ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
21 décembre 2021 ( *1 )
« Responsabilité non contractuelle – Conventions de subvention conclues dans le cadre de divers programmes de l’Union – Violation des stipulations contractuelles par la société bénéficiaire – Coûts éligibles – Enquête de l’OLAF – Liquidation de la société – Recouvrement auprès des associés de ladite société – Exécution forcée – Allégations formulées par les représentants de la Commission devant les juridictions nationales – Identification de la partie défenderesse – Méconnaissance des exigences de
forme – Irrecevabilité partielle – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »
Dans les affaires jointes T‑721/18 et T‑81/19,
Zoï Apostolopoulou, demeurant à Athènes (Grèce),
Anastasia Apostolopoulou-Chrysanthaki, demeurant à Athènes,
représentées par Me D. Gkouskos, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. J. Estrada de Solà et T. Adamopoulos, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 268 TFUE et tendant, en substance, à obtenir réparation du préjudice que les requérantes auraient subi du fait des allégations formulées par les représentants de la Commission dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée à leur égard des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), devant le Protodikeio Athinon (tribunal de
première instance d’Athènes, Grèce) et l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce),
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et T. Perišin, juges,
greffier : M. I. Pollalis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 mai 2021,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La première requérante dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19, Mme Zoï Apostolopoulou, est une avocate inscrite au barreau d’Athènes (Grèce). La seconde requérante dans ces mêmes affaires, Mme Anastasia Apostolopoulou-Chrysanthaki, qui est par ailleurs la mère de la première requérante, est une ancienne fonctionnaire actuellement à la retraite.
Faits antérieurs à l’introduction du recours dans l’affaire T‑721/18
2 Les requérantes sont les deux seules associées de Koinonia Tis Pliroforias Anoichti Stis Eidikes Anagkes – Isotis (ci-après « Isotis »), une société civile à but non lucratif au sens de l’article 741 du code civil grec, qui a été constituée le 7 janvier 2004.
3 La société civile visée par les articles 741 à 743 du code civil grec est principalement conçue comme une forme d’association de personnes dépourvue de personnalité juridique. Une telle société civile peut toutefois acquérir une personnalité juridique, conformément à l’article 784 du code civil grec, lorsqu’elle poursuit une activité économique, qui peut ne pas être à but lucratif, et que les conditions de publicité prévues pour les sociétés en nom collectif sont remplies, à savoir la
l’établissement de statuts et leur publication. La société a un caractère économique lorsque la réalisation de son but a pour conséquence nécessaire ou éventuelle la mise en œuvre d’une responsabilité contractuelle ou délictuelle ou peut conduire à des prestations qui, dans les usages en matière de transactions, sont, en règle générale, rémunérées. Si les conditions prévues par l’article 784 du code civil grec ne sont pas remplies, et donc en l’absence de personnalité juridique, chaque associé de
la société civile est responsable des obligations qui sont nées à l’égard des tiers du fait de la gestion ou de la représentation de la société à hauteur de sa part sociale, conformément à l’article 759 du code civil grec.
4 En revanche, à la date de la constitution d’Isotis, lorsque les conditions prévues par l’article 784 du code civil grec étaient réunies et que la société civile bénéficiait donc d’une personnalité morale, les créanciers de cette société ne pouvaient se retourner contre les associés pour obtenir le paiement de leur créance qu’après la dissolution et la liquidation de la société et à condition que l’actif de celle-ci ne soit pas suffisant pour les désintéresser.
5 Le 11 avril 2012 est entrée en vigueur la Nómos 4072/2012 – Veltíosi epicheirimatikoú perivállontos (loi 4072/2012 sur l’amélioration de l’environnement des affaires) (FEK A’ 86/11.4.2012), dont l’article 249, paragraphe 1, et l’article 270, paragraphe 1, consacrent la responsabilité parallèle, illimitée et solidaire des associés de la société civile dotée de la personnalité juridique au titre des dettes de la société.
6 En vertu de l’article 2 de ses statuts constitutifs publiés au registre des sociétés du Protodikeio Athinon (tribunal de première instance d’Athènes, Grèce), Isotis a pour objet de promouvoir l’égalité de traitement et l’insertion des personnes à besoins spécifiques dans la société de l’information par le biais de l’information et de la diffusion des règles et des orientations internationales reconnues et pertinentes en matière d’accessibilité ainsi que l’assistance en conseils lors de la
rédaction et de l’application de la législation pertinente.
7 Selon l’article 5 des statuts d’Isotis, la première requérante gère seule l’ensemble des affaires de la société, la représente devant toute autorité et l’engage par sa signature apposée sous le nom et le cachet de la société.
8 En vertu de l’article 8 de ces mêmes statuts, Isotis, en tant que personne morale à but non lucratif, est uniquement responsable, sur son patrimoine, des obligations qu’elle a contractées et de ses dettes. Les associés ne sont pas responsables des dettes ou d’autres obligations de la société à l’égard des tiers, au-delà de l’apport qu’ils ont effectué et qui constitue un élément du patrimoine de la société.
9 Isotis avait conclu plusieurs contrats avec la Communauté européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, ayant pour objet la réalisation de certains projets. Ces contrats avaient été conclus entre, d’une part, la Communauté, représentée par la Commission, et, d’autre part, un coordinateur et les membres d’un consortium, parmi lesquels figurait Isotis.
10 Parmi ces contrats, neuf ont fait l’objet d’un audit financier par la Commission du 8 au 12 février 2010. Dans le rapport d’audit définitif, adopté par la Commission et transmis à Isotis le 22 décembre 2010, il était constaté ce qui suit :
– durant plusieurs années successives, Isotis n’avait pas comptabilisé, en particulier, ses recettes exactes dans ses livres de comptes et ses archives, en violation des dispositions pertinentes de la loi grecque ; il en résultait que ses écritures comptables n’étaient pas fiables et qu’aucune comparaison directe ne pouvait être effectuée entre les dépenses et les recettes relatives à l’exécution des programmes et la situation générale de ses comptes ;
– un pourcentage important des fiches de présence du personnel portait systématiquement des corrections manuscrites qui avaient été effectuées a posteriori par le directeur des programmes, sans le consentement du personnel ; cela avait des conséquences importantes sur le temps de travail déclaré et suscitait des doutes quant à l’enregistrement des heures de travail ;
– les fiches de présence du directeur des programmes indiquaient un nombre d’heures de travail exagéré, qui recoupaient celles consacrées à d’autres activités professionnelles ;
– Isotis avait faussement déclaré que le directeur des programmes n’avait pas participé à l’exécution d’un autre contrat de financement conclu avec la Commission (ETSI STF 333) ;
– la justification des frais de voyage ne fournissait pas une image fiable et objective des conditions et des activités entreprises dans le cadre de ces déplacements, dans la mesure où la majorité de ces voyages n’étaient pas directement liés aux programmes en cause.
11 Le rapport d’audit concluait qu’il convenait, en conséquence, de considérer que toutes les dépenses exposées par Isotis au cours de l’exécution des contrats visés par l’audit de février 2010 étaient non éligibles et que la totalité des montants pertinents versés à Isotis devait être recouvrée.
12 Le rapport d’audit recommandait également, eu égard à la gravité des infractions constatées, de dénoncer tous les contrats en cours conclus par Isotis avec la Commission.
13 Dans sa lettre du 22 décembre 2010, la Commission indiquait la somme à rembourser pour chacun des contrats visés par l’audit de février 2010 en précisant que les ajustements rendus nécessaires par le versement de sommes non éligibles au profit d’Isotis pourraient affecter les paiements futurs au titre desdits contrats ou prendre la forme d’un ordre de recouvrement. Elle informait en outre Isotis que, en plus de la mise en œuvre de ces ajustements, ses services pouvaient calculer le montant de
l’indemnité forfaitaire due à l’Union conformément à l’article II.30 des conditions générales des contrats visés par l’audit de février 2010 et émettre, le cas échéant, un ordre de recouvrement relatif à cette indemnité.
14 En vertu d’un accord, conclu le 28 décembre 2010 et publié dans le bulletin des sociétés du Protodikeio Athinon (tribunal de première instance d’Athènes) le 17 janvier 2011, Isotis a été placée en liquidation. A, qui est par ailleurs l’époux de la première requérante et qui était jusqu’à cette date responsable des programmes européens au sein d’Isotis, a été, à cette occasion, désigné comme mandataire pour mener à terme la liquidation de cette dernière.
15 Le 31 janvier 2011, Isotis a introduit un recours sur le fondement de l’article 272 TFUE, enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro d’affaire T‑59/11, en vue d’obtenir du Tribunal qu’il constate qu’elle n’était pas tenue de rembourser les dépenses exposées dans le cadre des contrats visés par l’audit de février 2010, car celles-ci correspondaient à des coûts éligibles, et que la Commission était tenue de lui verser la dernière partie de la subvention prévue par certains desdits contrats,
majorée d’intérêts de retard.
16 Le 29 avril 2011, la Commission a émis neuf notes de débit indiquant le montant à rembourser au titre de chacun des contrats visés par l’audit de février 2010 et fixant à Isotis un délai de 45 jours pour rembourser les sommes dues, arrivant à expiration le 14 juin 2011 et à l’issue duquel ces sommes seraient majorées des intérêts moratoires prévus dans lesdits contrats au taux de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 3,5 points.
17 Le 20 juin 2011, la Commission a émis six notes de débit au titre des contrats visés par l’audit de février 2010 fixant les sommes dues par Isotis au titre de l’indemnité forfaitaire en vertu de l’article II.30 des conditions générales desdits contrats à un montant total de 70471,47 euros.
18 Par ailleurs, à la demande de la Commission, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a procédé à une enquête concernant de potentielles fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union de la part d’Isotis, de la première requérante et de A. Cette enquête a abouti, dans un rapport du 15 novembre 2011, à la formulation de recommandations de l’OLAF aux fins de l’adoption de mesures appropriées et de l’information des autorités judiciaires grecques en raison de soupçons concernant
l’existence d’un délit de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. La Commission a transmis le rapport d’enquête définitif de l’OLAF à l’Eisangelia Plimmeleiodikon Athinon (bureau du procureur auprès du tribunal correctionnel d’Athènes.
19 Par arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), le Tribunal a rejeté les demandes d’Isotis et accueilli la demande reconventionnelle de la Commission, en condamnant Isotis à rembourser à la Commission la somme de 999213,45 euros, majorée d’intérêts à compter du 15 juin 2011, au taux de la BCE majoré de 3,5 points, correspondant au remboursement des contributions financières dont elle a bénéficié au titre des contrats visés par l’audit de février 2010, ainsi que la somme
de 70471,47 euros à compter du 5 août 2011, majorée d’intérêts au taux de la BCE majoré de 3,5 points, correspondant à l’indemnité forfaitaire due au titre de six de ces contrats.
20 Le 25 septembre 2014, Isotis a introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), enregistré au greffe de la Cour sous le numéro d’affaire C‑450/14 P. La Cour a rejeté ce pourvoi par ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477).
21 Parallèlement aux contrats visés par l’audit de février 2010, la Communauté avait conclu avec Intelligence for Environment and Security – IES Solutions Srl ainsi que 21 autres cocontractants établis dans différents États membres de l’Union, dont Isotis, le contrat no 238940 « REsponding to All Citizens needing Help (REACH112) ». Ledit contrat avait pour objet la réalisation du projet REACH112, qui s’inscrivait dans le cadre de la réalisation du programme d’appui stratégique en matière de TIC
relevant du programme-cadre CIP. L’objectif de ce projet était de proposer des applications alternatives à la téléphonie vocale traditionnelle qui soient accessibles à tous.
22 Le 13 septembre 2013, la Commission a émis la note de débit no 3241310346, portant sur le recouvrement d’un montant de 47197,93 euros en raison de la fin de la participation d’Isotis au projet REACH112 à compter du 1er juillet 2010. Il était précisé dans la note de débit que ce montant correspondait au préfinancement reçu par Isotis de la part du coordinateur dudit projet et que les coûts acceptés par la Commission à la suite de l’audit de février 2010 s’élevaient à 0 euro.
23 Le 24 octobre 2013, Isotis a introduit devant le Tribunal un nouveau recours sur le fondement de l’article 272 TFUE par lequel elle demandait au Tribunal de constater qu’elle n’était pas tenue de rembourser à la Commission le montant de 47197,93 euros susmentionné et que, en tout état de cause, la demande de remboursement de la Commission était dépourvue de fondement en ce qui concerne les dépenses déclarées pour la première période de référence du projet REACH112, pour un montant de
13821,12 euros. Dans sa défense, la Commission a demandé au Tribunal, à titre reconventionnel, de condamner la requérante à lui verser la somme de 47197,93 euros, majorée d’intérêts de retard.
24 Par arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), le Tribunal a accueilli le recours d’Isotis en ce qui concerne les coûts qu’elle avait déclarés pour la première période de référence du projet REACH112 et l’a rejeté pour le surplus. En conséquence, le Tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de la Commission en ce qui concerne les coûts déclarés par Isotis pour la première période de référence du projet REACH112 et condamné Isotis à payer à la Commission
le montant de 33376,81 euros, majoré d’intérêts moratoires au taux de 4 % l’an à compter du 29 octobre 2013 et jusqu’à complet paiement de ce montant.
25 Le 23 mai 2016, le procureur auprès du tribunal correctionnel d’Athènes, estimant qu’il n’existait pas d’indice que la première requérante ou A se soit rendu coupable d’un délit de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, a classé sans suite l’enquête ouverte à leur égard. Il était précisé dans ce rapport qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure à une implication substantielle de la première requérante dans une quelconque activité menée par son époux liée au
financement des contrats en cause, ce que confirmait expressément le rapport de l’OLAF.
26 Le 7 septembre 2017, la Commission a notifié aux requérantes les titres exécutoires no 692/2016 et no 693/2016, établis par le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes, Grèce) sur le fondement, respectivement, de l’ordonnance du 31 mai 2016,Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et de l’arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), ainsi qu’une sommation du 20 juillet 2017 de payer la somme totale de
1090055,42 euros avant le 22 février 2017, majorée des intérêts dus pour chaque jour de retard jusqu’au remboursement complet de ladite somme.
27 Le même jour, la Commission a également notifié aux requérantes le titre exécutoire no 553/2016, établi par le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) sur le fondement de l’arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), ainsi qu’une sommation du 20 juillet 2017 de payer la somme de 33376,81 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 4 % par an à compter du 29 octobre 2013 jusqu’au paiement intégral de cette
somme.
28 Le 11 septembre 2017, les requérantes ont formé opposition à l’exécution forcée et ont demandé le sursis à l’exécution forcée devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes).
29 Le 1er novembre 2017, les requérantes ont déposé devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), une demande tendant, à nouveau, à obtenir le sursis à l’exécution forcée, ainsi que la protection de leur personnalité, jusqu’au prononcé d’une décision définitive sur l’opposition.
30 Le 12 décembre 2017, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) a entendu, en audience publique, les représentants de la Commission ainsi que les requérantes au sujet des demandes de sursis à l’exécution forcée et de protection de leur personnalité déposées par ces dernières. Lors de cette audience, un agent de l’OLAF a témoigné au soutien de la Commission.
31 Le 14 décembre 2017, la Commission a déposé auprès du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) deux « notes en délibéré » concernant, respectivement, la demande de sursis à l’exécution forcée et la demande de mesures provisoires.
32 Les demandes de sursis à l’exécution forcée ainsi que de protection de la personnalité des requérantes ont été rejetées par décisions du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), respectivement, le 11 janvier 2018 et le 18 janvier 2018.
33 Le 17 avril 2018, les représentants de la Commission ont déposé leurs conclusions écrites relatives à l’opposition à l’exécution forcée formée par les requérantes le 11 septembre 2017 auprès du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes).
34 Le 20 avril 2018, les représentants de la Commission ont déposé un mémoire complémentaire devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes).
35 Le 4 juillet 2018, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) a partiellement accueilli l’opposition formée par les requérantes à l’encontre de la demande d’exécution forcée lancée par la Commission et annulé la sommation de payer du 20 juillet 2017, qui figure au bas des copies des titres exécutoires no 692/2016 et no 693/2016 établis à la suite de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et de l’arrêt
du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679). L’opposition a été rejetée pour le surplus.
36 Le 12 septembre 2018, les requérantes ont interjeté appel de la décision du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce).
37 Le 20 septembre 2018, la Commission a demandé, en vertu des dispositions du code de procédure civile grec applicable, qu’il soit procédé à deux saisie-attribution des fonds détenus par les requérantes auprès de cinq établissements bancaires grecs pour un montant, respectivement, de 1222233,91 euros et de 217407,61 euros. Les établissements bancaires sollicités ont déclaré que les requérantes ne détenaient pas de compte bancaire ou que les comptes existants ne contenaient pas de dépôts ou
uniquement, pour l’un d’entre eux, un dépôt insusceptible de faire l’objet d’une saisie. Après enquête, la Commission a, en outre, constaté que les requérantes n’étaient pas propriétaires de biens immobiliers en leur nom propre.
Faits postérieurs à l’introduction du recours dans l’affaire T‑721/18
38 Le 12 décembre 2018, les représentants de la Commission ont déposé auprès de l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) leurs conclusions relatives à l’appel formé par les requérantes à l’encontre de l’arrêt du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) du 4 juillet 2018.
39 Le 18 décembre 2018, les représentants de la Commission ont déposé un mémoire complémentaire devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes).
40 Par arrêt du 31 juillet 2019, l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) a infirmé le jugement du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) du 4 juillet 2018 et a accueilli l’opposition formée par les requérantes à l’encontre de la demande d’exécution forcée lancée par la Commission. En substance, la décision de l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) était motivée par la circonstance que le droit grec applicable ne permettait pas de poursuivre
l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), à l’encontre des requérantes, car une telle exécution ne pouvait être recherchée qu’à l’encontre de la personne morale Isotis, bien que les requérantes fussent les deux seules associées d’Isotis et que cette société se trouvât au
moment de l’introduction de la demande d’exécution forcée en phase de liquidation. Par ce même arrêt, l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) a annulé la sommation de payer du 20 juillet 2017 figurant sur le titre exécutoire établi à la suite de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et de l’arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), ainsi que la sommation de payer datant du même jour figurant sur le titre exécutoire
établi à la suite de l’arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63).
41 Le 6 août 2019, la Commission a signifié aux établissements bancaires concernés la levée des saisies-attributions du 20 septembre 2018.
Procédure et conclusions des parties
42 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2018, les requérantes ont introduit un recours visant, notamment, à obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elles ont prétendument subi du fait de l’atteinte à leur réputation et à leur dignité par les représentants de la Commission et un agent de l’OLAF dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014,
Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes). Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑721/18.
43 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2019, les requérantes ont introduit un recours visant, notamment, à obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elles ont prétendument subi du fait de l’atteinte à leur réputation et à leur dignité par les représentants de la Commission dans le cadre de la procédure d’appel devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) contre l’arrêt du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) du 4 juillet 2018,
qui avait partiellement accueilli leur opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63). Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑81/19. Dans leur requête, les requérantes ont demandé à ce que cette affaire soit jointe à l’affaire T‑721/18 sur le fondement
de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.
44 Le 1er août 2019, par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à faire part de leurs observations sur la situation de litispendance pouvant résulter de l’introduction du recours dans l’affaire T‑81/19 compte tenu du recours déjà introduit dans l’affaire T‑721/18. La Commission et les requérantes ont déféré à la mesure d’organisation de la procédure,
respectivement, le 30 août 2019 et le 3 septembre 2019.
45 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.
46 Dans l’affaire T‑721/18, aucune partie n’a introduit de demande d’audience de plaidoiries dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure. Dans l’affaire T‑81/19, les requérantes ont demandé, le 20 février 2020, la tenue d’une audience conformément à l’article 106 du règlement de procédure.
47 Le 11 mai 2020, par voie de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé des questions aux requérantes dans l’affaire T‑721/18 et dans l’affaire T‑81/19 ainsi qu’à la Commission dans l’affaire T‑81/19. La Commission et les requérantes ont répondu aux questions du Tribunal, respectivement, le 8 juin 2020 et le 15 juin 2020.
48 Par décision de la présidente de la neuvième chambre du Tribunal du 26 juin 2020, les affaires T‑721/18 et T‑81/19 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.
49 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure dans les affaires jointes T‑721/18 et T‑81/19. Le 28 septembre 2020, les requérantes ont demandé, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, du règlement de procédure, en raison de la situation sanitaire liée à la crise de la COVID-19, le report de l’audience initialement fixée au 9 octobre 2020, à laquelle elles avaient été dûment convoquées. Le 18 novembre 2020, les
requérantes ont, pour les mêmes raisons, demandé le report de l’audience fixée au 4 décembre 2020. Toujours pour les mêmes raisons, les requérantes ont, le 28 janvier 2021, demandé à nouveau le report de l’audience, qui avait été fixée au 4 février 2021. Les requérantes ont, en outre, précisé qu’elles ne souhaitaient pas faire usage de la possibilité de participer à l’audience par visioconférence. Le 4 février 2021, le greffe du Tribunal a signifié aux parties que l’audience de plaidoiries se
tiendrait le 20 mai 2021.
50 Par lettres du 29 avril 2021, les requérantes ont demandé, d’une part, à ce que la juge rapporteure ne participe pas au règlement des présentes affaires sur le fondement de l’article 18 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 16 du règlement de procédure et, d’autre part, un nouveau report de l’audience de plaidoiries dans l’attente de la désignation d’un nouveau juge rapporteur.
51 Par décision du 12 mai 2021, le président du Tribunal, la juge rapporteure entendue, a décidé de rejeter la demande des requérantes visant à ce que celle-ci ne participe pas au règlement des présentes affaires.
52 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 mai 2021.
53 Dans l’affaire T‑721/18, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la Commission et l’Union, conjointement et solidairement, à verser à chacune d’elles le montant de 500000 euros, à savoir, pour chacun des chefs de préjudice suivants :
– 100000 euros au titre de l’atteinte à la personnalité de chacune des requérantes commise dans la « note » de la Commission déposée le 14 décembre 2017 devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), à l’issue des débats, le 12 décembre 2017, portant sur la requête du 11 septembre 2017 des requérantes, tendant au sursis à l’exécution forcée poursuivie à leur égard,
– 100000 euros au titre de l’atteinte à la personnalité de chacune des requérantes commise dans la « note » de la Commission déposée le 14 décembre 2017 devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), à l’issue des débats, le 12 décembre 2017, portant sur la requête du 1er novembre 2017 des requérantes, portant sur la demande de sursis à l’exécution forcée et de protection de leur personnalité,
– 100000 euros au titre de l’atteinte à la personnalité de chacune des requérantes commise lors de l’audience du 12 décembre 2017 par la déposition du témoin proposée et examinée lors des débats devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), dans le cadre de la procédure en référé portant sur la requête du 11 septembre 2017 des requérantes, tendant au sursis à l’exécution forcée poursuivie contre elles, et sur la requête du 1er novembre 2017,
portant sur la demande de sursis à l’exécution forcée et de protection de leur personnalité,
– 100000 euros au titre de l’atteinte à la personnalité de chacune des requérantes commise dans les conclusions du 17 avril 2018 déposées par la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), lors des débats sur l’opposition du 11 septembre 2017 déposée par les requérantes devant le tribunal susmentionné,
– 100000 euros au titre de l’atteinte portée à la personnalité de chacune des requérantes commise dans le mémoire complémentaire du 20 avril 2018, présenté par la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), à l’issue des débats sur l’opposition du 11 septembre 2017 déposée par les requérantes devant le même tribunal ;
– condamner la Commission et l’Union à s’abstenir de toute atteinte à la personnalité des requérantes à l’avenir ;
– condamner la Commission à rétablir leur honneur et leur réputation par une déclaration devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), devant laquelle la procédure d’opposition à l’exécution forcée est pendante ;
– condamner la Commission et l’Union aux dépens.
54 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
55 Dans l’affaire T‑81/19, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la Commission et l’Union, conjointement et solidairement, à verser à chacune d’elles 1100000 euros à titre de réparation du préjudice moral qu’elles ont subi du fait de l’atteinte à leur personnalité en raison des allégations fausses avancées par la Commission dans les conclusions et le mémoire ampliatif – mémoire en défense qu’elle a déposé devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), à savoir, plus précisément :
– 50000 euros en raison de la mention selon laquelle « le seul moyen de recouvrer les fonds européens est de diligenter une mesure d’exécution forcée contre les biens des défenderesses (lesquelles étaient également les personnes physiques qui opéraient derrière [Isotis] – ses associées) », dans la mesure où cette mention sous-entend clairement et directement que les requérantes géraient seules les programmes européens, qu’elles agissaient d’une manière opaque, qu’elles se sont approprié les
fonds européens et qu’Isotis était – selon ces insinuations – une personne morale fictive,
– 50000 euros en raison de la mention selon laquelle « les défenderesses cherchent de manière totalement illégale et abusive à se soustraire à toute responsabilité et à prendre leurs distances par rapport à une affaire qu’elles suivaient et géraient elles-mêmes directement depuis dix ans et par l’intermédiaire d’une personne de leur entourage familial immédiat »,
– 50000 euros en raison de la mention selon laquelle « il a été prouvé également en droit que cette dernière avait prétendument subi un préjudice important qui était la conséquence directe des actes et des manquements commis pendant de nombreuses années par les dirigeants de la société civile partie adverse »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle il s’agit d’une dette « qui n’a pas été contractée par une entité juridique qui leur est étrangère, mais par leur société civile à but non lucratif, derrière laquelle opéraient, exclusivement, les défenderesses, dès le premier instant, ainsi qu’une personne de leur entourage familial immédiat », dans la mesure où cette mention sous-entend clairement et directement que les requérantes géraient seules les programmes européens, qu’elles agissaient d’une
manière opaque, qu’elles se sont approprié les fonds européens et qu’Isotis était – selon ces insinuations – une personne morale fictive,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « les défenderesses sont restées les seules associées de la société civile et elles ont été, du début à la fin, au courant de la gestion, sous leur contrôle, des fonds publics européens dont leur société bénéficiait »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle, « le cas échéant, [elles] se sont rendues compte désormais qu’elles ne peuvent plus fuir indéfiniment leurs responsabilités et se cacher derrière le caractère “autonome”, selon elles, de la personne morale de leur société civile », dans la mesure où cette mention sous-entend clairement et directement que les requérantes géraient seules les programmes européens, qu’elles agissaient d’une manière opaque, qu’elles se sont approprié les fonds européens
et qu’Isotis était – selon ces insinuations – une personne morale fictive,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « les défenderesses essaient, au moyen de cette allégation, d’échapper une fois de plus à leurs responsabilités, en se cachant derrière la prétendue “personnalité juridique” de leur société civile à but non lucratif », dans la mesure où cette mention sous-entend clairement et directement que les requérantes géraient seules les programmes européens, qu’elles agissaient d’une manière opaque, qu’elles se sont approprié les fonds européens et qu’Isotis
était – selon ces insinuations – une personne morale fictive,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « nous soulignons d’une manière catégorique, rejetant l’argument relatif des parties adverses, que la Commission européenne n’a jamais reconnu la “Koinonia Tis Pliroforias Anoichti Stis Eidikes Anagkes – Isotis” comme une personne morale autonome »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « il s’agissait, en d’autres termes, d’une société civile dont l’objet était caritatif et de solidarité sociale et humanitaire envers les personnes ayant des besoins spécifiques et dont elle s’est engagée à promouvoir l’égalité de traitement dans le domaine de la société de l’information[ ; ]son but n’était pas économique[ ; s]es statuts eux-mêmes prévoient expressément que, “[e]n tout état de cause, la société agit en tant que personne morale à but
non lucratif” (article 2, dernier alinéa) »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « une société ayant un tel objet statutaire n’est pas dotée de la personnalité juridique, dès lors que les services fournis par une société civile à but non lucratif ayant un caractère “idéologique”, “moral” […] ne sauraient être considérés comme étant de nature économique[ ; d]’ailleurs, c’est en raison de cet objet qu’elle a été subventionnée par la Commission[ ; e]n conséquence, aux termes de l’article 759 du code civil grec, les obligations de la
société civile envers la Commission européenne incombent aux deux défenderesses associées de celle-ci »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle, « [p]récisément, [la première requérante] était l’une des deux associées de la société civile Isotis, l’unique administrateur, représentante légale et trésorière, tandis que [la seconde requérante] était l’autre des deux associées de la société civile »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « [i]l s’agissait d’une société civile, de nature personnelle, dont le siège statutaire était le domicile des défenderesses »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « les défenderesses (même avec la contribution d’autres personnes, comme l’époux de la première [requérante], [A]), par définition, étaient les seules personnes compétentes pour prendre toutes les décisions pour leur société, gérer l’ensemble des affaires de la société, négocier et conclure des contrats avec des tiers[ ; s]eules ces deux associées […] pouvaient décider souverainement[ ; l]’existence de leur société était purement formelle »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « [t]out ce qui précède conduit raisonnablement à conclure que la liquidation se poursuivant sur une longue durée de la société civile à but non lucratif [Isotis] est réalisée de manière abusive, dans le but manifeste d’échapper aux conséquences de la loi concernant la responsabilité de celle-ci et de ses associées à l’égard des créanciers de la société »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « [Isotis] est une petite société civile à but non lucratif et sans but économique, sans personnel »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle Isotis est une société « qui n’a pas fait de transactions avec de nombreux tiers »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle Isotis est une société « qui n’était pas tenue par l’obligation de respecter des normes comptables et de tenir des livres commerciaux complexes »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « le fonctionnement et l’organisation de la société civile en cause ne présentent pas de complexité qui impliquerait, le cas échéant, des retards dans la liquidation et que l’on rencontre habituellement dans les grandes sociétés commerciales ayant une activité quotidienne et variée[ ; c]’est seulement alors que serait justifiée la longue liquidation qui a suivi la dissolution de la société en cause »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle, « [p]ar ailleurs, [Isotis] avait un objet social caritatif spécifique »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle « son œuvre avait été pleinement achevée lors de sa dissolution »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle les requérantes « sont, bien entendu, responsables, puisque, en tant qu’associées uniques d’une société civile à but non lucratif non dotée de la personnalité juridique, elles sont, ex lege, impliquées de manière substantielle dans la gestion et le fonctionnement de leur société civile », et qu’elles « sont, bien entendu, responsables, puisque, en tant qu’associées uniques d’une société civile à but non lucratif non dotée de la personnalité
juridique, elles sont, par la loi, impliquées de manière substantielle dans la gestion et le fonctionnement de leur société civile »,
– 50000 euros pour la mention selon laquelle, « puisque les requérantes ont la qualité d’associées de la société civile à but non lucratif [Isotis], il est présumé que celles-ci exercent aussi la gestion de la société et non un tiers, quel qu’il soit » ;
– enjoindre à la Commission et à l’Union de s’abstenir de toute atteinte à leur personnalité à l’avenir ;
– enjoindre à la Commission de rétablir leur honneur et leur réputation au moyen d’une déclaration ;
– condamner la Commission aux dépens.
56 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
57 La Commission soulève plusieurs chefs d’irrecevabilité à l’encontre des recours dans les présentes affaires. La Commission excipe de l’irrecevabilité des recours dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 en raison de l’imprécision des requêtes, tant quant à l’objet des recours et aux arguments soulevés par les requérantes que quant à l’identité des parties défenderesses et à la portée des deuxièmes et troisièmes chefs de conclusions. Par ailleurs, la Commission fait valoir que le recours dans
l’affaire T‑81/19 est irrecevable en raison d’une situation de litispendance résultant de l’introduction par les mêmes requérantes du recours dans l’affaire T‑721/18.
Sur l’imprécision des requêtes
58 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission fait valoir que les requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 ne répondent pas aux exigences de clarté et de précision de l’article 76 du règlement de procédure quant à l’objet du litige, aux arguments invoqués ainsi qu’aux deuxièmes et troisièmes chefs de conclusions et à l’identité des parties défenderesses.
– Sur le respect des exigences de clarté et de précision quant à l’objet du litige et aux arguments avancés par les requérantes
59 La Commission soutient qu’il est impossible de déterminer l’objet du litige dès lors que tous les moyens et les arguments avancés par les requérantes seraient liés soit à l’objet de litiges sur lesquels le juge de l’Union a statué de façon définitive, soit à l’objet de litiges sur lesquels le juge grec est seul compétent pour statuer en vertu de l’article 299 TFUE. La Commission soutient également que les requêtes ne lui permettent pas de comprendre quel est le comportement prétendument illégal
qui lui est reproché dans les deux affaires et, donc, de comprendre si et dans quelle mesure il existe un lien de causalité entre ses actes et les préjudices allégués par les requérantes. Selon la Commission, les requêtes sont également imprécises en ce qu’elles ne contiendraient aucune indication quant aux modalités ou aux paramètres selon lesquels les requérantes apprécient leurs préjudices et déterminent le montant des indemnités. La Commission fait encore valoir qu’il est impossible de
déterminer quelle est l’institution de l’Union à l’encontre de laquelle sont formulés certains arguments qui visent le Tribunal de l’Union européenne ou le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes). Les requêtes manqueraient également de clarté en ce qu’elles ne préciseraient pas le rapport entre les dispositions et les principes de droit invoqués par les requérantes et les faits à l’origine du recours. L’ensemble de ces imprécisions empêcherait la
Commission de présenter sa défense de manière efficace dans les présentes affaires.
60 Par ailleurs, dans l’affaire T‑721/18, la Commission soutient que, par leur recours, les requérantes essaient, d’une part, de rouvrir le débat sur la dette dont le montant a été établi de manière définitive et dont elle a légalement poursuivi le recouvrement et, d’autre part, de compenser leur dette par l’indemnité pour préjudice moral qu’elles réclament au titre de leur deuxième chef de conclusions. Selon la Commission, le recours des requérantes viole le principe de l’autorité de la chose
jugée.
61 Les requérantes contestent les arguments de la Commission.
62 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment
claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même
(voir arrêt du 12 décembre 2019, Tàpias/Conseil, T‑527/16, EU:T:2019:856, point 64 et jurisprudence citée).
63 En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’affaire T‑721/18, il convient de relever que les points 1 à 9 de la requête contiennent une appréciation critique concernant l’attitude de la Commission dans le cadre des litiges qui ont opposé celle-ci à Isotis et ayant donné lieu à l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et aux arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non
publié, EU:T:2016:63). Il convient également de relever que la requête contient de nombreuses références au déroulement de la procédure d’opposition formée par les requérantes à l’égard de l’exécution forcée des décisions susvisées lancée par la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes). Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, il ressort d’une façon suffisamment claire de la requête que le présent recours n’a pas
pour objet de remettre en cause l’autorité de la chose jugée par la Cour dans l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et par le Tribunal dans les arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), ni de contester les décisions prises par le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) dans le cadre de la
procédure d’exécution forcée de ces décisions. Il ressort en effet de la requête que ce recours vise à obtenir la réparation des préjudices moraux prétendument causés à chacune des requérantes par l’action des avocats représentant la Commission et d’un agent de l’OLAF, dans le cadre de la procédure d’opposition formée à l’égard de l’exécution forcée en question.
64 S’agissant des faits reprochés à la Commission dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée, il convient de relever que ceux-ci sont exposés d’une façon suffisamment précise aux points 15 à 30 de la requête, dans lesquels les requérantes reprochent aux avocats de la Commission ainsi qu’à un agent de l’OLAF entendu comme témoin d’avoir sciemment affirmé de façon erronée dans leurs écritures devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique
d’Athènes), ainsi que lors de l’audience du 12 décembre 2017, que, d’une part, elles étaient elles-mêmes intervenues dans la gestion des programmes européens bénéficiant d’un cofinancement auxquels participait Isotis ainsi que dans le litige relatif à ces programmes et, d’autre part, elles avaient causé un préjudice important à l’Union.
65 De la même façon, les requérantes exposent de façon suffisamment précise, aux points 41 à 84 de la requête, les raisons pour lesquelles elles considèrent que les faits reprochés à la Commission relèvent d’un comportement illégal. Il ressort ainsi de la requête que les requérantes estiment que le comportement reproché à la Commission est illégal en ce qu’il a porté atteinte, notamment, à leur droit à la dignité au sens de l’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de l’article 2 TUE et du préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948, au principe de bonne administration, aux principes de légalité, de bonne foi et de protection de la confiance légitime ainsi qu’à leur droit à un recours effectif et à un tribunal impartial et en ce qu’il a constitué, en tout état de cause, un abus de droit.
66 Il convient également de rejeter l’argument de la Commission concernant le prétendu manque de clarté de la requête quant à la façon dont les requérantes ont calculé le montant du préjudice moral dont elles demandent à être indemnisées. En effet, indépendamment de la question du bien-fondé de la demande indemnitaire des requérantes et de son appréciation ex æquo et bono par le Tribunal, force est de constater que le premier chef de conclusions de la requête précise suffisamment la façon dont les
requérantes ont calculé le montant de 500000 euros de préjudice pour chacune d’entre elles. Il est en effet indiqué que ledit montant représente la somme des préjudices causés par cinq allégations formulées par les représentants de la Commission dans les écritures déposées devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée et dans le cadre de la procédure de référé devant cette même
juridiction, pour chacun desquels les requérantes demandent à être indemnisées à hauteur de 100000 euros.
67 Deuxièmement, s’agissant de l’affaire T‑81/19, il convient de relever que, tout comme dans l’affaire T‑721/18, les points 1 à 9 de la requête contiennent une appréciation critique concernant l’attitude de la Commission dans le cadre des litiges qui ont opposé celle-ci à Isotis et ayant donné lieu à l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et aux arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016,
Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63). Il convient également de relever que la requête contient de nombreuses références au déroulement de la procédure d’opposition à l’exécution forcée des décisions susvisées lancée par la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) ainsi que devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes). Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, il ressort d’une façon
suffisamment claire de la requête que le présent recours n’a pas pour objet de remettre en cause l’autorité de la chose jugée par la Cour dans l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et par le Tribunal dans les arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), ni de contester les décisions prises par le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de
première instance à juge unique d’Athènes) dans le cadre de la procédure d’exécution forcée.
68 Il ressort ainsi de la requête que ce recours vise à obtenir la réparation des préjudices moraux prétendument causés à chacune des requérantes par l’action des avocats représentant la Commission dans le cadre de la procédure d’appel à l’encontre de l’arrêt du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) du 4 juillet 2018, concernant la possibilité pour la Commission d’obtenir à l’égard des requérantes l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016,
Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63).
69 S’agissant des faits reprochés à la Commission concernant le déroulement de la procédure devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), il convient de relever que ceux-ci sont exposés d’une façon suffisamment précise aux points 34 à 62 de la requête, dans lesquels les requérantes reprochent aux avocats de la Commission d’avoir non seulement répété dans leurs écritures déposées devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) les allégations erronées formulées dans les écritures déposées
devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), qui font l’objet du recours dans l’affaire T‑721/18, mais également formulé volontairement de très nombreuses nouvelles allégations erronées en vue d’induire l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) en erreur sur un certain nombre de faits et de permettre ainsi de tenir les requérantes pour personnellement responsables des dettes d’Isotis à l’égard de la Commission.
70 De la même façon, les requérantes exposent de façon suffisamment précise, aux points 63 à 92 de la requête, les raisons pour lesquelles elles considèrent que les faits qui auraient été commis par les avocats de la Commission relèvent d’un comportement illégal. Il ressort ainsi de la requête que les requérantes estiment que le comportement reproché à la Commission est illégal en ce qu’il a porté atteinte, premièrement, au devoir de vérité et de loyauté qui incombe aux parties, au principe général
fondamental de l’administration équitable de la justice ainsi qu’au droit à un procès équitable, deuxièmement, au droit à la dignité humaine et au principe de bonne administration et, troisièmement, aux principes de légalité, de bonne foi et de protection de la confiance légitime.
71 Par ailleurs, il convient de relever que la requête est suffisamment claire concernant la façon dont les requérantes ont calculé le montant du préjudice moral dont elles demandent à être indemnisées. En effet, indépendamment de la question du bien-fondé de la demande indemnitaire des requérantes et de son appréciation ex æquo et bono par le Tribunal, force est de constater que le premier chef de conclusions de la requête précise suffisamment la façon dont les requérantes ont calculé le montant de
1100000 euros de préjudice pour chacune d’entre elles.
72 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le contenu des requêtes introductives d’instance n’a pas rendu impossible, ni même excessivement difficile, l’exercice par la Commission de ses droits de la défense et remplit, par conséquent, la condition de clarté imposée par l’article 76, sous d), du règlement de procédure, au sens de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus.
73 La fin de non-recevoir soulevée par la Commission et tirée du caractère imprécis des requêtes quant à l’objet du litige et aux arguments avancés par les requérantes dans les présentes affaires doit, dès lors, être rejetée.
– Sur l’identité des parties défenderesses
74 La Commission soutient que les recours sont irrecevables en ce qu’il ne ressort pas clairement des requêtes qui sont les parties défenderesses visées par lesdits recours.
75 Les requérantes contestent les arguments de la Commission. Dans leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 11 mai 2020, elles indiquent que les recours dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 sont dirigés contre la Commission en tant qu’institution ayant une personnalité juridique propre et contre la Commission en tant qu’elle représente légalement l’Union. Les requérantes précisent dans la même réponse que la phrase utilisée dans les requêtes, selon laquelle les recours sont
dirigés contre « [l]’Union européenne, légalement représentée », doit être considérée comme signifiant que les recours sont dirigés non seulement contre la Commission en tant qu’institution, mais également contre l’Union légalement représentée par la Commission.
76 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 76, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir la désignation de la partie principale contre laquelle le recours est formé.
77 En l’espèce, il ressort des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 ainsi que des réponses des requérantes aux mesures d’organisation de la procédure du 11 mai 2020 que les présents recours sont, tous deux, fondés sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et dirigés, d’une part, contre l’Union « légalement représentée » par la Commission et, d’autre part, contre la Commission « en tant que personne morale distincte ».
78 Ainsi qu’il a été constaté aux points 63 et 68 ci-dessus, il ressort également des requêtes dans les présentes affaires que, par leurs recours, les requérantes visent à obtenir l’indemnisation de préjudices qu’elles auraient subis en raison du prétendu comportement des représentants légaux de la Commission ainsi que d’un agent de l’OLAF.
79 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».
80 Il importe également de rappeler que l’article 47 TUE confère la personnalité juridique à l’Union, et non à la Commission.
81 Ainsi, conformément à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, une partie demanderesse à un recours en indemnité fondé sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est fondée à diriger son action contre l’Union, qui est dotée de la personnalité juridique (voir ordonnance du 2 février 2015, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, non publiée, EU:T:2015:80, point 16 et jurisprudence citée).
82 Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante, tant de la Cour que du Tribunal, que, lorsque la responsabilité de l’Union est engagée par l’acte de l’une de ses institutions, elle est représentée devant le Tribunal par la ou les institutions auxquelles le fait générateur de responsabilité est reproché (voir ordonnance du 2 février 2015, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, non publiée, EU:T:2015:80, point 23 et jurisprudence citée).
83 Il s’ensuit que les présents recours sont irrecevables en ce qu’ils sont dirigés contre la Commission « en tant que personnalité morale distincte ».
– Sur la portée des deuxièmes et troisièmes chefs de conclusions
84 La Commission fait valoir que le deuxième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 est irrecevable au motif qu’il dépasserait manifestement l’objet du litige de ces deux affaires. Le troisième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 serait également irrecevable en raison de son caractère imprécis, les requérantes n’ayant pas indiqué quel type de déclaration la Commission pourrait faire et selon quelle procédure.
85 Les requérantes contestent les arguments de la Commission.
86 Premièrement, s’agissant du deuxième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19, par lequel les requérantes demandent au Tribunal de condamner la Commission à s’abstenir de toute atteinte à leur personnalité à l’avenir, il convient de relever que celui-ci doit être regardé comme une demande d’injonction de ne pas faire.
87 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, relatifs à la responsabilité non contractuelle de l’Union, qu’une réparation en nature peut, le cas échéant, être octroyée par le juge de l’Union, en conformité avec les principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, et que cette réparation peut prendre la forme d’une injonction de faire ou de ne pas faire, pouvant conduire
la Commission à adopter un comportement donné (voir, en ce sens, ordonnances du 3 septembre 2013, Idromacchine e.a./Commission, C‑34/12 P, non publiée, EU:C:2013:552, point 29, et du 20 décembre 2019, Dragomir/Commission, T‑297/19, non publiée, EU:T:2019:902, point 66).
88 En outre, il y a lieu de relever que le deuxième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 est directement lié à l’objet du litige de ces deux affaires, dans la mesure où les requérantes visent par les présents recours à obtenir la réparation de préjudices moraux, constitués par une atteinte à leur réputation, dont elles estiment la Commission responsable.
89 Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il y a lieu de considérer que le deuxième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 est recevable. Il convient toutefois de rappeler qu’une telle injonction de ne pas faire ne saurait, le cas échéant, se concrétiser, sauf octroi de mesures provisoires sur le fondement des articles 278 et 279 TFUE, que si la responsabilité non contractuelle de l’Union est déjà établie (ordonnance du 20 décembre
2019, Dragomir/Commission, T‑297/19, non publiée, EU:T:2019:902, point 66).
90 Deuxièmement, s’agissant du troisième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19, par lequel les requérantes demandent au Tribunal, en substance, de condamner la Commission à faire une déclaration publique afin de rétablir leur réputation, il y a lieu de relever que celui-ci doit être regardé comme une demande d’injonction de faire.
91 À cet égard, il convient de relever que, si, conformément à la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus, il ne saurait être exclu qu’une réparation en nature puisse prendre la forme d’une injonction de faire adressée par le juge de l’Union à la Commission, encore faut-il que cette demande d’injonction réponde aux exigences de clarté et de précision imposées par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
92 Toutefois, en l’espèce, force est de constater que les requérantes n’ont précisé dans leurs requêtes ni la forme ni les modalités que la déclaration visant à rétablir leur réputation devait revêtir. Il convient en outre de relever que les explications fournies par les requérantes dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure du 11 mai 2020 quant à la portée exacte de leurs troisièmes chefs de conclusions ne sont pas suffisantes à cet égard. En effet, les requérantes ont certes
précisé la forme que devait prendre cette déclaration en indiquant qu’il s’agissait d’une déclaration extrajudiciaire adressée à chacune d’elles, par laquelle la Commission devait déclarer de manière claire et inconditionnelle qu’aucune des requérantes n’avait été impliquée dans un financement octroyé par l’Union et n’avait participé à la gestion effective des projets financés, ainsi que cela avait été reconnu par l’OLAF. Cependant, les requérantes ont également indiqué que cette déclaration
devait non seulement leur être communiquée, mais également être communiquée à chaque autorité, banque et personne physique qui, directement ou indirectement, avait eu connaissance des allégations inexactes et calomnieuses avancées par la Commission et ses représentants telles qu’elles sont décrites dans les présents recours. Or, force est de constater qu’une telle demande est, en soi, trop imprécise pour être considérée comme répondant aux exigences de précision et de clarté imposées par
l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
93 Il s’ensuit que le troisième chef de conclusions de chacune des requêtes dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 doit être rejeté comme étant irrecevable.
Sur la litispendance
94 La Commission fait valoir que les allégations avancées par les requérantes dans l’affaire T‑81/19 sont identiques à celles formulées dans l’affaire T‑721/18 et que, dans la mesure où ces allégations portent sur la procédure d’opposition à l’exécution forcée et sur les arguments avancés par la Commission dans le cadre de cette procédure avant l’introduction du recours dans l’affaire T‑721/18, l’introduction d’un second recours n’était pas justifiée.
95 Invitée par le Tribunal à prendre position sur une éventuelle situation de litispendance avec l’affaire T‑721/18, la Commission précise dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 1er août 2019 que les conditions pour constater une situation de litispendance sont réunies. La Commission relève à cet égard que, dans les deux affaires, les requérantes demandent l’indemnisation du même préjudice, à savoir une atteinte alléguée à leur personnalité, consécutive à un même fait
dommageable constitué par les allégations présentées par la Commission dans ses mémoires en première instance et en deuxième instance devant les juridictions grecques dans le cadre d’un même litige. La Commission souligne que les requérantes ont repris aux points 15 à 33 de la requête dans l’affaire T‑81/19 des arguments relatifs aux allégations qu’elle a formulées dans le cadre de la procédure de référé et en première instance, qu’elles avaient déjà contestées dans le cadre du recours dans
l’affaire T‑721/18. La Commission souligne également s’être limitée à répéter en appel les allégations déjà formulées en référé et en première instance, la présentation d’allégations nouvelles n’étant pas permise en appel. La répétition de ces allégations ne constituerait pas une pratique distincte susceptible de causer aux requérantes un préjudice différent de celui prétendument causé par la formulation des mêmes allégations en première instance. Il en irait de même de la prétendue illégalité de
son comportement, les requérantes invoquant dans l’affaire T‑81/19 une violation des principes de légalité, de bonne foi, de protection de la confiance légitime, de dignité humaine et de bonne administration, qu’elles invoquaient déjà dans la requête dans l’affaire Τ‑721/18. Pour finir, la Commission relève que les conclusions sont elles aussi identiques, les requérantes demandant dans les deux affaires qu’elle les indemnise d’un préjudice moral et qu’elle soit condamnée à s’abstenir de toute
atteinte à leur personnalité à l’avenir et à rétablir leur honneur et leur réputation par une déclaration. De plus, la somme des montants forfaitaires individuels réclamés par les requérantes dans les deux affaires s’élèverait, à peu près, au même montant que sa créance. En conséquence, la Commission estime que le recours dans l’affaire T‑81/19 doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance avec le recours introduit dans l’affaire T‑721/18.
96 Les requérantes soutiennent que les deux recours ne portent pas sur les mêmes faits. Ainsi, elles font valoir que, si le recours dans l’affaire T‑721/18 vise à obtenir la réparation des préjudices moraux qui leur ont été causés par les allégations « mensongères et diffamatoires » formulées par la Commission dans le cadre de la procédure de référé et de première instance, le recours dans l’affaire T‑81/19 vise en revanche à obtenir la réparation des préjudices moraux qui leur ont été causés par la
réitération de ces allégations et par l’ajout de nouvelles allégations « mensongères et diffamatoires » dans les mémoires déposés par les avocats de la Commission les 13 et 18 décembre 2018 devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), auprès de laquelle elles avaient interjeté appel de l’arrêt du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) du 4 juillet 2018.
97 Les requérantes font également valoir que le fondement juridique des deux recours non plus n’est pas identique. Les requérantes font observer à cet égard que, dans la requête dans l’affaire T‑721/18, elles soutiennent que le comportement reproché à la Commission est illégal, notamment, en ce qu’il porte atteinte au droit à un recours effectif et à un tribunal impartial et constitue un abus de droit, alors que ces chefs d’illégalité ne sont pas soulevés dans la requête dans l’affaire T‑81/19. De
la même façon, les requérantes font observer que la requête dans l’affaire T‑81/19 contient un chef d’illégalité, à savoir la violation du devoir de vérité et de loyauté incombant aux parties, qui ne figure pas dans la requête dans l’affaire T‑721/18. De plus, les requérantes soulignent que les chefs d’illégalité communs aux deux recours ne soutiennent pas des chefs de conclusions identiques. Les requérantes font en outre valoir que l’argument de la Commission selon lequel la réparation du
préjudice moral allégué dans l’affaire T‑721/18 ne pourrait être à nouveau recherchée dans le cadre de l’affaire T‑81/19 ne vise pas une situation de litispendance, mais celle dans laquelle une partie requérante chercherait à remettre en cause l’autorité de la chose jugée, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
98 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, un recours qui oppose les mêmes parties et tend aux mêmes fins, sur le fondement des mêmes moyens qu’un recours introduit antérieurement, doit être rejeté comme irrecevable (ordonnance du 14 juin 2007, Landtag Schleswig-Holstein/Commission, T‑68/07, non publiée, EU:T:2007:180, point 16 ; voir également, en ce sens, arrêts du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172/83 et 226/83, EU:C:1985:355, point 9,
et du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, EU:C:1988:431, point 12).
99 En l’espèce, il convient de relever que les recours dans les affaires T‑721/18 et T‑81/19 ont tous deux été introduits sur le fondement de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et opposent les mêmes parties.
100 Toutefois, force est de constater que, si les deux recours visent l’indemnisation de préjudices moraux prétendument causés à chacune des requérantes par la Commission, les préjudices dont la réparation est demandée ne sont pas identiques dans la mesure où ils trouvent leur origine dans des faits différents.
101 En effet, d’une part, il ne saurait être exclu, a priori, que la réitération d’allégations prétendument mensongères et diffamatoires puisse faire naître en elle-même un préjudice distinct de celui causé initialement au seul motif que cette répétition a eu lieu dans le cadre de la procédure d’appel.
102 D’autre part, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, cette dernière ne s’est pas limitée à répéter en appel les allégations déjà formulées en référé et en première instance. Les requérantes ont ainsi identifié 17 nouvelles allégations aux points 40 à 56 de la requête. À cet égard, la Commission se borne à soutenir qu’elle n’a pas formulé de nouvelles allégations dans le cadre de la procédure d’appel. Toutefois, il est notable qu’elle n’explique pas où les
allégations identifiées comme nouvelles par les requérantes auraient déjà été formulées dans la procédure de référé ou la procédure d’opposition en première instance.
103 Partant, il ne peut donc pas être exclu que ces nouvelles allégations, à les supposer dommageables, puissent faire naître un préjudice moral distinct de celui dont les requérantes se prévalent dans l’affaire T‑721/18.
104 Par ailleurs, il y a lieu de relever que le moyen tiré de la violation du devoir de vérité et de loyauté incombant aux parties, invoqué par les requérantes dans l’affaire T‑81/19, n’a pas été invoqué, en tant que tel, dans la requête dans l’affaire T‑721/18.
105 Les deux recours n’ayant pas un objet strictement identique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 98 ci-dessus, il n’est pas possible de conclure à la litispendance et il convient, par conséquent, de considérer le recours dans l’affaire T‑81/19 comme recevable en ce qui concerne la demande d’indemnisation du préjudice moral prétendument causé à chacune des requérantes par les allégations contenues dans les écritures déposées par les avocats de la Commission devant l’Efeteio Athinon
(cour d’appel d’Athènes).
Sur le fond
106 En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
107 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici
Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 95).
108 Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37). Par ailleurs, le juge de l’Union
n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).
Sur le comportement reproché à la Commission
109 Dans l’affaire T‑721/18, les requérantes font grief à la Commission de les avoir présentées, dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique
d’Athènes), par le biais d’allégations contenues dans ses écritures et le témoignage d’un agent de l’OLAF, que la Commission savait être erronées, comme des personnes ayant été impliquées directement dans la gestion des fonds de l’Union qu’Isotis avait été condamnée à rembourser à la Commission par lesdits arrêts. La Commission aurait ainsi présenté les requérantes aux yeux des tiers comme des personnes insolvables et peu fiables se livrant à des actes frauduleux, ce qui aurait porté gravement
atteinte à leur réputation. Cette atteinte grave à leur réputation se serait traduite par un préjudice moral d’un montant de 500000 euros pour chacune d’entre elles.
110 Dans l’affaire T‑81/19, les requérantes reprochent à la Commission la formulation par les représentants de cette dernière devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) d’allégations sciemment erronées, dont certaines avaient déjà été formulées en première instance par ces mêmes représentants, qui visaient, en substance, à induire cette juridiction en erreur concernant l’implication de la première requérante dans la gestion des programmes européens par Isotis et le caractère fictif de la
personnalité morale d’Isotis. L’objectif de ce comportement était, selon les requérantes, de convaincre l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) qu’il convenait d’écarter l’application des dispositions du droit national qui s’opposaient à ce que les requérantes puissent être tenues pour personnellement responsables, en leur qualité d’associées, des dettes d’Isotis envers la Commission, ce qui aurait justifié l’exécution forcée des arrêts à l’encontre des requérantes.
111 La Commission conteste la réalité du comportement qui lui est reproché, en ce qu’elle n’aurait pas présenté les requérantes devant les juridictions grecques comme des fraudeuses, mais aurait simplement avancé des arguments factuels afin de démontrer que les conditions prévues par la législation grecque pour obtenir l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016,Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11,
EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), à l’encontre des requérantes étaient réunies en l’espèce.
112 À cet égard, premièrement, en ce qui concerne le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑721/18, il convient de relever que les requérantes se réfèrent à des passages spécifiques des notes en délibéré du 14 décembre 2017, des conclusions du 17 avril 2018 et du mémoire complémentaire du 20 avril 2018, déposés par les avocats de la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), ainsi qu’au témoignage d’un agent de l’OLAF
devant cette même juridiction, le 12 décembre 2017, reproduit dans l’une des notes en délibéré du 14 décembre 2017.
113 Il y a lieu d’observer que la note en délibéré du 14 décembre 2017 déposée en réponse à la demande des requérantes du 11 septembre 2017 de sursis à l’exécution forcée contenait l’affirmation suivante :
« Dans les deux recours juridictionnels, les défenderesses cherchent de manière totalement illégale et abusive à se soustraire à toute responsabilité et à prendre leurs distances par rapport à une affaire qu’elles suivaient et géraient elles-mêmes directement depuis dix ans et par l’intermédiaire d’une personne de leur entourage familial immédiat. »
114 Cette même note en délibéré contenait également l’affirmation suivante :
« […] la première défenderesse a été nommée administratrice, représentante légale et trésorière de la société et gérait seule l’ensemble des affaires de la société au titre des articles 748 et suivants du code civil. »
115 Il était également précisé dans la note en question au sujet de la dette d’Isotis constatée dans les arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), qu’« il s’agi[ssai]t d’une dette qui n’a[vait] pas été contractée par une entité juridique qui leur [étai]t étrangère, mais en vertu du contrat d’une société dotée d’une personnalité juridique contestée derrière laquelle opéraient les défenderesses,
ainsi qu’une personne de leur entourage familial immédiat ».
116 Les avocats de la Commission ont, en outre, affirmé dans cette même note « […] qu’il a[vait] été prouvé également en droit que [la Commission] avait prétendument subi un préjudice important qui était la conséquence directe des actes et des manquements commis pendant de nombreuses années par les dirigeants de la société civile partie adverse ».
117 Par ailleurs, toujours dans la même note, les avocats de la Commission ont rapporté les propos tenus par l’agent de l’OLAF lors de l’audience du 12 décembre 2017 dans les termes suivants :
« […] le seul moyen de recouvrer les fonds européens est de diligenter une mesure d’exécution forcée contre les biens des défenderesses (lesquelles étaient également les personnes physiques qui opéraient derrière e-Isotis). […] En particulier, la première défenderesse était aux commandes d’e-Isotis, l’organisait et la dirigeait (avec le concours de son époux). »
118 Il convient de relever que les passages cités aux points 113 à 117 ci-dessus ont été repris dans la seconde note en délibéré du 14 décembre 2017 des avocats de la Commission, concernant la demande des requérantes du 1er novembre 2017 tendant à obtenir le sursis à l’exécution forcée, ainsi que la protection de leur personnalité, et dans les conclusions desdits avocats du 17 avril 2018.
119 Il convient également de relever que le mémoire complémentaire déposé par les avocats de la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) le 20 avril 2018 contenait l’affirmation suivante :
« […] les défenderesses sont restées les seules associées de la société civile et, contrairement aux allégations de leurs témoins, elles ont été, du début à la fin, au courant de la gestion, sous leur contrôle, des fonds publics européens dont leur société bénéficiait. »
120 Il ressort des passages des écritures des représentants de la Commission cités ci-dessus, dont la Commission ne conteste pas l’authenticité, que lesdits représentants ont soutenu devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) que les requérantes avaient joué un rôle très actif dans la gestion d’Isotis, y compris en ce qui concerne les financements de l’Union dont bénéficiait Isotis au titre des programmes dirigés par A, l’époux de la première
requérante et le gendre de la seconde requérante.
121 Or, il convient de relever que le rapport de l’OLAF du 15 novembre 2011 concernant l’enquête demandée par la Commission sur de potentielles fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union de la part d’Isotis, de la première requérante et de A indiquait ce qui suit :
« [La première requérante] n’a nullement été impliquée dans le financement accordé par la Commission, étant donné que, en pratique, elle n’a jamais participé à la gestion des projets [et] était la représentante légale de la société, tandis que [A] était responsable de la gestion et, en particulier, de la mise en œuvre des programmes européens. [La première requérante] participait en tant que conseillère juridique/collaboratrice à certains des projets européens pour lesquels [A] a exercé des
fonctions de coordination et de gestion. La principale occupation de [la première requérante] consistait à surveiller et à garantir la légalité des procédures spécifiques requises pour la mise en œuvre des projets européens telles que la protection des données à caractère personnel, la nature des utilisateurs finaux/pilotes participant au projet, les questions de propriété intellectuelle et l’utilisation des résultats livrés. »
122 Il convient également de relever que, dans son rapport du 23 mai 2016, le procureur auprès du tribunal correctionnel d’Athènes, auquel la Commission avait transmis le rapport d’enquête de l’OLAF du 15 septembre 2011, a conclu à l’absence de fraude aux intérêts financiers de l’Union en indiquant, au sujet de la première requérante, ce qui suit :
« En dernier lieu, s’agissant de la [première requérante], aucun élément du dossier ne permet de conclure à son implication substantielle dans une quelconque activité menée par son époux en rapport avec le financement des contrats en cause, ce qui est, d’ailleurs, expressément confirmé par l’OLAF dans son rapport en question, et même sa rémunération pour sa prestation de services juridiques correspondait à ses honoraires légaux pour lesquels elle avait été régulièrement imposée et qui ne lui ont
pas été versés sous forme de paiement de dividende, et n’était pas interdite par les statuts d’[Isotis]. »
123 Il ressort des constatations opérées par l’OLAF ainsi que par le ministère public grec que la première requérante n’a pas joué un rôle déterminant en ce qui concerne la gestion des financements de l’Union dont avait bénéficié Isotis.
124 Force est donc de constater que la description par la Commission du rôle actif prétendument joué par les requérantes dans la gestion d’Isotis devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) est contredite, s’agissant de la première requérante, par les constatations contenues dans le rapport de l’OLAF du 15 septembre 2011 ainsi que par le rapport du procureur d’Athènes du 23 mai 2016.
125 Toutefois, il ne saurait être déduit de ce simple constat que la Commission ait sciemment présenté, à tort, les requérantes comme des personnes ayant commis des fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes).
126 En effet, il convient de relever que, dans les écritures déposées devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), les représentants de la Commission ont fait grief aux requérantes non pas de s’être rendues coupables d’actes frauduleux, mais d’avoir joué un rôle actif dans la gestion d’Isotis et, partant, dans les manquements aux obligations contractuelles de cette dernière à l’égard de la Commission, qui ont conduit le Tribunal à condamner Isotis
au remboursement de la totalité des préfinancements perçus au titre de neufs contrats de subvention assortie d’intérêts de retard et d’une indemnité forfaitaire par l’arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et au remboursement d’une partie du préfinancement perçu au titre d’un dixième contrat de subvention assortie d’intérêts de retard par l’arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63).
127 En outre, il importe de rappeler que, dans son rapport du 23 mai 2016, le procureur d’Athènes a estimé qu’il n’existait pas d’indice que A, qui était directement chargé de la gestion des programmes européens auxquels participait Isotis, y compris ceux faisant l’objet des contrats de subvention visés par l’audit de février 2010, se soit rendu coupable d’un délit de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Dans ces conditions, la simple allégation que les requérantes avaient
joué un rôle actif dans la gestion d’Isotis, y compris en ce qui concerne la gestion des financements de l’Union, ne saurait être regardée comme une accusation de fraude portée à leur égard.
128 Deuxièmement, en ce qui concerne le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑81/19, il convient de relever que les requérantes renvoient à des passages spécifiques des conclusions et du mémoire complémentaire déposés par les représentants de la Commission devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) repris au point 55 ci-dessus, qui, pour une partie d’entre eux, reprennent les allégations déjà formulées en première instance quant au rôle actif joué par les requérantes dans la
gestion d’Isotis et, pour l’autre partie, mettent en cause la réalité de l’activité d’Isotis et, partant, l’existence de sa personnalité morale.
129 À cet égard, il y a lieu de relever que les considérations exposées aux points 126 et 127 ci-dessus concernant le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑721/18 valent, mutatis mutandis, pour ce qui concerne le comportement qui lui est reproché dans l’affaire T‑81/19.
130 Par ailleurs, il convient de relever que, indépendamment de leur bien-fondé, les allégations contenues dans les écritures déposées par les représentants de la Commission devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) et qui visaient à remettre en cause la réalité de l’activité d’Isotis et, partant, l’existence de sa personnalité morale n’impliquent pas, en elles-mêmes, une accusation de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union à l’encontre des requérantes.
131 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si la circonstance que les représentants de la Commission ont soutenu, à tort, que les requérantes avaient joué un rôle actif dans la gestion d’Isotis et formulé un certain nombre d’allégations factuelles visant à remettre en cause la réalité de l’activité d’Isotis et, partant, l’existence de sa personnalité morale, devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) ou devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel
d’Athènes), est constitutive d’un comportement illégal susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.
Sur l’illégalité du comportement reproché à la Commission
132 Il convient de rappeler que, s’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné visée au point 107 ci-dessus, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 36). Une telle violation est établie lorsqu’elle implique une
méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 33 et jurisprudence citée).
133 En l’espèce, dans l’affaire T‑721/18, les requérantes font valoir que le comportement reproché à la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) était constitutif d’une violation grave et manifeste de règles qui confèrent des droits aux particuliers. Les requérantes ont ainsi soutenu dans leur requête que la Commission avait violé leur droit à la dignité humaine, consacré par l’article 1er de la charte des droits fondamentaux,
l’article 2 TUE, le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elles ont également fait valoir que ce comportement était contraire au principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, le code de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission européenne dans ses relations avec le public (JO 2000, L 267, p. 63) ainsi que les articles 4, 7 et 11
du code européen de bonne conduite administrative.
134 Il importe de souligner que, dans leur requête, les requérantes soutenaient également que, en ayant tenté d’obtenir l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), à leur égard, la Commission avait violé le principe de légalité, qui incluait le principe pacta sunt servanda,
consacré par l’article 216, paragraphe 2, TFUE, le principe de bonne foi, le principe de protection de la confiance légitime, leur droit à une protection juridictionnelle effective ainsi que leur droit d’être entendues et leur droit à un procès équitable, consacrés par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. En outre, les requérantes soutenaient, « à titre subsidiaire », que, à supposer que la Commission ait eu le droit de diligenter une exécution forcée contre elles, elle l’avait
fait de façon abusive et illégale.
135 Ainsi, premièrement, s’agissant de l’atteinte qui aurait été portée par le comportement de la Commission au principe de bonne foi et au principe de protection de la confiance légitime, les requérantes faisaient observer, d’une part, que la Commission était tenue, conformément aux dispositions du règlement (CE) no 2321/2002, du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de
diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du sixième programme-cadre de la Communauté européenne (2002-2006) (JO 2002, L 355, p. 23), de vérifier si les organismes avec lesquels elle entendait conclure un contrat de financement dans le cadre du sixième programme-cadre étaient dotés de la personnalité juridique et, d’autre part, que la conclusion des contrats de financement entre la Commission et Isotis avait été précédée, pour chacun desdits contrats, de l’acceptation par la
Commission des statuts d’Isotis, qui excluaient explicitement la responsabilité de ses associées au-delà de leur apport en capital en cas de manquement d’Isotis à ses obligations contractuelles. Les requérantes soulignaient également que la Commission avait connaissance de l’article 784 du code civil grec, qui excluait la responsabilité des associés d’une société civile telle qu’Isotis en ce qui concerne les manquements aux obligations contractuelles de cette dernière, et que jusqu’au début de
la procédure d’exécution forcée, la Commission n’avait jamais intenté d’action à l’encontre des requérantes en exigeant d’elles le paiement des montants réclamés à Isotis ni fait d’allusion à cet égard à un stade quelconque de la procédure devant le Tribunal, puis devant la Cour dans le cadre des litiges l’opposant à Isotis.
136 Les requérantes soutenaient que, dans ces conditions, en concluant à plusieurs reprises des contrats de financement avec Isotis dans le cadre du sixième programme-cadre et en participant par la suite à leur exécution, la Commission leur avait, de manière répétée et constante, donné la confirmation précise et sans réserve, chaque fois, qu’elle reconnaissait la personnalité juridique d’Isotis. Par conséquent, en affirmant dans les écritures déposées par ses avocats devant le Monomeles Protodikeio
Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) que la personnalité morale d’Isotis était contestée, que celle-ci ne poursuivait pas un but économique et que, dès lors, les conditions pour l’application de l’article 784 du code civil grec n’étaient pas réunies, la Commission aurait porté atteinte au principe de protection de la confiance légitime et au principe de l’exécution de bonne foi des conventions.
137 Deuxièmement, s’agissant de l’atteinte portée par la Commission au principe de légalité, les requérantes soutenaient que la Commission avait lancé l’exécution forcée à leur égard sans avoir respecté la procédure précontentieuse prévue par l’article 80 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de
l’Union (JO 2012, L 362, p. 1). Les requérantes soutenaient également que la Commission avait violé le principe de légalité en tentant d’obtenir le recouvrement d’une dette qui, en l’absence d’une note de débit leur ayant été notifiée, était prescrite depuis 2016, conformément à l’article 93, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012 et à l’article 252 du code civil grec.
138 Troisièmement, s’agissant de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, du droit d’être entendu et du droit à un procès équitable, consacrés par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, les requérantes soulignaient que, compte tenu du caractère exclusif des clauses compromissoires contenues dans les contrats de subvention qui ont fait l’objet de l’audit du 10 février 2010, elles n’avaient pas eu la possibilité de faire valoir devant la Cour ou le Tribunal dans
le cadre des affaires ayant donné lieu à l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et aux arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), ni devant une juridiction nationale, qu’elles ne pouvaient pas être tenues pour personnellement responsables, en qualité d’associées des dettes d’Isotis.
139 Quatrièmement, enfin, s’agissant de l’argumentation prise d’un abus de droit, les requérantes faisaient valoir que, en substance, la Commission avait bénéficié des résultats des projets pour lesquels elle avait versé un cofinancement et qu’elle utilisait à ses fins, qu’elle avait réalisé des économies sur le cofinancement des projets ASK-IT et EU4ALL, qui n’avait jamais été versé à Isotis, qu’elle avait bénéficié du patrimoine personnel des requérantes à hauteur d’un montant de 200600 euros, que
ces dernières avaient mis à disposition pour l’exécution des projets, qu’elle savait que les cofinancements qu’elle avait versés à Isotis avaient été, par la suite, reversés pour plus de 85 %, sous forme d’impôts à l’État grec, de cotisations sociales et de salaires aux employés d’Isotis, et qu’elle n’avait pas essayé de limiter sa créance en retenant sur les fonds du consortium chargé des projets les sommes qu’elle estimait lui être dues par Isotis, comme elle en avait le droit. Dans ces
conditions, les requérantes estimaient que, en leur demandant de lui restituer tous les montants qu’elle avait versés à Isotis, majorés des intérêts correspondants, la Commission cherchait à obtenir un bénéfice excessif, abusif et, partant, illégal.
140 Dans l’affaire T‑81/19, les requérantes font valoir que le comportement reproché à la Commission a porté atteinte à leur droit à la dignité humaine et au principe de bonne administration ainsi qu’aux principes de légalité, de bonne foi et de protection de la confiance légitime, dans des termes identiques à ceux de l’affaire T‑721/18.
141 Les requérantes font en outre valoir que le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑81/19 a porté atteinte au devoir de vérité et de loyauté qui incombe aux parties et au principe général fondamental de l’administration équitable de la justice.
142 Les requérantes soutiennent à cet égard que, par son comportement, la Commission a violé de manière flagrante le devoir de vérité et de loyauté qu’elle avait l’obligation de respecter pendant la durée du litige l’opposant à elles, conformément aux dispositions des articles 116 et 261 du code de procédure civile grec, ainsi que le principe général fondamental qui impose aux avocats représentants et mandataires ad litem de la Commission, en vertu du code de déontologie des avocats grec, de
contribuer à la procédure d’administration équitable de la justice en respectant le devoir de vérité, applicables à la procédure d’opposition à l’exécution forcée en vertu de l’article 299 TFUE. Selon les requérantes, ces principes sont repris dans la charte des principes essentiels de l’avocat européen, adoptée lors de la session plénière du Conseil des barreaux européens (CCBE) à Bruxelles (Belgique) le 24 novembre 2006, qui comporte des principes de droit régissant la profession d’avocat
communs dans les États membres.
143 La Commission conteste la recevabilité des arguments des requérantes, dès lors que ceux-ci auraient trait à des questions qui ont déjà été appréciées définitivement par le juge grec, dont la compétence à cet égard découle de l’article 299 TFUE.
144 Par ailleurs, la Commission fait valoir que son comportement lors de la procédure d’opposition à l’exécution forcée devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) et devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) n’est affecté d’aucune illégalité susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.
145 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que les arguments des requérantes exposés aux points 135 à 139 ci-dessus ne se rapportent pas aux allégations contenues dans les écritures déposées par les représentants de la Commission devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des
arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), ni au témoignage d’un agent de l’OLAF dans le cadre de cette même procédure, par lesquels il aurait été porté atteinte à la réputation des requérantes, mais à la circonstance même que la Commission a lancé une procédure d’exécution forcée desdites décisions à l’encontre des requérantes.
146 Il importe également de relever que, en réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont indiqué à l’audience que leurs demandes indemnitaires visaient uniquement à obtenir réparation des préjudices qui leur avaient été causés par les allégations contenues dans les écritures déposées par les représentants de la Commission et le témoignage d’un agent de l’OLAF devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes), puis devant l’Efeteio Athinon
(cour d’appel d’Athènes), dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63). Les requérantes ont précisé qu’elles faisaient grief à la Commission non pas d’avoir tenté d’obtenir l’exécution forcée de ces décisions à leur égard, mais
d’avoir, à cet effet, sciemment formulé devant les juridictions grecques des allégations erronées en vue de contester la personnalité morale d’Isotis.
147 Par ailleurs, les requérantes ont également précisé à l’audience que leurs demandes indemnitaires n’étaient pas fondées sur la violation du principe pacta sunt servanda et qu’elles considéraient que leur droit à un procès équitable avait été respecté par les juridictions grecques dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11,
EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), et qu’elles ne faisaient pas davantage valoir une violation de leur droit à un procès équitable dans le cadre de la présente procédure.
148 Dès lors, il y a lieu de considérer que les arguments des requérantes tirés de la violation du principe de bonne foi, du principe de protection de la confiance légitime, du principe de légalité, du droit à un procès équitable, du principe pacta sunt servanda, du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit d’être entendu ainsi que de l’abus de droit, exposés aux points 135 à 139 ci-dessus, doivent être rejetés comme étant inopérants en ce que, de l’aveu même des requérantes, ils
ne viennent pas au soutien des conclusions indemnitaires de ces dernières.
149 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe de bonne administration, consacré dans l’ordre juridique de l’Union par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, force est de constater que les requérantes se bornent à affirmer, de manière très générale, que le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑721/18 et dans l’affaire T‑81/19 aurait porté atteinte au principe de bonne administration, sans aucunement étayer leur argumentation. Il y a donc lieu de
considérer que cette argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable, la simple invocation du principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Deza/Commission, T‑400/17, non publié, EU:T:2018:712, point 102).
150 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes tiré de la violation du droit à la dignité humaine, il convient de rappeler que l’article 1er de la charte des droits fondamentaux, qui prévoit que la dignité humaine est inviolable et qu’elle doit être respectée et protégée, constitue une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2017, Sotiropoulou e.a./Conseil, T‑531/14, non publié, EU:T:2017:297, points 75
et 76). Il y a donc lieu de vérifier si son éventuelle violation est, en l’espèce, de nature à engager la responsabilité de l’Union.
151 Il y a lieu d’observer que les requérantes ont précisé à l’audience que la Commission avait porté atteinte à leur dignité en les présentant devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de première instance à juge unique d’Athènes) et devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) comme des fraudeuses à l’égard de la Commission et de l’Union.
152 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté aux points 126 et 127 ci-dessus, l’argumentation des requérantes repose sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission les aurait présentées comme des personnes ayant commis des fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
153 En tout état de cause, il importe de rappeler que le fait de pouvoir faire valoir ses droits par la voie juridictionnelle et le contrôle juridictionnel qu’il implique est l’expression d’un principe général du droit qui se trouve au fondement des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a également été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (arrêts du 15 mai 1986,
Johnston, 222/84, EU:C:1986:206, points 17 et 18, et du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, EU:T:1998:183, point 60), et par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (arrêt du 4 avril 2019, Rodriguez Prieto/Commission, T‑61/18, EU:T:2019:217, point 75).
154 Or, il convient de relever que l’argumentation des requérantes revient à considérer que la présentation par la Commission de tout argument visant à démontrer un comportement frauduleux de leur part dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié,
EU:T:2016:63), entraînerait nécessairement une violation de leur droit à la dignité susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union dans la mesure où l’argument en question aurait été rejeté par les juridictions grecques.
155 Il s’ensuit que, si elle devait être accueillie, l’argumentation des requérantes reviendrait à limiter le droit de la Commission d’agir devant les juridictions nationales afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 299 TFUE, l’exécution forcée d’un arrêt du Tribunal lui reconnaissant une créance, conformément aux obligations que lui imposent l’article 317 TFUE de veiller à la bonne gestion des ressources de l’Union et l’article 325 TFUE de lutter contre la fraude et toute autre activité
illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
156 Il convient, dès lors, d’écarter l’argumentation des requérantes tirée de la violation de leur droit à la dignité humaine.
157 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument formulé par les requérantes dans l’affaire T‑81/19 selon lequel la Commission aurait, en l’espèce, porté atteinte au principe de loyauté procédurale, il convient de relever que les requérantes n’invoquent pas à cet égard la violation d’une règle de droit de l’Union conférant des droits aux particuliers, qui est une des conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union exigées par la jurisprudence rappelée au point 132
ci-dessus, mais la violation de l’article 116, paragraphe 1, et de l’article 261 du code de procédure civile grec ainsi que des dispositions du code de déontologie des avocats grec. Il convient, en outre, de relever que, pour autant que le principe de loyauté procédurale puisse être regardé comme un principe commun aux droits de plusieurs États membres, un tel principe n’a pas fait l’objet d’une consécration en droit de l’Union jusqu’à présent.
158 Par ailleurs, il convient de rappeler que, d’une part, aux termes de l’article 299, deuxième alinéa, TFUE, « [l]’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu » et, d’autre part, conformément à l’article 299, quatrième alinéa, TFUE, le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales.
159 Il importe de souligner, à cet égard, que la compétence des juridictions nationales pour contrôler la régularité des mesures d’exécution s’étend non seulement aux litiges liés à l’exécution forcée des actes du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou de la BCE, qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire, formant titre exécutoire, mais également aux litiges liés à l’exécution forcée des arrêts du Tribunal, conformément à l’article 280 TFUE
et à l’article 60 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
160 Par conséquent, ainsi que le fait justement valoir la Commission, il y a lieu de constater que c’était à l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) qu’il appartenait, en l’espèce, de s’assurer que le comportement des représentants de la Commission dans le cadre de la procédure d’opposition à l’exécution forcée de l’ordonnance du 31 mai 2016, Isotis/Commission (C‑450/14 P, non publiée, EU:C:2016:477), et des arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission (T‑59/11, EU:T:2014:679), et du 4 février
2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63), était conforme au principe de loyauté procédurale et, en particulier, à l’article 116, paragraphe 1, et à l’article 261 du code de procédure civile grec ainsi qu’aux dispositions du code de déontologie des avocats grec.
161 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument avancé par les requérantes à l’audience selon lequel c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier la violation du principe de loyauté procédurale par la Commission devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), dans la mesure où, en l’espèce, le Tribunal est seul compétent pour connaître des recours en responsabilité non contractuelle à l’encontre de l’Union ou de ses agents.
162 En effet, certes, le Tribunal est compétent, conformément à l’article 268 TFUE, pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, aux termes duquel, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».
163 Toutefois, le Tribunal ne saurait se prononcer, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, sur la prétendue violation par la Commission d’une règle nationale de droit procédural, dans le cadre d’un litige lié à l’exécution forcée d’un arrêt du Tribunal devant une juridiction nationale, sans porter atteinte aux prérogatives explicitement réservées à cette dernière par l’article 299 TFUE et, partant, à la répartition des
compétences entre le juge de l’Union et les juridictions nationales établie par le traité FUE.
164 Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel le comportement reproché à la Commission en l’espèce serait illégal en ce qu’il aurait porté atteinte au principe de loyauté procédurale doit être rejeté comme non fondé.
165 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le comportement reproché à la Commission dans l’affaire T‑721/18 et dans l’affaire T‑81/19 était constitutif d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers au sens de la jurisprudence citée au point 132 ci-dessus.
166 Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, le premier chef de conclusions indemnitaires et le deuxième chef de conclusions indemnitaires présentés par les requérantes dans chacune des affaires T‑721/18 et T‑81/19 doivent être rejetés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.
167 Il s’ensuit que les recours doivent être rejetés comme étant, pour partie, irrecevables et, pour partie, non fondés.
Sur les dépens
168 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Mme Zoï Apostolopoulou et Mme Anastasia Apostolopoulou-Chrysanthaki sont condamnées aux dépens.
Costeira
Kancheva
Perišin
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le grec.