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16/01/2025 | CJUE | N°C-400/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Sofiyska gradska prokuratura contre VB., 16/01/2025, C-400/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 janvier 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Droit d’assister à son procès – Article 8, paragraphe 2 – Procès conduisant à une décision de condamnation ou de relaxe par défaut – Conditions – Article 8, paragraphe 4 – Obligation d’informer la personne jugée par défaut des voies de droit disponibles – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fo

nd de l’affaire et pouvant aboutir à une
infirmation de la décision initiale – Article 10, paragraphe 1 – Droit à un r...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 janvier 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Droit d’assister à son procès – Article 8, paragraphe 2 – Procès conduisant à une décision de condamnation ou de relaxe par défaut – Conditions – Article 8, paragraphe 4 – Obligation d’informer la personne jugée par défaut des voies de droit disponibles – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire et pouvant aboutir à une
infirmation de la décision initiale – Article 10, paragraphe 1 – Droit à un recours effectif – Réglementation nationale subordonnant la reconnaissance du droit à un nouveau procès à l’introduction d’une demande de réouverture de la procédure pénale auprès d’une autorité judiciaire devant laquelle la personne jugée par défaut doit comparaître »

Dans l’affaire C‑400/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 29 juin 2023, parvenue à la Cour le 29 juin 2023, dans les procédures pénales contre

VB,

en présence de :

Sofiyska gradska prokuratura,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour la Commission européenne, par MM. M. Wasmeier et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juillet 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, de l’article 9 et de l’article 10, paragraphe 1, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de procédures pénales engagées contre VB au sujet de faits susceptibles de constituer des délits passibles de peines privatives de liberté.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2016/343

3 Les considérants 9, 10, 12, 33, 39, 44, 47 et 48 de la directive 2016/343 énoncent :

« (9) La présente directive a pour objet de renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, en définissant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès.

(10) En établissant des règles minimales communes relatives à la protection des droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies, la présente directive vise à renforcer la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres [...]

[...]

(12) La présente directive devrait s’appliquer aux personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle devrait s’appliquer à partir du moment où une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, et, dès lors, avant même que cette personne ne soit informée par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen,
qu’elle est un suspect ou une personne poursuivie. La présente directive devrait s’appliquer à tous les stades de la procédure pénale jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale soit devenue définitive. Les actions en justice et les voies de recours qui ne sont possibles que lorsque cette décision est devenue définitive, y compris les actions devant la Cour européenne des droits de l’homme, ne devraient pas relever
du champ d’application de la présente directive.

[...]

(33) Le droit à un procès équitable constitue l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique. Sur celui-ci repose le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’assister à leur procès, qui devrait être garanti dans l’ensemble de l’Union [européenne].

[...]

(39) Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais que les conditions pour rendre une décision en l’absence d’un suspect ou d’une personne poursuivie déterminé ne sont pas réunies, parce que le suspect ou la personne poursuivie n’a pu être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, par exemple parce que la personne a pris la fuite ou s’est évadée, il devrait néanmoins être possible de
rendre une décision en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, et que cette décision soit exécutoire. Dans de tels cas, les États membres devraient veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et du droit à un nouveau procès, ou à une autre voie de droit. Ces informations devraient être données par écrit. Elles
peuvent aussi être données oralement, à condition que le fait que ces informations ont été données soit consignée selon la procédure d’enregistrement prévue en droit national.

[...]

(44) Le principe de l’effectivité du droit de l’Union impose aux États membres de mettre en place des voies de recours adéquates et effectives en cas de violation d’un droit conféré aux personnes par le droit de l’Union. Une voie de recours effective ouverte en cas de violation de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente directive devrait, dans la mesure du possible, avoir pour effet de placer le suspect ou la personne poursuivie dans la situation qui aurait été la sienne si la
violation n’avait pas eu lieu, afin de préserver le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

[...]

(47) La présente directive respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus par la charte [des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la “Charte”)] et la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la “CEDH”)], y compris [...] le droit à un recours effectif et le droit à un procès équitable [...] Il convient de tenir compte, en particulier, de l’article 6 [TUE], qui dispose que l’Union
reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la [Charte] et que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux.

(48) La présente directive établissant des règles minimales, les États membres devraient pouvoir étendre les droits définis dans celle-ci afin d’offrir un niveau plus élevé de protection. Le niveau de protection offert par les États membres ne devrait jamais être inférieur aux normes prévues par la [Charte] et la CEDH, telles qu’elles sont interprétées par la Cour [...] et par la Cour européenne des droits de l’homme. »

4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive établit des règles minimales communes concernant :

a) certains aspects de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales ;

b) le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. »

5 Aux termes de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application » :

« La présente directive s’applique aux personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle s’applique à tous les stades de la procédure pénale, à partir du moment où une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si cette personne a commis l’infraction pénale concernée soit devenue définitive. »

6 L’article 8 de la même directive, intitulé « Droit d’assister à son procès », prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit d’assister à leur procès.

2.   Les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que :

a) le suspect ou la personne poursuivie ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution ; ou

b) le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l’État.

3.   Une décision prise conformément au paragraphe 2 peut être exécutée à l’encontre du suspect ou de la personne poursuivie concerné.

4.   Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu’il n’est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu’une décision peut néanmoins être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce
que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9.

[...] »

7 L’article 9 de la directive 2016/343, intitulé « Droit à un nouveau procès », est libellé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, n’étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits
suspects et personnes poursuivies aient le droit d’être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d’exercer les droits de la défense. »

8 L’article 10 de cette directive, intitulé « Voies de recours », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies disposent d’une voie de recours effective en cas de violation des droits prévus au titre de la présente directive. »

La décision-cadre 2002/584

9 L’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »), prévoit :

« 1.   L’autorité judiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État membre d’émission :

[...]

d) n’a pas reçu personnellement la signification de la décision, mais :

i) la recevra personnellement sans délai après la remise et sera expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale ;

et

ii) sera informé du délai dans lequel il doit demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel, comme le mentionne le mandat d’arrêt européen concerné.

[...]

3.   Si la personne est remise conformément aux dispositions du paragraphe 1, point d), et si elle a demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel, son maintien en détention jusqu’au terme de ladite procédure de jugement ou d’appel est examiné, conformément au droit de l’État membre d’émission, soit régulièrement, soit à sa demande. Cet examen porte notamment sur la possibilité de suspendre ou d’interrompre la détention. La nouvelle procédure de jugement ou d’appel commence
en temps utile après la remise. »

Le droit bulgare

10 L’article 15, paragraphes 2 et 3, du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale) (DV no 86, du 28 octobre 2005), dans sa version applicable aux procédures au principal (ci-après le « NPK »), prévoit :

« (2)   Les accusés et les autres personnes qui participent à la procédure pénale disposent de tous les moyens procéduraux nécessaires à la défense de leurs droits et intérêts légitimes.

(3)   Le juge, le procureur et les organes d’enquête font connaître aux personnes visées au paragraphe 2 leurs droits procéduraux et leur assurent la possibilité de les exercer. »

11 L’article 423, paragraphes 1 à 4, du NPK dispose :

« (1)   Dans un délai de six mois à compter de la prise de connaissance de la condamnation pénale définitive [...], la personne condamnée par défaut peut demander la réouverture de [la procédure] pénale en invoquant son absence lors de [cette procédure]. Il est fait droit à cette demande, à moins que la personne condamnée, après communication des chefs d’accusation pendant l’instruction, n’ait pris la fuite, de sorte que la procédure prévue à l’article 247 c, paragraphe 1, n’a pas pu être
exécutée, ou bien, après que cette dernière procédure a été exécutée, qu’elle n’ait pas comparu à l’audience sans motif valable.

(2)   Ladite demande ne suspend pas l’exécution de la condamnation pénale, sauf si la juridiction en dispose autrement.

(3)   La procédure de réouverture d’une [procédure] pénale est clôturée en cas d’absence de comparution de la personne condamnée par défaut sans motif valable.

(4)   Lorsqu’une personne condamnée par défaut a été placée en détention en exécution d’une condamnation définitive et que la juridiction rouvre la procédure pénale, elle statue également sur la mesure de détention dans sa décision. »

12 L’article 424, paragraphes 1 et 2, du NPK prévoit :

« (1)   La demande de réouverture d’une [procédure] pénale conformément à l’article 422, paragraphe 1, point 5, est examiné par l’Apelativen sad (Cour d’appel, Bulgarie) compétent, lorsque l’acte visé à l’article 419 a été rendu par un Rayonen sad (tribunal d’arrondissement, Bulgarie) ou par un Okrazhen sad (tribunal régional, Bulgarie) en tant qu’instance d’appel, à l’exception des nouveaux jugements.

(2)   En dehors des cas visés au paragraphe 1, la demande de réouverture d’une [procédure] pénale est examinée par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie). »

13 L’article 425, paragraphe 2, du NPK dispose :

« Dans les cas de figure visés à l’article 423, paragraphe 1, la procédure est rouverte et le traitement de l’affaire est ramené au stade où la procédure par défaut a été engagée. »

Les procédures au principal et les questions préjudicielles

14 Des poursuites pénales ont été engagées en Bulgarie contre VB. Il est reproché à ce dernier, d’une part, d’avoir participé à une organisation criminelle ayant pour objet la culture et la distribution de stupéfiants ainsi que la détention d’armes et, d’autre part, d’avoir lui-même détenu des stupéfiants et des armes. Ces faits constituent des délits passibles de peines privatives de liberté.

15 VB n’a reçu aucune notification formelle des charges qui pèsent contre lui. En outre, il n’a été informé ni de son renvoi devant une juridiction ni, à plus forte raison, de la date et du lieu de l’audience ou des conséquences d’un défaut de comparution. En effet, les autorités nationales compétentes n’ont pas réussi à localiser VB, celui-ci ayant pris la fuite pendant la phase d’instruction, avant l’opération de police visant à arrêter les suspects. VB a été déclaré recherché, notamment par un
mandat d’arrêt européen, mais n’a pas été retrouvé.

16 Au cours de l’année 2022, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), initialement saisi des procédures pénales ouvertes contre VB, a introduit des demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 9 de la directive 2016/343. Ces demandes portaient notamment sur la question de savoir si cette directive exige qu’un juge prononçant une condamnation par défaut, alors même que les conditions prévues à
l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 ne sont pas réunies, doit indiquer expressément, dans la décision de condamnation, l’existence du droit à un nouveau procès.

17 Par l’arrêt du 8 juin 2023, VB (Information du condamné par défaut) (C‑430/22 et C‑468/22, ci-après l’ arrêt VB , EU:C:2023:458), la Cour a répondu par la négative à cette question.

18 Selon le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), qui a repris, depuis la suppression du Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé), les procédures pénales au principal, et qui est la juridiction de renvoi, l’arrêt VB pourrait être compris en ce sens que la législation bulgare est conforme à la directive 2016/343 et qu’aucun effort du juge condamnant une personne par défaut alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive
ne sont pas réunies n’est nécessaire pour veiller à ce que les informations visées à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de ladite directive soient communiquées à cette personne.

19 Une telle lecture de l’arrêt VB ne s’imposerait cependant pas de manière évidente. Il serait nécessaire d’obtenir des précisions supplémentaires sur la portée de la directive 2016/343, afin que soit clarifié, notamment, le point de savoir à quel moment les informations visées à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de cette directive doivent être communiquées à la personne condamnée par défaut.

20 La juridiction de renvoi expose qu’elle a besoin de ces précisions pour apprécier si elle peut continuer à mener par défaut les procédures pénales au principal. Dès lors qu’il existe une certaine probabilité que VB soit condamné, il serait indispensable de s’assurer que les informations que VB recevra, par la suite, sur la décision de condamnation et sur ses droits procéduraux seront suffisantes au regard des règles minimales communes établies par la directive 2016/343.

21 Cette juridiction souhaite, en particulier, s’assurer que VB sera, au moment de son éventuelle arrestation, informé non seulement du fait qu’il a été condamné, mais également des droits procéduraux prévus à l’article 9 de la directive 2016/343, auquel l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de celle-ci fait référence.

22 Ces dispositions de la directive 2016/343 étant, conformément au point 28 de l’arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite) (C‑569/20, EU:C:2022:401), d’effet direct et les juridictions bulgares étant tenues, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, du NPK, d’informer les personnes poursuivies de leurs droits procéduraux, ladite juridiction souhaite savoir quelles mesures elle pourrait ou devrait prendre pour garantir que cette directive soit respectée à la suite
de la condamnation qu’elle prononcerait par défaut.

23 À ce sujet, la juridiction de renvoi estime, tout d’abord, que la personne condamnée par défaut doit avoir une connaissance complète des motifs pour lesquels elle a été condamnée. Il conviendrait que la Cour clarifie si cela signifie, notamment, qu’une copie de l’intégralité de la décision prononcée par défaut doit être remise à l’intéressé dès le moment où celui-ci est arrêté.

24 S’agissant, ensuite, des droits procéduraux de la personne condamnée par défaut, la juridiction de renvoi souhaite obtenir une interprétation de certaines expressions figurant à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et à l’article 9 de la directive 2016/343, en particulier des expressions « possibilité de contester cette décision », « droit à un nouveau procès » et « autre voie de droit ».

25 À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que, en Bulgarie, le délai prévu pour interjeter appel d’une décision de condamnation par défaut est de quinze jours et court sans interruption à compter de la date du prononcé de cette décision de condamnation, même si l’intéressé demeure introuvable. Partant, l’article 423 du NPK, relatif à une éventuelle réouverture de la procédure pénale, énoncerait la seule voie de droit disponible contre une décision de condamnation par défaut une fois que
celle-ci acquiert, au seizième jour suivant le prononcé de celle-ci, force de chose jugée.

26 Or, le droit bulgare ne prévoirait pas que la personne condamnée par défaut doive être informée de cette possibilité de demander la réouverture de la procédure pénale.

27 La demande de réouverture de la procédure pénale ne pourrait, par ailleurs, être introduite qu’après que la décision par défaut a acquis force de chose jugée et seul le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), dont la décision n’est pas susceptible de faire l’objet d’un appel, serait compétent pour examiner cette demande. La juridiction de renvoi nourrit des doutes sur le point de savoir si un tel régime procédural garantit l’effectivité du « droit à un nouveau procès ou à une autre
voie de droit », au sens de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et de l’article 9 de la directive 2016/343.

28 L’effectivité de ce droit apparaîtrait, en outre, altérée par l’obligation, sous peine de classement sans suite de la demande de réouverture de la procédure pénale, de comparaître devant le juge qui examinera cette demande. La juridiction de renvoi observe qu’une telle exigence ne figure pas parmi les normes minimales communes fixées par le législateur de l’Union et pourrait, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6 de la CEDH, être
incompatible avec le droit fondamental à un recours effectif tel qu’énoncé à l’article 47 de la Charte et à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2016/343.

29 Les éléments susmentionnés auraient pour conséquence que, en Bulgarie, le « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire », au sens de la directive 2016/343, n’est ni communiqué ni même reconnu au moment où la personne condamnée par défaut est informée de sa condamnation. En revanche, cette personne peut faire valoir ce droit dans le cadre d’une procédure devant le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation). Il
conviendrait de déterminer si un tel régime est conforme au droit de l’Union.

30 La juridiction de renvoi craint, par ailleurs, que, en soumettant le droit à un nouveau procès à l’engagement d’une procédure qui est postérieure au moment auquel la décision par défaut acquiert force de chose jugée, le législateur bulgare ait créé une situation dans laquelle le droit à un nouveau procès échappe au champ d’application de la directive 2016/343, tel que défini à l’article 2 de cette directive, lu à la lumière du considérant 12 de celle-ci.

31 Au surplus, les modalités du régime procédural bulgare concerné risquent, selon cette juridiction, de rendre impossible ou excessivement difficile la remise de VB si ce dernier devait être retrouvé et arrêté dans un autre État membre. Il découlerait de l’article 4 bis, paragraphe 1, sous d), de la décision-cadre 2002/584 que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen si ce mandat indique que l’intéressé recevra sans délai, après sa remise, la
signification de la décision rendue par défaut ainsi que l’information de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel. Or, cette information ne serait pas prévue dans le droit bulgare.

32 Ladite juridiction se demande également selon quelles modalités procédurales elle pourrait elle-même déterminer si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 ont été respectées. Elle souhaite, en particulier, savoir s’il lui appartient, avant de se prononcer sur cet aspect dans la décision qu’elle rendra par défaut, d’entendre l’avocat qui défend la personne absente.

33 Enfin, dès lors qu’il ne saurait, à ce stade, être exclu que VB soit relaxé, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les règles énoncées dans la directive 2016/343 sont pertinentes dans un tel cas de figure. Le libellé de cette directive ne serait pas clair à cet égard, puisqu’il fait référence à une « décision » rendue par défaut et non spécifiquement à une décision de condamnation par défaut. Certains passages de l’article 8 de ladite directive, tels que les termes « décision statuant sur
la culpabilité ou l’innocence », suggèreraient que toute décision est visée, tandis que d’autres, comme les termes « en particulier au moment de leur arrestation », donneraient à croire que seules les décisions de condamnation par défaut sont concernées.

34 Dans ces conditions, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) a) L’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343] doit-il être interprété en ce sens que, si une personne est condamnée par défaut, sans que les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive soient réunies, et qu’une peine privative de liberté lui est infligée, elle doit être informée de la décision par laquelle elle a été condamnée lors de son arrestation en vue de l’exécution de cette peine ?

b) Quel est le contenu de l’exigence prévue à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343] [formulée par les termes] “sont informés de la décision” et [cette exigence] implique-t-elle la remise d’une copie de cette décision ?

c) En cas de réponse négative [à la première question, sous a) et b)], l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343] s’oppose-t-il à la décision de la juridiction nationale de veiller à la remise d’une copie de cette décision ?

2) a) Une réglementation nationale qui, en cas d’examen d’une accusation pénale et de prononcé d’une décision de condamnation en l’absence de la personne condamnée, sans que les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive [2016/343] soient réunies, ne prévoit aucune modalité ni condition d’information de la personne condamnée par défaut sur son droit à un nouveau procès en sa présence, et, plus précisément, ne prévoit pas qu’une telle information soit fournie lors de
l’arrestation de la personne condamnée par défaut, est-elle compatible avec l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de cette directive ?

b) Importe-t-il que la réglementation nationale (article 423 du NPK) prévoie qu’il soit fourni à la personne condamnée par défaut des informations sur son droit à un nouveau procès, mais seulement après que cette personne a demandé l’annulation de sa décision de condamnation et la tenue d’un nouveau procès en sa présence, en mettant ces informations à la disposition de celle-ci sous la forme d’une décision judiciaire, en réponse à cette demande ?

c) En cas de réponse négative, les exigences énoncées à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et à l’article 10, paragraphe 1, de la directive [2016/343] sont-elles respectées si la juridiction qui examine une accusation en matière pénale et rend une décision de condamnation à l’encontre d’une personne poursuivie absente, sans que les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive soient réunies, indique dans son jugement le droit de cette personne à un nouveau procès
ou à une autre voie de recours et l’obligation des personnes procédant à l’arrestation de la personne condamnée à remettre à cette dernière une copie de cette décision ?

d) En cas de réponse affirmative, l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343] s’oppose-t-il à la décision d’une juridiction, qui rend une décision de condamnation à l’encontre d’une personne poursuivie absente, sans que les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive soient réunies, d’indiquer dans sa décision de condamnation le droit de cette personne à un nouveau procès ou à une autre voie de recours en vertu de l’article 9 de ladite directive
et l’obligation des personnes qui procèderont à l’arrestation de la personne condamnée de remettre à cette dernière une copie de cette décision de condamnation ?

3) Quels sont le premier et le dernier moment possibles auxquels la juridiction doit déterminer si la procédure pénale est menée en l’absence de la personne poursuivie sans que les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive [2016/343] soient réunies et prendre des mesures afin de veiller à ce que cette personne soit informée de ses droits conformément à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de cette directive ?

4) En rendant la décision mentionnée dans la [troisième question], convient‑il de prendre en considération l’avis de l’accusation et du défenseur de la personne poursuivie absente ?

5) a) Convient-il d’entendre par l’expression “possibilité de contester cette décision”, au sens de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343], un droit de recours devant une instance supérieure ou une contestation d’une décision ayant acquis force de chose jugée ?

b) Quel devrait être le contenu des informations à fournir, conformément à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive [2016/343], à une personne condamnée par défaut, alors que les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 2, ne sont pas réunies, sur “son droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9”, sur le droit d’obtenir une telle voie de recours si elle conteste sa condamnation par défaut ou sur le droit d’en faire la demande,
demande dont le bien-fondé sera évalué à un moment ultérieur ?

6) Que convient-il d’entendre par l’expression “autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale” employée à l’article 9, première phrase, de la directive [2016/343] ?

7) Une réglementation nationale (article 423, paragraphe 3, du NPK) qui requiert la comparution personnelle de la personne condamnée par défaut en tant que condition préalable obligatoire à l’examen et à l’acceptation de sa demande d’un nouveau procès est-elle conforme à l’article 8, paragraphe 4, et à l’article 9 de la directive [2016/343] ?

8) L’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et l’article 9 de la directive [2016/343] s’appliquent-ils aux personnes relaxées ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question, sous a) et b), la deuxième question, sous a) et b), ainsi que les troisième et cinquième à septième questions

35 Par la première question, sous a) et b), la deuxième question, sous a) et b), ainsi que les troisième et cinquième à septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 9 de cette directive, doit être interprété en ce sens que :

– une personne condamnée par défaut à une peine privative de liberté alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive n’étaient pas réunies doit, au moment de son arrestation en vue de l’exécution de cette peine, être informée, d’une part, de la décision rendue par défaut en recevant, notamment, copie de l’intégralité de celle-ci et, d’autre part, des voies de droit disponibles, et

– la même directive s’oppose à ce que, après l’expiration du délai prévu pour interjeter appel de la décision rendue par défaut, la seule voie de droit disponible pour l’intéressé consiste à introduire, auprès d’une juridiction différente de celle ayant rendu cette décision et à condition de comparaître devant celle-ci, une demande de réouverture de la procédure pénale.

36 Il convient de rappeler que la directive 2016/343 a, conformément à son article 1er, pour objet d’établir des règles minimales communes concernant certains éléments des procédures pénales, dont le « droit d’assister à son procès ». Ainsi que le confirme expressément le considérant 33 de cette directive, ce droit fait partie intégrante du droit fondamental à un procès équitable [arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 25].

37 L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive impose aux États membres l’obligation de veiller au respect de ce droit. Toutefois, en vertu des paragraphes 2 et 4 de cet article, les États membres peuvent, sous certaines conditions, prévoir la tenue de procès par défaut [arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 26].

38 Ces paragraphes 2 et 4 prévoient, pour l’essentiel, que les suspects et les personnes poursuivies qui n’ont pas pu être informés de la tenue d’un procès à leur égard ou qui, tout en ayant été informés de la tenue de ce procès, n’ont pas été informés des conséquences d’un défaut de comparution et ne sont pas non plus représentés par un avocat mandaté, peuvent faire l’objet d’une décision rendue par défaut et exécutoire, mais doivent, lorsqu’ils sont informés de cette décision, « en particulier au
moment de leur arrestation », également être informés de l’ensemble des voies de droit dont ils disposent à l’égard de ladite décision.

39 En vertu de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, les personnes ayant fait l’objet d’une décision prononcée par défaut alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies, doivent être informées de « la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9 ».

40 La portée de cet article 8, paragraphe 4, seconde phrase, doit être interprétée en tenant compte du libellé et du contexte de cette disposition ainsi que des objectifs poursuivis par la réglementation dont ladite disposition fait partie [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 32 et jurisprudence citée].

41 S’agissant du libellé de la même disposition, il y a lieu de relever, premièrement, qu’il ressort des termes « en particulier au moment de leur arrestation » que, alors même qu’il ne peut être exclu qu’une personne condamnée par défaut à une peine privative de liberté puisse être informée de cette condamnation sans être arrêtée en vue de l’exécution de cette peine, cette personne doit, en cas d’arrestation, être informée, au moment de celle-ci, de l’existence de ladite condamnation si cette
information ne lui a pas été fournie avant.

42 Deuxièmement, il ressort également du libellé de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343 que, lorsqu’il est informé de l’existence d’une condamnation par défaut prononcée à son égard, l’intéressé, dans la situation visée à cette disposition, qui est celle dans laquelle une décision par défaut a été rendue alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies, doit également être informé « de la possibilité de
contester cette décision et de [son] droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9 [de ladite directive] ».

43 Deux indications concordantes peuvent être tirées de ce libellé. D’une part, la référence à la possibilité de contester la décision rendue par défaut, qui est présentée comme étant un élément procédural distinct et autonome par rapport au « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit », indique que les États membres ont la possibilité de prévoir une procédure qui précède la tenue d’un nouveau procès ou l’exercice de l’autre voie de droit prévue à l’article 9 de la directive 2016/343.
Une telle procédure peut viser à établir que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies et que, par conséquent, la tenue d’un nouveau procès ou l’exercice d’une « autre voie de droit » s’impose.

44 D’autre part, il découle de l’emploi de la conjonction de coordination « ou », dans le membre de phrase « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit », que les États membres disposent du choix de prévoir la réouverture de la procédure pénale sous la forme de la tenue d’un nouveau procès ou de prévoir une « autre voie de droit », laquelle, conformément à l’article 9 de ladite directive, doit être équivalente à un nouveau procès, en ce qu’elle doit permettre une nouvelle appréciation au
fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et qu’elle doit pouvoir aboutir à l’infirmation de la décision initiale [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 59].

45 Il ressort, troisièmement, du libellé de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343 que le législateur de l’Union s’est abstenu de préciser selon quelles modalités l’information relative au « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit » doit être fournie (arrêt VB, point 27). En particulier, cette disposition ne prévoit pas que cette information doit être mentionnée dans la décision prononcée par défaut. Il n’apparaît pas non plus que le juge qui rend cette
décision soit tenu, en vertu de cette directive, de préciser, dans ladite décision ou dans une injonction jointe à celle-ci, quelle autorité doit communiquer ladite information et de quelle manière.

46 La directive 2016/343 ne s’oppose donc pas à ce qu’un État membre instaure un régime procédural qui ne conduit pas automatiquement à la réouverture de la procédure pénale, mais exige des personnes condamnées par défaut et intéressées à une telle réouverture d’introduire une demande à cet effet devant une autre juridiction, distincte de celle ayant rendu la décision par défaut, afin que cette autre juridiction vérifie que la condition subordonnant le droit à un nouveau procès, à savoir l’absence
de réunion des conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, est satisfaite. Un tel régime est compatible avec ladite directive pour autant que, d’une part, la procédure de demande de cette réouverture permet effectivement la tenue d’un nouveau procès dans tous les cas de figure où il est établi, après vérification, que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive n’étaient pas réunies et que, d’autre part, la personne condamnée par défaut,
lorsqu’elle est informée de sa condamnation, est également informée de l’existence de cette procédure.

47 Le résultat de l’examen du libellé de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, tel qu’exposé au point 46 du présent arrêt, est corroboré par le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition.

48 À cet égard, il y a lieu de relever qu’une interprétation de ladite disposition selon laquelle le droit à un nouveau procès doit nécessairement, sans autre examen, être reconnu à la personne condamnée par défaut dès que celle-ci a été informée de l’existence de sa condamnation, serait inconciliable avec l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584. En effet, cet article présente, dans le cas de l’émission d’un mandat d’arrêt européen, un lien fonctionnel avec l’article 8, paragraphe 4, seconde
phrase, de la directive 2016/343 et constitue donc un élément contextuel pertinent pour l’interprétation de celui-ci. Or, l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 prévoit, à son paragraphe 1, sous d), ii), ainsi qu’à son paragraphe 3, la faculté d’instaurer une procédure de demande d’un nouveau procès. Cette faculté serait ainsi privée d’effet utile si les États membres étaient tenus de reconnaître le droit à un nouveau procès dès que l’intéressé a été informé de l’existence de sa
condamnation par défaut.

49 Une interprétation de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343 selon laquelle cette disposition exige la reconnaissance immédiate du droit à un nouveau procès ne tiendrait, au demeurant, pas dûment compte du contexte d’harmonisation minimale dans lequel s’inscrit ladite disposition. Dès lors que la directive 2016/343 n’offre que des précisions minimales sur les voies de droit qui doivent être disponibles lorsqu’une décision a été rendue par défaut sans que les
conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive aient été réunies, il appartient, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de déterminer ces voies de droit.

50 Il s’ensuit que le droit de l’Union laisse une marge d’appréciation aux États membres pour aménager leur droit procédural, étant entendu cependant que le régime procédural instauré par le législateur national ne doit pas être moins favorable pour l’exercice, par les justiciables, des droits conférées par le droit de l’Union que pour l’exercice des droits conférés par le droit national (principe d’équivalence) et qu’il ne doit pas être aménagé de manière à rendre en pratique impossible ou
excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir en ce sens, notamment, arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22, EU:C:2023:911, point 61 et jurisprudence citée).

51 Le résultat de l’examen du libellé de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343 est également compatible avec la finalité de cette directive.

52 Cette finalité consiste, ainsi que l’énoncent les considérants 9 et 10 de ladite directive, à renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, de manière à augmenter la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres [arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 36].

53 Or, l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343 selon laquelle cette disposition ne s’oppose pas à un régime procédural qui consiste non pas à informer la personne condamnée par défaut, lors de la prise de connaissance de sa condamnation, d’un droit à un nouveau procès, mais à informer cette personne de la possibilité de demander un nouveau procès devant une juridiction qui vérifiera si la condition pour la tenue d’un nouveau procès, à savoir l’absence
de réunion des conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, est satisfaite, est susceptible de contribuer à la réalisation de l’objectif relatif au renforcement du droit à un procès équitable, pourvu que ce régime procédural satisfasse les conditions mentionnées au point 46 du présent arrêt, à savoir, en particulier, qu’il conduise nécessairement à la tenue d’un nouveau procès lorsque les conditions prévues à cet article 8, paragraphe 2, n’étaient pas réunies, sans
que la juridiction compétente pour l’examen de la demande d’un tel procès puisse refuser que celui-ci ait lieu en se fondant sur des critères autres que ceux prévus à cette dernière disposition.

54 En l’occurrence, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier si, au regard des précisions qui précèdent, le régime procédural instauré par le législateur bulgare est compatible avec la directive 2016/343. Cela étant, la Cour peut fournir des indications utiles aux fins de cette appréciation (voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2022, BV, C‑570/20, EU:C:2022:348, point 44 et jurisprudence citée).

55 Il apparaît, sur le fondement des informations figurant dans la demande de décision préjudicielle, que, dans les cas de figure tels que celui en cause au principal, la législation bulgare rend le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) exclusivement compétent pour examiner les demandes de réouverture de la procédure pénale, celles-ci constituant, en substance, des demandes d’un nouveau procès. Les personnes condamnées par défaut dans cet État membre peuvent introduire une telle
demande dans un délai de six mois à compter de la prise de connaissance de la décision rendue par défaut, ce délai excédant celui dans lequel il peut être interjeté appel de cette décision.

56 Il convient, à cet égard, de préciser, tout d’abord, que, en cas de tenue d’un nouveau procès à la suite d’une procédure de demande de réouverture de la procédure pénale, seule la décision rendue à l’issue de ce nouveau procès constitue, une fois qu’elle a acquis force de chose jugée, la décision finale visant à déterminer si le suspect ou la personne poursuivie a commis une infraction pénale, au sens de l’article 2 de la directive 2016/343, lu à la lumière du considérant 12 de celle-ci. Il
s’ensuit qu’une procédure de demande de réouverture de la procédure pénale, telle que celle prévue dans le droit bulgare, relève des stades de la procédure pénale auxquels cette directive est applicable.

57 Il ressort, ensuite, des points 46 et 50 du présent arrêt que l’instauration d’une telle procédure de réouverture de la procédure pénale, qui ne comporte pas, en soi, de nouveau procès, mais qui est susceptible de conduire à un tel procès, ne se heurte pas à la directive 2016/343, pourvu que cette procédure de réouverture réponde à l’ensemble des exigences découlant du principe d’effectivité et respecte, par ailleurs, le principe d’équivalence.

58 S’agissant du principe d’équivalence, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que la procédure de demande de réouverture de la procédure pénale prévue à l’article 423 du NPK est accessible, selon les mêmes modalités, à l’ensemble des personnes condamnées par défaut. Dans ces conditions, il peut être considéré que le principe d’équivalence est respecté.

59 En ce qui concerne le principe d’effectivité, il importe, en premier lieu, qu’il soit garanti que la procédure de demande de réouverture de la procédure pénale conduit à la reconnaissance du droit à un nouveau procès dans tous les cas de figure où les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies. En effet, une personne condamnée par défaut ne peut être privée du droit à un nouveau procès que si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de
ladite directive étaient réunies [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 31].

60 Or, ainsi qu’il ressort du point 44 de l’arrêt prononcé ce jour dans l’affaire C‑644/23, Stangalov, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, qu’une procédure de demande de réouverture de la procédure pénale telle que celle instaurée par le législateur bulgare en l’occurrence n’offre pas une telle garantie.

61 Aux fins du respect du principe d’effectivité, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, en deuxième lieu, si le droit procédural bulgare garantit que la personne condamnée par défaut reçoit, au moment où elle est informée de l’existence de cette condamnation ou rapidement après, copie de l’intégralité de la décision rendue par défaut et communication de ses droits procéduraux, y compris en ce qui concerne la possibilité d’introduire une demande de réouverture de la procédure pénale
ainsi que la juridiction devant laquelle et le délai dans lequel cette demande doit être introduite.

62 Or, dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi observe que le droit bulgare ne comporte aucune disposition qui impose spécifiquement que de telles informations soient transmises aux personnes condamnées par défaut.

63 En troisième lieu, toute procédure de demande d’un nouveau procès doit être aménagée de manière à ce que cette demande soit traitée avec célérité, afin qu’il soit déterminé dans les meilleurs délais si le procès par défaut a eu lieu sans que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 aient été réunies. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 9 de cette directive, l’existence même du droit à un nouveau procès dépend de la
constatation selon laquelle ces conditions n’étaient pas réunies. Lorsqu’un État membre instaure un régime procédural dans lequel il n’a pas encore été déterminé, au moment où l’intéressé est informé de l’existence d’une condamnation par défaut prononcée à son égard, si cette condamnation a été prononcée sans que lesdites conditions aient été réunies, il incombe à cet État membre, sous peine de porter atteinte au principe d’effectivité, d’assurer que cet examen ait lieu rapidement après
l’introduction de la demande d’un nouveau procès.

64 Cette exigence de célérité est d’autant plus importante que l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343 prévoit, à l’instar du considérant 39 de celle-ci, que les décisions rendues par défaut sans qu’aient été réunies les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive peuvent être exécutoires. Au regard de cette possibilité d’exécuter les peines infligées par défaut, il est nécessaire, aux fins de préserver l’effet utile des demandes d’un nouveau procès, d’assortir le
traitement de ces demandes d’une appréciation de la nécessité de maintenir en détention le demandeur, une telle obligation d’examen étant d’ailleurs mentionnée à l’article 4 bis, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.

65 En l’occurrence, l’article 423, paragraphes 2 et 4, du NPK semble prévoir un tel examen, dont le résultat ne figure cependant que dans la décision relative à la réouverture de la procédure pénale. Dans le cadre d’un tel aménagement du droit procédural national, l’adoption avec la plus grande célérité de la décision relative à cette demande de réouverture est indispensable afin que le principe d’effectivité soit respecté.

66 Le principe d’effectivité exige, en quatrième lieu, que l’intéressé soit en mesure de s’exprimer, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, au sujet de la question de savoir si le procès par défaut a eu lieu alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 n’étaient pas réunies. Ainsi que l’a observé M. l’avocat général aux points 44 à 47 de ses conclusions, les observations formulées tant par l’accusation que par la défense peuvent exercer une
influence déterminante sur l’appréciation de cette question et ainsi être décisive pour l’issue de la procédure de demande d’un nouveau procès. Partant, en l’absence de possibilité pour la personne condamnée par défaut de présenter sa cause à cet égard, il serait porté atteinte au droit fondamental à un procès équitable et, ainsi, à l’effectivité de la procédure de demande d’un nouveau procès, dont l’objectif consiste précisément à assurer le respect de ce droit fondamental.

67 Cela étant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 60 à 62 de ses conclusions, cette faculté pour la personne condamnée par défaut de présenter ses observations aux fins de l’appréciation du point de savoir si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 étaient ou non réunies ne saurait être comprise comme impliquant l’obligation pour l’intéressé de comparaître en personne devant la juridiction qui examine cette demande.

68 À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au point 41 du présent arrêt, il ne peut être exclu qu’une personne condamnée par défaut ait pris connaissance de cette condamnation sans avoir été arrêtée. Dans de telles circonstances, l’obligation pour l’intéressé de comparaître en personne devant la juridiction auprès de laquelle il a introduit une demande d’un nouveau procès, revient, ainsi que l’a jugé la Cour européenne des droits de l’homme, dont la jurisprudence doit, comme
cela découle des considérants 47 et 48 de la directive 2016/343, être prise en compte [voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2024, FP e.a. (Procès par visioconférence), C‑760/22, EU:C:2024:574, points 22 à 24], à obliger une personne encore en liberté à se constituer prisonnière pour pouvoir bénéficier de son droit à un nouveau procès, ce qui serait incompatible avec le droit fondamental à un procès équitable (Cour EDH, 14 décembre 1999, Khalfaoui c. France, CE:ECHR:1999:1214JUD003479197, § 49, et
Cour EDH, 13 février 2001, Krombach c. France, CE:ECHR:2001:0213JUD002973196, § 87).

69 Or, selon la demande de décision préjudicielle, il ressort de l’article 423, paragraphe 3, du NPK que, en cas de défaut de comparution personnelle de l’intéressé devant le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), la demande de réouverture de la procédure pénale présentée par celui-ci est classée sans suite, à moins qu’il n’existe un « motif valable » pour justifier ce défaut de comparution personnelle. Il doit être considéré qu’une telle obligation de comparaître en personne est
susceptible de rendre excessivement difficile l’exercice du « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9 [de la directive 2016/343] », visé à l’article 8, paragraphe 4, de celle-ci.

70 À l’issue de son examen de la compatibilité de l’article 423 du NPK avec la directive 2016/343 au regard des différentes exigences découlant du principe d’effectivité, il appartiendra, enfin, à la juridiction de renvoi de même qu’à toute autre juridiction nationale compétente, dans le cas où la présence d’insuffisances de la législation nationale serait confirmée à cet égard, d’apprécier s’il est néanmoins possible d’interpréter cette législation, et, en particulier, l’article 423 du NPK, dans un
sens qui permet de respecter ces exigences.

71 Ainsi appartiendra-t-il aux juridictions nationales, comme cela est exposé au point 45 de l’arrêt prononcé ce jour dans l’affaire C-644/23, Stangalov, d’examiner si l’article 423, paragraphe 1, du NPK peut être interprété dans un sens qui permet de cantonner l’exclusion du droit à un nouveau procès qui y est prévue aux seuls cas de figure dans lesquels les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 étaient réunies.

72 Il appartiendra également à ces juridictions nationales d’examiner si des dispositions du droit procédural bulgare, telles que l’article 15 du NPK, lu en combinaison avec des dispositions plus spécifiques, peuvent être interprétées dans un sens qui permet de conclure qu’il découle impérativement de ce droit que les personnes condamnées par défaut doivent, au moment où elles sont informées de l’existence d’une condamnation par défaut prononcée à leur égard ou rapidement après, être informées de
leurs droits procéduraux, en particulier de la possibilité d’introduire une demande de réouverture de la procédure pénale.

73 Lesdites juridictions nationales pourront, par ailleurs, examiner si l’exception, prévue à l’article 423, paragraphe 3, du NPK, tenant à l’existence d’un « motif valable », peut être interprétée dans un sens qui permet de garantir que les demandes de réouverture de la procédure pénale soient examinées lorsque le demandeur ne comparaît pas en personne, mais défend sa cause par l’intermédiaire d’un avocat.

74 En cas d’impossibilité de procéder à une interprétation de la législation bulgare qui soit conforme aux exigences du droit de l’Union, les mêmes juridictions nationales seront tenues de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et à l’article 9 de la directive 2016/343, qui sont d’effet direct [arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 28], sans qu’elles aient à
demander ou à attendre l’élimination préalable de la disposition législative qui est incompatible avec cette directive [voir, par analogie, arrêt du 21 octobre 2021, ZX (Régularisation de l’acte d’accusation), C‑282/20, EU:C:2021:874, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée].

75 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question, sous a) et b), à la deuxième question, sous a) et b), ainsi qu’aux troisième et cinquième à septième questions que l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 9 de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

– dans la situation où une personne est condamnée par défaut à une peine privative de liberté alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, après l’expiration du délai prévu pour interjeter appel de la décision rendue par défaut, la seule voie de droit disponible consiste à introduire, auprès d’une juridiction différente de celle ayant rendu cette décision, une demande visant à la tenue
d’un nouveau procès, pourvu que cette procédure soit conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité. Cette dernière condition exige, notamment, que la procédure de demande d’un nouveau procès permette effectivement la tenue d’un tel procès dans tous les cas de figure où il est établi, après vérification, que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive n’étaient pas réunies. En revanche, ladite dernière condition n’est pas satisfaite lorsqu’il est imposé au
demandeur d’un nouveau procès, sous peine de classement sans suite de sa demande, de comparaître en personne devant la juridiction compétente ;

– dans un État membre dont la législation prévoit une telle procédure de demande d’un nouveau procès, cet article 8, paragraphe 4, seconde phrase, lu en combinaison avec cet article 9, exige que la personne condamnée par défaut reçoive, au moment où elle est informée de l’existence de cette condamnation ou rapidement après, copie de l’intégralité de la décision rendue par défaut, ainsi qu’une information facilement compréhensible relative, d’une part, au fait qu’elle a droit à un nouveau procès
si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la même directive n’étaient pas réunies et, d’autre part, à la procédure lui permettant de demander la tenue d’un tel procès.

Sur la première question, sous c)

76 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, sous a) et b), à la deuxième question, sous a) et b), ainsi qu’aux troisième et cinquième à septième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la première question, sous c), dès lors que cette dernière n’est posée par la juridiction renvoi que dans l’hypothèse d’une réponse négative à cette première question, sous a) et b).

Sur la deuxième question, sous c) et d), ainsi que sur la quatrième question

77 Par la deuxième question, sous c) et d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 9 et l’article 10, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les exigences imposées par cette directive sont respectées lorsque le juge statuant par défaut examine lui-même si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive sont réunies et indique, le cas
échéant, dans la décision rendue par défaut, dont copie intégrale devra être remise à l’intéressé une fois arrêté, que ce dernier a droit à un nouveau procès.

78 Par la quatrième question, la juridiction de renvoi demande en outre, en substance, s’il est nécessaire, dans le cadre d’un régime dans lequel le juge menant le procès par défaut examine si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont réunies, d’entendre, à ce sujet, tant l’accusation que le défenseur de la personne poursuivie, laquelle est dans cette hypothèse absente.

79 Or, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, un tel régime procédural n’est pas en vigueur en Bulgarie, le législateur de cet État membre ayant institué un régime dans lequel le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) est exclusivement compétent pour examiner les demandes d’un nouveau procès et, dans ce cadre, pour vérifier si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 étaient réunies. La juridiction de renvoi précise que, en
raison des caractéristiques de ce régime procédural et nonobstant sa conviction selon laquelle ces conditions n’étaient pas réunies en l’occurrence, il ne lui appartient pas de se prononcer à cet égard.

80 Ainsi qu’il découle, par ailleurs, de la réponse apportée à la première question, sous a) et b), à la deuxième question, sous a) et b), ainsi qu’aux troisième et cinquième à septième questions, la directive 2016/343 ne s’oppose pas à un régime procédural qui confère non pas à la juridiction menant un procès par défaut, mais à une juridiction distincte la compétence pour examiner si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive étaient réunies.

81 Cela étant, ainsi qu’il découle également de cette réponse, il importe qu’un tel régime ne se heurte ni au principe d’équivalence ni au principe d’effectivité.

82 Il ressort des points 60, 62 et 69 du présent arrêt que le régime procédural en vigueur en Bulgarie pourrait se heurter au principe d’effectivité et, par conséquent, être incompatible avec le droit de l’Union. La juridiction de renvoi pourrait, dès lors, être en présence d’une situation dans laquelle la législation nationale concernée ne garantit pas le respect du « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit », au sens de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et de l’article 9 de
la directive 2016/343, qui sont d’effet direct [arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, point 28].

83 Conformément à la jurisprudence rappelée au point 74 du présent arrêt, en cas d’impossibilité de procéder à une interprétation de la législation bulgare qui soit conforme aux exigences du droit de l’Union, la juridiction de renvoi serait tenue de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire aux dispositions de l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et de l’article 9 de la directive 2016/343, sans qu’elle ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de la disposition
législative qui est incompatible avec cette directive.

84 Dans ces circonstances, il convient de répondre à la deuxième question, sous c) et d), ainsi qu’à la quatrième question, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la réponse à celles-ci pouvant, le cas échéant, être déterminante pour la suite des procédures pénales au principal.

85 Si la directive 2016/343 ne peut être interprétée en ce sens qu’elle impose à la juridiction statuant par défaut de se prononcer, dans sa décision, sur le droit à un nouveau procès (arrêt VB, point 31), elle laisse une large marge d’appréciation aux États membres quant à sa mise en œuvre et ne saurait donc non plus être interprétée en ce sens qu’elle interdit à cette juridiction d’examiner, au cours d’un procès mené par défaut, si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette
directive sont réunies et, lorsque ces conditions ne sont pas réunies, d’indiquer dans sa décision que l’intéressé a droit à la tenue d’un nouveau procès.

86 Dès lors que, ainsi qu’il est exposé au point 66 du présent arrêt, les observations formulées tant par l’accusation que par la défense peuvent exercer une influence déterminante sur l’appréciation du point de savoir si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont réunies, il importe, dans le cadre de l’examen effectué à cet égard par la juridiction qui mène un procès par défaut, que celle-ci entende l’avocat qui représente l’intéressé, ce dernier étant, dans
cette hypothèse, absent.

87 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question, sous c) et d), ainsi qu’à la quatrième question que l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 9 et l’article 10, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les exigences imposées par cette directive sont respectées lorsque la juridiction menant un procès par défaut apprécie elle-même, après avoir entendu tant l’accusation que la défense à ce
sujet, si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive sont réunies et, dans la négative, indique, dans la décision rendue par défaut, dont copie intégrale doit être remise à l’intéressé au moment où celui-ci est informé de cette décision ou rapidement après, que celui-ci a droit à la tenue d’un nouveau procès.

Sur la huitième question

88 Par la huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et l’article 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent non seulement en cas de condamnation par défaut, mais également en cas de relaxe par défaut.

89 En effet, selon cette juridiction, il ne peut être exclu que VB soit relaxé. Ladite juridiction souhaite dès lors savoir, avant de poursuivre le procès par défaut contre VB et de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de celui-ci, si le droit à un procès équitable serait adéquatement protégé en cas de relaxe par défaut.

90 À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que l’a observé M. l’avocat général aux points 33 et 34 de ses conclusions, que le droit à un procès équitable, dont le droit d’assister à son procès constitue un élément essentiel, s’applique dans toute procédure pénale pouvant donner lieu à une décision qui constate l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie. Au vu des considérants 47 et 48 de la directive 2016/343, dont il découle qu’il importe de tenir compte, dans l’interprétation de
cette directive, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6 de la CEDH, il convient de se fonder, pour la réponse à la huitième question, sur la jurisprudence de cette juridiction, selon laquelle une personne poursuivie a le droit fondamental d’assister à son procès en toute circonstance, même si le résultat final lui est favorable (Cour EDH, 15 décembre 2005, Vanyan c. Russie, CE:ECHR:2005:1215JUD005320399, § 20 à 25 et 67).

91 Ce large champ d’application du droit d’assister à son procès est d’ailleurs mis en exergue par les termes mêmes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, lequel mentionne la « décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie ».

92 Ce libellé de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 a pour conséquence que le terme « décision », figurant à l’article 8, paragraphe 4, et à l’article 9 de cette directive, fait référence à toute décision, issue d’une procédure pénale, relative à la culpabilité ou à l’innocence de la personne poursuivie.

93 La portée de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 9 de ladite directive ne saurait, en effet, être dissociée de celle de l’article 8, paragraphe 2, de la même directive, l’absence de réunion des conditions prévues à cet article 8, paragraphe 2, fondant précisément le « droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit », visé audit article 8, paragraphe 4, et audit article 9.

94 Cette interprétation n’est pas infirmée par la présence, à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343, des termes « au moment de leur arrestation ». Ces termes sont, en effet, assortis de l’expression « en particulier », dont il découle que l’arrestation n’est pas l’unique hypothèse visée à cette disposition.

95 Partant, il y a lieu de répondre à la huitième question que l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et l’article 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent non seulement en cas de condamnation par défaut, mais également en cas de relaxe par défaut.

Sur les dépens

96 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, lu en combinaison avec l’article 9 de cette directive,

doit être interprété en ce sens que :

– dans la situation où une personne est condamnée par défaut à une peine privative de liberté alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, après l’expiration du délai prévu pour interjeter appel de la décision rendue par défaut, la seule voie de droit disponible consiste à introduire, auprès d’une juridiction différente de celle ayant rendu cette décision, une demande visant à la tenue
d’un nouveau procès, pourvu que cette procédure soit conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité. Cette dernière condition exige, notamment, que la procédure de demande d’un nouveau procès permette effectivement la tenue d’un tel procès dans tous les cas de figure où il est établi, après vérification, que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive n’étaient pas réunies. En revanche, ladite dernière condition n’est pas satisfaite lorsqu’il est imposé au
demandeur d’un nouveau procès, sous peine de classement sans suite de sa demande, de comparaître en personne devant la juridiction compétente ;

– dans un État membre dont la législation prévoit une telle procédure de demande d’un nouveau procès, cet article 8, paragraphe 4, seconde phrase, lu en combinaison avec cet article 9, exige que la personne condamnée par défaut reçoive, au moment où elle est informée de l’existence de cette condamnation ou rapidement après, copie de l’intégralité de la décision rendue par défaut, ainsi qu’une information facilement compréhensible relative, d’une part, au fait qu’elle a droit à un nouveau procès
si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la même directive n’étaient pas réunies et, d’autre part, à la procédure lui permettant de demander la tenue d’un tel procès.

  2) L’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 9 et l’article 10, paragraphe 1, de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

les exigences imposées par cette directive sont respectées lorsque la juridiction menant un procès par défaut apprécie elle-même, après avoir entendu tant l’accusation que la défense à ce sujet, si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive sont réunies et, dans la négative, indique, dans la décision rendue par défaut, dont copie intégrale doit être remise à l’intéressé au moment où celui-ci est informé de cette décision ou rapidement après, que celui-ci a droit à
la tenue d’un nouveau procès.

  3) L’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, et l’article 9 de la directive 2016/343

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’appliquent non seulement en cas de condamnation par défaut, mais également en cas de relaxe par défaut.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-400/23
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Sofiyski gradski sad.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Droit d’assister à son procès – Article 8, paragraphe 2 – Procès conduisant à une décision de condamnation ou de relaxe par défaut – Conditions – Article 8, paragraphe 4 – Obligation d’informer la personne jugée par défaut des voies de droit disponibles – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale – Article 10, paragraphe 1 – Droit à un recours effectif – Réglementation nationale subordonnant la reconnaissance du droit à un nouveau procès à l’introduction d’une demande de réouverture de la procédure pénale auprès d’une autorité judiciaire devant laquelle la personne jugée par défaut doit comparaître.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération judiciaire en matière pénale


Parties
Demandeurs : Sofiyska gradska prokuratura
Défendeurs : VB.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Lycourgos

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:14

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