ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
15 septembre 2016 ( *1 )
«Dumping — Importations de biodiesel originaire d’Argentine — Droit antidumping définitif — Recours en annulation — Affectation directe — Affectation individuelle — Recevabilité — Article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1225/2009 — Valeur normale — Coûts de production»
Dans l’affaire T‑111/14,
Unitec Bio SA, établie à Buenos Aires (Argentine), représentée par Mes J.‑F. Bellis, R. Luff et G. Bathory, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Boelaert et M. B. Driessen, puis par Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agents, assistés de Mes R. Bierwagen et C. Hipp, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,
et par
European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique) représenté par Mes O. Prost et M.-S. Dibling, avocats,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), dans la mesure où il inflige un droit antidumping à la requérante,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,
greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige et règlement attaqué
1 La requérante, Unitec Bio SA, est un producteur argentin de biodiesel.
2 Le biodiesel, un combustible de substitution semblable au diesel conventionnel, est produit dans l’Union européenne, mais il y est également importé dans des quantités importantes. En Argentine, il est principalement produit à partir de soja et d’huile de soja (ci-après, prises ensemble, les « principales matières premières »).
3 À la suite d’une plainte déposée le 17 juillet 2012 par l’European Biodiesel Board (EBB) au nom de producteurs représentant plus de 60 % de la production totale de biodiesel de l’Union, la Commission européenne a publié, le 29 août 2012, un avis d’ouverture de procédure antidumping concernant les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2012, C 260, p. 8), conformément à l’article 5 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la
défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).
4 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2009 jusqu’à la fin de la période d’enquête.
5 En raison du grand nombre de producteurs-exportateurs argentins, la Commission a retenu, dans le cadre de l’enquête en cause, un échantillon de trois d’entre eux ou groupes de ceux-ci fondé sur le plus grand volume représentatif d’exportations du produit concerné vers l’Union. La requérante n’en faisait pas partie.
6 Le 27 mai 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) no 490/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 141, p. 6, ci-après le « règlement provisoire »). Dans ce règlement, elle a notamment constaté que les importations de biodiesel originaire d’Argentine faisaient l’objet d’un dumping, ce qui causait un préjudice à l’industrie de l’Union, et considéré que l’adoption d’un droit antidumping à
l’encontre desdites importations était dans l’intérêt de l’Union.
7 S’agissant du calcul de la marge de dumping et, plus spécifiquement, de la détermination de la valeur normale du produit similaire en ce qui concerne l’Argentine, la Commission a considéré que les ventes intérieures n’étaient pas effectuées au cours d’opérations commerciales normales, le marché argentin du biodiesel étant fortement réglementé par l’État. Par conséquent, elle a décidé d’appliquer l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, selon lequel, lorsque aucune vente dudit produit n’a
lieu au cours d’opérations commerciales normales, il convient de construire la valeur normale de ce produit, donc de la calculer sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux ainsi que d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient
représentatifs.
8 Quant aux coûts de production du biodiesel originaire d’Argentine, la Commission a relevé que l’EBB avait fait valoir que les coûts de production figurant dans les registres des producteurs-exportateurs argentins examinés ne reflétaient pas de manière raisonnable les coûts de fabrication du biodiesel. Cette affirmation visait le système argentin de taxe différentielle à l’exportation (ci-après le « système de TDE »), qui, selon les plaignants, provoquait une distorsion des prix des principales
matières premières. Estimant ne pas encore détenir, à ce stade, d’informations suffisantes pour décider de la manière la plus appropriée de traiter ladite affirmation, la Commission a décidé de calculer la valeur normale du biodiesel sur la base des coûts de production figurant dans lesdits registres, en indiquant toutefois que cette question serait examinée de manière plus approfondie au stade définitif de l’enquête.
9 Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2, ci‑après le « règlement attaqué »).
10 En premier lieu, en ce qui concerne la valeur normale du produit similaire en ce qui concerne l’Argentine, le Conseil a confirmé les conclusions du règlement provisoire selon lesquelles elle devait être calculée conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, le marché argentin du biodiesel étant fortement réglementé par l’État (considérant 28 du règlement attaqué).
11 S’agissant des coûts de production, le Conseil a accepté la proposition de la Commission de modifier les conclusions du règlement provisoire et de s’écarter des frais des principales matières premières indiqués dans les registres des producteurs-exportateurs argentins examinés en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. Selon lui, ces données ne reflétaient pas de façon raisonnable les frais liés à la production du biodiesel en Argentine, en raison du fait que le système de
TDE provoquait une distorsion des prix des principales matières premières sur le marché intérieur argentin. Il les a remplacés par la moyenne des prix de référence du soja publiés par le ministère de l’Agriculture argentin pour export franco à bord (FAB) pendant la période d’enquête (ci-après le « prix de référence ») (considérants 35 à 40 du règlement attaqué).
12 En deuxième lieu, confirmant la plupart des considérations figurant dans le règlement provisoire, le Conseil a constaté que l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base (considérants 105 à 142 du règlement attaqué) et que ce préjudice avait été causé par les importations de biodiesel originaire d’Argentine faisant l’objet d’un dumping (considérants 144 à 157 du règlement attaqué). Dans ce contexte, il a constaté que d’autres
facteurs, dont, notamment, les importations réalisées par l’industrie de l’Union (considérants 151 à 160 du règlement attaqué), la faible utilisation de la capacité de l’industrie de l’Union (considérants 161 à 171 du règlement attaqué) et le système de la double comptabilisation de biodiesel produit à partir d’huiles usagées existant dans certains États membres (considérants 173 à 179 du règlement attaqué), n’avaient pas été en mesure de rompre ce lien de causalité.
13 En troisième lieu, le Conseil a confirmé que l’adoption des mesures antidumping en cause restait dans l’intérêt de l’Union (considérants 190 à 201 du règlement attaqué).
14 Eu égard aux marges de dumping constatées et au niveau du préjudice causé à l’industrie de l’Union, le Conseil a notamment décidé que les montants déposés au titre des droits antidumping provisoires, institués par le règlement provisoire, devaient être définitivement perçus (considérant 228 et article 2 du règlement attaqué) et qu’un droit antidumping définitif devait être institué sur les importations de biodiesel originaire d’Argentine (article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué).
15 À l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, les taux des droits antidumping définitifs applicables au produit considéré, en ce qui concerne les importations argentines, ont été établis comme suit :
Société Taux du droit, euros par tonne net Code additionnel TARIC
Aceitera General Deheza SA, General Deheza, Rosario ; Bunge Argentina SA, Buenos Aires 216,64 B782
LDC Argentina SA, Buenos Aires 239,35 B783
Molinos Río de la Plata SA, Buenos Aires ; Oleaginosa Moreno Hermanos SAFICI y A, Bahia Blanca ; Vicentin SAIC, Avellaneda 245,67 B784
Autres sociétés ayant coopéré : 237,05 B785
Cargill SACI, Buenos Aires ; Unitec Bio, Buenos Aires ; Viluco SA, Tucuman
Toutes les autres sociétés 245,67 B999
16 À la suite d’une autre plainte de l’EBB, la Commission a également mené, parallèlement à la procédure antidumping, une procédure antisubventions à l’égard des importations dans l’Union de biodiesel originaire d’Argentine et d’Indonésie. Après le retrait de cette plainte par lettre du 7 octobre 2013, cette procédure a été clôturée sans l’institution de droits définitifs, par le règlement (UE) no 1198/2013 de la Commission, du 25 novembre 2013, clôturant la procédure antisubventions concernant les
importations de biodiesel originaire d’Argentine et d’Indonésie et abrogeant le règlement (UE) no 330/2013 soumettant ces importations à enregistrement (JO 2013, L 315, p. 67).
Procédure et conclusions des parties
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.
18 Le 2 juin 2014, le Conseil a déposé le mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 6 août 2014 par la requérante et le 21 octobre 2014 par le Conseil.
19 Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 13 mai et le 2 juin 2014, la Commission et l’EBB ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnances des 17 juillet et 22 septembre 2014, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les intervenantes ont déposé leurs mémoires et les autres parties ont déposé leurs observations sur ceux‑ci dans les délais impartis.
20 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.
21 Par ordonnance du 30 septembre 2015, la présente affaire et les affaires T‑112/14, Molinos Río de la Plata/Conseil, T‑113/14, Oleaginosa Moreno Hermanos/Conseil, T‑114/14, Vicentin/Conseil, T‑115/14, Aceitera General Deheza/Conseil, T‑116/14, Bunge Argentina/Conseil, T‑117/14, Cargill/Conseil, T‑118/14, LDC Argentina/Conseil, ainsi que T‑119/14, Carbio/Conseil, ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l’audience du 28 octobre 2015.
22 Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal (neuvième chambre) a demandé des renseignements aux parties et les a invitées à soumettre leurs observations sur les réponses des autres parties.
23 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;
— condamner le Conseil aux dépens.
24 Le Conseil, soutenu par la Commission et par l’EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;
— condamner la requérante aux dépens.
Sur la recevabilité
25 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le Conseil conteste la recevabilité du recours. En substance, il fait valoir que la requérante n’a pas la qualité pour former un recours en annulation au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La requérante ne faisant pas partie de l’échantillon retenu (voir point 5 ci-dessus), elle n’aurait pas été suffisamment identifiée dans le règlement attaqué, en
ce qu’elle n’y serait mentionnée que parmi les « [a]utres sociétés ayant coopéré » et que le calcul du dumping n’aurait pas été établi sur la base de données relatives à son activité commerciale. La participation de la requérante à la procédure administrative aurait seulement été indirecte et n’aurait pas été suffisante, en elle-même, pour étayer son intérêt individuel. En outre, la requérante n’aurait pas démontré qu’elle était individuellement concernée par le règlement attaqué en raison de
certaines qualités qui lui sont particulières et qui la caractérisent par rapport à toute autre personne.
26 À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
27 En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée si la requérante est directement et individuellement affectée par le règlement attaqué au sens de l’article 263 TFUE, quatrième alinéa.
28 Le Conseil ne conteste pas l’affectation directe de cette société par le règlement attaqué. En effet, les autorités douanières des États membres, sans qu’elles bénéficient d’une quelconque marge d’appréciation, sont obligées de percevoir les droits étendus par le règlement attaqué.
29 S’agissant de l’affectation individuelle de la requérante, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 197, 223).
30 Dans ce contexte, il convient de relever que l’article 1er du règlement attaqué impose un droit antidumping définitif individuel de 237,05 euros par tonne à la requérante, en la mentionnant explicitement.
31 Contrairement à ce qu’avance le Conseil, cette circonstance suffit à elle-même pour conclure à l’affectation individuelle de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 22).
32 La requérante étant concernée directement et individuellement par le règlement attaqué, le grief d’irrecevabilité avancé par le Conseil doit être rejeté.
Sur le fond
33 À l’appui du recours, la requérante avance trois moyens.
34 Les premier et deuxième moyens visent à remettre en cause la démarche du Conseil consistant à s’écarter des coûts des principales matières premières figurant dans les registres des producteurs-exportateurs argentins examinés, en raison de la distorsion des prix desdites matières premières causée par le système de TDE, et à les remplacer par le prix de référence. Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir qu’une telle démarche n’est pas conforme à l’article 2, paragraphe 5, premier
et deuxième alinéas, du règlement de base. Dans le cadre du deuxième moyen, elle soutient que cette démarche n’est pas conforme à l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103).
35 Le troisième moyen est tiré de ce que, en considérant qu’il existait un lien de causalité entre les importations de biodiesel originaire d’Argentine faisant l’objet de l’enquête et le préjudice causé à l’industrie de l’Union, le Conseil a violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.
36 Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que le Conseil a violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base en ne tenant pas compte des coûts liés aux principales matières premières réellement supportés par les producteurs argentins concernés au motif que les prix pour lesdites matières indiqués dans les registres comptables des producteurs-exportateurs argentins examinés étaient artificiellement bas. En Argentine, les prix des principales matières premières ne seraient pas
régulés. Ils seraient établis librement par les producteurs et ne seraient pas plus bas que ceux des matières premières vendues à l’exportation. L’approche adoptée par le Conseil et la Commission (ci-après, pris ensemble, les « institutions ») afin de déterminer le coût de ces matières reviendrait à ajouter la taxe à l’exportation aux prix argentins indiqués dans lesdits registres. En tout état de cause, même à supposer que les prix intérieurs de ces matières soient faussés par le système de TDE,
les institutions n’auraient pas démontré que ces registres ne reflétaient pas raisonnablement leurs coûts et pouvaient donc être écartés en vertu de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.
37 Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, fait valoir que, dans le cas d’espèce, l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base s’appuie sur le fait que les ventes des principales matières premières sur le marché argentin n’ont pas été effectuées au cours d’opérations commerciales normales. Le système de TDE aurait entraîné une distorsion des coûts de production des producteurs de biodiesel argentins, prouvée par un écart considérable entre le prix domestique et le prix
international, ce qui imposerait de procéder à leur ajustement. Les registres des producteurs-exportateurs argentins examinés ne seraient pas pris comme base pour le calcul de la valeur normale si les frais liés à la production d’un produit faisant l’objet d’une enquête n’étaient pas raisonnablement reflétés dans lesdits registres. Le fait que les prix soient régulés ne représenterait qu’une des raisons pouvant justifier, aux fins de l’enquête, que les frais ne soient pas raisonnablement reflétés
dans ces registres. Les données utilisées par les institutions, à savoir les prix de référence du soja pendant la période d’enquête et reflétant le niveau des prix internationaux, constitueraient une source fiable.
38 En l’espèce, il y a lieu de souligner que, dans le règlement attaqué, dans le cadre de la détermination de la valeur normale du produit similaire, les institutions n’ont pas calculé les coûts de production liés aux principales matières premières en se référant à leurs prix reflétés dans les registres comptables des sociétés examinées, mais, comme il ressort notamment des considérants 29 et suivants dudit règlement, elles ont écarté ces prix et les ont remplacés par le prix de référence en se
fondant sur l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.
39 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale dudit produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour
les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Cette même disposition précise qu’il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement
bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.
40 En outre, il ressort de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que, lorsque la valeur normale du produit similaire est calculée conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, les coûts de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des
frais liés à la production et à la vente du produit considéré.
41 En application de l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base, si les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris sur la base
d’informations émanant d’autres marchés représentatifs.
42 L’objectif de l’article 2, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement de base est de faire en sorte que les frais liés à la production et à la vente du produit similaire retenus dans le cadre du calcul de la valeur normale dudit produit reflètent les frais qu’un producteur aurait encourus sur le marché intérieur du pays exportateur.
43 Par ailleurs, il résulte du libellé de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire et que l’utilisation des données figurant dans lesdits registres constitue le principe et leur adaptation ou leur remplacement par une autre base raisonnable l’exception.
44 Compte tenu du principe selon lequel une dérogation ou une exception à une règle générale doit être interprétée restrictivement (voir arrêt du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, C‑15/12 P, EU:C:2013:572, point 17 et jurisprudence citée), il y a lieu de considérer, à l’instar de la requérante, que le régime d’exception qui découle de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété de façon restrictive.
45 En l’espèce, tout en ne remettant pas en cause les raisons ayant amené les institutions à avoir recours au calcul de la valeur normale du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la requérante conteste l’application faite de l’article 2, paragraphe 5, du même règlement, sur la base duquel, dans le cadre dudit calcul, les institutions ne se sont pas fondées sur les prix des principales matières premières figurant dans les registres des sociétés examinées.
46 Dans le règlement attaqué, les institutions n’ont pas fait valoir que les registres des producteurs-exportateurs argentins examinés n’étaient pas conformes aux principes comptables généralement acceptés en Argentine. En revanche, elles ont soutenu que lesdits registres ne reflétaient pas raisonnablement les coûts liés aux principales matières premières.
47 En effet, comme il ressort des considérants 29 à 42 du règlement attaqué, les institutions ont considéré que, en ce qu’il comportait des taxes différentiées à l’exportation sur les principales matières premières et sur le biodiesel, le système de TDE avait provoqué une distorsion du prix desdites matières premières dans la mesure où ledit système exerçait une pression sur leurs prix sur le marché argentin qui s’établissaient à un niveau artificiellement bas.
48 En se fondant sur l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), les institutions ont retenu au considérant 31 du règlement attaqué que, lorsque la réglementation du prix des principales matières premières induisait un prix artificiellement bas sur le marché intérieur, il était permis de supposer que le coût de production du produit concerné subissait une distorsion. Dans de telles conditions, les données figurant dans les registres des
producteurs-exportateurs argentins examinés ne pourraient pas être considérées comme raisonnables et il conviendrait, par conséquent, de procéder à leur ajustement.
49 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 44 de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), le Tribunal a considéré que, compte tenu du fait que le gaz naturel était obligatoirement fourni à un prix très bas aux producteurs-exportateurs concernés en vertu de la réglementation russe, le prix de production du produit concerné dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui
concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché. Il a donc considéré que les institutions avaient pu conclure à bon droit que l’un des éléments figurant dans les registres comptables des parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs.
50 Toutefois, comme la requérante le fait valoir à juste titre, à la différence de la situation qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), il ne ressort pas du dossier que les prix des principales matières premières étaient directement réglementés en Argentine. En effet, le système de TDE visé par les institutions se limitait à prévoir des taxes à l’exportation avec des taux différents sur les
principales matières premières et le biodiesel.
51 Le fait que le système de TDE ne réglemente pas directement les prix des principales matières premières en Argentine n’exclut néanmoins pas en soi l’application de l’exception visée à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.
52 En effet, il y a lieu de rappeler, à l’instar des institutions, que la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base a été insérée dans le règlement de base antérieur, à savoir le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), par le règlement (CE) no 1972/2002 du Conseil, du
5 novembre 2002, modifiant le règlement no 384/96 (JO 2002, L 305, p. 1).
53 Or, il ressort du considérant 4 du règlement no 1972/2002 que l’insertion de la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tenaient pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans le cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettaient pas une comparaison
valable. En pareil cas, les données pertinentes doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par « de telles distorsions ».
54 Le considérant 4 du règlement no 1972/2002 prévoit donc la possibilité de recourir à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base notamment dans le cas où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable à cause d’une distorsion. Il en résulte également qu’une telle situation peut notamment se produire lorsqu’une situation particulière du marché existe, telle que celle mentionnée à l’article 2, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de base, visant des prix
artificiellement bas du produit concerné, sans pour autant limiter ce type de situation à des cas où il existe une réglementation directe des prix du produit similaire ou des principales matières premières de celui-ci par l’État exportateur.
55 En revanche, il ne saurait raisonnablement être considéré que toute mesure des pouvoirs publics de l’État exportateur pouvant avoir une influence sur les prix des principales matières premières, et, par ce biais, sur les prix du produit considéré, puisse être à la base d’une distorsion permettant de s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. En effet, comme la requérante
l’invoque à juste titre, si toute mesure prise par les pouvoirs publics du pays d’exportation étant susceptible d’avoir une influence, même minime, sur les prix des matières premières pouvait être prise en compte, le principe consacré à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire, risquerait de se voir privé de tout effet utile.
56 Dès lors, une mesure des pouvoirs publics du pays d’exportation ne peut amener les institutions à écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les prix des matières premières figurant dans les registres comptables des parties faisant l’objet de l’enquête que lorsqu’elle provoque une distorsion sensible des prix desdites matières premières. En effet, une autre interprétation du régime d’exception prévu à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, qui
permettrait, dans une situation comme en l’espèce, de remplacer ces données par un montant de frais fondé sur une autre base raisonnable, risquerait de porter une atteinte démesurée au principe selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production dudit produit.
57 En outre, s’agissant de la charge de la preuve de l’existence d’éléments justifiant l’application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, il y a lieu de considérer qu’il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir écarter les coûts de production contenus dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête pour les remplacer par un autre prix estimé raisonnable, sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices, permettant
d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 180 et jurisprudence citée).
58 Dès lors, compte tenu du fait que la démarche visant à écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les coûts de production dudit produit figurant dans les registres comptables des parties faisant l’objet de l’enquête relève d’un régime d’exception (voir point 44 ci-dessus), lorsque la distorsion invoquée par les institutions n’est pas une conséquence immédiate de la mesure étatique à l’origine de celle-ci, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du
7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), mais des effets que ladite mesure est censée produire sur le marché, elles doivent prendre soin d’exposer le fonctionnement du marché en cause et de démontrer les effets concrets de cette mesure sur celui-ci, sans se fonder à cet égard sur de simples conjectures.
59 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les institutions ont établi à suffisance de droit que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix des principales matières premières figurant dans les registres comptables des producteurs-exportateurs argentins examinés étaient remplies en l’espèce.
60 Premièrement, s’agissant de la mesure des pouvoirs publics argentins identifiée en tant que source de la distorsion des prix des principales matières premières, comme cela est indiqué notamment au considérant 29 du règlement attaqué, il s’agit du système de TDE en ce qu’il comporte des niveaux de taxes différenciés imposés sur les principales matières premières et le biodiesel. Il ressort du considérant 35 dudit règlement que, pendant la période d’enquête, les exportations de biodiesel étaient
taxées à un taux nominal de 20 %, avec un taux effectif de 14,58 %, tandis que, pendant la même période, le taux de taxation des exportations de soja et celui des exportations d’huile de soja s’établissaient respectivement à 35 et à 32 %.
61 Deuxièmement, s’agissant des effets du système de TDE, le Conseil a notamment avancé, au considérant 30 du règlement attaqué, qu’une enquête complémentaire avait montré que ledit système exerçait une pression sur les prix des principales matières premières sur le marché argentin, qui s’établissaient à un niveau artificiellement bas.
62 Même si, dans ce contexte, le Conseil a indiqué, au considérant 68 du règlement attaqué, s’agissant des effets du système de TDE appliqué en Indonésie, que ledit système limitait les possibilités d’exportation des matières premières, dès lors que des quantités plus importantes desdites matières étaient disponibles sur le marché intérieur et exerçaient une pression à la baisse sur leurs prix sur ledit marché, force est de relever que, dans ledit règlement, il n’a pas établi dans quelle mesure ce
système, en ce qu’il comportait des taxes à l’exportation à des taux différenciés sur les principales matières premières et sur le biodiesel, avait provoqué une distorsion sensible des prix de ces matières premières sur le marché argentin.
63 Au considérant 37 du règlement attaqué, le Conseil a constaté que les prix intérieurs et les prix internationaux des principales matières premières suivaient les mêmes tendances et que la différence entre ces prix correspondait aux taxes à l’exportation imposées sur celles-ci. Au considérant 38 dudit règlement, il a exposé que les prix intérieurs des principales matières premières qui étaient utilisées par les producteurs de biodiesel en Argentine étaient artificiellement inférieurs aux prix
internationaux en raison de la distorsion causée par le système de TDE. Toutefois, s’étant limité à relever que la différence entre les prix intérieurs et les prix internationaux des principales matières premières correspondait en substance aux taxes à l’exportation sur ces dernières, il n’a pas établi les effets que la différence entre le taux des taxes sur ces matières premières et le taux de la taxe sur le biodiesel a pu avoir en elle-même sur les prix desdites matières premières sur le marché
argentin. En effet, la constatation figurant au considérant 37 de ce règlement permet tout au plus de tirer des conclusions quant à certains effets que l’instauration d’une taxe à l’exportation a pu produire sur les prix des principales matières premières, mais ne permet pas de tirer des conclusions sur les effets que la différence entre le taux des taxes sur ces matières premières et le taux de la taxe sur le biodiesel a pu avoir sur le prix desdites matières premières sur ledit marché.
64 Les indications du Conseil figurant aux considérants 39 et 42 du règlement attaqué selon lesquelles les prix des principales matières premières figurant dans les registres comptables des sociétés concernées ont été remplacés par le prix auquel ces sociétés les auraient achetées sur le marché intérieur en l’absence de distorsion, c’est-à-dire le prix de référence, ne permettent pas non plus de tirer des conclusions quant aux effets que la différence entre le taux des taxes à l’exportation sur ces
matières premières et le taux de la taxe à l’exportation sur le biodiesel a pu avoir sur le prix desdites matières premières sur ledit marché. Dans la mesure où ces considérants devraient être lus comme une constatation du Conseil selon laquelle, en l’absence d’une telle différence de taux, les prix des principales matières premières sur ce marché auraient été identiques au prix de référence, il suffit de relever que cela n’a été établi ni dans le règlement attaqué ni dans le cadre de la
procédure devant le Tribunal.
65 S’agissant des études économiques que les institutions ont invoquées au cours de la procédure devant le Tribunal, il convient de relever que, certes, il peut en être déduit que des taxes à l’exportation mènent à une augmentation du prix à l’exportation du produit visé par la taxe par rapport à son prix sur le marché intérieur, à une réduction du volume d’exportation dudit produit ainsi qu’à une pression vers le bas des prix de ce produit sur le marché intérieur. Il peut également en être déduit
qu’un système de taxes à l’exportation qui taxe les principales matières premières à un niveau plus élevé que les produits sur un marché en aval protège et favorise des industries domestiques en aval en leur fournissant des matières premières en quantité suffisante à des prix avantageux.
66 Toutefois, force est de constater que ces études se limitent à analyser les effets de taxes à l’exportation sur les prix des principales matières premières et non les effets de taux différenciés pratiqués pour des taxes à l’exportation sur les principales matières premières et sur le biodiesel.
67 Les institutions se sont donc limitées à expliquer la relation entre les prix internationaux et les prix domestiques des principales matières premières et à fournir des indications sur l’impact de la taxe à l’exportation sur la disponibilité desdites matières premières sur le marché intérieur et sur leurs prix, sans toutefois établir concrètement les effets que le système de TDE en tant que tel a pu avoir sur les prix intérieurs des principales matières premières et dans quelle mesure ces effets
sont différents de ceux d’un système de taxation ne comportant pas un différentiel de taux pour les taxes à l’exportation sur les principales matières premières et sur le biodiesel.
68 Partant, il convient de considérer que les institutions n’ont pas établi à suffisance de droit l’existence d’une distorsion sensible des prix des principales matières premières en Argentine imputable au système de TDE en ce qu’il comportait des taux différenciés pour les taxes à l’exportation sur lesdites matières premières et sur le biodiesel. Dès lors, en considérant que les prix de ces matières premières n’étaient pas raisonnablement reflétés dans les registres comptables des
producteurs-exportateurs argentins examinés et en les écartant, les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.
69 Contrairement à ce qu’avancent les institutions, ne s’oppose pas à cette conclusion le fait qu’elles jouissent d’une large marge d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale commune, en particulier s’agissant d’évaluations économiques complexes en matière de mesures de défense commerciale, et que, à cet égard, le juge de l’Union doit limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté,
de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2002, Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, T‑156/11, EU:T:2012:431, points 134 à 136 et jurisprudence citée].
70 En effet, un contrôle par le Tribunal qui se limite à relever si les éléments sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations sont de nature à étayer les conclusions qu’elles en tirent n’empiète pas sur leur large pouvoir d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 68).
71 Or, en l’espèce, le Tribunal s’est limité à examiner si les institutions ont démontré que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des frais liés à la production et à la vente dudit produit tels que reflétés dans les registres comptables des producteurs-exportateurs argentins examinés, selon la règle établie à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, étaient réunies.
72 Il en résulte que le premier moyen doit être accueilli.
73 Il convient encore d’examiner dans quelle mesure l’erreur constatée justifie l’annulation du règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante.
74 Contrairement à ce qu’avance le Conseil, dans les circonstances de l’espèce, il n’est pas possible de procéder à une annulation partielle de l’article 1er du règlement attaqué uniquement à l’égard de l’erreur constatée concernant la méthode de calcul du taux du droit antidumping.
75 En effet, selon la jurisprudence, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte. Cette exigence de séparabilité n’est pas satisfaite lorsque l’annulation partielle aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, EU:C:2002:734, points 45 et 46).
76 Comme il a été exposé dans le cadre de l’examen du premier moyen, le calcul de la valeur normale du produit similaire effectué par les institutions est fondé sur des considérations erronées. La valeur normale étant une condition essentielle pour déterminer le taux du droit antidumping applicable, l’article 1er du règlement attaqué ne peut pas être maintenu, dans la mesure où il impose un droit antidumping individuel à la requérante.
77 Eu égard à l’interrelation entre le droit antidumping définitif et le droit antidumping provisoire prévue par l’article 10, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, l’article 2 du règlement attaqué doit également être annulé en ce qui concerne la requérante dans la mesure où il prévoit que les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire sont définitivement perçus.
78 Il convient donc d’annuler le règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner les deuxième et troisième moyens.
Sur les dépens
79 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle‑ci.
80 La Commission et l’EBB supporteront leurs propres dépens, conformément aux dispositions de l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Les articles 1er et 2 du règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie, sont annulés en ce qu’ils concernent Unitec Bio SA.
2) Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Unitec Bio.
3) La Commission européenne et l’European Biodiesel Board (EBB) supporteront leurs propres dépens.
Berardis
Czúcz
Popescu
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.