ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
16 janvier 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 21, paragraphe 1, TFUE – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Législation fiscale – Impôt sur le revenu – Calcul du montant de la déduction de base à caractère personnel au titre de l’enfant à charge ayant bénéficié de l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + – Règlement (UE) no 1288/2013 – Taxation des bourses destinées à faciliter la mobilité des personnes
physiques visées par ce règlement – Restriction à la libre circulation – Proportionnalité »
Dans l’affaire C‑277/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Ustavni sud Republike Hrvatske (Cour constitutionnelle, Croatie), par décision du 18 avril 2023, parvenue à la Cour le 28 avril 2023, dans la procédure
E. P.
contre
Ministarstvo financija Republike Hrvatske, Samostalni sektor za drugostupanjski upravni postupak,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Gratsias et Z. Csehi (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement croate, par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann, M. Mataija, W. Roels et H. van Vliet, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 juillet 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18, 20, 21 et de l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE ainsi que de l’article 67 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant E. P. au Ministarstvo financija Republike Hrvatske, Samostalni sektor za drugostupanjski upravni postupak (ministère des Finances de la République de Croatie, service autonome en charge de la procédure administrative de second niveau) (ci-après le « service autonome en charge de la procédure administrative de second niveau ») au sujet de la prise en compte par l’administration fiscale, aux fins du calcul de la déduction applicable à
l’impôt sur le revenu de E. P., de l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + dont a bénéficié un enfant à sa charge.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 883/2004
3 L’article 1er, sous z), du règlement no 883/2004 dispose :
« Aux fins du présent règlement :
[...]
z) le terme “prestations familiales” désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe I. »
4 L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :
[...]
j) les prestations familiales. »
5 Aux termes de l’article 67 de ce règlement, intitulé « Membres de la famille résidant dans un autre État membre » :
« Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d’une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent pour sa pension. »
Le règlement (UE) no 1288/2013
6 Le règlement (UE) no 1288/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant « Erasmus + » : le programme de l’Union pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport et abrogeant les décisions no 1719/2006/CE, no 1720/2006/CE et no 1298/2008/CE (JO 2013, L 347, p. 50), qui était en vigueur à l’époque des faits au principal, comportait un considérant 40 qui était libellé comme suit :
« Afin d’améliorer l’accès au programme, les bourses destinées à faciliter la mobilité des personnes physiques devraient être adaptées en fonction du coût de la vie et des frais de séjour dans le pays d’accueil. Dans le respect du droit national, les États membres devraient également être encouragés à exonérer ces bourses de toute taxe et de tout prélèvement social. La même exonération devrait s’appliquer aux organismes publics ou privés qui accordent ce soutien financier aux personnes
concernées. »
7 L’article 6 de ce règlement, intitulé « Actions du programme », disposait, à son paragraphe 1 :
« Dans le domaine de l’enseignement et de la formation, le programme poursuit ses objectifs à travers les types d’actions suivants :
a) la mobilité des individus à des fins d’éducation et de formation ;
[...] »
8 L’article 18 dudit règlement, intitulé « Budget », prévoyait, à son paragraphe 7 :
« Les fonds pour la mobilité des individus à des fins d’éducation et de formation décrite à l’article 6, paragraphe 1, point a), et à l’article 12, point a), qui sont gérés par une ou des agences nationales (ci-après dénommée “agence nationale”), sont affectés en fonction de la population et du coût de la vie dans l’État membre, de la distance entre les capitales des États membres et des performances. Le paramètre des performances représente 25 % du total des fonds selon les critères visés aux
paragraphes 8 et 9. En ce qui concerne les partenariats stratégiques visés à l’article 8, paragraphe 1, point a), et à l’article 14, paragraphe 1, point a), et qui doivent être choisis et gérés par une agence nationale, les fonds sont alloués sur la base de critères à définir par la Commission [européenne] conformément à la procédure d’examen visée à l’article 36, paragraphe 3. Ces clés de répartition sont, autant que possible, neutres par rapport aux différents systèmes d’éducation et de
formation des États membres, évitent des réductions substantielles du budget annuel alloué aux États membres d’une année à l’autre et réduisent les déséquilibres excessifs concernant le niveau des subventions allouées. »
Le droit national
9 Le Zakon o porezu na dohodak (loi relative à l’impôt sur le revenu), du 3 décembre 2004 (NN 177/04), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « ZPD »), prévoit, à son article 6, que l’assiette de l’impôt sur le revenu est diminuée de la déduction à caractère personnel.
10 Aux termes de l’article 10, points 13, 18 et 20, de la ZPD, sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 13. les bourses destinées aux étudiants pour un enseignement à temps plein dans les établissements supérieurs et les universités, ainsi qu’aux doctorants et post doctorants, pour lesquelles des fonds sont prévus dans le budget de l’État de la République de Croatie et les bourses qui sont versées, à savoir attribuées à partir du budget de l’[Union], qui sont réglementées par des conventions internationales spécifiques et destinées à des étudiants pour un enseignement à temps plein dans les
établissements d’enseignement supérieur,
[...]
18. les bourses destinées aux étudiants sélectionnés dans le cadre de concours publics, auxquels peuvent participer tous les étudiants dans des conditions égales, pour un enseignement à temps plein dans les établissements d’enseignement supérieur, qui sont versées, à savoir attribuées par des fondations, établissements et autres institutions enregistrés en République de Croatie à des fins d’éducation et de formation ou de recherche scientifique, dont l’action est réglementée par des dispositions
spéciales et qui sont établis dans le but d’octroyer des bourses,
[...]
20. les montants versés en tant que subventions à partir de fonds et de programmes de l’Union européenne par l’intermédiaire d’autorités accréditées conformément à la réglementation de l’Union européenne en République de Croatie pour la mise en œuvre d’actions de mobilité dans le cadre des programmes et des fonds de l’Union européenne à des fins d’éducation et de perfectionnement professionnel, conformément au règlement financier de la Commission européenne, dans la limite des montants
prescrits ».
11 L’article 36 de la ZPD dispose :
« (1) Le montant total des revenus perçus par les résidents fait l’objet, conformément à l’article 5 de la présente loi, d’unee déduction de base à caractère personnel à hauteur de 2200 [kunas croates (HRK) (environ 292 euros)] pour chaque mois de l’exercice fiscal pour lequel l’impôt est établi. [...]
(2) Les résidents peuvent majorer la déduction de base visée au paragraphe 1 du présent article des montants suivants :
[...]
2. pour les enfants à charge : 0,5 de la déduction de base à caractère personnel pour le premier enfant, 0,7 pour le deuxième, 1,0 pour le troisième, 1,4 pour le quatrième, 1,9 pour le cinquième et, pour chaque enfant supplémentaire, le facteur de la déduction de base à caractère personnel est augmenté de manière progressive de 0,6, 0,7, 0,8, 0,9, 1,0 ...de plus par rapport au facteur de la déduction de base à caractère personnel pour l’enfant précédent.
[...]
(4) Sont considérés comme membres de la famille proche et enfants à charge les personnes physiques dont les revenus imposables, les revenus exonérés et les autres montants qui, au sens de la présente loi, ne sont pas considérées comme un revenu, n’excèdent pas un montant correspondant au quintuple de la déduction de base à caractère personnel visée au paragraphe 1 du présent article, sur une base annuelle.
(5) Par dérogation au paragraphe 4 du présent article, pour la détermination du droit à déduction à caractère personnel pour les membres de la famille proche et enfants à charge, il n’est pas tenu compte des montants prévus conformément à des dispositions spéciales au titre des aides sociales, des allocations pour enfants, de l’aide pour nouveau-né, à savoir des montants destinés à l’équipement pour un nouveau-né, ainsi que des pensions à caractère familial versées après le décès d’un parent.
[...] »
12 L’article 54 de la ZPD prévoit, pour certains contribuables, dont la requérante au principal, résidant dans des régions assistées et dans la ville de Vukovar (Croatie), une déduction de base à caractère personnel d’un montant plus élevé que celui visé à l’article 36, paragraphe 1, de la ZPD, qui, à l’époque des faits au principal, s’élevait à 3000 HRK, ce qui a pour conséquence, en vertu de l’article 36, paragraphe 2, point 2, de cette loi, une augmentation du montant de la déduction pour enfants
à charge prévue à cette disposition.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 La requérante au principal, une ressortissante croate, est redevable de l’impôt sur le revenu ainsi que d’une surtaxe de l’impôt sur le revenu en tant que revenu fiscal spécial d’une collectivité locale. Compte tenu du lieu de son domicile, elle bénéficie de certains avantages fiscaux prévus par la ZPD.
14 Il ressort de la décision de renvoi que l’un des enfants à charge de la requérante au principal a perçu, au titre de l’année universitaire 2014/2015, une aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + pour son séjour d’études dans une université en Finlande et que, avant son départ pour ce pays à la fin de l’année 2014, lui a été versée une avance sur cette aide d’un montant de 1840 euros.
15 Pour les périodes imposables précédant l’année 2014, la requérante au principal a bénéficié, en vertu de l’article 36, paragraphe 2, point 2, et de l’article 54, paragraphe 1, point 2, de la ZPD, d’une majoration de la déduction de base à caractère personnel pour un enfant à charge.
16 Par un avis d’imposition du 27 juillet 2015, la Porezna uprava Ministarstva financija Republike Hrvatske (administration fiscale du ministère des Finances de la République de Croatie) a informé la requérante au principal qu’elle devait s’acquitter de l’impôt concerné au motif que la majoration de la déduction de base à caractère personnel au titre de son enfant à charge avait été supprimée pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014, dans la mesure où elle avait perçu, au cours de
cette période, des montants supérieurs au seuil visé à l’article 36, paragraphe 4, de la ZPD, lequel a été dépassé en raison de la perception, par cet enfant, de l’aide à la mobilité dans le cadre du programme Erasmus +.
17 La requérante au principal a introduit une réclamation contre cet avis d’imposition auprès du service autonome en charge de la procédure administrative de second niveau, en faisant valoir que c’est à tort qu’elle n’a pu bénéficier, pour l’année 2014, de la majoration de la déduction de base à caractère personnel pour son enfant à charge. Selon elle, l’aide à la mobilité versée aux étudiants à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + devait être qualifiée d’« aide sociale » et,
par conséquent, conformément à l’article 36, paragraphe 5, de la ZPD, elle ne devait pas être prise en compte pour la détermination du droit à la majoration de la déduction de base à caractère personnel pour enfants à charge.
18 Par décision du 17 juillet 2019, le service autonome en charge de la procédure administrative de second niveau a rejeté ladite réclamation comme étant dépourvue de fondement.
19 La requérante au principal a introduit un recours contre cette décision devant l’Upravni sud Osijek (tribunal administratif d’Osijek, Croatie), que celui-ci a, par jugement du 30 janvier 2020, rejeté comme étant non fondé.
20 La requérante au principal a interjeté appel de ce jugement devant le Visoki upravni sud (cour administrative d’appel, Croatie), qui l’a rejeté par arrêt du 20 janvier 2021.
21 La requérante au principal a formé un recours constitutionnel contre cet arrêt devant l’Ustavni sud Republike Hrvatske (Cour constitutionnelle, Croatie), qui est la juridiction de renvoi. À l’appui de ce recours, elle invoque, notamment, un moyen tiré de la violation de l’obligation, prévue dans la Constitution de la République de Croatie, de protéger les droits subjectifs qu’elle tire du droit de l’Union. Plus particulièrement, elle affirme être discriminée, en violation de l’article 18 TFUE, et
désavantagée, en violation de l’article 20, paragraphe 2, sous a), et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, du fait de l’exercice, par son enfant à charge, de son droit de circuler et de séjourner dans un autre État membre que son État membre d’origine à des fins d’éducation.
22 La juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union est applicable à la situation de la requérante au principal et, plus précisément, si la législation fiscale nationale en cause au principal est compatible avec les articles 18, 20, 21 et l’article 165, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’avec l’article 67 du règlement no 883/2004.
23 Elle fait, en outre, observer qu’il ressort du rapport de la Médiatrice de la République de Croatie pour l’année 2017 que celle-ci a reçu, de la part des universités croates, des informations selon lesquelles des étudiants intéressés de faire usage des mesures prévues par le programme Erasmus + y ont renoncé après avoir appris que, selon l’interprétation retenue par le ministère des Finances de la République de Croatie, la perception de l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du
programme Erasmus + avait pour conséquence de priver leurs parents du droit à la majoration de la déduction de base à caractère personnel au titre des enfants à charge, ce qui a conduit à une diminution du nombre de candidatures d’étudiants intéressés par de telles mesures.
24 Dans ces conditions, l’Ustavni sud Republike Hrvatske (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions des articles 18, 20, 21 et de l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre qui prévoit qu’un parent perd son droit à la majoration de la déduction annuelle de base de l’impôt sur le revenu pour enfant à charge lorsqu’une aide à la mobilité des étudiants dont le montant excède le seuil fixe prescrit a été versée à cet enfant, en tant qu’étudiant à charge ayant exercé la
liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre à des fins d’éducation, de sorte qu’il a fait usage, sur le fondement d’actes de mise en œuvre nationaux, de mesures prévues à l’article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1288/2013 aux fins de l’exercice de la mobilité des étudiants issus d’un État membre ayant des coûts médians de la vie plus faibles ou moyens vers un État membre ayant des coûts médians de la vie plus élevés, tels que définis par les critères de la
Commission européenne au sens de l’article 18, paragraphe 7, de ce règlement ?
2) L’article 67 du règlement no 883/2004 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui prévoit qu’un parent perd son droit à la majoration de la déduction annuelle de base de l’impôt sur le revenu pour un étudiant à charge qui, au cours d’un séjour d’études dans un autre État membre, a bénéficié de l’aide à la mobilité des étudiants prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1288/2013 ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
25 Selon le gouvernement croate, les questions préjudicielles sont irrecevables. Il fait valoir, à cet égard, que, si, certes, les étudiants relèvent du droit de l’Union lorsqu’ils exercent leur droit à la libre circulation à des fins d’études dans un autre État membre que leur État membre d’origine dans le cadre de la participation au programme Erasmus +, il ne saurait en être déduit que ce droit s’applique également aux membres de leur famille, notamment à leurs parents. La situation fiscale de la
requérante au principal et, en particulier, le calcul de son impôt sur le revenu ainsi que la détermination de son droit à la déduction de base à caractère personnel seraient régis par le droit national et ne relèveraient pas du droit de l’Union de la manière invoquée par elle. Ce d’autant plus que la situation de la requérante au principal aurait un caractère purement interne eu égard à sa nationalité, au fait qu’elle travaille en Croatie, y perçoit des revenus et n’a pas fait personnellement
usage de la liberté de circulation ni bénéficié de l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus +.
26 À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient à la seule juridiction nationale saisie du litige au principal, qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de ce litige, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. Il s’ensuit que les questions posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption
de pertinence et que le refus de la Cour de statuer sur ces questions n’est possible que s’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions (voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C‑680/21, EU:C:2023:1010,
point 35 et jurisprudence citée).
27 Or, en l’occurrence, la juridiction de renvoi expose avec précision les raisons l’ayant conduite à estimer qu’une interprétation du droit de l’Union est nécessaire pour rendre sa décision et que les réponses aux questions préjudicielles sont susceptibles d’avoir une incidence sur la solution du litige au principal. Elle estime que, compte tenu de l’objet du recours dont elle est saisie et en l’absence de jurisprudence de la Cour sur le caractère discriminatoire ou le caractère disproportionné de
mesures fiscales nationales relatives à la mobilité des étudiants dans le cadre du programme Erasmus +, elle est notamment tenue, pour rendre sa décision, de déterminer si les actes individuels faisant l’objet du recours dont elle est saisie sont contraires aux articles 18, 20, 21 et à l’article 165, paragraphe 2, TFUE.
28 En outre, ne saurait être considérée comme ayant un caractère « purement interne » une situation dans laquelle se pose la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la participation à un programme régi par le droit de l’Union, tel que le programme Erasmus +, a une incidence sur le régime fiscal applicable au parent contribuable en charge de l’enfant ayant participé à ce programme, que cette situation soit du reste régie ou non par ce droit. L’appréciation de la portée et des
modalités de cette éventuelle incidence ne concernent pas la recevabilité des questions posées mais relèvent du fond de l’affaire.
29 Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont recevables.
Sur le fond
30 Dans ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi vise plusieurs dispositions du droit de l’Union dont elle cherche à savoir si elles s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.
31 S’agissant de l’article 67 du règlement no 883/2004, il y a lieu de relever d’emblée que cet article vise à déterminer la législation de l’État membre qui régit le droit aux prestations familiales. Or, ainsi que l’ont fait valoir le gouvernement croate et la Commission, dans la mesure où la déduction fiscale en cause au principal est non pas une prestation en espèces destinée à compenser les charges de famille, mais un avantage fiscal qui réduirait, sous certaines conditions, le montant de
l’impôt sur le revenu, cette déduction ne constitue pas une prestation familiale, au sens de l’article 1er, sous z), du règlement no 883/2004. Il s’ensuit que l’article 67 de ce règlement n’est pas applicable dans le cadre du litige au principal.
32 En ce qui concerne l’article 18 TFUE et, plus particulièrement, l’interdiction des discriminations en raison de la nationalité qui y est visée, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi considère, compte tenu, notamment, des objectifs du règlement no 1288/2013, que la situation de la requérante au principal n’est comparable ni, de manière générale, à celle des assujettis à l’impôt sur le revenu dont les enfants n’ont pas exercé leur droit à la libre circulation ni, en
particulier, à celle de tels assujettis dont les enfants ont obtenu une aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + pour un séjour d’études universitaires dans des États membres ayant des coûts de vie similaires ou plus faibles. En revanche, eu égard à la circonstance que l’enfant de la requérante au principal s’est rendu, aux fins de ses études universitaires, dans un État membre ayant des coûts de vie plus élevés par rapport à ceux de la Croatie, cette
juridiction se demande si la non-application de l’exception prévue à l’article 36, paragraphe 5, de la ZPD à l’égard de la requérante au principal doit être considérée comme étant une restriction non justifiée à la libre circulation des étudiants au titre des articles 20 et 21 TFUE.
33 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par ses questions, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20 et 21 TFUE, lus à la lumière de l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre qui, pour déterminer le montant de la déduction de base à caractère personnel à laquelle un parent contribuable a droit au titre de son enfant à
charge, prend en compte l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dont cet enfant a bénéficié dans le cadre du programme Erasmus +, ayant pour conséquence, le cas échéant, la perte du droit à la majoration de cette déduction dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu.
34 À titre liminaire, il importe de rappeler que, si, selon une jurisprudence constante, la fiscalité directe relève de la compétence des États membres et si ce droit ne s’oppose pas, par principe, à ce que les États membres imposent des revenus financés par des fonds de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, EU:C:1995:31, point 21 ; du 7 septembre 2023, Finanzamt G (Projets d’aide au développement), C‑15/22, EU:C:2023:636, point 64, et du 23 novembre 2023,
Ministarstvo financijaC‑682/22, EU:C:2023:920, point 33], une telle imposition doit se faire dans le respect du droit de l’Union, en particulier des dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, EU:C:2005:446, point 19).
35 Ces considérations s’appliquent également dans le cas où, comme en l’occurrence, il s’agit non pas, à proprement parler, de l’imposition des revenus financés par des fonds de l’Union, mais de leur prise en compte dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu d’un contribuable en charge d’un enfant ayant bénéficié de tels revenus.
36 À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que l’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union, lequel a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres [arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31, et du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 29].
37 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, un ressortissant d’un État membre qui a, en sa qualité de citoyen de l’Union, exercé sa liberté de circuler et de séjourner dans un État membre autre que son État membre d’origine peut se prévaloir des droits afférents à cette qualité, notamment de ceux prévus à l’article 21, paragraphe 1, TFUE, y compris, le cas échéant, à l’égard de son État membre d’origine (arrêt du 22 février 2024, Direcţia pentru Evidenţa Persoanelor şi Administrarea
Bazelor de Date, C‑491/21, EU:C:2024:143, point 26 et jurisprudence citée).
38 Deuxièmement, il convient de relever qu’une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union [arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C‑406/04, EU:C:2006:491, point 39, et du 25 juillet 2018, A (Aide pour une personne handicapée), C‑679/16, EU:C:2018:601, point 60].
39 En effet, les facilités offertes par le traité FUE en matière de circulation des citoyens de l’Union ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage, à cause des obstacles dus à son séjour dans un autre État membre, en raison d’une réglementation de son État d’origine le pénalisant du seul fait qu’il a fait usage de ces facilités [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Pusa, C‑224/02, EU:C:2004:273, point 19, et du
25 juillet 2018, A (Aide pour une personne handicapée), C‑679/16, EU:C:2018:601, point 61].
40 Cette considération est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation, compte tenu des objectifs poursuivis par l’article 6, sous e), TFUE et l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, à savoir, notamment, favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants (arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop, C‑224/98, EU:C:2002:432, point 32, et du 24 octobre 2013, Thiele Meneses, C‑220/12, EU:C:2013:683, point 24).
41 Par ailleurs, le programme Erasmus +, à l’instar d’autres programmes d’action de l’Union dans le domaine de l’éducation, est fondé sur les articles 165 et 166 TFUE et vise, notamment, à promouvoir la mobilité des étudiants au sein de l’Union et à leur permettre d’entamer ou de poursuivre leurs études dans différents États membres, indépendamment de leur lieu d’origine, renforçant ainsi la dimension européenne de l’éducation et de la formation. Or, la mise en œuvre de cet objectif est susceptible
de se heurter, eu égard aux moyens économiques dont disposent les étudiants et leurs parents, aux coûts supplémentaires qu’engendre cette mobilité. Le soutien financier apporté à travers, notamment, des bourses destinées à faciliter la mobilité des bénéficiaires de ce programme témoigne de la volonté de l’Union de contribuer à surmonter de manière concrète et efficace ces obstacles.
42 Dans ce contexte, il convient de faire observer que, au considérant 40 du règlement no 1288/2013, le législateur de l’Union invitait les États membres, dans le respect de leur droit national, à exonérer les bourses destinées à faciliter la mobilité des personnes physiques visées par ce règlement de toute taxe et de tout prélèvement social, sans toutefois imposer d’obligation particulière aux États membres en ce qui concerne, notamment, le calcul de l’impôt sur le revenu des parents contribuables,
la fiscalité directe relevant en principe de la compétence des États membres, ainsi qu’il est rappelé au point 34 du présent arrêt.
43 Certes, le droit de l’Union ne garantit pas à un citoyen de l’Union que l’exercice de sa liberté de circulation soit neutre en matière d’imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en la matière, un tel exercice peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux, voire désavantageux. Ce même principe s’applique a fortiori à une situation dans laquelle la personne concernée n’a pas exercé elle‑même son droit de circulation, mais prétend être victime d’un traitement
désavantageux à la suite de l’exercice de la liberté de circulation d’un membre de sa famille (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, EU:C:2005:446, points 45 et 46).
44 Cependant, dès lors qu’un État membre participe au programme Erasmus +, il doit veiller à ce que les modalités d’allocation et de taxation des bourses destinées à faciliter la mobilité des bénéficiaires de ce programme ne créent pas une restriction injustifiée au droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (voir, par analogie, arrêts du 23 octobre 2007, Morgan et Bucher, C‑11/06 et C‑12/06, EU:C:2007:626, point 28, et du 26 février 2015, Martens, C‑359/13, EU:C:2015:118,
point 24).
45 En l’occurrence, il est constant que, d’une part, l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + ne faisait pas, en tant que telle, l’objet d’une taxation en Croatie à l’époque des faits au principal, mais a été prise en compte aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de la requérante au principal. D’autre part, celle-ci a été désavantagée dans la mesure où elle s’est vu appliquer les dispositions nationales en cause au principal du fait de la perception d’une
telle aide par son enfant à sa charge.
46 De telles dispositions sont ainsi de nature à dissuader des ressortissants de l’Union d’exercer leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre que leur État membre d’origine, compte tenu de l’incidence que l’exercice de cette liberté est susceptible d’avoir sur le calcul de l’impôt sur le revenu des parents contribuables, et sont susceptibles de nuire à la mobilité des étudiants au sein de l’Union dans le cadre du programme Erasmus +.
47 Partant, la prise en compte de l’aide à la mobilité dont un enfant à charge a bénéficié au titre du programme Erasmus+ aux fins de déterminer le montant de la déduction de base à laquelle un parent contribuable a droit pour cet enfant, avec pour conséquence la perte du droit à la majoration de cette déduction dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu, est susceptible de constituer une restriction au droit de libre circulation et de séjour dont jouissent les citoyens de l’Union en vertu de
l’article 21 TFUE.
48 L’existence d’une telle restriction ne saurait être remise en cause par la circonstance, d’une part, que l’enfant à charge, qui a exercé sa liberté de circulation, n’était pas lui-même le contribuable ayant été privé, dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu, de son droit à la majoration de la déduction de base à caractère personnel au titre des enfants à charge et, d’autre part, que le parent contribuable ainsi désavantagé n’a pas exercé sa liberté de circulation.
49 En effet, des conséquences fiscales défavorables pour un parent contribuable ayant un enfant à sa charge qui a exercé sa liberté de circulation constituent une restriction à la libre circulation au sens de l’article 21 TFUE, dès lors qu’elles résultent de l’exercice de cette liberté par cet enfant. La circonstance que ces conséquences défavorables se sont ainsi réalisées non pas dans le chef de l’enfant ayant exercé son droit à la libre circulation, mais dans le chef de ce parent, que celui-ci
ait ou non exercé ce même droit, est ainsi sans pertinence pour constater l’existence d’une restriction à la libre circulation au titre de l’article 21 TFUE.
50 Dans de telles circonstances, peuvent se prévaloir des effets de cette restriction non seulement le citoyen de l’Union ayant exercé sa liberté de circulation, mais également le citoyen de l’Union, qui a, à l’instar de la requérante au principal, à sa charge ce premier citoyen et qui est, de ce fait, directement désavantagé par les effets de cette restriction.
51 À cet égard, la Cour a déjà reconnu, dans certaines circonstances, la possibilité de se prévaloir de l’article 21 TFUE et des dispositions prises pour son application aux citoyens de l’Union n’ayant pas exercé eux-mêmes leur liberté de circuler et de séjourner dans un État membre autre que leur État membre d’origine (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, EU:C:2005:446, point 25, ainsi que du arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, points 42
et 43).
52 En définitive, eu égard aux liens économiques unissant l’enfant à son parent, résultant en l’occurrence non seulement de la circonstance que l’enfant dépend de son parent pour subvenir à ses frais de subsistance et de formation professionnelle mais également du choix du législateur national de tenir compte des revenus de l’enfant en charge dans le cadre de la détermination de la situation fiscale du parent contribuable, il y a lieu de considérer que tant l’enfant en charge que son parent
contribuable peuvent, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, se prévaloir de l’article 21 TFUE et des dispositions prises pour son application.
53 Troisièmement, il convient de rappeler qu’une restriction au droit de libre circulation et de séjour, telle que celle relevée au point 47 du présent arrêt, ne peut être justifiée au regard du droit de l’Union que si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général, indépendantes de la nationalité des personnes concernées, et si elle est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêt du 22 février 2024, Direcţia pentru Evidenţa Persoanelor şi
Administrarea Bazelor de Date, C‑491/21, EU:C:2024:143, point 52 et jurisprudence citée).
54 S’agissant à cet égard, en premier lieu, des considérations objectives d’intérêt général susceptibles de justifier la réglementation en cause au principal, il ressort de la demande de décision préjudicielle que les dispositions en cause au principal poursuivent, conformément aux principes d’égalité et de justice du système fiscal et de bonne gestion des ressources publiques limitées, un objectif visant à corriger, au regard des revenus médians et des dépenses moyennes, les inégalités sociales et
matérielles entre les contribuables ayant des enfants à charge et ceux qui ne supportent pas de dépenses liées à l’entretien des enfants.
55 Ainsi, selon la juridiction de renvoi, ces dispositions accordent un droit à majoration de la déduction de base à caractère personnel au titre des enfants à charge non pas aux contribuables dont les enfants à charge bénéficient, au cours d’une année fiscale, d’un revenu non imposable d’un certain montant qui, selon l’appréciation du législateur national, permet à l’enfant de contribuer à son entretien au titre de ses propres revenus et à réduire les dépenses de ses parents dans le cadre de leur
obligation d’entretien, mais seulement aux contribuables dont les enfants ne bénéficient pas d’un revenu non imposable – ou bénéficient seulement d’un revenu au montant minime – et dont l’entretien ne peut, par conséquent, être assuré que par les revenus des parents.
56 Il apparaît donc que les dispositions nationales en cause au principal visent à prendre en compte la capacité contributive réelle des parents contribuables à l’impôt sur le revenu, afin d’éviter que cette capacité soit sous‑évaluée, ce qui doit être considéré comme constituant un objectif d’intérêt général [voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2021, Finanzamt V (Successions – Abattement partiel et déduction des parts réservataires), C‑394/20, EU:C:2021:1044, point 52].
57 En ce qui concerne, en second lieu, le respect du principe de proportionnalité, une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité, telle que le droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l’Union, ne peut être valablement justifiée que si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime qu’elle poursuit et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier
2024, JD (Condition de résidence), C‑562/22, EU:C:2024:55, point 37 et jurisprudence citée].
58 Il importe également de rappeler qu’une réglementation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, JD (Condition de résidence), C‑562/22, EU:C:2024:55, point 38 et jurisprudence citée].
59 À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément au considérant 40 du règlement no 1288/2013, les bourses destinées à faciliter la mobilité des personnes physiques visées par ce règlement devaient être adaptées en fonction du coût de la vie et des frais de séjour dans le pays d’accueil. Dans le même sens, l’article 18 de ce règlement prévoyait, à son paragraphe 7, que les fonds pour la mobilité des individus à des fins d’éducation et de formation décrite à l’article 6, paragraphe 1, sous a),
et à l’article 12, sous a), dudit règlement sont affectés en fonction de la population et du coût de la vie dans l’État membre, de la distance entre les capitales des États membres et des performances.
60 Par conséquent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 49 à 52 et 77 de ses conclusions, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où le programme Erasmus + a pour objectif de favoriser la mobilité des étudiants à des fins d’éducation, notamment dans le cadre de l’enseignement universitaire, et compte tenu du niveau des montants des aides à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre de ce programme et du coût réel de la vie dans l’État membre d’accueil, ces aides sont
censées contribuer à couvrir les coûts supplémentaires qui seraient inexistants en l’absence de cette mobilité.
61 En conséquence, la perception de telles aides ne conduit pas à réduire les dépenses des parents contribuables dans le cadre de leur obligation d’entretien des enfants à charge et n’augmente pas davantage la capacité contributive de ces parents sur le plan fiscal.
62 Le traitement fiscal des aides à la mobilité à des fins d’éducation dans le cadre du programme Erasmus + en cause au principal n’est donc pas apte à prendre en compte d’une manière cohérente et systématique la capacité contributive réelle des parents contribuables à l’impôt sur le revenu ayant à leur charge un enfant participant à ce programme. Dans la mesure où ce traitement est susceptible de conduire à des charges fiscales plus lourdes pour ces parents contribuables, sans que les ressources à
disposition de ceux-ci aient été augmentées pour y faire face, la réglementation nationale en cause au principal est même susceptible de produire des effets inverses.
63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que les articles 20 et 21 TFUE, lus à la lumière de l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre qui, pour déterminer le montant de la déduction de base à caractère personnel à laquelle un parent contribuable a droit au titre de son enfant à charge, prend en compte l’aide à la mobilité à des fins
d’éducation dont cet enfant a bénéficié dans le cadre du programme Erasmus +, ayant pour conséquence, le cas échéant, la perte du droit à la majoration de cette déduction dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
Les articles 20 et 21 TFUE, lus à la lumière de l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre qui, pour déterminer le montant de la déduction de base à caractère personnel à laquelle un parent contribuable a droit au titre de son enfant à charge, prend en compte l’aide à la mobilité à des fins d’éducation dont cet enfant a bénéficié dans le cadre du programme Erasmus +, ayant pour conséquence, le cas
échéant, la perte du droit à la majoration de cette déduction dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le croate.