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19/06/2025 | CJUE | N°C-17/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, CeramTec GmbH contre Coorstek Bioceramics LLC., 19/06/2025, C-17/24


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 juin 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Causes de nullité absolue – Article 52, paragraphe 1, sous a) et b) – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii) – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Mauvaise foi du demandeur – Autonomie et coexistence des causes de nullité absolue – Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur

lors du dépôt de la demande de marque –
Survenance d’éléments postérieurement à ce dépôt »

Dans l’affaire C‑17/2...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 juin 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Causes de nullité absolue – Article 52, paragraphe 1, sous a) et b) – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii) – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Mauvaise foi du demandeur – Autonomie et coexistence des causes de nullité absolue – Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demande de marque –
Survenance d’éléments postérieurement à ce dépôt »

Dans l’affaire C‑17/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 10 janvier 2024, parvenue à la Cour le 11 janvier 2024, dans la procédure

CeramTec GmbH

contre

Coorstek Bioceramics LLC,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, M. N. Piçarra, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), MM. S. Gervasoni et N. Fenger, juges,

avocat général : M. A. Biondi,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2024,

considérant les observations présentées :

– pour CeramTec GmbH, par Me A. Bothe, Rechtsanwalt, Mes C. Bratel et M.-A. de Dampierre, avocates, ainsi que Mes M. A. Mittelstein et C. Stöber, Rechtsanwältinnen,

– pour Coorstek Bioceramics LLC, par Me S. Naumann, avocat,

– pour le gouvernement français, par M. R. Bénard, Mme B. Dourthe, M. H. Nunes da Silva et Mme E. Timmermans, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes C. Auvret et P. Němečková, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 février 2025,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CeramTec GmbH à Coorstek Bioceramics LLC (ci-après « Coorstek ») au sujet d’une action en contrefaçon intentée par CeramTec contre Coorstek, qui a soulevé une demande reconventionnelle en nullité de trois marques de l’Union européenne détenues par CeramTec.

Le cadre juridique

3 Le règlement no 207/2009 a été modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21), qui est entré en vigueur le 23 mars 2016. Il a, par la suite, été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des demandes d’enregistrement des marques
contestées par Coorstek dans le litige au principal, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable à la demande en nullité (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 49), le présent renvoi préjudiciel doit être examiné au regard du règlement no 207/2009, dans sa version initiale.

4 Le considérant 2 du règlement no 207/2009 énonçait :

« Il convient de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de [l’Union] et une expansion continue et équilibrée par l’achèvement et le bon fonctionnement d’un marché intérieur offrant des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national. La réalisation d’un tel marché et le renforcement de son unité impliquent [notamment] l’élimination des obstacles à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services ainsi que
l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée [...] »

5 L’article 7 de ce règlement, intitulé « Motifs absolus de refus », disposait, à son paragraphe 1, sous e), ii) :

« Sont refusés à l’enregistrement :

[...]

e) les signes constitués exclusivement :

[...]

ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ».

6 L’article 52 dudit règlement, intitulé « Causes de nullité absolue », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« La nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) lorsque la marque [de l’Union européenne] a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ;

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. »

7 L’article 99 du même règlement, intitulé « Présomption de validité – Défenses au fond », se lisait comme suit :

« 1.   Les tribunaux des marques [de l’Union européenne] considèrent la marque [de l’Union européenne] comme valide, à moins que le défendeur n’en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 CeramTec est une entreprise, établie en Allemagne, spécialisée dans le développement, la fabrication et la distribution de composants céramiques techniques utilisés, en particulier, dans des implants de hanche ou de genou. Elle vend ces composants aux fabricants de prothèses médicales pour former des prothèses complètes, lesquelles sont ensuite vendues aux utilisateurs finaux, tels que les hôpitaux ou les chirurgiens orthopédiques.

9 Coorstek est une société de droit américain qui a pour activité la fabrication de composants médicaux en céramiques techniques avancées, en particulier pour des prothèses articulaires de hanche et dorsale ainsi que pour des prothèses dentaires.

10 CeramTec était titulaire du brevet européen EP 0 542815, désignant la France et portant sur un matériau composite céramique. Ce brevet a expiré le 5 août 2011.

11 Le 23 août 2011, CeramTec a déposé trois demandes de marques de l’Union européenne, portant respectivement sur les marques suivantes :

– la marque de couleur enregistrée le 26 mars 2013 sous le numéro 010214195, sous priorité d’une marque allemande du 21 juillet 2011, et qui couvre la couleur rose pantone 677C, édition 2010 ;

– la marque figurative enregistrée le 12 avril 2013 sous le numéro 010214112, sous priorité d’une marque allemande du 25 juillet 2011, et qui est une représentation graphique d’une bille de couleur rose pantone 677C ; cette marque est représentée comme suit :

Image

– la marque tridimensionnelle enregistrée le 20 juin 2013 sous le numéro 010214179, sous priorité d’une marque allemande du 26 juillet 2011, et qui revendique la couleur rose pantone 677C ; cette marque est représentée comme suit :

Image

12 Ces marques désignent les produits suivants relevant de la classe 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié : « Pièces céramiques pour implants pour l’ostéosynthèse, substituts aux surfaces d’articulations, écarteurs pour les os ; billes pour articulations de la hanche, coquilles/plaques pour articulations de la hanche et pièces d’articulation du
genou ; tous les produits précités pour vente aux fabricants d’implants ».

13 Le 13 décembre 2013, CeramTec a introduit une action en contrefaçon et en concurrence parasitaire contre Coorstek, soutenant que cette dernière commercialisait un produit copiant la couleur rose caractéristique de ses propres produits. Coorstek a présenté une demande reconventionnelle en nullité des trois marques décrites aux points 11 et 12 du présent arrêt (ci-après les « marques contestées »).

14 Par un arrêt rendu le 25 juin 2021, la cour d’appel de Paris (France) a annulé les marques contestées, pour mauvaise foi de CeramTec lors du dépôt des demandes de marques.

15 Cette juridiction a relevé que, à la date du dépôt des demandes d’enregistrement des marques contestées, CeramTec était convaincue de l’effet technique de l’oxyde de chrome pour garantir la dureté et la résistance des billes de céramique entrant dans la constitution des prothèses médicales et qu’elle avait recherché à protéger la couleur rose des billes, qui résultait de la présence d’oxyde de chrome dans la céramique. Elle en a déduit que CeramTec avait eu l’intention de prolonger le monopole
qu’elle détenait sur la solution technique protégée auparavant par le brevet mentionné au point 10 du présent arrêt, qui était venu à échéance avant la date de dépôt de ces demandes d’enregistrement.

16 Selon ladite juridiction, la mauvaise foi était caractérisée par une volonté non pas d’empêcher les concurrents de poursuivre l’utilisation de la couleur rose, mais de prolonger un monopole et d’empêcher les concurrents de pénétrer le marché dominé par CeramTec grâce au matériau composant ses produits, à savoir l’oxyde de chrome dans une proportion ayant pour effet de colorer en rose la céramique. La même juridiction a retenu que CeramTec avait, dès lors, eu l’intention d’obtenir un droit
exclusif à des fins autres que celles relevant de la fonction d’une marque, à savoir l’indication d’origine de ses produits.

17 CeramTec s’est pourvue en cassation devant la Cour de cassation (France), qui est la juridiction de renvoi. Selon CeramTec, les motifs absolus de refus énumérés à l’article 7 du règlement no 207/2009 ne peuvent caractériser la mauvaise foi visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, sauf à permettre de recourir à la notion de mauvaise foi pour contourner ou ignorer les conditions d’application prévues à cet article 7. En outre, une interprétation de cet article 52, paragraphe 1,
sous b), qui permettrait d’annuler une marque, au seul motif que son demandeur a eu l’intention de protéger des droits sur une solution technique, sans qu’il soit démontré que le droit sur la marque en cause assure effectivement la protection d’une telle solution technique, reviendrait également à contourner le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 et à méconnaître les domaines d’application respectifs de ces deux articles. CeramTec précise avoir
découvert, après l’expiration de son brevet et le dépôt des demandes d’enregistrement des marques contestées, que l’oxyde de chrome, qui confère la couleur rose revendiquée par ces marques, n’avait en réalité aucun effet technique.

18 Coorstek fait valoir que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 répondent à des objectifs différents et que le premier article ne constitue pas une disposition spéciale primant le second article. Selon Coorstek, lors de l’appréciation de la mauvaise foi, au sens de cet article 52, paragraphe 1, sous b), seul le comportement du demandeur importe et non pas les qualités intrinsèques du signe en cause. En outre, étant donné que la
mauvaise foi doit être appréciée au jour du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque, il serait indifférent que le monopole sur le signe en cause ne permette pas réellement la protection de la solution technique, dès lors que le demandeur croyait en une telle protection et que seule l’intention du demandeur doit être prise en compte.

19 La juridiction de renvoi constate l’existence de divergences d’interprétation entre la cour d’appel de Paris et l’Oberlandesgericht Stuttgart (tribunal régional supérieur de Stuttgart, Allemagne), qui ont statué sur la question de la nullité des marques contestées. Ces divergences concerneraient, en particulier, l’articulation des motifs absolus de refus visés à l’article 7 du règlement no 207/2009 et de la notion de mauvaise foi, qui constitue une cause de nullité absolue prévue à l’article 52,
paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

20 Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 52 du règlement [no 207/2009] doit-il être interprété en ce sens que les causes de nullité de l’article 7, visées en son paragraphe 1, sous a), sont autonomes et exclusives de la mauvaise foi visée en son paragraphe 1, sous b) ?

2) Si la réponse à la première question est négative, la mauvaise foi du déposant peut-elle être appréciée au regard du seul motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 sans qu’il [...] soit constaté que le signe déposé à titre de marque soit constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ?

3) L’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 207/2009] doit-il être interprété en ce sens qu’il exclut la mauvaise foi d’un déposant ayant introduit une demande d’enregistrement de marque avec l’intention de protéger une solution technique lorsqu’il a été découvert, postérieurement à cette demande, qu’il n’existait pas de lien entre la solution technique en cause et les signes constituant la marque déposée ? »

Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

21 À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, CeramTec a, par acte déposé au greffe de la Cour le 24 février 2025, demandé la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

22 Aux termes de cette disposition, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu.

23 À l’appui de sa demande, CeramTec fait valoir que les conclusions de M. l’avocat général n’abordent ni les particularités ni la complexité des faits du litige au principal, que ces conclusions ne tiennent pas compte des objectifs poursuivis par le motif de nullité fondé sur la mauvaise foi, que l’étude de la jurisprudence confirme l’exigence d’un risque objectif d’atteinte à la concurrence et que lesdites conclusions manquent d’indications sur l’intérêt commercial légitime.

24 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci. Il y a lieu également de rappeler que le statut de la Cour de justice
de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties au principal et les intéressés visés à l’article 23 de ce statut de répondre aux conclusions présentées par l’avocat général. Par conséquent, le désaccord d’une partie au principal ou d’un intéressé avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure
(arrêt du 4 octobre 2024, Herbaria Kräuterparadies II, C‑240/23, EU:C:2024:852, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

25 En l’occurrence, il ressort de la demande de réouverture de la phase orale de la procédure que, par cette demande, CeramTec cherche, en réalité, à exprimer son désaccord avec l’analyse juridique effectuée par M. l’avocat général. Or, ainsi qu’il ressort de l’article 83 du règlement de procédure et de la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, un tel motif ne figure pas au nombre de ceux qui peuvent justifier la réouverture de la phase orale d’une procédure. Par ailleurs, les
intéressés ayant participé à la présente procédure ont pu exposer, au cours des phases écrite et orale de celle-ci, les éléments de droit qu’ils ont estimés pertinents pour permettre à la Cour d’interpréter les dispositions de droit de l’Union faisant l’objet des questions posées par la juridiction de renvoi. À cet égard, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de décision préjudicielle et qu’aucun des éléments invoqués par CeramTec
à l’appui de sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure ne justifie cette réouverture en application de l’article 83 du règlement de procédure.

26 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

27 À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, bien que la juridiction de renvoi ait formulé la première question comme portant sur l’articulation de la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et celle prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, parmi les motifs absolus de refus d’enregistrement
prévus à cet article 7, paragraphe 1, seul le motif prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement est visé dans le cadre du litige au principal.

28 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement, et la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement sont autonomes
et exclusives l’une de l’autre.

29 En vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 de ce règlement. Selon l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

30 L’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement prévoit que la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

31 Pour répondre à la première question, il convient d’examiner successivement si la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement, et la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (ci-après les « deux causes de nullité absolue »), sont autonomes et si ces deux causes de nullité absolue s’excluent mutuellement.

32 Il y a lieu d’aborder, en premier lieu, la question de savoir si les deux causes de nullité absolue sont autonomes, en ce sens que, pour déclarer la nullité d’une marque en raison de la mauvaise foi du demandeur, sur le fondement de cet article 52, paragraphe 1, sous b), il n’est pas exigé de vérifier au préalable l’existence du motif absolu de refus d’enregistrement prévu à cet article 7, paragraphe 1, sous e), ii).

33 Conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 11 janvier 2024, Inditex, C‑361/22, EU:C:2024:17, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

34 Il ressort du libellé de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 que chacune de ces deux causes est énoncée dans un point distinct, à savoir les points a) et b), qui sont séparés par un point-virgule, ce qui reflète l’intention du législateur de l’Union de distinguer celles-ci. Par ailleurs, cet article 52, paragraphe 1, ne comporte, ni dans sa phrase introductive ni dans l’énumération qui suit, de locutions indiquant que les deux causes de nullité absolue doivent être examinées dans
un quelconque ordre de priorité l’une par rapport à l’autre.

35 Cette interprétation littérale de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est corroborée tant par le contexte dans lequel cette disposition s’inscrit que par les objectifs qu’elle poursuit.

36 S’agissant de ce contexte, il convient de relever que, à cet article 52, paragraphe 1, la cause de nullité prévue au point a) renvoie, contrairement à celle prévue au point b), aux motifs absolus de refus d’enregistrement inscrits à l’article 7 du règlement no 207/2009, et doit être lue et interprétée en combinaison avec cet article.

37 En outre, chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 46), de sorte que l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement vise lui-même des causes de nullité qui sont autonomes les unes par rapport aux autres et qui ont chacune son propre champ
d’application.

38 Par suite, une telle autonomie doit être, a fortiori, reconnue entre la cause de nullité prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement et celle prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

39 Par ailleurs, comme M. l’avocat général l’a mentionné, en substance, au point 34 de ses conclusions, si, dans son ensemble, l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 fournit une liste exhaustive des causes de nullité absolue d’une marque de l’Union européenne, chaque cause de nullité absolue qu’il vise a une nature différente. En effet, celle prévue au point a) ne trouve à s’appliquer que dans les cas limitativement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, alors que celle
prévue au point b) renvoie à la notion de « mauvaise foi », susceptible de s’appliquer dans un nombre indéterminé de situations.

40 S’agissant des objectifs poursuivis par ces causes de nullité absolue, celles-ci partagent l’objectif général visé par les règles de l’Union en matière de marque, qui est de contribuer à une concurrence non faussée dans l’Union. À cet égard, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 2 du règlement no 207/2009, ce dernier a pour objectif d’établir et d’assurer le fonctionnement du marché intérieur. Dans ce cadre, les règles sur la marque de l’Union européenne visent à garantir que chaque
entreprise puisse, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ses produits ou ses services de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

41 Toutefois, les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ont des finalités distinctes.

42 En effet, d’une part, la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 a pour finalité d’invalider les marques qui ont été enregistrées en dépit du fait qu’elles se heurtent à un ou à plusieurs motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement et sont, dès lors, inaptes à l’enregistrement, car elles ne peuvent pas être à même d’exercer leurs fonctions de marque. Cette cause de nullité censure un défaut de la marque
elle-même et vise à protéger l’intérêt général qui sous-tend ces motifs absolus de refus.

43 S’agissant, en particulier, du motif absolu de refus inscrit à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009, la finalité qui le sous-tend est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole quant aux solutions techniques ou aux caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents. Ce motif de refus vise ainsi à éviter que la protection conférée par le droit des
marques ne s’étende, au-delà des signes permettant de distinguer un produit ou un service de ceux offerts par les concurrents, pour s’ériger en obstacle à ce que ces derniers puissent offrir librement des produits incorporant ces solutions techniques ou ces caractéristiques utilitaires en concurrence avec le titulaire de la marque (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43, et du 23 avril 2020, Gömböc, C‑237/19, EU:C:2020:296, point 25
ainsi que jurisprudence citée). Il s’agit d’empêcher que le droit exclusif et permanent conféré par une marque puisse servir à perpétuer, sans limitation dans le temps, d’autres droits que le législateur de l’Union a voulu soumettre à des délais de péremption (arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 45).

44 Comme M. l’avocat général l’a observé, en substance, au point 37 de ses conclusions, cet article opère ainsi, selon la jurisprudence, un équilibre entre deux exigences, à savoir, d’une part, celle d’éviter que la protection d’une solution technique brevetée soit perpétuée au-delà de l’expiration du brevet et, d’autre part, celle de limiter l’inaptitude à l’enregistrement aux seules marques qui restreindraient réellement l’utilisation d’une solution technique par d’autres entreprises (voir, en ce
sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 44 à 48).

45 D’autre part, la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 a pour finalité d’assurer que les opérateurs économiques qui entendent utiliser le système de la marque de l’Union européenne participent de manière loyale au jeu de la concurrence. Elle vise ainsi à sanctionner un défaut inhérent à la demande d’enregistrement, et non pas à la marque elle-même.

46 Il découle des considérations qui précèdent que les deux causes de nullité absolue sont autonomes, en ce sens que, pour déclarer la nullité de la marque en cause en raison de la mauvaise foi du demandeur, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est pas exigé de vérifier au préalable l’existence d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement prévus à l’article 7 de ce règlement, auquel renvoie son article 52, paragraphe 1, sous a). Ainsi, la
qualification de mauvaise foi n’exige pas de constater que le signe en cause est également constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement. L’inverse est tout aussi exact, car, pour constater que le signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, il n’est pas requis d’établir la mauvaise foi du demandeur.

47 Il convient d’examiner, en second lieu, si les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’excluent mutuellement, en ce sens que l’application de l’une de ces deux causes exclut l’application de l’autre.

48 À cet égard, il y a lieu de relever que le libellé de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ne comporte, ni dans sa phrase introductive ni dans ses points a) et b), des éléments permettant de penser que les causes de nullité mentionnées dans ces points s’excluent mutuellement.

49 Par ailleurs, les dispositions du règlement no 207/2009 n’excluent pas que la nullité d’une marque de l’Union européenne puisse être déclarée sur le fondement des causes de nullité absolue prévues à l’article 52, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009. Certes, saisi d’une demande de nullité d’une marque fondée sur ces causes, le juge peut estimer approprié, en fonction des particularités du cas d’espèce, de se limiter à analyser l’une desdites causes. En effet, si celle-ci est bien
fondée, il n’est plus nécessaire d’examiner l’autre de ces causes afin de déclarer la nullité de la marque. Toutefois, aucune disposition du règlement no 207/2009 ne l’empêche d’analyser également cette autre cause.

50 Il résulte de ce qui précède que les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ne s’excluent pas mutuellement.

51 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement, et la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement sont autonomes, mais non exclusives
l’une de l’autre.

Sur la deuxième question

52 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la mauvaise foi du demandeur de l’enregistrement d’un signe en tant que marque peut, si cet enregistrement a été sollicité à la suite de l’expiration d’un brevet, être étayée en se fondant uniquement sur l’opinion de ce demandeur quant à l’aptitude de ce signe à exprimer la solution technique antérieurement protégée par ce
brevet, et cela indépendamment du point de savoir si ledit signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement.

53 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, la notion de « mauvaise foi » figurant à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’étant pas définie par ce règlement, la détermination de la signification et de la portée de cette notion doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ledit règlement (arrêt du 12 septembre 2019, Koton
Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).

54 Conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête. Cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, les règlements no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), no 207/2009 et 2017/1001 adoptés successivement s’inscrivent dans un même objectif, à savoir
l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

55 Comme il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre
provenance (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

56 Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention
d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point précédent (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

57 L’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik
Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

58 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 que, pour apprécier l’éventuelle mauvaise foi du demandeur, doivent être écartées des circonstances de fait qui concourent ou pourraient concourir à caractériser le motif de nullité absolue prévu à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement.

59 Il ressort déjà de la jurisprudence de la Cour que des éléments qui, par ailleurs, pourraient concourir à caractériser un motif relatif de refus d’enregistrement peuvent être pertinents pour qualifier la mauvaise foi du demandeur au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sans que la caractérisation de la mauvaise foi en lien avec un motif relatif de refus d’enregistrement exige de rechercher si, par ailleurs, ce motif était pleinement satisfait (voir, par analogie,
arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

60 De la même manière, il doit être considéré que peut être pris en considération afin d’apprécier l’éventuelle mauvaise foi du demandeur le fait que celui-ci a tenté de prolonger le monopole sur une solution technique protégée auparavant par un brevet. L’opinion du demandeur quant à l’aptitude du signe dont il sollicite l’enregistrement en tant que marque à exprimer, intégralement ou en partie, cette solution technique, figure, sans toutefois pouvoir être le seul, parmi les éléments susceptibles
d’étayer l’existence d’une intention, qui est étrangère aux fonctions de la marque, d’empêcher les concurrents de pénétrer le marché que le demandeur a dominé grâce à son brevet. Cette opinion peut faire partie des indices pertinents et concordants de ce que la demande d’enregistrement a été introduite non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec une intention non conforme aux usages honnêtes dans la vie des affaires.

61 Cette possibilité existe tant lorsque les circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce permettraient de caractériser pleinement le motif absolu de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 que lorsque ces circonstances seraient insuffisantes à cet égard, puisque, comme il ressort de la réponse à la première question, les deux causes de nullité absolue sont autonomes et ne s’excluent pas mutuellement.

62 Par conséquent, la mauvaise foi du demandeur au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 peut être constatée en prenant en compte des éléments qui pourraient être retenus dans le cadre de l’analyse du motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement, sans qu’il soit nécessairement constaté que le signe en cause est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

63 Cela étant, pour apprécier une allégation de mauvaise foi, il importe d’établir l’intention réelle du demandeur sur la base de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes. Parmi celles-ci, dans une situation telle que celle au principal, figurent également, comme M. l’avocat général l’a exposé, en substance, au point 57 de ses conclusions, la nature de la marque contestée, l’origine du signe en cause et son utilisation depuis sa création, la portée du brevet expiré, la logique commerciale
dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et la chronologie des événements ayant caractérisé ce dépôt.

64 Enfin, étant donné que, en vertu de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, la marque de l’Union européenne jouit d’une présomption de validité, il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur le motif visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 d’apporter, afin d’établir la mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement, les indices pertinents et concordants visés par la jurisprudence rappelée au point 56 du présent arrêt. Dans un tel
cas, il revient, ensuite, au demandeur de l’enregistrement d’établir, en fournissant des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis, que cet enregistrement s’est inséré dans une stratégie commerciale légitime. À cet égard, il convient de préciser que, comme M. l’avocat général l’a, en substance, relevé, au point 58 de ses conclusions, le seul fait qu’une marque enregistrée de mauvaise foi remplisse les fonctions propres d’une marque, et, notamment, la
fonction d’origine, ne constitue pas, en soi, un obstacle à la déclaration de sa nullité. En effet, ainsi qu’il ressort également de cette jurisprudence, une marque remplissant ces fonctions doit néanmoins être annulée si son enregistrement a été demandé avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers.

65 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la mauvaise foi du demandeur de l’enregistrement d’un signe en tant que marque peut, si cet enregistrement a été sollicité à la suite de l’expiration d’un brevet, être étayée en se fondant notamment sur l’opinion de ce demandeur quant à l’aptitude de ce signe à exprimer, intégralement ou
partiellement, la solution technique protégée par ce brevet, et cela indépendamment du point de savoir si ledit signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement. Parmi les circonstances pertinentes pour évaluer l’éventuelle existence d’une mauvaise foi du demandeur figurent également la nature de la marque contestée, l’origine du signe en cause et son utilisation depuis
sa création, la portée du brevet expiré, la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et la chronologie des événements ayant caractérisé ce dépôt.

Sur la troisième question

66 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la mauvaise foi du demandeur peut être appréciée sur le fondement de circonstances survenues postérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause.

67 Il ressort du libellé de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 que la marque est déclarée nulle lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

68 Il découle ainsi de cette disposition que le moment pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur est celui du dépôt, par l’intéressé, de la demande d’enregistrement (arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 35, et du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 59).

69 Comme il a été rappelé au point 56 du présent arrêt, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux
intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine.

70 Doivent être prises en considération, dans le cadre de l’appréciation globale de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes telles qu’elles se présentaient lors de ce dépôt (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 59).

71 Il s’ensuit que cette appréciation doit être fondée sur tout élément qui permet d’informer le juge sur l’intention qui animait le demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause. Des circonstances, même postérieures au dépôt de cette demande d’enregistrement, peuvent servir d’indices de l’intention du demandeur à ce moment.

72 En revanche, un élément dont le demandeur n’a eu connaissance que postérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause n’est pas de nature à modifier la perception de ce demandeur lors de ce dépôt.

73 En l’occurrence, la circonstance, qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, que CeramTec n’a découvert qu’après ce dépôt que l’inclusion d’oxyde de chrome dans ses produits n’avait pas d’effet technique ne saurait être pertinente pour établir a posteriori une perception de CeramTec qui n’existait pas au moment dudit dépôt.

74 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la mauvaise foi du demandeur ne peut pas être appréciée sur le fondement de circonstances survenues postérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause.

Sur les dépens

75 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 52, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne],

doit être interprété en ce sens que :

la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement, et la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement sont autonomes, mais non exclusives l’une de l’autre.

  2) L’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

doit être interprété en ce sens que :

la mauvaise foi du demandeur de l’enregistrement d’un signe en tant que marque peut, si cet enregistrement a été sollicité à la suite de l’expiration d’un brevet, être étayée en se fondant notamment sur l’opinion de ce demandeur quant à l’aptitude de ce signe à exprimer, intégralement ou partiellement, la solution technique protégée par ce brevet, et cela indépendamment du point de savoir si ledit signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat
technique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement. Parmi les circonstances pertinentes pour évaluer l’éventuelle existence d’une mauvaise foi du demandeur figurent également la nature de la marque contestée, l’origine du signe en cause et son utilisation depuis sa création, la portée du brevet expiré, la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et la chronologie des événements ayant caractérisé ce
dépôt.

  3) L’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

doit être interprété en ce sens que :

la mauvaise foi du demandeur ne peut pas être appréciée sur le fondement de circonstances survenues postérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause.

Lycourgos

Piçarra

Spineanu-Matei

Gervasoni

Fenger
 
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2025.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

C. Lycourgos

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-17/24
Date de la décision : 19/06/2025

Analyses

Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Causes de nullité absolue – Article 52, paragraphe 1, sous a) et b) – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii) – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Mauvaise foi du demandeur – Autonomie et coexistence des causes de nullité absolue – Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demande de marque – Survenance d’éléments postérieurement à ce dépôt.


Parties
Demandeurs : CeramTec GmbH
Défendeurs : Coorstek Bioceramics LLC.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:455

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