des considérants 23 à 25 et du considérant 26, sous c), du dispositif de résolution litigieux, tout d’abord, que la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée significativement depuis le mois d’octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle et que cette banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin de s’assurer qu’elle serait en mesure de s’acquitter de ses engagements à
l’échéance, ensuite, que la détérioration de sa situation de liquidité a conduit des agences de notation à baisser successivement la notation de cette banque et, enfin, que, eu égard à cette détérioration, la BCE avait conclu que Banco Popular se trouvait en situation de défaillance avérée ou prévisible. Or, force est de constater que ces indications font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement suivi par le CRU, respectant ainsi les exigences auxquelles la motivation d’un
acte doit satisfaire en présence d’informations confidentielles, compte tenu de l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU, interprété à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 117 et 118 du présent arrêt.

176 Ainsi, c’est sans méconnaître l’article 296 TFUE que le Tribunal a jugé, aux points 345 à 353 de l’arrêt attaqué, que les indications figurant aux considérants 23 à 25 et au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution litigieux permettaient de comprendre la gravité de la crise de liquidité de Banco Popular en raison des retraits des dépôts qui avaient conduit au constat, par la BCE et le CRU, qu’elle était en situation de défaillance avérée ou prévisible, sans qu’il soit nécessaire de
connaître exactement le montant de ces retraits.

177 La prétendue nécessité d’avoir connaissance de ces montants ainsi que d’autres éléments chiffrés invoqués par la requérante paraît d’autant moins nécessaire qu’il est précisé, au considérant 36 de ce dispositif, que l’appréciation de la BCE quant à la situation de défaillance avérée ou prévisible était partagée par le conseil d’administration de Banco Popular, ce que la requérante ne conteste pas.

178 Il s’ensuit que la seconde branche du quatrième moyen n’est pas fondée.

179 Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

4.   Sur le sixième moyen

180 Par son sixième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 47 de la Charte et l’article 6 de la CEDH ainsi que le principe du contradictoire en ce qu’il a rejeté, aux points 721 à 728 de l’arrêt attaqué, les mesures d’instruction demandées, au motif qu’elles n’étaient pas pertinentes ou que les éléments contenus dans le dossier étaient suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer. Ce moyen se divise en trois branches.

a)   Argumentation des parties

181 Par la première branche du sixième moyen, la requérante soutient que, afin de respecter le principe du contradictoire et de la protection juridictionnelle effective, le Tribunal aurait dû ordonner la production du texte intégral du dispositif de résolution litigieux, des valorisations 1 et 2, de l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular ainsi que du plan de résolution de 2016. En effet, le principe du contradictoire exigerait que les
parties à un procès puissent prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. Si le Tribunal disposait d’une marge d’appréciation pour évaluer la pertinence des preuves, il ne saurait considérer que l’acte attaqué lui-même constitue un élément de preuve qui n’est pas pertinent pour la solution du litige. À cet égard, l’éventuel caractère confidentiel des documents demandés est, selon la requérante, indifférent,
puisque des engagements de confidentialité au titre de l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal permettent de concilier les intérêts en jeu.

182 Quant à la deuxième branche de ce moyen, la requérante considère, à l’appui de celle-ci, que le Tribunal aurait dû accepter la preuve testimoniale de l’expert ayant signé le rapport économique qu’elle avait soumis au soutien de son recours en première instance, dans la mesure où, selon elle, cette preuve était nécessaire pour vérifier et pour comprendre les informations techniques et complexes contenues dans le dispositif de résolution litigieux et dans les valorisations 1 et 2 ainsi que, en
tout état de cause, pour formuler des moyens de recours efficaces.

183 Par la troisième branche dudit moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû ordonner la production de différents documents qui auraient permis de discuter le point de savoir si une crise de liquidité constitue un motif de résolution ou s’il existait d’autres mesures plus proportionnées que la résolution, telles qu’un apport urgent de liquidités.

184 La Commission et Banco Santander soutiennent que le sixième moyen est irrecevable, en ce que la requérante se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments qui ont été présentés en première instance, tout en demandant à la Cour de substituer sa propre appréciation des faits et des éléments de preuve à celle effectuée par le Tribunal. En outre, le caractère probant ou non des pièces de la procédure relèverait de l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal et
échapperait au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations du Tribunal ressort des documents versés au dossier. Or, la requérante exprimerait simplement son désaccord avec l’appréciation du Tribunal, sans invoquer une telle dénaturation ou une telle inexactitude matérielle.

185 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander soutiennent que l’argumentation de la requérante est non fondée.

b)   Appréciation de la Cour

1) Sur la recevabilité

186 En ce qui concerne les exceptions d’irrecevabilité invoquées par la Commission et Banco Santander, il y a lieu de constater que, par son sixième moyen, la requérante critique l’interprétation et l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal aux points 721 à 728 de l’arrêt attaqué. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 106 du présent arrêt, le sixième moyen ne saurait, dès lors, être déclaré irrecevable dans son ensemble.

187 Cela étant, la Commission et Banco Santander rappellent, à juste titre, que le Tribunal juge seul de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Ainsi, le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle
des constatations du Tribunal ressort des documents versés au dossier (arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117).

188 Or, dans le cadre des deuxième et troisième branches du sixième moyen, la requérante se limite à faire valoir que le Tribunal aurait dû ordonner certaines mesures d’instruction, sans toutefois invoquer un grief tiré d’une dénaturation ou d’une inexactitude matérielle des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal.

189 Partant, les deuxième et troisième branches du sixième moyen sont irrecevables.

2) Sur le fond

190 Quant au fond de la première branche de ce moyen, dans la mesure où la requérante invoque une violation de l’article 6 de la CEDH, il convient de rappeler que, si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que les droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée
que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union. Ainsi, le contrôle de légalité des actes de l’Union doit être opéré au regard uniquement des droits fondamentaux garantis par la Charte, notamment son article 47 (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée).

191 En ce qui concerne le principe du contradictoire, qui fait partie des droits de la défense garantis à l’article 47 de la Charte, il y a lieu de constater que la première branche du sixième moyen se confond, d’une part, avec l’argumentation invoquée au soutien du cinquième moyen, en ce que la requérante estime que le Tribunal aurait dû ordonner la production du texte intégral du dispositif de résolution litigieux, des valorisations 1 et 2, de l’évaluation de la BCE relative à la situation de
défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular ainsi que du plan de résolution de 2016. Or, ainsi qu’il a été jugé aux points 117 et 118 du présent arrêt, eu égard aux informations confidentielles contenues dans ces documents, cet argument ne saurait prospérer.

192 D’autre part, l’argument tiré d’une méconnaissance du principe du contradictoire se confond, en substance, avec l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait fondé son examen de légalité sur des informations contenues dans ces documents qui n’ont pas été communiquées à la requérante. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 135 du présent arrêt, une telle allégation est tout à fait spéculative et procède, en outre, d’une lecture manifestement erronée du point 278 de l’arrêt attaqué. Dans ces
conditions, l’argument tiré d’une prétendue violation du principe du contradictoire n’est pas fondé.

193 Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

C. Sur le septième moyen, tiré d’une violation des articles 17 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 5, paragraphe 4, TUE

194 Par son septième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé les articles 17 et 52 de la Charte ainsi que l’article 5, paragraphe 4, TUE en ce qu’il a rejeté, aux points 150 à 219 de l’arrêt attaqué, son exception d’illégalité, invoquée sur le fondement de l’article 277 TFUE, visant les articles 15 et 22 du règlement MRU, tirée d’une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété ainsi que de l’absence d’une indemnisation appropriée. Ce moyen se divise en cinq branches.

1.   Argumentation des parties

195 Par les première à troisième et cinquième branches du septième moyen, la requérante soutient, tout d’abord, que, aux points 171 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé à tort sur la jurisprudence issue, notamment, de l’arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570), pour juger que les articles 15 et 22 du règlement MRU ne constituaient pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des actionnaires, alors que cette jurisprudence porterait sur des
banques qui rencontraient des problèmes de solvabilité ou des pertes pouvant entraîner un déficit de fonds propres et devant être supportées, en premier lieu, par les actionnaires. En outre, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé notamment aux points 171, 185 et 204 de l’arrêt attaqué, une mesure de résolution ne constituerait pas la solution alternative pour une banque solvable, dès lors que l’actif d’une telle banque serait supérieur à son passif.

196 Ensuite, la requérante conteste le bien-fondé du rejet, aux points 177 à 181 de l’arrêt attaqué, de l’argument selon lequel les articles 15 et 22 du règlement MRU ne permettaient pas de tenir compte des circonstances pertinentes de l’espèce et, notamment, de la solvabilité de la banque ou du respect, par celle-ci, des exigences en matière de ratio de fonds propres. Les articles 15, 21 et 22 du règlement MRU seraient formulés de manière si large qu’il serait possible, en pratique, d’exercer le
pouvoir de dépréciation, alors même que la dépréciation du capital social ne serait pas de nature à résoudre les problèmes de liquidité d’une banque solvable qui, en l’absence de déficit de fonds propres, ne souffrirait pas de pertes devant être supportées par les actionnaires.

197 La requérante critique également les points 169 et 175 à 189 de l’arrêt attaqué, au motif que les articles 15 et 22 du règlement MRU ne prévoient pas de solutions différentes, d’une part, pour les banques insolvables et, d’autre part, pour les banques solvables ayant des problèmes de liquidité. Aucun des instruments de résolution prévus à l’article 22 dudit règlement ne serait conçu pour résoudre une crise de liquidité touchant une banque solvable. Selon la requérante, il existe des solutions
alternatives moins intrusives pour répondre à une telle crise, telles qu’un apport urgent de liquidités ou la possibilité de convenir d’un moratoire de paiements.

198 Enfin, aux points 201 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré à tort que l’article 20, paragraphe 16, et l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement MRU prévoient une indemnisation adéquate de nature à garantir la proportionnalité de l’ingérence dans le droit de propriété des actionnaires, en veillant à ce que ces derniers ne soient pas traités moins favorablement qu’ils ne l’auraient été dans un scénario d’insolvabilité. Dans la mesure où le calcul de l’indemnisation
prévue par ces dispositions présupposerait l’insolvabilité de l’établissement, même si la banque était solvable et ne subissait pas de pertes, lesdites dispositions ne tiendraient pas compte des circonstances spécifiques des biens expropriés et de la diversité des situations qui peuvent se présenter, contrairement à ce qu’exigerait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme issue des arrêts du 21 mai 2002, Jokela c. Finlande (CE:ECHR:2002:0521JUD002885695, § 53) et du 25 mars
1999, Papachelas c. Grèce (CE:ECHR:1999:0325JUD003142396, § 53).

199 Dans ce contexte, la requérante critique également les points 191 et 211 à 219 de l’arrêt attaqué, au motif que le règlement MRU ne garantit pas, selon elle, l’égalité de traitement pour tous les actionnaires ni le droit des actionnaires et des créanciers à une juste indemnité. L’indemnisation prévue à l’article 20, paragraphes 11 et 12, de ce règlement, en sus de celle prévue au paragraphe 16 de cet article 20, ne s’appliquerait pas à tous les instruments de résolution, mais établirait une
différence de traitement en fonction de l’instrument de résolution appliqué.

200 Par ailleurs, elle considère que le Tribunal a méconnu le principe de proportionnalité, en ce qu’il a jugé, au point 169 de l’arrêt attaqué, que l’ingérence dans le droit de propriété résultant de la dépréciation était justifiée dès lors que les conditions de résolution résultant de l’article 18 du règlement MRU étaient remplies.

201 Par la quatrième branche du septième moyen, la requérante invoque une méconnaissance du principe de proportionnalité consacré à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 5, paragraphe 4, TUE, au motif que le Tribunal n’a pas tenu compte du fait que les articles 15 et 22 du règlement MRU ne prévoient pas de mécanismes permettant d’assurer la proportionnalité de l’exercice du pouvoir de dépréciation en cas d’urgence. En substance, elle soutient que ces dispositions permettent, en cas
d’urgence, d’exercer ce pouvoir sans valorisation des éléments de l’actif et du passif de la banque. Toutefois, dans l’hypothèse où il s’avérerait ultérieurement, dans le cadre d’une valorisation définitive ex post, que la valeur nette de l’actif de la banque dépasse celle du passif, la dépréciation serait, en fin de compte, excessive, voire inutile.

202 Le CRU et Banco Santander soutiennent que le septième moyen est irrecevable, au motif que la requérante se limite à réitérer les arguments déjà présentés devant le Tribunal et qu’elle n’identifie aucune erreur de droit commise par celui-ci. Le Conseil fait valoir que, dans le cadre du septième moyen, la requérante semble tenter de remettre en cause la validité non seulement des articles 15 et 22 du règlement MRU, comme en première instance, mais également celle d’autres dispositions dudit
règlement, notamment les articles 18, 20 et 21 de celui-ci, alors qu’elle n’avait pas contesté la légalité de ces derniers articles devant le Tribunal.

203 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander estiment que le septième moyen n’est pas fondé.

2.   Appréciation de la Cour

a)   Sur la recevabilité

204 En ce qui concerne l’exception d’irrecevabilité soulevée par le CRU et Banco Santander, il y a lieu de constater que, par son septième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a rejeté, à tort, son exception d’illégalité sur le fondement de l’article 277 TFUE, en ce que les articles 15 et 22 du règlement MRU violeraient le droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte et, plus particulièrement, le principe de proportionnalité consacré à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci et à
l’article 5, paragraphe 4, TUE, tout en précisant les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels elle s’appuie. Dès lors, ce moyen ne saurait être déclaré irrecevable dans son intégralité.

205 Quant à l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, si la requérante se réfère également aux articles 18, 20 et 21 du règlement MRU, elle n’invoque pas d’arguments nouveaux mettant en cause la légalité de ces articles, mais elle les prend en compte afin d’étayer son argumentation relative à la prétendue illégalité des articles 15 et 22 de ce règlement qu’elle avait déjà soulevée devant le Tribunal.

206 Cela étant, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 105 de ses conclusions, la quatrième branche de ce moyen est irrecevable, en ce que le pourvoi s’abstient, en méconnaissance de l’exigence posée à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, d’identifier avec précision les points de motifs de l’arrêt attaqué qui sont critiqués. Or, cette absence de précision fait obstacle au contrôle de légalité qui incombe à la Cour.

207 En outre, ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné au même point de ses conclusions, la cinquième branche du septième moyen est partiellement irrecevable, en ce qu’elle vise une discrimination résultant du choix de l’instrument de résolution. Compte tenu du fait que, ainsi qu’il ressort des points 190 et suivants de l’arrêt attaqué, la requérante avait invoqué en première instance non pas une telle discrimination entre différents instruments de résolution, mais celle entre différentes
catégories de créanciers, il s’agit d’un argument nouveau. Il doit, partant, être déclaré irrecevable au stade du pourvoi.

b)   Sur le fond

208 Par son septième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a rejeté, à tort, aux points 150 à 219 de l’arrêt attaqué, son exception d’illégalité visant les articles 15 et 22 du règlement MRU, tirée d’une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété ainsi que de l’absence d’une indemnisation appropriée des actionnaires.

209 Ainsi qu’il ressort de l’arrêt attaqué, cette exception d’illégalité visait, plus particulièrement, l’article 15, paragraphe 1, sous a), de ce règlement qui énonce le principe général de la résolution, selon lequel les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes, ainsi que l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement.

210 Cette dernière disposition prévoit, dans l’application du principe visé au point précédent, que, lorsque le CRU décide d’appliquer un instrument de résolution et que cette mesure de résolution se traduit par des pertes à charge des créanciers ou par une conversion de leurs créances, le CRU donne, immédiatement avant l’application de l’instrument de résolution ou concomitamment à celle-ci, instruction aux autorités de résolution nationales d’exercer le pouvoir de dépréciation et de conversion des
instruments de fonds propres pertinents, conformément à l’article 21 dudit règlement.

211 S’agissant du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte, il y a lieu de rappeler que, aux termes du paragraphe 1 de cet article, « toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et [des] conditions prévus par une loi et moyennant, en temps utile, une juste indemnité pour sa perte. L’usage des
biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ».

212 Des instruments de fonds propres, tels que des actions, relèvent du champ d’application de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, en ce qu’ils revêtent une valeur patrimoniale et confèrent à leur titulaire une position juridique acquise permettant l’exercice autonome des droits qui en découlent (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, points 40 et 43).

213 Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, dans la mesure où celle-ci contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention. Cette disposition ne fait toutefois pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. Il s’ensuit que, aux fins de l’interprétation de l’article 17 de la Charte, il y a lieu de prendre en considération la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme relative à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH, signé à Paris le 20 mars 1952, qui consacre la protection du droit de propriété, en tant que seuil de protection minimale [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 72 et jurisprudence citée].

214 De la même manière que la Cour européenne des droits de l’homme l’a jugé de manière constante à l’égard de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH, il y a lieu de considérer que l’article 17, paragraphe 1, de la Charte contient trois normes distinctes. La première, qui s’exprime à la première phrase de cette disposition et revêt un caractère général, concrétise le principe du respect du droit de propriété. La deuxième, figurant à la deuxième phrase de ladite disposition, vise la
privation de ce droit et la soumet à certaines conditions. Quant à la troisième, figurant à la troisième phrase de la même disposition, elle reconnaît aux États le pouvoir, notamment, de réglementer l’usage des biens dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. Il ne s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. Les deuxième et troisième règles ont trait à des exemples particuliers d’atteinte au droit de propriété, et doivent être interprétées à la lumière du principe
consacré à la première de ces règles (arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 38).

215 Selon la jurisprudence de la Cour et de la Cour européenne des droits de l’homme, il convient, afin d’établir l’existence d’une privation de propriété, non seulement d’examiner s’il y a eu dépossession ou expropriation formelle, mais encore de rechercher si la situation litigieuse équivalait à une expropriation de fait (arrêt de la Cour du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 44 ; Cour EDH, 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, CE :ECHR :1999 :0728JUD 002277493,
§ 46 ; Cour EDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, CE :ECHR :2010 :0329JUD 003404402, § 78).

216 En l’espèce, la mesure de résolution visée à l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 21de ce règlement, consiste en une conversion et/ou une dépréciation des instruments de fonds propres, sans toutefois impliquer une dépossession ou une expropriation formelle des instruments concernés. En particulier, cette mesure ne prive pas, de manière forcée, intégrale et définitive leurs titulaires des droits découlant desdits instruments [voir, par analogie, arrêt du
21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 81].

217 S’agissant du point de savoir si l’adoption d’une telle mesure est susceptible d’entraîner une expropriation de fait, dans l’hypothèse d’une dépréciation substantielle, voire totale, d’instruments de fonds propres, il y a lieu de rappeler que l’exercice du pouvoir de conversion et de dépréciation présuppose, ainsi qu’il ressort de l’article 22, paragraphe 2, du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 6, sous b), de ce règlement, que les conditions pour l’application d’un
dispositif de résolution prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à c), dudit règlement soient remplies, à savoir, premièrement, que l’entité en cause se trouve dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielle soient susceptibles d’empêcher cette défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, que l’adoption d’une mesure de résolution soit
nécessaire dans l’intérêt public.

218 Il découle de l’article 18, paragraphes 5 et 8, dudit règlement que, lorsque les deux premières conditions, visées au point précédent, relatives à la défaillance avérée ou prévisible et à l’absence de mesures alternatives sont remplies, l’entité concernée doit être liquidée de manière ordonnée, conformément au droit national applicable si sa résolution n’est pas dans l’intérêt public. Il apparaît ainsi que, si l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), de ce même règlement prévoit que
la défaillance de l’entité concernée est réputée avérée ou prévisible lorsque cette entité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou ne le sera pas dans un proche avenir, le règlement MRU limite l’adoption d’un dispositif de résolution à des crises de liquidité exceptionnelles mettant en cause l’existence même de ladite entité, dans le cadre desquelles il n’existe aucune solution autre que la résolution ou la liquidation selon une procédure
d’insolvabilité normale.

219 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la perte de valeur des instruments de fonds propres découle non pas de l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU, mais de l’état de défaillance ou du risque de défaillance dans lequel se trouve l’établissement de crédit concerné (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 48).

220 Il s’ensuit qu’une mesure de résolution adoptée conformément aux articles 18, 22 et 24 du règlement MRU est constitutive non pas d’une privation du droit de propriété, au sens de l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, de la Charte, qui doit notamment répondre aux conditions relatives à l’existence d’une cause d’utilité publique pour la privation de propriété et au paiement en temps utile d’une juste indemnité, mais une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17,
paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, points 49 et 50).

221 Il ressort du libellé de cette dernière disposition que l’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. En outre, selon la jurisprudence de la Cour, le droit de propriété garanti par l’article 17 de la Charte n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union (arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P
à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 69).

222 Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées à ces droits et à ces libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
L’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, TUE impose spécifiquement aux institutions de l’Union de se conformer au même principe de proportionnalité lorsqu’elles agissent dans l’exercice d’une compétence qui leur est dévolue.

223 À cet égard, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale et lorsqu’il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (arrêt du 30 janvier 2019, Planta Tabak, C‑220/17, EU:C:2019:76, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 juin 2019, P. M. e.a., C‑264/18, EU:C:2019:472, point 26). Or, en
adoptant le règlement MRU, le législateur de l’Union était confronté à de tels choix, tout en étant appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes.

224 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, dans la mesure où ils sont recevables, les arguments invoqués par la requérante au soutien des première à troisième et cinquième branches du septième moyen.

225 À l’appui de ce moyen, la requérante fait valoir que l’article 15, paragraphe 1, sous a), et l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU ne respectent pas le principe de proportionnalité, au motif que ces dispositions ne permettent pas de tenir compte des différences que présente la situation d’une banque souffrant d’une crise de liquidité par rapport à celle d’une banque insolvable. Plus particulièrement, elle soutient, en substance, qu’une mesure de conversion et de dépréciation ne permet pas
de résoudre des problèmes de liquidité, qu’il existe de mesures moins contraignantes à cet effet et que, en l’absence d’une indemnisation adéquate, une telle mesure n’est pas proportionnée.

226 Force est de constater que cette argumentation repose sur une lecture manifestement erronée de ces dispositions.

227 S’agissant de l’aptitude d’une mesure de conversion et de dépréciation à résoudre des problèmes de liquidité, il ressort clairement du libellé de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement que celui-ci ne prévoit l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion que lorsque l’instrument de résolution choisi par le CRU se traduirait autrement par des pertes pour les créanciers ou par une conversion de leurs créances. Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a
jugé, aux points 177 à 181 de l’arrêt attaqué, que cette disposition ne s’applique pas automatiquement et en toutes circonstances, mais qu’elle permet de tenir compte des circonstances de chaque espèce.

228 En particulier, il découle du libellé de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement que celui-ci prévoit une dépréciation et/ou une conversion des instruments de fonds propres, non pas pour résoudre des problèmes de liquidité de l’entité concernée, mais pour éviter, dans la mesure du possible, que l’application de l’instrument de résolution choisi par le CRU entraîne des pertes pour les créanciers de cette entité ou une conversion de leurs créances. Ainsi que le Tribunal l’a considéré à bon
droit au point 156 de l’arrêt attaqué, sans être critiqué à cet égard par la requérante, la dépréciation et la conversion prévues par cette disposition constituent une application du principe, énoncé à l’article 15, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, selon lequel les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes.

229 Dans ces conditions, l’argument selon lequel la mesure de dépréciation prévue à l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU ne serait pas apte à contribuer à l’objectif visant à résoudre les problèmes de liquidité d’une banque solvable ne saurait prospérer.

230 En ce qui concerne, dans ce contexte, les points 169 et 175 à 189 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que, à ces points, le Tribunal a examiné non pas la proportionnalité des instruments de résolution visés à l’article 22, paragraphe 2, du règlement MRU, mais celle de l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion au titre de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement. Ainsi, le grief tiré de la prétendue inaptitude de ces instruments à résoudre des problèmes de liquidité d’une
banque solvable est inopérant.

231 Pour autant que la requérant critique ces points 169 et 175 à 189 également au motif qu’il existerait des mesures alternatives moins intrusives qu’une mesure de résolution, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du critère de nécessité, conformément à l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), de ce règlement, l’adoption d’un dispositif de résolution et, partant, l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion
présupposent l’absence de toute perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielle soient susceptibles d’empêcher cette défaillance dans un délai raisonnable. Dans la mesure où ce pouvoir de dépréciation ne peut être exercé qu’en l’absence de mesures alternatives, la prétendue existence de telles mesures alternatives n’est pas de nature à mettre en cause la nécessité de la dépréciation et de la conversion au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU.

232 S’agissant du caractère proportionné de la mesure de dépréciation ou de conversion, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement MRU, le CRU est chargé de l’adoption des décisions de résolution relatives à des établissements financiers et des groupes transfrontaliers qui revêtent une importance certaine pour la stabilité financière dans l’Union. En outre, il ressort de l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, qui énonce les objectifs
de la résolution, qu’une mesure de résolution tend notamment à éviter des effets négatifs significatifs sur cette stabilité financière.

233 D’autre part, il convient de tenir compte de ce que, ainsi qu’il a été relevé au point 218 du présent arrêt, les conditions de résolution prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement limitent l’adoption d’un dispositif de résolution à des crises de liquidité exceptionnelles mettant en cause l’existence même de l’entité concernée, lorsqu’il n’existe aucune solution autre que la résolution ou la liquidation selon une procédure d’insolvabilité normale. Ainsi, le Tribunal a
jugé à bon droit, aux points 171, 185 et 204 de l’arrêt attaqué, qu’une résolution constitue une solution alternative à une procédure normale d’insolvabilité.

234 En outre, si une situation de défaillance avérée ou prévisible peut, comme le précise l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous b) et c), du règlement MRU, trouver son origine tant dans l’insolvabilité que dans une crise de liquidité de l’établissement de crédit concerné, la défaillance avérée ou prévisible en résultant comporte le même risque pour ladite stabilité financière.

235 Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal s’est fondé, par analogie, sur la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 74), pour juger que, dans le cas d’une entité faisant l’objet d’une mesure de résolution, l’application du principe selon lequel les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes, visé à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement MRU, ainsi que l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion
des instruments de fonds propres, prévu à l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, sont la conséquence du fait que les actionnaires d’une entité supportent les risques inhérents à leurs investissements et les conséquences économiques liées à la résolution de l’entité dont la défaillance est avérée ou prévisible.

236 Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon laquelle une banque solvable exposée à des problèmes de liquidité n’est pas susceptible de devoir faire face à des pertes qui devront être supportées par les actionnaires. En effet, l’article 22, paragraphe 4, du règlement MRU prévoit que les instruments de résolution sont appliqués afin d’atteindre les objectifs visés à l’article 14 de ce règlement, conformément aux principes de la résolution définis à
l’article 15 dudit règlement, objectifs parmi lesquels ne figure pas celui de couvrir les pertes de l’établissement de crédit concerné. Ainsi, la dépréciation et/ou la conversion des instruments de fonds propres prévue à l’article 22, paragraphe 1, du règlement MRU, qui contribue à la réalisation des mêmes objectifs, n’a pas pour but de couvrir des pertes subies par l’entité concernée, si bien que son application ne présuppose pas l’existence de telles pertes.

237 S’agissant de l’indemnisation prévue à l’article 20, paragraphe 16, ainsi qu’à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement MRU, il a été rappelé au point 220 du présent arrêt que l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres au titre de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement n’est pas constitutif d’une privation de propriété, si bien qu’il n’est pas subordonné au paiement en temps utile d’une juste indemnité, visée à l’article 17,
paragraphe 1, deuxième phrase, de la Charte.

238 Cela étant, la circonstance que l’article 20, paragraphe 16, et l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement MRU prévoient, le cas échéant, une indemnisation des actionnaires est susceptible de contribuer au caractère proportionné de la dépréciation et/ou de la conversion des instruments de fonds propres, prévues à l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement. En outre, eu égard aux considérations figurant aux points 234 à 236 du présent arrêt, c’est à tort que la requérante soutient que les
actionnaires d’une banque solvable exposée à des problèmes de liquidité doivent être traités d’une autre manière que les actionnaires d’une banque insolvable. Ainsi, les griefs visant les points 201 et suivants de l’arrêt attaqué doivent être rejetés.

239 Par ailleurs, le grief de la requérante dirigé contre le point 169 de l’arrêt attaqué procède d’une lecture manifestement erronée dudit point. En effet, le Tribunal s’y est limité à relever, à juste titre, que l’application des articles 15 et 22 du règlement MRU suppose que les conditions d’adoption d’une mesure de résolution soient remplies, sans aucunement dire pour droit que l’ingérence dans le droit de propriété résultant de la dépréciation est justifiée dès lors que ces conditions sont
respectées.

240 Il s’ensuit que les première à troisième et cinquième branches du septième moyen ne sont pas fondées.

241 Partant, le septième moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie non fondé.

D. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 14 et 20 du règlement MRU, de l’article 39 de la directive 2014/59, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE

242 Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, aux points 520 à 569 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, en méconnaissance des articles 14 et 20 du règlement MRU, de l’article 39 de la directive 2014/59, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE, son argumentation selon laquelle le processus de vente de Banco Popular a été vicié par des irrégularités et n’a pas permis d’obtenir le prix le plus élevé. Ce moyen se divise en quatre branches.

1.   Argumentation des parties

243 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 522 et 568 de l’arrêt attaqué, que la maximisation du prix de vente ne figure pas au nombre des objectifs de la résolution énoncés à l’article 14 du règlement MRU, alors que, selon elle, un tel objectif découle d’une lecture combinée de cet article 14 et de l’article 39 de la directive 2014/59. Or, pour atteindre l’objectif de maximisation du prix, il serait
nécessaire de respecter les critères de concurrence, de transparence et de non-discrimination, énoncés à l’article 39, paragraphe 2, de cette directive. Toutefois, en l’espèce, ces exigences n’auraient pas été respectées, dès lors que l’offre de Banco Santander, bien que soumise hors délai, aurait été acceptée, sans que les autres acquéreurs potentiels, notamment Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, aient été informés qu’il leur aurait été possible de soumettre une offre au-delà du délai prévu.

244 Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé les exigences de concurrence et de maximisation du prix de vente, résultant de l’article 14 du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 2, de la directive 2014/59, en affirmant, aux points 544 à 551 de l’arrêt attaqué, que le CRU pouvait se limiter à inviter au processus de vente les cinq acquéreurs potentiels qui avaient, lors de la procédure de vente privée, renoncé à présenter une offre.
En effet, l’échec de cette procédure démontrerait que ces acquéreurs potentiels n’étaient pas intéressés par l’acquisition de Banco Popular, de sorte que le processus de vente public lancé par le CRU aurait également été voué à l’échec.

245 La troisième branche de ce moyen est tiré d’une méconnaissance des principes de non-discrimination et de concurrence. Selon la requérante, le Tribunal a méconnu ces principes en considérant, aux points 551 et 552 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’était pas tenu de prendre contact avec des établissements de crédit établis dans d’autres États membres. Or, la circonstance que de tels établissements n’avaient pas manifesté d’intérêt dans le cadre de la procédure de vente privée ne saurait justifier
de ne pas les contacter, compte tenu des différences caractérisant les conditions de la procédure de vente privée et celles du processus de vente lancé par le CRU, résidant notamment dansla possibilité de déprécier le capital. De plus, la vente de Banco Popular à une entité espagnole aurait augmenté le risque d’effondrement de l’économie espagnole.

246 Par la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a méconnu l’obligation de maximiser le prix de vente et d’éviter toute destruction inutile de valeur en jugeant, aux points 561 à 566 de l’arrêt attaqué, que des motifs d’intérêt public pouvaient justifier l’admission de l’offre présentée hors délai par Banco Santander.

247 Banco Santander fait valoir que le deuxième moyen est irrecevable, au motif que la requérante se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments qu’elle a présentés devant le Tribunal. Pour les mêmes motifs, la Commission, le CRU et le Royaume d’Espagne excipent de l’irrecevabilité partielle des première à troisième branches de ce moyen.

248 Le CRU ajoute, quant à la troisième branche, que l’argument tiré d’une prétendue augmentation du risque pour l’économie espagnole n’a pas été soulevé en première instance et est, partant, irrecevable. Selon lui, la quatrième branche dudit moyen est irrecevable, au motif que la requérante n’indique pas la règle de droit de l’Union prétendument violée.

249 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander estiment que le deuxième moyen n’est pas fondé.

2.   Appréciation de la Cour

a)   Sur la recevabilité

250 Par son deuxième moyen, la requérante critique, en substance, les considérations sur le fondement desquelles le Tribunal a rejeté son argumentation relative à des prétendues irrégularités du processus de vente. Dans la mesure où les première, deuxième et quatrième branches de ce moyen comportent des indications précises sur les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels elles s’appuient, elles ne sauraient, conformément à la jurisprudence rappelée au point 106 du
présent arrêt, être déclarées irrecevables.

251 Par ailleurs, toutes ces branches étant tirées de la méconnaissance des articles 14 et 20 du règlement MRU, de l’article 39 de la directive 2014/59, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE, le CRU soutient à tort que la quatrième branche dudit moyen est irrecevable, au motif que la requérante n’indiquerait pas la règle de droit prétendument violée.

252 S’agissant, en revanche, de la troisième branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que, aux points 551 et 552 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument tiré d’une prétendue discrimination des établissements d’autres États membres au motif, entre autres, qu’il ne ressortait pas de la requête introductive d’instance comment de tels établissements auraient pu être intéressés par le processus de vente public de Banco Popular, alors même qu’ils n’avaient pas manifesté leur intérêt
pour l’acquisition de cette banque au moment de la procédure de vente privée. Si, dans son pourvoi, la requérante précise désormais en quoi pourrait consister un tel intérêt, elle ne fait, pour autant, pas valoir que le Tribunal aurait dénaturé sa requête introductive d’instance à ce sujet. A fortiori, elle n’établit pas l’existence d’une telle dénaturation. Ainsi, son argumentation tirée d’un tel intérêt est irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 109 du présent arrêt.

253 Quant à l’argument tiré d’une prétendue augmentation du risque pour la stabilité de l’économie espagnole, invoqué au soutien de cette même branche, le CRU soutient à bon droit que cet argument n’a pas été soulevé en première instance et est, partant, irrecevable. En effet, il est de jurisprudence constante que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de procédure, un pourvoi ne saurait modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Il ressort également d’une
jurisprudence constante que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un grief qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt
du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 68 ainsi que jurisprudence citée).

254 Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant irrecevable.

b)   Sur le fond

255 Le deuxième moyen, qui vise les points 520 à 569 de l’arrêt attaqué, est tiré d’une violation des articles 14 et 20 du règlement MRU, de l’article 39 de la directive 2014/59, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE. La requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé à ces points, le processus de vente de Banco Popular par le CRU était vicié par des irrégularités qui, selon elle, n’ont pas permis de réaliser l’objectif de la résolution qu’est la maximisation du prix de
vente.

1) Sur les première et quatrième branches du deuxième moyen

256 Par les première et quatrième branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante fait valoir que le point 522 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en ce que le Tribunal y a jugé que la maximisation du prix de vente n’est pas un objectif de la résolution, au sens de l’article 14 du règlement MRU. En outre, elle soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 561 à 566 et 568 de cet arrêt, le CRU a méconnu l’obligation de maximiser le
prix de vente et d’éviter toute destruction inutile de valeur, en acceptant l’offre présentée hors délai par Banco Santander.

257 S’agissant, en premier lieu, de la critique formulée à l’égard du point 522 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que l’article 14, paragraphe 1, du règlement MRU dispose que, lorsqu’ils agissent en vertu de la procédure de résolution visée à l’article 18 de ce règlement, le CRU et la Commission tiennent compte des objectifs de la résolution et choisissent les instruments de résolution ainsi que les pouvoirs de résolution qui, selon eux, sont les mieux à même de réaliser les objectifs de
la résolution pertinents dans les circonstances de l’espèce.

258 Aux termes du paragraphe 2, premier alinéa, de l’article 14 dudit règlement, les objectifs de la résolution visés au paragraphe 1 de cet article sont ceux d’assurer la continuité des fonctions critiques, d’éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, de protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel, de protéger les déposants couverts par la directive 2014/49 et les investisseurs couverts par la
directive 97/9 ainsi que de protéger les fonds et les actifs des clients.

259 Partant, la maximisation du prix de vente ne figure pas parmi les objectifs de la résolution énumérés au paragraphe 2, premier alinéa, de l’article 14 du règlement MRU, ce qui est corroboré par le second alinéa de ce paragraphe 2. En effet, selon ce second alinéa, c’est dans la poursuite des objectifs de la résolution, visés au premier alinéa dudit paragraphe 2, que le CRU et la Commission s’efforcent de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, et ce
seulement à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige.

260 S’agissant de l’article 39, paragraphe 2, premier alinéa, sous f), de la directive 2014/59, dont le CRU doit tenir compte lorsqu’il détermine les modalités de vente au titre de l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement MRU, il convient de relever que, en prévoyant que la vente envisagée dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités doit viser à maximiser, dans la mesure du possible, le prix de vente des actions ou autres titres de propriété, actifs, droits ou
engagements concernés, l’article 39, paragraphe 2, de cette directive énonce non pas un objectif de la résolution, mais l’un des principes devant spécifiquement régir l’application de l’instrument de cession des activités.

261 Il s’ensuit que le Tribunal a jugé à bon droit, au point 522 de l’arrêt attaqué, que la maximisation du prix de vente ne constitue pas, en tant que telle, un objectif de la résolution, au sens de l’article 14 du règlement MRU.

262 En ce qui concerne, en second lieu, l’acceptation, par le CRU, de l’offre de Banco Santander après l’expiration du délai fixé dans la lettre du FROB du 6 juin 2017, visée au point 49 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 24, paragraphe 3, du règlement MRU, le CRU applique l’instrument de cession des activités sans se conformer aux exigences concernant la vente, lorsqu’il constate que le fait de s’y conformer serait de nature à compromettre la réalisation d’un ou de
plusieurs des objectifs de la résolution. Il découle ainsi des termes mêmes de cette disposition que la réalisation nécessaire des objectifs de la résolution peut justifier de ne pas respecter ces exigences concernant la vente, parmi lesquelles figure un délai imposé pour la présentation des offres.

263 Notamment, il ressort de l’article 24, paragraphe 3, du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 2, sous b), de celui-ci, que le CRU peut décider de ne pas se conformer aux exigences concernant la vente, lorsqu’il considère que la défaillance avérée ou potentielle de l’établissement soumis à une procédure de résolution fait peser une menace importante sur la stabilité financière des États membres ou aggrave une telle menace ou que le respect des exigences en question
risquerait de nuire à l’efficacité de l’instrument de cession des activités de l’établissement concerné en limitant la capacité de cet instrument de parer à la menace ou d’atteindre l’objectif d’éviter des effets négatifs significatifs sur cette stabilité financière.

264 Or, si la réalisation de ces objectifs exige de ne pas respecter les exigences concernant la vente, il ne saurait être considéré que ce respect s’impose au regard de la règle prévue à l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement MRU. Ainsi qu’il a été rappelé au point 259 du présent arrêt, cette disposition prévoit expressément que le CRU et la Commission s’efforcent seulement de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la
réalisation des objectifs de la résolution ne l’exige.

265 En outre, il ressort des termes mêmes de l’article 39, paragraphe 2, premier alinéa, sous f), de la directive 2014/59 que la vente ne vise à maximiser le prix de vente que dans la mesure du possible, ce qui implique que le CRU et la Commission doivent également tenir compte des autres critères régissant la vente, énoncés à l’article 39, paragraphe 2, de cette directive et, notamment, de la nécessité de mener une action de résolution rapide. En tout état de cause, la Commission et le CRU doivent
s’assurer que les mesures envisagées en vue d’une maximisation du prix de vente ne vont pas à l’encontre des objectifs de la résolution, tels qu’énumérés à l’article 31, paragraphe 2, de ladite directive dans des termes identiques à ceux de l’article 14, paragraphe 2, du règlement MRU.

266 Il convient d’ajouter que, dans la mesure où le CRU et la Commission sont appelés à procéder à des choix de nature technique et à effectuer des prévisions et des appréciations complexes lors de l’adoption d’un dispositif de résolution, il y a lieu de leur reconnaître une marge d’appréciation certaine. Compte tenu de cette marge d’appréciation, le contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer sur le bien-fondé des motifs d’un dispositif de résolution ne doit pas le conduire à
substituer sa propre appréciation à celle du CRU et de la Commission, mais vise à vérifier que cette décision ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 55 et jurisprudence citée).

267 En l’occurrence, le Tribunal a considéré, aux points 561 à 566 de l’arrêt attaqué, premièrement, que le calendrier de la procédure de vente fixé dans la lettre du FROB du 6 juin 2017, visée au point 49 du présent arrêt, avait pour but de permettre de conclure toutes les formalités avant l’ouverture des marchés, afin notamment d’éviter une interruption des fonctions critiques de Banco Popular, deuxièmement, que le FROB a accepté l’offre de Banco Santander lorsqu’il est apparu certain qu’aucun des
autres établissements invités à participer à la procédure de vente n’allait présenter d’offre et, troisièmement, que le CRU avait estimé, à l’article 6, paragraphe 6, du dispositif de résolution litigieux, que, dans ces conditions, il était prudent d’accepter les conditions du seul établissement à avoir soumis une offre et ainsi de prévenir une insolvabilité incontrôlée de Banco Popular qui aurait, notamment, pu porter atteinte à ses fonctions critiques. Or, dans son pourvoi, la requérante ne
fait aucunement valoir que ces constatations du CRU étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

268 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, aux points 561 à 566 de l’arrêt attaqué, que le CRU pouvait, en conformité avec l’article 24, paragraphe 3, du règlement MRU, accepter l’offre de Banco Santander, alors même que celle-ci avait été présentée après l’expiration du délai fixé dans la lettre du FROB du 6 juin 2017.

269 Par ailleurs, si la requérante fait valoir, dans ce contexte, que les autres acquéreurs potentiels n’ont pas été informés de la possibilité de présenter une offre hors délai, il suffit de relever que, au point 562 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’offre de Banco Santander avait seulement été acceptée lorsqu’il était apparu certain qu’aucun des autres établissements invités à participer à la procédure de vente ne présenterait d’offre. Or, la requérante ne fait pas valoir que ce
constat serait entaché d’une dénaturation. Dès lors, il y a lieu de considérer que l’argument tiré de la prétendue absence d’information fournie aux autres acquéreurs potentiels est inopérant.

270 Partant, les première et quatrième branches du deuxième moyen ne sont pas fondées.

2) Sur la seconde branche du deuxième moyen

271 Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 39, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa, de la directive 2014/59, les critères de vente visés à ce premier alinéa n’empêchent pas l’autorité de résolution de solliciter certains acquéreurs potentiels en particulier, sous réserve de ne pas favoriser indûment les acquéreurs potentiels ni d’opérer de discrimination.

272 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, aux points 545 et 550 de l’arrêt attaqué, que le CRU a fondé sa décision d’inviter au processus de vente public de Banco Popular seulement les cinq établissements qui avaient déjà participé à la procédure de vente privée de cet établissement, sur la base de critères objectifs tirés, premièrement, de l’intérêt que les entreprises contactées avaient déjà manifesté lors de la procédure de vente privée, deuxièmement, des raisons d’urgence ainsi que du temps
très limité disponible pour le processus de vente public lancé par le CRU et, troisièmement, de la nécessité d’assurer la confidentialité du processus de vente public.

273 Dans son pourvoi, la requérante conteste, en substance, le bien-fondé du premier critère relatif à l’intérêt déjà manifesté. Elle estime que, dès lors que la procédure de vente privée n’avait pas été menée à terme, le processus de vente public lancé par le CRU était également voué à l’échec.

274 Toutefois, dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, la requérante reconnaît elle-même que les conditions différentes et plus favorables du processus de vente public, notamment le prix minimum exigé par le CRU s’élevant à un euro et la possibilité de déprécier le capital, étaient de nature à susciter l’intérêt d’établissements qui ne s’étaient pas manifestés pendant la procédure de vente privée. Dans ces conditions, son argumentation n’est pas de nature à établir que le CRU a
commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant, au regard de l’intérêt déjà manifesté, le processus de vente public aux établissements qui avaient déjà participé à la procédure de vente privée.

275 Dès lors, il y a lieu de considérer que la deuxième branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

276 Il s’ensuit que le deuxième moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie non fondé.

E. Sur les troisième et huitième moyens, tirés d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité

277 Par ses troisième et huitième moyens, la requérante fait, en substance, valoir que le dispositif de résolution litigieux méconnaît le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte et le principe de proportionnalité.

1.   Sur le troisième moyen

278 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 14 du règlement MRU, les articles 17 et 47 de la Charte ainsi que le devoir de diligence et les droits de la défense, en ce qu’il a jugé, aux points 669 à 697 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’était pas tenu de vérifier ni d’indiquer si des mesures alternatives auraient permis d’éviter une destruction de valeur. Ce moyen se divise en trois branches.

a)   Argumentation des parties

279 Par la première branche du troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé l’article 14, paragraphe 2, du règlement MRU, lu à la lumière des articles 17 et 52 de la Charte, en affirmant, aux points 674 à 678 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’était pas tenu d’indiquer si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de valeur ni d’apprécier la proportionnalité de la mesure de résolution au regard du droit de propriété des actionnaires. Or, selon la requérante, il ne
saurait être considéré que les actionnaires de Banco Popular n’ont pas subi de pertes plus importantes que celles qu’ils auraient dû supporter dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, alors que cette banque était solvable au moment de sa résolution.

280 Par la deuxième branche de ce moyen, elle fait valoir que le Tribunal a considéré à tort que les erreurs du plan de résolution de 2016 étaient dépourvues de pertinence pour l’appréciation de la légalité du dispositif de résolution litigieux adopté au cours de l’année 2017. Selon la requérante, cette motivation ne tient pas compte du fait que ce plan de résolution n’avait pas été mis à jour depuis l’année 2016. Or, une mise à jour dudit plan aurait permis au CRU d’ordonner une séparation des
actifs.

281 Par la troisième branche dudit moyen, la requérante soutient que, aux points 479 à 492 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé ses droits de la défense en considérant, d’une part, que ses observations et le rapport d’expert qu’elle avait soumis n’étayent pas à suffisance de droit son argument selon lequel les solutions alternatives proposées auraient permis d’atteindre les objectifs de la résolution et, d’autre part, qu’elle aurait invoqué tardivement, dans le cadre de sa réplique en première
instance, en se fondant sur le plan de résolution de 2016, l’argument selon lequel la résolution de Banco Popular a été mal préparée par le CRU. Toutefois, elle considère que la confidentialité du dispositif de résolution litigieux l’a empêchée de présenter de tels arguments ou éléments de preuve ou de les présenter plus tôt.

282 Banco Santander fait valoir que la première branche du troisième moyen est irrecevable, au motif que le pourvoi se limite à reproduire textuellement les arguments déjà formulés devant le Tribunal. Pour le même motif elle estime, à l’instar de la Commission, que la deuxième branche de ce moyen est irrecevable, tandis que le CRU soutient, à cet égard, que l’argument tiré d’une éventuelle mise à jour du plan de résolution de 2016 a été soulevé pour la première fois dans le pourvoi. Quant à la
troisième branche dudit moyen, le CRU et Banco Santander font valoir que la requérante n’invoque aucune erreur de droit et ne précise pas quelles sont les parties et les points de l’arrêt attaqué que la requérante critique.

283 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander estiment que le troisième moyen n’est pas fondé.

b)   Appréciation de la Cour

1) Sur la recevabilité

284 En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, il convient de relever que, par cette branche, la requérante soutient, en substance, que le dispositif de résolution litigieux a porté atteinte de manière disproportionnée à son droit de propriété, tout en indiquant les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels elle s’appuie. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 106 du présent arrêt, cette première branche ne saurait être déclarée irrecevable
dans son intégralité.

285 Quant à la deuxième branche de ce moyen, le CRU soutient, à juste titre, que l’argument selon lequel une mise à jour du plan de résolution de 2016 lui aurait permis d’ordonner une séparation des actifs est irrecevable, dans la mesure où cet argument a été soulevé pour la première fois dans le cadre du pourvoi. En effet, il ressort du point 688 de l’arrêt attaqué que la requérante avait invoqué devant le Tribunal des erreurs dans la préparation de ce plan de résolution, tandis qu’elle met
désormais en cause l’absence de mise à jour ultérieure dudit plan. Or, la requérante ne fait pas valoir que le Tribunal aurait dénaturé sa requête en première instance sur ce point.

286 S’agissant de la troisième branche dudit moyen, il ressort, en substance, du pourvoi que cette branche est tirée d’une violation des droits de la défense de la requérante par le Tribunal et qu’elle vise les points 479 à 492 de l’arrêt attaqué, tant pour le caractère prétendument tardif de ses arguments mettant en cause la préparation inadéquate de la résolution que pour ce qui concerne la prise en compte de différents rapports d’expert présentés par la requérante. Il s’ensuit que, en cette
branche, la requérante précise les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels elle appuie ses griefs.

287 Dès lors, il y a lieu de considérer que les première et troisième branches du troisième moyen sont recevables. La deuxième branche de ce moyen doit être déclarée irrecevable.

2) Sur le fond

288 La première branche du troisième moyen est tirée d’une violation de l’article 14, paragraphe 2, du règlement MRU, lu à la lumière des articles 17 et 52 de la Charte. La requérante soutient que le Tribunal a jugé à tort, aux points 674 à 678 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’était pas tenu de vérifier si la mesure de résolution respectait le principe de proportionnalité au regard du droit de propriété des actionnaires et, notamment, si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de
valeur.

289 Force est de constater que cette argumentation procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

290 D’une part, en soutenant que le Tribunal aurait jugé que le CRU n’était pas tenu de vérifier que la mesure de résolution respectait le principe de proportionnalité au regard du droit de propriété des actionnaires, la requérante se fonde sur une lecture isolée et, de ce fait, erronée, du point 674 de l’arrêt attaqué. En effet, au point 673 de cet arrêt, le Tribunal a souligné que la destruction de valeur, au sens de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement MRU, vise non pas
uniquement les intérêts patrimoniaux des actionnaires et des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité, mais également ceux de ses déposants, de ses salariés et de ses autres créanciers.

291 Dans cette perspective, le Tribunal a entendu souligner, en substance, audit point 674, que l’examen de la proportionnalité de la mesure de résolution ne doit pas exclusivement prendre en compte les intérêts des actionnaires, mais également d’autres intérêts, ce qui est corroboré par l’analyse subséquente du Tribunal. Ainsi, celui-ci a relevé, au point 675 de l’arrêt attaqué, que le CRU avait constaté, à l’article 5, paragraphe 2, du dispositif de résolution litigieux, que l’instrument de
cession des activités constituait un moyen approprié, nécessaire et proportionné pour atteindre les objectifs de la résolution. En particulier, au point 678 de cet arrêt, le Tribunal a mis l’accent notamment sur le fait que, selon l’appréciation contenue à l’article 4, paragraphe 6, de ce dispositif, les inconvénients et les coûts liés à l’adoption de la mesure de résolution, principalement les pertes subies par les actionnaires et les créanciers subordonnés, seraient contrebalancés par les
avantages qui en résulteraient, à savoir le maintien des fonctions critiques de Banco Popular, la limitation des effets négatifs sur l’économie et la stabilité financière ainsi que le fait d’éviter des pertes que pourraient subir d’autres créanciers.

292 Dans la mesure où la requérante soutient que le Tribunal a considéré à tort que les actionnaires de Banco Popular n’avaient pas subi de pertes plus importantes à la suite de sa résolution que si elle avait fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité, il suffit de relever que, au point 678 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à résumer le contenu de l’article 4, paragraphes 5 et 6, du dispositif de résolution litigieux, afin de répondre, ainsi qu’il ressort du point suivant de l’arrêt
attaqué, à l’argument de la requérante selon lequel le CRU n’aurait pas pris en compte, dans ce dispositif, la destruction de valeur que l’instrument de cession des activités était, selon elle, susceptible d’entraîner pour les actionnaires de Banco Popular.

293 D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a aucunement jugé que le CRU pouvait s’abstenir de vérifier si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de valeur. Au contraire, le Tribunal a constaté, aux points 675 à 677 de l’arrêt attaqué, que le CRU avait considéré, à l’article 5, paragraphe 3, du dispositif de résolution litigieux, que les autres instruments de résolution prévus par le règlement MRU n’étaient pas appropriés et ne permettaient pas
d’atteindre les objectifs de la résolution dans la même mesure que l’instrument de cession des activités et que, partant, le CRU avait justifié que ce dernier instrument était nécessaire pour la réalisation de ces objectifs.

294 Dans ce contexte, le constat figurant à ce point 677 ne remet aucunement en cause l’exigence de proportionnalité de recourir, selon laquelle lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, à la moins contraignante (voir, en ce qui concerne cette exigence, arrêt du 9 novembre 2023, Altice Group Lux/Commission, C‑746/21 P, EU:C:2023:836, point 69 et jurisprudence citée). En effet, ce n’est que dans la mesure où le CRU a justifié que l’instrument de cession des activités était
nécessaire pour la réalisation des objectifs de la résolution que le Tribunal a considéré que le CRU n’avait pas à indiquer si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de valeur.

295 Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen n’est pas fondée.

296 Par la troisième branche du troisième moyen, la requérante invoque une violation de ses droits de la défense, que le Tribunal aurait commise aux points 479 à 492 de l’arrêt attaqué. Elle soutient, en substance, que la confidentialité du dispositif de résolution litigieux l’a empêchée d’étayer davantage son argumentation relative à l’existence de solutions alternatives à la résolution et de faire valoir, avant le dépôt de sa réplique en première instance, que, eu égard aux prétendues carences du
plan de résolution de 2016, le CRU aurait pu mieux préparer la résolution.

297 Or, d’une part, il ressort notamment des points 345 à 353 de l’arrêt attaqué que la requérante n’avait pas établi que les versions du dispositif de résolution litigieux et de la valorisation 2, publiées sur le site Internet du CRU et auxquelles elle avait eu accès, étaient insuffisamment motivées. D’autre part, au point 400 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la requérante n’avait pas précisé dans quelle mesure les données économiques demeurant occultées dans les versions non
confidentielles de ce dispositif et de la valorisation 2 étaient nécessaires à la compréhension dudit dispositif et à l’exercice de son droit à un recours juridictionnel effectif.

298 En outre, il a été constaté, aux points 131 à 134 du présent arrêt, que le Tribunal n’a pas méconnu l’article 296 TFUE ni l’article 47 de la Charte en décidant, dans l’ordonnance du 9 juin 2021 visée au point 723 de l’arrêt attaqué, que le texte intégral du dispositif de résolution litigieux n’était pas pertinent pour la solution du recours.

299 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas établi à suffisance de droit que, en ce qui concerne l’existence de solutions alternatives et la préparation de la résolution de Banco Popular par le plan de résolution de 2016, la confidentialité du dispositif de résolution litigieux l’a empêché de défendre effectivement ses droits devant le juge de l’Union.

300 Partant, la troisième branche du troisième moyen n’est pas fondée.

301 Il s’ensuit que le troisième moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

2.   Sur le huitième moyen

302 Par son huitième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé les articles 17 et 52 de la Charte ainsi que l’article 5, paragraphe 4, TUE en jugeant, aux points 463 à 492 de l’arrêt attaqué, que le dispositif de résolution litigieux ne violait pas le droit de propriété. Ce moyen se divise en trois branches.

a)   Argumentation des parties

303 Par la première branche du huitième moyen, la requérante soutient que, aux points 467 à 469 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à tort que le dispositif de résolution litigieux n’avait pas entraîné d’ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des actionnaires de Banco Popular, au motif que la procédure d’insolvabilité était la seule alternative à la résolution. Dans ce contexte, le Tribunal se serait, également à tort, fondé sur sa propre jurisprudence issue, notamment, de l’arrêt
du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), selon laquelle les actionnaires devraient être les premiers à supporter des pertes susceptibles d’entraîner un déficit de fonds propres. Toutefois, en se référant à son argumentation présentée dans le cadre du septième moyen et résumée au point 195 du présent arrêt, la requérante considère que cette jurisprudence est inapplicable à des banques qui, comme Banco Popular au moment de la résolution, sont
solvables. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirmerait l’arrêt attaqué, le règlement MRU ne créerait pas de présomption d’insolvabilité.

304 Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé, aux points 466, 467 et 481 de l’arrêt attaqué, que le dispositif de résolution litigieux remplissait les exigences résultant de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Plus particulièrement, elle lui reproche de s’être contenté d’affirmer que les conditions de l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU étaient remplies, sans avoir cependant
vérifié si le CRU avait exercé son pouvoir de dépréciation dans les conditions prévues par la loi et de manière non arbitraire et, notamment, sans avoir examiné si l’exercice de ce pouvoir était fondé sur la valorisation de l’actif et du passif de la banque, requise par l’article 20, paragraphe 5, sous c), et l’article 21, paragraphe 8, du règlement MRU.

305 Selon la requérante, l’article 6, paragraphes 3 et 4, du dispositif de résolution litigieux se fonde à tort sur la valorisation 2. En effet, le rapport de valorisation aurait expressément souligné qu’il n’avait pas pour objectif de déterminer si les conditions pour l’adoption d’une mesure de résolution ou de dépréciation étaient remplies et aurait, dès lors, exclu son utilisation aux fins de l’exercice du pouvoir de dépréciation. Ainsi, il aurait été arbitraire de se fonder malgré tout sur la
valorisation 2 pour déprécier le capital social de Banco Popular. En outre, la valorisation 2 aurait, de manière contradictoire et arbitraire, estimé la valeur de Banco Popular à moins 8,2 milliards d’euros, alors que cette banque était solvable.

306 Par la troisième branche du huitième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu les articles 17 et 52 de la Charte ainsi que l’article 5, paragraphe 4, TUE en jugeant, aux points 474 à 476 de l’arrêt attaqué, que la dépréciation des titres de propriété a été effectuée en conformité avec le principe de proportionnalité. Toutefois, l’atteinte à son droit de propriété ne saurait être considérée comme étant proportionnée, en l’absence d’une indemnisation adéquate tenant compte de la
solvabilité de Banco Popular au moment de la résolution.

307 Le CRU soutient que la première branche du huitième moyen est irrecevable, au motif que la requérante ne met pas en évidence d’erreur de droit que le Tribunal aurait commise quant à la prétendue violation du droit de propriété. Le CRU et Banco Santander excipent de l’irrecevabilité de la deuxième branche de ce moyen, au motif que celle-ci introduit des faits et arguments nouveaux au stade du pourvoi et ne se réfère à aucun motif spécifique de l’arrêt attaqué. Pour les mêmes raisons, le CRU
excipe de l’irrecevabilité de la troisième branche dudit moyen.

308 En tout état de cause, la Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander considèrent que le huitième moyen est non fondé.

b)   Appréciation de la Cour

309 En ce qui concerne la recevabilité du huitième moyen et plus particulièrement sa première branche, la requérante reproche au Tribunal, notamment, d’avoir jugé que le règlement MRU créerait une présomption d’insolvabilité. Toutefois, comme Mme l’avocate générale l’a souligné au point 115 de ses conclusions, le pourvoi n’identifie pas les points de motifs de l’arrêt attaqué auxquels le Tribunal aurait procédé à un tel constat et méconnaît, dès lors, les exigences résultant de l’article 169,
paragraphe 2, du règlement de procédure. Il s’ensuit que la première branche de ce moyen est partiellement irrecevable.

310 En outre, les deuxième et troisième branches dudit moyen se fondent, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, à juste titre, au point 117 de ses conclusions, sur des arguments soulevés pour la première fois au stade du pourvoi, en ce que la requérante invoque désormais des prétendues irrégularités entachant la valorisation ainsi que l’absence d’une indemnisation adéquate. Ainsi, ces deux branches doivent être écartées.

311 Quant au bien-fondé de la première branche du huitième moyen, il convient de relever que la requérante critique les points 467 à 469 de l’arrêt attaqué et se fonde à cet égard, en substance, sur les mêmes arguments qu’elle a invoqués dans le cadre de son septième moyen et qui sont résumés au point 195 du présent arrêt. Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux figurant, notamment, aux points 233 à 235 du présent arrêt, il doit être jugé que cette argumentation n’est pas fondée.

312 Il s’ensuit que le huitième moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

313 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté.

VI. Sur les dépens

314 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

315 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

316 En l’espèce, la requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu, eu égard aux conclusions de la Commission, du CRU et de Banco Santander, de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, par le CRU et par Banco Santander.

317 En vertu de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

318 Par conséquent, le Royaume d’Espagne, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Aeris Invest Sàrl est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, par le Conseil de résolution unique (CRU) et par Banco Santander SA.

  3) Le Royaume d’Espagne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-535/22
Date de la décision : 04/10/2024

Analyses

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Union bancaire – Règlement (UE) no 806/2014 – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA – Article 18, paragraphe 1 – Conditions auxquelles est soumise l’adoption d’un dispositif de résolution – Obligations du Conseil de résolution unique (CRU) – Devoir de diligence – Obligation de motivation – Article 88 – Obligation de confidentialité – Article 14 – Objectifs de la résolution – Cession des activités de l’entité concernée – Conditions de la vente et auxquelles une offre peut être acceptée – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 17 – Droit de propriété des actionnaires – Validité du règlement no 806/2014.


Parties
Demandeurs : Aeris Invest Sàrl
Défendeurs : Commission européenne et Conseil de résolution unique.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:819

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