ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
29 septembre 2021 ( *1 )
« Concurrence – Ententes – Marché des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des prix dans l’ensemble de l’EEE – Pratique concertée – Échanges d’informations commerciales sensibles – Compétence territoriale de la Commission – Restriction de concurrence par objet – Communication des griefs – Paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 –
Valeur des ventes – Obligation de motivation – Proportionnalité – Égalité de traitement – Infraction unique et continue – Gravité de l’infraction – Distanciation publique – Circonstances atténuantes – Compétence de pleine juridiction »
Dans l’affaire T‑342/18,
Nichicon Corporation, établie à Kyoto (Japon), représentée par Mes A. Ablasser-Neuhuber, F. Neumayr, G. Fussenegger et H. Kühnert, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme B. Ernst, M. T. Franchoo, Mmes C. Sjödin et F. van Schaik, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2018) 1768 final de la Commission, du 21 mars 2018, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs), en ce qu’elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias, Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,
greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 octobre 2020,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
I. Antécédents du litige
A. Requérante et secteur concerné
1 La requérante, Nichicon Corporation, est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. La requérante était également, jusqu’au 6 février 2013, un fabricant et un vendeur de condensateurs électrolytiques au tantale.
2 L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique et sont utilisés dans une grande variété de produits électroniques tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très
diversifiée.
3 Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.
B. Procédure administrative
4 Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont déposé une demande de marqueur auprès de la Commission européenne, au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.
5 Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, dont la requérante.
6 Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs, qui a été adressée à la requérante.
7 Les destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont été entendus par la Commission lors d’une audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.
C. Décision attaquée
8 Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).
1. Infraction
9 Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nippon Chemi-Con (ci-après « NCC »), Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), et la requérante ont participé (ci-après, pris ensemble,
les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée).
10 La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).
11 L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et, tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).
12 Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale » ou « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » (ci-après les « réunions ATC »). Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de
« groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP »), ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).
13 Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée) (ci-après, pris ensemble, les « échanges anticoncurrentiels »).
14 Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).
15 La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visaient un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).
16 La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).
2. Responsabilité de la requérante
17 La Commission a retenu la responsabilité de la requérante en raison de sa participation directe et continue à l’entente du 26 juin 1998 au 31 mai 2010, sans que sa responsabilité s’étende toutefois aux réunions MK [considérants 760, 761, 955, 1023 et article 1er, sous f), de la décision attaquée].
3. Amende infligée à la requérante
18 L’article 2, sous i), de la décision attaquée inflige une amende d’un montant de 72901000 euros à la requérante.
4. Calcul du montant de l’amende
19 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).
20 En premier lieu, pour déterminer le montant de base de l’amende infligée à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).
21 La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).
22 En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée). En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur de 11,93 (correspondant à la période comprise entre le 26 juin
1998 et le 31 mai 2010) pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, et de 10,36 (correspondant à la période comprise entre le 29 octobre 1999 et le 9 mars 2010) pour les condensateurs électrolytiques au tantale (considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée).
23 La Commission a fixé à 16 % la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).
24 La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).
25 La Commission a, dès lors, fixé à 75156000 euros le montant de base de l’amende infligée à la requérante (considérant 1010 de la décision attaquée).
26 En second lieu, au titre des circonstances atténuantes, la Commission a accordé une réduction de 3 % du montant de base de l’amende infligée à la requérante, étant donné que sa participation aux réunions MK n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance (considérant 1023 de la décision attaquée).
27 La Commission a, en conséquence, fixé à 72901000 euros le montant de l’amende infligée à la requérante (considérant 1139, tableau 3, de la décision attaquée).
[omissis]
II. Procédure et conclusions des parties
29 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2018, la requérante a introduit le présent recours.
30 Le 28 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.
31 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 7 décembre 2018 et le 28 février 2019.
32 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
33 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
34 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents.
35 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 octobre 2020.
36 À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.
37 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, annuler la décision attaquée, pour autant qu’elle lui est appliquée ;
– à titre subsidiaire, et en tout état de cause, substituer sa propre appréciation à celle de la Commission en ce qui concerne le montant de l’amende qui lui a été imposée et réduire ce montant ;
– condamner la Commission aux dépens.
38 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
[omissis]
B. Sur le fond
45 À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens au soutien tant de ses conclusions présentées à titre principale, qui visent l’annulation de la décision attaquée, que de ses conclusions présentées à titre subsidiaire, qui tendent à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.
46 Par les premier, deuxième et troisième moyens, la requérante conteste la conclusion de la Commission tenant à l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE dans le secteur des condensateurs électrolytiques, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, pendant une durée de presque quatorze ans. Le premier moyen est tiré d’erreurs matérielles de fait, en ce qui concerne la portée géographique des échanges anticoncurrentiels. Le deuxième moyen est
tiré d’erreurs de droit, en ce qui concerne, d’une part, la qualification d’infraction unique et continue et, d’autre part, la participation de la requérante à cette infraction. Le troisième moyen est tiré de l’incompétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE.
47 Par le quatrième moyen, la requérante conteste l’amende qui lui a été infligée. Ce moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans le calcul du montant de l’amende.
48 Par le cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendue, la requérante conteste la légalité de la procédure de constatation de l’infraction.
[omissis]
1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée
[omissis]
c) Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit concernant la qualification d’infraction unique et continue et la responsabilité de la requérante dans la participation à cette infraction
[omissis]
1) Sur la première branche, relative à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE
314 La requérante soutient, en substance, que, en raison de la nature hétérogène des condensateurs et de la spécificité de la demande sur les différents marchés géographiques, l’infraction, outre le fait de ne pas avoir été établie par la Commission, ne pouvait pas couvrir la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE.
[omissis]
i) Sur le premier grief, relatif à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques
316 La requérante fait valoir, à titre liminaire, que les condensateurs sont des produits très diversifiés, qui se distinguent par une multitude de caractéristiques et pour lesquels il n’existe pas de prix de marché uniforme, de sorte que l’infraction ne peut pas couvrir la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE. Elle soutient, plus précisément, que les éléments figurant aux considérants 796 et suivants de la décision attaquée, sur lesquels la Commission s’est fondée pour
étayer sa conclusion, ne permettent pas d’établir à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique et continue qui, prise dans son ensemble, couvrait la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.
317 La Commission conteste les arguments de la requérante.
318 À titre liminaire, il importe de rappeler que, pour déterminer les produits couverts par une entente, la Commission n’est pas tenue de définir le marché en cause sur la base de critères économiques. Ce sont les membres de l’entente eux-mêmes qui déterminent les produits faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 90). Les produits
concernés par une entente sont déterminés par référence aux preuves documentaires d’un comportement anticoncurrentiel effectif par rapport à des produits spécifiques (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, EU:T:2003:335, point 27).
319 Il importe également de souligner que la Commission ne saurait, à cet égard, se fonder sur une présomption qui n’est étayée par aucun élément de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C-593/18 P, EU:C:2019:1027, points 44 et 45).
320 Il ressort, cependant, de la décision attaquée, et notamment du considérant 736, que la Commission a constaté, après examen de l’ensemble des échanges anticoncurrentiels et des éléments de preuve s’y rapportant, que tous les échanges entre les participants à l’entente couvraient soit les condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale, soit ces deux catégories de condensateurs électrolytiques.
321 Au considérant 796 de la décision attaquée, la Commission, premièrement, a précisé, en réponse à un grief de la requérante analogue au présent grief, invoqué lors de la procédure administrative, qu’il ressortait des échanges anticoncurrentiels que les discussions ne se limitaient pas à certains sous-types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale.
322 Ainsi que l’expose la Commission dans ce considérant, cette absence de limitation de l’objet des discussions ressort des réunions des 29 août 2002, 22 décembre 2006, 25 juin 2008 et 20 décembre 2010, mentionnées dans la requête, au cours desquelles une grande variété de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et/ou au tantale était évoquée, mais aussi des discussions portant spécifiquement sur les éléments contribuant à la détermination du prix de vente des produits, tels que l’augmentation
du coût des matières premières et la fluctuation des taux de change (voir, à titre d’exemple, les réunions mentionnées dans les notes en bas de page nos 1417 et 1418 de la décision attaquée). En effet, la teneur de ces discussions était générale et avait vocation à s’appliquer à tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale.
323 Deuxièmement, au considérant 797 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les participants à l’entente n’avaient introduit, dans leurs déclarations d’entreprise, aucune limitation quant à la définition des condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale couverts par l’entente.
324 Troisièmement, au considérant 798 de cette décision, la Commission a relevé que la majorité des représentants des participants à l’entente étaient responsables de la fabrication et/ou de la vente des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et non d’une gamme de produits spécifiques.
325 À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 84, 318 et 319 ci-dessus, la Commission, compte tenu de ces constats, a pu considérer, à juste titre, que l’entente couvrait l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et, partant, que l’infraction unique et continue couvrait l’ensemble de ces produits.
326 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.
327 Premièrement, la requérante fait valoir, d’une part, que la Commission se réfère en réalité à quatre réunions uniquement pour soutenir, au considérant 796 de la décision attaquée, que l’entente portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques. D’autre part, elle ajoute qu’aucun des échanges mentionnés dans les notes en bas de page nos 1417 et 1418 liées au considérant ne portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.
328 Or, la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée, en particulier de son considérant 796. En effet, d’une part, la Commission invoque plus de quatre échanges anticoncurrentiels pour étayer sa conclusion selon laquelle l’entente portait sur l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et non sur un sous-type donné de condensateur. D’autre part, la Commission n’entendait pas démontrer, dans ce considérant, que les discussions lors de chaque échange
portaient sur la totalité des ventes de condensateurs, mais simplement étayer sa conclusion, en citant à titre d’exemple les échanges visés aux notes en bas de page nos 1417 et 1418. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.
329 Deuxièmement, la requérante soutient que l’absence de limitation dans les déclarations de clémence quant aux produits couverts par l’entente ne constitue pas une preuve suffisante pour établir que l’infraction portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.
330 Or, d’une part, il a été rappelé au point 318 ci-dessus que, selon la jurisprudence, ce sont les membres de l’entente eux-mêmes qui déterminent les produits faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées. D’autre part, il ressort des points ci-dessus que la conclusion de la Commission ne repose pas sur les seules déclarations de clémence des entreprises. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.
331 Troisièmement, la requérante affirme que l’annexe II de la décision attaquée ne permet pas d’établir que les personnes ayant participé à l’entente étaient responsables généralement de l’ensemble des condensateurs électrolytiques, aux motifs, d’une part, que cette annexe mentionnerait uniquement l’intitulé des fonctions de ces personnes, sans fournir de détails sur leurs responsabilités exactes, et, d’autre part, que les échanges auraient eu lieu au Japon entre employés japonais, lesquels
n’étaient généralement pas responsables des ventes vers l’Europe.
332 Or, d’une part, il suffit de relever que le fait que le détail des responsabilités des personnes concernées n’ait pas été connu n’exclut pas qu’elles aient pu exercer des responsabilités en rapport avec l’ensemble des produits visés, ce que, du reste, la requérante ne conteste pas. D’autre part, la circonstance que ces personnes n’auraient pas été, en général, responsables des ventes vers l’Europe ne s’oppose pas à ce qu’elles aient pu l’être occasionnellement. En tout état de cause, il convient
de rappeler que les personnes mentionnées sur cette liste étaient les représentants des participants à l’entente, de sorte qu’elles exerçaient nécessairement des responsabilités ayant un lien avec les produits en cause. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.
333 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent grief doit être écarté.
[omissis]
e) Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination de l’amende
442 Par le présent moyen, la requérante soutient que, en lui imposant une amende de 72901000 euros, la Commission a violé les principes de proportionnalité, ne bis in idem et d’égalité de traitement ainsi que son obligation de motivation.
[omissis]
1) Sur la première branche, relative au calcul erroné du montant de l’amende
446 La présente branche peut se diviser en trois griefs. Le premier grief est relatif à l’utilisation erronée de la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE, aux fins du calcul du montant de l’amende. Le deuxième grief est relatif à la détermination du coefficient multiplicateur à prendre en compte aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Le troisième grief est relatif à la détermination du montant additionnel à prendre en compte.
i) Sur le premier grief, relatif à l’utilisation erronée de la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE
447 La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de proportionnalité en prenant comme base, pour le calcul du montant de l’amende, la valeur totale des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées au cours de sa dernière année de participation à l’entente.
448 La Commission conteste les arguments de la requérante.
[omissis]
483 Sixièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission aurait appliqué de manière erronée les lignes directrices de 2006, en prenant, comme base de calcul du montant de l’amende, la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE au lieu de la valeur totale des ventes expédiées vers l’EEE.
484 D’une part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait état ni des « ventes livrées » ni des « ventes facturées ». Celui-ci se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que les lignes directrices, pas plus qu’elles n’imposent de tenir compte des ventes livrées dans l’EEE, ne s’opposent pas à ce que la Commission retienne les ventes facturées dans l’EEE afin de calculer la valeur des ventes de chaque
entreprise au sein de l’EEE (arrêt du 17 mai 2013, Parker ITR et Parker-Hannifin/Commission, T‑146/09, EU:T:2013:258, point 210).
485 D’autre part, certes, il ressort de la jurisprudence que, pour pouvoir retenir les ventes facturées dans l’EEE, il faut que ce critère soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qu’il soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE (arrêt du 17 mai 2013, Parker ITR et Parker-Hannifin/Commission, T‑146/09, EU:T:2013:258, point 211). Toutefois, la requérante n’explique pas en quoi le fait, pour la Commission, de prendre en compte, pour le calcul
du montant de l’amende, certaines ventes facturées à des clients situés dans l’EEE, mais ultérieurement livrées à des sites en dehors de cette zone géographique, ne permettrait pas de refléter l’incidence de l’infraction sur la concurrence dans l’EEE.
486 Il résulte des considérations qui précédent que la requérante n’a avancé aucun élément de nature à établir que le chiffre d’affaires réalisé au cours de la dernière année complète de participation à l’infraction, en ce qui concerne la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE, ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa véritable taille, de sa puissance économique sur le marché et de
l’ampleur de l’infraction en cause.
487 Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté.
[omissis]
iii) Sur le troisième grief, relatif à la détermination du montant additionnel à prendre en compte
509 La requérante soutient, en substance, que, compte tenu du fait que les participants à l’entente s’étaient déjà vu imposer des amendes substantielles dans des pays tiers, qui tenaient compte des aspects mondiaux de l’infraction ainsi que d’un effet de dissuasion, la Commission a violé le principe ne bis in idem et le principe de proportionnalité, en imposant également un montant additionnel au montant de base aux fins de dissuader les participants à l’entente de s’engager à l’avenir dans
d’éventuelles ententes illicites.
510 La Commission conteste les arguments de la requérante.
511 À titre liminaire, il ressort du considérant 1009 de la décision attaquée que la Commission a indiqué que, compte tenu des circonstances propres à l’espèce et des critères abordés à la section 8.3.3.1, le pourcentage à appliquer au montant additionnel, au titre de l’effet dissuasif, devrait être de 16 %.
512 Il convient de rappeler que le principe ne bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole no 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, constitue un principe fondamental du droit de l’Union dont le juge assure le respect (voir arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 26 et jurisprudence citée).
513 Le principe ne bis in idem interdit de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique. L’application de ce principe est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir l’identité des faits, l’identité du contrevenant et l’identité de l’intérêt juridique protégé (voir arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, point 278 et jurisprudence citée).
514 Or, premièrement, pour autant que la requérante allègue que, en lui infligeant une amende pour la participation à une entente déjà sanctionnée par les autorités d’États tiers, la Commission a violé le principe ne bis in idem, il y a lieu de relever que le principe ne bis in idem ne peut trouver à s’appliquer dans un cas comme celui de l’espèce, où les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d’une part, et par les autorités d’États tiers, d’autre part, ne poursuivent
pas, à l’évidence, les mêmes objectifs (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, points 280 et 281 et jurisprudence citée).
515 En effet, si, dans le premier cas, il s’agit de préserver une concurrence non faussée au sein de l’EEE, la protection recherchée, dans le second cas, concerne le marché de pays tiers. La condition de l’identité de l’intérêt juridique protégé, nécessaire pour que trouve à s’appliquer le principe ne bis in idem, fait ainsi défaut.
516 Par ailleurs, la requérante n’invoque ni ne démontre l’existence d’un principe de droit ou d’une règle ou d’une convention de droit international public interdisant à des autorités ou à des juridictions d’États différents de poursuivre et de condamner une personne en raison de faits identiques entraînant des effets sur leur territoire ou dans leur ressort. En l’absence de preuve de l’existence d’une telle règle ou convention liant l’Union et des États tiers et prévoyant une telle interdiction,
la Commission ne peut y être tenue (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 34).
517 Par suite, l’allégation de la requérante, tirée de la violation par la Commission du principe ne bis in idem, doit être écartée.
518 Deuxièmement, pour autant que la requérante allègue que la Commission a violé le principe de proportionnalité, en ne tenant pas compte, dans la détermination du pourcentage additionnel à appliquer, du fait que les amendes qui lui ont été imposées par d’autres États comprenaient déjà un effet de dissuasion, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 précise que, « indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura
dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production ».
519 Par ailleurs, il importe d’observer que toute considération tirée de l’existence d’amendes infligées par les autorités d’un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d’amendes pour les infractions au droit de la concurrence de l’Union. Par conséquent, s’il ne saurait être exclu que la Commission prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d’États tiers, elle ne saurait
toutefois y être tenue. En effet, l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d’une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité FUE pour la conduite de leurs activités au sein du marché intérieur. Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d’une amende à infliger en raison d’une violation desdites règles, la Commission n’est pas tenue de prendre en compte d’éventuelles
sanctions infligées à l’encontre d’une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers (voir arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, points 36 et 37 et jurisprudence citée).
520 Par suite, l’allégation de la requérante tirée de la violation du principe de proportionnalité doit être écartée.
521 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du présent moyen doit être écartée.
2) Sur la seconde branche, relative à la non-prise en considération des circonstances atténuantes accompagnant la requérante
[omissis]
i) Sur le premier grief, relatif au fait que le montant de l’amende ne reflète pas à suffisance l’absence de la requérante aux réunions MK
523 La requérante soutient, en substance, que le montant de la réduction qui lui a été accordée, au titre de sa non-participation aux réunions MK, ne respecte pas les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.
524 La Commission conteste les arguments de la requérante.
525 À titre liminaire, il ressort du considérant1023 de la décision attaquée que la Commission a accordé à la requérante, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 3 % du montant de base de l’amende infligée, aux motifs que sa participation aux réunions MK n’avait pas été établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance.
526 En premier lieu, la requérante soutient que la réduction qui lui a été accordée, en raison de sa non-participation aux réunions MK, était insuffisante, eu égard à l’importance de ces réunions dans la caractérisation de l’infraction.
527 Selon la jurisprudence, l’octroi d’une diminution du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes est nécessairement lié aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite. En effet, la reconnaissance du bénéfice d’une circonstance atténuante, dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait
une infraction, ne saurait avoir pour conséquence d’ôter l’effet dissuasif à l’amende infligée et porter atteinte à l’effet utile de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 237 et jurisprudence citée).
528 Si les circonstances énumérées dans la liste figurant au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 sont certainement parmi celles qui peuvent être prises en compte par la Commission dans un cas donné, celle-ci n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique dès qu’une entreprise avance des éléments de nature à indiquer la présence d’une de ces circonstances, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances
atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 240 et jurisprudence citée).
529 Or, il a été relevé que, premièrement, la requérante avait participé à la quasi-totalité de la période infractionnelle, soit près de douze ans sur les quatorze qu’a duré l’entente. Deuxièmement, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante avait pris part à 52 réunions multilatérales, au nombre desquelles figuraient les réunions ECC, ATC et CUP, et à six contacts bilatéraux ou trilatéraux. Troisièmement, la requérante n’avait pas contesté que les réunions CUP complétaient les
réunions MK et qu’elles étaient considérées par les participants à l’entente comme les « réunions officieuses », tenues en parallèle de ces dernières, dans la mesure où elles étaient généralement organisées une semaine après celles-ci et rassemblaient la plupart des participants à celles-ci. Quatrièmement, tous les échanges anticoncurrentiels s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble, avec un objectif économique unique. Par ailleurs, il ne ressort pas de la décision attaquée que les réunions
MK revêtaient une importance particulière par rapport aux autres réunions.
530 Par ailleurs, en ce qui concerne les réductions accordées dans d’autres affaires, il a été rappelé, aux points 505 et 506 ci-dessus, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne pouvait pas servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.
531 À la lumière de ces considérations, il convient de constater que, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante n’est pas fondée à soutenir que sa participation à l’entente était limitée et qu’elle présentait un degré de nocivité qui aurait justifié une réduction plus importante de l’amende. Il en résulte que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité. L’allégation de la requérante doit donc être écartée.
532 En second lieu, la requérante reproche à la Commission de lui avoir accordé la même réduction que celle dont ont bénéficié les participants à l’entente n’ayant pas pris part aux réunions CUP, alors même qu’ils n’étaient pas dans des situations comparables, eu égard à l’importance des réunions MK par rapport aux réunions CUP dans la caractérisation de l’infraction.
533 À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission,
T‑91/11, EU:T:2014:92, points 77 et 78 et jurisprudence citée).
534 S’agissant de la détermination du montant de l’amende, ce principe s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 79 et jurisprudence citée).
535 Or, premièrement, il a été relevé, au point 529 ci-dessus, que les réunions MK ne revêtaient pas une importance particulière par rapport aux autres réunions. Deuxièmement, il ressort du considérant 1022 de la décision attaquée que la Commission a considéré que Sanyo, NEC Tokin et Matsuo étaient responsables pour la totalité de l’infraction unique et continue, à l’exception des réunions CUP, étant donné que leur participation à ces réunions n’avait pas été établie et que rien ne prouvait qu’elles
en avaient eu connaissance.
536 Il s’ensuit que la Commission a considéré que ces entreprises, à l’instar de la requérante, étaient responsables pour la totalité de l’infraction unique et continue, à l’exception d’un groupe de réunions, pour lequel leur participation n’avait pas été établie.
537 Dans ces circonstances, la Commission, en accordant la même réduction à toutes ces entreprises, a respecté le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.
538 Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le principe d’égalité de traitement. L’allégation de la requérante doit donc être écartée.
539 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.
[omissis]
2. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende
571 Par son second chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, en tout état de cause, d’exercer sa compétence de pleine juridiction aux fins de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, concernant le montant de l’amende, et, par suite, de réduire le montant de l’amende qui lui a été imposée.
572 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, au soutien du présent chef de conclusions, la requérante se prévaut de l’argumentation présentée au soutien du quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans la détermination du montant de l’amende.
573 Il convient de rappeler que la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en
l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).
574 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P,
EU:C:2017:52, point 180 et jurisprudence citée).
575 Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de
ces moyens (voir arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 85 et jurisprudence citée).
576 En outre, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal n’est pas lié par les lignes directrices de 2006, lesquelles ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union. En effet, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles qu’elle s’est imposées, telles que les lignes directrices de 2006, ce principe ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union
pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 59 et jurisprudence citée).
577 Toutefois, il découle également de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire aux règles de concurrence du droit de l’Union. Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est
nécessaire qu’il s’en explique dans son arrêt (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 60 et jurisprudence citée).
578 Le Tribunal est ainsi en droit de porter le montant de l’amende à un niveau inférieur à celui résultant de l’application des lignes directrices de 2006, si les circonstances de l’affaire dont il est saisi le justifient. Encore faut-il, toutefois, que le requérant invoque des motifs pertinents, susceptibles de justifier une telle réduction et les étaye de preuves (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 310 et jurisprudence citée).
579 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les circonstances invoquées par la requérante peuvent, même en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation de la Commission, justifier une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée.
580 En premier lieu, s’agissant du calcul de la valeur des ventes, tout d’abord, il a été constaté, dans le cadre de l’examen du premier grief de la première branche du quatrième moyen, que la prise en compte de la valeur totale des ventes des produits concernés au cours de la dernière année de participation à l’entente comme base de calcul de l’amende était de nature à donner une juste indication de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné ainsi que de son importance économique pour les
activités des participants à l’entente.
581 Par ailleurs, il convient de relever que l’argumentation avancée par la requérante à cet égard ne présente pas un niveau de précision suffisant pour permettre au Tribunal de comprendre de quelle manière la requérante détermine l’assiette et les modalités alternatives de calcul sur lesquelles elle se fonde. La requérante estime, en effet, sur la base des informations figurant dans l’étude réalisée par un cabinet indépendant, que le montant de l’amende devrait être réduit aux fins d’être établi à
un niveau variant entre 25 et 40 millions d’euros. En outre, l’assiette et les modalités de calcul proposées n’offrent aucune indication quant au fait qu’elles permettraient de refléter l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné ainsi que son importance économique pour les activités de la requérante et, par ailleurs, de garantir le respect du principe d’égalité de traitement entre les participants à l’entente.
582 Ensuite, il a été relevé, lors de l’examen du premier grief de la première branche du deuxième moyen, que la requérante avait participé à une infraction unique et continue qui ne se limitait ni à un type spécifique de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, mais couvrait une large gamme de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, ni à certains clients.
583 Enfin, il a été relevé au point 482 ci-dessus que les spécificités internes invoquées par la requérante, tenant à la structure de ses ventes, relevaient de sa seule stratégie commerciale et ne constituaient pas en elles-mêmes des particularités justifiant l’application d’une méthode de calcul différente pour la détermination de la valeur des ventes.
584 En deuxième lieu, s’agissant de la réduction du coefficient de gravité retenu par la Commission, invoquée par la requérante dans le cadre du deuxième grief de la première branche du quatrième moyen, premièrement, il convient de relever d’emblée que la requérante n’a précisé ni les spécificités qui justifieraient une réduction du pourcentage retenue par la Commission ni le pourcentage auquel ce coefficient devrait être fixé. Deuxièmement, il a été relevé au point 502 ci-dessus que l’infraction en
cause était, en raison de sa nature même, l’une des restrictions de concurrence les plus graves. Troisièmement, il a été relevé au point 367 ci-dessus que la requérante avait participé à la quasi-totalité de la période infractionnelle, soit près de douze ans sur les quatorze qu’a duré l’entente. Quatrièmement, il ressort de l’examen du second grief de la première branche du deuxième moyen que l’infraction s’étendait à l’ensemble de l’EEE. Cinquièmement, si, par les références faites au
coefficient retenu par la Commission dans d’autres décisions, la requérante entendait démontrer, en l’espèce, une éventuelle discrimination, il doit être rappelé, à cet égard, que le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de la Commission (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 78).
585 En troisième lieu, s’agissant de la réduction du montant additionnel retenu par la Commission, qui fait l’objet du troisième grief de la première branche du quatrième moyen, premièrement, il a été relevé au point 519 ci-dessus que le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de concurrence de l’Union ne saurait être déterminé en fonction d’éventuelles sanctions infligées à l’entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers.
Deuxièmement, la Commission a retenu en l’espèce un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes, soit, à un pourcent près, le pourcentage le plus faible qu’elle pouvait retenir, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006.
586 En quatrième lieu, s’agissant de la réduction plus importante de son amende en raison de circonstances atténuantes, il a été relevé, au point 531 ci-dessus, que, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante n’était pas fondée à soutenir que sa participation à l’entente était limitée et qu’elle présentait un degré de nocivité moindre justifiant une telle réduction. Il a encore été relevé, au point 536 ci-dessus, que la Commission avait accordé une réduction analogue à toutes les
entreprises dont la responsabilité avait été retenue pour la totalité de l’infraction, à l’exception d’un groupe de réunions pour lequel leur participation n’avait pas été établie.
587 En cinquième lieu, il a été constaté au point 546 ci-dessus que la requérante ne pouvait ignorer la nature répréhensible de son comportement et, partant, soutenir qu’elle ne pouvait tout au plus être tenue pour responsable que d’une infraction par négligence.
588 En sixième lieu, il a été constaté au point 564 ci-dessus que la requérante n’était pas fondée à invoquer l’existence d’une circonstance atténuante tenant au comportement concurrentiel qu’elle aurait eu sur le marché. En particulier, aucun élément du dossier ne démontre que la requérante a agi différemment des autres participants à l’entente et a perturbé le fonctionnement de l’entente.
589 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’aucune des circonstances de fait et de droit invoquées par la requérante au soutien d’une réduction de l’amende qui lui a été infligée ne justifie, en particulier au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, l’adoption d’une méthode de calcul différente de celle adoptée par la Commission, de nature à aboutir à une telle réduction. Par conséquent, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, de faire usage, en l’espèce, de son
pouvoir de pleine juridiction.
590 Il s’ensuit que les conclusions de la requérante tendant à la réduction du montant de l’amende doivent être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Nichicon Corporation supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Costeira
Gratsias
Kancheva
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.