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13/02/2025 | CJUE | N°C-684/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SIA ,,Latvijas Sabiedriskais Autobuss” contre Iepirkumu uzraudzības birojs et VSIA „Autotransporta direkcija”., 13/02/2025, C-684/23


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services de transport public de voyageurs par autobus – Article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c) – Attribution des contrats de service public – Attribution d’un contrat de fourniture de services de transport public par autobus – Attribution sous forme d’un contrat de concession de services – Attribution directe par une a

utorité locale compétente à un
opérateur interne – Article 5, paragraphe 3 – Procédure d’attribution pa...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services de transport public de voyageurs par autobus – Article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c) – Attribution des contrats de service public – Attribution d’un contrat de fourniture de services de transport public par autobus – Attribution sous forme d’un contrat de concession de services – Attribution directe par une autorité locale compétente à un
opérateur interne – Article 5, paragraphe 3 – Procédure d’attribution par voie de mise en concurrence – Attribution d’un marché de fourniture de services de transport public par autobus par une autre autorité compétente – Participation de l’opérateur interne – Conditions »

Dans l’affaire C‑684/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie), par décision du 15 novembre 2023, parvenue à la Cour le 15 novembre 2023, dans la procédure

« Latvijas Sabiedriskais Autobuss » SIA

contre

Iepirkumu uzraudzības birojs,

« Autotransporta direkcija » VSIA,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. E. Regan (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour « Latvijas Sabiedriskais Autobuss » SIA, par Me A. Hartpenga, advokāte,

– pour « Autotransporta direkcija » VSIA, par M. A. Caune, valdes priekšsēdētājs, et M. T. Vectirāns, valdes loceklis,

– pour le gouvernement letton, par M. E. Bārdiņš, Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. P. Messina et Mme I. Rubene, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), et paragraphe 3, du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du
14 décembre 2016 (JO 2016, L 354, p. 22) (ci-après le « règlement no 1370/2007 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Latvijas Sabiedriskais Autobuss » SIA, une société de droit letton, à l’Iepirkumu uzraudzības birojs (Office de surveillance des marchés publics, Lettonie) (ci-après l’« OSMP ») et à « Autotransporta direkcija » VSIA (ci-après « ATD »), une entreprise publique chargée de l’organisation des services de transport public en Lettonie, au sujet de l’attribution du droit de fournir des services de transport public par autobus sur le
réseau de lignes d’intérêt régional dans la ville de Ventspils (Lettonie).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1370/2007

3 Aux termes des considérants 6, 7 et 18 du règlement no 1370/2007 :

« (6) De nombreux États membres ont établi une législation prévoyant l’octroi de droits exclusifs et la passation de contrats de service public pour au moins une partie de leur marché des transports publics, sur la base de procédures de mise en concurrence transparentes et équitables. De ce fait, les échanges entre les États membres se sont sensiblement accrus et plusieurs opérateurs de services publics fournissent aujourd’hui des services publics de transport de voyageurs dans plus d’un État
membre. Toutefois, l’évolution des législations nationales a conduit à l’application de procédures disparates et créé une insécurité juridique quant aux droits des opérateurs de services publics et aux obligations des autorités compétentes. Le règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable [(JO 1969,
L 156, p. 1)] ne traite pas de la manière dont les contrats de service public doivent être attribués dans la Communauté [européenne] ni, notamment, des circonstances dans lesquelles ils devraient faire l’objet d’une mise en concurrence. Il convient donc d’actualiser le cadre juridique communautaire.

(7) Les études réalisées et l’expérience acquise par les États membres ayant introduit depuis plusieurs années la concurrence dans le secteur des transports publics montrent que, si des clauses de sauvegarde appropriées sont en place, l’introduction d’une concurrence régulée entre les opérateurs permet de rendre les services plus attrayants, plus innovants et moins chers, sans entraver les opérateurs de services publics dans la poursuite des missions spécifiques qui leur ont été imparties. Cette
approche a été soutenue par le Conseil européen dans le cadre du processus dit de Lisbonne du 28 mars 2000, qui a demandé à la [Commission européenne], au [Conseil de l’Union européenne] et aux États membres, eu égard à leurs compétences respectives, d’“accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que [...] les transports”.

[...]

(18) Sous réserve des dispositions pertinentes du droit national, toute autorité locale ou, à défaut, toute autorité nationale peut choisir de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs sur son territoire ou de les confier sans mise en concurrence à un opérateur interne. Toutefois, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables, cette faculté de fourniture autonome doit être strictement encadrée. Le contrôle requis devrait être exercé par l’autorité compétente ou par
le groupement d’autorités compétentes fournissant des services intégrés de transport public de voyageurs, collectivement ou par l’intermédiaire de ses membres. Par ailleurs, une autorité compétente fournissant ses propres services de transport ou un opérateur interne ne devraient pas être autorisés à participer à une procédure de mise en concurrence ne relevant pas du territoire de l’autorité en question. L’autorité contrôlant l’opérateur interne devrait également avoir la possibilité
d’interdire à celui-ci de participer à une procédure de mise en concurrence organisée sur son territoire. [...] »

4 L’article 1er du règlement no 1370/2007, intitulé « Objet et champ d’application », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Le présent règlement a pour objet de définir comment, dans le respect des règles du droit communautaire, les autorités compétentes peuvent intervenir dans le domaine des transports publics de voyageurs pour garantir la fourniture de services d’intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, de meilleure qualité ou meilleur marché que ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir. »

5 Intitulé « Définitions », l’article 2 de ce règlement prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b) “autorité compétente”, toute autorité publique, ou groupement d’autorités publiques, d’un ou de plusieurs États membres, qui a la faculté d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone géographique donnée, ou tout organe investi d’un tel pouvoir ;

c) “autorité locale compétente”, toute autorité compétente dont la zone géographique de compétence n’est pas nationale ;

[...]

h) “attribution directe”, attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ;

i) “contrat de service public”, un ou plusieurs actes juridiquement contraignants manifestant l’accord entre une autorité compétente et un opérateur de service public en vue de confier à l’opérateur de service public la gestion et l’exploitation des services publics de transport de voyageurs soumis aux obligations de service public. Selon le droit des États membres, le contrat peut également consister en une décision arrêtée par l’autorité compétente qui :

– prend la forme d’un acte individuel législatif ou réglementaire, ou

– contient les conditions dans lesquelles l’autorité compétente elle-même fournit les services ou confie la fourniture de ces services à un opérateur interne ;

j) “opérateur interne”, une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ;

[...] »

6 L’article 5 dudit règlement, intitulé « Attribution des contrats de service public », énonce :

« 1.   Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. Toutefois, les marchés de services ou marchés publics de services, tels que définis par la directive 2004/17/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1),] ou par la directive 2004/18/CE [du Parlement européen
et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114)], pour les services publics de transport de voyageurs par autobus ou par tramway sont attribués conformément aux procédures prévues par lesdites directives lorsque ces contrats ne revêtent pas la forme de contrats de concession de services tels que définis dans ces directives. Lorsque les contrats sont attribués conformément à
la directive 2004/17/CE ou à la directive 2004/18/CE, les paragraphes 2 à 6 du présent article ne s’appliquent pas.

2.   Sauf interdiction en vertu du droit national, toute autorité locale compétente, qu’il s’agisse ou non d’une autorité individuelle ou d’un groupement d’autorités fournissant des services intégrés de transport public de voyageurs, peut décider de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs ou d’attribuer directement des contrats de service public à une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au
moins une autorité locale compétente exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

[...]

Lorsqu’une autorité compétente locale prend une telle décision, les dispositions suivantes s’appliquent :

[...]

b) le présent paragraphe est applicable à condition que l’opérateur interne et toute entité sur laquelle celui-ci a une influence, même minime, exercent leur activité de transport public de voyageurs sur le territoire de l’autorité locale compétente, nonobstant d’éventuelles lignes sortantes et autres éléments accessoires à cette activité se prolongeant sur le territoire d’autorités locales compétentes voisines, et ne participent pas à des mises en concurrence concernant la fourniture de services
publics de transport de voyageurs organisés en dehors du territoire de l’autorité locale compétente ;

c) nonobstant le point b), un opérateur interne peut participer à des mises en concurrence équitables pendant les deux années qui précèdent le terme du contrat de service public qui lui a été attribué directement, à condition qu’ait été prise une décision définitive visant à soumettre les services de transport de voyageurs faisant l’objet du contrat de l’opérateur interne à une mise en concurrence équitable et que l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué
directement ;

[...]

3.   Toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne attribue les contrats de service public par voie de procédure de mise en concurrence, sauf dans les cas visés aux paragraphes 3 bis, 4, 4 bis, 4 ter, 5 et 6. La procédure adoptée pour la mise en concurrence est ouverte à tout opérateur, est équitable et respecte les principes de transparence et de non-discrimination. [...]

[...]

5.   En cas d’interruption des services ou de risque imminent d’apparition d’une telle situation, l’autorité compétente peut prendre des mesures d’urgence.

Les mesures d’urgence prennent la forme d’une attribution directe ou d’un accord formel de prorogation d’un contrat de service public ou de l’exigence de l’exécution de certaines obligations de service public. L’opérateur de service public a le droit de former un recours contre la décision lui imposant l’exécution de certaines obligations de service public. La période pour laquelle un contrat est, au titre de mesures d’urgence, attribué, prorogé ou imposé ne dépasse pas une durée de deux ans. »

Le directive 2014/23/UE

7 L’article 5 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), intitulé « Définitions », énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “concessions”, des concessions de travaux ou de services au sens des points a) et b) :

[...]

b) “concession de services”, un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux visée au point a) à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ;

L’attribution d’une concession de travaux ou d’une concession de services implique le transfert au concessionnaire d’un risque d’exploitation lié à l’exploitation de ces travaux ou services, comprenant le risque lié à la demande, le risque lié à l’offre ou les deux. Le concessionnaire est réputé assumer le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas certain d’amortir les investissements qu’il a effectués ou les coûts qu’il a supportés lors de
l’exploitation des ouvrages ou services qui font l’objet de la concession. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, telle que toute perte potentielle estimée qui serait supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable ;

[...] »

8 L’article 10 de cette directive, intitulé « Exclusions applicables aux concessions attribuées par des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices », dispose, à son paragraphe 3 :

« La présente directive ne s’applique pas [...] aux concessions relatives à des services publics de transport de voyageurs au sens du règlement (CE) no 1370/2007. »

Le droit letton

9 L’article 8 de la Sabiedriskā transporta pakalpojumu likums (loi sur les services de transport public), du 14 juillet 2007 (Latvijas Vēstnesis, 2007, no 106), prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.   Le pouvoir adjudicateur organise la passation des marchés de services de transport public conformément au Publisko iepirkumu likums (loi sur les marchés publics) ou aux dispositions législatives régissant l’octroi des concessions, dans la mesure où la présente loi n’en dispose pas autrement.

3.   Le pouvoir adjudicateur peut attribuer directement le droit de fournir des services de transport public, sans suivre la procédure de passation de marchés de services de transport public visée au paragraphe 2 du présent article, dans les cas et selon les modalités prévues par le règlement no 1370/2007. [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

Le marché public en cause au principal

10 Le 19 mai 2021, ATD, en tant que pouvoir adjudicateur, a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert relative à l’attribution du droit de fournir des services de transport public par autobus sur le réseau de lignes d’intérêt régional, dans le cadre duquel les offres devaient être soumises jusqu’au 30 août 2021 (ci-après le « marché public en cause au principal »). La requérante au principal a soumis une offre dans le cadre de cette procédure, y compris pour le lot « Ventspils ».

11 Par décision du 7 décembre 2022 (ci-après la « décision du 7 décembre 2022 »), ATD a rejeté cette offre et attribué le marché public en cause au principal à une société dont l’intégralité du capital est détenue par la municipalité de Ventspils, à savoir Ventspils reiss PSIA (ci-après « VR »).

Le contrat de service public attribué directement

12 Le 13 janvier 2012, la municipalité de Ventspils, en tant qu’autorité locale compétente, a attribué directement à VR, en sa qualité d’opérateur interne, un contrat de service public pour la fourniture de services de transport public par autobus dans la ville de Ventspils, lequel devait expirer le 31 décembre 2023 (ci-après le « contrat de service public attribué directement »).

13 Le 27 septembre 2019, cette municipalité a décidé d’avancer la date d’échéance de ce contrat au 30 septembre 2021 et d’organiser une procédure d’appel d’offres portant sur le droit de fournir des services de transport public dans la ville de Ventspils. Cependant, ledit contrat prévoyait que sa durée pouvait être prolongée dans les cas prévus à l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 1370/2007.

14 Le 31 mars 2021, la municipalité de Ventspils a lancé une procédure d’appel d’offres pour la fourniture de services de transport public par autobus dans cette ville.

15 Le 2 septembre 2021, en raison du retard subi par la procédure d’appel d’offres, cette municipalité a décidé, en se fondant sur l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 1370/2007, de prolonger le contrat de service public attribué directement jusqu’à la conclusion d’un nouveau contrat ou, au plus tard, jusqu’au 30 septembre 2022.

16 Le 10 septembre 2021, la procédure d’appel d’offres a été interrompue, à la suite d’une décision de l’OSMP, en raison de la nécessité d’apporter une modification au cahier des charges.

17 Le 19 septembre 2021, la municipalité de Ventspils a lancé une nouvelle procédure d’appel d’offres pour la fourniture de services de transport public par autobus dans cette ville.

18 Le 22 septembre 2022, en raison du retard subi par la procédure de passation du marché public, cette municipalité a décidé, en se fondant sur l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 1370/2007, de prolonger une nouvelle fois le contrat de service public attribué directement jusqu’à la conclusion d’un nouveau contrat ou, au plus tard, jusqu’au 30 septembre 2023.

19 Le 1er juin 2023, cette procédure d’appel d’offres a été interrompue, à la suite d’une décision de l’OSMP, en raison de la nécessité d’éliminer des incohérences dans le cahier des charges.

La procédure juridictionnelle nationale relative au marché public en cause au principal

20 La requérante au principal a contesté, devant l’OSMP, la décision du 7 décembre 2022, en faisant valoir qu’ATD aurait dû exclure VR du marché public en cause au principal, en raison de la violation du délai de deux années, prévu à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007, pendant lequel cet opérateur interne peut être admis à participer à une telle procédure d’attribution par voie de mise en concurrence.

21 Par décision du 6 février 2023, l’OSMP a confirmé la décision du 7 décembre 2022, au motif que toutes les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 étaient remplies à la date fixée pour la soumission des offres, à savoir le 30 août 2021. Selon l’OSMP, la prolongation jusqu’au 30 septembre 2023 du contrat de service public attribué directement a eu lieu conformément à l’article 5, paragraphe 5, de ce règlement, afin d’assurer la
continuité du service de transport public sur le territoire de la municipalité de Ventspils. Quant à la question de l’existence éventuelle d’une aide d’État illégale, elle devrait être appréciée dans le cadre non pas d’une procédure de passation de marché ouverte et transparente, tel que le marché public en cause au principal organisé par ATD, mais des décisions prises et des contrats conclus par cette municipalité.

22 La requérante au principal a introduit un recours administratif devant l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie), qui est la juridiction de renvoi, contre la décision du 6 février 2023.

23 Selon elle, l’OSMP a méconnu le fait que la prolongation du contrat de service public attribué directement, à titre de mesures d’urgence en vertu de l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 1370/2007, équivaut à la conclusion d’un nouveau contrat attribué directement, en violation de l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), de ce règlement.

24 Par ailleurs, la requérante au principal ne conteste pas que, au moment de la soumission de l’offre, qui a eu lieu entre le 19 mai et le 30 août 2021, le délai de deux années qui précède le terme du contrat de service public attribué directement, prévu à cette dernière disposition, était respecté, puisque le terme de ce contrat avait été avancé au 30 septembre 2021. Toutefois, elle considère qu’il était nécessaire de réexaminer la situation au moment où la décision d’attribution du marché public
en cause au principal a été prise. Or, à ce moment-là, soit le 7 décembre 2022, l’échéance du contrat de service public attribué directement avait été reportée à la date du 30 septembre 2023, si bien que la soumission de l’offre aurait, en réalité, été effectuée en dehors du délai de deux années, au sens de ladite disposition, lequel a commencé à courir, en raison de ce report, seulement le 30 septembre 2021.

25 La requérante au principal soutient également que le raccourcissement, par la municipalité de Ventspils, de la durée du contrat de service public attribué directement, suivi de la prolongation, à plusieurs reprises, de ce contrat afin que VR puisse participer à l’appel d’offres organisé par ATD, constitue une pratique qui est, en soi, contraire à l’objectif poursuivi par le règlement no 1370/2007, consistant à réduire les distorsions de concurrence qui résulteraient de l’autorisation accordée à
pareils prestataires de services de participer à des appels d’offres et d’organiser des services de transport public en dehors du territoire de l’autorité locale compétente concernée. La requérante au principal se demande aussi si cette municipalité avait le droit de décider de prolonger le contrat de service public attribué directement, étant donné que l’allongement ou le retard d’une procédure d’appel d’offres ne saurait, de manière générale, être considéré comme étant un cas d’urgence, au sens
de l’article 5, paragraphe 5, de ce règlement.

26 L’OSMP et ATD estiment que le « principe de concurrence loyale » n’a pas été méconnu, puisque l’exécution du contrat de service public conclu à la suite de l’attribution du marché public en cause au principal ne devait commencer à courir qu’à la date du 1er juillet 2024, de sorte que VR ne recevrait pas de paiement à la fois pour l’exécution du contrat de service public attribué directement et pour celle du contrat de service public conclu dans le cadre du marché public en cause au principal.

27 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi considère qu’il lui incombe d’apprécier les conditions d’application de l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 dans le cadre d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement.

28 Cette juridiction relève que l’avocat général Saugmandsgaard Øe a considéré, dans ses conclusions dans les affaires jointes Mobit et Autolinee Toscane (C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2018:869, points 89 à 104), que la méconnaissance de l’exigence de cantonnement des activités de l’opérateur interne, prévue à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), du règlement no 1370/2007, ne peut avoir d’incidence sur une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5,
paragraphe 3, de ce règlement. Si ce raisonnement pourrait être transposé à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), dudit règlement, il n’en demeure pas moins, selon cette juridiction, que, d’une part, la Cour n’a pas examiné, dans l’arrêt du 21 mars 2019, Mobit et Autolinee Toscane (C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2019:237), la relation entre le paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), et le paragraphe 3 de l’article 5 du même règlement et, d’autre part, la pleine effectivité des
restrictions prévues à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b) et c), du règlement no 1370/2007 pourrait être affectée si leur respect ne devait pas être contrôlé dans le cadre de la procédure d’attribution par voie de mise en concurrence.

29 En effet, il résulterait du considérant 18 du règlement no 1370/2007 que l’attribution directe d’un contrat de service public relatif au transport de voyageurs doit être strictement encadrée afin de garantir le respect des conditions d’égalité de concurrence. L’attribution directe d’un tel contrat devrait donc être considérée comme étant un avantage économique auquel tout opérateur n’aurait pas droit dans des conditions normales de marché, de sorte que cet avantage et les paiements y afférents
auraient des effets sur la concurrence. Pour cette raison, l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), de ce règlement interdirait aux opérateurs internes de participer à des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence en dehors du territoire de l’autorité locale compétente. Cela étant, afin de promouvoir l’ouverture du marché des services de transport public, ledit règlement prévoirait, à son article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), une exception à cette
interdiction, moyennant le respect d’un certain nombre de conditions, centrées sur la renonciation à la fourniture d’un service attribué directement. Les décisions concernant l’organisation future des activités économiques de l’opérateur interne auraient une incidence sur le prix proposé par le soumissionnaire. Il serait donc essentiel, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables, que les conditions énoncées à cette dernière disposition soient contrôlées dans le cadre des procédures
d’attribution par voie de mise en concurrence.

30 Dès lors, la juridiction de renvoi estime qu’il est nécessaire d’interroger la Cour, en premier lieu, sur la question de savoir s’il y a lieu de contrôler, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007, les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), de ce règlement, relatives à la participation d’un opérateur interne à une procédure d’appel d’offres.

31 Si cette question devait appeler une réponse affirmative, cette juridiction devrait, en deuxième lieu, se pencher sur l’interprétation des conditions énoncées à cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), et leur application aux faits de l’affaire au principal. Il résulterait de cette disposition qu’un opérateur interne peut participer à une procédure d’appel d’offres ouvert, pour autant que, premièrement, l’échéance du contrat de service attribué directement se produise dans un délai
de deux années, deuxièmement, une décision définitive ait été prise visant à soumettre à une mise en concurrence équitable les services de transport de voyageurs faisant l’objet de ce contrat et, troisièmement, l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué directement.

32 Dans la présente affaire, il importerait, tout d’abord, de préciser à quel moment l’ensemble des conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 pour la participation d’un opérateur interne à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence doit être respecté. Étant donné qu’une telle participation est confirmée par une offre soumise par le soumissionnaire et que les décisions concernant l’organisation future des activités
économiques de l’opérateur interne sont susceptibles d’avoir une incidence sur le prix offert par ce soumissionnaire, les conditions pertinentes devraient être respectées au moment de la soumission de l’offre.

33 Cela étant, les faits de l’affaire au principal feraient ressortir que la situation peut changer ultérieurement. Ainsi, en l’occurrence, la durée du contrat de service public attribué directement aurait été prolongée à plusieurs reprises sur le fondement de l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 1370/2007, dépassant au total le délai de deux ans à compter de la soumission de l’offre, si bien que la question se poserait de savoir si ATD, en tant que pouvoir adjudicateur, aurait dû vérifier, au
moment de l’attribution, si les conditions de l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), de ce règlement étaient toujours réunies au moment de la soumission de l’offre et si, partant, VR, en sa qualité d’opérateur interne, aurait dû être exclu de l’appel d’offres.

34 La juridiction de renvoi souscrit à l’interprétation proposée par la requérante au principal selon laquelle, dans le cadre d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, il convient de tenir compte également des changements de circonstances factuelles intervenus après la soumission de l’offre. En effet, il ne saurait être exclu que les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 ne soient formellement remplies qu’au moment
de la soumission de l’offre, en particulier eu égard à l’interdépendance entre l’autorité locale compétente et l’opérateur interne. Cela étant, cette juridiction est encline à souscrire à la position défendue par ATD et l’OSMP, selon laquelle des changements de circonstances factuelles après la soumission d’une offre doivent être envisagés sous l’angle de la question de savoir s’ils affectent la concurrence loyale entre les soumissionnaires.

35 La juridiction de renvoi estime donc qu’il convient de déterminer si l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 doit être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il décide d’attribuer un marché public, est tenu de vérifier si l’ensemble des conditions énoncées par cette disposition sont remplies au moment de la soumission de l’offre, y compris en prenant en considération des circonstances survenues après la soumission de l’offre qui sont
susceptibles d’affecter la concurrence loyale entre les soumissionnaires.

36 En troisième lieu, cette juridiction considère qu’il est nécessaire d’adresser à la Cour une question sur le point de savoir si, comme le fait valoir la requérante au principal, la prolongation d’un contrat de service public attribué directement doit être assimilée à la conclusion d’un nouveau contrat de service public attribué directement, au sens de l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007. Étant donné que la prolongation de la durée d’exécution du contrat
interviendrait dans le cadre d’un contrat existant, sans en modifier les autres clauses, ladite juridiction doute que la condition énoncée à cette disposition, imposant que « l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué directement », puisse recevoir une interprétation aussi large.

37 Dans ces conditions, l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 5 du règlement no 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de la procédure de passation de marché prévue au paragraphe 3 de cet article, il y a lieu de vérifier les conditions énoncées au paragraphe 2, [troisième alinéa,] sous c), du même article, relatives à la participation d’un opérateur interne à la passation d’un marché ?

2) Si la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative, l’article 5, paragraphe 2, [troisième alinéa], sous c), du règlement [no 1370/2007] doit-il être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il décide d’attribuer un marché, est tenu de vérifier si l’ensemble des conditions prévues à cette disposition sont remplies au moment de la soumission de l’offre, y compris en prenant en considération des circonstances survenues après la présentation de l’offre et
susceptibles d’affecter la concurrence loyale entre les soumissionnaires ?

3) Si la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative, l’article 5, paragraphe 2, [troisième alinéa], sous c), du règlement no 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens que la prolongation de la durée d’exécution d’un contrat de service précédemment conclu doit être considérée comme un autre contrat de service public attribué directement au sens de cette disposition ? »

Sur les questions préjudicielles

Considérations liminaires

38 Il convient de rappeler que le règlement no 1370/2007, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, contient, en ce qui concerne les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, des règles spéciales prévoyant des modalités d’intervention dans les régimes généraux de marchés publics (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2016, Hörmann Reisen, C‑292/15, EU:C:2016:817, points 44 à 46, ainsi que du 20 septembre 2018, Rudigier, C‑518/17,
EU:C:2018:757, point 49), lesquels étaient institués, au moment de l’entrée en vigueur de ce règlement, par les directives 2004/17 et 2004/18, désormais remplacées respectivement par la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243), et la directive 2014/24/UE du
Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

39 À cet égard, l’article 5 du règlement no 1370/2007 prévoit, à ses paragraphes 2 à 6, des règles spécifiques d’attribution des « contrats de service public », au sens de l’article 2, sous i), de ce règlement, relatifs au transport de voyageurs par chemin de fer et par route, en offrant à l’« autorité compétente », telle que définie à l’article 2, sous b), de celui-ci, la liberté de choisir entre une procédure d’« attribution directe », au sens de l’article 2, sous h), dudit règlement, laquelle est
régie par l’article 5, paragraphe 2, de celui-ci, et une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, telle que visée à l’article 5, paragraphe 3, du même règlement.

40 Toutefois, ainsi qu’il découle des deuxième et troisième phrases de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1370/2007, l’attribution d’un contrat de service public relatif au transport de voyageurs par autobus ou par tramway est régie, lorsque ce contrat ne revêt pas la forme d’un contrat de concession de services, non par les règles spéciales prévues à l’article 5, paragraphes 2 à 6, de ce règlement, mais par les règles générales de passation des marchés publics instituées par les
directives 2014/24 et 2014/25 (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, Hörmann Reisen, C‑292/15, EU:C:2016:817, points 36 à 41).

41 En effet, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, les contrats de service public de transport de voyageurs par autobus ou par tramway ne revêtant pas la forme de contrats de concession de services étaient déjà pleinement soumis aux règles générales de passation des marchés publics qui étaient prévues par les directives 2004/17 et 2004/18 avant l’adoption du règlement no 1370/2007 (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Verkehrsbetrieb Hüttebräucker et Rhenus Veniro, C‑266/17 et C‑267/17,
EU:C:2019:241, point 73).

42 En revanche, les contrats de « concession de services », tels que définis à l’article 5, point 1, sous b), de la directive 2014/23, relatifs aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route visés par le règlement no 1370/2007, sont explicitement exclus du champ d’application de cette directive par l’article 10, paragraphe 3, de celle-ci.

43 Il en résulte qu’un contrat de service public de transport de voyageurs par autobus, tel que celui en cause au principal, ne relève des dispositions de l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1370/2007, sur lesquelles portent les trois questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, que s’il constitue un tel contrat de concession de services. Il convient, en conséquence, de répondre à ces questions en se fondant sur cette prémisse, qu’il incombe cependant à cette
juridiction de vérifier.

Sur la première question

44 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 doit être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur doit, lorsqu’un opérateur interne, auquel a été précédemment attribué directement un contrat de service public par une autorité locale compétente, participe à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, vérifier
le respect par celui-ci des conditions énoncées à cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), afin de déterminer si cet opérateur est en droit de participer à une telle procédure.

45 Il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), du règlement no 1370/2007 interdit à un « opérateur interne », au sens de l’article 2, sous j), de ce règlement, auquel une « autorité locale compétente », telle que définie à l’article 2, sous c), de celui-ci, a attribué directement un contrat de service public, de participer, conformément à une exigence dite de « cantonnement géographique », à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence en dehors
du territoire de cette autorité locale.

46 Toutefois, l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), dudit règlement prévoit que, nonobstant cette interdiction, un opérateur interne peut participer à des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence moyennant le respect de trois conditions, à savoir, premièrement, que cette participation ait lieu pendant les deux années qui précèdent le terme du contrat de services public qui lui a été attribué directement, deuxièmement, qu’ait été prise une décision définitive visant à
soumettre les services de transport de voyageurs faisant l’objet de ce contrat à une mise en concurrence équitable et, troisièmement, que l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué directement.

47 Afin de répondre à la question posée, il convient, dès lors, de déterminer si le respect des conditions, prévues à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 s’impose dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence, telle que visée à l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, si bien qu’un opérateur interne devrait être exclu d’une telle procédure en cas de violation de l’une de ces conditions.

48 Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte, non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, DOBELES AUTOBUSU PARKS e.a., C‑421/22, EU:C:2023:1028, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

49 En ce qui concerne, en premier lieu, le libellé des dispositions pertinentes du règlement no 1370/2007, il convient de relever que, selon ses termes dépourvus d’ambiguïté, l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement énonce, ainsi qu’il ressort de ses premier et troisième alinéas, les dispositions applicables, lorsqu’une autorité locale compétente décide d’« attribuer directement » des contrats de service public de transport de voyageurs à un « opérateur interne », tel que défini à l’article 2,
sous j), dudit règlement. Parmi les conditions prévues par ces dispositions figurent celles énoncées au point c) de cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa.

50 En revanche, l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 s’applique, selon les termes tout aussi clairs de la première phrase de cette disposition, lorsqu’une autorité compétente « recourt à un tiers », plutôt qu’à l’un de ses propres opérateurs internes dans le cadre d’une procédure d’attribution directe, et « attribue les contrats de service public par voie de procédure de mise en concurrence ». Or, la deuxième phrase de ladite disposition exige explicitement que cette procédure soit
« ouverte à tout opérateur », sans que soit opéré un renvoi aux conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement et figurent, dans cet article 5, paragraphe 3, des conditions similaires.

51 Il s’ensuit, d’une part, que les autorités compétentes, lorsqu’elles envisagent d’attribuer un contrat de service public de transport de voyageurs relevant du champ d’application dudit règlement, sont tenues d’avoir recours soit à la procédure d’attribution directe, soit à la procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, et, d’autre part, que, lorsque ces autorités optent pour cette dernière procédure, elles doivent l’ouvrir à tout opérateur, y compris aux opérateurs internes relevant
d’autres autorités compétentes ayant bénéficié d’une attribution directe par celles-ci.

52 Il ressort ainsi du libellé des dispositions pertinentes du règlement no 1370/2007 que l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), de ce règlement énonce des conditions de validité des seules procédures d’attribution directe, si bien que la participation d’un opérateur interne ayant bénéficié d’une telle attribution directe à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement, en violation de l’une des conditions énoncées à
cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), est uniquement susceptible d’affecter la validité de cette attribution directe, mais non celle de sa participation à la procédure d’attribution par voie de mise en concurrence. Cette dernière disposition est donc sans pertinence aux fins de l’application dudit article 5, paragraphe 3.

53 Cette interprétation est corroborée, en deuxième lieu, par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007.

54 En effet, cette disposition, dans la mesure où elle précise, ainsi qu’il ressort des points 45 et 46 du présent arrêt, l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), de ce règlement, contribue, conjointement avec à ce dernier, à déterminer la portée de l’exigence de cantonnement géographique des activités de l’opérateur interne, qui y est énoncée.

55 Or, il ressort des termes « le présent paragraphe est applicable à condition que », introduisant cette dernière disposition, lus à la lumière du considérant 18 dudit règlement, que cette exigence est une condition de validité des seules procédures d’attribution directe, afin d’assurer des conditions de concurrence équitable, notamment, lorsqu’une autorité nationale décide de confier la fourniture de services publics de transport de voyageurs à un opérateur interne.

56 En troisième lieu, l’interprétation figurant au point 52 du présent arrêt, dans la mesure où elle permet à tout opérateur interne ayant bénéficié d’une attribution directe de participer à des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence, est également conforme à l’un des l’objectifs poursuivis par le règlement no 1370/2007, qui est, ainsi qu’il ressort de ses considérants 6 et 7, d’accroître le recours à ces procédures pour la fourniture des services publics de transport de voyageurs.
En effet, selon une jurisprudence constante, il est de l’intérêt du droit de l’Union que soit assurée la participation la plus large possible de soumissionnaires à un appel d’offres (arrêt du 8 décembre 2022, BTA Baltic Insurance Company, C‑769/21, EU:C:2022:973, point 36 et jurisprudence citée).

57 À cet égard, s’il est vrai que certains opérateurs internes pourraient être dissuadés de participer à des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence, puisqu’une telle participation pourrait être sanctionnée par l’invalidité des attributions directes dont ils ont bénéficié, il n’en demeure pas moins, toutefois, que l’effectivité des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence est ainsi préservée, dès lors que tout opérateur interne conserve pleinement le droit de
participer à de telles procédures.

58 Par ailleurs, il convient de souligner que l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 exige que toute procédure d’attribution par voie de mise en concurrence soit non seulement « ouverte à tout opérateur », mais également équitable et qu’elle « respecte les principes de transparence et de non-discrimination ». Ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, il incombe, dès lors, aux autorités compétentes d’adopter toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le respect de ces
exigences dans le respect du principe de proportionnalité, en permettant à tout opérateur interne ayant bénéficié d’une attribution directe de démontrer le caractère équitable, transparent et non discriminatoire de son offre.

59 En conséquence, il convient de répondre à la première question que l’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1370/2007 doit être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur ne doit pas, lorsqu’un opérateur interne, auquel a été précédemment attribué directement un contrat de service public par une autorité locale compétente, participe à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, vérifier le
respect par celui-ci des conditions énoncées à cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), afin de déterminer si cet opérateur est en droit de participer à une telle procédure.

Sur les deuxième et troisième questions

60 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

61 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  L’article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016,

  doit être interprété en ce sens que :

  le pouvoir adjudicateur ne doit pas, lorsqu’un opérateur interne, auquel a été précédemment attribué directement un contrat de service public par une autorité locale compétente, participe à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007, tel que modifié par le règlement 2016/2338, vérifier le respect par celui-ci des conditions énoncées à cet article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), afin de déterminer si cet
opérateur est en droit de participer à une telle procédure.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le letton.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-684/23
Date de la décision : 13/02/2025

Analyses

Renvoi préjudiciel – Transports – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services de transport public de voyageurs par autobus – Article 5, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c) – Attribution des contrats de service public – Attribution d’un contrat de fourniture de services de transport public par autobus – Attribution sous forme d’un contrat de concession de services – Attribution directe par une autorité locale compétente à un opérateur interne – Article 5, paragraphe 3 – Procédure d’attribution par voie de mise en concurrence – Attribution d’un marché de fourniture de services de transport public par autobus par une autre autorité compétente – Participation de l’opérateur interne – Conditions.


Parties
Demandeurs : SIA ,,Latvijas Sabiedriskais Autobuss”
Défendeurs : Iepirkumu uzraudzības birojs et VSIA „Autotransporta direkcija”.

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:90

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