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17/10/2024 | CJUE | N°C-701/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SC AA SRL contre MFE., 17/10/2024, C-701/22


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 60 – Principe de bonne gestion financière – Article 80 – Droit des bénéficiaires à recevoir les paiements dans les plus brefs délais et dans leur intégralité – Droit d’obtenir des intérêts pour retard de paiement – Principes d’effectivité et d’équivalence – Résiliation d’un contrat de financement au titre du FEDER pour cause d’irrégularitÃ

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cette résiliation – Correction des irrégularités – Lutte contre le retard...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 60 – Principe de bonne gestion financière – Article 80 – Droit des bénéficiaires à recevoir les paiements dans les plus brefs délais et dans leur intégralité – Droit d’obtenir des intérêts pour retard de paiement – Principes d’effectivité et d’équivalence – Résiliation d’un contrat de financement au titre du FEDER pour cause d’irrégularités commises lors de son exécution – Annulation de
cette résiliation – Correction des irrégularités – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Directive 2011/7/UE – Champ d’application »

Dans l’affaire C‑701/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 15 décembre 2021, parvenue à la Cour le 15 novembre 2022, dans la procédure

SC AA SRL

contre

Ministerul Fondurilor Europene,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Jääskinen, M. Gavalec et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Ministerul Fondurilor Europene, par M. M.-I. Boloş, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et O.-C. Ichim, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par Mmes H. Almeida, P. Barros da Costa, H. Oliveira et A. Pimenta, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme C. Ehrbar, M. G. Gattinara et Mme T. Isacu de Groot, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 mars 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de bonne gestion financière visé à l’article 60 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25), lu en combinaison avec le principe d’équivalence, de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, ainsi que de la
directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC AA SRL (ci‑après « AA ») au Ministerul Fondurilor Europene (ministère des Fonds européens) (ci-après le « MFE ») au sujet du versement d’intérêts de retard demandé par AA en raison du paiement tardif, par le MFE, des dépenses éligibles au titre d’un contrat de financement conclu entre ces deux parties (ci-après le « contrat de financement »), en exécution d’un programme cofinancé par le Fonds européen de développement régional
(FEDER).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 1080/2006

3 L’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif au Fonds européen de développement régional et abrogeant le règlement (CE) no 1783/1999 (JO 2006, L 210, p. 1), prévoit :

« Les dépenses suivantes ne sont pas éligibles à une contribution du FEDER :

a) les intérêts débiteurs ;

[...] »

Le règlement no 1083/2006

4 Le règlement no 1083/2006, lequel a été abrogé par le règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au
Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320), mais demeure applicable ratione temporis au litige au principal, définissait, à son article 2, point 7, la notion d’« irrégularité » comme étant « toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de
l’Union européenne par l’imputation au budget général d’une dépense indue ».

5 L’article 60 du règlement no 1083/2006, intitulé « Fonctions de l’autorité de gestion », était ainsi libellé :

« L’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier :

a) de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles communautaires et nationales applicables ;

[...] »

6 L’article 80 de ce règlement, intitulé « Intégralité des paiements aux bénéficiaires », disposait :

« Les États membres veillent à ce que les organismes chargés d’effectuer les paiements s’assurent que les bénéficiaires reçoivent le montant total de la participation publique dans les plus brefs délais et dans leur intégralité. Il n’est procédé à aucune déduction ou retenue, ni à aucun autre prélèvement spécifique ou autre à effet équivalent qui réduirait ces montants pour les bénéficiaires. »

7 L’article 98, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, intitulé « Corrections financières par les États membres », prévoyait :

« 1.   Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, d’agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle des opérations ou des programmes opérationnels, et de procéder aux corrections financières nécessaires.

2.   Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections auxquelles procèdent les États membres consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. Les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds.

[...] »

Le règlement (UE, Euratom) 2018/1046

8 L’article 2, point 59, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), définit la notion de « bonne
gestion financière » comme étant « l’exécution du budget conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité ».

La directive 2011/7

9 L’article 1er de la directive 2011/7, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :

« 1.   Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)].

2.   La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales.

[...] »

10 L’article 2, point 1, de cette directive définit, aux fins de celle-ci, la notion de « transactions commerciales » comme étant « toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ».

Le droit roumain

Le code civil

11 Aux termes de l’article 1535 de la legea nr. 287/2009 privind Codul civil al României (loi no 287/2009, portant code civil roumain), du 17 juillet 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 511 du 24 juillet 2009), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), intitulé « Intérêts moratoires dans le cas des obligations pécuniaires » :

« (1) Lorsqu’une somme d’argent n’est pas payée à l’échéance, le créancier a droit à des intérêts de retard à compter de la date d’échéance jusqu’à la date de paiement, au taux convenu par les parties ou, à défaut, au taux légal, sans avoir à prouver un quelconque préjudice. Dans ce cas, le débiteur n’est pas en droit de prouver que le préjudice subi par le créancier du fait du retard de paiement serait moindre.

[...]

(3) Si le taux des intérêts de retard dus n’est pas supérieur au taux légal, le créancier a droit, en plus des intérêts au taux légal, à des dommages et intérêts pour la réparation intégrale du préjudice subi ».

L’OG no 13/2011

12 L’article 1er de l’Ordonanța Guvernului nr. 13 privind dobânda legală remuneratorie și penalizatoare pentru obligații bănești, precum și pentru reglementarea unor măsuri financiar fiscale în domeniul bancar (ordonnance du gouvernement no 13, concernant l’intérêt légal rémunératoire et de pénalité sur les obligations pécuniaires et portant mesures financières et fiscales dans le domaine bancaire), du 24 août 2011 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 607 du 29 août 2011, ci-après l’« OG
no 13/2011 »), dispose :

« (1)   Les parties sont libres d’établir, par convention, un taux d’intérêt tant pour la restitution d’un crédit d’une somme d’argent que pour un retard de paiement d’une obligation pécuniaire.

[...]

(3)   L’intérêt dû par le débiteur de l’obligation pécuniaire pour non–respect de l’obligation en cause à l’échéance est dénommé intérêt de pénalité.

[...] »

13 Aux termes de l’article 10 de l’OG no 13/2011, « [l]es dispositions de l’article 1535 et des articles 1538 à 1543 [du code civil] [...] sont applicables à l’intérêt de pénalité ».

L’OUG no 66/2011

14 L’article 42, paragraphes 1 et 2, de l’Ordonanță de urgență a Guvernului nr. 66/2011 privind prevenirea, constatarea și sancționarea neregulilor apărute în obținerea și utilizarea fondurilor europene și/sau a fondurilor publice naționale aferente acestora (ordonnance d’urgence du gouvernement no 66/2011 concernant la prévention, la constatation et la sanction des irrégularités apparues lors de l’obtention et de l’utilisation de Fonds européens et/ou de Fonds publics nationaux afférents), du
29 juin 2011 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 461 du 30 juin 2011, ci-après l’« OUG no 66/2011 »), disposait, dans sa version applicable au litige au principal :

« (1)   Les créances budgétaires résultant d’irrégularités sont exigibles à l’expiration du délai de paiement fixé dans le titre de créance ou dans les 30 jours suivant la date de communication dudit titre.

(2)   Le débiteur doit, lorsqu’il ne s’acquitte pas dans le délai des obligations prévues par le titre de créance, des intérêts qui sont calculés en appliquant le taux d’intérêt dû au solde restant à payer du montant exprimé en [lei roumains (RON)] de la créance budgétaire, à compter du premier jour suivant l’expiration du délai de paiement fixé conformément au paragraphe 1 jusqu’à la date de l’extinction de la créance, à moins que les règles de l’Union européenne ou du donateur public
international n’en disposent autrement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Le 22 avril 2015, le MFE, autorité de gestion du programme opérationnel sectoriel du FEDER « Stimuler la compétitivité économique 2007-2013 », et AA, une société à responsabilité limitée de droit roumain, ont conclu, en exécution de ce programme, le contrat de financement, aux fins de la mise en œuvre du projet intitulé « Achat d’équipements visant à renforcer les capacités de production de la société AA ».

16 À cette fin, le MFE s’est engagé à accorder à AA un financement d’un montant maximal de 3334257,20 RON (environ 671000 euros). AA s’est engagée à cofinancer ce projet, d’une part, par une contribution aux dépenses éligibles au titre de celui-ci à hauteur de ce montant et, d’autre part, par une contribution de 2385556,64 RON (environ 479780 euros), taxe sur la valeur ajoutée comprise, aux dépenses non éligibles au titre dudit projet. Afin de couvrir le cofinancement de ces dépenses éligibles,
conformément au contrat de financement, AA a contracté auprès d’un établissement bancaire un contrat de crédit portant sur une somme totale de 3334257,20 RON (environ 671000 euros).

17 Le 22 septembre 2015, après l’achèvement du même projet, AA a introduit auprès du MFE une demande de remboursement de cette somme, correspondant auxdites dépenses éligibles, qu’elle a complétée par des lettres datées des 2 et 22 octobre 2015. Par la suite, AA a saisi la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant, premièrement, à ce qu’il soit fait injonction au MFE d’émettre une décision acceptant ladite demande, deuxièmement, à la
condamnation de ce ministère à rembourser le montant des mêmes dépenses éligibles, troisièmement, à la condamnation dudit ministère à payer des intérêts de retard sur ce montant à compter de la date d’introduction de ce recours, et, quatrièmement, à titre subsidiaire, à la condamnation du même ministère à payer des dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi.

18 Le 29 août 2016, le MFE a résilié le contrat de financement en se fondant sur le non-respect, par AA, de l’obligation stipulée par ce contrat de publier un appel d’offres ou un avis de marché.

19 Le 27 avril 2017, AA a saisi la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) d’un second recours contre le MFE, tendant à l’annulation de l’acte de résiliation du contrat de financement. Par un arrêt devenu définitif le 10 mars 2021, cette juridiction a fait droit à ce recours, au motif que, malgré le non-respect, par AA, de l’obligation de transparence lors de l’exécution de ce contrat de financement, la résiliation de ce dernier était disproportionnée. Selon ladite juridiction, le MFE aurait dû,
eu égard au caractère mineur des irrégularités constatées, appliquer des mesures moins sévères, telles que des corrections financières.

20 À la suite du paiement intégral, par le MFE, du montant des dépenses éligibles au titre de la participation du FEDER, soit une somme de 3320502,41 RON (environ 667370 euros), sans application de corrections financières, la juridiction de renvoi reste saisie, dans le cadre du recours visé au point 17 du présent arrêt, des seuls chefs de demande relatifs au paiement, d’une part, des intérêts de retard sur ce montant et, d’autre part, des dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi. À
cet égard, AA fait valoir que, en conséquence du non-versement des sommes dues par le MFE, elle a été contrainte de payer, entre l’échéance initiale du crédit et l’introduction de ce recours, une somme totale de 23225,46 RON (environ 4671 euros) à titre d’intérêts jusqu’au mois d’avril 2016.

21 La juridiction de renvoi se demande, premièrement, si, en l’absence d’une réglementation spécifique de l’Union dans ce domaine, le principe de bonne gestion financière, tel que prévu à l’article 60 du règlement no 1083/2006, lu en combinaison avec le principe d’équivalence, permet d’appliquer à un contrat de financement tel que celui en cause au principal notamment l’article 1535 du code civil et les articles 1er et 10 de l’OG no 13/2011, qui prévoient le versement d’intérêts pour retard dans
l’exécution d’une obligation pécuniaire, ou d’appliquer, par analogie, l’article 42 de l’OUG no 66/2011, qui, s’agissant de l’exécution des Fonds européens ou des Fonds publics nationaux y afférents, régit le retrait d’un avantage financier indûment payé et ne prévoit pas le paiement d’intérêts de retard par le bénéficiaire de cet avantage, sauf dans le cas où la restitution n’intervient pas dans un délai de 30 jours.

22 Deuxièmement, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si, lorsqu’un bénéficiaire a commis des irrégularités lors de l’exécution d’un contrat de financement tel que celui en cause au principal, elle peut, afin de tenir compte de ces irrégularités, limiter le montant des intérêts de retard, à les supposer dus par l’autorité de gestion, quand bien même cette autorité n’aurait appliqué aucune correction financière à ce bénéficiaire.

23 Troisièmement, ladite juridiction se demande si un contrat de financement tel que celui en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2011/7 et, partant, si cette dernière permet d’appliquer à ce contrat le taux d’intérêt qu’elle prévoit pour le retard de paiement des dépenses éligibles.

24 Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le principe de bonne gestion financière doit-il être interprété en ce sens que, en combinaison avec le principe d’équivalence, il s’oppose à ce qu’une personne morale qui exploite une entreprise dans un but lucratif, bénéficiaire d’un financement non remboursable du FEDER, puisse obtenir de l’autorité publique d’un État membre des intérêts de retard (intérêts de pénalité) pour le paiement tardif de dépenses éligibles pour une période pendant laquelle un acte administratif excluant le
remboursement était en vigueur, acte qui a ultérieurement été annulé par une décision de justice ?

2) En cas de réponse négative à la première question, la faute commise par le bénéficiaire du financement, constatée par cette décision de justice, est-elle pertinente en ce qui concerne le montant des intérêts de retard, dans les conditions où cette autorité publique compétente pour gérer les Fonds européens a finalement déclaré, après le prononcé de ladite décision, que toutes les dépenses étaient éligibles ?

3) Une règle de droit national qui prévoit que la seule conséquence en cas de constatation d’une irrégularité est la non-obtention de l’avantage financier en cause ou, selon le cas, son retrait (la restitution des montants indus) au niveau auquel [il a] été accordé, sans perception d’intérêts, même si le bénéficiaire a profité de cet avantage jusqu’au moment de la restitution, et [que] ce n’est que dans le cas où cette restitution n’intervient pas dans le délai prévu par la loi, de 30 jours à
compter de la notification du titre de créance, que l’article 42, paragraphes 1 et 2, de l’[OUG no 66/2011] permet de percevoir des intérêts, après l’expiration de ce délai, est-elle pertinente aux fins de l’interprétation du principe d’équivalence en ce qui concerne le moment de l’octroi des intérêts de retard au bénéficiaire du financement non remboursable du FEDER ?

4) Les dispositions de l’article 288, troisième alinéa, TFUE s’opposent-elles, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, à ce qu’une règle nationale étende l’applicabilité de la directive [2011/7] à un contrat relatif à l’octroi d’un financement provenant des fonds non remboursables du FEDER conclu entre l’autorité publique compétente pour gérer les Fonds européens et une personne morale exploitant une entreprise à but lucratif ? »

Sur la demande d’application de la procédure préjudicielle accélérée

25 La juridiction de renvoi a demandé que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée, prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour, tout en soulignant que le litige au principal est pendant devant les juridictions nationales depuis le 18 avril 2016.

26 Cet article 105, paragraphe 1, prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée.

27 L’application de cette procédure dépend, avant tout, des circonstances exceptionnelles propres à l’affaire au principal, lesquelles doivent établir l’urgence extraordinaire de statuer sur les questions posées [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2024, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Confiance mutuelle en cas de transfert), C‑392/22, EU:C:2024:195, point 34 et jurisprudence citée].

28 À cet égard, le point 37 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), précise que, pour permettre à la Cour de décider rapidement s’il convient de mettre en œuvre la procédure accélérée, la demande doit exposer avec précision les circonstances de droit et de fait qui établissent l’urgence et, notamment, les risques encourus si le renvoi suit la procédure
ordinaire.

29 En l’occurrence, aucun élément fourni par la juridiction de renvoi n’est de nature à établir que celle-ci soit tenue de statuer dans un délai déterminé ni que le recours juridictionnel dont elle est saisie par AA depuis le 18 avril 2016 ait fait l’objet d’un traitement urgent. Il importe de relever, à ce propos, que la présente demande de décision préjudicielle, que cette juridiction a décidé de transmettre à la Cour le 15 décembre 2021, n’a été déposée que le 15 novembre 2022 [voir, en ce sens,
arrêt du 13 juin 2024, C (Administrateurs et liquidateurs judiciaires), C‑696/22, EU:C:2024:499, points 42 et 43].

30 Par ailleurs, ni le simple intérêt des justiciables, tout aussi important et légitime qu’il soit, à déterminer le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union, ni le caractère économiquement ou socialement sensible de l’affaire au principal n’impliquent pour autant la nécessité de « son traitement dans de brefs délais », au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (arrêt du 20 octobre 2022, Curtea de Apel Alba Iulia e.a., C‑301/21,
EU:C:2022:811, point 39).

31 Dans ces conditions, le 20 décembre 2022, le président de la Cour a décidé, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de ne pas faire droit à la demande d’application de la procédure préjudicielle accélérée présentée par la juridiction de renvoi.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et troisième questions

32 Par ses première et troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de bonne gestion financière visé à l’article 60 du règlement no 1083/2006, lu en combinaison avec le principe d’équivalence, s’oppose au versement d’intérêts de retard en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de sommes d’argent correspondant à des dépenses éligibles au titre du FEDER et, en cas de réponse négative, à ce que le versement de ces
intérêts soit exclu en application de dispositions du droit national qui n’imposent le paiement d’intérêts de retard qu’à compter de l’expiration du délai de restitution de la somme indûment versée.

33 En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 317 TFUE, la Commission exécute le budget de l’Union en coopération avec les États membres, conformément, notamment, au principe de bonne gestion financière, que l’article 2, point 59, du règlement 2018/1046 définit comme étant l’exécution du budget conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité. Le principe de bonne gestion financière exige, en conséquence, que les fonds structurels et d’investissement
européens soient utilisés par les États membres en conformité avec les principes et les exigences légaux sous-tendant la réglementation sectorielle de l’Union.

34 Conformément à l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, il revient à l’autorité de gestion de veiller, en application du principe de bonne gestion financière, à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel concerné et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles de l’Union et nationales applicables.

35 Par ailleurs, l’article 7 du règlement no 1080/2006 prévoit que les intérêts débiteurs payés par les autorités nationales compétentes ne sont pas éligibles à une contribution du FEDER.

36 Il en résulte que le versement d’intérêts de retard en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de sommes d’argent correspondant à des dépenses éligibles au titre, notamment, du FEDER ne compromet pas l’objectif de bonne gestion financière poursuivi par le règlement no 1083/2006. En effet, dès lors que de tels intérêts de retard ne peuvent être imputés au budget de l’Union, les intérêts financiers de l’Union restent préservés.

37 En second lieu, selon une jurisprudence bien établie, tout administré auquel une autorité nationale a imposé le paiement d’une taxe, d’un droit, d’un impôt ou d’un autre prélèvement en violation du droit de l’Union a le droit, en vertu de ce dernier, d’obtenir de la part de cette autorité non seulement le remboursement de la somme d’argent indûment perçue, mais aussi le versement d’intérêts visant à compenser l’indisponibilité de cette dernière (arrêt du 11 juin 2024, Commission/Deutsche Telekom,
C‑221/22 P, EU:C:2024:488, point 55 et jurisprudence citée).

38 Par conséquent, lorsque des sommes d’argent ont été perçues en violation du droit de l’Union, par une autorité nationale, elles doivent être restituées et cette restitution doit être majorée d’intérêts couvrant toute la période allant de la date de paiement de ces sommes d’argent à la date de leur restitution, ce qui constitue l’expression d’un principe général de répétition de l’indu (arrêt du 11 juin 2024, Commission/Deutsche Telekom, C‑221/22 P, EU:C:2024:488, point 56 et jurisprudence citée).

39 La Cour a, par ailleurs, jugé que ce principe trouve à s’appliquer dans l’hypothèse où les sommes d’argent en cause correspondent à des restitutions à l’exportation qui ont été octroyées avec retard à un administré, après lui avoir été refusées en violation de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a., C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306, point 59). Or, cette situation est comparable à celle du bénéficiaire d’un
financement du FEDER qui s’est trouvé privé, pendant une période de temps donnée, de sommes d’argent correspondant à des dépenses éligibles auxquelles il avait droit en raison du retard avec lequel ces sommes ont été payées en violation du droit de l’Union.

40 En outre, il convient de souligner que l’article 80 du règlement no 1083/2006 impose, premièrement, aux États membres de veiller à ce que les autorités de gestion s’assurent que les bénéficiaires reçoivent le montant total de la participation publique dans les plus brefs délais et dans leur intégralité. Deuxièmement, cet article interdit aux États membres de procéder à toute déduction ou retenue, ainsi qu’à tout autre prélèvement spécifique ou autre à effet équivalent qui réduirait ces montants
pour les bénéficiaires.

41 Il résulte de ce qui précède que, dans une situation telle que celle en cause au principal, où le bénéficiaire d’une participation publique du FEDER a été indûment privé d’une somme d’argent qui lui était due, ce bénéficiaire a droit au versement d’intérêts de retard à partir de la date à laquelle l’autorité de gestion aurait dû lui verser cette somme, et a, au lieu de verser celle-ci, résilié le contrat de financement, résiliation qui a été annulée par la suite, avec un effet ex tunc, par une
décision de justice devenue définitive (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a., C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306, point 75, ainsi que du 11 juin 2024, Commission/Deutsche Telekom, C‑221/22 P, EU:C:2024:488, point 61).

42 Comme il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, ce droit au versement d’intérêts a pour objet de compenser l’indisponibilité de la somme d’argent dont le bénéficiaire concerné a été indûment privé. Cette compensation peut s’effectuer, suivant les cas, selon les modalités qui sont prévues par la réglementation applicable de l’Union ou, en l’absence d’une telle réglementation, selon celles qui trouvent à s’appliquer en vertu du droit national (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022,
Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a., C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306, points 70 et 71).

43 En l’occurrence, il incombe à la juridiction de renvoi, en l’absence de dispositions de droit national prévoyant le versement d’intérêts de retard dans une situation telle que celle en cause au principal, de déterminer, à partir tant de l’objet que des éléments essentiels des dispositions nationales en matière d’intérêts de retard qu’elle cite dans la demande de décision préjudicielle, celles dont l’application est mieux à même de garantir l’effectivité du principe général de répétition de
l’indu, rappelé aux points 37 à 39 du présent arrêt. Les modalités procédurales des recours destinés à obtenir le versement d’intérêts ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) ni aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice du droit à ce versement garanti par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz
et Rewe-Zentral, 33/76, EU:C:1976:188, point 6 ; du 6 octobre 2015, Târşia, C‑69/14, EU:C:2015:662, points 26 et 27, ainsi que du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a., C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306, point 74).

44 S’agissant de la question de savoir s’il serait pertinent, sur le fondement du principe d’équivalence, d’appliquer, en l’occurrence, l’article 42 de l’OUG no 66/2011, il convient de relever, au vu des éléments qui ressortent de la demande de décision préjudicielle, que cet article régit le retrait d’un avantage financier indûment payé en raison d’irrégularités apparues lors de l’obtention et de l’utilisation de Fonds européens ou de Fonds publics nationaux y afférents.

45 Or, ainsi que la Commission l’a rappelé dans les observations écrites qu’elle a présentées dans la présente affaire, l’invocation du principe d’équivalence suppose que la règle en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause assimilables. En conséquence, une règle nationale visant à sanctionner uniquement la méconnaissance du droit de l’Union n’est pas susceptible de
constituer le fondement approprié de la comparaison afin d’assurer le respect de ce principe (voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 1998, Levez, C‑326/96, EU:C:1998:577, points 41 et 48, ainsi que du 16 mai 2000, Preston e.a., C‑78/98, EU:C:2000:247, points 52 et 55).

46 En outre, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 42 de l’OUG no 66/2011 prévoit le paiement d’intérêts dans le cas où la restitution de l’avantage financier n’intervient pas dans le délai légal de 30 jours à compter de la communication du titre de créance. Dans de telles circonstances, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, l’application de cet article au litige au principal serait susceptible de porter atteinte au droit du
bénéficiaire concerné au remboursement des sommes d’argent correspondant à des dépenses éligibles et au versement d’intérêts garantis par le droit de l’Union. En effet, l’application dudit article conduirait à ne pas prendre en compte, comme période pertinente pour le calcul des intérêts, cette période de 30 jours (voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a., C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306, points 75 et 76).

47 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première et à la troisième question que le principe de bonne gestion financière visé à l’article 60 du règlement no 1083/2006, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas au versement d’intérêts de retard en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de sommes d’argent correspondant à des dépenses éligibles au titre du FEDER. En revanche, le principe d’effectivité doit être interprété, à la lumière de
l’article 80 du règlement no 1083/2006, en ce sens qu’il s’oppose à ce que le versement de ces intérêts soit exclu en application de dispositions du droit national qui n’imposent le paiement d’intérêts de retard qu’à compter de l’expiration du délai de restitution de la somme indûment versée.

Sur la deuxième question

48 Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de considérer que, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées de l’article 2, point 7, et de l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’une juridiction nationale réduise, en conséquence d’« irrégularités », au sens de cet article 2, point 7, détectées lors de l’exécution d’un contrat
de financement, le montant des intérêts de retard dus au bénéficiaire d’un financement du FEDER en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de dépenses éligibles au titre de ce financement, dans un cas où cette autorité de gestion n’a appliqué aucune correction financière à cet égard.

49 En premier lieu, l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 définit la notion d’« irrégularité » comme étant toute violation d’une disposition du droit de l’Union résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union par l’imputation à ce budget d’une dépense indue. Il résulte des termes mêmes de cet article 2, point 7, que seule une violation qui « a ou aurait pour effet » de porter préjudice audit budget
peut être qualifiée d’« irrégularité ».

50 En second lieu, il résulte de l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 qu’il incombe aux États membres de rechercher les irrégularités, individuelles et systémiques, ainsi que de procéder aux corrections financières en rapport avec les irrégularités détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Ces corrections consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel, en application de critères tenant à la nature des
irrégularités, à leur gravité ainsi qu’à la perte financière qui en résulte pour le Fonds concerné. Ces critères sont une expression du principe de proportionnalité qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, ANAS, C‑545/21, EU:C:2023:451, points 42 et 43).

51 Il s’ensuit que l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que, en cas d’« irrégularité », telle que définie à l’article 2, point 7, de ce règlement, il impose aux États membres, afin de déterminer la correction financière applicable, de procéder à une appréciation au cas par cas, dans le respect du principe de proportionnalité, en tenant compte desdits critères (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, ANAS, C‑545/21, EU:C:2023:451, point 49).

52 Dans l’ordre juridique de l’Union, le devoir des États membres, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE, de prendre toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union, s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2000, Engelbrecht, C‑262/97, EU:C:2000:492, point 38, et du 17 octobre 2019,
Elektrorazpredelenie Yug, C‑31/18, EU:C:2019:868, point 60).

53 Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une réduction des intérêts de retard dus au bénéficiaire du financement, en vertu du principe général de répétition de l’indu, rappelé aux points 37 à 39 du présent arrêt, serait, en présence d’« irrégularités » au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, conforme au principe de proportionnalité, tel que précisé à l’article 98, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.

54 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que les dispositions combinées de l’article 2, point 7, et de l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce qu’une juridiction nationale réduise, en conséquence d’« irrégularités », au sens de cet article 2, point 7, détectées lors de l’exécution d’un contrat de financement et conformément au principe de proportionnalité, le montant
des intérêts de retard dus au bénéficiaire d’un financement du FEDER en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de dépenses éligibles au titre de ce financement, dans un cas où cette autorité de gestion n’a appliqué aucune correction financière à cet égard.

Sur la quatrième question

55 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2011/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle est applicable à un contrat de financement conclu entre une autorité de gestion d’un État membre et une entreprise ayant pour objet le cofinancement, par le FEDER, d’un projet d’achat d’équipements auprès d’un tiers par cette entreprise.

56 D’emblée, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/7, celle-ci a pour but de lutter contre le retard de paiement dans les transactions commerciales afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et, en particulier, des PME. L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dispose qu’elle s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales.

57 La notion de « transactions commerciales » est définie à l’article 2, point 1, de ladite directive comme étant « toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ».

58 Cette disposition énonce ainsi deux conditions pour qu’une transaction relève de cette notion de « transactions commerciales ». Elle doit, premièrement, être effectuée soit entre des entreprises, soit entre des entreprises et les pouvoirs publics et, deuxièmement, conduire à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération [arrêts du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑199/19, EU:C:2020:548, point 24, ainsi que du 13 janvier 2022,
New Media Development & Hotel Services, C‑327/20, EU:C:2022:23, point 32].

59 Le champ d’application de la directive 2011/7 est certes défini de manière très large et peut couvrir une transaction commerciale dont le financement est assuré en tout ou en partie par des ressources provenant de Fonds structurels et du Fonds de cohésion de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, KROL, C‑722/18, EU:C:2019:1028, point 32). Il n’en demeure pas moins que, pour relever de la notion de « transactions commerciales », au sens de l’article 2, point 1, de cette directive,
une transaction doit effectivement donner lieu à une fourniture de marchandises ou à une prestation de services, quand bien même elle n’aurait pas pour objet une telle fourniture ou une telle prestation (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Techbau, C‑299/19, EU:C:2020:937, point 44).

60 En l’occurrence, dans la mesure où le contrat de financement, qui a pour objet le cofinancement, par le FEDER, d’un projet d’achat d’équipements auprès d’un tiers, n’implique pas la fourniture d’un bien ou la prestation d’un service, par AA, à l’autorité de gestion concernée, ce contrat est exclu du champ d’application de la directive 2011/7.

61 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que la directive 2011/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable à un contrat de financement conclu entre une autorité de gestion d’un État membre et une entreprise ayant pour objet le cofinancement, par le FEDER, d’un projet d’achat d’équipements auprès d’un tiers par cette entreprise.

Sur les dépens

62 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) Le principe de bonne gestion financière visé à l’article 60 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas au versement d’intérêts de retard en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, de sommes d’argent correspondant à des dépenses
éligibles au titre du Fonds européen de développement régional.

En revanche, le principe d’effectivité doit être interprété, à la lumière de l’article 80 du règlement no 1083/2006, en ce sens qu’il s’oppose à ce que le versement de ces intérêts soit exclu en application de dispositions du droit national qui n’imposent le paiement d’intérêts de retard qu’à compter de l’expiration du délai de restitution de la somme indûment versée.

  2) Les dispositions combinées de l’article 2, point 7, et de l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006

doivent être interprétées en ce sens que :

elles ne s’opposent pas à ce qu’une juridiction nationale réduise, en conséquence d’« irrégularités », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, détectées lors de l’exécution d’un contrat de financement et conformément au principe de proportionnalité, le montant des intérêts de retard dus au bénéficiaire d’un financement du Fonds européen de développement régional en raison du paiement tardif, par l’autorité de gestion, des dépenses éligibles au titre de ce financement, dans
un cas où cette autorité de gestion n’a appliqué aucune correction financière à cet égard.

  3) La directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable à un contrat de financement conclu entre une autorité de gestion d’un État membre et une entreprise ayant pour objet le cofinancement, par le Fonds européen de développement régional, d’un projet d’achat d’équipements auprès d’un tiers par cette entreprise.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-701/22
Date de la décision : 17/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 60 – Principe de bonne gestion financière – Article 80 – Droit des bénéficiaires à recevoir les paiements dans les plus brefs délais et dans leur intégralité – Droit d’obtenir des intérêts pour retard de paiement – Principes d’effectivité et d’équivalence – Résiliation d’un contrat de financement au titre du FEDER pour cause d’irrégularités commises lors de son exécution – Annulation de cette résiliation – Correction des irrégularités – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Directive 2011/7/UE – Champ d’application.


Parties
Demandeurs : SC AA SRL
Défendeurs : MFE.

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:891

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