ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
27 février 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Directive 96/67/CE – Accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de l’Union européenne – Article 1er – Champ d’application – Aéroports disposant d’un trafic annuel inférieur à deux millions de mouvements de passagers – Refus d’accès à l’infrastructure aéroportuaire dans un tel aéroport – Article 6 – Assistance aux tiers – Applicabilité des règles de concurrence – Article 102 TFUE »
Dans l’affaire C‑220/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 20 décembre 2021, parvenue à la Cour le 22 mars 2024, dans la procédure
Regia Autonomă Aeroportul Internaţional « Avram Iancu » Cluj
contre
Consiliul Concurenţei,
en présence de :
Romanian Airport Services SA,
Sindicatul Independent al Aeroportului Cluj,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. N. Jääskinen (rapporteur), président de chambre, M. M. Condinanzi et Mme R. Frendo, juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour la Regia Autonomă Aeroportul Internaţional « Avram Iancu » Cluj, par Me P. Buta, avocat, et Me A. Lepièce, avocate,
– pour le Consiliul Concurenţei, par Mme C. Butacu et M. B. Chiriţoiu, en qualité d’agents,
– pour Romanian Airport Services SA, par Me M.-C. Furtună, avocat,
– pour le Sindicatul Independent al Aeroportului Cluj, par Me O. Podaru, avocat,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri et M. G. Greco, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. I. V. Rogalski et Mme B. Sasinowska, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, 6 et 7 de la directive 96/67/CE du Conseil, du 15 octobre 1996, relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (JO 1996, L 272, p. 36), ainsi que de l’article 102 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Regia Autonomă Aeroportul Internaţional « Avram Iancu » Cluj (régie autonome de l’aéroport international « Avram Iancu » de Cluj, ci-après la « régie autonome ») au Consiliul Concurenţei (Conseil de la concurrence, Roumanie) au sujet d’une demande d’annulation d’une décision par laquelle ce dernier a infligé une amende à la régie autonome pour abus de position dominante.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 1, 2, 10 et 28 de la directive 96/67 sont libellés comme suit :
« (1) considérant que la Communauté [européenne] a progressivement mis en place une politique commune des transports aériens dans le but de réaliser le marché intérieur, conformément à l’article [26 TFUE], et ce aux fins de promouvoir durablement le progrès économique et social ;
(2) considérant que l’objectif fixé par l’article [56 TFUE] consiste à supprimer les restrictions à la libre prestation de services dans la Communauté ; que, conformément à l’article [58 TFUE], cet objectif doit être atteint dans le cadre de la politique commune des transports ;
[...]
(10) considérant que le libre accès au marché de l’assistance en escale doit être réalisé de manière progressive et adaptée aux exigences du secteur ;
[...]
(28) considérant que la présente directive ne saurait porter atteinte à l’application des dispositions du traité, et notamment que la Commission [européenne] continuera à veiller au respect de ces règles en exerçant, en cas de nécessité, toutes les facultés que l’article [106 TFUE] lui reconnaît ».
4 L’article 1er, paragraphes 1 à 3, de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoit :
« 1. La présente directive s’applique à tout aéroport situé sur le territoire d’un État membre, soumis aux dispositions du traité et ouvert au trafic commercial selon les modalités suivantes.
a) Les dispositions de l’article 7 paragraphe 1 relatives aux catégories de services autres que celles visées à l’article 7 paragraphe 2 s’appliquent à tout aéroport indépendamment de son volume de trafic dès le 1er janvier 1998.
b) Les dispositions relatives aux catégories de services visées à l’article 7 paragraphe 2 s’appliquent dès le 1er janvier 1998 aux aéroports dont le trafic annuel est supérieur ou égal à 1 million de mouvements de passagers ou 25000 tonnes de fret.
c) Les dispositions relatives aux catégories de services visées à l’article 6 s’appliquent dès le 1er janvier 1999 aux aéroports :
– dont le trafic annuel est supérieur ou égal à 3 millions de mouvements de passagers ou 75000 tonnes de fret
ou
– ayant enregistré un trafic supérieur ou égal à 2 millions de mouvements de passagers ou 50000 tonnes de fret au cours de la période de six mois précédant le 1er avril ou le 1er octobre de l’année antérieure.
2. Sans préjudice du paragraphe 1, les dispositions de la présente directive s’appliquent, à dater du 1er janvier 2001, à tout aéroport situé sur le territoire d’un État membre, soumis aux dispositions du traité et ouvert au trafic commercial, et dont le trafic annuel est supérieur ou égal à 2 millions de mouvements de passagers ou 50000 tonnes de fret.
3. Lorsqu’un aéroport atteint l’un des seuils de trafic de fret visés au présent article sans toutefois atteindre le seuil de trafic de passagers correspondant, les dispositions de la présente directive ne s’appliquent pas en ce qui concerne les catégories de services d’assistance réservées uniquement aux passagers. »
5 L’article 6, paragraphes 1 et 2, de ladite directive, intitulé « Assistance aux tiers », dispose :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, selon les modalités prévues à l’article 1er, pour assurer aux prestataires des services d’assistance en escale le libre accès au marché de la prestation de services d’assistance en escale à des tiers.
Les États membres ont la faculté d’imposer que les prestataires des services d’assistance en escale soient établis dans la Communauté.
2. Les États membres peuvent limiter le nombre de prestataires autorisés à fournir les catégories de services d’assistance en escale suivantes :
– assistance “bagages”,
– assistance “opérations en piste”,
– assistance “carburant et huile”,
– assistance “fret et poste” en ce qui concerne, tant à l’arrivée qu’au départ ou en transit, le traitement physique du fret et du courrier entre l’aérogare et l’avion.
Ils ne peuvent toutefois limiter ce nombre à moins de deux, pour chaque catégorie de service. »
6 L’article 7, paragraphe 1, de la même directive, intitulé « Auto-assistance », prévoit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires selon les modalités prévues à l’article 1er pour assurer le libre exercice de l’auto-assistance en escale. »
Le droit roumain
La loi sur la concurrence
7 L’article 6, paragraphe 1, de la Legea concurenței nr. 21/1996 (loi no 21/1996 sur la concurrence), du 10 avril 1996 (republiée dans le Monitorul Oficial al României, partie I, no 153 du 29 février 2016, ci-après la « loi sur la concurrence »), dispose :
« Est interdit le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché roumain ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ;
b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ;
c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats. »
L’arrêté no 101 du 9 mai 2007
8 La directive 96/67 a été transposée en droit roumain par l’Ordinul Ministerului Transporturilor nr. 101 pentru aprobarea Reglementării aeronautice civile române privind accesul pe piața serviciilor de handling la sol pe aeroporturi – RACR-APSH, ediția 03/2007 (arrêté no 101 du ministère des Transports portant approbation de la réglementation de l’aviation civile roumaine relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports – RACR-APSH, édition 03/2007), du 9 mai
2007 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 334 du 17 mai 2007).
9 L’annexe 1 de cet arrêté prévoit, à son article 1er, paragraphes 1 et 2 :
« 1. La présente réglementation s’applique à tout aéroport situé sur le territoire roumain ouvert au trafic commercial selon les modalités suivantes :
[...]
c) les dispositions relatives aux catégories de services visées à l’article 6 s’appliquent aux aéroports ayant enregistré un trafic annuel supérieur à 2 millions de mouvements de passagers ou 50000 tonnes de fret.
2. Lorsqu’un aéroport atteint l’un des seuils de trafic de fret visés au présent article sans toutefois atteindre le seuil de trafic de passagers correspondant, les dispositions de la présente réglementation ne s’appliquent pas en ce qui concerne les catégories de services d’assistance en escale réservées uniquement aux passagers. »
10 L’article 6 de cette annexe, intitulé « Assistance aux tiers », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les aéroports prennent les mesures nécessaires pour assurer aux prestataires des services d’assistance en escale le libre accès au marché de la prestation de services d’assistance en escale à des tiers. Moyennant l’approbation du ministère des Transports, l’aéroport a la faculté d’imposer que les prestataires des services d’assistance en escale soient établis dans la Communauté. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 La régie autonome est une personne morale de droit roumain qui dépend, depuis l’année 1997, du Consiliul Județean Cluj (conseil départemental de Cluj, Roumanie). La principale activité de cette régie est de mettre l’infrastructure de l’aéroport international « Avram Iancu » de Cluj (ci-après l’« aéroport de Cluj ») à la disposition des entreprises de transport aérien de passagers et/ou de fret ainsi que des passagers des transports aériens. Elle donne également accès à l’infrastructure
aéroportuaire à des entreprises fournissant d’autres types de services, tels que des services d’assistance en escale. En outre, la régie autonome fournit elle-même certaines catégories de services d’assistance en escale aux compagnies de transport aérien opérant à l’aéroport de Cluj ainsi que des services commerciaux liés à l’activité de cet aéroport.
12 Au mois d’août 2016, l’aéroport de Cluj a dépassé le seuil d’un million de mouvements de passagers enregistrés au cours d’une année civile. Le 21 septembre 2017, il a dépassé le seuil de deux millions de mouvements de passagers.
13 Au cours de l’année 2016, le Conseil de la concurrence a ouvert une enquête à la suite d’une plainte déposée par Romanian Airport Services SA (ci-après « RAS »), une personne morale de droit roumain, qui avait déposé une demande afin de devenir prestataire de services d’assistance en escale à l’aéroport de Cluj.
14 À l’issue de cette enquête, le Conseil de la concurrence a constaté, par décision du 8 octobre 2019, que la régie autonome avait enfreint l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur la concurrence ainsi que l’article 102 TFUE, en ce qu’elle avait commis un abus de position dominante en refusant à RAS l’accès à l’infrastructure aéroportuaire nécessaire aux fins de l’exercice de l’activité d’assistance en escale à l’aéroport de Cluj pendant la période comprise entre le 11 septembre 2015 et le 9 mars
2017. La régie autonome s’est vu infliger une amende d’un montant de 1642551,28 lei roumains (RON) (environ 330420 euros).
15 La régie autonome a demandé l’annulation de cette décision devant la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, en faisant valoir, notamment, que ladite décision reposait sur une interprétation et une application erronées de la directive 96/67.
16 La régie autonome soutient que l’article 6 de la loi sur la concurrence et l’article 102 TFUE ne sauraient prévaloir sur les dispositions contenues dans la directive 96/67, qui est une loi spéciale dérogeant au droit général de la concurrence. Elle fait valoir que, en vertu de cette directive, elle pouvait, jusqu’au seuil de deux millions de mouvements de passagers, organiser l’activité d’assistance en escale à l’aéroport de Cluj en tenant seulement compte des contraintes de sécurité ainsi que
des contraintes techniques et commerciales. Dès lors, elle n’était pas tenue d’accorder, à tout candidat, un accès automatique à l’infrastructure aéroportuaire dans les conditions souhaitées par celui-ci.
17 Pour sa part, le Conseil de la concurrence soutient que la directive 96/67 ne constitue pas une loi spéciale par rapport à l’article 102 TFUE et que l’application éventuelle de la directive 96/67 n’exclut pas l’application des règles du droit de la concurrence.
18 Dans ces conditions, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions de la [directive 96/67], notamment ses articles 1er, 6 et 7, doivent-elles être considérées comme excluant l’application de l’article 102 TFUE – et de toute autre règle ayant le même contenu – dans les situations qui concernent un refus d’accès à l’infrastructure aéroportuaire nécessaire à l’exercice des activités d’assistance en escale dans les aéroports de l’[Union européenne] n’ayant pas atteint le seuil de 2 millions de mouvements de passagers ? »
Sur la question préjudicielle
19 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il lui appartient, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale,
et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (arrêt du 24 octobre 2024, Kwantum Nederland et Kwantum België, C‑227/23, EU:C:2024:914, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
20 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, si la question préjudicielle vise non seulement les articles 1er et 6 de la directive 96/67, mais également l’article 7 de celle-ci, le litige au principal ne concerne pas l’auto-assistance visée par cette dernière disposition. Ce litige porte sur le refus de la régie autonome d’accorder à RAS, une entreprise fournissant des services d’assistance en escale, l’accès à l’infrastructure nécessaire pour fournir de tels services à l’aéroport de
Cluj. Or, il y a lieu de relever que c’est l’article 6 de cette directive qui porte sur l’assistance aux tiers et qu’il dispose, à son paragraphe 1, que les États membres prennent les mesures nécessaires, selon les modalités prévues à l’article 1er de laditedirective, pour assurer aux prestataires des services d’assistance en escale le libre accès au marché de la prestation de services d’assistance en escale à des tiers.
21 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er et 6 de la directive 96/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à l’application de l’article 102 TFUE dans des circonstances où un prestataire de services d’assistance en escale s’est vu refuser l’accès à l’infrastructure aéroportuaire, nécessaire aux fins de l’exercice de cette activité, d’un aéroport de l’Union dont, à la date de ce
refus, le trafic annuel était inférieur à deux millions de mouvements de passagers.
22 D’emblée, il ressort des considérants 1, 2 et 10 de la directive 96/67 que cette directive a pour objectif de supprimer les restrictions à la libre prestation des services dans le marché intérieur en libéralisant progressivement le marché de l’assistance en escale dans les aéroports de l’Union.
23 Dans cette optique de libéralisation progressive, l’article 1er de ladite directive prévoit, à son paragraphe 1, sous c), que, dans un premier temps, à partir du 1er janvier 1999, l’article 6 de la même directive ne s’applique, notamment, qu’aux aéroports ayant enregistré un trafic supérieur ou égal à deux millions de mouvements de passagers ou 50000 tonnes de fret au cours de la période de six mois précédant le 1er avril ou le 1er octobre de l’année antérieure. Dans un second temps, cet
article 1er dispose, à son paragraphe 2, que, sans préjudice de son paragraphe 1, les dispositions de la directive 96/67 s’appliquent, à partir du 1er janvier 2001, à tout aéroport situé sur le territoire d’un État membre, soumis aux dispositions du traité et ouvert au trafic commercial, et dont le trafic annuel est supérieur ou égal à deux millions de mouvements de passagers ou 50000 tonnes de fret. Il ressort en outre du paragraphe 3 dudit article 1er que, lorsqu’un aéroport atteint l’un des
seuils de trafic de fret visés à cet article sans toutefois atteindre le seuil de trafic de passagers correspondant, les dispositions de cette directive ne s’appliquent pas en ce qui concerne les catégories de services d’assistance réservées uniquement aux passagers.
24 Il découle ainsi de l’article 1er de la directive 96/67 que l’article 6 de celle-ci ne s’applique, à partir du 1er janvier 2001, qu’aux aéroports de l’Union dont le trafic annuel est supérieur ou égal à deux millions de mouvements de passagers.
25 Or, il ressort de la décision de renvoi que, en l’occurrence, à la date du refus de la régie autonome d’accorder à RAS l’accès à l’infrastructure nécessaire pour fournir des services d’assistance en escale à l’aéroport de Cluj, celui-ci n’avait pas atteint le seuil de deux millions de mouvements de passagers prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 96/67.
26 Ce refus d’accès ne relevant ainsi pas du champ d’application de l’article 6 de cette directive, la régie autonome n’était pas tenue, sur le fondement de celle-ci, d’accorder à un prestataire de services tel que RAS l’accès à l’infrastructure aéroportuaire nécessaire à la fourniture de services d’assistance en escale.
27 Toutefois, il y a lieu de souligner que la simple existence d’une réglementation sectorielle ne saurait en aucun cas impliquer que le comportement en cause échappe aux règles de concurrence prévues par les traités, indépendamment du point de savoir si cette réglementation sectorielle est ou non applicable à ce comportement.
28 En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, l’illégalité d’un comportement abusif au regard de l’article 102 TFUE est sans relation avec sa conformité ou non à d’autres règles juridiques et les abus de position dominante consistent, dans la majorité des cas, en des comportements par ailleurs légaux au regard de branches du droit autres que le droit de la concurrence (arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission,C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 132). En d’autres termes, le fait que le comportement
d’une entreprise soit conforme à un cadre réglementaire n’implique pas que ce comportement soit conforme à l’article 102 TFUE (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 133).
29 Un tel principe est d’ailleurs clairement rappelé au considérant 28 de la directive 96/67, qui indique que cette directive ne saurait porter atteinte à l’application des dispositions du droit primaire et qui fait notamment référence aux pouvoirs de la Commission au titre de l’article 106 TFUE.
30 Il en découle que, pour autant que les conditions d’application de l’article 102 TFUE soient réunies, un comportement particulier, tel qu’un refus d’accès à une infrastructure aéroportuaire, comme en l’occurrence, peut, indépendamment du point du savoir si celui-ci relève ou non du champ d’application d’une réglementation sectorielle, tomber sous le coup de l’interdiction d’abus de position dominante prévue par cette disposition.
31 Il importe néanmoins de préciser que, si la circonstance qu’un comportement est légal au regard d’une réglementation sectorielle ne saurait avoir une incidence sur l’application de l’article 102 TFUE lorsque les conditions d’application de ce dernier sont réunies, il ressort de la jurisprudence qu’une obligation réglementaire peut, en revanche, être pertinente pour apprécier un comportement abusif, au sens de cette disposition, de la part d’une entreprise dominante soumise à une réglementation
sectorielle (arrêt du 27 octobre 2022, DB Station & Service, C‑721/20, EU:C:2022:832, point 82 ainsi que jurisprudence citée).
32 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 1er et 6 de la directive 96/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne font pas obstacle à l’application de l’article 102 TFUE dans des circonstances où un prestataire de services d’assistance en escale s’est vu refuser l’accès à l’infrastructure aéroportuaire, nécessaire aux fins de l’exercice de cette activité, d’un aéroport de l’Union dont, à la date de ce refus, le trafic annuel était
inférieur à deux millions de mouvements de passagers.
Sur les dépens
33 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
Les articles 1er et 6 de la directive 96/67/CE du Conseil, du 15 octobre 1996, relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne font pas obstacle à l’application de l’article 102 TFUE dans des circonstances où un prestataire de services d’assistance en escale s’est vu refuser l’accès à l’infrastructure aéroportuaire, nécessaire aux fins de l’exercice de cette activité, d’un aéroport de l’Union européenne dont, à la date de ce refus, le trafic annuel était inférieur à deux millions de mouvements de passagers.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le roumain.