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20/03/2025 | CJUE | N°C-116/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Porcellino Grasso SRL contre Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale e.a., 20/03/2025, C-116/24


 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

20 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Programme national de développement rural 2007‑2013 – Mesure de développement rural – Paiements en faveur du bien-être des animaux – Erreurs de calcul – Réduction de ces paiements par les autorités nationales sans attendre une décision définitive de la Commission européenne – Incidence de l’expiration du délai imparti pour modifier ce progr

amme et les décisions de la
Commission approuvant ou modifiant ledit programme – Absence de contradictio...

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

20 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Programme national de développement rural 2007‑2013 – Mesure de développement rural – Paiements en faveur du bien-être des animaux – Erreurs de calcul – Réduction de ces paiements par les autorités nationales sans attendre une décision définitive de la Commission européenne – Incidence de l’expiration du délai imparti pour modifier ce programme et les décisions de la
Commission approuvant ou modifiant ledit programme – Absence de contradiction entre un arrêt de la Cour et un arrêt du Tribunal de l’Union européenne – Responsabilité de l’État membre concerné pour violation du droit de l’Union »

Dans l’affaire C‑116/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie), par décision du 28 novembre 2023, parvenue à la Cour le 12 février 2024, dans la procédure

Porcellino Grasso SRL

contre

Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale,

Agenţia pentru Finanţarea Investiţiilor Rurale,

Agenţia de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură,

Agenţia de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură – Centrul Judeţean Vâlcea,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Kumin (rapporteur), président de chambre, M. F. Biltgen, président de la première chambre, et Mme I. Ziemele, juge,

avocat général : M. D. Spielmann,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Porcellino Grasso SRL, par Mes C. S. Strătulă et O. Strătulă, avocaţi,

– pour le Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale, par M. F. I. Barbu et Mme A. Popescu, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes R. Antonie, E. Gane et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes L. Radu Bouyon et M. Salyková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 288, 291 et 297 TFUE, du principe du droit de l’Union en vertu duquel une décision de la Commission européenne produit des effets juridiques jusqu’à son annulation, des articles 18 et 19 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), tel que modifié par le règlement
(CE) no 74/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009 (JO 2009, L 30, p. 100) (ci-après le « règlement no 1698/2005 »), ainsi que de l’article 9, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2006, L 368, p. 15), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 335/2013 de la
Commission, du 12 avril 2013 (JO 2013, L 105, p. 1) (ci-après le « règlement no 1974/2006 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Porcellino Grasso SRL au Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale (ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Roumanie), à l’Agenția pentru Finanțarea Investițiilor Rurale (agence pour le financement des investissements ruraux, Roumanie), à l’Agenția de Plăți și Intervenție pentru Agricultură (agence de paiements et d’intervention dans l’agriculture, Roumanie) et à l’Agenția de Plăți și Intervenție pentru
Agricultură – Centrul Județean Vâlcea (agence de paiements et d’intervention pour l’agriculture – centre départemental de Vâlcea, Roumanie) (ci-après l’« APIA Vâlcea ») au sujet d’une réduction de paiements en faveur du bien-être des animaux.

Le cadre juridique

Le règlement no 1698/2005

3 L’article 18 du règlement no 1698/2005, intitulé « Élaboration et approbation », disposait :

« 1.   Tout programme de développement rural est établi par l’État membre à l’issue d’une concertation étroite avec les partenaires visés à l’article 6.

2.   L’État membre soumet à la Commission pour chaque programme de développement rural une proposition comportant les éléments mentionnés à l’article 16.

3.   La Commission évalue les programmes proposés en fonction de leur cohérence avec les orientations stratégiques de la Communauté et le plan stratégique national ainsi qu’avec le présent règlement.

Lorsque la Commission considère qu’un programme de développement rural ne correspond pas aux orientations stratégiques de la Communauté, au plan stratégique national ou au présent règlement, elle invite l’État membre à revoir le programme proposé en conséquence.

4.   Chaque programme de développement rural est approuvé conformément à la procédure visée à l’article 90, paragraphe 2. »

4 L’article 19 de ce règlement, intitulé « Révision », prévoyait :

« 1.   Les programmes de développement rural sont réexaminés et, le cas échéant, adaptés par l’État membre pour le reste de la période après approbation du comité de suivi. Les révisions tiennent compte des résultats des évaluations et des rapports de la Commission, en particulier en vue de renforcer ou d’adapter la prise en compte des priorités communautaires.

2.   La Commission adopte une décision sur la révision des programmes de développement rural après qu’un État membre en a fait la demande conformément à la procédure visée à l’article 90, paragraphe 2. Les modifications nécessitant une décision d’approbation par la Commission sont définies conformément à la procédure visée à l’article 90, paragraphe 2. »

5 L’article 40 dudit règlement, intitulé « Paiements en faveur du bien-être des animaux », énonçait :

« 1.   Les paiements en faveur du bien-être des animaux prévus à l’article 36, point a) v), sont accordés aux agriculteurs qui prennent volontairement des engagements en faveur du bien-être des animaux.

2.   Les paiements en faveur du bien-être des animaux ne concernent que les engagements qui dépassent les normes obligatoires établies conformément à l’article 4 du règlement (CE) no 1782/2003 [du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE)
no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1)] et à l’annexe III dudit règlement, ainsi que les autres exigences obligatoires appropriées établies par la législation nationale et indiquées dans le programme.

Ces engagements sont pris en général pour une durée de cinq à sept ans. Le cas échéant et lorsque les circonstances le justifient, une période plus longue peut être fixée selon la procédure visée à l’article 90, paragraphe 2, pour certains types d’engagements particuliers.

3.   Les paiements sont accordés annuellement et couvrent les coûts supplémentaires et la perte de revenus dus aux engagements pris. Le cas échéant, ils peuvent également couvrir les coûts induits.

L’aide est limitée au montant maximal fixé dans l’annexe I. »

Le règlement no 1974/2006

6 L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1974/2006 disposait :

« Les modifications des programmes de développement rural se répartissent en plusieurs catégories :

a) les révisions visées à l’article 19, paragraphe 1, du règlement [no 1698/2005] ;

b) les révisions liées aux procédures de coordination relatives à l’utilisation des ressources financières, visée à l’article 77, paragraphe 3, du règlement [no 1698/2005] ;

b bis) les modifications du plan de financement qui concernent la mise en œuvre de l’article 70, paragraphe 4 ter, du règlement [no 1698/2005] ;

c) autres modifications ne relevant pas des points a), b) et b bis), du présent paragraphe. »

7 Aux termes de l’article 9, paragraphes 1 à 3, de ce règlement :

« 1.   Les modifications des programmes par les États membres visées à l’article 6, paragraphe 1, point c), peuvent impliquer la modification de la ventilation des financements entre les mesures relevant d’un même axe, ainsi que des modifications de type autre que financier comme l’introduction de nouvelles mesures et de nouveaux types d’opérations, le retrait de mesures et de types d’opérations existants, les modifications portant sur l’exception visée à l’article 5, paragraphe 6, du règlement
[no 1698/2005] ou encore l’insertion de descriptifs et d’informations concernant des mesures figurant déjà dans le programme.

2.   Les États membres sont également autorisés à effectuer des modifications visées à l’article 6, paragraphe 1, point c), en transférant de et vers n’importe quel axe, au cours d’une année civile, un montant plafonné à 3 % de la contribution totale du Feader en faveur du programme concerné pour toute la période de programmation.

3.   Les modifications des programmes visées aux paragraphes 1 et 2 peuvent être effectuées jusqu’au 31 décembre 2015 au plus tard, pourvu qu’elles soient notifiées par les États membres le 31 août 2015 au plus tard. »

Le règlement (UE) no 1306/2013

8 Intitulé « Dépenses du Feader », l’article 5 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13), énonce :

« Le Feader est mis en œuvre en gestion partagée entre les États membres et l’Union [européenne]. Le Feader finance la contribution financière de l’Union aux programmes de développement rural mis en œuvre conformément au droit de l’Union concernant le soutien au développement rural. »

9 L’article 52 de ce règlement, intitulé « Apurement de conformité », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’elle considère que des dépenses relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5 n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union et, pour le Feader, n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union et de l’État membre applicable visé à l’article 85 du règlement (UE) no 1303/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social
européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320)], la Commission adopte des actes d’exécution déterminant les montants à
exclure du financement de l’Union. [...] »

10 L’article 58 du règlement no 1306/2013, intitulé « Protection des intérêts financiers de l’Union », précise, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prennent, dans le cadre de la [politique agricole commune (PAC)], toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, en particulier pour :

a) s’assurer de la légalité et de la régularité des opérations financées par [le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Feader] ;

b) assurer une prévention efficace de la fraude, en particulier pour les zones à plus haut niveau de risque, qui aura un effet dissuasif, eu égard aux coûts et avantages ainsi qu’à la proportionnalité des mesures ;

c) prévenir, détecter et corriger les irrégularités et les fraudes ;

d) imposer des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées conformément au droit de l’Union ou, à défaut, des États membres, et engager les procédures judiciaires nécessaires à cette fin, le cas échéant ;

e) recouvrer les paiements indus et les intérêts et engager les procédures judiciaires nécessaires à cette fin, le cas échéant. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 Après l’adoption de la décision C(2008) 3831 de la Commission, du 16 juillet 2008, approuvant le programme de développement rural du Feader pour la Roumanie pour la période de programmation 2007‑2013, cet État membre a arrêté des dispositions en faveur de l’amélioration du bien-être des animaux. À la demande dudit État membre, la Commission a, par sa décision d’exécution C(2012) 3529, du 25 mai 2012, inclus dans le programme national de développement rural 2007‑2013 (ci-après le
« PNDR 2007‑2013 ») une mesure d’aide sous la forme de paiements destinés à compenser les pertes de revenus ainsi que les coûts additionnels supportés par les agriculteurs ayant volontairement assumé la mise en œuvre de normes visant à l’amélioration du bien-être des animaux (ci-après la « mesure 215 »). S’agissant des porcs d’engraissement, il est notamment prévu, en application de cette mesure, un paiement annuel de 4,90 euros par « unité gros bétail » (UGB) au titre d’une aide à l’amélioration
du bien-être des animaux pendant le transport (ci-après l’« aide à l’amélioration du transport ») et un paiement annuel de 16,80 euros/UGB au titre d’une aide à la réduction des nuisances de 30 % par rapport au niveau minimal obligatoire (ci-après l’« aide à la réduction des nuisances »).

12 Le 13 août 2012, Porcellino Grasso a demandé à l’APIA Vâlcea le bénéfice de plusieurs aides non remboursables dont celles à l’amélioration du transport et à la réduction des nuisances, en contrepartie de son engagement de respecter, dans ses exploitations, pendant au moins cinq ans, des mesures en faveur du bien-être des porcs d’engraissement.

13 Le 14 août 2015, elle a soumis à l’APIA Vâlcea une demande de paiement de ces aides pour la période comprise entre le 16 juillet 2015 et le 15 juillet 2016, correspondant à la quatrième année de son engagement.

14 Le 8 mars 2016, l’APIA Vâlcea a indiqué à Porcellino Grasso que, à la suite d’une mission d’audit effectuée par les représentants de la Cour des comptes européenne pour l’exercice 2015, des erreurs ayant entraîné des niveaux de paiements excessifs avaient été identifiées en ce qui concerne les aides à l’amélioration du transport et à la réduction des nuisances, versées en application de la mesure 215.

15 En raison de ces erreurs, l’APIA Vâlcea a expliqué qu’elle réduirait le montant des aides dû à Porcellino Grasso, celui-ci étant passé à 1,43 euros/UGB pour l’aide à l’amélioration du transport et à 14,18 euros/UGB pour l’aide à la réduction des nuisances. Cette réduction est, par la suite, devenue définitive par l’adoption d’un arrêté du ministère de l’Agriculture et du Développement rural.

16 Porcellino Grasso a introduit des recours contentieux administratifs contre les décisions de paiement ainsi prises, lesquels étaient toujours pendants à la date d’introduction de la présente demande de décision préjudicielle.

17 Le 31 janvier 2017, Porcellino Grasso a soumis, entre autres, à l’APIA Vâlcea une demande de paiement des aides à l’amélioration du transport et à la réduction des nuisances pour la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017, correspondant à la sixième année de son engagement.

18 Par une décision du 6 février 2018, l’APIA Vâlcea a approuvé cette demande en calculant cependant les paiements à effectuer au titre de ces aides sur la base des montants réduits visés au point 15 du présent arrêt.

19 Porcellino Grasso a introduit une réclamation contre cette décision, laquelle a été rejetée le 8 mars 2018.

20 Elle a alors saisi la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, pour faire notamment annuler ladite décision et l’acte portant rejet de sa réclamation ainsi que pour obtenir réparation du préjudice d’un montant équivalent à la différence entre la somme qu’elle estimait lui être due et celle qui lui a effectivement été versée.

21 La juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que, par l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), la Cour a jugé, en substance, que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les autorités nationales participant à la mise en œuvre d’une mesure de soutien financier non remboursable adoptent, en raison d’une erreur de calcul constatée par la Cour des comptes, des actes qui imposent une réduction du montant de l’aide financière accordée par le PNDR 2007‑2013, tel
qu’approuvé par la Commission, sans attendre l’adoption par celle-ci d’une décision qui exclut du financement de l’Union les sommes résultant de cette erreur de calcul.

22 La juridiction de renvoi n’exclut cependant pas que des normes et des principes de l’Union invoqués par Porcellino Grasso, autres que ceux pris en compte dans cet arrêt, puissent s’opposer à ce que les autorités roumaines réduisent le montant des aides financières en cause au principal. Elle relève en effet que ce montant a été déterminé par la décision d’exécution C(2012) 3529 modifiant le PNDR 2007‑2013 et que celle-ci n’a été ni révoquée, ni annulée, ni ne pouvait plus être modifiée à la date
à laquelle les erreurs de calcul visées au point 14 du présent arrêt ont été identifiées.

23 La juridiction de renvoi indique, ensuite, que, selon les allégations de Porcellino Grasso, l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), porterait, en substance, sur des questions de fait et de droit identiques à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899). Or, il apparaîtrait que cet arrêt du Tribunal est en contradiction avec ce second arrêt, le Tribunal et
la Cour étant parvenus à des conclusions différentes au regard notamment du principe de protection de la confiance légitime. La juridiction de renvoi se demande donc si elle peut prendre en compte ledit arrêt du Tribunal pour trancher le litige dont elle est saisie.

24 Enfin, cette juridiction se demande si le principe de responsabilité des États membres en cas de violation du droit de l’Union impose à l’État roumain de verser à un bénéficiaire tel que Porcellino Grasso les sommes dues au titre des aides à l’amélioration du transport et à la réduction des nuisances à hauteur du montant initialement prévu par la décision d’exécution C(2012) 3529, pendant toute la durée des engagements pris par ce bénéficiaire.

25 Dans ces conditions, la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les articles 288, 291, 297 TFUE, le principe du droit de l’Union en vertu duquel une décision de la Commission [...] produit des effets juridiques jusqu’à son annulation – tel qu’il a été consacré par les arrêts du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission (C‑245/92 P, EU:C:1999:363), du 5 octobre 2004, Commission/Grèce (C‑475/01, EU:C:2004:585), du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650), du 14 juin 2012, CIVAD (C‑533/10, EU:C:2012:347), du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85,
EU:C:1987:452), du 3 juillet 2019, Eurobolt (C‑644/17, EU:C:2019:555), et du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication (C‑199/06, EU:C:2008:79) –, l’article 9, paragraphe 3, du règlement [no 1974/2006] ainsi que les articles 18 et 19 du règlement no 1698/2005 s’opposent-ils à une pratique des autorités nationales roumaines consistant à adopter des actes internes contraires à la décision d’exécution [C(2012) 3529], modifiant le [PNDR 2007‑2013], ou à laisser
inappliquée cette décision [...], alors que celle-ci n’a été ni modifiée ni annulée ?

2) Eu égard à l’obligation générale des États membres de respecter le droit de l’Union, dans l’hypothèse où une juridiction nationale serait amenée à devoir respecter un arrêt en interprétation, rendu par la Cour en vertu de l’article 267 TFUE[, à savoir l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899)], qui ne contient pas d’appréciation sur la validité et les effets des décisions d’exécution de la Commission [la décision d’exécution C(2012) 3529 ainsi que la décision
d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29)], mais uniquement sur le recouvrement d’un financement en l’absence de décision de la Commission en ce sens, cette juridiction nationale est-elle en droit de prendre en compte, lorsqu’elle
tranche le litige dont elle est saisie, les effets et les motifs (les considérations) d’un arrêt du Tribunal, rendu dans le cadre d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE et annulant une décision d’exécution de la Commission dans une affaire similaire[, à savoir l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5)] ?

3) Le principe de responsabilité de l’État exige-t-il, dans une situation telle que celle de l’espèce, que l’État roumain verse aux bénéficiaires de la mesure 215 les taux de soutien à hauteur du montant prévu par la décision d’exécution [C(2012) 3529], pendant toute la durée des engagements qu’ils ont pris ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

26 Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, compte tenu des considérations exposées par le Tribunal dans son arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), plusieurs normes et principes du droit de l’Union, qui n’ont pas été prises en compte par la Cour dans son arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), ont pour effet de remettre en cause le dispositif de ce
dernier arrêt en ce que ces normes et principes devraient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités nationales participant à la mise en œuvre d’une mesure de soutien financier non remboursable adoptent, en raison d’erreurs de calcul constatées par la Cour des comptes, des actes qui imposent une réduction du montant de l’aide financière accordée par le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé et modifié par des décisions de la Commission, alors que ce programme ne pouvait plus
être révisé ni modifié à la date de la constatation de ces erreurs.

Sur la recevabilité

27 En premier lieu, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural soutient que les première et deuxième questions sont irrecevables, au motif que la première question a déjà été clarifiée par l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), et que la deuxième question ne relève pas de l’objet du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE.

28 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour est compétente pour préciser la portée d’un arrêt en interprétation qu’elle a rendu à titre préjudiciel au regard de dispositions du droit de l’Union ou d’une jurisprudence qui n’avaient pas été abordées dans cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 28).

29 Or, par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande une interprétation de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), au regard de dispositions du droit de l’Union et d’un arrêt du Tribunal qui n’ont pas été examinés dans ce premier arrêt. Dans ces conditions, ces questions sont recevables.

30 Cela étant, il convient de rappeler, en second lieu, qu’il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, que la demande de décision préjudicielle contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal.

31 Or, si, dans sa première question, la juridiction de renvoi fait référence aux articles 288, 291 et 297 TFUE ainsi qu’au principe du droit de l’Union en vertu duquel une décision de la Commission produit des effets juridiques jusqu’à son annulation, force est de constater qu’elle n’explicite nullement, dans sa demande de décision préjudicielle, les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur ces articles et sur ce principe. En particulier, elle n’explique pas pourquoi, selon elle, lesdits
articles et ledit principe seraient susceptibles, notamment au regard de leur contenu, de leur contexte ou de leur objectif, d’invalider l’interprétation figurant au dispositif de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899). Dans ces conditions, la première question est irrecevable pour autant qu’elle porte sur les mêmes articles et le même principe.

32 En revanche, la première question est recevable pour autant qu’elle porte sur l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006 ainsi que sur les articles 18 et 19 du règlement no 1698/2005. En effet, la juridiction de renvoi expose en substance, en référence aux considérations exposées par le Tribunal dans son arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), que, en vertu de ces dispositions, le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé par la décision C(2008) 3831 et modifié par
la décision d’exécution C(2012) 3529, ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date à laquelle les erreurs de calcul en cause au principal ont été constatées par la Cour des comptes. Elle se demande donc, en substance, si, dans de telles circonstances, les autorités roumaines étaient en droit d’opérer la réduction visée au point 15 du présent arrêt. Ce faisant, la juridiction de renvoi expose de manière suffisante les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation desdites
dispositions.

33 Il ressort des considérations précédentes que la première question est recevable pour autant qu’elle porte sur l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006 ainsi que sur les articles 18 et 19 du règlement no 1698/2005 et que la deuxième question est recevable dans son intégralité.

Sur le fond

34 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est soumise. À ces fins, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale,
et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les normes et les principes du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal [arrêt du 21 mars 2024, Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Bydgoszczy (Possibilité de correction en cas de taux erroné), C‑606/22, EU:C:2024:255, points 19 et 20 ainsi que jurisprudence citée].

35 En l’occurrence, la première question est fondée, en substance, sur la prémisse selon laquelle le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé par la décision C(2008) 3831 et modifié par la décision d’exécution C(2012) 3529, ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date à laquelle les erreurs de calcul en cause au principal ont été constatées par la Cour des comptes. Dans ce contexte, l’article 18 du règlement no 1698/2005 n’est pas pertinent aux fins de la réponse à cette question, dans la mesure où,
contrairement à l’article 19 de ce règlement ainsi qu’à l’article 9 du règlement no 1974/2006, il porte, aux termes de son intitulé, non pas sur la révision ou la modification des programmes de développement rural du Feader, mais sur leur « [é]laboration et approbation ».

36 Il y a donc lieu de considérer que, par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, compte tenu des considérations exposées par le Tribunal dans son arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), l’article 19 du règlement no 1698/2005 ainsi que l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006 ont pour effet de remettre en cause le dispositif de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), en ce que
ces articles devraient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités nationales participant à la mise en œuvre d’une mesure de soutien financier non remboursable adoptent, en raison d’erreurs de calcul constatées par la Cour des comptes, des actes qui imposent une réduction du montant de l’aide financière accordée par le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé et modifié par des décisions de la Commission, alors que ce programme ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date de
la constatation de ces erreurs.

37 Ainsi que la juridiction de renvoi l’a constaté, aux points 91 à 95 et au point 100 de l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), le Tribunal a relevé que, à la date à laquelle des erreurs de calcul concernant une aide relative à la mesure 215, autre que les aides en cause au principal, avaient été constatées, le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé par la décision C(2008) 3831 et modifié par la décision d’exécution C(2012) 3529, ne pouvait plus être révisé ni modifié en
vertu de l’article 19 du règlement no 1698/2005 ainsi que de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006. Ces constatations sont, ratione temporis, transposables mutatis mutandis à l’affaire au principal.

38 Toutefois, le fait que, en vertu de ces dispositions, ce programme ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date à laquelle ces erreurs de calcul ont été constatées ne saurait avoir pour effet de remettre en cause le dispositif de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), lequel a été rendu dans un contexte différent de celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5).

39 Aux points 74, 86, 91, 92, 100, 102 et 113 de ce dernier arrêt, le Tribunal a, en substance, jugé que, bien que, en raison d’une erreur de calcul, le montant d’une aide relevant de la mesure 215 eût été incompatible avec l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, la Commission avait fait naître chez les autorités roumaines une confiance légitime dans le fait que le paiement de ce montant était couvert par le financement de l’Union. En effet, le Tribunal a constaté que la Commission
avait disposé, lors de l’approbation de cette aide et de la méthode de calcul y afférente, à la suite d’une négociation spécifique avec les autorités roumaines, de toutes les informations lui permettant de déceler cette erreur et d’apprécier la conformité de ladite aide à cette disposition. Le Tribunal en a déduit que ledit montant ne pouvait être corrigé que par un amendement du PNDR 2007‑2013 et par une décision approuvant cet amendement, et non, ainsi que la Commission l’avait fait, par une
décision d’exécution excluant du financement la partie erronée de l’aide concernée. Dès lors, le Tribunal a, pour ces motifs, annulé partiellement cette décision d’exécution.

40 Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), il était certes également question, en rapport avec d’autres aides relevant de la mesure 215, de montants qui, en raison d’erreurs de calcul, n’étaient pas conformes à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 et qui avaient été rectifiés par une décision d’exécution de la Commission, à savoir la décision d’exécution 2018/873.

41 Toutefois, il ressort du dossier de cette affaire que, s’agissant du calcul de ces montants, une confiance légitime n’avait pas été reconnue, en ce qui concerne ceux-ci, dans les rapports entre la Roumanie et la Commission. En effet, s’il est vrai que la Roumanie, par son recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 30 avril 2019, Roumanie/Commission (T‑530/18, EU:T:2019:269), avait demandé l’annulation de cette décision d’exécution et soutenu que les méthodes de calcul approuvées
par la Commission en relation avec lesdits montants auraient dû être protégées au titre du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal a, par cette ordonnance, confirmée sur pourvoi par l’arrêt du 10 septembre 2020, Roumanie/Commission (C‑498/19 P, EU:C:2020:686), rejeté ce recours comme étant irrecevable, au motif qu’il avait été introduit tardivement.

42 Aux points 33 à 36 de son arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), la Cour a donc considéré que les montants concernés, non conformes à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 et non reconnus comme étant protégés par une confiance légitime dans les rapports entre la Roumanie et la Commission, devaient être corrigés aussi bien par la Commission, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, et ce en adoptant une décision
d’exécution excluant du financement de l’Union la partie erronée des aides en cause, que par les autorités nationales, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, ces autorités n’étant par ailleurs pas tenues d’attendre que la Commission adopte une telle décision d’exécution.

43 Au point 44 de cet arrêt, la Cour a précisé que, dans les rapports entre les autorités roumaines et les agriculteurs bénéficiaires des aides concernées, le principe de protection de la confiance légitime était sans incidence sur cette appréciation. En effet, elle a considéré que, ces montants ayant été établis de manière non conforme à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, les autorités roumaines n’avaient pas pu créer, au profit de ces agriculteurs, une confiance légitime à
bénéficier d’un traitement méconnaissant le droit de l’Union.

44 Dans l’affaire au principal, il découle des explications de la juridiction de renvoi que les erreurs de calcul en cause ont donné lieu, en rapport avec des aides relevant elles aussi de la mesure 215, quoiqu’étant différentes de celles examinées par la Cour et le Tribunal dans leurs arrêts respectifs du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), et du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), à la détermination de montants non conformes à l’article 40,
paragraphe 3, du règlement no 1698/2005. En outre, la juridiction de renvoi n’indique pas que la Commission ou d’autres institutions, organes ou organismes de l’Union auraient reconnu que ces montants étaient protégés par une confiance légitime dans les rapports entre la Roumanie et la Commission. Il s’ensuit que la situation en cause au principal correspond, en substance, à celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21,
EU:C:2022:899).

45 Cependant, premièrement, la juridiction de renvoi expose, en référence aux allégations de Porcellino Grasso, que le raisonnement suivi par le Tribunal dans son arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), serait transposable à l’affaire au principal en ce que le principe de protection de la confiance légitime devrait s’appliquer, dans les rapports entre la Roumanie et la Commission, auxdits montants en raison du fait que, lorsque cette dernière a approuvé la modification
du PNDR 2007‑2013, elle disposait des informations lui permettant d’apprécier la conformité des aides en cause au principal et des méthodes de calcul y afférentes à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005. Dès lors que les mêmes montants bénéficieraient d’une protection au titre de ce principe, ils ne pourraient être rectifiés, conformément aux considérations du Tribunal exposées au point 39 du présent arrêt, que par un amendement du PNDR 2007‑2013 et par une décision approuvant cet
amendement.

46 À cet égard, il convient de relever que, bien que l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), porte certes, à l’instar de ce qui est le cas en l’occurrence, sur une aide relevant de la mesure 215, il s’agissait d’une aide différente des aides en cause au principal. Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas pu examiner, dans cet arrêt, le point de savoir si la Commission disposait, lors de l’approbation de la modification du PNDR 2007‑2013, des informations lui
permettant d’apprécier la conformité de ces dernières aides et des méthodes de calcul y afférentes à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, de sorte que son raisonnement ne saurait être transposé mutatis mutandis à l’affaire au principal. Il y a d’ailleurs lieu de relever que, dans ses observations écrites, le gouvernement roumain ne fait pas valoir qu’il se prévaut, dans ses rapports avec la Commission, du principe de protection de la confiance légitime en ce qui concerne les
aides en cause au principal.

47 Deuxièmement, la juridiction de renvoi rapporte que, selon les allégations de Porcellino Grasso, les considérations exposées par le Tribunal au point 113 de l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), seraient en contradiction avec les points 42 et 44 de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899). Elle se demande donc si elle devrait tenir compte de ces considérations.

48 Ainsi qu’il ressort clairement de ce point 113, le raisonnement du Tribunal s’inscrit dans le prolongement de celui tenu aux points 75 à 86 de l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), selon lequel les méthodes de calcul concernées et les montants déterminés sur le fondement de celles-ci étaient protégés, dans les rapports entre la Roumanie et la Commission, au titre du principe de protection de la confiance légitime en raison du fait que ces méthodes et ces montants
avaient fait l’objet d’une « négociation spécifique avec les autorités roumaines » et que la Commission disposait, dans le cadre de cette négociation, de tous les éléments lui permettant d’apprécier leur conformité à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005.

49 Or, il résulte du point 42 du présent arrêt que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), portait sur des montants d’aides qui n’étaient pas protégés par une confiance légitime dans les rapports entre la Roumanie et la Commission. Cet arrêt ayant été rendu dans un contexte totalement différent de celui qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), les
considérations exprimées au point 113 de ce dernier ne sauraient être pertinentes aux fins de l’interprétation de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899).

50 Il s’ensuit que les montants des aides en cause au principal, déterminés à la suite d’erreurs de calcul, ne peuvent pas être considérés, sur le fondement de l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), et en l’absence de toute indication contraire dans le dossier dont dispose la Cour, comme étant protégés par une confiance légitime dans les rapports entre la Roumanie et la Commission, de sorte que, compte tenu des considérations exposées au point 44 du présent arrêt, la
situation en cause au principal est, en substance, la même que celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899).

51 Dès lors, dans une situation dans laquelle des montants ont été déterminés, à la suite d’une erreur de calcul, de manière non conforme au droit de l’Union et sans être protégés par une confiance légitime dans les rapports entre la Commission et l’État membre concerné, tant cette institution que cet État membre sont, ainsi qu’il ressort des points 33 et 34 de l’arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C‑443/21, EU:C:2022:899), tenus, en vertu de l’article 310, paragraphe 5, TFUE ainsi que de
l’article 52, paragraphe 1, et de l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, d’exclure du financement de l’Union les montants affectés par cette erreur de calcul.

52 Une telle exclusion n’implique nullement la nécessité de réviser ou de modifier le programme de développement rural concerné.

53 En effet, la correction d’une erreur de calcul non conforme au droit de l’Union ainsi que des taux et des paiements en découlant n’entraîne aucune révision ou modification du programme de développement rural concerné, mais constitue, ainsi qu’il résulte des dispositions mentionnées au point 51 du présent arrêt, un simple retour à la situation qui aurait dû, dès l’origine, résulter de ce programme si cette erreur n’avait pas été commise, de manière à ce qu’aucun préjudice ne soit causé au budget
de l’Union.

54 Dès lors, la circonstance que, en vertu de l’article 19 du règlement no 1698/2005 ainsi que de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006, le PNDR 2007‑2013 ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date à laquelle les erreurs de calcul en cause au principal ont été constatées par la Cour des comptes ne fait pas obstacle à ce que tant la Commission que les autorités nationales prennent les mesures nécessaires pour corriger, dans le cadre d’un apurement en conformité, les montants et
les paiements affectés par ces erreurs.

55 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 19 du règlement no 1698/2005 et l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1974/2006 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que les autorités nationales participant à la mise en œuvre d’une mesure de soutien financier non remboursable adoptent, en raison d’erreurs de calcul constatées par la Cour des comptes, des actes qui imposent une réduction du montant de
l’aide financière accordée par le PNDR 2007‑2013, tel qu’approuvé et modifié par des décisions de la Commission, alors que ce programme ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date de la constatation de ces erreurs. Les considérations exposées par le Tribunal dans l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), sont sans pertinence à cet égard.

Sur la troisième question

56 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union impose à l’État roumain de verser aux bénéficiaires de l’aide à l’amélioration du transport et de l’aide à la réduction des nuisances les sommes dues au titre de ces aides à hauteur des montants prévus par la décision d’exécution C(2012) 3529, pendant toute la durée des engagements qu’ils ont pris.

57 Il convient de rappeler que le droit de l’Union impose le principe selon lequel les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit de l’Union qui leur sont imputables (arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 17 et jurisprudence citée).

58 En l’occurrence, il ressort des constatations de la juridiction de renvoi que, en raison des erreurs de calcul en cause au principal, les taux de soutien prévus par la décision d’exécution C(2012) 3529 pour l’aide à l’amélioration du transport et l’aide à la réduction des nuisances n’étaient pas conformes à l’article 40, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005. Il ressort également de ces constatations que les autorités roumaines ont pris les mesures nécessaires pour corriger ces taux de manière
à les rendre conformes à cette disposition et que, ce faisant, elles ont mis fin à la violation du droit de l’Union qui leur était imputable.

59 Dans ces conditions, un bénéficiaire d’une aide tel que Porcellino Grasso ne saurait se prévaloir du principe de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union afin de réclamer la différence entre le montant des paiements qu’il aurait dû recevoir initialement et le montant rectifié de ces paiements, alors même que ce dernier montant est conforme à ce droit et que ce bénéficiaire n’a aucun droit de percevoir cette différence.

60 En effet, d’une part, le versement de la partie de montants affectés par des erreurs de calcul à un bénéficiaire d’une aide tel que Porcellino Grasso équivaudrait à un enrichissement sans cause de celui-ci, prohibé par le droit de l’Union, en ce que ce versement aurait pour effet un enrichissement sans base légale valable de ce bénéficiaire et un appauvrissement de l’Union lié à cet enrichissement (voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2008, Marks & Spencer, C‑309/06, EU:C:2008:211, point 41 et
jurisprudence citée, ainsi que du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, EU:C:2011:531, point 53 et jurisprudence citée).

61 D’autre part, à supposer que, dans le cadre de son action en responsabilité, Porcellino Grasso entende invoquer, devant la juridiction de renvoi, le principe de protection de la confiance légitime dans ses rapports avec les autorités roumaines, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 43 du présent arrêt, ce principe ne saurait fonder, dans le chef d’un justiciable, une confiance légitime à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union (arrêt du 17 novembre 2022,
Avicarvil Farms, C‑443/21, EU:C:2022:899, point 41).

62 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que le principe de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union ne trouve pas à s’appliquer lorsque les taux de soutien relatifs à des aides financières accordées en vertu d’un programme de développement rural du Feader ont été déterminés de manière non conforme au droit de l’Union et que les bénéficiaires de ces aides ont obtenu des paiements au titre de celles-ci, calculés sur le fondement
de taux rectifiés, conformes à ce droit.

Sur les dépens

63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 19 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), tel que modifié par le règlement (CE) no 74/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, et l’article 9, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2006 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le
Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 335/2013 de la Commission, du 12 avril 2013,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à ce que les autorités nationales participant à la mise en œuvre d’une mesure de soutien financier non remboursable adoptent, en raison d’erreurs de calcul constatées par la Cour des comptes européenne, des actes qui imposent une réduction du montant de l’aide financière accordée par le programme de développement rural du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour la Roumanie pour la période de programmation 2007‑2013, tel qu’approuvé et modifié par
des décisions de la Commission européenne, alors que ce programme ne pouvait plus être révisé ni modifié à la date de la constatation de ces erreurs. Les considérations exposées par le Tribunal de l’Union européenne dans l’arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission (T‑33/21, EU:T:2023:5), sont sans pertinence à cet égard.

  2) Le principe de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union ne trouve pas à s’appliquer lorsque les taux de soutien relatifs à des aides financières accordées en vertu d’un programme de développement rural du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ont été déterminés de manière non conforme au droit de l’Union et que les bénéficiaires de ces aides ont obtenu des paiements au titre de celles-ci, calculés sur le fondement de taux rectifiés, conformes à
ce droit.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-116/24
Date de la décision : 20/03/2025

Analyses

Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Programme national de développement rural 2007‑2013 – Mesure de développement rural – Paiements en faveur du bien-être des animaux – Erreurs de calcul – Réduction de ces paiements par les autorités nationales sans attendre une décision définitive de la Commission européenne – Incidence de l’expiration du délai imparti pour modifier ce programme et les décisions de la Commission approuvant ou modifiant ledit programme – Absence de contradiction entre un arrêt de la Cour et un arrêt du Tribunal de l’Union européenne – Responsabilité de l’État membre concerné pour violation du droit de l’Union.


Parties
Demandeurs : Porcellino Grasso SRL
Défendeurs : Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale e.a.

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:198

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