ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
17 octobre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Article 3, paragraphe 2, sous b) – Directive 92/43/CEE – Article 6, paragraphe 3 – Actes pour lesquels une évaluation est requise – Acte national désignant un site en tant que zone spéciale de conservation – Énumération des activités humaines qui sont, sous réserve d’exception, interdites sur ce site »
Dans l’affaire C‑461/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Niedersächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Basse-Saxe, Allemagne), par décision du 4 juillet 2023, parvenue à la Cour le 24 juillet 2023, dans la procédure
Umweltforum Osnabrücker Land eV
contre
Landkreis Osnabrück,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen, président de la première chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer (rapporteur), juge,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Umweltforum Osnabrücker Land eV, par Me F. Heß, Rechtsanwältin,
– pour le Landkreis Osnabrück, par Mes A. Blume et R. Wiemann, Rechtsanwälte,
– pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents, assistés de Mes K. Dingemann, F. Fellenberg, K. Reiter et D. Römling, Rechtsanwälte,
– pour l’Irlande, par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennedy, SC, et Mme A. Caroll, BL,
– pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Umweltforum Osnabrücker Land eV au Landkreis Osnabrück (district d’Osnabrück, Allemagne) au sujet de la légalité d’un arrêté pris par ce dernier relatif à la désignation d’une zone de protection du paysage en tant qu’élément essentiel d’un site Natura 2000.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2001/42
3 L’article 1er de la directive 2001/42, intitulé « Objectifs », prévoit :
« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »
4 L’article 2 de cette directive est rédigé comme suit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :
– élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et
– exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;
[...] »
5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose :
« 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :
a) qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de
certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40),] pourra être autorisée à l’avenir ; ou
b) pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)].
3. Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
4. Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
5. Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences
notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive.
[...] »
6 La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), entrée en vigueur le 17 février 2012, a abrogé et remplacé la directive 85/337. Conformément à l’article 14, second alinéa, de la directive 2011/92, « [l]es références faites à la directive [85/337] s’entendent comme faites à la directive [2011/92] ».
La directive 92/43
7 L’article 4, paragraphe 4, de la directive 92/43 prévoit :
« Une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel de l’annexe I ou d’une espèce de l’annexe II et pour la cohérence de Natura
2000, ainsi qu’en fonction des menaces de dégradation ou de destruction qui pèsent sur eux. »
8 L’article 6 de cette directive dispose :
« 1. Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.
2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.
3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.
[...] »
9 Aux termes de l’article 7 de ladite directive :
« Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1),] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise
en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [79/409] si cette dernière date est postérieure. »
10 La directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), entrée en vigueur le 15 février 2010, a abrogé et remplacé la directive 79/409. Conformément à l’article 18, second alinéa, de la directive 2009/147, « [l]es références faites à la directive [79/409] s’entendent comme faites à la directive [2009/147] ».
Le droit allemand
L’UVPG
11 L’article 35 du Gesetz über die Umweltverträglichkeitsprüfung (loi relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement), du 12 février 1990 (BGBl. 1990 I, p. 205), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UVPG »), dispose :
« 1. Il faut procéder à une évaluation stratégique environnementale pour les plans et programmes, qui
1) sont visés à l’annexe 5, point 1, ou
2) sont visés à l’annexe 5, point 2, et définissent un cadre pour les décisions sur la licéité de projets visés à l’annexe 1 ou de projets qui, selon le droit du Land, doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement ou d’un examen préalable au cas par cas.
2. Pour les plans et programmes ne relevant pas du paragraphe 1, il ne doit être procédé à une évaluation stratégique environnementale que s’ils définissent un cadre dans lequel sera adoptée la décision sur la licéité de projets énumérés à l’annexe 1 ou d’autres projets et que, selon un examen préalable au cas par cas en vertu du paragraphe 4, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. [...]
[...] »
12 L’article 36 de l’UVPG est ainsi libellé :
« Il doit être procédé à une évaluation stratégique environnementale pour les plans et programmes qui doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences en vertu de l’article 36, première phrase, point 2, du [Gesetz über Naturschutz und Landschaftspflege (Bundesnaturschutzgesetz) (loi relative à la protection de la nature et à la préservation du paysage), du 29 juillet 2009 (BGBl. 2009 I, p. 2542), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le “BNatSchG”)]. »
13 Aux termes de l’article 37 de l’UVPG :
« Lorsque des plans ou programmes visés à l’article 35, paragraphe 1, ou à l’article 36 font l’objet d’une modification seulement mineure ou déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local, il ne doit être procédé à une évaluation stratégique environnementale que s’il ressort d’un examen préalable au cas par cas conformément à l’article 35, paragraphe 4, que le plan ou le programme est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. [...] »
Le BNatSchG
14 L’article 20, paragraphe 2, du BNatSchG prévoit :
« Des parties de la nature et du paysage peuvent être protégées,
[...]
4. en tant que zone de protection du paysage, conformément à l’article 26,
[...] »
15 L’article 22 du BNatSchG dispose :
« (1) La mise sous protection de parties de la nature et du paysage a lieu par déclaration de classement. [...]
[...]
(2a) Les classements visés au paragraphe 1 qui
1. ont eu lieu par voie législative, réglementaire ou statutaire et
2. ne sont pas conformes aux exigences de la directive [2001/42] parce qu’une évaluation stratégique environnementale requise en vertu de cette dernière n’a pas été réalisée
continuent de s’appliquer lorsque la non-conformité à ces exigences résulte d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, pour autant et aussi longtemps que cette décision en autorise l’application. Les actes nécessaires pour remédier à la non-conformité à la directive [2001/42] doivent être accomplis dans les plus brefs délais dans le cadre d’une procédure complémentaire. [...]
[...] »
16 Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, du BNatSchG :
« Les zones de protection du paysage sont des zones définies de manière juridiquement contraignante, dans lesquelles une protection spécifique de la nature et du paysage est nécessaire
1. à la préservation, au développement ou au rétablissement de la capacité de fonctionnement et de la viabilité de l’équilibre naturel ou l’aptitude à la régénération et la faculté d’utilisation durable des biens naturels, y compris la protection des habitats et espaces de vie de certaines espèces d’animaux et de plantes sauvages,
[...] »
17 L’article 32 du BNatSchG est ainsi libellé :
« [...]
(2) Les sites inscrits sur la liste visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive [92/43] sont, conformément à l’article 4, paragraphe 4, de cette directive [...] et en fonction des objectifs de conservation respectifs, classés comme parties protégées de la nature et du paysage au sens de l’article 20, paragraphe 2.
(3) La déclaration de classement détermine l’objectif de protection conformément aux objectifs de conservation respectifs, ainsi que les limites du site. Elle doit préciser s’il faut protéger des types d’habitats naturels prioritaires ou des espèces prioritaires. Il faut assurer, par des obligations et interdictions ainsi que des mesures de gestion et de développement appropriées, que les exigences de l’article 6 de la directive [92/43] soient respectées. [...]
[...] »
18 L’article 33, paragraphe 1, du BNatSchG dispose :
« Toutes les modifications et perturbations susceptibles d’entraîner une détérioration significative d’un site Natura 2000 en ses éléments essentiels pour les objectifs de conservation ou de protection sont interdites. [...] »
19 L’article 34 du BNatSchG prévoit :
« (1) Avant toute autorisation ou mise en œuvre d’un projet, il convient de procéder à une évaluation de ses incidences sur les objectifs de conservation d’un site Natura 2000 lorsque, individuellement ou conjointement avec d’autres plans et projets, il est de nature à affecter le site de manière significative et qu’il ne sert pas directement à la gestion du site. Lorsqu’un site Natura 2000 est une partie protégée de la nature et du paysage au sens de l’article 20, paragraphe 2, les critères
d’évaluation des incidences découlent de l’objectif de protection et des dispositions adoptées à cet effet, pour autant que les différents objectifs de conservation aient déjà été pris en compte. [...]
[...]
(6) Lorsque, en vertu d’autres dispositions, un projet au sens du paragraphe 1, première phrase, qui n’est pas mis en œuvre par une autorité, ne nécessite pas de décision administrative ou de notification à une autorité, il doit être notifié à l’autorité compétente en matière de protection de la nature et de préservation du paysage. [...]
(7) Concernant les parties protégées de la nature ou du paysage au sens de l’article 20, paragraphe 2, [...], les paragraphes 1 à 6 s’appliquent uniquement pour autant que les dispositions de protection, y compris les dispositions relatives aux exceptions et dispenses, ne soumettent pas la licéité des projets à des règles plus strictes. [...]
[...] »
20 Aux termes de l’article 36 du BNatSchG :
« L’article 34, paragraphes 1 à 5, s’applique, mutatis mutandis,
[...]
2. aux plans que les autorités doivent respecter ou prendre en compte lorsqu’elles prennent des décisions.
[...] »
La loi du Land de Basse-Saxe sur la protection de la nature
21 L’article 19 du Niedersächsisches Naturschutzgesetz (loi du Land de Basse-Saxe sur la protection de la nature), du 19 février 2010, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :
« L’autorité compétente en matière de protection de la nature peut classer des zones par voie réglementaire, conformément à l’article 26, paragraphe 1, du BNatSchG, comme zones de protection du paysage. »
L’arrêté en cause
22 L’article 1er de la Verordnung über das Landschaftsschutzgebiet « Bäche im Artland » in den Städten Quakenbrück, Fürstenau und Bersenbrück sowie den Gemeinden Menslage, Nortrup, Badbergen, Berge, Bippen, Eggermühlen, Kettenkamp, Ankum und Merzen, Landkreis Osnabrück (arrêté relatif à la zone de protection du paysage « Ruisseaux dans l’Artland » dans les villes de Quakenbrück, Fürstenau et Bersenbrück, les communes de Menslage, Nortrup, Badbergen, Berge, Bippen, Eggermühlen, Kettenkamp, Ankum et
Merzen et le district d’Osnabrück), du 30 septembre 2019 (ci-après l’« arrêté en cause »), intitulé « Zone de protection du paysage », prévoit :
« (1) Le site identifié plus en détail aux paragraphes 2 et 3 est classé comme zone de protection du paysage, portant le nom “Ruisseaux dans l’Artland”.
[...]
(4) La zone de protection du paysage est un élément essentiel du site [Natura 2000] “Ruisseaux dans l’Artland” [...], classé au titre de la directive [92/43]. Le classement vise, conformément à l’article 32, paragraphe 2, du BNatSchG à préserver le site comme site [Natura 2000] et à assurer la cohérence du réseau écologique européen “Natura 2000”.
(5) La zone de protection du paysage a une taille d’environ 1095 ha.
[...] »
23 L’article 2 de l’arrêté en cause, intitulé « Caractéristique de la zone », est ainsi libellé :
« (1) Espace naturel et caractéristiques du terrain
La zone de protection du paysage “Ruisseaux dans l’Artland ” se trouve dans la région géographique “Lande de l’Ems et la Hunte, dépression de la lande du Dümmer”. Les ruisseaux sont considérés comme des eaux courantes avec végétation aquatique submergée représentatives de l’espace naturel et notamment comme un habitat important d’espèces de poissons et d’agnathes inscrites à l’annexe II de la directive 92/43. Les aulnaies (frênaies) alluviales le long des ruisseaux ainsi que les boulaies
marécageuses adjacentes sont des habitats naturels prioritaires au sens de la directive 92/43. La présence d’autres habitats naturels non prioritaires, tels que des mégaphorbiaies hygrophiles, des tourbières de transition et tremblantes de petite taille, forêts mixtes acidophiles de hêtres et de chênes, ainsi que du triton crêté (Triturus cristatus) et du lucane cerf-volant (Lucanus cervus), espèces inscrites à l’annexe II, ajoutent à la valeur de la zone.
[...] »
24 L’article 3 de l’arrêté en cause, intitulé « Objectif particulier de protection », prévoit, à son paragraphe 4 :
« Au-delà de l’article 3, paragraphes 1 et 2, du présent arrêté, le site [Natura 2000] dans la zone de protection du paysage a pour objectif particulier de protection (objectifs de conservation au sens de l’article 7, paragraphe 1, point 9, du BNatSchG) de maintenir ou de rétablir, dans un état de conservation favorable, au sens de l’article 7, paragraphe 1, point 10, du BNatSchG, les habitats naturels d’intérêt communautaire inscrits à l’annexe I et l’espèce animale visée à l’annexe II de la
directive 92/43 présents sur le site, qui sont les éléments pertinents au regard de l’objectif de protection,
1. notamment les habitats naturels prioritaires (annexe I de la directive 92/43) :
[...]
2. notamment les autres habitats naturels (annexe I de la directive 92/43) :
[...]
3. notamment les espèces animales (annexe II de la directive 92/43) :
[...] »
25 L’article 4 de l’arrêté en cause, intitulé « Interdictions », dispose :
« Conformément à l’article 26, paragraphe 2, du BNatSchG, sont interdits tous les actes qui modifient les caractéristiques de la zone définies à l’article 2 du présent arrêté ou qui vont à l’encontre de l’objectif général ou de l’objectif particulier de protection décrit à l’article 3 du présent arrêté. Conformément à l’article 33, paragraphe 1, du BNatSchG, sont interdits tous les actes qui sont susceptibles d’entraîner une détérioration significative du site Natura 2000 en ses éléments
essentiels pour les objectifs de conservation et l’objectif de protection du présent arrêté.
Sont par conséquent interdits dans la zone de protection du paysage les actes suivants :
[...]
10. procéder à un premier boisement,
11. reconvertir des forêts pour une autre utilisation,
[...] »
26 L’article 5 de l’arrêté en cause, intitulé « Exceptions », prévoit :
« (1) Les actes ou utilisations visés aux paragraphes 2 à 7 ne relèvent pas des interdictions énoncées à l’article 4.
[...]
(3) N’est pas interdit le bon entretien des eaux conformément aux principes du [Wasserhaushaltsgesetz (loi relative à la gestion et à la protection de l’eau), du Niedersächsisches Wassergesetz (loi du Land de Basse-Saxe sur l’eau)] et du BNatSchG ainsi qu’aux exigences suivantes, découlant de l’objectif de protection :
1. pour autant que la personne à laquelle incombe cet entretien soumette au district compétent le 31 janvier de chaque année au plus tard pour les eaux de deuxième rang un plan d’entretien portant sur toutes les mesures d’entretien relevant du champ d’application du présent arrêté projetées pour l’année d’entretien concernée, les exigences en vertu de l’article 5, paragraphe 3, point 2, sous b) à c), e) et h), du présent arrêté sont sans application dès lors que le district compétent approuve ce
plan.
2. S’il n’a pas été déposé de plan d’entretien conformément à l’article 5, paragraphe 3, point 1, du présent arrêté, l’entretien des eaux de deuxième rang visées à l’article 2 et de leurs abords doit respecter les règles suivantes :
[...]
b) le faucardage sous forme de fauche partielle suivant la ligne du courant est autorisé toute l’année. Si le lit du cours d’eau n’est pas d’une largeur suffisante pour permettre une tonte partielle suivant la ligne du courant, la fauche est effectuée sur un seul côté ou par îlots ; l’accord préalable de l’autorité compétente en matière de protection de la nature est nécessaire pour s’écarter des règles ci-dessus ;
[...]
(4) N’est pas interdite la bonne exploitation par la pêche conformément au [Niedersächsisches Fischereigesetz (loi du Land de Basse-Saxe sur la pêche) et la Binnenfischereiordnung (règlement sur la pêche en eau douce)], préservant dans la mesure du possible les conditions et les biocénoses existant naturellement sur le site, en particulier la végétation aquatique et la végétation à feuilles flottantes ainsi que la végétation des berges, et conformément aux exigences suivantes, découlant de
l’objectif de protection :
1. le rempoissonnement est uniquement autorisé [avec des espèces faisant partie du] spectre naturel d’espèces de l’eau courante citée à l’article 2 concernée, à condition qu’il s’agisse d’espèces dont le règlement sur la pêche en eau douce dans sa version en vigueur à la date du rempoissonnement ne soumet pas le rempoissonnement à autorisation et qu’il soit garanti que celui-ci n’aura pas pour effet d’affecter ou d’évincer les espèces prioritaires ou typiques de l’habitat citées à l’article 3.
[...]
(5) N’est pas interdite la bonne exploitation agricole des sols, conformément aux bonnes pratiques visées à l’article 5, paragraphe 2, et aux exigences suivantes, découlant de l’objectif de protection :
[...]
(6) N’est pas interdite la bonne sylviculture en forêt, conformément à l’article 11 du [Niedersächsischen Gesetz über den Wald und die Landschaftsordnung (loi du Land de Basse-Saxe sur la forêt et organisant l’utilisation du paysage)] et à l’article 5, paragraphe 3, du BNatSchG ainsi qu’aux exigences suivantes, découlant de l’objectif de protection :
[...]
7. La création de nouvelles surfaces forestières par boisement n’est autorisée qu’avec l’accord de l’autorité compétente en matière de protection de la nature.
[...]
(8) Dans les cas visés aux paragraphes 2, 3, 5 et 6, l’autorité compétente en matière de protection de la nature donne l’accord requis [...] pour autant et dans la mesure où il n’y a pas lieu de s’attendre à des incidences sur ou perturbations durables de la zone de protection du paysage ou ses éléments essentiels pour les objectifs de conservation et l’objectif de protection du présent arrêté. [...]
(9) Dans les cas de notification obligatoire visés aux paragraphes 2, 4, 6 et 7, l’autorité compétente en matière de protection de la nature peut prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de l’objectif de protection du présent arrêté. [...] L’autorité compétente en matière de protection de la nature peut, au cas par cas, interdire la mise en œuvre des actes ou mesures notifiés lorsque l’objectif de protection du présent arrêté est affecté.
[...] »
27 L’article 7 de l’arrêté en cause, intitulé « Pouvoir d’ordonnancement », dispose, à son paragraphe 1 :
« [...] l’autorité compétente en matière de protection de la nature peut ordonner le rétablissement de l’état antérieur si les interdictions visées à l’article 4 ou les obligations d’approbation ou de notification visées à l’article 5 du présent arrêté ont été enfreintes et si la nature ou le paysage ont été illégalement détruits, endommagés ou modifiés. »
28 L’article 9 de l’arrêté en cause, intitulé « Mise en œuvre de mesures de conservation et de restauration », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les dispositions contenues dans les articles 4 et 5 du présent arrêté correspondent en règle générale à des mesures visant à maintenir dans un état de conservation favorable les types d’habitats visés à l’annexe I et les espèces animales visées à l’annexe II de la directive [92/43] présents dans la [zone de protection du paysage]. »
29 L’article 10 de l’arrêté en cause, intitulé « Infractions administratives », dispose, à son paragraphe 1 :
« Est en infraction [...] toute personne qui, en l’absence d’une exemption conformément à l’article 5 ou d’une dérogation conformément à l’article 6, enfreint intentionnellement ou par négligence les interdictions énoncées à l’article 4 du présent arrêté. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
30 Le 30 septembre 2019, le district d’Osnabrück a adopté l’arrêté en cause, désignant la zone de protection du paysage « Ruisseaux dans l’Artland » en tant qu’élément essentiel du site Natura 2000 éponyme (ci-après le « site concerné »).
31 Au cours du processus d’adoption de cet arrêté, le district d’Osnabrück avait assuré une participation du public, y compris celle de la requérante au principal, en permettant à ce public de consulter le projet d’arrêté et les différentes cartes y relatives ainsi qu’un exposé des motifs. En revanche, le district d’Osnabrück n’avait pas réalisé d’évaluation environnementale, au titre de la directive 2001/42, ni d’examen préalable quant à la nécessité d’une telle évaluation, avant d’adopter l’arrêté
en cause.
32 Le 13 octobre 2020, la requérante au principal a introduit une demande de contrôle de légalité de l’arrêté en cause, invoquant la violation de dispositions ayant trait à l’environnement, en particulier de dispositions visant à transposer le droit de l’Union.
33 Saisi de cette demande, le Niedersächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Basse-Saxe, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire, considère que, à la lumière de l’arrêt du 22 février 2022, Bund Naturschutz in Bayern (C‑300/20, EU:C:2022:102, points 60 à 69), il n’existait aucune obligation, au titre de l’article 35 de l’UVPG, qui repose sur l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, de réaliser une évaluation
environnementale préalablement à l’adoption de l’arrêté en cause.
34 Selon cette juridiction, il est toutefois possible que, préalablement à cette adoption, il aurait été nécessaire de procéder à une évaluation environnementale, en vertu des dispositions combinées de l’article 36 de l’UVPG ainsi que de l’article 36, première phrase, point 2, et de l’article 34, paragraphe 1, première phrase, du BNatSchG, qui reposent sur les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43.
35 À cet égard, la juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, à la lumière, notamment, de l’arrêt du 12 juin 2019, CFE (C‑43/18, EU:C:2019:483, points 49 et 50), si un acte tel que l’arrêté en cause, par lequel un État membre désigne un site comme étant une zone spéciale de conservation conformément à la directive 92/43, doit être considéré, en tout état de cause, comme étant directement lié ou nécessaire à la gestion du site, indépendamment de son contenu normatif.
36 Plusieurs éléments plaidant, selon elle, contre une telle interprétation, la juridiction de renvoi cherche ensuite à savoir, en deuxième lieu, si, et sous quelles conditions, des règles telles que les exceptions figurant à l’article 5, paragraphes 3 à 6, de l’arrêté en cause doivent être considérées comme étant directement liées ou nécessaires à la gestion du site concerné.
37 En troisième lieu, dans l’hypothèse où ces exceptions devraient être comprises non pas comme consistant uniquement à préciser la portée des interdictions établies à l’article 4 de l’arrêté en cause, mais comme des règles autonomes, non directement liées ou nécessaires à la gestion du site concerné, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence sur l’existence de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale au titre de la directive 2001/42, premièrement, de la circonstance que
les activités relevant desdites exceptions ne seront plus soumises, avant leur mise en œuvre, à une évaluation des incidences au cas par cas en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 et, quand bien même feraient-elles l’objet d’une telle évaluation, cette dernière le serait à l’aune des critères et des modalités concrets établis par ces exceptions, deuxièmement, du fait que les activités autorisées au titre de ces exceptions sont déjà depuis longtemps mises en œuvre sur le site
concerné et, troisièmement, de ce que l’arrêté en cause devrait être considéré, selon le cas, comme étant un plan qui détermine l’utilisation de petites zones au niveau local, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42.
38 Enfin, en quatrième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur les modalités qu’une évaluation environnementale devrait, le cas échéant, respecter.
39 Dans ces conditions, le Niedersächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Basse-Saxe) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 en ce sens que toutes les dispositions figurant dans un acte par lequel un État membre désigne un site en tant que zone spéciale de conservation au titre de la directive 92/43 doivent, indépendamment de leur contenu normatif respectif, être considérées comme étant directement liées ou nécessaires à la gestion du site et
que, par conséquent, cet acte ne doit, en tant que plan, pas être soumis à une évaluation environnementale en application des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, ou peut-il y avoir lieu d’adopter une approche distinguant en fonction du contenu de chacune des dispositions de l’acte, de sorte que certaines dispositions de cet acte devraient être considérées comme étant un (élément d’un)
plan directement lié ou nécessaire à la gestion du site et d’autres non ?
2) Dans le cas où la réponse à la première question consiste en la seconde branche de l’alternative : convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 en ce sens qu’il y a lieu de considérer une règle figurant dans un acte d’un État membre, par lequel un site est désigné en tant que zone spéciale de conservation, au sens de la directive 92/43, des objectifs de conservation
sont définis et des obligations et interdictions établies, comme n’étant pas un (élément d’un) plan directement lié ou nécessaire à la gestion du site lorsque cette règle, fixant des critères et des modalités précis, exclut certaines activités mises en œuvre sur ce site du champ d’application des obligations et des interdictions établies et que ces activités ne servent pas directement à garantir le respect des objectifs de conservation, mais doivent être considérées comme des mesures de
gestion ou d’entretien à d’autres fins et qui ont un caractère de projet, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 ?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question : convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 en ce sens qu’il y a lieu de considérer qu’il n’est pas exclu qu’un site soit affecté de manière significative en conséquence d’une règle, telle que celle décrite dans la deuxième question, figurant dans l’acte désignant ce site en tant que zone spéciale de conservation,
au sens de la directive 92/43, et qui fixe de manière suffisamment précise les critères et modalités de mise en œuvre des activités qu’elle couvre, ayant un caractère de projet, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, lorsque le droit national ne soumet pas ces activités à autorisation et que, en raison de la règle en question, l’autorité compétente renonce à exiger pour ces activités une déclaration préalable et à procéder à une évaluation au cas par cas des incidences
des projets sur le site en application de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 ou procède à une évaluation au cas par cas des incidences des projets sur le site et mesure dans ce cadre les incidences du projet à l’aune du respect des critères et des modalités établis par la règle décrite dans la deuxième question ?
4) En cas de réponse affirmative à la deuxième question : convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 en ce sens qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’un site soit affecté de manière significative en conséquence d’une règle, telle que celle décrite dans la deuxième question, figurant dans l’acte désignant ce site en tant que zone spéciale de conservation au sens de la
directive 92/43, lorsque les activités couvertes par cette règle sont, en règle très générale, mises en œuvre depuis longtemps déjà et que les critères et modalités de mise en œuvre de ces activités établis par ladite règle ne permettent en tout cas pas une intensification ou une extension de ces activités sur le site ?
5) Si, en conséquence des réponses apportées aux questions qui précèdent, il convient de considérer que, en raison du contenu de certaines dispositions de l’acte désignant le site en tant que zone spéciale de conservation, au sens de la directive 92/43, une évaluation environnementale doit être effectuée en application des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 : convient-il d’interpréter
l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42 en ce sens que, lorsque la désignation du site doit être considérée comme déterminant l’utilisation de petites zones au niveau local, une autorité nationale doit, [en raison] du fait que le site était déjà classé comme site d’importance communautaire, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 92/43, présumer, en règle générale, que la désignation en tant que zone de protection est susceptible d’avoir des
incidences notables sur l’environnement ?
6) Si, en conséquence des réponses apportées aux questions qui précèdent, il convient de considérer que, en raison du contenu de certaines dispositions de l’acte désignant le site en tant que zone spéciale de conservation, au sens de la directive 92/43, une évaluation environnementale doit être effectuée : convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 et de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 en ce sens que seules
ces dispositions de l’acte doivent faire l’objet de l’évaluation environnementale, ou bien l’évaluation doit-elle porter sur l’intégralité du contenu de l’acte ?
7) Si, en conséquence des réponses apportées aux questions qui précèdent, il convient de considérer que, en raison du contenu de certaines dispositions de l’acte désignant le site en tant que zone spéciale de conservation au sens de la directive 92/43, une évaluation environnementale doit être effectuée : convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/42, aux termes duquel l’évaluation environnementale visée à l’article 3 de cette même directive est effectuée pendant
l’élaboration du plan et avant qu’il ne soit adopté, en ce sens que, lorsqu’il n’a pas été effectué d’évaluation environnementale d’un plan ou d’éléments d’un plan, il n’est pas possible de procéder à cette évaluation a posteriori, après l’adoption du plan ou d’éléments du plan, dans le cadre d’une procédure complémentaire et de remédier ainsi à l’irrégularité procédurale que constitue l’absence d’évaluation environnementale ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
40 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, doit être interprété en ce sens qu’un acte, par lequel l’État membre concerné désigne un site en tant que zone spéciale de conservation, au titre de la directive 92/43, et qui énumère les activités humaines qui sont interdites sur ce site,
sous réserve des exceptions que cet acte prévoit également, relève de la notion de « plans et programmes », au sens de la directive 2001/42, pour lesquels une évaluation environnementale est obligatoire.
41 L’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42 subordonne l’obligation de soumettre un plan ou un programme particulier à une évaluation environnementale, au titre de cette directive, à la condition qu’une évaluation soit requise au titre des articles 6 et 7 de la directive 92/43.
42 Conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, une évaluation appropriée est exigée pour tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site, mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets.
43 Or, la Cour a déjà jugé que l’acte par lequel un État membre désigne un site comme étant une zone spéciale de conservation conformément à la directive 92/43 est, par nature, directement lié ou nécessaire à la gestion du site. En effet, l’article 4, paragraphe 4, de cette directive exige une telle désignation aux fins de sa mise en œuvre (arrêt du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 49).
44 Certes, cette appréciation ne saurait être étendue à toutes les dispositions d’un tel acte d’une manière automatique, sans vérifier le contenu de celles-ci. En particulier, il ne peut pas être a priori exclu que cet acte comporte aussi des dispositions qui n’ont aucun rapport avec l’exécution, par l’État membre concerné, de l’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 92/43 et qui ne sont pas directement liées ou nécessaires à la gestion du site en cause d’une autre façon.
45 Cependant, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, l’arrêté en cause n’apparaît pas comporter de telles dispositions.
46 À cet égard, il convient de rappeler que, en application de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 92/43, une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu, l’État membre concerné doit désigner celui-ci comme zone spéciale de conservation, le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans, en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel ou d’une
espèce et pour la cohérence de Natura 2000. Cet État membre doit également, d’une part, conformément à la même disposition de la directive 92/43, telle qu’interprétée par la Cour, déterminer, dans les mêmes délais et précédemment à la fixation de ces priorités, les objectifs de conservation, qui doivent être spécifiques, et établir, d’autre part, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, les mesures de conservation [voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2023, Commission/Irlande
(Protection des zones spéciales de conservation), C‑444/21, EU:C:2023:524, points 45, 53, 65 et 66].
47 Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 92/43, les mesures de conservation impliquent, le cas échéant, « les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées ».
48 Ainsi, les mesures de conservation que l’État membre concerné doit établir en vertu de cet article 6, paragraphe 1, peuvent notamment consister à établir un régime juridique visant à limiter, sur le territoire du site en cause et compte tenu des objectifs de conservation fixés, les activités humaines par rapport à ce qui était autorisé jusqu’alors sur ce site.
49 Des dispositions d’un acte de désignation d’un site comme zone spéciale de conservation, par lesquelles l’État membre concerné vise à établir un tel régime juridique, doivent, dès lors, être considérées comme étant « directement liées ou nécessaires à la gestion du site » en question.
50 En l’absence de précision à cet égard dans la directive 92/43, les États membres demeurent, par ailleurs, libres de déterminer, dans leur ordre juridique, le type de normes qu’ils jugent les plus adéquates afin d’établir un tel régime juridique.
51 En l’occurrence, le régime juridique mis en place par l’arrêté en cause est constitué d’un ensemble de dispositions, dont l’article 4 de cet arrêté, qui prévoit des interdictions, et l’article 5 de celui-ci, qui énumère les « actes et utilisations » qui ne relèvent pas de ces interdictions.
52 À cet égard, la juridiction de renvoi indique notamment qu’elle considère que les exceptions prévues à l’article 5 de l’arrêté en cause ont pour but d’autoriser, dans un certain cadre, la poursuite des activités d’exploitation qui étaient déjà exercées sur le site concerné et qui le sont encore à l’heure actuelle, notamment à des fins commerciales, telles que la pêche, l’agriculture, la sylviculture ainsi que certaines mesures d’entretien des eaux, dans le but d’éviter une atteinte
disproportionnée aux droits des propriétaires et des ayants droit concernés par la mise sous protection du site concerné.
53 Il n’en demeure pas moins que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à cette juridiction d’effectuer, l’article 5 de l’arrêté en cause fait partie des dispositions visant, dans leur ensemble, à établir le régime juridique jugé nécessaire aux fins de la protection, entre autres, de la zone spéciale de conservation désignée, à savoir, en l’occurrence, le site concerné.
54 Cela semble être confirmé par l’article 9 de l’arrêté en cause, qui dispose, à son paragraphe 1, que les dispositions contenues dans les articles 4 et 5 de cet arrêté « correspondent en règle générale à des mesures visant à maintenir dans un état de conservation favorable les types d’habitats visés à l’annexe I et les espèces animales visées à l’annexe II de la directive [92/43] présents [sur le site concerné] », ainsi que par le libellé de l’article 7, paragraphe 1, et celui de l’article 10,
paragraphe 1, dudit arrêté.
55 Il s’ensuit que, toujours sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’arrêté en cause doit être considéré comme étant directement lié ou nécessaire, dans son ensemble, à la gestion du site concerné.
56 Eu égard à l’ensemble de ces motifs, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, doit être interprété en ce sens qu’un acte, par lequel l’État membre concerné désigne un site en tant que zone spéciale de conservation, au titre de la directive 92/43, et qui énumère les activités humaines qui sont interdites sur ce site, sous réserve des exceptions
que cet acte prévoit également, ne relève pas de la notion de « plans et programmes », au sens de la directive 2001/42, pour lesquels une évaluation environnementale est obligatoire.
Sur les troisième à septième questions
57 Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième à septième questions.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
L’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages,
doit être interprété en ce sens que :
un acte, par lequel l’État membre concerné désigne un site en tant que zone spéciale de conservation, au titre de la directive 92/43, et qui énumère les activités humaines qui sont interdites sur ce site, sous réserve des exceptions que cet acte prévoit également, ne relève pas de la notion de « plans et programmes », au sens de la directive 2001/42, pour lesquels une évaluation environnementale est obligatoire.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.