La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2022 | CJUE | N°T-661/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, NV contre Agence de l'Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice., 23/03/2022, T-661/20


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 mars 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de l’eu-LISA – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Blâme – Dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives – Exception d’illégalité – Article 110 du statut – Absence de consultation du comité du personnel – Droits de la défense et droit d’être entendu – Articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut – Erreur d’appréciation – Principe de bonne administration – ArticleÂ

 10 de l’annexe IX du statut – Devoir de sollicitude –
Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑661/20,

NV, rep...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 mars 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de l’eu-LISA – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Blâme – Dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives – Exception d’illégalité – Article 110 du statut – Absence de consultation du comité du personnel – Droits de la défense et droit d’être entendu – Articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut – Erreur d’appréciation – Principe de bonne administration – Article 10 de l’annexe IX du statut – Devoir de sollicitude –
Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑661/20,

NV, représenté par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), représentée par M. M. Chiodi, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 3 février 2020 de l’eu-LISA d’infliger au requérant la sanction de blâme et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

1 Le requérant, NV, a été recruté le 16 octobre 2012 par l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), en tant qu’agent temporaire (grade AD 7, échelon 2) au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. Il occupait le poste d’administrateur des applications devenu, depuis le 1er septembre 2019, le poste d’opérateur des
technologies de l’information (grade AD 7, échelon 5).

2 Le 19 octobre 2018, le requérant a signalé, par un courriel adressé à plusieurs destinataires, un incident au cours duquel A, un autre agent de l’eu-LISA et collègue de travail, l’aurait menacé verbalement et physiquement. Plus précisément, cet agent se serait saisi d’une chaise et aurait menacé de s’en servir pour frapper le requérant, avant d’être interrompu par un autre collègue.

3 Le même jour, le requérant a été mis en congé maladie et a informé la police de ce qu’il craignait pour sa sécurité et celle de sa famille.

4 Le 21 octobre 2018, à la suite de l’incident mentionné au point 2 ci‑dessus, le requérant a déposé une demande d’assistance visant A, sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

5 Par décision du directeur exécutif de l’eu-LISA du 15 février 2019, dont le requérant a été informé le jour suivant, une enquête administrative a été ouverte afin d’établir l’ensemble des faits et circonstances pertinents liés aux allégations de harcèlement moral portées par le requérant à l’encontre de A. Par cette même décision, un fonctionnaire de la Commission européenne à la retraite a été désigné pour diriger l’enquête (ci-après l’« enquêteur »).

6 Le 4 mars 2019, le requérant a été entendu par l’enquêteur dans le cadre de l’enquête. Au cours de cet entretien, le requérant a eu l’occasion de présenter les faits l’ayant conduit à introduire une demande d’assistance et a fourni des exemples des prétendus actes de harcèlement commis par A. Le compte rendu de cet entretien a ensuite été transmis au requérant qui en a renvoyé une copie signée à l’enquêteur en précisant qu’il ne représentait pas la transcription complète ou intégrale de son
entretien et de ses questions.

7 Le 22 mai 2019, le requérant a été informé qu’une décision du directeur exécutif de l’eu-LISA élargissait le cadre de l’enquête administrative pour y inclure des manquements aux obligations du statut qui auraient été commis tant par le requérant que par A. En effet, il serait apparu, au cours de l’enquête, que le requérant pouvait avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu des articles 11, 12, 17 et 19 du statut à l’égard de A, mais aussi indépendamment de ses rapports avec ce dernier.
Plus précisément, le requérant aurait eu un comportement susceptible d’attiser les tensions avec A, de dégrader les conditions de travail de ce dernier et de jeter le discrédit sur celui-ci. En outre, le requérant aurait, à plusieurs reprises, eu un comportement inapproprié à l’égard de deux agents de sécurité de l’eu-LISA. Enfin, le requérant aurait violé l’obligation de demander une autorisation préalable à l’eu-LISA avant de s’adresser à la police française pour dénoncer sa relation
conflictuelle avec A.

8 Le 16 juillet 2019, le requérant a été entendu une seconde fois par l’enquêteur. Au cours de ce second entretien, le requérant a eu l’occasion de fournir des explications en réponse aux allégations de manquements au statut formulées contre lui. Le compte rendu de ce second entretien lui a ensuite été transmis le 18 juillet 2019.

9 Le 28 juillet 2019, le requérant a reçu deux documents supplémentaires, à savoir deux rapports qui contenaient les allégations de deux agents de sécurité de l’eu-LISA critiquant son comportement à leur égard.

10 Le 21 août 2019, une version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête a été envoyée au requérant.

[omissis]

14 Le 10 septembre 2019, l’enquêteur a achevé son rapport après avoir, notamment, entendu 27 témoins et examiné les observations du requérant. Dans son rapport final, l’enquêteur a conclu que le requérant s’était rendu coupable d’un manquement grave à l’article 12 bis du statut, d’un manquement occasionnel à l’article 12 du statut et d’un manquement aux articles 17 et 19 du statut.

[omissis]

16 Par lettre du 18 novembre 2019, le directeur exécutif de l’eu-LISA a informé le requérant que, eu égard aux conclusions de l’enquête administrative, il envisageait de lui infliger un blâme en vertu de l’article 11 de l’annexe IX du statut. Le requérant a ainsi été invité à exercer son droit d’être entendu soit en assistant à une audition le 27 novembre 2019, soit en présentant des observations écrites. Une version expurgée du rapport final d’enquête était jointe à la lettre.

[omissis]

18 Le 27 novembre 2019, l’audition s’est déroulée en présence du requérant et du directeur exécutif de l’eu-LISA. Le conseiller juridique principal, la cheffe de l’unité des ressources humaines et une conseillère juridique ont assisté à l’audition par vidéoconférence. Au cours de l’audition, le requérant a eu l’occasion de présenter ses observations et de s’expliquer relativement à la mesure de blâme envisagée par le directeur exécutif de l’eu-LISA.

[omissis]

20 Le 9 décembre 2019, le procès-verbal de l’audition du 27 novembre 2019, mentionnée au point 18 ci-dessus, a été transmis au requérant. Ce dernier a eu la possibilité de soumettre ses observations dans un délai de onze jours ouvrables, ce qu’il a fait le 3 janvier 2020.

21 Par lettre du 3 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), le directeur exécutif de l’eu-LISA a informé le requérant de ce qui suit :

« Au terme d’un examen attentif de votre dossier et, en particulier, après avoir dûment tenu compte de vos inquiétudes et de vos observations écrites concernant les aspects procéduraux de l’enquête (notamment après nous être assurés une nouvelle fois que l’enquête n’était entachée d’aucune irrégularité et après avoir conclu que l’[eu-LISA] n’avait commis aucune faute) ainsi que des observations que vous nous avez transmises le 3 janvier 2020, nous sommes au regret de vous informer que nous vous
infligeons un blâme dont il sera fait mention dans votre dossier. »

22 Le requérant a également reçu du directeur exécutif de l’eu-LISA un document daté du 16 mars 2020 intitulé « Clôture de l’enquête ouverte le 15 février 2019 – Communication du résultat de l’enquête à [nom du requérant] ». Dans ce document, il était notamment indiqué que, après avoir vérifié le dossier complet du requérant, le directeur exécutif était arrivé à la conclusion qu’il avait commis les violations indiquées dans le rapport final d’enquête (voir point 14 ci-dessus). Selon le directeur
exécutif, pendant la procédure d’enquête, tous les droits du requérant avaient été respectés. Ainsi, il avait été décidé qu’une sanction de blâme devait lui être infligée. S’agissant de A, il avait été constaté que ce dernier avait violé les articles 11 et 12 du statut. En effet, une procédure similaire avait eu lieu à l’encontre de A, lequel avait, par conséquent, fait l’objet d’une sanction disciplinaire et s’était également vu adresser un blâme, comme cela est prévu à l’article 9 de
l’annexe IX du statut.

[omissis]

III. En droit

30 Dans le cadre de son recours, d’une part, le requérant demande l’annulation de la décision attaquée ainsi que de la décision de rejet de la réclamation. D’autre part, il demande à obtenir une somme de 5000 euros, fixée ex æquo et bono, en réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi en raison de l’adoption de la décision attaquée.

A. Sur les conclusions en annulation

[omissis]

2.   Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

34 Au soutien de sa demande tendant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives adoptées par le conseil d’administration de l’eu-LISA. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que du droit d’être entendu. Le troisième moyen
est tiré de la violation des articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut, de la violation du principe de bonne administration ainsi que d’erreurs d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et de la violation du devoir de sollicitude.

a)   Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes

35 Par son premier moyen, le requérant conteste la légalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, dont la procédure d’adoption s’est achevée le 18 octobre 2014, sans consultation préalable du comité du personnel (créé le 5 novembre 2014). Ces dispositions, désormais contenues dans la décision du conseil d’administration de l’eu-LISA (2015–014) du28 janvier 2015 et sur lesquelles seraient fondées les décisions du directeur exécutif d’ouvrir une enquête administrative
et d’élargir ladite enquête, datées respectivement du 15 février et du 22 mai 2019 (voir points 5 et 7 ci-dessus), seraient illégales.

36 Plus précisément, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives auraient été adoptées en violation de l’article 110, paragraphe 1, du statut, au motif que, contrairement aux prévisions de cet article, le comité du personnel de l’eu-LISA n’aurait pas été consulté avant leur adoption.

[omissis]

38 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 110, paragraphe 1, du statut, « [l]es dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut ».

39 En l’espèce, il est constant que le comité du personnel n’a pas été consulté avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives au motif qu’il n’avait pas encore été constitué lors de l’adoption desdites dispositions le 18 octobre 2014. Par ailleurs, dans le préambule de la décision C(2014) 5392 final de la Commission, du 28 juillet 2014, relative à l’accord sur les dispositions d’exécution du statut adoptées par l’eu-LISA, il est indiqué ce qui suit :

« Considérant le fait que le comité du personnel de l’eu-LISA, lequel doit être consulté conformément à l’article 110 du statut, n’a pas encore été constitué et qu’il est dès lors impossible, à l’heure actuelle, de répondre aux exigences visées dans ladite disposition. Le comité du personnel sera invité à donner son avis sur les dispositions d’exécution en question dès qu’il aura été constitué et son avis sera dûment pris en considération. Dans ces conditions, le conseil d’administration est
habilité à approuver les dispositions immédiatement. »

40 Avant d’apprécier si le motif d’illégalité soulevé, à savoir l’absence de consultation de son comité du personnel par l’eu-LISA lors de l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, est susceptible de conduire au constat de l’illégalité desdites dispositions d’exécution, il convient de vérifier la recevabilité de l’exception d’illégalité desdites dispositions et du moyen en tant que tel.

41 À cet égard, il importe de rappeler que, en application de l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

42 L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 67 et jurisprudence citée).

43 L’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 68 et jurisprudence citée).

44 C’est ainsi que, à l’occasion de recours en annulation intentés contre des décisions individuelles, la Cour a admis que pouvaient valablement faire l’objet d’une exception d’illégalité les dispositions d’un acte de portée générale qui constituaient la base desdites décisions ou qui entretenaient un lien juridique direct avec de telles décisions (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 69 et jurisprudence citée).

45 En revanche, la Cour a jugé qu’était irrecevable une exception d’illégalité dirigée contre un acte de portée générale dont la décision individuelle attaquée ne constituait pas une mesure d’application (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 70 et jurisprudence citée).

46 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de déterminer si, en l’espèce, il existe un lien juridique direct entre, d’une part, la décision attaquée et, d’autre part, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives.

47 À cet égard, il importe de noter que le requérant se borne à soutenir que la condition formelle, visée à l’article 110 du statut, de la consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives n’a pas été respectée. Une telle allégation a été soulevée après que l’enquête menée contre lui avait été close et après que celui-ci avait constaté que, par la décision attaquée, il lui avait été infligé une sanction de blâme.

48 Plus précisément, selon le requérant, la circonstance que l’eu-LISA n’a pas attendu la constitution d’un comité du personnel pour adopter les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives implique que ces dernières ont été adoptées en violation d’une « exigence procédurale essentielle ». Le requérant en déduit que la décision du directeur exécutif du 15 février 2019 d’ouvrir une enquête administrative (voir point 5 ci-dessus) et la décision de ce dernier du 22 mai 2019
d’élargir l’objectif de ladite enquête (voir point 7 ci-dessus), adoptées en application des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, étaient à leur tour illégales. Enfin, il fait valoir que la décision attaquée, adoptée à la suite de l’enquête menée en application de la décision du 22 mai 2019, doit à son tour être considérée comme illégale, au motif que l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives entraînerait, sur la base d’un effet
« domino », l’illégalité de la décision attaquée.

49 Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, en se référant à un arrêt du Tribunal partiellement annulé sur pourvoi (arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 135), la jurisprudence récente (voir points 44 et 45 ci-dessus) ne va pas dans le sens de l’extension du champ d’application de l’article 277 TFUE à tout acte des institutions qui, en général, est pertinent
pour l’adoption de la décision faisant l’objet du recours en annulation.

50 Au contraire, il ressort de la jurisprudence (voir points 44 et 45 ci-dessus) que, afin de juger recevable une exception d’illégalité d’un acte de portée générale, il convient d’établir un « lien juridique direct » entre l’acte attaqué et l’acte faisant l’objet de l’exception d’illégalité.

51 En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée n’est en rien fondée sur des éléments liés aux dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, mais seulement sur la violation de dispositions du statut, constatée dans le rapport final d’enquête (voir points 14 et 22 ci-dessus).

52 La décision attaquée ne constitue pas une mesure d’application des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. Cette décision, comme le fait pertinemment valoir l’eu-LISA, a été adoptée sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut et non sur le fondement des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives.

53 Le constat de l’absence d’un lien juridique direct entre la décision attaquée et les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives est d’autant plus évident s’il est également pris en considération que le Tribunal a jugé qu’il devait exister un lien étroit entre les motifs mêmes de la décision qui est attaquée et le moyen tiré de l’illégalité de l’acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 29).

54 Or, aucun lien étroit ne saurait être reconnu entre, d’une part, les motifs de la décision attaquée, tirés d’un manquement grave à l’article 12 bis du statut, d’un manquement occasionnel à l’article 12 du statut et d’un manquement aux articles 17 et 19 du statut (voir point 22 ci-dessus) et, d’autre part, le moyen tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives fondé sur l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption desdites
dispositions.

55 De surcroît, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ait eu une quelconque incidence sur le respect des garanties procédurales au cours de l’enquête, ou sur le contenu même de la décision attaquée.

56 À ce titre, il importe de noter que, comme cela sera indiqué dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu du requérant, le déroulement de la procédure administrative ne révèle aucun élément ayant été de nature à porter atteinte aux droits de la défense du requérant (voir point 91 ci-après). Au demeurant, le directeur exécutif, dans le document daté du 16 mars 2020, indique avoir procédé à l’examen du dossier complet du
requérant et avoir conclu que les droits de ce dernier avaient été respectés pendant la procédure d’enquête (voir point 22 ci-dessus).

57 Par ailleurs, certes, l’article 110 du statut prévoit l’exigence d’une consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. Cependant, il ressort de la jurisprudence que la consultation du comité du personnel, visée à l’article 110 du statut, n’implique pas que l’avis dudit comité soit suivi (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 86 et jurisprudence citée).

58 Ainsi, l’existence d’un lien juridique direct ou étroit entre les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives et la décision attaquée n’est pas établie.

59 En tout état de cause, la circonstance que le comité du personnel n’a pas été consulté ne saurait suffire pour démontrer que les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives auraient pu être différentes et que le requérant aurait été privé de garanties procédurales.

60 En effet, outre l’appréciation effectuée au point 57 ci-dessus, il ressort du dossier que les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ont été « rédigées-révisées » par l’administratrice qui a été nommée présidente du comité du personnel de l’eu-LISA lorsque celui-ci a été constitué, à savoir le 5 novembre 2014. Ainsi, dans une certaine mesure, il est possible de considérer que, à tout le moins, la future présidente du comité du personnel a pu exprimer son avis sur les
dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives avant leur adoption.

61 En outre, il importe de noter que, par lettre du 16 juin 2014, le directeur exécutif de l’eu-LISA s’est renseigné auprès de la direction générale des ressources humaines de la Commission au sujet, notamment, du statut des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. À ce titre, par décision du 28 juillet 2014, la Commission a autorisé l’eu-LISA à présenter lesdites dispositions à son conseil d’administration afin qu’il procède à leur adoption.

62 De plus, d’une part, ainsi que le souligne pertinemment l’eu-LISA, la procédure d’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives s’est achevée le 18 octobre 2014 sans objections de la part des membres du conseil d’administration composé de représentants de chaque État membre et de la Commission. D’autre part, le comité du personnel, depuis sa création, n’a pas demandé, pendant l’enquête en cause, à réexaminer les dispositions d’exécution concernant les enquêtes
administratives et n’a pas davantage soulevé d’objections en ce qui concernait leur formulation.

63 Au regard des circonstances de l’espèce, à savoir que l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives a été autorisée par la Commission, que la future présidente du comité du personnel a révisé ces dispositions et que le comité du personnel n’a jamais demandé à réexaminer lesdites dispositions, le non-respect de la consultation préalable du comité du personnel ne saurait avoir eu une incidence sur les garanties procédurales dont a bénéficié le requérant.

64 Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, l’existence d’un lien juridique direct entre, d’une part, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives et, d’autre part, la décision attaquée n’est pas établie. En outre, l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ne saurait, au regard des considérations exposées aux points 59 à 62
ci-dessus, avoir eu un impact sur le contenu desdites dispositions, ni, par conséquent, sur la légalité de la décision attaquée.

65 Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen du recours.

[omissis]

c)   Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut, du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation »

93 Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant formule plusieurs griefs. Le premier grief est tiré de la violation de l’article 12 bis du statut, de la violation du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation ». Le deuxième grief est tiré de la violation des articles 17 et 19 du statut. Le troisième grief est tiré de la violation de l’article 12 du statut.

[omissis]

2) Sur le deuxième grief, tiré de la violation des articles 17 et 19 du statut

124 Le requérant soutient qu’il n’a manifestement pas enfreint les articles 17 et 19 du statut et que l’interprétation de ces dispositions, faite dans la décision de rejet de la réclamation, est erronée et doit conduire à son annulation.

125 S’agissant de la prétendue violation de l’article 17 du statut, le requérant fait valoir que le champ d’application de l’article 17 du statut est strictement limité à la divulgation d’informations liées à l’exercice des fonctions. Or, il n’aurait pas transmis à la police (voir point 3 ci-dessus) une quelconque « information » portée à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions. De plus, l’eu-LISA n’aurait pas démontré quelles informations liées à l’exercice des fonctions du requérant
auraient été divulguées. Le requérant aurait seulement déclaré qu’il craignait pour son intégrité physique et celle de sa famille, dans sa sphère privée en dehors de l’eu-LISA.

126 Selon le requérant, il a préalablement informé l’eu-LISA du comportement répréhensible de A, comme il ressort des divers courriels produits devant le Tribunal. C’est notamment la circonstance qu’il n’a pas reçu de réponse de la part de l’administration, qui l’a amené, d’une part, à déposer sa demande d’assistance et, d’autre part, à informer la police de sa situation, au motif qu’il craignait légitimement pour son intégrité physique et celle de sa famille.

127 S’agissant de la prétendue violation de l’article 19 du statut, le requérant soutient que faire une déclaration dans un registre de « main courante » – a fortiori concernant un sujet lié à la sphère privée – ne saurait être considéré comme revenant à « faire état en justice » d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Selon le requérant, un officier de police ou une personne exerçant une fonction administrative à la réception du commissariat de police ne saurait
être assimilé à une autorité judiciaire. Il s’en suivrait qu’il n’existerait pas d’obligation de présenter une demande d’autorisation au directeur exécutif pour le dépôt d’une plainte judiciaire.

[omissis]

129 À titre liminaire, premièrement, il importe de rappeler que l’article 17 du statut est rédigé comme suit :

« 1.   Le fonctionnaire s’abstient de toute divulgation non autorisée d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions, à moins que ces informations n’aient déjà été rendues publiques ou ne soient accessibles au public.

2.   Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation après la cessation de ses fonctions. »

130 L’article 19 du statut prévoit ce qui suit :

« Le fonctionnaire ne peut faire état en justice, à quelque titre que ce soit, des constatations qu’il a faites en raison de ses fonctions, sans l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Cette autorisation ne peut être refusée que si les intérêts de l’Union l’exigent et si ce refus n’est pas susceptible d’entraîner des conséquences pénales pour le fonctionnaire intéressé. Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation même après la cessation de ses fonctions.

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas au fonctionnaire ou ancien fonctionnaire témoignant devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution, pour une affaire intéressant un agent ou un ancien agent de l’Union européenne. »

131 Deuxièmement, il ressort du rapport final d’enquête et de la version préliminaire des conclusions de l’enquêteur (voir point 10 ci-dessus), tels que cités par le requérant dans sa réclamation du 9 avril 2020, ce qui suit :

« [L]es membres du personnel de l’Union européenne ne sauraient, concernant des questions qui surviennent au travail, se contenter de soumettre la question à une autorité judiciaire externe telle que la police, engageant ainsi une forme de procédure judiciaire externe. Ce type d’action dans de telles circonstances nécessite l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination en vertu de deux dispositions du statut, à savoir l’article 17 et l’article 19. Rien n’empêchait [le requérant]
de demander à l’autorité investie du pouvoir de nomination une telle autorisation, qu’il aurait pu recevoir, mais il ne l’a pas fait, bien qu’il fût tenu de le faire. »

132 Troisièmement, il ressort de la décision de rejet de la réclamation qu’il a été établi que le requérant s’était adressé à la police française et que la circonstance que cette démarche avait été entreprise au motif qu’il craignait pour son intégrité physique ou pour celle de sa famille ne remettait pas en cause le fait qu’il n’avait pas informé préalablement l’eu-LISA, ni n’avait demandé une autorisation et qu’il avait donc violé le statut.

133 En premier lieu, il convient d’apprécier si les articles 17 et 19 visent le cas où un fonctionnaire s’adresse à la police pour dénoncer une relation conflictuelle avec un collègue de travail.

134 À cet égard, il a été jugé que le régime d’autorisation prévu par l’article 17 du statut était destiné à permettre à l’administration de s’assurer que la divulgation d’informations, portées à la connaissance du fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, ne portât pas atteinte aux intérêts de l’Union, en affectant notamment son fonctionnement et sa réputation. Le régime d’autorisation institué par l’article 17 du statut a donc pour but de mettre l’administration en mesure de veiller, en
temps opportun, à ce que les fonctionnaires règlent leur conduite en ayant en vue les intérêts des institutions et les obligations qui leur incombent au titre de l’article 339 TFUE. Ce régime tend donc, notamment, à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs agents. Sa mise en œuvre nécessite une mise en balance des différents intérêts en jeu afin de déterminer lequel des intérêts de l’Union ou de l’intérêt du public à recevoir des informations doit
primer (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2011, Strack/Commission, F‑132/07, EU:F:2011:4, points 71 et 72). Ainsi, l’article 17 du statut vise à rappeler notamment l’obligation qui pèse sur un fonctionnaire au titre du respect du secret professionnel et impose, notamment, l’obligation de demander une autorisation pour divulguer des informations qui sont, par leur nature, couvertes par le secret professionnel.

135 Il s’ensuit que l’article 17 du statut ne couvre pas le cas où un fonctionnaire s’adresse à la police afin de dénoncer une relation conflictuelle avec un collègue sur son lieu de travail. La référence à l’article 17 du statut, contenue dans la décision attaquée, est donc erronée.

136 S’agissant du champ d’application de l’article 19 du statut, tel qu’il est défini dans la première phrase dudit article, il convient de relever que, certes, l’expression « faire état en justice » qui figure dans cette disposition a donné lieu à des versions linguistiques différentes. La version anglaise utilise l’expression générale « disclos[e] in any legal proceeding » (divulguer dans toute procédure), tandis que les versions espagnole, italienne et allemande utilisent respectivement les
expressions plus ponctuelles « revelar en un procedimiento judicial » (divulguer dans le cadre d’une procédure judiciaire), « deporre in giudizio » (témoigner) et « vor Gericht vorbringen oder […] aussagen » (présenter au tribunal ou […] témoigner).

137 Toutefois, d’une part, il a été jugé que le champ d’application de l’article 19 du statut, tel qu’il est défini dans la première phrase dudit article, ne pouvait pas recevoir une interprétation restrictive selon laquelle il viserait exclusivement le cas du fonctionnaire appelé à témoigner en justice. En effet, ce champ d’application recouvre l’ensemble des situations dans lesquelles un fonctionnaire est amené à faire état en justice, « à quelque titre que ce soit », des constatations faites en
raison de ses fonctions, sans opérer de distinction entre l’utilisation de telles constatations dans le cadre d’une audition comme témoin ou dans le contexte de l’introduction d’une action judiciaire devant une juridiction nationale, par exemple, le dépôt d’une plainte au pénal (arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 48). La situation d’un fonctionnaire appelé à témoigner en justice ne constitue donc pas la seule situation visée par l’article 19 du
statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 49).

138 D’autre part, il y a lieu d’observer que, dans plusieurs États membres, la police peut jouer un rôle à caractère judiciaire et, notamment, agir à la demande d’un juge. De plus, le fait de s’adresser à la police peut s’avérer nécessaire, voire indispensable, afin d’agir en justice. Enfin, une dénonciation faite à la police peut donner lieu à des suites judiciaires ou bien être utilisée à des fins judiciaires.

139 S’il y a lieu de reconnaître que, dans une certaine mesure, les articles 17 et 19 du statut poursuivent tous les deux l’objectif d’assurer le respect du devoir de réserve et, ainsi, d’impliquer l’institution concernée en cas de divulgation à l’extérieur d’informations dont le fonctionnaire dispose en raison de ses fonctions, il convient toutefois de distinguer leur champ d’application respectif. L’article 17 du statut vise à éviter d’affecter le fonctionnement et la réputation d’une institution
et est applicable aux cas où un fonctionnaire souhaite procéder à la divulgation d’informations couvertes, par leur nature, par le secret professionnel.

140 En revanche, l’article 19 du statut couvre le cas où un fonctionnaire souhaite faire état en justice de faits liés à une relation conflictuelle sur le lieu de travail qui ne sont pas, par leur nature, couverts par le secret professionnel, mais qui pourraient affecter le fonctionnement et la réputation d’une institution.

141 Il importe de souligner que l’article 19 du statut prévoit expressément une seule exception à la règle de l’autorisation préalable pour pouvoir faire état en justice des constatations faites par un fonctionnaire en raison de ses fonctions, à savoir lorsque le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est appelé à témoigner devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution, pour une affaire intéressant un agent ou un ancien agent de l’Union.

142 En outre, il ressort de la formulation restrictive de l’article 19, deuxième phrase, du statut (voir point 130 ci-dessus) que les « intérêts de l’Union » qui, en vertu de cet article, peuvent justifier un refus d’autorisation de faire état en justice de constatations liées à la fonction doivent nécessairement être des intérêts d’une importance considérable et présentant un caractère vital pour l’Union (voir arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 58 et
jurisprudence citée). Ainsi, les hypothèses de refus d’autorisation sont strictement limitées.

143 Enfin, il découle également de ces mentions restrictives de l’article 19 du statut et de l’absence de formalisme requis pour demander l’autorisation de faire état en justice de constatations faites en raison de ses fonctions que le fonctionnaire ou l’agent ne saurait être soumis à une exigence d’autorisation préalable dans les situations présentant un certain degré de gravité et d’urgence, notamment en cas de danger imminent pour le fonctionnaire ou l’agent concerné.

144 En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si, en l’espèce, le requérant a violé l’article 19 du statut, premièrement, il importe de constater qu’il ne saurait soutenir que l’incident intervenu avec un collègue de travail, à la suite d’une discussion menée de manière, certes, discutable, doit être considéré comme détaché de l’exercice de ses fonctions au sein de l’eu-LISA et qu’il ne remplit pas le critère selon lequel il a été porté à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

145 À cet égard, il ressort de la description de l’incident faite par le requérant lui-même que A est rentré dans son bureau pour discuter de questions de travail avec un autre collègue et que le requérant, sans avoir été sollicité par A, est intervenu dans la discussion et a ainsi été à l’origine de la réaction de A qui a consisté à manifester son désaccord à l’égard de son intervention et à brandir une chaise devant lui.

146 Deuxièmement, il y a lieu d’observer que les faits relatés par le requérant à la police n’étaient pas déjà publics. Ainsi, le requérant était tenu de s’abstenir de toute divulgation de la situation qui s’était présentée dans les bureaux de l’eu-LISA, lors de l’exercice de ses fonctions, sans avoir été préalablement autorisé.

147 Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant visant à faire valoir que, conformément à l’article 19 du statut, dans un courriel du 16 juin 2017, il avait prévenu l’eu-LISA des fautes commises par A, il importe de noter que les faits dénoncés par le requérant à la police ont eu lieu le 19 octobre 2018. Ainsi, ledit courriel ne saurait être considéré ni comme une information préalable de l’eu-LISA, ni comme une demande d’autorisation relative aux faits survenus à cette date.

148 De plus, le courriel du requérant du 19 octobre 2018 signalant l’incident survenu le jour même avec A n’informe pas l’eu-LISA de ce qu’il envisageait de dénoncer l’incident à la police et ne contient pas davantage une demande d’autorisation à cet égard.

149 Quatrièmement, il y a lieu de noter que, contrairement à ce que le requérant soutient, des informations précises ont été données à la police française, laquelle a, ainsi que le précise l’eu-LISA, appelé le bureau du requérant et demandé à lui parler à propos des faits qu’il avait dénoncés concernant un comportement agressif de A qui l’avait menacé en brandissant une chaise.

150 Cinquièmement, ainsi que cela a été pertinemment indiqué dans le rapport final d’enquête, il n’existait pas d’obstacles à ce que le requérant demande une autorisation préalable à l’eu-LISA et à ce qu’il la reçoive. En effet, force est de constater, d’une part, que le requérant n’était pas en présence d’un danger imminent pour lui et, d’autre part, que les possibilités, visées à l’article 19 du statut, de lui refuser ladite autorisation étaient très limitées (voir point 142 ci-dessus).

151 Il s’ensuit que, même en admettant que, dans certaines circonstances, et, notamment, afin de s’adresser à la police pour dénoncer des faits intervenus sur le lieu de travail, il puisse être légitime de déroger au régime d’autorisation préalable visé à l’article 19 du statut, tel n’était pas le cas en l’espèce, en raison notamment de l’absence d’un danger imminent pour le requérant.

152 Il y a donc lieu de constater que, dans la mesure où le requérant a, sans demander une autorisation préalable à l’eu-LISA, divulgué à l’extérieur de celle-ci des faits intervenus à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au sein de l’eu-LISA, l’administration a pu, à juste titre, estimer qu’il avait enfreint l’article 19 du statut.

153 Au regard de tout ce qui précède, le deuxième grief du troisième moyen est partiellement fondé, à savoir en ce qu’il soulève une erreur d’interprétation et d’application de l’article 17 du statut. Cependant, ladite erreur, contenue dans la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de cette dernière et ne saurait entraîner, à elle seule, son annulation. En effet, le constat de la violation reprochée au requérant, consistant à ne pas avoir demandé une autorisation avant de s’adresser à
la police, est fondé à juste titre sur l’article 19 du statut.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) NV est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

  Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2022.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-661/20
Date de la décision : 23/03/2022

Analyses

Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de l’eu-LISA – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Blâme – Dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives – Exception d’illégalité – Article 110 du statut – Absence de consultation du comité du personnel – Droits de la défense et droit d’être entendu – Articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut – Erreur d’appréciation – Principe de bonne administration – Article 10 de l’annexe IX du statut – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Préjudice moral.


Parties
Demandeurs : NV
Défendeurs : Agence de l'Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:154

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award