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20/03/2025 | CJUE | N°C-809/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Sumitomo Chemical Agro Europe SAS contre Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires SAS France (CERA)., 20/03/2025, C-809/23


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

20 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Produits biocides – Directive 98/8/CE – Règlement (UE) no 528/2012 – Applicabilité ratione temporis – Règles transitoires – Accès aux informations – Articles 66 et 67 – Demande d’accès à un rapport d’équivalence technique entre des substances actives contenues dans des produits biocides établi par l’autorité compétente d’un État membre – Protection des intérêts commerciaux – Directive 2003/4/CE – Applicabilité ratione materiae 

Article 4, paragraphe 2 – Notion d’“informations
relatives à des émissions dans l’environnement” »

Dans l’affaire C‑809...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

20 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Produits biocides – Directive 98/8/CE – Règlement (UE) no 528/2012 – Applicabilité ratione temporis – Règles transitoires – Accès aux informations – Articles 66 et 67 – Demande d’accès à un rapport d’équivalence technique entre des substances actives contenues dans des produits biocides établi par l’autorité compétente d’un État membre – Protection des intérêts commerciaux – Directive 2003/4/CE – Applicabilité ratione materiae – Article 4, paragraphe 2 – Notion d’“informations
relatives à des émissions dans l’environnement” »

Dans l’affaire C‑809/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 20 décembre 2023, parvenue à la Cour le 22 décembre 2023, dans la procédure

Sumitomo Chemical Agro Europe SAS

contre

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES),

Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires SAS France (CERA),

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de la première chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer (rapporteur), juge,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Sumitomo Chemical Agro Europe SAS, par Mes M. Grunchard, M. Ombredane, avocates, et Me K. Van Maldegem, advocaat,

– pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), par Me F. Pinet, avocat,

– pour le gouvernement français, par MM. M. de Lisi, B. Fodda, et Mme B. Travard, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. R. Lindenthal, M. Noll‑Ehlers et F. Thiran, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19 de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO 1998, L 123, p. 1), des articles 66 et 67 du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE)
no 334/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014 (JO 2014, L 103, p. 22) (ci-après le « règlement no 528/2012 »), ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO 2003, L 41, p. 26).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sumitomo Chemical Agro Europe SAS à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (France) et à Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires SAS France (CERA) au sujet du refus d’accès à l’intégralité d’un rapport de cette agence concluant à l’équivalence technique entre deux substances actives contenues dans les produits biocides commercialisés par Sumitomo Chemical
Agro Europe et par CERA.

Le cadre juridique

Le droit international

3 La convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »), prévoit, à son article 4, intitulé « Accès à l’information sur l’environnement » :

« 1.   Chaque partie fait en sorte que, sous réserve des paragraphes suivants du présent article, les autorités publiques mettent à la disposition du public, dans le cadre de leur législation nationale, les informations sur l’environnement qui leur sont demandées [...]

[...]

4.   Une demande d’informations sur l’environnement peut être rejetée au cas où la divulgation de ces informations aurait des incidences défavorables sur :

[...]

d) le secret commercial et industriel lorsque ce secret est protégé par la loi afin de défendre un intérêt économique légitime. Dans ce cadre, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l’environnement doivent être divulguées ;

[...]

Les motifs de rejet susmentionnés devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l’environnement.

[...] »

Le droit de l’Union

La directive 98/8

4 La directive 98/8 a, sous réserve des dispositions transitoires visées au point 13 du présent arrêt, été abrogée avec effet à compter du 1er septembre 2013 par le règlement no 528/2012, dans sa version initiale, lequel est applicable depuis cette date.

5 L’article 19 de cette directive, intitulé « Confidentialité », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice de la directive 90/313/CEE du Conseil du 7 juin 1990 concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement [(JO 1990, L 158, p. 56)], un demandeur peut indiquer à l’autorité compétente les informations qu’il considère comme commercialement sensibles et dont la diffusion pourrait lui porter préjudice en matière industrielle ou commerciale et pour lesquelles il revendique donc la confidentialité vis-à-vis de toute personne autre que les autorités compétentes et la
Commission [européenne]. Des justifications complètes devront être fournies dans chaque cas. Sans préjudice des informations visées au paragraphe 3 [...], les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir la confidentialité de l’intégralité de la composition des produits si le demandeur le demande. »

Le règlement no 528/2012

6 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 :

« 1.   Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

w) “équivalence technique” : la similitude, en ce qui concerne la composition chimique et le profil de risques, entre une substance, provenant soit d’une source différente de la source de référence, soit de la source de référence mais à la suite d’un changement de processus de fabrication et/ou de lieu de fabrication, et la substance de la source de référence qui a fait l’objet de l’évaluation des risques initiale, telle que prévue à l’article 54 ;

[...] »

7 L’article 19 de ce règlement, intitulé « Conditions d’octroi d’une autorisation », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un produit biocide autre qu’un des produits admissibles à la procédure d’autorisation simplifiée conformément à l’article 25 est autorisé si les conditions suivantes sont réunies :

a) les substances actives sont énumérées à l’annexe I ou approuvées pour le type de produits concerné et toutes les conditions spécifiées pour ces substances actives sont remplies ;

[...]

c) l’identité chimique, la quantité et l’équivalence technique des substances actives dans le produit biocide, ainsi que, le cas échéant, les impuretés et substances non actives importantes et pertinentes sur le plan toxicologique ou écotoxicologique, ainsi que les résidus importants du point de vue toxicologique ou environnemental, pouvant résulter des utilisations à autoriser, peuvent être déterminés conformément aux exigences applicables définies aux annexes II et III ;

[...] »

8 L’article 30 dudit règlement, intitulé « Évaluation des demandes », prévoit, à son paragraphe 3, sous a) :

« Dans le délai de 365 jours visé au paragraphe 1, l’autorité compétente réceptrice :

a) établit un rapport récapitulant les conclusions de son évaluation et les motifs justifiant l’autorisation du produit biocide ou le rejet de la demande d’autorisation (ci-après dénommé “rapport d’évaluation”) ».

9 L’article 54 du même règlement, intitulé « Évaluation de l’équivalence technique », est ainsi libellé :

« 1.   Lorsqu’il est nécessaire d’établir l’équivalence technique de substances actives, la personne cherchant à établir cette équivalence (ci‑après dénommée “demandeur”) présente une demande à l’[Agence européenne des produits chimiques (ECHA)].

2.   Le demandeur présente toutes les données requises par l’[ECHA] pour évaluer l’équivalence technique.

[...]

4.   Après avoir donné au demandeur la possibilité de formuler des observations, l’[ECHA] prend une décision dans un délai de 90 jours à compter de la réception de la demande visée au paragraphe 1 et la communique aux États membres et au demandeur.

5.   Lorsque, de l’avis de l’[ECHA], des informations complémentaires sont nécessaires pour procéder à l’évaluation de l’équivalence technique, l’[ECHA] invite le demandeur à fournir ces informations dans un délai qu’elle détermine. L’[ECHA] rejette la demande si le demandeur ne présente pas les informations complémentaires dans le délai imparti. Le délai de 90 jours visé au paragraphe 4 est suspendu à compter de la date de formulation de la requête, jusqu’à la date de réception des informations.
Cette suspension ne dépasse pas 180 jours sauf si elle est justifiée par la nature des données requises ou par des circonstances exceptionnelles.

6.   Le cas échéant, l’[ECHA] peut consulter l’autorité compétente de l’État membre qui a agi en tant qu’autorité compétente d’évaluation pour l’évaluation de la substance active.

[...] »

10 L’article 66 du règlement no 528/2012, intitulé « Confidentialité », dispose :

« 1.   Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [(JO 2001, L 145, p. 43)] et les règles adoptées par le conseil d’administration de l’[ECHA] conformément à l’article 118, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1907/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques,
ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1),] s’appliquent aux documents détenus par l’[ECHA] aux fins du présent règlement.

2.   L’[ECHA] et les autorités compétentes refusent l’accès aux informations lorsque la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux, de la vie privée ou de la sécurité des personnes concernées.

La divulgation des informations suivantes est, en principe, considérée comme portant atteinte à la protection des intérêts commerciaux, de la vie privée ou de la sécurité des personnes concernées :

a) les données concernant la composition intégrale d’un produit biocide ;

b) la quantité exacte de substance active ou de produit biocide fabriquée ou mise à disposition sur le marché ;

c) les liens entre le fabricant d’une substance active et la personne responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide, ou entre la personne responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide et les distributeurs de ce produit ;

d) les nom et adresse des personnes pratiquant des essais sur les vertébrés.

Toutefois, lorsqu’une mesure d’urgence est indispensable pour protéger la santé humaine, la santé animale, la sécurité ou l’environnement, ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt général, l’[ECHA] ou les autorités compétentes divulguent les informations visées au présent paragraphe.

3.   Nonobstant le paragraphe 2, une fois l’autorisation accordée, l’accès aux informations suivantes n’est en aucun cas refusé :

[...]

j) les méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, point c) ;

[...]

4.   Toute personne qui soumet des informations concernant une substance active ou un produit biocide à l’[ECHA] ou à une autorité compétente aux fins du présent règlement peut demander que les informations visées à l’article 67, paragraphes 3 et 4, ne soient pas diffusées, en expliquant les raisons pour lesquelles la divulgation de ces informations pourrait porter atteinte à ses propres intérêts commerciaux ou à ceux d’un tiers concerné. »

11 Aux termes de l’article 67 du règlement no 528/2012, intitulé « Accès public électronique » :

« 1.   À compter de la date à laquelle la Commission adopte un règlement d’exécution portant approbation d’une substance active, tel que visé à l’article 9, paragraphe 1, point a), les informations à jour suivantes détenues par l’[ECHA] ou par la Commission sur ladite substance active sont mises gratuitement à la disposition du public dans des conditions d’accès faciles :

[...]

h) les méthodes d’analyse visées à l’annexe II, titre 1, sections 5.2 et 5.3, et titre 2, section 4.2.

2.   À compter de la date à laquelle un produit biocide est autorisé, l’[ECHA] met gratuitement à la disposition du public, dans des conditions d’accès faciles, les informations à jour suivantes :

a) les conditions de l’autorisation ;

b) le résumé des caractéristiques du produit biocide ; et

c) les méthodes d’analyse visées à l’annexe III, titre 1, sections 5.2 et 5.3, et titre 2, section 5.2.

3.   À compter de la date à laquelle la Commission adopte un règlement d’exécution portant approbation d’une substance active, tel que visé à l’article 9, paragraphe 1, point a), sauf si le fournisseur de données expose des motifs, conformément à l’article 66, paragraphe 4, jugés valables par l’autorité compétente ou par l’[ECHA] pour démontrer que cette publication est susceptible de porter atteinte à ses intérêts commerciaux ou à ceux de toute autre partie concernée, l’[ECHA] met gratuitement à
la disposition du public les informations à jour suivantes sur ladite substance active :

[...]

e) le rapport d’évaluation.

4.   À compter de la date à laquelle un produit biocide est autorisé, sauf si le fournisseur de données expose des motifs, conformément à l’article 66, paragraphe 4, jugés valables par l’autorité compétente ou par l’[ECHA] pour démontrer que cette publication est susceptible de porter atteinte à ses intérêts commerciaux ou à ceux de toute autre partie concernée, l’[ECHA] met gratuitement à la disposition du public les informations à jour suivantes :

a) les résumés ou les résumés consistants d’études présentées à l’appui de l’autorisation du produit biocide ; et

b) le rapport d’évaluation. »

12 L’article 91 de ce règlement, intitulé « Mesures transitoires concernant les demandes d’autorisation d’un produit biocide présentées en vertu de la directive 98/8/CE », dispose :

« Les demandes d’autorisation de produits biocides soumises aux fins de la directive 98/8/CE dont l’évaluation n’est pas terminée au 1er septembre 2013 sont évaluées par les autorités compétentes conformément aux dispositions de ladite directive.

[...] »

13 L’article 96, premier alinéa, du règlement no 528/2012 dispose que, « [s]ans préjudice de l’article 86, des articles 89 à 93 et de l’article 95 du présent règlement, la directive 98/8/CE est abrogée avec effet à compter du 1er septembre 2013 ».

14 Conformément à l’article 97, deuxième alinéa, du règlement no 528/2012, ce dernier est applicable à partir du 1er septembre 2013.

15 L’annexe III de ce règlement, dans sa version résultant du règlement délégué (UE) 2021/525 de la Commission, du 19 octobre 2020, modifiant les annexes II et III du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2021, L 106, p. 3), dispose, à son titre 2, intitulé « Micro[‑]organismes » :

« Ensemble de données de base et de données supplémentaires

Les informations requises pour appuyer l’autorisation d’un produit biocide sont énumérées dans le tableau ci-dessous.

[...]

Colonne 1 Colonne 2 Colonne 3

Informations requises Toutes les données sont des données de base à moins qu’elles soient indiquées comme données supplémentaires Règles spécifiques d’adaptation concernant la colonne 1
[...]    
2. Identité des produits biocides    
[...]    
2.5. Lorsque le produit biocide contient une substance active qui a été fabriquée dans des lieux ou selon des procédés ou à partir de matières premières autres que ceux de la substance active évaluée aux fins de l’approbation visée à l’article 9 du présent règlement, la preuve doit être fournie que l’équivalence technique a été établie    
conformément à l’article 54 du présent règlement ou a été établie, à la suite d’une évaluation ayant commencé avant le 1er septembre 2013, par une autorité compétente désignée conformément à l’article 26 de la directive 98/8/CE

[...] »

16 L’annexe VI dudit règlement, intitulée « Principes communs d’évaluation des dossiers de produits biocides », prévoit :

« [...]

Évaluation

Principes généraux

[...]

21. Le cas échéant, l’équivalence technique pour chaque substance active contenue dans le produit biocide est établie par rapport aux substances actives déjà inscrites sur la liste des substances actives approuvées.

[...] »

La directive 2003/4

17 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/4 :

« Les États membres veillent à ce que les autorités publiques soient tenues, conformément à la présente directive, de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, les informations environnementales qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte. »

18 L’article 4 de cette directive dispose, à son paragraphe 2 :

« Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte :

[...]

d) à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou communautaire afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal ;

[...]

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, point a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée [lorsqu’elle] concerne des
informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[...] »

Le règlement no 1907/2006

19 Le considérant 117 du règlement no 1907/2006 énonce :

« Les citoyens de l’Union européenne devraient avoir accès à des informations sur les substances auxquelles ils risquent d’être exposés, afin de pouvoir prendre, en connaissance de cause, des décisions sur l’utilisation qu’ils souhaitent faire de ces substances. Un moyen transparent de réaliser cet objectif consiste à assurer aux citoyens un accès gratuit et aisé aux données de base contenues dans la base de données de l’[ECHA], y compris des descriptions succinctes de propriétés dangereuses, les
exigences en matière d’étiquetage et la législation communautaire pertinente, notamment les utilisations autorisées et les mesures de gestion des risques. Il convient que l’[ECHA] et les États membres permettent l’accès à l’information conformément à la directive [2003/4], au règlement [no 1049/2001], et à la convention [d’Aarhus]. »

Le règlement (CE) no 1367/2006

20 L‘article 6 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), prévoit, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement (CE) no 1049/2001, à l’exception des enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire, la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Pour ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement (CE) no 1049/2001, les motifs de refus
doivent être interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. »

Le droit français

21 Il résulte des dispositions des articles L.300-1, L.300-2 et L.311-1 du code des relations entre le public et l’administration que les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent, sous réserve des exceptions prévues par le titre Ier du livre III de ce code.

22 Aux termes de l’article L.311-6 dudit code :

« Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs :

1° Dont la communication porterait atteinte [...] au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles [...]

[...] »

23 L’article L.124-4 du code de l’environnement prévoit :

« I.-Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte :

1° Aux intérêts mentionnés aux articles L.311-5 à L.311-8 du code des relations entre le public et l’administration, à l’exception de ceux visés au e et au h du 2° de l’article L.311-5 ;

[...] »

24 L’article L.124-5 du code de l’environnement dispose :

« [...]

II.-L’autorité publique ne peut rejeter la demande d’une information relative à des émissions de substances dans l’environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porte atteinte :

1° À la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale ;

2° Au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d’infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ;

3° À des droits de propriété intellectuelle. »

25 L’article L.521-7 de ce code, qui était également applicable aux informations concernant des substances actives et produits biocides en vertu de l’article L.522-12 dudit code dont les dispositions transposaient l’article 19 de la directive 98/8 avant d’être abrogées, à la suite de l’entrée en vigueur du règlement no 528/2012, prévoit :

« I.-La personne ayant transmis à l’autorité administrative des informations pour lesquelles elle revendique le secret des affaires peut indiquer celles de ces informations qu’elle considère comme commercialement sensibles, dont la diffusion pourrait lui porter préjudice, et pour lesquelles elle demande le secret vis-à-vis de toute personne autre que l’autorité administrative. Dans ce cas, des justifications devront être fournies à l’autorité administrative qui apprécie le bien-fondé de la
demande.

[...]

II.-L’autorité administrative prend toutes dispositions utiles pour que les informations reconnues par elle ou par l’autorité compétente d’un État membre de la Communauté européenne ou par l’[ECHA] comme relevant du secret des affaires ne soient accessibles qu’aux personnes qu’elle a désignées. [...]

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

26 La requérante au principal commercialise un produit biocide dénommé « Vectobac », destiné à lutter contre les moustiques et dont la substance active est le Bacillus thuringiensis israelensis, sérotype H14, souche AM65-52 (Bti-AM65-52). Cette dernière a été inscrite sur la liste des substances actives et des exigences y relatives approuvées au niveau communautaire pour inclusion dans les produits biocides qui figurait à l’annexe I de la directive 98/8.

27 Le 30 août 2013, selon les indications du Conseil d’État (France), la juridiction de renvoi, CERA a déposé, auprès de l’ANSES, des demandes d’autorisation de mise sur le marché de trois produits biocides, dénommés « Aquabac XT », « Aquabac DF3000 » et « Aquabac 200G », dont la substance active est le même bacille de même sérotype que la substance active visée au point précédent, mais dont la souche est BMP 144 (Bti-BMP 144). La finalité de ces produits est identique à celle du produit Vectobac.

28 Les autorisations sollicitées ont été délivrées par trois décisions de l’ANSES du 19 août 2019 sur le fondement d’un rapport, établi par cette dernière, concluant à l’équivalence technique des substances actives Bti-BMP 144 et Bti-AM65-52.

29 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, par courrier du 11 février 2021, la requérante au principal a demandé à l’ANSES de lui communiquer ce rapport.

30 L’ANSES lui a transmis les pages 1, 2 et 23 dudit rapport, correspondant, respectivement, à la page de garde, au sommaire et à une conclusion sous forme d’un tableau, mais a refusé la communication des pages restantes au motif qu’elles comportent des informations couvertes par le secret des affaires.

31 La requérante au principal a saisi le tribunal administratif de Melun (France) afin d’obtenir l’annulation de la décision du directeur général de l’ANSES du 8 août 2021 portant refus d’accès à l’intégralité du rapport en cause au principal. Par un jugement du 22 septembre 2022, cette juridiction a annulé cette décision en ce qu’elle a refusé la communication du point 2.2 de ce rapport, figurant aux pages 21 et 22 de celui-ci, a enjoint à l’ANSES de procéder à cette communication et a rejeté le
surplus des conclusions de la requérante au principal.

32 La requérante au principal a formé un pourvoi contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, en lui demandant, notamment, d’annuler ledit jugement en ce qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions et, réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande.

33 Cette juridiction précise que les extraits non communiqués du rapport en cause au principal portent sur :

– la partie I, consacrée à la méthodologie utilisée par l’ANSES pour déterminer si la substance active contenue dans les produits Aquabac est techniquement équivalente à celle se trouvant dans le produit Vectobac et

– la première sous-partie de la partie II qui met en œuvre cette méthodologie pour les substances actives en cause et contient des informations relatives, premièrement, à l’identité et aux coordonnées du demandeur et du fabricant de la substance active contenue dans les produits Aquabac, deuxièmement, à la localisation de l’usine dans laquelle elle est fabriquée, troisièmement, au nom du micro‑organisme actif, quatrièmement, à la classification de cette substance active, cinquièmement, à son
procédé de fabrication, sixièmement, à la teneur en substance active contenue dans les produits biocides en cause, septièmement, à l’identité des toxines et métabolites pertinents, des résidus de fermentation et des contaminants, huitièmement, au « profil d’analyse » consistant à comparer la composition de cinq lots des produits biocides en cause, neuvièmement, aux méthodes d’analyse pour l’identification du micro-organisme pur actif dans le micro-organisme actif tel qu’il est fabriqué, et,
dixièmement, aux méthodes d’analyse pour la détermination des impuretés et toxines, résidus de fermentations et contaminants dans ce micro-organisme.

34 La juridiction de renvoi souligne que le rapport sollicité a été établi dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits biocides Aquabac introduites par CERA avant le 1er septembre 2013 et que l’ANSES a fait application de l’article 91 du règlement no 528/2012 et donc instruit ces demandes, puis délivré ces autorisations, conformément aux dispositions nationales transposant la directive 98/8. Dans ces circonstances, cette juridiction cherche à
déterminer, en premier lieu, si une demande d’accès à ce rapport doit être examinée au regard des règles de confidentialité prévues par les dispositions nationales transposant l’article 19 de cette directive ou au regard des articles 66 et 67 de ce règlement.

35 En deuxième lieu, dans l’hypothèse d’une réponse affirmative quant à l’applicabilité de la directive 98/8, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 3, sous f) et k), de celle‑ci.

36 En troisième lieu, à supposer que le litige au principal relève du champ d’application du règlement no 528/2012, les interrogations de cette juridiction portent sur l’interprétation de l’article 66, paragraphe 3, sous j), de ce règlement ainsi que de l’article 67, paragraphe 1, sous h), paragraphe 3, sous e), et paragraphe 4, de celui-ci.

37 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que les articles 66 et 67 du règlement no 528/2012 ne font pas référence à la directive 2003/4, alors que l’article 19 de la directive 98/8 prévoyait qu’il s’appliquait sans préjudice de la directive 90/313, laquelle a été abrogée et remplacée par la directive 2003/4. Dans ces conditions, cette juridiction se demande si le législateur de l’Union a entendu définir, dans le règlement no 528/2012, un régime spécifique et exhaustif de communication au
public des informations relatives aux produits biocides et à leurs substances actives et, ainsi, écarter les dispositions de la directive 2003/4.

38 En quatrième lieu, la résolution du litige au principal dépendrait également de la question de savoir si la qualification « d’informations ayant trait à des émissions dans l’environnement », au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4, à la supposer applicable, est susceptible de s’appliquer aux informations détenues par l’autorité compétente à la suite de l’examen de l’équivalence technique d’une substance active avec une substance active approuvée.

39 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Lorsque l’autorité nationale compétente, qui a été saisie d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide avant le 1er septembre 2013 et qui, en application de l’article 91 du règlement no 528/2012, a instruit cette demande sur le fondement des dispositions nationales transposant la directive 98/8 est, postérieurement à la délivrance de cette autorisation, saisie par un tiers d’une demande d’accès à des informations relatives au produit biocide qu’elle a autorisé et à
la substance active qu’il contient, notamment à son équivalence technique avec une substance active autorisée, cette autorité doit‑elle examiner cette demande d’accès au regard des règles de confidentialité prévues par les dispositions nationales transposant l’article 19 de la directive 98/8 ou de celles prévues par les articles 66 et 67 du règlement no 528/2012 ?

2) Si une telle demande d’accès est régie par la directive 98/8, dont l’article 19 s’applique sans préjudice de la directive 2003/4 [...] :

a) le [point] k) du paragraphe 3 de cet article, qui prévoit qu’une fois l’autorisation de mise sur le marché du produit biocide accordée, la confidentialité ne s’applique en aucun cas aux “méthodes d’analyses visées à l’article 5, paragraphe 1, point c)”, permet-il au demandeur d’obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de ces
méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu’elles ont permis de tirer [;]

b) les “données physiques et chimiques concernant la substance active et le produit biocide”, qui ne peuvent rester confidentielles une fois l’autorisation accordée en vertu du [point] f) du paragraphe 3 de l’article 19, permettent-elles au demandeur d’exiger la communication de données détaillées relatives à la composition de la substance active ou du produit biocide, même susceptibles de révéler directement ou indirectement des procédés de fabrication ?

3) Si, à l’inverse, une telle demande d’accès est régie par le règlement no 528/2012 :

a) le législateur de l’Union a-t-il entendu, par les articles 66 et 67 de ce règlement, qui ne font pas référence à la directive 2003/4, définir un régime spécifique et exhaustif de communication au public des informations relatives aux produits biocides et à leurs substances actives et, ainsi, écarter les dispositions de la directive 2003/4 en tant qu’elles prévoient, d’une part, que le secret des affaires ne peut s’opposer à la communication des informations relatives à des émissions dans
l’environnement et, d’autre part, que si la divulgation d’autres informations relatives à l’environnement est susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux d’une entreprise, l’autorité administrative compétente doit, préalablement à un éventuel refus de communication, mettre en balance l’intérêt de cette entreprise et l’intérêt du public [;]

b) la communication d’un rapport d’évaluation de l’équivalence technique entre une substance active approuvée et la substance active que contient un produit biocide, élaboré à l’occasion d’une demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit, est-elle régie par le point e) du paragraphe 3 de l’article 67 du règlement no 528/2012, qui prévoit la publicité du rapport d’évaluation des substances actives approuvées sauf traitement confidentiel sollicité par le demandeur, par le point b)
du paragraphe 4 de ce même article, qui prévoit la publicité du rapport d’évaluation d’un produit biocide autorisé sauf traitement confidentiel sollicité par le demandeur, ou par d’autres règles [;]

c) le point j) du paragraphe 3 de l’article 66 du règlement no 528/2012, qui prévoit qu’une fois l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide accordée, l’accès aux “méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, point c)” n’est “en aucun cas refusé”, permet-il d’obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de
ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu’elles ont permis de tirer [;]

d) le [point] h) du paragraphe 1 de l’article 67 du même règlement, qui prévoit qu’à partir de la date d’approbation d’une substance active, sont mises gratuitement à la disposition du public les “méthodes d’analyse visées à l’annexe II [...] titre 2, section 4.2”, doit-il être interprété comme renvoyant en réalité aux dispositions de la section 4.3 du titre 2 de l’annexe II auxquelles il faisait référence avant l’intervention du règlement délégué [2021/525] de la Commission, du 19 octobre
2020, modifiant les annexes II et III du règlement ? S’il y a lieu d’interpréter ces dispositions comme renvoyant aux dispositions aujourd’hui en vigueur de la section 4.2. du titre 2 de l’annexe II, et à supposer que ces dispositions soient applicables à une substance active qui n’a pas fait l’objet d’une approbation mais qui est reconnue comme techniquement équivalente à une substance active approuvée, la communicabilité de principe des “méthodes analytiques permettant l’analyse du
micro[-]organisme tel qu’il est fabriqué” mentionnées à cette section 4.2 permet-elle au demandeur d’obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu’elles ont permis de tirer ?

4) Enfin, si les dispositions de la directive 2003/4 s’appliquent au présent litige, la qualification “d’informations ayant trait à des émissions dans l’environnement” au sens du paragraphe 2 de l’article 4 de cette directive, qui inclut les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu de ces émissions, ainsi que les données relatives à leurs incidences, à plus ou moins long terme, sur l’environnement, est-elle susceptible de s’appliquer aux informations
produites ou reçues par l’autorité compétente dans le cadre de l’examen de l’équivalence technique d’une substance active avec une substance active approuvée, ou ne peut-elle s’appliquer qu’aux informations relatives au produit biocide dans lequel une telle substance est contenue, dès lors que c’est ce produit, dans tous ses composants, qui est émis dans l’environnement, et non la seule substance active ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

40 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsqu’une demande d’autorisation d’un produit biocide a été introduite sous l’empire de la directive 98/8 et a été instruite, puis approuvée, par l’autorité nationale compétente conformément aux dispositions nationales transposant cette directive, une demande d’accès aux informations relatives à ce produit et, notamment, à l’équivalence technique entre la substance active y contenue et une substance active approuvée,
doit être appréciée au regard de l’article 19 de la directive 98/8 ou des articles 66 et 67 du règlement no 528/2012, dans le cas où cette demande d’accès a été introduite après la date à laquelle ce règlement est devenu applicable.

41 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que la demande d’accès en cause au principal a été introduite le 11 février 2021. Elle porte sur les produits biocides Aquabac dont l’autorisation de mise sur le marché a été demandée, selon les indications de la juridiction de renvoi, le 30 août 2013.

42 Dans la mesure où la requérante au principal fait valoir, dans ses observations écrites, que, en réalité, les demandes d’autorisation ont été déposées le 6 octobre 2013, donc après l’entrée en vigueur du règlement no 528/2012, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul
compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal. Dans ce cadre, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union au regard de la situation factuelle et juridique telle que décrite par la juridiction de renvoi, afin de donner à cette dernière les éléments utiles à la solution du litige dont elle est saisie (arrêt du 24 octobre 2019, État belge, C‑35/19, EU:C:2019:894, point 28 et jurisprudence citée).

43 Par conséquent, c’est sur la base des éléments factuels indiqués par le Conseil d’État dans la décision de renvoi qu’il y a lieu de répondre aux questions posées.

44 Conformément à l’article 97, deuxième alinéa, du règlement no 528/2012, ce dernier est devenu applicable à partir du 1er septembre 2013. C’est avec effet à cette date que la directive 98/8 a été, en vertu de l’article 96, premier alinéa, de ce règlement, abrogée, sans préjudice des articles 86, 89 à 93 et 95 dudit règlement.

45 L’article 91, premier alinéa, du règlement no 528/2012 dispose certes que les demandes d’autorisation de produits biocides soumises aux fins de la directive 98/8 dont l’évaluation n’est pas terminée au 1er septembre 2013 sont évaluées par les autorités compétentes conformément aux dispositions de cette directive.

46 Il découle, en outre, du point 2.5 du titre 2 de l’annexe III du règlement no 528/2012, dans sa version résultant du règlement délégué 2021/525, que, lorsqu’une équivalence technique est exigée dans le cadre d’une procédure d’autorisation menée en vertu de ce règlement, la preuve doit être fournie que cette équivalence a été établie conformément à son article 54 « ou a été établie, à la suite d’une évaluation ayant commencé avant le 1er septembre 2013, par une autorité compétente désignée
conformément à l’article 26 de la directive 98/8 ».

47 Ces dispositions concernent la procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide. En revanche, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 29 et 30 de ses conclusions, aucune des mesures transitoires prévues aux articles 89 à 93 et 95 du règlement no 528/2012 ne concerne une demande telle que celle en cause au principal, à savoir une demande d’accès aux informations relatives à un produit biocide autorisé et à la substance active qu’il contient, notamment quant à son
équivalence technique avec une substance active approuvée.

48 Par ailleurs, comme l’a fait observer également M. l’avocat général, en substance, au point 33 de ses conclusions, la demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide et la demande d’accès à des informations relatives à un produit biocide autorisé font l’objet d’une appréciation par l’autorité compétente dans le cadre de deux procédures distinctes.

49 Partant, en l’absence de dispositions transitoires applicables à une demande d’accès à des informations, telle que celle en cause au principal, introduite après le 1er septembre 2013, relative à une substance active contenue dans un produit biocide autorisé sous l’empire de la directive 98/8, et, notamment, à l’équivalence technique entre une telle substance active et une autre substance active approuvée, l’évaluation de ladite demande est régie par les dispositions de ce règlement.

50 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 96 et 97 du règlement no 528/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’une demande d’accès aux informations relatives à une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et, notamment, à son équivalence technique avec une substance active approuvée, qui a été introduite après la date à laquelle ce règlement est devenu applicable, doit être appréciée au regard des
dispositions dudit règlement, quand bien même une telle demande concerne un produit biocide autorisé conformément à la directive 98/8 ou, le cas échéant, en vertu du même règlement sur le fondement d’une équivalence technique établie par une autorité compétente désignée conformément à l’article 26 de cette directive.

Sur la deuxième question

51 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

52 Il convient d’examiner, d’abord, la troisième question, sous c), puis, ensemble, les points b) et d) de cette question, avant de répondre au point a) de celle-ci.

Sur la troisième question, sous c)

53 Par sa troisième question, sous c), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 66, paragraphe 3, sous j), du règlement no 528/2012 doit être interprété en ce sens que, en réponse à une demande d’accès fondée sur cette disposition, l’autorité compétente est tenue de communiquer toute information détaillée relative aux méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, y compris lorsque la divulgation de ces informations porterait atteinte au secret
des affaires, ou uniquement des informations générales relatives à la nature de ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu’elles ont permis de tirer.

54 Conformément à l’article 66, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 528/2012, l’ECHA et les autorités compétentes refusent l’accès aux informations lorsque la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux, de la vie privée ou de la sécurité des personnes concernées. Le second alinéa de cette disposition énumère les informations dont la divulgation est, en principe, considérée comme portant une telle atteinte.

55 L’article 66, paragraphe 3, sous j), de ce règlement dispose que, nonobstant le paragraphe 2 de cet article 66, une fois que l’autorisation a été accordée, l’accès aux « méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, point c) », dudit règlement n’est en aucun cas refusé.

56 Comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 83 et 84 de ses conclusions, il ressort des termes non équivoques de l’article 66, paragraphe 3, du règlement no 528/2012 et, plus particulièrement, de l’expression « en aucun cas », que, une fois l’autorisation de mise sur le marché accordée, l’accès aux informations relatives aux méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, sous c), du règlement no 528/2012 ne peut être refusé pour un motif quelconque.

57 Cette dernière disposition exige, au titre des conditions d’octroi d’une autorisation de mise sur le marché pour un produit biocide autre qu’un des produits admissibles à la procédure d’autorisation simplifiée, que, notamment, l’identité chimique, la quantité et l’équivalence technique des substances actives dans le produit biocide puissent être déterminées conformément aux exigences applicables définies aux annexes II et III de ce règlement.

58 L’article 19, paragraphe 1, sous c), du règlement no 528/2012 mentionne donc explicitement, parmi les éléments faisant l’objet d’une évaluation menée conformément aux méthodes d’analyse visées à cet article 19 et susceptible de conduire à l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché du produit biocide en cause, l’équivalence technique des substances actives contenues dans ce produit. Par conséquent, en ce que l’article 66, paragraphe 3, sous j), de ce règlement prohibe tout refus d’accès aux
« méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, point c) », de celui-ci, il vise nécessairement les méthodes qui ont permis d’établir, entre autres, cette équivalence, telle qu’elle est définie à l’article 3, paragraphe 1, sous w), dudit règlement et visée, notamment, au point 2.5 du titre 2 de l’annexe III du même règlement.

59 Par ailleurs, dans la mesure où l’article 66, paragraphe 3, sous j), du règlement no 528/2012 prévoit l’obligation, pour l’autorité compétente, d’assurer l’accès à l’information relative aux méthodes d’analyse ayant été utilisées aux fins de l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché concernée, cette disposition ne saurait, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 82 de ses conclusions, être interprétée comme visant seulement la fourniture d’informations générales
relatives à la nature de ces méthodes. Elle doit, au contraire, être interprétée comme obligeant à fournir des informations précises et complètes sur lesdites méthodes. En revanche, et comme l’a également fait observer M. l’avocat général, ladite obligation est limitée aux méthodes d’analyse et ne s’étend donc pas aux résultats ou aux conclusions obtenus à la suite de l’application de ces méthodes.

60 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question, sous c), que l’article 66, paragraphe 3, sous j), du règlement no 528/2012 doit être interprété en ce sens que, une fois l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide accordée, l’autorité compétente ne peut refuser l’accès sollicité aux informations relatives aux méthodes d’analyse qui ont permis d’établir l’équivalence technique des substances actives contenues dans ce produit.
Ces informations doivent être précises et complètes, mais ne s’étendent pas aux résultats ou aux conclusions obtenus à la suite de l’application de ces méthodes.

Sur la troisième question, sous b) et d)

61 Par sa troisième question, sous b) et d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 67 du règlement no 528/2012 doit être interprété en ce sens que la communication intégrale ou partielle d’un rapport établissant l’équivalence technique entre une substance active approuvée et la substance active que contient un produit biocide, élaboré à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit, relève du champ d’application du paragraphe 1,
sous h), du paragraphe 3, sous e), ou du paragraphe 4, sous b), de cet article 67. La juridiction de renvoi demande, en outre, si ledit article 67, paragraphe 1, sous h), qui exige la mise à la disposition du public des « méthodes d’analyse visées à l’annexe II, [...] titre 2, section 4.2 », doit être interprétée comme renvoyant en réalité au point 4.3 du titre 2 de l’annexe II du règlement no 528/2012, ancien point 4.2 de ce titre devenu point 4.3 de celui-ci après l’entrée en vigueur du
règlement délégué 2021/525.

62 À cet égard, il convient de relever que l’article 67 du règlement no 528/2012 impose à l’ECHA et, à son paragraphe 1, à la Commission de mettre gratuitement à la disposition du public certaines informations et ne s’adresse pas, dès lors, aux autorités compétentes des États membres.

63 Cependant, ledit article 67 établit un cadre normatif de référence en matière de transparence également pertinent pour l’appréciation par l’autorité compétente d’un État membre, sous l’empire du règlement no 528/2012, du bien-fondé d’une demande d’accès aux informations relatives à un produit biocide autorisé conformément à la directive 98/8 ou sur le fondement d’une équivalence technique établie, en vertu du point 2.5 du titre 2 de l’annexe III de ce règlement, par une autorité compétente
désignée conformément à l’article 26 de cette directive.

64 L’article 67 du règlement no 528/2012 prévoit de mettre gratuitement à la disposition du public des informations, d’une part, « [à] compter de la date à laquelle la Commission adopte un règlement d’exécution portant approbation d’une substance active », conformément à ses paragraphes 1 et 3, et, d’autre part, « [à] compter de la date à laquelle un produit biocide est autorisé », conformément à ses paragraphes 2 et 4.

65 En l’occurrence, la demande d’accès aux informations en cause ne relève pas du premier, mais du second cas de figure. En effet, cette demande ne concerne pas des documents afférents à une procédure d’approbation d’une substance active, régie par les dispositions du chapitre II du règlement no 528/2012, mais des documents relevant d’une procédure d’autorisation de produits biocides, sur le fondement d’une équivalence technique d’une substance active y contenue avec une autre substance déjà
approuvée et inscrite sur la liste de l’Union des substances actives approuvées, ressortissant aux chapitres IV à VI de ce règlement.

66 De ce fait, ni le paragraphe 1, sous h), ni le paragraphe 3, sous e), de l’article 67 du règlement no 528/2012 ne sauraient s’appliquer dans le cadre d’un litige tel que celui en cause au principal.

67 S’agissant du second cas de figure mentionné au point 64 du présent arrêt, et, plus particulièrement, de l’article 67, paragraphe 4, sous b), du règlement no 528/2012, qui vise le « rapport d’évaluation », il convient de relever que cette notion est définie à l’article 30, paragraphe 3, sous a), de ce règlement comme le « rapport [établi par l’autorité compétente réceptrice] récapitulant les conclusions de [l’]évaluation et les motifs justifiant l’autorisation du produit biocide ou le rejet de la
demande d’autorisation ».

68 Certes, l’appréciation de l’équivalence technique entre la substance active contenue dans un produit biocide et une substance active déjà approuvée constitue une étape préalable à l’autorisation d’un tel produit, si une demande a été faite en ce sens. À cet égard, tout d’abord, l’article 54 du règlement no 528/2012, régissant l’évaluation de l’équivalence technique, se réfère à l’« évaluation » devant conduire à l’adoption d’une décision concernant l’équivalence technique entre les substances
actives. Ensuite, il ressort du point 2.5 du titre 2 de l’annexe III de ce règlement, dans sa version résultant du règlement délégué 2021/525, qu’une telle équivalence technique peut être établie, à la suite d’une « évaluation » ayant commencé avant le 1er septembre 2013, par une autorité compétente désignée conformément à l’article 26 de la directive 98/8. Enfin, l’annexe VI du règlement no 528/2012, qui définit, conformément à son intitulé, les principes communs d’évaluation des dossiers de
produits biocides, précise, à son point 21, que, « [l]e cas échéant, l’équivalence technique, pour chaque substance active contenue dans le produit biocide est établie par rapport aux substances actives déjà inscrites sur la liste des substances actives approuvées ». Cependant, il ne résulte pas de ces dispositions que les décisions prises par l’ECHA au titre de l’article 54 de ce règlement ou par l’autorité compétente d’un État membre, pour établir cette équivalence technique, constitueraient un
« rapport d’évaluation », au sens de l’article 30, paragraphe 3, sous a), dudit règlement.

69 Il apparaît ainsi que ni l’article 67, paragraphe 1, sous h), du règlement no 528/2012, ni l’article 67, paragraphe 3, sous e), de ce règlement, ni l’article 67, paragraphe 4, sous b), de celui-ci n’exigent la mise à la disposition du public d’un rapport tel que celui en cause au principal.

70 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la première partie de la troisième question, sous d), telle que rappelée dans la seconde phrase du point 61 du présent arrêt.

71 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question, sous b) et d), que l’article 67, paragraphe 1, sous h), l’article 67, paragraphe 3, sous e), et l’article 67, paragraphe 4, sous b), du règlement no 528/2012 doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas du champ d’application de ces dispositions la communication d’un rapport établissant l’équivalence technique entre une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et une substance
active approuvée, élaboré par l’autorité compétente d’un État membre à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit.

Sur la troisième question, sous a)

72 Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 66 et 67 du règlement no 528/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’ils définissent un régime spécifique et exhaustif d’accès aux informations détenues par les autorités compétentes d’un État membre relatives aux produits biocides et, notamment, à l’équivalence technique entre la substance active y contenue et une substance active approuvée, de nature à exclure l’application, par ces
autorités, des dispositions nationales qui transposent l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4.

73 S’agissant, en premier lieu, des articles 66 et 67 du règlement no 528/2012, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, l’article 67 de ce règlement ne s’adresse pas aux autorités compétentes des États membres, seul l’article 66 de celui-ci est pertinent pour l’examen de la troisième question, sous a).

74 Conformément à l’article 66, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 528/2012, la divulgation des « données concernant la composition intégrale d’un produit biocide » est, en principe, considérée comme portant atteinte à la protection des intérêts commerciaux. Par exception à cette règle, « lorsqu’une mesure d’urgence est indispensable pour protéger [...] l’environnement, ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt général », les autorités compétentes sont néanmoins tenues,
conformément au troisième alinéa de ce paragraphe, de divulguer ces informations. Par ailleurs, une fois l’autorisation accordée, l’accès n’est en aucun cas refusé aux informations relevant de l’une des treize catégories visées à l’article 66, paragraphe 3, du règlement no 528/2012, au nombre desquelles figurent, sous j), les « méthodes d’analyse visées à l’article 19, paragraphe 1, point c) », de celui-ci.

75 En deuxième lieu, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/4, les États membres veillent à ce que les autorités publiques, au sens de l’article 2, point 2, de celle-ci, soient tenues de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, toutes les informations environnementales qui relèvent de l’une des six catégories d’informations énoncées audit article 2, point 1, qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte,
sauf si la demande entre dans le champ d’application de l’une des dérogations prévues à l’article 4 de la même directive.

76 En application de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de la directive 2003/4, les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée si leur divulgation porterait atteinte « à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou de [l’Union] afin de protéger un intérêt économique légitime ». L’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, avant-dernière phrase,
de cette directive prévoit, à cet égard, que « [d]ans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer ».

77 Par ailleurs, conformément à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4, le législateur de l’Union a instauré une exception à la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de cette directive. Ainsi, conformément à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, dernière phrase, de ladite directive, la confidentialité des informations commerciales ou industrielles ne peut pas justifier le rejet d’une demande d’accès aux informations
environnementales qui concerne des « informations relatives à des émissions dans l’environnement ».

78 S’agissant, en troisième lieu, de l’articulation de l’article 66 du règlement no 528/2012 avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4, il y a lieu de relever que, à la différence de l’article 19 de la directive 98/8 qui prévoyait, à son paragraphe 1, qu’il s’appliquait « [s]ans préjudice de la directive 90/313 », ni l’article 66 du règlement no 528/2012 ni aucune autre disposition de celui-ci ne comportent de précision analogue visant la directive 2003/4 qui a abrogé et remplacé la
directive 90/313.

79 Cependant, cette absence de précision ne saurait être interprétée comme excluant l’application de la directive 2003/4 aux demandes d’accès aux documents établis aux fins de l’exécution de ce règlement ou, le cas échéant, conformément aux mesures transitoires prévues par ledit règlement, de la directive 98/8.

80 Premièrement, le règlement no 528/2012 ne précise pas que ses dispositions en matière de confidentialité dérogeraient, en le limitant, au régime général d’accès aux informations environnementales. Au contraire, l’article 66, paragraphe 1, de ce règlement prévoit expressément que le règlement no 1049/2001 ainsi que les règles adoptées par le conseil d’administration de l’ECHA conformément à l’article 118, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 « s’appliquent aux documents détenus par l’[ECHA] aux
fins du présent règlement ».

81 À cet égard, la Cour a déjà relevé que l’article 6 du règlement no 1367/2006 ajoute au règlement no 1049/2001 des règles spécifiques concernant des demandes d’accès à des informations environnementales (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 79). Or, cet article 6 prévoit, à son paragraphe 1, une règle analogue à celle prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4.

82 Au demeurant, le considérant 117 du règlement no 1907/2006 énonce qu’« [i]l convient que l’[ECHA] et les États membres permettent l’accès à l’information conformément à la directive [2003/4], au règlement [no 1049/2001], et à la convention [d’Aarhus] ».

83 Deuxièmement, l’utilisation de l’adverbe « en principe » à l’article 66, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 528/2012 laisse entendre que les informations relevant de l’une des quatre catégories y énumérées ne doivent pas, en toute hypothèse, être protégées contre la divulgation et que les autorités compétentes des États membres disposent d’une marge d’appréciation à cet égard. En outre, le troisième alinéa de ce paragraphe 2 exige expressément de ces autorités qu’elles effectuent une
mise en balance de la protection des intérêts commerciaux et de celle des intérêts publics servis par la divulgation desdites informations.

84 Ainsi, il n’apparaît pas que, par les dispositions du règlement no 528/2012 en matière de confidentialité, le législateur de l’Union aurait entendu prévoir un régime spécifique et exhaustif de nature à exclure l’accès aux informations relatives à des émissions dans l’environnement, conformément aux dispositions nationales prises pour transposer la directive 2003/4. À cet égard, il ressort de l’exposé des motifs de la proposition de la Commission du 12 juin 2009 pour un règlement du Parlement
européen et du Conseil concernant la mise sur le marché et l’utilisation des produits biocides [COM(2009) 267 final] que les dispositions en matière de confidentialité de la directive 98/8 devaient être légèrement modifiées et alignées sur celles du règlement no 1907/2006, de manière à faciliter leur application par l’ECHA.

85 Troisièmement, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, une interprétation contraire reviendrait à méconnaître les engagements internationaux pris par l’Union du fait de la signature de la convention d’Aarhus, qui prévoit, à son article 4, paragraphe 4, premier alinéa, sous d), que le secret commercial et industriel ne peut être opposé à la divulgation des informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l’environnement.

86 Or, il découle du considérant 5 de la directive 2003/4 que l’adoption de cette dernière a précisément répondu à la nécessité d’assurer la compatibilité du droit de l’Union avec la convention d’Aarhus.

87 Ainsi, en prévoyant que la confidentialité des informations commerciales ou industrielles ne peut pas être opposée à la divulgation des « informations relatives à des émissions dans l’environnement », l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4 permet une mise en œuvre concrète de la règle rappelée au point 85 du présent arrêt et du principe d’un accès le plus large possible aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour le compte de
celles-ci (arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 57).

88 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question, sous a), que l’article 66 du règlement no 528/2012 doit être interprété en ce sens qu’il ne définit pas un régime spécifique et exhaustif d’accès aux informations détenues par les autorités compétentes d’un État membre relatives aux produits biocides et, notamment, à l’équivalence technique entre la substance active y contenue et une substance active approuvée, de nature à exclure l’application, par ces
autorités, des dispositions nationales qui transposent l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4.

Sur la quatrième question

89 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que la notion d’« informations relatives à des émissions dans l’environnement », au sens de cette disposition, est susceptible de s’appliquer aux informations figurant dans un rapport établi par l’autorité compétente à la suite de l’examen de l’équivalence technique d’une substance active, contenue dans un produit biocide
autorisé, avec une substance active approuvée.

90 À cet égard, la Cour a jugé, d’une part, que la notion d’« émissions dans l’environnement », au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4, doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut notamment le rejet dans l’environnement de produits ou de substances tels que les produits phytopharmaceutiques ou biocides et les substances que ces produits contiennent, pour autant que ce rejet soit effectif ou prévisible dans des conditions normales ou réalistes d’utilisation
(arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 81).

91 D’autre part, elle a précisé que la notion d’« informations relatives à des émissions dans l’environnement », au sens de cette disposition, doit être interprétée comme couvrant non seulement les informations sur les émissions en tant que telles, c’est-à-dire les indications relatives à la nature, à la composition, à la quantité, à la date et au lieu de ces émissions, mais aussi les données relatives aux incidences à plus ou moins long terme desdites émissions sur l’environnement (arrêt du
23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 87).

92 Le public doit avoir accès, à ce titre, non seulement aux informations sur les émissions en tant que telles, mais aussi à celles concernant les conséquences à plus ou moins long terme de ces émissions sur l’état de l’environnement, telles que les effets desdites émissions sur les organismes non ciblés. En effet, l’intérêt du public à accéder aux informations relatives aux émissions dans l’environnement est précisément de savoir non seulement ce qui est, ou sera de manière prévisible, rejeté dans
l’environnement, mais aussi de comprendre la manière dont l’environnement risque d’être affecté par les émissions en question (arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 86).

93 Relèvent ainsi de la notion d’« informations relatives à des émissions dans l’environnement » des données provenant d’études ayant pour objet d’évaluer les émissions effectives ou prévisibles du produit ou de la substance en cause dans l’environnement dans des circonstances représentatives des conditions normales ou réalistes d’utilisation de ce produit ou de cette substance, ou d’analyser les incidences de ces émissions, telles que des études visant à déterminer la toxicité, les effets et autres
aspects d’un produit ou d’une substance dans les conditions réalistes les plus défavorables pouvant raisonnablement se présenter, ainsi que des études réalisées dans des conditions aussi proches que possible de la pratique agricole normale et des conditions prévalant dans la zone où ce produit ou cette substance sera utilisé (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, points 89 et 91).

94 Relèvent également de cette notion les informations relatives aux résidus présents dans l’environnement après l’application du produit concerné et les études portant sur le mesurage de la dérive de la substance lors de cette application (arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 95).

95 En revanche, en sont exclues les informations qui ne concernent pas les émissions du produit ou de la substance en cause dans l’environnement, ainsi que les données qui se rapportent à des émissions hypothétiques, c’est-à-dire à des émissions non effectives ou prévisibles dans des circonstances représentatives des conditions normales ou réalistes d’utilisation (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, points 77 à 80
et 100).

96 Or, ainsi que le relève le gouvernement français, l’évaluation de l’équivalence technique d’une substance active, contenue dans un produit biocide, avec une substance active approuvée n’a pas pour objet, a priori, d’étudier les éventuelles incidences pour la santé ou l’environnement liées à l’émission d’une substance dans l’environnement, mais se borne à comparer deux substances en prenant en considération des informations relatives à la composition exacte de celles-ci et aux procédés de
fabrication.

97 En outre, ainsi que l’a également fait observer le gouvernement français, l’autorisation de mise sur le marché est accordée au produit qui contient la substance au regard des risques ou dangers qu’il peut présenter dans des conditions normales ou réalistes d’utilisation. Ces conditions sont non pas celles relatives à l’émission de la seule substance, mais celles correspondant au produit biocide qui l’incorpore.

98 Il apparaît ainsi qu’un rapport d’équivalence technique d’une substance active, contenue dans un produit biocide, avec une substance active approuvée, tel que celui en cause au principal, n’est pas, en principe, susceptible de contenir des « informations relatives à des émissions dans l’environnement », au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4.

99 Cependant, il appartient en définitive à la juridiction de renvoi de vérifier si le rapport en cause au principal contient de telles informations.

100 En particulier, il incombe à cette juridiction de vérifier si ce rapport contient des informations relatives à la nature, à la composition, à la quantité, à la date ou au lieu des émissions prévisibles, dans des circonstances représentatives des conditions normales ou réalistes d’utilisation, de la substance active contenue dans les produits Aquabac ou, le cas échéant, les informations relatives aux résidus susceptibles d’être présents dans l’environnement après l’application de ces produits.

101 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que la notion d’« informations relatives à des émissions dans l’environnement », au sens de cette disposition, n’est, en principe, pas susceptible de s’appliquer aux informations figurant dans un rapport établi par l’autorité compétente d’un État membre à la suite de l’évaluation de
l’équivalence technique d’une substance active, contenue dans un produit biocide autorisé, avec une substance active approuvée.

Sur les dépens

102 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  1) Les articles 96 et 97 du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tel que modifié par le règlement (UE) no 334/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014,

doivent être interprétés en ce sens que :

une demande d’accès aux informations relatives à une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et, notamment, à son équivalence technique avec une substance active approuvée, qui a été introduite après la date à laquelle ce règlement est devenu applicable, doit être appréciée au regard des dispositions dudit règlement, quand bien même une telle demande concerne un produit biocide autorisé conformément à la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février
1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides, ou, le cas échéant, en vertu du même règlement sur le fondement d’une équivalence technique établie par une autorité compétente désignée conformément à l’article 26 de cette directive.

  2) L’article 66, paragraphe 3, sous j), du règlement no 528/2012, tel que modifié par le règlement no 334/2014,

doit être interprété en ce sens que :

une fois l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide accordée, l’autorité compétente ne peut refuser l’accès sollicité aux informations relatives aux méthodes d’analyse qui ont permis d’établir l’équivalence technique des substances actives contenues dans ce produit. Ces informations doivent être précises et complètes, mais ne s’étendent pas aux résultats ou aux conclusions obtenus à la suite de l’application de ces méthodes.

  3) L’article 67, paragraphe 1, sous h), l’article 67, paragraphe 3, sous e), et l’article 67, paragraphe 4, sous b), du règlement no 528/2012, tel que modifié par le règlement no 334/2014,

doivent être interprétés en ce sens que :

ne relève pas du champ d’application de ces dispositions la communication d’un rapport établissant l’équivalence technique entre une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et une substance active approuvée, élaboré par l’autorité compétente d’un État membre à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit.

  4) L’article 66 du règlement no 528/2012, tel que modifié par le règlement no 334/2014,

doit être interprété en ce sens que :

il ne définit pas un régime spécifique et exhaustif d’accès aux informations détenues par les autorités compétentes d’un État membre relatives aux produits biocides et, notamment, à l’équivalence technique entre la substance active y contenue et une substance active approuvée, de nature à exclure l’application, par ces autorités, des dispositions nationales qui transposent l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier
2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil.

  5) L’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4

doit être interprété en ce sens que :

la notion d’« informations relatives à des émissions dans l’environnement », au sens de cette disposition, n’est, en principe, pas susceptible de s’appliquer aux informations figurant dans un rapport établi par l’autorité compétente d’un État membre à la suite de l’évaluation de l’équivalence technique d’une substance active, contenue dans un produit biocide autorisé, avec une substance active approuvée.

Biltgen

Arastey Sahún

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2025.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-809/23
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Conseil d'État.

Renvoi préjudiciel – Produits biocides – Directive 98/8/CE – Règlement (UE) no 528/2012 – Applicabilité ratione temporis – Règles transitoires – Accès aux informations – Articles 66 et 67 – Demande d’accès à un rapport d’équivalence technique entre des substances actives contenues dans des produits biocides établi par l’autorité compétente d’un État membre – Protection des intérêts commerciaux – Directive 2003/4/CE – Applicabilité ratione materiae – Article 4, paragraphe 2 – Notion d’“informations relatives à des émissions dans l’environnement”.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Sumitomo Chemical Agro Europe SAS
Défendeurs : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires SAS France (CERA).

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Passer

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:195

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