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13/02/2025 | CJUE | N°C-472/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Lexitor sp. z o.o. contre A.B. S.A., 13/02/2025, C-472/23


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Article 10, paragraphe 2 – Obligation d’information – Taux annuel effectif global – Modification des frais et des commissions – Article 23 – Régime de sanctions national – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire C‑472/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite

par le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne), par décision du 2...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Article 10, paragraphe 2 – Obligation d’information – Taux annuel effectif global – Modification des frais et des commissions – Article 23 – Régime de sanctions national – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire C‑472/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne), par décision du 21 juin 2023, parvenue à la Cour le 25 juillet 2023, dans la procédure

Lexitor sp. z o.o.

contre

A. B. S.A.,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, M. Z. Csehi (rapporteur), juge,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Lexitor sp. z o.o., par Me K. Danielak, radca prawny,

– pour A. B. S.A., par Mes M. Malciak, K. Trzaskowski, et W. J. Wandzel, adwokaci,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. P. Ondrůšek et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, paragraphe 2, sous g) et k), ainsi que de l’article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lexitor sp. z o.o., en sa qualité de cessionnaire des droits d’un consommateur, à A. B. S.A. (ci-après la « banque ») au sujet de la demande de remboursement d’une somme représentant les intérêts et les frais payés par ce consommateur au titre d’un contrat de crédit à la consommation qu’il avait conclu avec la banque.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/48

3 Aux termes des considérants 6, 8, 9, 19, 31, 32 et 47 de la directive 2008/48 :

« (6) Conformément au traité, le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises et des services et la liberté d’établissement sont assurées. La mise en place d’un marché du crédit plus transparent et performant, dans cet espace sans frontières intérieures, est vitale pour promouvoir le développement des activités transfrontalières.

[...]

(8) Il importe, pour inspirer confiance aux consommateurs, que le marché puisse leur offrir un niveau suffisant de protection. Ainsi, il convient que la libre circulation des offres de crédits puisse s’effectuer dans des conditions optimales, tant pour les offrants que pour les demandeurs, dans le respect des situations spécifiques existant dans les différents États membres.

(9) Une harmonisation complète est nécessaire pour assurer à tous les consommateurs de la Communauté un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour créer un véritable marché intérieur. Par conséquent, les États membres ne devraient pas être autorisés à maintenir ou introduire des dispositions nationales autres que celles prévues par la présente directive. En l’absence de telles dispositions harmonisées, les États membres devraient cependant être libres de maintenir ou
d’introduire des dispositions législatives nationales. [...]

[...]

(19) Il convient, pour que le consommateur puisse prendre sa décision en pleine connaissance de cause, que celui-ci reçoive, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, des informations adéquates qu’il peut emporter et examiner, sur les conditions et le coût du crédit, ainsi que sur ses obligations. Afin d’assurer une transparence aussi complète que possible et pour permettre la comparabilité des offres, ces informations devraient comporter, notamment, le taux annuel effectif global
[(TAEG)] afférent au crédit, établi de la même manière dans toute la Communauté. [...]

[...]

(31) Afin que le consommateur soit en mesure de connaître ses droits et obligations au titre du contrat de crédit, celui-ci devrait contenir de façon claire et concise toutes les informations nécessaires.

(32) Afin de garantir une parfaite transparence, des informations sur le taux débiteur devraient être fournies au consommateur aussi bien lors de la phase précontractuelle qu’au moment de la conclusion du contrat de crédit. Pendant la durée du contrat, le consommateur devrait, en outre, être informé de toute modification du taux variable et de l’adaptation des paiements qui en résulte. [...]

[...]

(47) Il convient que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées en vertu de la présente directive et veillent à ce qu’elles soient appliquées. Bien que le choix de ce régime soit laissé à la discrétion des États membres, les sanctions prévues devraient être effectives, proportionnées et dissuasives. »

4 L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

g) “coût total du crédit pour le consommateur”: tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire ; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour
l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales ;

[...]

i) “[TAEG]” : le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2 ;

[...] »

5 Intitulé « Information à mentionner dans les contrats de crédit », l’article 10 de ladite directive prévoit, à son paragraphe 2 :

« Le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise :

[...]

g) le [TAEG] et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit ; toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

[...]

k) le cas échéant, les frais de tenue d’un ou de plusieurs comptes destinés à enregistrer tant les opérations de paiement que les prélèvements, à moins que l’ouverture d’un compte ne soit facultative, les frais d’utilisation d’un moyen de paiement permettant à la fois des opérations de paiement et des prélèvements, ainsi que tous autres frais découlant du contrat de crédit et les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;

[...] »

6 L’article 19 de la même directive, intitulé « Calcul du [TAEG] », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Le [TAEG], qui équivaut, sur une base annuelle, à la valeur actualisée de l’ensemble des engagements (prélèvements, remboursements et frais), existants ou futurs, convenus par le prêteur et le consommateur, est calculé selon la formule mathématique figurant à l’annexe I, partie I.

2.   Pour calculer le [TAEG], on détermine le coût total du crédit pour le consommateur, à l’exception des frais dont ce dernier est redevable en cas de non-exécution d’une quelconque de ses obligations figurant dans le contrat de crédit, et des frais, autres que le prix d’achat, lui incombant lors d’un achat de biens ou de services, que celui-ci soit effectué au comptant ou à crédit.

Les frais de tenue d’un compte sur lequel sont portés tant les opérations de paiement que les prélèvements, les frais d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations de paiement et des prélèvements ainsi que d’autres frais relatifs aux opérations de paiement sont inclus dans le coût total du crédit pour le consommateur, sauf si l’ouverture du compte est facultative et que les frais liés au compte ont été indiqués de manière claire et distincte dans le contrat
de crédit ou tout autre contrat conclu avec le consommateur.

3.   Le calcul du [TAEG] repose sur l’hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant la durée convenue et que le prêteur et le consommateur rempliront leurs obligations selon les conditions et dans les délais précisés dans le contrat de crédit. »

7 L’article 23 de la directive 2008/48, intitulé « Sanctions », est libellé en ces termes :

« Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

La directive 93/13/CEE

8 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

Le droit polonais

La loi relative au crédit à la consommation

9 L’ustawa o kredycie konsumenckim (loi relative au crédit à la consommation), du 12 mai 2011 (Dz. U. de 2011, no 126, position 715), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative au crédit à la consommation »), a transposé la directive 2008/48 dans l’ordre juridique polonais.

10 L’article 30, paragraphe 1, de la loi relative au crédit à la consommation dispose :

« Le contrat de crédit à la consommation mentionne, sous réserve des articles 31 à 33 :

[...]

7) le [TAEG] et le montant total à rembourser par le consommateur, calculés à la date de conclusion du contrat de crédit à la consommation, en indiquant tous les éléments à la base de son calcul ;

[...]

10) les informations relatives aux autres coûts liés au contrat de crédit pour le consommateur, en particulier les frais, notamment les frais de tenue d’un ou de plusieurs comptes sur lesquels sont enregistrées les opérations à la fois de paiement et de retrait, y compris les frais d’utilisation d’instruments de paiement pour lesdites opérations, les commissions, les marges et les coûts des prestations complémentaires, notamment des assurances, s’ils sont connus du prêteur, ainsi que les
conditions d’adaptation de tels coûts ;

[...] »

11 L’article 45, paragraphe 1, de cette loi est libellé comme suit :

« En cas d’infraction, par le prêteur, à l’article 29, paragraphe 1, à l’article 30, paragraphe 1, points 1 à 8, 10, 11 et 14 à 17, et aux articles 31 à 33, 33a et 36a à 36c, le consommateur, après avoir soumis une déclaration écrite au prêteur, rembourse le crédit sans les intérêts et autres frais liés à celui-ci dus au prêteur, dans les délais et selon les modalités fixées par le contrat. »

La loi portant code civil

12 Aux termes de l’article 3851, paragraphes 1 et 2, de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal :

« 1)   Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant gravement atteinte à ses intérêts (clause illicite). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les prestations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non
équivoque.

2)   Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres dispositions du contrat. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Lexitor, une société de recouvrement de créances, est cessionnaire des droits d’un consommateur qui avait conclu un contrat de crédit avec la banque pour un montant de 40000 zlotys polonais (PLN) (environ 9050 euros) (ci-après le « contrat en cause »). Outre le montant de ce crédit en principal, le consommateur était tenu de rembourser à la banque les intérêts rémunératoires, fixés à 19985,07 PLN (environ 4520 euros), ainsi qu’une commission d’un montant de 4893,38 PLN (environ 1100 euros). Le
TAEG mentionné dans le contrat en cause s’élevait à 11,18 %.

14 Selon les termes du contrat en cause, au titre des opérations liées au traitement du crédit et à la modification des clauses de ce contrat, la banque pouvait percevoir des frais et des commissions, conformément aux dispositions dudit contrat et d’un document, qui en faisait partie, intitulé « Tarif des frais et des commissions de [la banque] pour les clients individuels » (ci-après le « tarif »). Ainsi, d’une part, en vertu du contrat en cause, une augmentation des frais et des commissions
pouvait intervenir en cas de survenance d’au moins l’une des conditions énumérées par ce contrat, telles que la modification du salaire minimum et du niveau des indicateurs publiés par le Główny Urząd Statystyczny (Office central de statistiques, Pologne) concernant notamment l’inflation, la rémunération mensuelle moyenne dans le secteur des entreprises ou encore l’évolution des prix de l’énergie, des télécommunications, des services postaux, des règlements interbancaires et des taux d’intérêt
fixés par la Narodowy Bank Polski (Banque nationale de Pologne), l’évolution des prix des services et des opérations utilisés par la banque dans l’exercice des différentes activités bancaires et non bancaires, l’évolution de l’étendue ou de la forme des services fournis par celle-ci (y compris les modifications ou l’ajout d’une nouvelle fonctionnalité de gestion d’un produit donné), les modifications apportées aux règles fiscales et/ou comptables appliquées par la banque, la modification ou
l’adoption de nouvelles décisions de justice, de décisions administratives, de recommandations d’autorités compétentes, y compris de la Komisja Nadzoru Finansowego (commission de surveillance financière, Pologne), dans la mesure où ces modifications auraient une incidence sur les coûts supportés par la banque pour l’exécution dudit contrat.

15 D’autre part, le tarif détaillait, sous la forme d’un tableau, les montants des frais administratifs, tels que ceux relatifs à l’émission d’un avis bancaire, d’un certificat, de l’historique du compte de crédit, d’un montant de 50 PLN (environ 12 euros), ou encore les frais de correspondance avec le client, y compris les rappels et les convocations, d’un montant de 4,20 PLN par lettre (environ 1 euro), ainsi que ceux d’expédition de courrier avec accusé de réception, d’un montant de 6,20 PLN
(environ 1,5 euro) par lettre. Le tarif mentionnait également un certain nombre de frais non récurrents liés à la libération du montant du crédit, qui étaient dus une seule fois et qui n’ont pas été perçus (frais fixés à « 0 »), ainsi que les frais de conclusion d’un avenant, à concurrence d’un montant de 50 PLN (environ 12 euros), et ceux de non-retrait d’espèces demandées en vue d’un paiement en zlotys polonais, à hauteur de 0,3 % du montant non retiré, avec un minimum de 100 PLN (environ
24 euros).

16 Le tarif prévoyait, en outre, que les frais et commissions pouvaient être modifiés au maximum quatre fois par an, sans pouvoir être majorés de plus de 200 % de leur montant en vigueur. Par ailleurs, le tarif stipulait qu’une modification du montant des frais ou des commissions concernés ne pouvait intervenir qu’au plus tard six mois après la survenance de la condition permettant l’introduction de cette modification et que la fixation des taux de frais ou commissions pour les opérations pour
lesquelles la banque n’avait perçu jusqu’alors ni de frais ni de commissions, ainsi que pour les nouveaux produits ou services, devait s’effectuer en tenant compte du degré d’intensité en main-d’œuvre des opérations effectuées et du niveau des coûts supportés par celle-ci.

17 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, dans le cadre de l’exécution du contrat en cause, la banque a calculé les intérêts non seulement sur le montant du crédit effectivement versé au consommateur, mais également sur les sommes empruntées au titre des coûts afférents au crédit. Comme le souligne la juridiction de renvoi, si les intérêts avaient été calculés uniquement sur le montant du crédit versé, le TAEG aurait été inférieur à celui indiqué dans le contrat de crédit.

18 Dans ce contexte, Lexitor a réclamé à la banque, sur la base de l’article 45 de la loi relative au crédit à la consommation, le paiement d’un montant de 12905,80 PLN (environ 2900 euros), représentant la somme des intérêts et des frais payés par ce consommateur au titre du contrat en cause, majorée d’intérêts. N’ayant pas obtenu satisfaction, elle a saisi le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi.

19 Au soutien de sa demande, Lexitor fait valoir que, lors de la conclusion du contrat en cause, la banque a violé les dispositions de la loi relative au crédit à la consommation portant sur l’obligation d’information à l’égard du consommateur, notamment de l’article 30, paragraphe 1, point 7, de cette loi, qui transpose l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48 dans l’ordre juridique polonais, dans la mesure où le TAEG mentionné dans le contrat en cause était trop élevé. La
banque aurait également violé l’article 30, paragraphe 1, point 10, de cette loi, qui transpose, quant à lui, l’article 10, paragraphe 2, sous k), de cette directive en droit polonais, au motif que le contrat en cause se bornait à indiquer les conditions dans lesquelles les frais liés à l’exécution de ce contrat pouvaient être majorés ainsi que certains mécanismes d’augmentation de ces frais.

20 La juridiction de renvoi se pose des questions de deux ordres. D’une part, par ses deux premières questions, elle se demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, sous g) et k), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que la situation en cause dans l’affaire pendante devant elle est effectivement constitutive d’un manquement à l’obligation d’information qui incombait à la banque au titre de cette disposition. Elle est en effet d’avis qu’une clause d’un contrat de crédit à
la consommation qui permet au prêteur de percevoir des intérêts non seulement sur le montant du crédit effectivement versé, mais également sur les coûts du crédit dont le consommateur est redevable constitue une clause abusive, au sens de la directive 93/13. Dès lors que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive et de l’article 3851 de la loi portant code civil, dans sa version applicable au litige au principal, une telle clause ne lie pas le consommateur, il n’y aurait pas lieu
de tenir compte de celle-ci pour le calcul du TAEG, de telle sorte que celui qui était indiqué dans le contrat en cause était inexact, car trop élevé, puisqu’il était calculé en considérant que des intérêts devaient également être calculés sur les coûts du crédit mis à la charge du consommateur.

21 D’autre part, s’agissant de l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48, la juridiction de renvoi se demande si la simple énumération des circonstances dans lesquelles une augmentation des frais liés à l’exécution du contrat de crédit peut avoir lieu ainsi que la mention de certains mécanismes d’augmentation de ces frais peuvent être considérées comme étant suffisantes pour satisfaire au prescrit de cette disposition et, dans la négative, si une information insuffisante peut être
considérée comme une absence d’information justifiant l’application d’une sanction au titre de l’article 23 de cette directive.

22 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi se demande si une sanction introduite dans le droit national sur la base de l’article 23 de la directive 2008/48 peut être considérée comme proportionnée si, indépendamment du type de violation de l’obligation d’information, elle rend le crédit exempt d’intérêts et de frais fixés dans le contrat de crédit et qu’aucune autre sanction, moins contraignante et éventuellement plus proportionnée, ne peut être appliquée.

23 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 10, paragraphe 2, sous g), de la [directive 2008/48], lu à la lumière des considérants 6, 8 et 31 de la même directive, doit-il être interprété en ce sens que le prêteur a manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu de cette disposition lorsque, en raison du fait qu’une partie des clauses d’un contrat de crédit à la consommation est considérée comme abusive, le [TAEG] indiqué par lui lors de la conclusion du contrat est plus élevé que dans l’hypothèse où la clause abusive ne lie
pas le consommateur ?

2) L’article 10, paragraphe 2, sous k), de la [directive 2008/48], lu à la lumière des considérants 6, 8 et 31 de la même directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il suffit que le consommateur soit informé des circonstances dans lesquelles les frais liés à l’exécution du contrat peuvent être majorés, à savoir à quelle fréquence, dans quelle situation et de quel pourcentage maximal, même s’il n’est pas en mesure de vérifier la survenance de la circonstance en question et que les frais
peuvent par conséquent être doublés ?

3) L’article 23 de la [directive 2008/48], lu à la lumière des considérants 6, 8, 9 et 47 de la même directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit qu’une seule sanction en cas de violation de l’obligation d’information imposée au prêteur, [sanction] qui consiste à rendre le crédit exempt d’intérêts et de frais, indépendamment du niveau de gravité de la violation de ladite obligation et de son incidence sur la décision éventuelle du
consommateur de conclure le contrat de crédit ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un contrat de crédit mentionne un TAEG qui s’avère surestimé en raison du fait que certaines clauses de ce contrat sont ultérieurement reconnues comme étant abusives, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, et, partant, comme ne liant pas le consommateur constitue une violation de l’obligation
d’information énoncée à cette disposition de la directive 2008/48.

25 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 procède à une harmonisation totale en ce qui concerne les éléments qui doivent obligatoirement être inclus dans un contrat de crédit [arrêt du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22, EU:C:2024:263, point 50 et jurisprudence citée].

26 En particulier, l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48 prévoit que le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise, le TAEG et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit.

27 Le TAEG est défini à l’article 3, sous i), de la directive 2008/48 comme étant « le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2 ». Conformément à l’article 19, paragraphe 1, de cette directive, le TAEG est calculé selon une formule mathématique figurant à l’annexe I, partie I, de celle-ci.

28 À cet égard, il convient de rappeler que la directive 2008/48 a été adoptée dans le double objectif d’assurer à tous les consommateurs de l’Union européenne un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et de faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant du crédit à la consommation. Il ressort du considérant 19 de cette directive qu’elle tend notamment à garantir que le consommateur reçoive, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, des informations adéquates,
portant en particulier sur le TAEG dans toute l’Union, qui lui permettent de comparer ces taux (arrêt du 19 décembre 2019, Home Credit Slovakia, C‑290/19, EU:C:2019:1130, point 28 et jurisprudence citée).

29 La Cour a eu l’occasion de souligner que, pour un consommateur, le TAEG revêt une importance essentielle en tant que coût global du crédit, présenté sous la forme d’un taux calculé selon une formule mathématique unique. En effet, ce taux permet au consommateur d’apprécier, du point de vue économique, la portée de l’engagement que comporte la conclusion du contrat de crédit (arrêt du 19 décembre 2019, Home Credit Slovakia, C‑290/19, EU:C:2019:1130, point 29 et jurisprudence citée).

30 Ayant, notamment, égard à cette importance essentielle du TAEG pour le consommateur, la Cour a précisé que l’indication d’un TAEG qui ne reflète pas fidèlement l’ensemble des coûts visés à l’article 3, sous g), de la directive 2008/48 prive le consommateur de la possibilité de déterminer la portée de son engagement de la même manière que l’absence de mention de ce taux [voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22,
EU:C:2024:263, point 55].

31 Il ressort des considérations exposées aux points 26 à 30 du présent arrêt que l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que l’obligation de mentionner, de façon claire et concise, le TAEG dans un contrat de crédit ne saurait être limitée à ne pas le sous-évaluer, une indication erronée du TAEG pouvant également consister, en principe, en sa surestimation.

32 En effet, admettre qu’un contrat de crédit peut mentionner un TAEG surestimé risquerait de priver cette mention de son utilité pratique pour le consommateur et, partant, porterait atteinte à la réalisation de l’objectif poursuivi par l’obligation prévue à l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48, tel que cet objectif ressort de la jurisprudence citée aux points 28 et 29 du présent arrêt.

33 Cela étant précisé, il y a lieu d’observer que, en l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi part de la prémisse, dont elle ne demande pas à la Cour de confirmer le bien-fondé, selon laquelle il y a lieu d’écarter, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, l’application d’une partie des clauses du contrat en cause en raison de leur caractère abusif, de sorte que le TAEG calculé en faisant abstraction de ces clauses est
moins élevé que celui initialement indiqué dans ledit contrat.

34 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 19, paragraphe 3, de la directive 2008/48 prévoit que le calcul du TAEG repose sur l’hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant la durée convenue et que le prêteur et le consommateur rempliront leurs obligations selon les conditions ainsi que dans les délais précisés dans ce contrat.

35 Il en ressort qu’il est satisfait à l’obligation de mentionner le TAEG, prévue à l’article 10, paragraphe 2, sous g), de cette directive, si le TAEG mentionné dans le contrat concerné correspond à celui calculé selon la formule mathématique figurant à l’annexe I, partie I, de ladite directive, sur la base du « coût total du crédit pour le consommateur », au sens de l’article 3, sous g), de ladite directive, lequel coût total comprend les coûts que le consommateur est tenu de payer en application
de clauses de ce contrat, y compris celles qui, par la suite, s’avèrent abusives et ne lient pas le consommateur.

36 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un contrat de crédit mentionne un TAEG qui s’avère surestimé en raison du fait que certaines clauses de ce contrat sont ultérieurement reconnues comme étant abusives, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, et, partant, comme ne liant pas le consommateur, ne
constitue pas, en soi, une violation de l’obligation d’information énoncée à cette disposition de la directive 2008/48.

Sur la deuxième question

37 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un contrat de crédit énumère un certain nombre de circonstances susceptibles d’entraîner une augmentation des frais liés à l’exécution du contrat, sans toutefois que le consommateur soit en mesure de vérifier leur survenance et leur incidence sur ces frais, constitue une violation de l’obligation d’information
énoncée à cette disposition.

38 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48, un contrat de crédit doit mentionner, de façon claire et concise, outre les frais de tenue d’un ou de plusieurs comptes destinés à enregistrer tant les opérations de paiement que les prélèvements ainsi que les frais d’utilisation d’un moyen de paiement, tous les autres frais découlant du contrat et les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés.

39 Il ressort de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, lu à la lumière du considérant 31 de celle-ci, que l’exigence consistant à mentionner, dans un contrat de crédit établi sur un support papier ou sur un autre support durable, de façon claire et concise, les éléments visés par ladite disposition est nécessaire afin que le consommateur soit en mesure de connaître ses droits et obligations (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014,
point 233 ainsi que jurisprudence citée).

40 La connaissance et une bonne compréhension, par le consommateur, des éléments que doit obligatoirement contenir un contrat de crédit, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, sont nécessaires à la bonne exécution de ce contrat et, en particulier, à l’exercice des droits du consommateur (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 234 ainsi que jurisprudence citée).

41 Afin de permettre cette bonne compréhension desdits éléments dans le respect de l’exigence de clarté posée par l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, l’information fournie dans un contrat de crédit doit donc être dénuée de toute contradiction objectivement susceptible d’induire en erreur un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, quant à la portée de ses droits et obligations en vertu dudit contrat (arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a.,
C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 235 ainsi que jurisprudence citée).

42 Plus particulièrement, afin de satisfaire à l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles, revêt une importance essentielle le point de savoir si le contrat de crédit expose de manière transparente les conditions de remboursement du crédit ou le moyen de les déterminer, de sorte qu’un tel consommateur puisse prévoir, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Bucura,
C‑348/14, EU:C:2015:447, point 54).

43 Dès lors, les clauses du contrat de crédit doivent, notamment de manière transparente, exposer le motif et le mode de variation des frais liés au service à fournir, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur le fondement de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Bucura, C‑348/14, EU:C:2015:447, point 60).

44 Il s’ensuit que l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que les conditions dans lesquelles les frais liés à l’exécution d’un contrat de crédit peuvent être modifiés doivent être mentionnées de façon claire et concise dans ce contrat, de telle sorte, notamment, que, lues en combinaison avec d’autres informations, ces conditions soient dénuées de toute imprécision objectivement susceptible d’induire en erreur un consommateur moyen, normalement
informé et raisonnablement attentif et avisé quant à l’existence des événements pouvant déclencher la modification, et au lien entre la modification des frais et cet événement (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21, EU:C:2023:1014, point 238).

45 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi et résumés au point 14 du présent arrêt, il apparaît que les conditions de la modification des frais d’exécution du contrat en cause ont été définies sur la base d’indicateurs difficilement vérifiables pour le consommateur, à la fois avant la conclusion de ce contrat et en cours d’exécution de celui-ci. Il s’agissait en effet notamment d’indicateurs économiques variables, y compris ceux contrôlés par la
banque elle-même, ainsi que de certains autres indicateurs, décrits en termes vagues, faisant référence à l’évolution juridique au sens large. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l’augmentation des frais en cause au principal était plafonnée quantitativement, à 200 % au maximum, et temporairement, dans la limite des quatre fois par an au maximum, au plus tard six mois après la survenance de la condition, ne saurait infirmer ce constat.

46 Il incombe donc à la juridiction de renvoi, compte tenu des indications qui précèdent, d’examiner dans quelle mesure, dans l’affaire au principal, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, était en mesure, au regard du libellé des clauses contractuelles concernant l’augmentation des frais liés à l’exécution du contrat en cause, d’identifier clairement l’évolution de la portée de son engagement au cours de l’exécution de ce contrat.

47 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un contrat de crédit énumère un certain nombre de circonstances justifiant une augmentation des frais liés à l’exécution du contrat, sans toutefois qu’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé soit en mesure de vérifier leur survenance et leur incidence
sur ces frais, constitue une violation de l’obligation d’information énoncée à cette disposition, pour autant que cette indication est susceptible de mettre en cause la possibilité pour ce consommateur d’apprécier la portée de son engagement.

Sur la troisième question

48 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 23 de la directive 2008/48, lu à la lumière du considérant 47 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, en cas de violation de l’obligation d’information imposée au prêteur conformément à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, une sanction uniforme consistant à déchoir le prêteur de son droit aux intérêts et aux frais, indépendamment du
niveau de gravité de cette violation et de son incidence sur la décision du consommateur de conclure le contrat de crédit.

49 Il résulte du libellé de l’article 23 de la directive 2008/48, lu à la lumière du considérant 47 de celle-ci, que les États membres doivent définir le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive et prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Si le choix de ce régime est laissé à la discrétion des États membres, les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées
et dissuasives. Cela implique que la rigueur desdites sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité [voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22, EU:C:2024:263, point 52 et jurisprudence citée].

50 S’il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter et appliquer le droit national, de vérifier si, eu égard à l’ensemble des circonstances du litige au principal, les sanctions prévues par son droit national répondent aux exigences rappelées au point 49 du présent arrêt, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut néanmoins lui apporter des précisions afin de la guider dans son appréciation (voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, Nárokuj, C‑755/22,
EU:C:2024:10, point 42 et jurisprudence citée).

51 En l’occurrence, la juridiction de renvoi doute du caractère proportionnel de la sanction prévue par le droit national, à savoir la déchéance du droit du prêteur aux intérêts et aux frais. Cette juridiction considère, notamment, que les conditions justifiant l’augmentation des frais liés à l’exécution du contrat de crédit en cause ne sont pas pertinentes pour le consommateur lors de la conclusion du contrat, dans la mesure où le montant initial de ces frais s’avère relativement faible par rapport
au montant du crédit octroyé.

52 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 39 à 42 du présent arrêt, afin de permettre au consommateur d’avoir une entière connaissance des conditions auxquelles sera soumise l’exécution du contrat qu’il souscrit, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 exige que, au moment de la conclusion de celui-ci, ce consommateur détienne l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2016, Home Credit Slovakia,
C‑42/15, EU:C:2016:842, point 66).

53 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la violation, par le prêteur, d’une obligation revêtant une importance essentielle dans le contexte de la directive 2008/48 peut être sanctionnée, conformément à la réglementation nationale, par la déchéance de ce prêteur du droit aux intérêts et aux frais (arrêt du 9 novembre 2016, Home Credit Slovakia, C‑42/15, EU:C:2016:842, point 69).

54 Une telle sanction, bien que produisant des conséquences sérieuses à l’égard du prêteur, ne saurait être considérée comme disproportionnée qu’en cas d’absence de mention ou de mention erronée d’éléments qui, parmi ceux visés à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’affecter la capacité du consommateur d’apprécier la portée de son engagement (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2016, Home Credit Slovakia, C‑42/15, EU:C:2016:842,
point 72).

55 Or, l’obligation pour le prêteur, conformément à l’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48, de mentionner, dans le contrat de crédit, les conditions auxquelles une modification des frais d’exécution de ce contrat peut intervenir revêt également une importance essentielle pour le consommateur, dès lors que, pour apprécier la portée de son engagement, il doit pouvoir prévoir, ainsi qu’il ressort des points 41 et 42 du présent arrêt, les modifications éventuelles de ces frais sur
la base de critères clairs et compréhensibles et, partant, les conséquences économiques qui en découlent pour lui, quand bien même le montant initial de ces frais serait relativement faible par rapport au montant du crédit en cause.

56 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les conséquences de la violation des obligations d’information relatives à un contrat de crédit peuvent varier considérablement selon l’élément d’information spécifique en cause, la gravité de cette violation dépendant, en outre, dans la pratique, du nombre et de l’importance des éléments manquants dans ce contrat de crédit. De telles violations peuvent notamment rendre difficile, pour le consommateur, l’exercice des droits résultant du
contrat de crédit (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2024, Horyzont, C‑339/23, EU:C:2024:918, point 34).

57 Dès lors, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, le principe de proportionnalité ne s’oppose pas à ce qu’un État membre choisisse de prévoir une sanction uniforme consistant à déchoir le prêteur de son droit aux intérêts et aux frais pour la violation des différentes obligations d’information prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, alors même que la gravité individuelle de la violation de chacune de ces obligations ainsi que les
conséquences qui en découlent pour le consommateur peuvent varier selon les cas.

58 Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 23 de la directive 2008/48, lu à la lumière du considérant 47 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, en cas de violation de l’obligation d’information imposée au prêteur conformément à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, une sanction uniforme, consistant à déchoir le prêteur de son droit aux intérêts et aux
frais, indépendamment du niveau de gravité individuelle d’une telle violation, pour autant que cette violation soit susceptible de mettre en cause la possibilité pour le consommateur d’apprécier la portée de son engagement.

Sur les dépens

59 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil,

doit être interprété en ce sens que :

le fait qu’un contrat de crédit mentionne un taux annuel effectif global qui s’avère surestimé en raison du fait que certaines clauses de ce contrat sont ultérieurement reconnues comme étant abusives, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et, partant, comme ne liant pas le consommateur, ne constitue pas, en soi, une violation de l’obligation d’information
énoncée à cette disposition de la directive 2008/48.

  2) L’article 10, paragraphe 2, sous k), de la directive 2008/48

doit être interprété en ce sens que :

le fait qu’un contrat de crédit énumère un certain nombre de circonstances justifiant une augmentation des frais liés à l’exécution du contrat, sans toutefois qu’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé soit en mesure de vérifier leur survenance et leur incidence sur ces frais, constitue une violation de l’obligation d’information énoncée à cette disposition, pour autant que cette indication est susceptible de mettre en cause la possibilité pour ce consommateur
d’apprécier la portée de son engagement.

  3) L’article 23 de la directive 2008/48, lu à la lumière du considérant 47 de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, en cas de violation de l’obligation d’information imposée au prêteur conformément à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, une sanction uniforme, consistant à déchoir le prêteur de son droit aux intérêts et aux frais, indépendamment du niveau de gravité individuelle d’une telle violation, pour autant que cette violation soit susceptible de mettre en cause la possibilité pour le consommateur d’apprécier la portée de son
engagement.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-472/23
Date de la décision : 13/02/2025

Analyses

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Article 10, paragraphe 2 – Obligation d’information – Taux annuel effectif global – Modification des frais et des commissions – Article 23 – Régime de sanctions national – Principe de proportionnalité.


Parties
Demandeurs : Lexitor sp. z o.o.
Défendeurs : A.B. S.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:89

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