ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
20 mars 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Champ d’application – Article 2, sous b) – Article 3, paragraphe 1 – Article 4, paragraphe 2 – Article 5 – Article 6, paragraphe 1 – Article 8 bis – Contrat d’adhésion – Contrat conclu entre un professionnel fournissant des services de développement sportif et d’aide à la carrière et un joueur “espoir” mineur, représenté par ses parents – Clause établissant l’obligation de verser au professionnel une rémunération égale
à 10 % des revenus perçus par ce sportif au cours des quinze années suivantes – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 17 et 24 – Droit de propriété – Droits de l’enfant »
Dans l’affaire C‑365/23 [Arce] ( i ),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), par décision du 7 juin 2023, parvenue à la Cour le 9 juin 2023, dans la procédure
SIA « A »
contre
C,
D,
E,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Gratsias et E. Regan, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : Mme A. Lamote, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2024,
considérant les observations présentées :
– pour SIA « A », par Me A. Bitāns, advokāts,
– pour C, par Me I. Grunte, advokāts,
– pour D et E, par M. G. Madelis, jurists, et Me K. Salmgrieze, advokāte,
– pour le gouvernement letton, par M. E. Bārdiņš, Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme I. Rubene et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 octobre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous b), de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 4, paragraphe 2, de l’article 5 et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), de l’article 8 bis de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011
(JO 2011, L 304, p. 64), ainsi que de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SIA « A », une société à responsabilité limitée de droit letton dont l’objet est d’assurer le développement des sportifs en Lettonie, à C, à D et à E au sujet d’une demande de paiement d’une rémunération en exécution d’un contrat de services de soutien au développement sportif et d’aide à la carrière.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La Charte
3 L’article 17 de la Charte, intitulé « Droit de propriété », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »
4 L’article 24 de la Charte, intitulé « Droits de l’enfant », dispose, à son paragraphe 2 :
« Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
5 L’article 51 de la Charte, relatif au champ d’application de celle-ci, est ainsi libellé :
« 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.
2. La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. »
La directive 93/13
6 Aux termes des dixième, treizième et seizième considérants de la directive 93/13 :
« [C]onsidérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives ; que ces règles doivent s’appliquer à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ; que, par conséquent, sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des
sociétés ;
[...]
considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États
membres ou la Communauté sont partis ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ;
[...]
considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions
respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».
7 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. »
8 Selon l’article 2 de ladite directive :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “clauses abusives” : les clauses d’un contrat telles qu’elles sont définies à l’article 3 ;
b) “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ;
c) “professionnel” : toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée. »
9 L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la même directive dispose :
« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.
Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. »
10 L’article 4 de la directive 93/13 énonce :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
11 L’article 5 de cette directive prévoit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »
12 L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive est ainsi libellé :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
13 L’article 8 de la même directive énonce :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
14 La directive 2011/83 a modifié la directive 93/13 en insérant dans celle–ci un article 8 bis. Cet article prévoit, à son paragraphe 1 :
« Lorsqu’un État membre adopte des dispositions conformément à l’article 8, il informe la Commission de l’adoption desdites dispositions ainsi que de toutes modifications ultérieures, en particulier lorsque ces dispositions :
– étendent l’appréciation de leur caractère abusif aux clauses contractuelles négociées individuellement ou aux clauses relatives à l’adéquation du prix ou de la rémunération, ou
– contiennent des listes de clauses contractuelles réputées abusives. »
La directive 2005/29/CE
15 L’article 5, paragraphe 3, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149,
p. 22), dispose :
« Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu’elle concerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu’il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de
ce groupe. Cette disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral. »
Le droit letton
Le code civil
16 L’article 186 du Civillikums (code civil) prévoit que les parents représentent conjointement leur enfant dans ses relations personnelles et patrimoniales (représentation conjointe).
17 Aux termes de l’article 223 de ce code :
« Le père et la mère sont, en vertu du droit de garde, les tuteurs naturels de leur enfant mineur. »
18 L’article 293 dudit code dispose :
« Le tuteur peut, dans les affaires du mineur et dans son intérêt, conclure toutes sortes de contrats ainsi qu’accepter et effectuer des paiements. Chacun de ces actes est contraignant pour le mineur, à condition que le tuteur l’ait accompli de bonne foi, tout en restant dans le cadre d’une gestion économique et sans lier le mineur sans nécessité particulière pour une période plus longue que jusqu’à sa majorité. »
19 Aux termes de l’article 1408 du même code :
« Les mineurs ne disposent pas de la capacité d’agir. »
La loi sur la protection des droits des consommateurs
20 L’article 1er du Patērētāju tiesību aizsardzības likums (loi sur la protection des droits des consommateurs), du 1er avril 1999 (Latvijas Vēstnesis, 1999, no 104/105), dans sa version applicable aux faits au principal, intitulé « Termes employés par la loi », dispose :
« Aux fins de la présente loi, on entend par :
[...]
3) consommateur – toute personne physique qui exprime le souhait d’acquérir, acquiert ou peut acquérir ou utiliser un bien ou un service dans un but qui n’est pas lié à son activité économique ou professionnelle ;
4) prestataire de services – toute personne qui, dans le cadre de son activité économique ou professionnelle, fournit un service à un consommateur ;
[...] »
21 L’article 6 de cette loi, intitulé « Clauses contractuelles abusives », prévoit :
« [...]
(2) Les clauses contractuelles doivent être rédigées de façon claire et compréhensible.
(3) Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
[...]
(8) Les clauses abusives figurant dans un contrat conclu entre un producteur, un professionnel ou un prestataire de services et un consommateur n’ont pas d’effet dès la conclusion du contrat, mais le contrat reste valable s’il peut subsister après l’exclusion des clauses abusives.
[...] »
22 La loi du 24 avril 2014 (Latvijas Vēstnesis, 2014, no 92) a inséré dans l’article 6 de la loi sur la protection des droits des consommateurs un paragraphe 22 ainsi libellé :
« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux clauses contractuelles qui définissent l’objet du contrat et l’adéquation entre le prix ou la rémunération, d’une part, et le bien ou le service, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. [...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
23 A propose aux sportifs un ensemble de services de soutien au développement de leurs capacités professionnelles et à leur carrière.
24 Le 14 janvier 2009, A a conclu avec C, un enfant mineur alors âgé de 17 ans, représenté par D et E, ses parents, un contrat de services de soutien au développement sportif et à la carrière de C, afin d’assurer à celui-ci, qui n’avait pas encore la qualité de sportif professionnel, la réussite de sa carrière professionnelle dans le domaine du basket-ball (ci-après le « contrat du 14 janvier 2009 »). Ledit contrat a été conclu pour une durée de quinze ans, soit jusqu’au 14 janvier 2024.
25 Le contrat du 14 janvier 2009 prévoyait que A offrirait à C toute une gamme de services, parmi lesquels la formation et l’entraînement, la médecine du sport et l’accompagnement par un psychologue du sport, les mesures d’aide à la carrière, la conclusion de contrats entre le sportif et les clubs, le marketing, les services juridiques ou la comptabilité. En contrepartie, en vertu du point 6.1 de ce contrat, C s’engageait à verser à A une rémunération égale à 10 % de tous les revenus nets qu’il
percevrait pendant la durée du contrat, majorés de la taxe sur la valeur ajoutée applicable en Lettonie, à condition que le montant de ces revenus soit au moins égal à 1500 euros par mois.
26 Le 29 juin 2020, estimant que la rémunération prévue par le contrat du 14 janvier 2009 pour les services rendus à C n’avait pas été versée, A a saisi les juridictions lettones d’un recours tendant à ce que les défendeurs au principal soient condamnés à lui payer la somme de 1663777,99 euros, correspondant à 10 % du montant des revenus de C provenant de contrats conclus avec des clubs sportifs.
27 La juridiction de première instance puis la juridiction d’appel ont rejeté la demande de A au motif que le contrat du 14 janvier 2009 n’était pas conforme aux dispositions nationales relatives à la protection des droits des consommateurs et que, en particulier, la clause imposant à C de payer une rémunération égale à 10 % de ses revenus pendant toute la durée de ce contrat était abusive.
28 A a formé un pourvoi en cassation devant l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), qui est la juridiction de renvoi. Cette société a fait valoir que les dispositions nationales relatives à la protection des droits des consommateurs n’étaient pas pertinentes en l’occurrence, puisque le contrat du 14 janvier 2009 relevait de la catégorie des contrats de sportif « jeune espoir », auxquels ces dispositions ne s’appliquent pas. A a également demandé que la Cour soit saisie d’une demande de
décision préjudicielle.
29 La juridiction de renvoi relève que, si la Cour a déjà interprété à plusieurs reprises la notion de « consommateur », elle n’a, jusqu’à présent, pas examiné le point de savoir si les dispositions relatives à la protection des droits des consommateurs sont applicables au domaine du sport. Si tel devait être le cas, la juridiction de renvoi est d’avis que la circonstance que, comme en l’occurrence, l’activité d’un jeune sportif acquiert, postérieurement à la conclusion du contrat de services en
cause, un caractère professionnel est dépourvue de pertinence et ne saurait empêcher l’intéressé de se prévaloir de la qualité de « consommateur » au sens de la directive 93/13.
30 Cette juridiction mentionne également les différences qui existent dans la jurisprudence des États membres, différences qui, de son point de vue, justifieraient la nécessité de poser des questions préjudicielles sur ce point.
31 Ainsi, dans un arrêt du 23 mai 2019, la cour d’appel de Paris (France) aurait jugé qu’un joueur de basket-ball qui, en tant que futur joueur, avait conclu avec une agence sportive un contrat de services, aux termes duquel cette agence s’engageait, dans l’intérêt de ce joueur, à mener des négociations avec des clubs sportifs sur l’emploi de l’intéressé, tandis que ce dernier s’engageait à payer à ladite agence une somme dont le montant était fonction des contrats conclus dans le cadre de cette
coopération, agissait en tant que consommateur et non en tant que professionnel. En revanche, dans un arrêt du 7 novembre 2002, l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne), statuant sur un litige entre un jeune joueur de tennis et une agence sportive qui portait sur un contrat de services analogue à celui en cause au principal, n’aurait pas appliqué à ce rapport juridique les dispositions relatives à la protection des consommateurs.
32 La juridiction de renvoi exprime également d’autres interrogations, notamment celles de savoir si une clause telle que celle en cause au principal peut être considérée comme étant rédigée de façon claire et compréhensible et si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au sens respectivement de l’article 5 et de l’article 3 de la directive 93/13.
33 C’est dans ce contexte que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Un contrat de services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif conclu entre, d’une part, un professionnel qui exerce son activité dans le domaine de l’entraînement et du développement de sportifs et, d’autre part, un mineur, représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion du contrat, n’était pas employé dans le domaine sportif, relève-t-il du champ d’application de la directive [93/13] ?
2) En cas de réponse négative à la première question, la directive 93/13 s’oppose-t-elle à une jurisprudence nationale qui interprète la législation transposant cette directive en droit national de telle sorte que les dispositions relatives à la protection des droits des consommateurs qu’elle contient sont également applicables à de tels contrats ?
3) En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question, une juridiction nationale peut-elle apprécier au regard de l’article 3 de la directive 93/13 le caractère abusif d’une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture des services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une rémunération d’un montant de 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années et ne
pas considérer cette clause comme une disposition sur laquelle, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, ne porte pas l’appréciation du caractère abusif ?
4) En cas de réponse affirmative à la troisième question, une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture des services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une rémunération d’un montant de 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années, doit-elle être considérée comme étant rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de l’article 5 de la directive 93/13, si l’on prend en
considération le fait que, lors de la conclusion du contrat, le jeune sportif ne disposait pas, s’agissant de la valeur du service fourni et du montant à payer en contrepartie, d’une information claire qui lui aurait permis d’évaluer les conséquences économiques pouvant en résulter pour lui ?
5) En cas de réponse affirmative à la troisième question, une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture des services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une rémunération d’un montant de 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années, doit-elle être considérée comme créant au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
découlant du contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, si l’on prend en considération le fait que cette disposition n’établit aucun lien entre la valeur du service fourni et le coût de ce service pour le consommateur ?
6) En cas de réponse affirmative à la cinquième question, une décision d’une juridiction nationale réduisant le montant dû au prestataire par le consommateur à hauteur des frais réellement exposés par le prestataire lors de la fourniture des services au consommateur conformément au contrat ne serait-elle pas contraire à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ?
7) En cas de réponse négative à la troisième question et si l’appréciation du caractère abusif ne porte pas, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, sur la clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture des services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif, mentionnés dans le contrat, le consommateur s’engage à payer une rémunération d’un montant de 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années, la juridiction nationale
peut-elle, lorsqu’elle constate que le montant de la rémunération est manifestement disproportionné par rapport à la contribution fournie par le prestataire de services, déclarer néanmoins cette clause contractuelle comme étant abusive en se fondant sur les dispositions du droit national ?
8) En cas de réponse affirmative à la septième question, convient-il, s’agissant d’un contrat qui a été conclu avec un consommateur avant l’entrée en vigueur de l’article 8 bis de la [directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83], de prendre en compte les informations concernant les dispositions adoptées par l’État membre conformément à l’article 8 de [la directive 93/13], fournies par l’État membre à la Commission européenne en vertu de l’article 8 bis de [la directive 93/13,
telle que modifiée par la directive 2011/83], et, dans l’affirmative, la compétence de la juridiction nationale est-elle limitée par les informations fournies par cet État membre en vertu de l’article 8 bis de la [directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83,] si l’État membre a indiqué que sa législation ne va pas au-delà des normes minimales prévues par cette directive ?
9) En cas de réponse affirmative aux première ou deuxième questions, quelle importance convient-il d’accorder, à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 24 de la Charte, dans le cadre de l’application de la législation transposant les dispositions de la directive 93/13 en droit national, à la circonstance que, lors de la conclusion du contrat de services susmentionné d’une durée d’engagement de quinze ans, le jeune sportif était mineur et que ledit contrat a
donc été conclu en son nom par ses parents, en créant pour ce mineur une obligation de payer une rémunération d’un montant de 10 % de tous les revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années ?
10) En cas de réponse négative aux première ou deuxième questions, compte tenu du fait que les activités sportives relèvent du champ d’application de la législation de l’Union, un contrat de services d’une durée d’engagement de quinze ans conclu avec un jeune sportif mineur, ayant été souscrit en son nom par ses parents et créant pour ce mineur une obligation de payer une rémunération d’un montant de 10 % de tous les revenus qu’il percevra au cours des quinze prochaines années, ne porte-t-il pas
atteinte aux droits fondamentaux de la personne consacrés à l’article 17, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de la Charte ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
34 A excipe de l’irrecevabilité de certaines des questions posées.
35 En premier lieu, les troisième à cinquième questions seraient irrecevables parce que, à travers celles-ci, la juridiction de renvoi demanderait en substance à la Cour non pas d’interpréter le droit de l’Union mais d’appliquer celui-ci à un cas concret, en particulier en déterminant si la clause en cause au principal relève du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et, dans la négative, si elle est contraire à l’article 5 et à l’article 3, paragraphe 1, de cette
directive.
36 En deuxième lieu, la septième question soulèverait un problème de nature purement hypothétique, en l’absence d’une base juridique en droit letton pour constater le caractère excessif d’un retour sur investissement.
37 En troisième lieu, les neuvième et dixième questions, qui porteraient sur l’applicabilité de la Charte aux relations horizontales, seraient irrecevables, premièrement, parce qu’elles seraient trop abstraites et constitueraient, en substance, une demande d’opinion consultative et, deuxièmement, parce que la Charte ne serait pas applicable dans la présente affaire.
38 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire au principal, la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Dès lors que les questions posées
portent sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit qu’une question préjudicielle portant sur le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une telle question n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de
nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 29 juin 2023, International Protection Appeals Tribunal e.a. (Attentat au Pakistan), C‑756/21, EU:C:2023:523, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée].
39 Or, en l’occurrence, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou que le problème soit de nature hypothétique. En outre, la décision de renvoi décrit de manière suffisamment détaillée le cadre juridique et factuel dans lequel le litige au principal s’inscrit, pour que la Cour soit en mesure de répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
40 En particulier, d’une part, s’agissant des troisième à cinquième, neuvième et dixième questions, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge sur le sens et la portée de plusieurs dispositions de la directive 93/13, le cas échéant, lues en combinaison avec certaines dispositions de la Charte, afin de déterminer si elle peut procéder au contrôle du caractère abusif de la clause contractuelle en cause au principal en application de cette directive.
Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, cette juridiction ne demande à la Cour ni d’appliquer ces dispositions de la directive 93/13 aux faits de l’affaire au principal, ni de substituer sa propre appréciation à la sienne.
41 D’autre part, s’agissant du prétendu caractère hypothétique de la septième question, qui résulterait, selon A, de ce qu’il n’existerait pas de possibilité en droit letton de constater le caractère excessif d’un retour sur investissement, il doit être rappelé que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, les fonctions de la Cour et celles de la juridiction de renvoi sont clairement distinctes et que c’est à cette dernière exclusivement qu’il appartient d’interpréter la
législation nationale (arrêt du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 58 ainsi que jurisprudence citée). Or, l’interprétation du droit national avancée par A quant à l’impossibilité de constater le caractère excessif d’un retour sur investissement ne saurait suffire à renverser la présomption de pertinence rappelée au point 38 du présent arrêt.
42 Dès lors, les questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables.
Sur le fond
Sur la première question
43 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b), de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’un contrat conclu entre, d’une part, un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et, d’autre part, un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce contrat, n’était pas employé dans le domaine du sport, relève du champ d’application
de cette directive.
44 À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le champ d’application de la directive 93/13 est défini à son article 1er, paragraphe 1. Aux termes de cette définition, cette directive a ainsi pour objet de rapprocher les dispositions des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. Il s’agit, ainsi, d’une directive générale de protection des consommateurs, qui a vocation à s’appliquer dans tous les secteurs d’activité
économique (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, Air Berlin, C‑290/16, EU:C:2017:523, point 44).
45 S’agissant des notions de « consommateur » et de « professionnel » visées à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13, l’article 2, sous b) et c), de cette directive les définit comme désignant, respectivement, toute personne physique qui, dans les contrats relevant de ladite directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, et toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la même directive, agit dans le cadre de son
activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée.
46 C’est donc par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive 93/13 définit les contrats auxquels elle s’applique (arrêt du 24 octobre 2024, Zabitoń, C‑347/23, EU:C:2024:919, point 24 et jurisprudence citée).
47 Par conséquent, la directive 93/13 est applicable dans la situation où un contrat a été conclu entre, d’une part, un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et, d’autre part, un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce contrat, ne pratiquait pas l’activité sportive concernée à titre professionnel.
48 Cette conclusion ne saurait être infirmée lorsque, comme dans l’affaire en cause au principal, postérieurement à la conclusion de ce contrat, le consommateur est devenu un sportif professionnel.
49 En effet, il a été jugé que la qualité de « consommateur » d’une personne doit s’apprécier au moment de la conclusion du contrat en cause (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 73, ainsi que du 24 octobre 2024, Zabitoń, C‑347/23, EU:C:2024:919, point 32).
50 Par suite, un mineur qui, à la date de conclusion d’un contrat de services de soutien au développement sportif et à la carrière, ne pratiquait pas, à titre professionnel, l’activité sportive concernée ne perd pas la qualité de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, au motif qu’il est devenu un sportif professionnel en cours d’exécution du contrat.
51 À cet égard, il convient d’ajouter que le seul fait que ce consommateur est considéré comme un joueur « espoir » dans la discipline sportive au sein de laquelle il est devenu ultérieurement un joueur professionnel n’est pas de nature à modifier la qualité qu’il détenait à la date de conclusion du contrat en cause, pas plus que la circonstance que l’objet de ce contrat était lié à l’éventuelle carrière professionnelle à venir de ce sportif.
52 De même, le fait que le consommateur concerné a pu avoir des connaissances ou disposer d’informations potentiellement importantes dans la discipline sportive au sein de laquelle il est devenu ultérieurement un joueur professionnel est dénué de pertinence en ce qui concerne sa qualité à la date de conclusion du contrat en cause.
53 En effet, selon une jurisprudence constante, la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement (arrêt du 3 septembre 2015, Costea, C‑110/14, EU:C:2015:538, point 21).
54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b), de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’uncontrat de services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif, conclu entre, d’une part, un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et, d’autre part, un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce
contrat, n’était pas encore employé dans le domaine du sport et, partant, avait la qualité de consommateur, relève du champ d’application de cette directive.
Sur la deuxième question
55 Il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question, celle-ci n’ayant été posée que dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question.
Sur la troisième question
56 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, et l’article 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale peut apprécier, au regard de l’article 3 de cette directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une
rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat.
57 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 prévoit que l’appréciation du caractère abusif ne porte pas sur les clauses relatives à la définition de l’objet principal du contrat ni sur celles concernant l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.
58 Selon la jurisprudence de la Cour, les clauses visées à cet article 4, paragraphe 2, tout en relevant du domaine régi par la directive 93/13, échappent à l’appréciation de leur caractère abusif pour autant que la juridiction nationale compétente estime, à la suite d’un examen au cas par cas, qu’elles ont été rédigées par le professionnel de façon claire et compréhensible. Ainsi, cette disposition vise uniquement à établir les modalités et l’étendue du contrôle de fond des clauses contractuelles,
n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui décrivent les prestations essentielles des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, points 32 et 34). En outre, il découle de ladite disposition que la circonstance qu’une clause ne soit pas rédigée de manière claire et compréhensible n’est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un caractère abusif [arrêt
du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C‑265/22, EU:C:2023:578, point 66 et jurisprudence citée].
59 Lorsque, comme dans le litige au principal, un contrat a pour objet la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans ce contrat, une clause prévoyant que, pour la fourniture de tels services, le jeune sportif cocontractant s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion dudit contrat est, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 87 de ses
conclusions, pertinente aux fins de la détermination tant de l’objet principal du contrat que de l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.
60 Il s’ensuit que ladite clause entre dans le champ d’application de cet article 4, paragraphe 2, et que, par conséquent, en principe, une juridiction nationale ne peut procéder à l’appréciation de son caractère abusif que si elle parvient à la conclusion qu’elle n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible.
61 Cependant, en l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, à la date de conclusion du contrat en cause au principal, à savoir le 14 janvier 2009, certaines dispositions de la directive 93/13, en particulier son article 4, paragraphe 2, n’avaient pas encore été transposées par la République de Lettonie dans son ordre juridique, la transposition de ladite disposition n’étant devenue effective que le 1er juillet 2014.
62 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 8 de la directive 93/13 prévoit expressément la possibilité pour les États membres d’« adopter ou [de] maintenir, dans le domaine régi par [cette] directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur ».
63 La Cour en a déduit que les États membres ne sauraient être empêchés de maintenir ou d’adopter, dans l’ensemble du domaine régi par la directive 93/13, dont relèvent les clauses visées à l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, des règles plus strictes que celles prévues par cette directive elle-même, pourvu qu’elles visent à assurer un niveau de protection plus élevé des consommateurs (arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, points 35 et 40).
64 Ainsi, lorsque le droit national le permet, une juridiction nationale peut apprécier, dans le cadre d’un litige concernant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, le caractère abusif d’une clause n’ayant pas été individuellement négociée, qui porte notamment sur l’objet principal de ce contrat, même dans les hypothèses où cette clause a été rédigée préalablement par le professionnel de façon claire et compréhensible.
65 Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier si, à la date de conclusion du contrat du 14 janvier 2009, le droit national permettait d’apprécier le caractère abusif d’une clause relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, y compris dans les hypothèses où cette clause avait été rédigée de façon claire et compréhensible.
66 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 4, paragraphe 2, et l’article 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat
relève du champ d’application de cette disposition. Par conséquent, une juridiction nationale ne peut, en principe, apprécier, au regard de l’article 3 de cette directive, le caractère abusif d’une telle clause que si elle parvient à la conclusion que celle-ci n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. Toutefois, lesdites dispositions ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif de ladite clause même lorsque celle-ci est
rédigée de façon claire et compréhensible.
Sur la quatrième question
67 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat se limitant à prévoir, sans autre précision, que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un sportif s’engage à payer au prestataire une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat doit être
considérée comme étant rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de cette disposition.
68 À cet égard, l’article 5 de la directive 93/13 prévoit, d’une part, que, dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible et, d’autre part, que, en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur doit prévaloir.
69 S’agissant de l’exigence de transparence des clauses contractuelles, telle qu’elle est prévue tant à l’article 4, paragraphe 2, qu’à l’article 5 de la directive 93/13, la Cour a souligné que cette exigence ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci, mais qu’elle doit être entendue de manière extensive, compte tenu de la situation d’infériorité dans laquelle se trouve le consommateur à l’égard du professionnel en ce qui concerne,
notamment, le niveau d’information (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
70 Ladite exigence de transparence impose donc non seulement qu’une clause soit intelligible pour le consommateur concerné sur les plans formel et grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et
intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée].
71 Il appartient au juge national de vérifier, au regard de l’ensemble des faits pertinents, si cette exigence est respectée. Plus particulièrement, il lui incombe de contrôler, en tenant compte des circonstances entourant la conclusion du contrat, si a été communiqué au consommateur l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement, lui permettant d’évaluer les conséquences financières de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023,
D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 38 et jurisprudence citée].
72 À cet égard, la Cour a jugé, dans le cadre d’un litige qui concernait une clause de paiement d’honoraires d’avocat, que, s’il ne peut être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’événements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de
prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels événements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée [arrêt du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 43].
73 En l’occurrence, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte des caractéristiques propres à la clause en cause au principal et de l’ensemble des éléments pertinents entourant la conclusion du contrat du 14 janvier 2009, si les informations communiquées par le professionnel avant la conclusion de ce contrat ont permis au consommateur de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences financières qu’entraînait la conclusion dudit contrat
[voir, par analogie, arrêt du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 44].
74 S’agissant des caractéristiques d’une clause, telle que celle en cause au principal, qui prévoit le montant de la rémunération du prestataire de services sur la base d’un pourcentage fixe des revenus futurs du cocontractant pour une période déterminée, il convient de relever qu’une telle clause ne peut, en elle-même, être considérée comme étant de nature à permettre à l’intéressé d’évaluer les conséquences économiques pouvant en résulter à son égard que pour autant qu’elle décrit de manière
précise les revenus concernés. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si l’indication, figurant dans le contrat du 14 janvier 2009, selon laquelle la rémunération du prestataire de services est calculée sur la base d’un pourcentage fixe de tous les revenus nets provenant des événements en termes de jeu, de publicité, de marketing et de médias liés au sport concerné peut, à elle seule, être considérée comme répondant à un tel degré de précision. Il est également nécessaire que la
nature des services fournis en contrepartie de la rémunération prévue puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 43).
75 Il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi de vérifier si, à la date de conclusion du contrat du 14 janvier 2009, l’intéressé disposait, s’agissant tant de la nature des services appelés à être fournis par le professionnel que de l’assiette de calcul du montant de la rémunération à payer en contrepartie, de l’ensemble des informations nécessaires pour lui permettre d’évaluer les conséquences économiques de son engagement.
76 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat se limitant à prévoir que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un sportif s’engage à payer au prestataire une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au
cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion dudit contrat, l’ensemble des informations nécessaires pour lui permettre d’évaluer les conséquences économiques de son engagement.
Sur la cinquième question
77 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat prévoyant que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un jeune sportif s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat crée au détriment du consommateur un
déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, au sens de cette disposition, dans le cas où cette clause n’établit pas de lien entre la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur.
78 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière porte sur l’interprétation des notions de la directive 93/13 ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de celle-ci, étant entendu qu’il appartient à ce juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en
fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel),C‑265/22, EU:C:2023:578, point 50].
79 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.
80 Dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il lui incombe d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du
consommateur, au sens de cette disposition [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C‑265/22, EU:C:2023:578, point 63].
81 Afin de préciser ces notions, il convient de rappeler, d’une part, quant à la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle [arrêt du
13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C‑265/22, EU:C:2023:578, point 64].
82 D’autre part, afin de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, il y a lieu, notamment, de tenir compte des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, de manière à évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure ce contrat place ce consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national en vigueur
[arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C‑265/22, EU:C:2023:578, point 65].
83 Ce n’est qu’en procédant à cette analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur.
84 Cela étant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 91 de ses conclusions, d’autres éléments peuvent également être pris en considération afin d’apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif, tels que les pratiques de marché loyales et équitables à la date de conclusion du contrat en cause en matière de rémunération dans le domaine sportif concerné ou les obligations auxquelles un consommateur raisonnablement informé pouvait s’attendre à être soumis eu égard à ces pratiques.
85 Enfin, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, le juge national est tenu d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment où il est conclu, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses dudit contrat ou d’un autre dont il dépend [voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2024, Caixabank e.a. (Contrôle de
transparence dans l’action collective), C‑450/22, EU:C:2024:577, point 29 ainsi que jurisprudence citée].
86 En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 95 de ses conclusions, la juridiction de renvoi devra tenir compte de divers éléments propres au contrat du 14 janvier 2009, tels le fait que, par sa nature même, ce contrat comportait un facteur de risque pour A. En effet, ledit contrat stipulait que la rémunération due à A n’était exigible qu’à la condition que les revenus atteignent un montant d’au moins 1500 euros par mois, que C pouvait résilier unilatéralement ce contrat
sans verser de compensation en cas, notamment, de décision de ne pas poursuivre sa carrière professionnelle, ou encore que les services fournis par A l’étaient sans garantie que C parvienne au résultat escompté, à savoir devenir professionnel (voir, par analogie, arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, point 42).
87 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat prévoyant que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un jeune sportif s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat ne crée pas au détriment du
consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de cette disposition, du seul fait que cette clause n’établit pas de lien entre la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur. En effet, l’existence d’un tel déséquilibre doit être appréciée au regard, notamment, des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, des pratiques de marché loyales et équitables à la date de conclusion du contrat en
matière de rémunération dans le domaine sportif concerné ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion dudit contrat de même que de toutes les autres clauses de celui-ci ou d’un autre contrat dont il dépend.
Sur la sixième question
88 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui a constaté qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur revêt un caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, réduise le montant dû par le consommateur à hauteur des frais effectivement supportés par le prestataire dans le cadre
de l’exécution de ce contrat.
89 À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.
90 Cette disposition constitue une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 38).
91 Dans ces conditions, ladite disposition doit être considérée comme une norme équivalente aux règles nationales qui ont, au sein de l’ordre juridique interne, le caractère de normes d’ordre public (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 54), de sorte qu’une clause abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé.
92 En ce qui concerne la possibilité pour un juge national qui a constaté qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur revêt un caractère abusif de réviser le contenu de cette clause au lieu d’en écarter simplement l’application à l’égard du consommateur, il convient de relever que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être compris comme permettant au juge national de recourir à une telle possibilité (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Banco
Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 71).
93 S’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser
lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54).
94 Le contrat en cause peut, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, être maintenu pour autant que, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat sans les clauses abusives est juridiquement possible, ce qu’il convient de vérifier selon une approche objective (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 39).
95 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la sixième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui a constaté qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur revêt un caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, réduise le montant dû par le consommateur à hauteur des frais effectivement supportés par le
prestataire dans le cadre de l’exécution de ce contrat.
Sur les septième et huitième questions
96 Il n’y a pas lieu de répondre aux septième et huitième questions, celles-ci n’ayant été posées que dans l’hypothèse d’une réponse négative à la troisième question.
Sur la neuvième question
97 Par sa neuvième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13, lue à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, doit être interprétée en ce sens que, dans le cas où une clause d’un contrat prévoit que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un consommateur s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années
suivant la conclusion de ce contrat, la circonstance que le consommateur était mineur lors de la conclusion dudit contrat et que ce dernier a été conclu par les parents du mineur au nom de celui-ci est pertinente aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause.
98 Il convient de rappeler que le champ d’application de la Charte, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
99 En l’occurrence, en réponse à la première question, la Cour a constaté l’applicabilité de la directive 93/13 à un contrat tel que celui en cause au principal, de sorte que le cadre réglementaire national dans lequel s’inscrit le litige au principal constitue une mise en œuvre de cette directive et, donc, du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
100 Par conséquent, la juridiction de renvoi est tenue, lorsqu’elle applique la directive 93/13, de respecter les droits fondamentaux consacrés par la Charte, au nombre desquels figurent ceux prévus aux articles 17 et 24 de celle-ci, qui concernent, respectivement, le droit de propriété et les droits de l’enfant.
101 S’agissant en particulier des droits de l’enfant, garantis à l’article 24 de la Charte, ceux-ci impliquent notamment l’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans tous les actes relatifs aux enfants.
102 Par conséquent, si la directive 93/13 ne fait pas référence aux consommateurs mineurs, il n’en résulte pas moins de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, auquel se réfèrent expressément les explications relatives à l’article 24 de la Charte, que l’intérêt supérieur de l’enfant doit non seulement être pris en compte dans
l’appréciation sur le fond des demandes concernant des enfants, mais également influer sur le processus décisionnel conduisant à cette appréciation, moyennant des garanties procédurales particulières. En effet, ainsi que l’a relevé le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’expression « intérêt supérieur de l’enfant », au sens de cet article 3, paragraphe 1, fait référence à la fois à un droit de fond, à un principe interprétatif et à une règle de procédure [arrêt du 11 juin 2024,
Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Femmes s’identifiant à la valeur de l’égalité entre les sexes), C‑646/21, EU:C:2024:487, point 73].
103 Cela étant, l’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, qui pèse notamment sur la juridiction de renvoi, n’exclut pas que cette juridiction puisse, en l’occurrence, prendre en considération la circonstance que les parents de C, qui le représentaient lors de la conclusion du contrat du 14 janvier 2009, avaient eux-mêmes une connaissance du milieu sportif professionnel ou le fait que C était âgé de 17 ans à la date à laquelle ce contrat a été conclu.
104 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la neuvième question que la directive 93/13, lue à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, doit être interprétée en ce sens que, dans le cas où une clause d’un contrat prévoit que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un consommateur s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours
des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, la circonstance que le consommateur était mineur lors de la conclusion dudit contrat et que ce dernier a été conclu par les parents du mineur au nom de celui-ci est pertinente aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause.
Sur la dixième question
105 Il n’y a pas lieu de répondre à la dixième question, celle-ci n’ayant été posée que dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question.
Sur les dépens
106 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
doivent être interprétés en ce sens que :
un contrat de services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif, conclu entre, d’une part, un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et, d’autre part, un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce contrat, n’était pas encore employé dans le domaine du sport et, partant, avait la qualité de consommateur, relève du champ d’application de cette directive.
2) L’article 4, paragraphe 2, et l’article 8 de la directive 93/13
doivent être interprétés en ce sens que :
une clause contractuelle prévoyant que, pour la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, le jeune sportif s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat relève du champ d’application de cette disposition. Par conséquent, une juridiction nationale ne peut, en principe, apprécier, au regard de l’article 3 de cette directive, le
caractère abusif d’une telle clause que si elle parvient à la conclusion que celle-ci n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. Toutefois, lesdites dispositions ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif de ladite clause même lorsque celle-ci est rédigée de façon claire et compréhensible.
3) L’article 5 de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat se limitant à prévoir, que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un sportif s’engage à payer au prestataire une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion dudit contrat, l’ensemble des
informations nécessaires pour lui permettre d’évaluer les conséquences économiques de son engagement.
4) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
une clause d’un contrat prévoyant que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un jeune sportif s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat ne crée pas au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de cette disposition, du seul fait que cette clause n’établit pas de lien entre
la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur. En effet, l’existence d’un tel déséquilibre doit être appréciée au regard, notamment, des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, des pratiques de marché loyales et équitables à la date de conclusion du contrat en matière de rémunération dans le domaine sportif concerné ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion dudit contrat de même que de toutes les autres clauses
de celui-ci ou d’un autre contrat dont il dépend.
5) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui a constaté qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur revêt un caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, réduise le montant dû par le consommateur à hauteur des frais effectivement supportés par le prestataire dans le cadre de l’exécution de ce contrat.
6) La directive 93/13, lue à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprétée en ce sens que :
dans le cas où une clause d’un contrat prévoit que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un consommateur s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, la circonstance que le consommateur était mineur lors de la conclusion dudit contrat et que ce dernier a été conclu par les parents du mineur au nom de celui-ci est pertinente aux fins de
l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le letton.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.