ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
22 mai 2025 ( *1 )
« Pourvoi – Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Allocation des quotas à titre gratuit – Article 10 bis, paragraphe 1 – Notion de “solutions de remplacement” – Mesures nationales d’exécution – Article 11, paragraphe 1 – Listes d’installations relevant de la directive 2003/87 présentées à la Commission européenne par les États membres – Décision (UE) 2021/355 – Proposition de l’État membre concerné de couvrir
par un référentiel de minerai aggloméré une sous-installation produisant des boulettes de minerai de fer – Décision de rejet – Établissement des référentiels par la Commission – Objectif général visant à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre – Absence d’obligation de résultat – Article 296 TFUE – Obligation de motivation des décisions des institutions de l’Union européenne »
Dans l’affaire C‑621/23 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 octobre 2023,
Luossavaara-Kiirunavaara AB, établie à Luleå (Suède), représentée par Mes A. Bryngelsson, A. Johansson et F. Sjövall, advokater,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. B. De Meester et G. Wils, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Royaume de Suède, représenté par Mmes C. Meyer-Seitz et R. Shahsavan Eriksson, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 novembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Luossavaara-Kiirunavaara AB demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juillet 2023, Luossavaara-Kiirunavaara/Commission (T‑244/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:428), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision (UE) 2021/355 de la Commission, du 25 février 2021, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de
gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2021, L 68, p. 221, ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
La directive 2003/87/CE
2 L’article 1er de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018 (JO 2018, L 76, p. 3) (ci-après la « directive 2003/87 »), dispose :
« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union (ci-après [...] le “[SEQE]”) afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.
[...] »
3 L’article 2 de la directive 2003/87, intitulé « Champ d’application », est libellé comme suit :
« 1. La présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II.
2. La présente directive s’applique sans préjudice de toute exigence prévue par la directive 96/61/CE [du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO 1996, L 257, p. 26)].
[...] »
4 L’article 10 bis de cette directive, intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La Commission [européenne] est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 23 afin de compléter la présente directive en ce qui concerne des règles pleinement harmonisées à l’échelle de l’Union [européenne] relatives à l’allocation des quotas visés aux paragraphes 4, 5, 7 et 19 du présent article.
Les mesures visées au premier alinéa déterminent, dans la mesure du possible, des référentiels ex-ante pour l’Union, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces, aux solutions et aux procédés de production de remplacement, à la cogénération à haut rendement, à la récupération efficace d’énergie à
partir des gaz résiduaires, à l’utilisation de la biomasse, ainsi qu’au captage et au stockage du CO2, lorsque ces moyens sont disponibles, et n’encouragent pas l’accroissement des émissions. Aucun quota n’est délivré à titre gratuit pour la production d’électricité, à l’exception des cas relevant de l’article 10 quater et de l’électricité produite à partir de gaz résiduaires.
Pour chaque secteur et sous-secteur, en principe, le référentiel est calculé pour les produits et non pour les intrants, de manière à maximiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les gains d’efficacité énergétique tout au long du processus de production du secteur ou du sous-secteur concerné.
Pour la définition des principes à appliquer afin de déterminer les référentiels ex-ante à utiliser dans les différents secteurs et sous-secteurs, la Commission consulte les parties intéressées, y compris les secteurs et sous-secteurs concernés.
[...] »
5 L’article 10 ter de ladite directive, intitulé « Mesures transitoires destinées à soutenir certaines industries à forte intensité énergétique en cas de fuite de carbone », dispose, à son paragraphe 1 :
« Sont considérés comme étant exposés à un risque de fuite de carbone les secteurs et sous-secteurs pour lesquels le résultat de la multiplication de l’intensité de leurs échanges avec des pays tiers, définie comme le rapport entre la valeur totale des exportations vers les pays tiers plus la valeur des importations en provenance des pays tiers et la taille totale du marché pour l’Espace économique européen (chiffre d’affaires annuel plus total des importations en provenance des pays tiers), par
l’intensité de leurs émissions mesurées en kg de CO2 et divisées par leur valeur ajoutée brute (en euros), est supérieur à 0,2. Ces secteurs et sous-secteurs se voient allouer des quotas à titre gratuit pour la période allant jusqu’en 2030, à concurrence de 100 % de la quantité déterminée conformément à l’article 10 bis. »
6 Aux termes de l’article 11 de la même directive, intitulé « Mesures nationales d’exécution » :
« 1. Chaque État membre publie et présente à la Commission, au plus tard le 30 septembre 2011, la liste des installations couvertes par la présente directive qui se trouvent sur son territoire, ainsi que les quotas gratuits alloués à chaque installation située sur son territoire, calculés conformément aux règles visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, et à l’article 10 quater.
La liste des installations couvertes par la présente directive pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2021 est présentée le 30 septembre 2019 au plus tard, et les listes pour chaque période ultérieure de cinq ans sont présentées tous les cinq ans par la suite. Chaque liste contient des informations relatives à l’activité de production, aux transferts de chaleur et de gaz, à la production d’électricité et aux émissions au niveau des sous-installations au cours des cinq années civiles
précédant sa présentation. Des quotas ne sont alloués à titre gratuit qu’aux installations pour lesquelles ces informations sont fournies.
2. Au plus tard le 28 février de chaque année, les autorités compétentes délivrent la quantité de quotas allouée pour l’année concernée, calculée conformément aux articles 10, 10 bis et 10 quater.
3. Les États membres ne peuvent octroyer de quotas à titre gratuit en vertu du paragraphe 2 aux installations dont la Commission a refusé l’inscription sur la liste visée au paragraphe 1. »
7 L’annexe I de la directive 2003/87 énumère les catégories d’activités auxquelles s’applique celle-ci.
La directive 2009/29/CE
8 Les considérants 24 et 25 de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JO 2009, L 140, p. 63), énoncent :
« (24) [...] Dans le cas où les autres pays développés et les autres gros émetteurs de gaz à effet de serre ne participeraient pas à [l’accord international sur le changement climatique qui permettra d’atteindre l’objectif visant à limiter à 2 °C l’augmentation de la température mondiale], cela pourrait causer une augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans les pays tiers dans lesquels l’industrie en question ne serait pas soumise à des restrictions comparables en matière d’émissions
de carbone (“fuite de carbone”), tout en créant des désavantages économiques pour certains secteurs et sous-secteurs communautaires à forte intensité d’énergie et soumis à la concurrence internationale. Ce phénomène pourrait compromettre l’intégrité environnementale et l’efficacité des actions communautaires. Pour parer au risque de fuite de carbone, la Communauté [européenne] devrait attribuer 100 % de quotas gratuits aux secteurs ou aux sous-secteurs remplissant les critères exigés. [...]
(25) Il convient dès lors que la Commission réexamine la situation, au plus tard le 30 juin 2010, consulte tous les partenaires sociaux concernés et, à la lumière des résultats des négociations internationales, soumette un rapport accompagné de propositions appropriées. Dans ce contexte, il y a lieu que la Commission répertorie, le 31 décembre 2009 au plus tard, les secteurs ou sous-secteurs industriels à forte intensité d’énergie qui présentent un risque de fuite de carbone. Il convient qu’elle
retienne comme critère pour son analyse l’incapacité des industries à répercuter le coût des quotas nécessaires sur les prix des produits sans subir de perte importante de parts de marchés en faveur d’installations établies hors de la Communauté qui ne prennent pas de mesures comparables pour réduire leurs émissions. Les secteurs à forte intensité d’énergie considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone pourraient recevoir une plus grande quantité de quotas gratuits ;
[...] »
Le règlement délégué (UE) 2019/331
9 Le règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2019, L 59, p. 8), détermine les référentiels, notamment de produits, servant de base à l’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit pour les installations et les
sous-installations de l’Union qui utilisent les produits concernés. Le règlement délégué 2019/331 définit également les valeurs de ces référentiels.
10 Le considérant 3 de ce règlement délégué est libellé comme suit :
« En vertu de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la [directive 2003/87], des mesures pleinement harmonisées à l’échelle de l’Union relatives à l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit sont nécessaires pour déterminer, dans la mesure du possible, des référentiels ex ante de façon à garantir que les modalités d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement
énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces, aux solutions et aux procédés de production de remplacement, à la cogénération à haut rendement, à la récupération efficace d’énergie à partir des gaz résiduaires, à l’utilisation de la biomasse, ainsi qu’au captage et au stockage du dioxyde de carbone, lorsque ces moyens sont disponibles. Pour autant, ces mesures ne doivent pas encourager l’augmentation des émissions. Afin de ne pas encourager la mise en torchère des gaz résiduaires,
sauf pour des raisons de sécurité, le nombre de quotas alloués à titre gratuit aux sous-installations concernées devrait être réduit en fonction des émissions historiques résultant de la mise en torchère des gaz résiduaires, à l’exclusion de la mise en torchère pour des raisons de sécurité, et ne devrait pas être utilisé aux fins de la production de chaleur mesurable, de chaleur non mesurable ou d’électricité. Toutefois, compte tenu du traitement spécial accordé par l’article 10 bis,
paragraphe 2, de la [directive 2003/87], et afin de permettre une transition, cette réduction ne devrait s’appliquer qu’à partir de 2026. »
11 L’annexe I dudit règlement délégué, intitulée « Référentiels », définit, à son point 1, les référentiels de produits et les limites du système sans prise en compte de l’interchangeabilité combustibles/électricité de la manière suivante :
« Référentiel de produit Définition des produits inclus Définition des procédés et émissions inclus (limites du système) Point de départ utilisé pour déterminer le taux de réduction annuel aux fins de l’actualisation de la valeur des référentiels (quotas/tonne)
[...]
Minerai aggloméré Produit ferreux aggloméré contenant des fines de minerai de fer, des fondants et des matériaux recyclés ferreux, possédant les caractéristiques chimiques et physiques requises Sont inclus tous les procédés directement ou indirectement liés aux unités de procédé : chaîne d’agglomération, allumage, unités de préparation de la charge 0,171
pour fournir le fer et les fondants nécessaires aux procédés de réduction de minerai de fer, telles que le degré de basicité, la résistance mécanique et la perméabilité. Exprimé d’alimentation, unité de criblage à chaud, unité de refroidissement de l’aggloméré, unité de criblage à froid et unité de production de vapeur.
en tonnes de minerai aggloméré sortant de l’installation d’agglomération.
[...] »
La décision 2011/278/UE
12 La décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 130, p. 1), a été abrogée, avec effet au 1er janvier 2021, par le règlement délégué 2019/331.
13 Le considérant 4 de cette décision énonçait :
« Dans la mesure du possible, la Commission a élaboré des référentiels pour les produits, ainsi que pour les produits intermédiaires échangés entre les installations, qui sont issus des activités énumérées à l’annexe I de la [directive 2003/87]. En principe, il y a lieu de définir un référentiel pour chaque produit. Lorsqu’un produit est un substitut direct d’un autre produit, il convient que ces deux produits soient couverts par le même référentiel de produit et par la définition de produit
correspondante. »
La décision litigieuse
14 Aux termes des considérants 1 à 5, 12 et 13 de la décision litigieuse :
« (1) À compter de 2013, la mise aux enchères est la règle pour l’attribution des quotas d’émission aux exploitants des installations qui relèvent du [SEQE]. Les exploitants remplissant les conditions requises continueront de recevoir des quotas à titre gratuit au cours de la période d’échange 2021-2030. La quantité de quotas attribuée à chacun de ces exploitants est déterminée selon les règles harmonisées à l’échelle de l’Union qui sont énoncées dans la [directive 2003/87] et dans le règlement
délégué [2019/331].
(2) Les États membres étaient tenus de présenter à la Commission, pour le 30 septembre 2019 au plus tard, leurs mesures nationales d’exécution, y compris la liste des installations relevant de la [directive 2003/87] qui sont situées sur leur territoire et les informations relatives à l’activité de production, aux transferts de chaleur et de gaz, à la production d’électricité et aux émissions au niveau des sous-installations au cours des cinq années de la période de référence (2014-2018),
conformément à l’annexe IV du règlement délégué [2019/331].
(3) Afin de garantir la qualité et la comparabilité des données, les États membres ont soumis leurs mesures nationales d’exécution, comprenant les données pertinentes pour chaque installation, en utilisant le modèle électronique fourni par la Commission conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué [2019/331]. Les États membres ont également présenté un rapport méthodologique décrivant la procédure de collecte des données appliquée par leurs autorités.
(4) Étant donné la multitude des informations et données fournies, la Commission a, dans un premier temps, vérifié l’exhaustivité de toutes les mesures nationales d’exécution. Lorsqu’elle a constaté que des mesures nationales d’exécution étaient incomplètes, elle a demandé des informations complémentaires aux États membres concernés. En réponse à ces demandes, les autorités compétentes ont transmis les informations supplémentaires nécessaires pour compléter les mesures nationales d’exécution
communiquées.
(5) La Commission a ensuite évalué les mesures nationales d’exécution au regard des critères énoncés dans la [directive 2003/87] et dans le règlement délégué [2019/331], en tenant compte des documents d’orientation établis par la Commission à l’intention des États membres et publiés entre janvier et avril 2020. Ces contrôles de cohérence ont constitué la deuxième phase de l’évaluation des mesures nationales d’exécution.
[...]
(12) La Suède a proposé d’inclure une installation dont les émissions proviennent d’un four à chaux dans lequel sont calcinées des boues de chaux, un résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâte kraft. Le procédé de récupération de la chaux dans les boues de chaux entre dans les définitions des limites du système de pâte kraft à fibres courtes/longues. L’installation concernée importe donc un produit intermédiaire visé par un référentiel de produit.
Étant donné que les émissions ne doivent pas faire l’objet d’un double comptage, comme le rappelle l’article 16, paragraphe 7, du règlement délégué [2019/331], les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit de cette installation doivent être rejetées.
(13) La Suède a proposé que trois installations utilisent des sous-installations avec référentiels différents de ceux utilisés dans les mesures nationales d’exécution de la troisième phase pour la production de boulettes de minerai de fer. La Suède a proposé d’utiliser une sous-installation avec référentiel de minerai aggloméré pour la production de boulettes de minerai de fer, tandis qu’au cours de la phase 3, des référentiels de chaleur et de combustibles ont été utilisés. Toutefois, le
référentiel de minerai aggloméré est défini à l’annexe I du règlement délégué [2019/331], et la définition des produits ainsi que la définition des procédés et des émissions couverts par ce référentiel de produit sont adaptées à la production de minerai aggloméré et n’incluent pas les boulettes de minerai de fer. En outre, l’article 10 bis, paragraphe 2, de la [directive 2003/87] exige une mise à jour des valeurs des référentiels pour la phase 4 et ne prévoit aucune adaptation de
l’interprétation des définitions des référentiels. Les données communiquées pour la production de boulettes de minerai de fer sur la base d’une sous-installation de minerai aggloméré doivent donc être rejetées. »
15 L’article 1er, paragraphe 3, de cette décision dispose :
« Les données correspondant aux sous-installations avec référentiel de produit des installations figurant à l’annexe III de la présente décision inscrites sur les listes d’installations relevant de la [directive 2003/87] et présentées à la Commission conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive sont rejetées. »
16 L’annexe III de ladite décision, intitulée « Installations utilisant un référentiel de minerai aggloméré au lieu de référentiels de chaleur ou de combustibles », mentionne, à ce titre, les identifiants des installations suivantes :
« SE000000000000497 SE000000000000498 SE000000000000499 »
Les antécédents du litige
17 Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 2 à 6 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
18 La requérante est une société minière suédoise appartenant à l’État. Elle produit notamment du minerai de fer, la matière première principale utilisée pour la production de l’acier. La présente affaire concerne trois de ses installations, mentionnées à l’annexe III de la décision litigieuse, à savoir les installations portant les identifiants SE‑497, SE‑498 et SE‑499, situées respectivement à Kiruna, à Malmberget (Gällivare) et à Svappavaara, en Suède (ci-après les « installations en cause »).
19 Les installations en cause relèvent du SEQE instauré par la directive 2003/87.
20 Ainsi qu’il ressort de la décision litigieuse, à compter de l’année 2013, la mise aux enchères est devenue la règle pour l’attribution des quotas d’émission aux exploitants des installations qui relèvent du SEQE. Cependant, les exploitants remplissant les conditions requises continueront de recevoir des quotas à titre gratuit au cours de la période d’échange 2021-2030, également appelée « quatrième période d’échange ». Au cours de cette période, la quantité de quotas attribuée à chacun de ces
exploitants est déterminée selon les règles harmonisées qui sont énoncées dans la directive 2003/87 et dans le règlement délégué 2019/331.
21 Au cours de l’année 2019, afin de préparer l’allocation transitoire à titre gratuit pour ladite période, débutant le 1er janvier 2021, le Royaume de Suède, par l’intermédiaire du Naturvårdsverket (Agence de protection de l’environnement, Suède), a présenté à la Commission, conformément à l’article 11 de la directive 2003/87, la liste des installations couvertes par ladite directive et des quotas gratuits alloués à chaque installation. Dans ce cadre, cet État membre a proposé que des
sous-installations des installations en cause soient incluses dans la liste en vue de l’allocation à titre gratuit de quotas sur la base du référentiel de produit relatif au minerai aggloméré, tel que défini à l’annexe I, point 1, du règlement délégué 2019/331 (ci-après le « référentiel relatif au minerai aggloméré »), alors que des référentiels de chaleur et de combustibles avaient été utilisés à cet égard auparavant.
22 À l’issue de son analyse des informations transmises par le Royaume de Suède au regard des critères énoncés par la directive 2003/87 et le règlement délégué 2019/331, la Commission a décidé de rejeter la proposition de cet État membre pour les raisons exposées au considérant 13 de la décision litigieuse.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
24 À l’appui de son recours, la requérante a invoqué six moyens tirés, le premier, de la violation de l’annexe I du règlement délégué 2019/331 et de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, le deuxième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, le troisième, de la violation des obligations et des engagements incombant à l’Union au titre du droit international de l’environnement, le quatrième, de la violation de l’obligation pour l’institution
compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce, et, le cinquième, de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE. Enfin, par son sixième moyen, présenté à titre subsidiaire, la requérante demandait à ce que soit constatée, en application de l’article 277 TFUE, la nullité du règlement délégué 2019/331, dans la mesure où il s’applique à la décision litigieuse.
25 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté tous les moyens soulevés par la requérante et, par conséquent, l’ensemble du recours.
Les conclusions des parties au pourvoi
26 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité ;
– d’annuler l’article 1er, paragraphe 3, de la décision litigieuse, et
– de condamner la Commission aux dépens.
27 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la requérante aux dépens.
28 Le Royaume de Suède demande à la Cour d’accueillir le pourvoi.
Sur le pourvoi
29 La requérante invoque cinq moyens, dont le premier et le troisième sont soutenus par le Royaume de Suède.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
30 Le premier moyen se divise en deux branches et est tiré, en substance, de l’interprétation erronée, par le Tribunal, de l’expression « solutions de remplacement » figurant à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87.
31 Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à tort, considéré qu’il appartenait à la requérante d’établir que les boulettes de minerai de fer étaient « directement substituables » au minerai aggloméré, alors que le terme « directement » ne figure ni dans la directive 2003/87, ni dans la décision litigieuse, ni dans le règlement délégué 2019/331. Partant, le Tribunal aurait violé l’article 10 bis, paragraphe 1, de la
directive 2003/87 en retenant une interprétation de ce dernier ayant pour effet de modifier le critère juridique applicable aux solutions de remplacement dans la détermination des référentiels pour l’allocation des quotas.
32 Elle précise, premièrement, que le libellé de cette disposition ne permet pas de retenir une telle interprétation. En effet, si le terme « substitut » désigne un produit qui peut remplacer un autre produit pour un certain usage, il n’en demeure pas moins qu’un substitut n’est pas nécessairement identique ou comparable à la chose qu’il remplace.
33 Ainsi, dans l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588, point 45), la Cour aurait jugé, en substance, que, si un produit peut en remplacer un autre pour le même usage, les produits concernés sont des « solutions de remplacement », au sens de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, ce qui aurait été le cas du minerai aggloméré et des pellets utilisés dans l’installation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.
34 Deuxièmement, en s’appuyant sur le contexte dans lequel s’insère ladite disposition, la requérante considère que celle-ci doit être interprétée largement et que, partant, l’expression « solutions de remplacement » qui y figure ne saurait se référer simplement aux mêmes produits résultant de méthodes de production différentes.
35 Troisièmement, cette interprétation serait corroborée par l’objectif de l’article 10 bis de la directive 2003/87, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre en prenant en compte les techniques les plus efficaces.
36 Selon la requérante, compte tenu de cet objectif, un produit qui dégage moins d’émissions, tel que les boulettes de minerai de fer, qu’un autre produit substituable, tel que le minerai aggloméré, ne saurait être exclu du référentiel relatif au minerai aggloméré.
37 La requérante fait valoir, quatrièmement, qu’il y a lieu d’interpréter l’expression « solutions de remplacement », au sens de l’article 10 bis, paragraphe 1, de cette directive, au regard, d’une part, du sous-objectif de préservation de l’intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrence ainsi que, d’autre part, du principe d’égalité de traitement. Cela signifierait que cette expression ne saurait être interprétée d’une manière qui conduirait à fausser la concurrence ou à traiter
différemment des installations se trouvant dans des situations similaires.
38 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, en premier lieu, d’avoir commis une erreur de droit en ayant jugé, au point 69 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte des termes « dans la mesure du possible » figurant à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87 que cette disposition n’emporte aucune obligation de résultat à la charge de la Commission.
39 En réalité, cette expression devrait être interprétée en ce sens qu’elle viserait le fait même qu’il soit possible d’adopter un référentiel.
40 Dans le cas où un tel référentiel est adopté par la Commission, celle-ci ne saurait s’écarter de l’obligation de déterminer son contenu, de sorte à inciter la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des techniques efficaces sur le plan énergétique.
41 En second lieu, le Tribunal aurait, aux points 93 à 99 de l’arrêt attaqué, erronément remplacé un test de substituabilité des produits par un test de « ressemblance » entre ceux-ci, en s’appuyant sur des différences non pertinentes, opposant le minerai aggloméré aux boulettes de minerai de fer, ce qui aurait pour conséquence que l’expression « solutions de remplacement », au sens de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, aurait été interprétée de manière trop restrictive et
contraire à son sens ordinaire. De surcroît, le Tribunal n’aurait pas interprété cette expression d’une manière conforme à l’objectif que poursuit la disposition dont elle fait partie, en l’espèce, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et dans le respect du principe d’égalité de traitement.
42 La Commission considère que le premier moyen est non fondé.
Appréciation de la Cour
– Sur la seconde branche du premier moyen
43 En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, il y a lieu de rappeler que, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’objectif général visant à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre en privilégiant les technologies à faibles émissions par rapport à celles moins performantes de ce point de vue est à atteindre « dans la mesure du possible », selon ce qu’indiquent l’article 10 bis, paragraphe 1, de la
directive 2003/87, le considérant 4 de la décision 2011/278 ou le considérant 3 du règlement délégué 2019/331. Selon le Tribunal, la Commission n’a donc pas une obligation de résultat à cet égard. Une technique ou une activité pourrait présenter en soi des avantages par rapport à une autre en termes d’efficacité, mais cette autre technique ou activité pourrait également présenter ses propres intérêts, susceptibles en tant que tels d’être pris en compte au titre de la réglementation dans une
appréciation globale comparant l’une à l’autre. En outre, au vu du contenu des rapports sectoriels, la technique ou l’activité alternative en question, bien que moins efficace, pourrait néanmoins permettre de recycler des matériaux qui deviendraient autrement des déchets.
44 Au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il convenait donc, pour la Commission, pour apprécier plusieurs techniques ou activités, de prendre en considération l’ensemble des paramètres qui les caractérisent plutôt que de se concentrer seulement sur l’un de ceux-ci.
45 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 10 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase, de la directive 2003/87, les mesures adoptées par la Commission conformément au premier alinéa de cet article 10 bis, paragraphe 1, déterminent, dans la mesure du possible, des référentiels ex ante pour l’Union, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et
améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces, aux solutions et aux procédés de production de remplacement, à la cogénération à haut rendement, à la récupération efficace d’énergie à partir des gaz résiduaires, à l’utilisation de la biomasse, ainsi qu’au captage et au stockage du CO2, lorsque ces moyens sont disponibles, et n’encouragent pas l’accroissement de ces émissions.
46 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 80 de ses conclusions, le libellé même de cette disposition indique que, en adoptant les mesures en cause, la Commission doit tenir compte de différents éléments.
47 Même si l’article 10 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase, de la directive 2003/87 vise expressément l’objectif d’encourager l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il n’en demeure pas moins que, conformément à la jurisprudence de la Cour, cet objectif principal doit être atteint dans le respect d’une série de sous-objectifs. Ainsi que l’exposent les considérants 5 et 7 de la directive 2003/87, ces sous-objectifs sont, notamment, la
préservation du développement économique et de l’emploi ainsi que celle de l’intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrence (arrêt du 22 juin 2016, DK Recycling und Roheisen/Commission, C‑540/14 P, EU:C:2016:469, point 49 et jurisprudence citée).
48 À la lumière de ces considérations, il convient de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 69 de l’arrêt attaqué, que, dans le cadre de l’élaboration des référentiels, la Commission doit poursuivre un objectif général, visant à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la mesure du possible, cette obligation n’ayant pas le caractère d’une obligation de résultat.
49 Partant, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen comme étant non fondée.
– Sur la première branche du premier moyen
50 Afin d’examiner la première branche du premier moyen, par laquelle la requérante conteste l’examen de la substituabilité des produits en cause opéré dans l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que, aux points 86 et 87 de cet arrêt, le Tribunal s’est fondé sur le considérant 4 de la décision 2011/278 ainsi que sur le point 47 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), pour conclure, au point 88 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la
requérante soutenait que, s’il était démontré que les boulettes de minerai de fer étaient directement substituables au minerai aggloméré, il y aurait eu lieu, en principe, de faire en sorte que ces deux produits soient couverts par le même référentiel de produit et par la définition de produit correspondante.
51 Aux points 93 à 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, la substituabilité directe desdits produits.
52 Au point 94 de cet arrêt, il a constaté que, en dépit de certaines ressemblances entre le minerai aggloméré et les boulettes de minerai de fer, ces produits pouvant tous deux être utilisés pour la production d’acier dans un haut fourneau moyennant des adaptations techniques en cas de passage de l’un à l’autre, lesdits produits présentaient néanmoins des différences.
53 Parmi ces différences, le Tribunal a évoqué, au point 95 de l’arrêt attaqué, le fait que la production de chacun de ces deux produits reposait sur un substrat différent, ce qui avait pour conséquence que la teneur en fer des fines agglomérées, comprise entre 55 et 58 %, différait généralement de celle des boulettes de minerai de fer, comprise entre 62 et 66 %.
54 Au point 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, d’une part, lors de la production de boulettes de minerai de fer, la requérante avait besoin de quantités plus faibles de poussier de coke que celles utilisées pour la production de minerai aggloméré et, d’autre part, dans le cadre de cette dernière production, les résidus ferreux étaient recyclés directement comme entrants, alors que la production des boulettes de minerai de fer nécessitait de trouver une autre solution à cet égard.
55 Au point 97 de cet arrêt, le Tribunal a mis en exergue d’autres différences entre ces produits en ce qui concerne leur composition et leurs caractéristiques respectives ainsi que leur processus de production.
56 Au point 98 dudit arrêt, le Tribunal a ajouté que, étant donné que l’intensité des émissions de gaz à effet de serre lors de la production de minerai aggloméré était à peu près six à sept fois plus élevée que lors de la production de boulettes de minerai de fer, l’intégration de nouvelles catégories d’installations dans le référentiel relatif au minerai aggloméré risquait d’entraîner un déséquilibre significatif pour les installations relevant de ce référentiel.
57 Au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que ces différences s’avéraient suffisantes pour que la Commission soit fondée à considérer, au titre de son large pouvoir d’appréciation, qu’il n’y avait pas de substituabilité directe entre les boulettes de minerai de fer et le minerai aggloméré en ce qui concerne la détermination des installations concernées par le référentiel relatif au minerai aggloméré.
58 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l’a déjà jugé aux points 31 et 37 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), et comme le Tribunal l’a, lui-même, relevé aux points 13 à 15 de l’arrêt attaqué, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les référentiels par secteur ou sous–secteur, en application de l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87. En effet, cet exercice implique de sa
part, notamment, des choix ainsi que des appréciations techniques et économiques complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine peut affecter la légalité d’une telle mesure.
59 Dans cet arrêt, la Cour a examiné la validité de la décision 2011/278, laquelle a été adoptée sur le fondement de la directive 2003/87, tout comme la décision litigieuse, définissant les référentiels pour les produits désormais repris dans l’annexe I du règlement délégué 2019/331.
60 Ainsi que l’énonce le considérant 13 de la décision litigieuse, d’une part, le référentiel relatif au minerai aggloméré est défini à l’annexe I, point 1, du règlement délégué 2019/331, la définition des produits ainsi que la définition des procédés et des émissions couverts par ce référentiel de produit étant adaptées à la production de minerai aggloméré et n’incluant pas les boulettes de minerai de fer. D’autre part, ce considérant précise que l’article 10 bis, paragraphe 2, de la
directive 2003/87 exige une mise à jour des valeurs des référentiels pour la phase 4 et ne prévoit aucune adaptation de l’interprétation des définitions des référentiels.
61 La décision 2011/278 énonçait, à son considérant 4, que, lorsqu’un produit est un substitut direct d’un autre produit, il convenait que ces deux produits soient couverts par le même référentiel de produit et par la définition de produit correspondante.
62 C’est dans ce contexte que, au point 40 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), la Cour a examiné la question de savoir si les produits en cause dans cette affaire étaient directement substituables en faisant référence à leurs caractéristiques ainsi qu’à leur composition.
63 Dans ces conditions, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a tenu compte, aux points 94 à 98 de l’arrêt attaqué, des caractéristiques et de la composition respectives du minerai aggloméré et des boulettes de minerai de fer pour vérifier si ces produits étaient directement substituables.
64 C’est donc à bon droit que, au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission, cette institution a pu légalement décider, par la décision litigieuse, de ne pas appliquer le référentiel relatif au minerai aggloméré aux boulettes de minerai de fer produites par les installations en cause, compte tenu de l’absence de substitution directe entre ces produits en raison de leurs caractéristiques et compositions
différentes.
65 En effet, l’examen nécessaire pour prendre une telle décision, impliquant l’appréciation des caractéristiques du produit en cause, de sa composition et de sa production, constitue une appréciation technique complexe, dans le cadre de laquelle la Commission dispose d’un large pouvoir discrétionnaire (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine, C‑80/16, EU:C:2017:588, point 44).
66 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante pris de ce que, au point 42 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), la Cour a constaté que la Commission avait pu valablement considérer les pellets et le minerai aggloméré en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt comme étant des produits substituables.
67 En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé, en substance, aux points 106 à 112 de l’arrêt attaqué, ce constat a été opéré par la Cour dans le contexte particulier de ladite affaire, dans lequel, comme il ressort des points 42, 44 à 46 et 48 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), était en cause une aciérie intégrée comportant à la fois une unité de production de pellets et une unité de production de minerai aggloméré qui étaient connectées
pour fournir un mélange alimentant directement les hauts fourneaux, ce mélange pouvant, par ses propriétés, être utilisé comme substitut direct du minerai aggloméré dans lesdits hauts fourneaux.
68 Cependant, au regard du dossier dont dispose la Cour, la présente affaire ne se caractérise pas par un contexte spécifique tout à fait analogue à celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588).
69 S’agissant de l’argument de la requérante, visé au point 35 du présent arrêt, par lequel elle soutient, en substance, que le Tribunal a méconnu l’objectif poursuivi par l’article 10 bis de la directive 2003/87, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre en prenant en compte les techniques les plus efficaces, il convient de constater que le Tribunal a relevé, au point 68 de l’arrêt attaqué, que, certes, l’un des objectifs de la directive 2003/87 est, ainsi qu’il ressort notamment
de l’article 10 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, de celle-ci, d’encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre en privilégiant les technologies à faibles émissions par rapport à celles moins performantes de ce point de vue, si bien que les mesures prises ayant pour objet d’établir les référentiels ex ante doivent avoir pour perspective d’encourager l’adoption des techniques les plus efficaces pour réduire les émissions.
70 Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a indiqué à bon droit au point 99 de l’arrêt attaqué, et comme il ressort de l’examen de la seconde branche du premier moyen, la directive 2003/87 poursuit différents objectifs, dès lors que, selon l’article 1er de celle-ci, la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être réalisée « dans des conditions économiquement efficaces et performantes ». Ainsi, et comme le Tribunal l’a souligné au point 69 de cet arrêt, cet objectif de réduction des
émissions de gaz à effet de serre doit être atteint, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive, « dans la mesure du possible », en ce sens qu’une technique ou une activité moins efficace en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre peut présenter, dans le cadre d’une appréciation globale, ses propres avantages en termes d’efficacité économique.
71 Or, à cet égard, le Tribunal a constaté, au point 96 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que les résidus ferreux résultant de la production de minerai aggloméré étaient recyclés directement comme entrants, alors que tel n’est pas le cas dans le cadre de la production de boulettes de minerai de fer.
72 En outre, au point 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, également dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que, l’intensité des émissions de gaz à effet de serre générés par la production d’aggloméré étant à peu près six à sept fois plus élevée que celle liée à la production de boulettes de minerai de fer, l’intégration de nouvelles catégories d’installations dans le référentiel relatif au minerai aggloméré risquait d’entraîner un déséquilibre significatif pour les
installations relevant alors de ce référentiel.
73 Le risque d’un tel déséquilibre significatif doit se comprendre, notamment, à la lumière du considérant 24 de la directive 2009/29 qui souligne le fait que l’Union a entrepris les démarches afin d’éviter, d’une part, une augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans les pays tiers dans lesquels l’industrie en cause ne serait pas soumise à des restrictions comparables à celles auxquelles sont soumises au sein de l’Union en matière d’émissions de carbone (« fuite de carbone ») et, d’autre
part, des désavantages économiques pour certains secteurs et sous-secteurs de l’Union à forte intensité d’énergie et soumis à la concurrence internationale. Aux yeux du législateur de l’Union, ce phénomène pourrait compromettre l’intégrité environnementale et l’efficacité des actions de l’Union. Pour parer audit risque de fuite de carbone, ledit législateur a décidé d’attribuer 100 % de quotas gratuits aux secteurs ou aux sous-secteurs remplissant les critères exigés.
74 Or, il est constant que la Commission a ainsi reconnu les secteurs de l’extraction de minerai de fer et de la production de fonte, d’acier et de ferroalliages comme étant des secteurs exposés à un risque de « fuite de carbone », au sens de l’article 10 ter, paragraphe 1, de la directive 2003/87.
75 C’est dans ce contexte que la Commission a adopté la décision litigieuse qui énonce, à son considérant 13, que le référentiel relatif au minerai aggloméré est défini à l’annexe I du règlement délégué 2019/331, et la définition des produits ainsi que la définition des procédés et des émissions couverts par ce référentiel de produit sont adaptées à la production de minerai aggloméré et n’incluent pas les boulettes de minerai de fer.
76 En effet, dans la mesure où, ainsi que l’a reconnu la requérante dans son pourvoi, la production de boulettes de minerai de fer génère moins d’émissions de gaz à effet de serre que la production de minerai aggloméré, les producteurs de ces boulettes reçoivent à titre gratuit, selon les référentiels de chaleur et de combustibles, visés audit considérant 13, une quantité de droits corrélativement moindre. Il s’ensuit que, comme Mme l’avocate générale l’a, en substance, relevé au point 108 de ses
conclusions, si la production de boulettes de minerai de fer était incluse dans le référentiel relatif au minerai aggloméré, la valeur de ce référentiel serait moindre, si bien que la production de minerai aggloméré ne bénéficierait que d’une fraction seulement des droits d’émission requis au titre de cette production.
77 Or, ainsi que l’a souligné, en substance, Mme l’avocate générale au point 107 de ses conclusions, l’allocation à titre gratuit des droits d’émission au titre de la production, d’une part, de boulettes de minerai de fer et, d’autre part, du minerai aggloméré correspond au choix fait par le législateur de l’Union dans le domaine de la protection de l’environnement en ce qui concerne la lutte contre les « fuites de carbone », visée au point 73 du présent arrêt, afin de garantir, d’une part, que ni
les producteurs de boulettes de minerai de fer ni les producteurs de minerai aggloméré ne devront acquérir des droits d’émission lorsqu’ils utilisent les méthodes les plus efficaces et, d’autre part, qu’ils n’arrêteront pas leur production ou ne la transféreront pas de l’Union vers des pays tiers à cause du coût des droits d’émission.
78 Compte tenu de ces considérations, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 99 de l’arrêt attaqué, que la Commission était fondée à estimer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation et compte tenu des différents objectifs poursuivis par la directive 2003/87, qu’une sous-installation de production de boulettes de minerai de fer ne saurait relever du référentiel relatif au minerai aggloméré.
79 Pour ces raisons, les arguments de la requérante relatifs à l’égalité de traitement des acteurs économiques au sein du marché intérieur ainsi qu’à la préservation des conditions d’une concurrence non faussée ne sauraient non plus remettre en cause l’appréciation faite par le Tribunal au point 98 de l’arrêt attaqué.
80 Dans ces conditions, il convient de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.
81 Partant, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
82 Par son deuxième moyen, la requérante allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 93 à 99 de l’arrêt attaqué en remplaçant la motivation relative à l’évaluation de la substituabilité effectuée par la Commission dans la décision litigieuse par sa propre motivation concernant cette évaluation.
83 Tout d’abord, la requérante fait valoir que les motifs mentionnés aux points 93 à 99 de l’arrêt attaqué n’apparaissent pas dans le libellé de la décision litigieuse. Les seuls motifs invoqués à l’appui de cette décision seraient que le référentiel est adapté à la production de minerai aggloméré et que l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87 ne prévoit aucune adaptation de l’interprétation des définitions des référentiels.
84 Elle soutient, ensuite, que, même si la correspondance échangée entre la Commission et le Royaume de Suède devait être considérée comme faisant partie de la motivation de la décision litigieuse, cette correspondance ne fait pas état d’un certain nombre de caractéristiques qui ont pourtant été prises en considération par le Tribunal, à savoir la provenance du minerai de fer, l’enrichissement, la teneur en fer et une distinction hématite/magnétite, la quantité moindre de poussier de coke nécessaire
à la production de boulettes de minerai de fer, ou le fait que l’inclusion, dans le référentiel relatif au minerai de fer, des installations de production de ces boulettes risquait d’entraîner un déséquilibre significatif pour les installations relevant alors de ce référentiel.
85 Enfin, la requérante affirme, en invoquant l’arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission (C‑50/19 P, EU:C:2021:792), que le Tribunal a, de manière autonome par rapport à la décision litigieuse et sur la base de sa propre interprétation, établi une motivation de la décision litigieuse ex post facto, sur la base d’éléments spécifiques invoqués pour la première fois dans le cadre de la procédure devant lui. En substituant sa propre motivation à celle de la décision litigieuse, le
Tribunal aurait commis une erreur de droit.
86 La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.
Appréciation de la Cour
87 Aux points 93 à 99 de l’arrêt attaqué, visés par le deuxième moyen du pourvoi, le Tribunal a examiné l’argument de la requérante, soulevé dans le cadre du premier moyen de sa requête en première instance, tiré de la prétendue violation, par la Commission, de l’annexe I du règlement délégué 2019/331 et de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, portant sur la substituabilité directe des produits en cause.
88 Cet examen a été précédé, d’une part, du constat, au point 89 de l’arrêt attaqué, selon lequel il ne ressortait pas de la décision litigieuse que la Commission se serait livrée à une analyse détaillée de la substituabilité directe entre les deux produits. D’autre part, au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souverain des éléments de fait et de preuve, fait état des échanges entre le Royaume de Suède et la Commission, à l’issue desquels cette
institution a clairement indiqué aux autorités suédoises que les boulettes de minerai de fer n’étaient pas directement substituables au minerai aggloméré.
89 Au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que c’est dans ce contexte qu’il convenait d’apprécier les différents arguments invoqués par les parties en faveur ou en défaveur de la substituabilité directe entre les boulettes de minerai de fer et le minerai aggloméré.
90 À cet égard, il convient de constater que, certes, dans le cadre du premier moyen de sa requête en première instance, la requérante a soutenu que la motivation à l’appui de l’exclusion de la production de boulettes de minerai de fer du référentiel relatif au minerai aggloméré, figurant au considérant 13 de la décision litigieuse, n’était pas « convaincante ».
91 Cependant, l’argumentation développée à l’appui de ce premier moyen portait non pas sur la violation, par la Commission, de son obligation de motivation au titre de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, mais sur l’absence de conformité de la décision litigieuse au regard de l’annexe I du règlement délégué 2019/331 et de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, compte tenu du choix de la Commission de refuser d’inclure la production des boulettes de minerai de fer dans le
référentiel relatif au minerai aggloméré.
92 En réalité, la violation de l’obligation de motivation à laquelle la Commission était tenue a été alléguée dans le cadre du cinquième moyen de la requête en première instance, lequel a été examiné par le Tribunal aux points 149 à 160 de l’arrêt attaqué. Or, ces derniers points sont visés par le cinquième moyen du pourvoi.
93 Partant, par son argumentation développée dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi, tirée de l’erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans son examen de l’obligation de motivation incombant à la Commission, la requérante ne saurait remettre en cause l’argumentation développée dans l’arrêt attaqué portant sur le bien-fondé de la décision litigieuse.
94 Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
95 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 116 et 117 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il y aurait dénaturé des éléments de preuve, à savoir l’avis d’expert de M. S. Kallo, le directeur technique et métallurgiste de la société sidérurgique SSAB Europe, responsable pour la production de SSAB en Suède et en Finlande (ci-après l’« avis de M. Kallo »).
96 Elle précise, à cet égard, que les éléments de preuve mentionnés par le Tribunal auxdits points de l’arrêt attaqué ne sauraient suffire à justifier la conclusion du Tribunal, figurant au point 99 de cet arrêt, relative à l’absence de substituabilité directe entre les boulettes de minerai de fer et le minerai aggloméré.
97 À l’appui de son moyen, la requérante produit deux tableaux présentant, dans une colonne, les points de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal s’est appuyé sur cet avis d’expert et où, dans ce contexte, il aurait dénaturé les propos de ce dernier et, en regard, dans l’autre colonne, les passages correspondants de l’avis de M. Kallo, tels qu’ils ont été soumis au Tribunal.
98 La requérante soutient ainsi, premièrement, que, au point 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait une lecture inexacte des points 15 et 19 de l’avis de M. Kallo, dans la mesure où il a notamment considéré, à ce point de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de cet avis que le passage, pour une installation, d’une alimentation au moyen de minerai aggloméré à une alimentation au moyen de boulettes de minerai de fer, en diverses proportions, nécessitait des essais et des adaptations. Or, selon la
requérante, l’avis de M. Kallo indiquait qu’il était facile de modifier les proportions employées de ces deux produits.
99 Deuxièmement, le Tribunal aurait considéré, au point 116 de l’arrêt attaqué, que le passage d’une alimentation au moyen de minerai aggloméré à une alimentation en boulettes de minerai de fer ne serait pas « aussi simple que d’appuyer sur un bouton », alors que l’avis de M. Kallo énoncerait expressément que « l’apport de matières premières est automatiquement calculé et modifié ».
100 Troisièmement, la requérante soutient que, à ce point 116, le Tribunal a également considéré que « d’importants ajustements sont nécessaires pour permettre le passage d’une alimentation à une autre ». Cette considération serait également incompatible avec l’avis de M. Kallo, selon lequel « l’aggloméré étant produit sur le site de l’aciérie, de telles adaptations peuvent être réalisées dans un délai très court ».
101 La Commission conclut au rejet du troisième moyen.
Appréciation de la Cour
102 Aux points 100 à 118 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en excluant que la production de boulettes de minerai de fer puisse relever du référentiel relatif au minerai aggloméré et, ce faisant, en ne reconnaissant pas, contrairement à la solution retenue par la Cour au point 42 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588), à l’égard de l’aciérie intégrée en cause dans l’affaire
ayant donné lieu à ce dernier arrêt, que de telles boulettes sont substituables au minerai aggloméré.
103 Au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exclu l’existence d’une telle erreur manifeste d’appréciation en se fondant, d’une part, sur la conclusion figurant au point 99 de cet arrêt, lequel a été vainement critiqué par la requérante dans le cadre du premier moyen du présent pourvoi.
104 D’autre part, premièrement, le Tribunal a constaté, au point 115 de l’arrêt attaqué, que les exemples d’utilisation exclusive de boulettes de minerai de fer pour alimenter les hauts fourneaux, mentionnés par la requérante, montraient qu’il s’agissait de solutions de repli ou de solutions simplement testées, d’ailleurs relativement anciennes.
105 Or, ce constat n’est pas contesté par la requérante dans le cadre du présent pourvoi.
106 Deuxièmement, aux points 116 et 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur un rapport du cabinet de consultants CRU ainsi que sur l’avis de M. Kallo pour étayer sa conclusion selon laquelle la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne considérant pas que, en l’espèce, les boulettes de minerai de fer puissent être considérées comme étant substituables au minerai aggloméré.
107 À cet égard, il convient de constater que, d’une part, sur le fondement de l’examen de la substituabilité desdits produits que le Tribunal a effectué aux points 94 à 99 de l’arrêt attaqué, lequel a été vainement critiqué par le premier moyen du pourvoi, et au regard du constat figurant au point 115 de l’arrêt attaqué, qui, ainsi qu’il ressort du point 105 du présent arrêt, n’est pas critiqué au stade du présent pourvoi, le Tribunal a pu valablement considérer que la Commission n’avait commis
aucune erreur manifeste d’appréciation en adoptant la décision litigieuse.
108 D’autre part et en tout état de cause, s’agissant de l’allégation selon laquelle le Tribunal se serait livré à une dénaturation des éléments de preuve figurant aux points 116 et 117 de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour. Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à
de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée ou manifestement contraire à leur libellé. Toutefois, cette dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 27 avril 2023, Fondazione Cassa di Risparmio di Pesaro e.a./Commission, C‑549/21 P, EU:C:2023:340, point 73 ainsi que jurisprudence citée).
109 Or, en l’occurrence, il ressort du point 15 de l’avis de M. Kallo, joint en annexe de la requête en première instance, que, certes, une modification des proportions, respectivement, de boulettes de minerai de fer et de minerai aggloméré pour l’alimentation des hauts fourneaux serait aisée et aurait souvent lieu dans la plupart des aciéries. Cependant, au point 22 de cet avis, il est néanmoins précisé que, si les modifications à cet égard sont importantes ou concernent une matière première qui
n’a jamais été utilisée dans l’installation en cause, elles sont généralement précédées d’essais pour évaluer leur impact sur le processus, la productivité et les coûts totaux. En outre, il ressort du point 25 dudit avis que, afin de permettre une modification durable de l’installation en vue de recourir à une alimentation composée uniquement de boulettes de minerai de fer, il peut être nécessaire de mettre à jour la logistique interne pour s’adapter à un nouveau flux de matières premières, afin
d’optimiser davantage les opérations effectuées au sein de l’installation concernée.
110 Or, la décision litigieuse porte sur le refus, par la Commission, d’inclure les boulettes de minerai de fer dans le référentiel relatif au minerai aggloméré en ce qui concerne les installations en cause, et non pas sur le cas spécifique d’une aciérie intégrée, tel que visé au point 42 de l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588).
111 Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas dénaturé l’avis de M. Kallo en constatant, au point 117 de l’arrêt attaqué, en substance, qu’il ressortait de cet avis, nonobstant la conclusion de celui-ci selon laquelle les boulettes de minerai fer sont des substituts immédiats du minerai aggloméré, que le passage du minerai aggloméré aux boulettes de minerai de fer, en diverses proportions, nécessiterait des essais et des adaptations ainsi que des travaux de préparation, y compris une adaptation de la
logistique interne en fonction d’un nouveau flux de matières premières.
112 Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
113 Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 148 de l’arrêt attaqué, que, contrairement à ce que la requérante soutenait à l’appui du quatrième moyen de sa requête en première instance, la Commission avait respecté son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les aspects pertinents du cas d’espèce.
114 Elle fait valoir que, avant d’adopter la décision litigieuse, la Commission n’a pas procédé à un tel examen précis et impartial. En effet, le Tribunal aurait constaté, au point 89 de l’arrêt attaqué, que cette décision ne laissait pas apparaître que la Commission se serait livrée à une analyse détaillée de la substituabilité directe entre les deux produits concernés. En particulier, l’évaluation de la facilité ou de la difficulté relative associée au contrôle de la basicité de la charge du haut
fourneau lors du changement d’intrants aurait nécessité la consultation d’un expert en métallurgie.
115 La Commission conclut au rejet de ce moyen.
Appréciation de la Cour
116 Dans le cadre de l’examen du premier moyen soulevé en première instance, le Tribunal a constaté, au point 89 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait effectivement pas de la décision litigieuse que la Commission s’était livrée à une analyse détaillée de la substituabilité directe entre les deux produits, cette institution s’étant limitée à l’examen du libellé du référentiel relatif au minerai aggloméré et au rappel qu’il n’était pas exigé d’elle qu’elle procède à une « adaptation de
l’interprétation des définitions des référentiels ».
117 Cependant, au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état des échanges intervenus entre la Commission et le Royaume de Suède, lequel a présenté à cette institution, avant l’adoption de la décision litigieuse, des propositions tenant compte des intérêts des exploitants des installations en cause et a ainsi été étroitement associé à la procédure qui s’est achevée par l’adoption de cette décision. Dans ces échanges, la Commission avait clairement indiqué aux autorités suédoises qu’elle
considérait que les boulettes de minerai de fer n’étaient pas directement substituables au minerai aggloméré, en raison notamment de ce que la Cour avait décidé dans l’arrêt du 26 juillet 2017, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (C‑80/16, EU:C:2017:588).
118 Au vu du contenu de ces échanges, le Tribunal a pu conclure à bon droit, au point 147 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation d’examiner avec soin et impartialité de tels arguments au cours de la procédure administrative.
119 Dans ces conditions, il convient de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en décidant, au point 148 de l’arrêt attaqué, que le quatrième moyen de la requête en première instance devait être rejeté.
120 Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
121 Par son cinquième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, au point 160 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait à son obligation de motivation.
122 La requérante soutient que, compte tenu de la complexité technique de l’évaluation de la substituabilité, la décision litigieuse aurait dû contenir un exposé suffisant des raisons scientifiques justifiant sa conclusion. À cet égard, elle fait valoir que la Commission avait l’obligation d’expliquer, dans la décision litigieuse, non seulement les raisons pour lesquelles les boulettes de minerai de fer et le minerai aggloméré étaient ou non substituables, mais également celles pour lesquelles elle
considérait que tel n’était pas le cas en l’espèce.
123 La requérante se réfère, à cet effet, aux arrêts du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission (T‑61/89, EU:T:1992:79, point 131), et du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T‑354/94, EU:T:1998:104, point 126), ainsi que de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement (195/80, EU:C:1981:284, point 22), et du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, EU:C:2000:630), en soutenant que, conformément à cette jurisprudence, la
motivation d’une décision de la Commission doit figurer dans le corps même de celle-ci, des explications postérieures à son adoption fournies par cette institution ne pouvant, sauf circonstances exceptionnelles, être prises en compte.
124 Or, les raisons mentionnées par le Tribunal aux points 157 à 159 de l’arrêt attaqué ne sauraient être considérées comme étant des « circonstances exceptionnelles », au sens de ladite jurisprudence.
125 Par ailleurs, la requérante conteste le fait que les lettres envoyées par la Commission au Royaume de Suède puissent être considérées comme pertinentes aux fins de la décision litigieuse et prétend que, même si elles l’étaient, elles ne constitueraient pas un exposé suffisant des raisons scientifiques susceptibles de justifier la conclusion quant à l’absence de substituabilité entre les deux produits concernés.
126 La Commission conclut au rejet du cinquième moyen.
Appréciation de la Cour
127 Au point 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, rappelé à bon droit que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte attaqué, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.
128 Au point 155 de cet arrêt, le Tribunal a, ensuite, ajouté, à juste titre, qu’il n’est pas exigé qu’une telle motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.
129 Enfin, au point 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné, sans commettre d’erreur de droit, le fait que le respect de l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE, en ce qui concerne une décision concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87, revêt une importance d’autant plus fondamentale que, dans ce contexte,
l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission au titre de cette dernière disposition implique des évaluations économiques et écologiques complexes et que le contrôle de la légalité et du bien-fondé de ces évaluations par le juge de l’Union est restreint.
130 Sur la base de ces principes, le Tribunal a estimé, aux points 157 à 159 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, la requérante ne pouvait valablement soutenir qu’elle n’avait pas été en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait considéré que le référentiel relatif au minerai aggloméré était adapté à la production de minerai aggloméré et ne pouvait inclure, comme le souhaitait le Royaume de Suède, la production de boulettes de minerai de fer.
131 À cet effet, le Tribunal a considéré, en premier lieu, au point 158 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait du dossier dont il disposait que la requérante avait été en mesure de contester le bien-fondé de la décision litigieuse pour ce qui la concernait, qu’il s’agisse aussi bien du libellé du référentiel relatif au minerai aggloméré, de l’incidence que pourraient avoir sur son interprétation les différents objectifs de la réglementation applicable ou du fait que la Commission avait implicitement
mais nécessairement considéré, en l’espèce, qu’il n’était pas approprié d’adopter pour les installations en cause la même solution que celle qu’elle avait adoptée auparavant à l’égard d’une installation de Tata Steel (anciennement Corus), située à IJmuiden, (Pays-Bas), faisant partie d’une aciérie intégrée.
132 En second lieu, le Tribunal a souligné, au point 159 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la requête en première instance, et en particulier du contenu des différents moyens présentés à l’appui de celle-ci, que la requérante disposait également d’une bonne connaissance des différents échanges intervenus, au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse, entre le Royaume de Suède et la Commission, lesquels faisaient partie du contexte.
133 À cet égard, comme l’a jugé à bon droit le Tribunal au point 155 de l’arrêt attaqué, conformément à une jurisprudence constante, il n’est pas exigé que la motivation d’un acte d’une institution de l’Union spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un tel acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte de celui-ci ainsi que de
l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 29 ; du 20 janvier 2022, Roumanie/Commission, C‑899/19 P, EU:C:2022:41, point 68, ainsi que du 23 janvier 2025, Neos/Ryanair et Commission, C‑490/23 P, EU:C:2025:32, point 34).
134 En l’espèce, le considérant 13 de la décision litigieuse précise que le Royaume de Suède avait effectivement proposé d’utiliser une sous-installation couverte par le référentiel relatif au minerai aggloméré pour la production de boulettes de minerai de fer, tandis que, au cours de la phase 3, des référentiels de chaleur et de combustibles avaient été utilisés. Toutefois, dans ce même considérant, la Commission a rappelé, premièrement, que le référentiel relatif au minerai aggloméré était défini
à l’annexe I du règlement délégué 2019/331, deuxièmement, que la définition des produits ainsi que la définition des procédés et des émissions couverts par ce référentiel de produit étaient adaptées à la production de minerai aggloméré et n’incluaient pas celle des boulettes de minerai de fer et, troisièmement, que l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87 exigeait une mise à jour des valeurs des référentiels pour la phase 4 et ne prévoyait aucune adaptation de l’interprétation des
définitions des référentiels.
135 À cet égard, il convient de constater, d’une part, que, par son pourvoi, la requérante conteste seulement la décision selon laquelle la production de boulettes de minerai de fer ne relève pas du référentiel relatif au minerai aggloméré.
136 D’autre part, le contexte normatif dans lequel la décision litigieuse a été adoptée, évoqué au considérant 13 de cette décision et visé aux points 73 à 77 du présent arrêt, combiné aux explications figurant dans ce considérant, est suffisant pour comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a décidé que la production de boulettes de minerai de fer ne relevait pas du référentiel relatif au minerai aggloméré.
137 Par ailleurs, outre le fait que le Royaume de Suède, qui a présenté à la Commission des propositions tenant compte des intérêts des exploitants des installations en cause, a été étroitement associé à la procédure qui s’est achevée par l’adoption de la décision litigieuse, force est de constater que la requérante a été en mesure, à la lumière de ses écritures devant le Tribunal, de contester utilement le bien-fondé de cette décision (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2024,
Commission/Irlande e.a., C‑465/20 P, EU:C:2024:724, point 393).
138 Eu égard à ces considérations, il convient de considérer que la motivation de la décision litigieuse répond aux exigences de l’article 296 TFUE et que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant le cinquième moyen de la requête en première instance, tiré de la violation, par la Commission, de son obligation de motivation.
139 Il y a donc lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.
140 Tous les moyens invoqués à l’appui du pourvoi ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
Sur les dépens
141 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
142 La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et cette dernière ayant succombé dans son pourvoi, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
143 Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Cour peut décider que, lorsqu’elle n’a pas elle-même formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance qui a participé à la phase écrite ou orale de la procédure de pourvoi supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que le Royaume de Suède, qui a participé à la phase écrite de la procédure devant la Cour, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Luossavaara-Kiirunavaara AB supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) Le Royaume de Suède supporte ses propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.