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15/05/2025 | CJUE | N°C-414/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Metsä Fibre Oy contre Energiavirasto., 15/05/2025, C-414/23


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Registre de l’Union – Règlement (UE) no 389/2013 – Consignation d’une restitution de tels quotas dans ce registre – Irrévocabilité des transactions – Article 40 – Annulation de processus finalisés – Article 70 – Restitution en vertu d’une disposition de l’Union invalidée ultérieurement par la Cour – Impossibilité, pour l’exploitant, de récupérer les quotas concerné

s pour la période en cause – Validité »

Dans l’affaire C‑414/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle ...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Registre de l’Union – Règlement (UE) no 389/2013 – Consignation d’une restitution de tels quotas dans ce registre – Irrévocabilité des transactions – Article 40 – Annulation de processus finalisés – Article 70 – Restitution en vertu d’une disposition de l’Union invalidée ultérieurement par la Cour – Impossibilité, pour l’exploitant, de récupérer les quotas concernés pour la période en cause – Validité »

Dans l’affaire C‑414/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif d’Helsinki, Finlande), par décision du 30 juin 2023, parvenue à la Cour le 6 juillet 2023, dans la procédure

Metsä Fibre Oy,

en présence de :

Energiavirasto,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. M. Gavalec, Z. Csehi (rapporteur) et F. Schalin, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 octobre 2024,

considérant les observations présentées :

– pour Metsä Fibre Oy, par Mes A.‑S. Roubier et M. af Schultén, asianajajat, ainsi que Mme J. Kauppinen, oikeustieteen maisteri,

– pour Energiavirasto, par Mmes N. Kankaanrinta et J. Pakkala, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mmes A. Laine et H. Leppo, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. B. De Meester, Mme I. Söderlund et M. G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 décembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation des articles 40 et 70 du règlement (UE) no 389/2013 de la Commission, du 2 mai 2013, établissant un registre de l’Union conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et aux décisions no 280/2004/CE et no 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les règlements (UE) no 920/2010 et (UE) no 1193/2011 de la Commission (JO 2013, L 122, p. 1), ainsi que sur l’interprétation de
l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par Metsä Fibre Oy contre une décision de l’Energiavirasto (Agence de l’énergie, Finlande) au sujet des quotas d’émission de gaz à effet de serre que cette société a dû restituer en vertu des dispositions du droit de l’Union concernant le système d’échange de ces quotas existant au sein de l’Union européenne, qui ont été déclarées invalides ultérieurement par la Cour.

Le cadre juridique

La directive 2003/87/CE

3 La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la « directive 2003/87 »), a établi, conformément à son article 1er, un système communautaire d’échange de quotas
d’émission de gaz à effet de serre afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

4 L’article 19 de cette directive, intitulé « Registres », prévoit :

« 1.   Les quotas délivrés à compter du 1er janvier 2012 sont détenus dans le registre communautaire pour exécuter les opérations relatives à la tenue des comptes de dépôt ouverts dans l’État membre et à l’allocation, à la restitution et à l’annulation des quotas prévues dans le règlement de la Commission [européenne] visé au paragraphe 3.

[...]

3.   Aux fins de la mise en œuvre de la présente directive, la Commission arrête un règlement relatif à un système de registres normalisé et sécurisé à établir sous la forme de bases de données électroniques normalisées, contenant des éléments de données communs qui permettent de suivre la délivrance, la détention, le transfert et l’annulation de quotas, de garantir l’accès du public et la confidentialité en tant que de besoin et de s’assurer qu’il n’y ait pas de transferts incompatibles avec les
obligations résultant du protocole de Kyoto [à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, approuvé au nom de la Communauté européenne, par la décision 2002/358/CE du Conseil, du 25 avril 2002 (JO 2002, L 130, p. 1) (ci-après le “protocole de Kyoto”)]. [...] »

Le règlement no 389/2013

5 Le règlement no 389/2013 a été adopté sur la base de l’article 19 de la directive 2003/87. Bien qu’il ait été abrogé, avec effet au 1er janvier 2021, par le règlement délégué (UE) 2019/1122 de la Commission, du 12 mars 2019, complétant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le fonctionnement du registre de l’Union (JO 2019, L 177, p. 3), il reste néanmoins applicable, conformément à l’article 88, second alinéa, de ce règlement délégué, jusqu’au 1er janvier
2026 à toutes les opérations requises concernant la période d’échanges 2013‑2020, la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto et la période de mise en conformité définie à l’article 3, point 30, du règlement no 389/2013.

6 Le considérant 8 du règlement no 389/2013 est libellé comme suit :

« Étant donné que les quotas et les unités de Kyoto n’existent que sous forme dématérialisée et sont des biens fongibles, il convient que la propriété de ces quotas et unités soit établie par l’existence de ceux-ci sur le compte du registre de l’Union dans lequel ils sont détenus. De plus, afin de réduire les risques associés à l’annulation de transactions enregistrées dans un registre, et la perturbation qui pourrait en résulter pour le système et le marché, il est nécessaire de veiller à ce que
les quotas et les unités de Kyoto soient totalement fongibles. En particulier, les transactions ne peuvent être annulées, révoquées ou remises en cause dans des conditions autres que celles définies par les règles de fonctionnement du registre, au-delà d’un moment fixé par ces règles. Rien dans le présent règlement ne devrait empêcher un titulaire de compte ou une tierce partie d’exercer, à l’égard d’une transaction introduite dans le système, un droit ou une prétention, qu’ils peuvent avoir
juridiquement, à un recouvrement ou à une restitution découlant de la transaction, par exemple en cas de fraude ou d’erreur technique, pour autant que cela n’entraîne pas l’annulation, la révocation ou la remise en cause de la transaction. En outre, il y a lieu de protéger l’acquisition de bonne foi d’un quota ou d’une unité de Kyoto. »

7 L’article 40 de ce règlement, intitulé « Nature des quotas et irrévocabilité des transactions », prévoit, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3.   La fongibilité des quotas et des unités de Kyoto implique que toute obligation de recouvrement ou de restitution en vertu du droit national concernant un quota ou une unité de Kyoto ne s’applique qu’au quota ou à l’unité de Kyoto en nature.

Sous réserve des dispositions de l’article 70 et du processus de rapprochement prévu à l’article 103, une transaction devient définitive et irrévocable lors de sa finalisation conformément à l’article 104. Sans préjudice de toute disposition de la législation nationale ou de tout recours en vertu de celle-ci pouvant donner lieu à une demande ou à un ordre d’exécution d’une nouvelle transaction dans le registre de l’Union, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle ou pratique
en matière de résiliation de contrats ou de transactions ne saurait donner lieu à la remise en cause d’une transaction dans le registre devenue définitive et irrévocable en vertu du présent règlement.

Un titulaire de compte ou une tierce partie n’est pas empêché d’exercer, à l’égard d’une transaction devenue définitive dans le registre de l’Union, un droit ou une prétention, qu’ils peuvent avoir juridiquement, à un recouvrement, une restitution ou un dédommagement, par exemple en cas de fraude ou d’erreur technique, pour autant que cela n’entraîne pas l’annulation, la révocation ou la remise en cause de la transaction dans le registre de l’Union.

4.   La personne qui acquiert et détient de bonne foi un quota ou une unité de Kyoto devient propriétaire du quota ou de l’unité de Kyoto indépendamment de toute restriction dans le titre de propriété de la personne qui transfère. »

8 L’article 70 dudit règlement, intitulé « Annulation de processus finalisés engagés par erreur », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Si un titulaire de compte ou un administrateur national agissant au nom de celui-ci a engagé, accidentellement ou par erreur, l’une des transactions visées au paragraphe 2, le titulaire du compte peut proposer à l’administrateur de ce compte, par demande écrite, de procéder à l’annulation de la transaction finalisée. La demande est dûment signée par le ou les représentants autorisés du titulaire de compte qui sont habilités à engager le type de transaction à annuler, et est postée dans les
cinq jours ouvrables suivant la finalisation du processus. La demande contient une déclaration indiquant que la transaction a été engagée accidentellement ou par erreur.

2.   Les titulaires de comptes peuvent proposer l’annulation des transactions suivantes :

a) restitution de quotas ;

b) suppression de quotas ;

c) échange de crédits internationaux. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Metsä Fibre exploite à Äänekoski (Finlande) une usine de bioproduits. Au cours des années 2013 à 2017, cette entreprise a restitué des quotas d’émission de gaz à effet de serre qui lui avaient été attribués pour cette installation.

10 Par un arrêt du 19 janvier 2017, Schaefer Kalk (C‑460/15, ci-après l’« arrêt Schaefer Kalk », EU:C:2017:29), la Cour a déclaré invalides certaines dispositions du règlement (UE) no 601/2012 de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 181, p. 30), qui étaient en vigueur de l’année 2013 à l’année 2018 et qui incluaient systématiquement le
dioxyde de carbone (CO2) transféré vers une autre installation en vue de la production de carbonate de calcium précipité dans les émissions d’une installation de combustion de chaux, que ce dioxyde de carbone soit rejeté ou non dans l’atmosphère.

11 Par une décision du 26 avril 2022, l’Agence de l’énergie a procédé à une nouvelle évaluation des quantités totales d’émissions de CO2 de l’installation d’Äänekoski pour les années 2013 à 2017. Elle a considéré, à la lumière de l’arrêt Schaefer Kalk, que, pour ces années, Metsä Fibre avait restitué environ 115000 quotas d’émission de gaz à effet de serre de trop au registre de l’Union et l’a autorisée à reporter cet excédent au titre de l’année 2021. En revanche, cette agence a estimé qu’il
n’était pas possible de réintégrer sur le compte de cette installation une quantité égale aux quotas restitués en trop, dès lors que les délais fixés par le règlement no 389/2013 pour l’annulation d’une transaction erronée dans le registre de l’Union avaient expiré. En outre, cette décision indique que ce règlement ne prévoit pas la possibilité de transférer un solde indicatif de l’état de conformité qui est positif sur le compte d’une autre installation de Metsä Fibre.

12 Selon Metsä Fibre, la correction ainsi effectuée par l’Agence de l’énergie n’aurait pas cependant tiré toutes les conséquences de l’arrêt Schaefer Kalk en ce qu’elle ne lui permettait pas de disposer pleinement de ces quotas d’émission de gaz à effet de serre excédentaires. En effet, faute d’être enregistrés dans le registre de l’Union, ces quotas n’auraient pas d’existence effective, de sorte que Metsä Fibre ne pourrait pas les vendre.

13 Or, Metsä Fibre indique que, à la suite d’importants investissements réalisés sur son installation d’Äänekoski, celle-ci n’émet presque plus de dioxyde de carbone. Dès lors, elle ne pourrait pratiquement pas utiliser les 115000 quotas d’émission de gaz à effet de serre excédentaires dont elle dispose dans le cadre de futures restitutions de quotas. À cet égard, l’Agence de l’énergie, elle-même, reconnaît que, avec le niveau actuel d’émissions annuelles de cette installation, qui est inférieur
à 20 tonnes de dioxyde de carbone, il faudrait environ six à sept mille ans pour utiliser ces 115000 quotas.

14 C’est dans ce contexte que Metsä Fibre a demandé l’annulation de ladite décision devant le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande), qui est la juridiction de renvoi. Elle soutient que la décision susmentionnée est contraire au droit primaire de l’Union, notamment en raison du fait qu’une situation dans laquelle un exploitant ne parvient pas à bénéficier effectivement de la correction des quotas d’émission de gaz à effet de serre viole le droit de propriété et le
principe d’égalité, et est en outre contraire à la logique économique. Metsä Fibre s’estime, de facto, privée de protection juridique, dans la mesure où la règle de droit résultant de l’arrêt Schaefer Kalk ne lui est pas appliquée.

15 Dans ces conditions, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions des articles 70 et 40 du règlement no 389/2013, relatives aux délais d’annulation des transactions et au caractère définitif et irrévocable de celles-ci, sont-elles invalides, eu égard au droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte [...] et à d’autres droits protégés par cette charte, dans la mesure où ces dispositions font obstacle à une restitution de quotas d’émission dans le patrimoine de Metsä Fibre Oy dans une situation où la restitution en excès de ceux-ci
au registre de l’Union résultait de l’application de dispositions jugées invalides par l’arrêt [Schaefer Kalk] et où cette entreprise ne peut pas bénéficier d’un solde indicatif de l’état de conformité qui est positif, en raison de la faible quantité actuelle d’émissions produites par l’installation d’Äänekoski ?

2) Si la première question appelle une réponse négative, les dispositions des articles 70 et 40 du règlement no 389/2013 sont-elles applicables dans une situation où la restitution en excès de quotas d’émission au registre de l’Union résultait de l’observation de dispositions jugées invalides par l’arrêt [Schaefer Kalk], et non d’une transaction engagée accidentellement ou par erreur par un titulaire de compte ou un administrateur national agissant au nom de celui-ci ?

3) Si la première question appelle une réponse négative et la deuxième question une réponse affirmative, existe-t-il un autre moyen autorisé par le droit de l’Union de placer Metsä Fibre Oy, quant à l’exploitation des quotas d’émission, dans la même situation que celle dans laquelle elle se serait trouvée si les dispositions jugées invalides par l’arrêt [Schaefer Kalk] n’avaient pas existé et si cette entreprise n’avait donc pas restitué de quotas en excès ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

16 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions des articles 40 et 70 du règlement no 389/2013 relatives au caractère définitif et irrévocable des transactions et aux délais d’annulation de celles-ci sont valides au regard de la Charte.

17 Cette juridiction de renvoi part ainsi de la prémisse selon laquelle ces dispositions font obstacle à une annulation d’une restitution de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans une situation où, d’une part, la restitution en trop de ceux-ci au registre de l’Union par Metsä Fibre résultait de l’application de dispositions du règlement no 601/2012 déclarées invalides par l’arrêt Schaefer Kalk et, d’autre part, cet exploitant ne pourra pas utiliser les 115000 quotas d’émission de gaz à effet
de serre dont il dispose, en raison de la faible quantité d’émissions que produit dorénavant l’installation d’Äänekoski.

18 Considérant que les articles 40 et 70 du règlement no 389/2013 empêchent de tirer les conséquences de l’arrêt Schaefer Kalk à l’égard de Metsä Fibre, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à leur validité au regard, notamment, du droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte.

19 Conformément à l’article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 389/2013, une transaction effectuée dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre devient définitive et irrévocable lors de sa finalisation selon les modalités que ce règlement prévoit. Cette disposition précise en outre que, en principe, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle ou pratique en matière de résiliation de contrats ou de transactions ne saurait donner
lieu à la remise en cause d’une transaction dans le registre devenue définitive et irrévocable en vertu dudit règlement.

20 Ainsi qu’il ressort de l’article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 389/2013, ce régime s’applique sous réserve des dispositions de l’article 70 de ce règlement et sans préjudice de toute disposition de la législation nationale ou de tout recours en vertu de celle-ci pouvant donner lieu à une demande ou à un ordre d’exécution d’une nouvelle transaction dans le registre de l’Union.

21 À cet égard, il découle de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 389/2013 qu’une transaction est susceptible d’être annulée lorsqu’elle a été engagée accidentellement ou par erreur et à condition que le titulaire de compte en demande l’annulation dans les cinq jours ouvrables qui suivent la finalisation de la transaction.

22 Le règlement no 389/2013 a ainsi introduit un régime strict d’annulation des transactions, qui cherche à garantir, dans la mesure du possible, l’irrévocabilité de celles-ci.

23 Ce régime ne permet notamment pas de se prévaloir de la déclaration d’invalidité de dispositions du droit de l’Union régissant le calcul des émissions d’une installation relevant du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour solliciter l’annulation d’une transaction finalisée, au sens de l’article 70 du règlement no 389/2013.

24 Par ailleurs, les situations prévues à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 389/2013 visent des erreurs commises par les opérateurs concernés et portent donc sur des cas de figure fondamentalement différents de la situation en cause au principal dans laquelle est invoquée l’illégalité d’une disposition du droit de l’Union constatée ex post. Partant, cette disposition ne saurait être appliquée par analogie en l’occurrence. Il en va d’autant plus ainsi qu’une telle application nécessiterait
de faire abstraction des délais stricts que ladite disposition impose.

25 Si les dispositions de l’article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, et de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 389/2013 s’opposent donc à ce que l’arrêt Schaefer Kalk soit pris en compte pour permettre d’annuler les restitutions de quotas d’émission de gaz à effet de serre restitués en trop, cette circonstance ne saurait toutefois conduire à leur invalidité au regard du droit de propriété d’un exploitant qui se trouve dans une situation telle que celle de Metsä Fibre, garanti par
l’article 17 de la Charte, dès lors que l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, de ce règlement permet de garantir que, en tout état de cause, l’application de ces dispositions ne fait pas peser sur un tel exploitant une charge disproportionnée.

26 En effet, l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 389/2013, lu en combinaison avec le considérant 8 de ce règlement, indique qu’un titulaire de compte ou une tierce partie n’est pas empêché d’exercer, à l’égard d’une transaction devenue définitive dans le registre de l’Union, un droit ou une prétention, qu’ils peuvent avoir juridiquement, à un recouvrement, à une restitution ou à un dédommagement, par exemple en cas de fraude ou d’erreur technique, pour autant que cela
n’entraîne pas l’annulation, la révocation ou la remise en cause de la transaction dans le registre de l’Union.

27 Il apparaît ainsi que cet article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, envisage expressément l’hypothèse dans laquelle une transaction est devenue définitive dans le registre de l’Union. En pareil cas, il appartient en particulier au titulaire de compte d’exercer un droit à un recouvrement, à une restitution ou à un dédommagement, à condition que cette action n’entraîne pas l’annulation, la révocation ou la remise en cause de la transaction dans ce registre, le caractère alternatif de ces trois
actions témoignant de leur équivalence.

28 Cette faculté de solliciter un recouvrement, une restitution ou un dédommagement, dont l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 389/2013 prévoit qu’elle est ouverte « par exemple en cas de fraude ou d’erreur technique », doit, a fortiori, être accessible au titulaire de compte qui a fait une exacte application d’une réglementation de l’Union ultérieurement invalidée par la Cour. Il en va d’autant plus ainsi que, comme en témoigne la locution « par exemple », la série
d’événements visés à cette disposition ne forme pas une énumération exhaustive.

29 Ladite disposition permet ainsi au titulaire de compte concerné de faire valoir son droit à réparation des dommages causés par une transaction qui, ex post, s’est révélée excessive à la lumière d’un arrêt de la Cour, mais qui, étant irrévocable et définitive, ne peut plus être annulée. La transaction concernée n’étant pas annulée dans le registre de l’Union, le fonctionnement de ce registre n’est pas remis en cause.

30 À cet égard, le titulaire de compte concerné doit pouvoir se prévaloir de son droit à un recouvrement, à une restitution ou à un dédommagement devant une autorité nationale compétente, les États membres étant tenus d’assurer le respect de l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 389/2013, notamment en instaurant, à cet effet, des voies de recours effectives.

31 Dans ces conditions, conformément aux considérations figurant aux points 26 à 30 du présent arrêt, un exploitant d’une installation tel que Metsä Fibre peut faire valoir les droits ou prétentions visés à l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 389/2013, y compris le droit d’obtenir un dédommagement, afin qu’il soit placé, quant à l’utilisation des quotas d’émission de gaz à effet de serre, dans la même situation que celle dans laquelle il se serait trouvé si les dispositions
jugées invalides par l’arrêt Schaefer Kalk n’avaient pas existé et si cet exploitant n’avait donc pas restitué des quotas en trop.

32 Si une demande visant un tel dédommagement est soumise aux modalités et conditions habituellement applicables à des demandes de cette nature, il convient encore de préciser que, eu égard au fait que l’Agence de l’énergie a crédité les comptes des autres installations affectées par l’arrêt Schaefer Kalk d’un nombre de quotas d’émission de gaz à effet de serre équivalent au nombre de quotas d’émission restitués en trop en vue d’une utilisation lors de futures périodes d’échange de quotas, un
dédommagement fondé sur l’article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 389/2013 doit en principe, dans une situation telle que celle au principal, conduire à mettre l’exploitant de l’installation concernée dans une position matériellement équivalente sur le plan économique à celle des exploitants des installations dont les comptes ont été ainsi crédités.

33 En effet, l’exploitant d’une installation qui a modifié son processus de production afin de réduire les émissions de CO2 et, ainsi, de respecter dans une plus grande mesure les objectifs de l’Union quant à la protection de l’environnement ne saurait être désavantagé du fait que la faible quantité d’émissions dorénavant produites par cette installation diminue pour lui l’intérêt d’être crédité de quotas d’émission pour une utilisation lors de futures périodes d’échange de quotas.

34 Il résulte de l’ensemble des motifs qui précèdent que les articles 40 et 70 du règlement no 389/2013 ne font pas obstacle à ce qu’il soit remédié, de manière effective, aux effets causés par l’application de dispositions du droit de l’Union déclarées ultérieurement invalides par un arrêt de la Cour.

35 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des dispositions des articles 40 et 70 du règlement no 389/2013 relatives au caractère définitif et irrévocable des transactions et aux délais d’annulation de celles-ci.

Sur les deuxième et troisième questions

36 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’est pas nécessaire de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  L’examen de la première question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité les dispositions des articles 40 et 70 du règlement (UE) no 389/2013 de la Commission, du 2 mai 2013, établissant un registre de l’Union conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et aux décisions no 280/2004/CE et no 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les règlements (UE) no 920/2010 et (UE) no 1193/2011 de la Commission, relatives au
caractère définitif et irrévocable des transactions et aux délais d’annulation de celles-ci.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le finnois.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-414/23
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Helsingin hallinto-oikeus.

Renvoi préjudiciel – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Registre de l’Union – Règlement (UE) no 389/2013 – Consignation d’une restitution de tels quotas dans ce registre – Irrévocabilité des transactions – Article 40 – Annulation de processus finalisés – Article 70 – Restitution en vertu d’une disposition de l’Union invalidée ultérieurement par la Cour – Impossibilité, pour l’exploitant, de récupérer les quotas concernés pour la période en cause – Validité.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Metsä Fibre Oy
Défendeurs : Energiavirasto.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Csehi

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:350

Source

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