ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
27 avril 2022 ( *1 )
« Clause compromissoire – Convention de subvention conclue dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Coûts éligibles – Demande de remboursement – Audit financier – Enquête de l’OLAF – Conflit d’intérêts en raison de liens familiaux ou affectifs – Principe de bonne foi – Principe de non‑discrimination en raison de la situation matrimoniale – Confiance légitime – Recours en annulation – Notes de débit –
Actes indissociables du contrat – Acte non susceptible de recours – Droit à un recours juridictionnel effectif – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑4/20,
Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju Technologii, établie à Vratislavie (Pologne), représentée par M. Ł. Stępkowski, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. B. Araujo Arce et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme M. Stancu, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante par acte séparé le 3 janvier 2020 au titre de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal,
– le mémoire en défense déposé au greffe du Tribunal le 20 mai 2020 dans lequel la Commission précise ne pas s’opposer à la demande introduite par la requérante en vertu de l’article 66 du règlement de procédure,
à la suite de l’audience du 5 octobre 2021,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju Technologii, demande, à titre principal, sur le fondement de l’article 272 TFUE, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission européenne dont il est question dans six notes de débit émises le 13 novembre 2019 pour un montant total de 180893,90 euros, comprenant un montant principal de 164449 euros et des dommages et intérêts de 16444,90 euros, ainsi que la condamnation de la
Commission à rembourser les montants figurant dans ces notes de débit, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 qui lui était adressée.
I. Antécédents du litige
2 La requérante est un institut de recherche qui a accédé à trois conventions de subvention, au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (ci‑après le « PC7 »), en tant que bénéficiaire.
3 Entre le mois de décembre 2007 et le mois de juillet 2010, la Commission a conclu plusieurs conventions de subvention, notamment celles portant les numéros no 215669-EUWB, no 248577‑C2POWER et no 257626-ACROPOLIS (ci-après, respectivement, la « convention de subvention EUWB », la « convention de subvention C2POWER » et la « convention de subvention ACROPOLIS » ou, prises ensemble, les « conventions de subvention en cause ») avec trois consortiums, composés d’organismes de recherche de différents
États membres, chaque consortium étant dirigé par un coordinateur. Tandis que les coordinateurs des consortiums étaient les principaux partenaires contractuels de la Commission, chaque bénéficiaire avait le statut de partie aux conventions de subvention en cause.
4 La requérante, qui était alors dénommée Wrocławskie Centrum Badań EIT+, a accédé aux conventions de subvention en cause en tant que bénéficiaire.
5 Entre le 12 et le 14 août 2013, la convention de subvention C2POWER – avec d’autres conventions de subvention conclues au titre du PC7 (les projets SAPHYRE et FIVER) – a fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe agissant en tant que mandataire de la Commission.
6 Le 11 octobre 2013, la requérante a fourni les informations supplémentaires demandées par les auditeurs à l’occasion d’une réunion de clôture organisée le 14 août 2013.
7 Le 17 février 2014, les auditeurs ont envoyé à la requérante le projet initial de rapport d’audit. Par lettre du 7 mars 2014, la requérante a transmis ses observations sur ledit rapport.
8 Par lettre du 22 avril 2014, la Commission a envoyé à la requérante le rapport d’audit final du 21 mars 2014 (no 13-BA 222-030) relatif à la convention de subvention C2POWER et aux projets SAPHYRE et FIVER (ci-après le « rapport d’audit final ») et lui a fait savoir qu’elle considérait l’audit comme étant clôturé.
9 Le 15 septembre 2014, dans le cadre de l’enquête OF/2013/0325/A 3, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a envoyé à la requérante, en sa qualité de personne concernée, une demande de production de documents relatifs à des heures déclarées par l’un de ses employés (ci-après l’« employé en cause ») dans le cadre de ses projets financés par l’Union européenne. Le 8 octobre 2014, la requérante a transmis les documents demandés à l’OLAF.
10 Par lettre du 10 octobre 2014, l’OLAF a demandé à la requérante de produire d’autres documents justificatifs concernant deux autres de ses employés. Par lettre du 6 novembre 2014, la requérante a fourni les documents demandés.
11 Le 15 janvier 2015, l’OLAF a informé la requérante, en tant que personne concernée par l’enquête, des agissements qui lui étaient reprochés, à savoir sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de l’employé en cause et de deux autres de ses employés.
12 Le 27 janvier 2015, la requérante a transmis ses observations à l’OLAF, dans lesquelles elle contestait les allégations de ce dernier.
13 Le 1er juin 2015, l’OLAF a informé la requérante de la clôture de l’enquête ainsi que de ses recommandations, transmises aux autorités judiciaires polonaises et aux services compétents de la Commission.
14 Le 25 juin 2015, la requérante a envoyé à l’OLAF une lettre contenant un certain nombre de demandes de renseignements et de documents justificatifs, dans laquelle elle lui demandait notamment un exemplaire de son rapport d’enquête.
15 Le 10 août 2015, l’OLAF a fourni à la requérante les informations demandées, à l’exception de celles soumises à des règles strictes en matière de confidentialité et de protection des données à caractère personnel parmi lesquelles figurait son rapport d’enquête. L’OLAF a, ainsi, précisé les faits litigieux, la période et les projets auxquels ces faits se rapportaient (à savoir les conventions de subvention en cause, le projet SAPHYRE et le projet ONEFIT) ainsi que les recommandations adressées à
la direction générale compétente concernant le recouvrement du montant concerné.
16 Par lettre du 1er septembre 2015, la requérante a demandé à l’OLAF de lui fournir des informations détaillées et les dispositions juridiques pertinentes relatives à son enquête. Celui-ci a répondu le 9 novembre 2015.
17 Le 7 août 2018, la Commission a informé la requérante de son intention d’émettre deux notes de débit, pour un montant principal de 374188 euros et pour un montant de 30200 euros au titre de dommages et intérêts, sur la base des conclusions de l’OLAF concernant les conventions de subvention en cause, le projet SAPHYRE et le projet ONEFIT.
18 Le 26 octobre 2018, la requérante a envoyé à la Commission une lettre dans laquelle elle contestait les conclusions de l’OLAF et lui demandait de tenir compte de plusieurs circonstances factuelles et juridiques avant d’adopter les mesures de recouvrement.
19 Par lettre du 22 juillet 2019, la Commission a informé la requérante que certaines de ses observations l’avaient conduite à modifier sa position initiale. Plus précisément, les coûts de personnel des deux autres de ses employés avaient finalement été acceptés et seuls les coûts de personnel de l’employé en cause, relatifs à la période comprise entre le mois d’août 2010 et le mois d’octobre 2012, avaient été rejetés, avec pour conséquence un montant total réclamé de 180895,90 euros.
20 Le 29 août 2019, la requérante a envoyé à la Commission une deuxième lettre de contestation, dans laquelle elle lui demandait de tenir compte de ses observations additionnelles pour les mesures qu’elle entendait adopter.
21 La Commission a répondu à la requérante par lettre du 12 novembre 2019 maintenant sa position et l’informant de l’émission de notes de débit (ci-après la « décision attaquée »). Cette lettre était annexée à un courriel du 13 novembre 2019 auquel étaient également jointes les notes de débit no 3241913641 (convention de subvention ACROPOLIS, principal, montant de 72592 euros), no 3241913642 (convention de subvention EUWB, dommages et intérêts, montant de 7259,20 euros), no 3241913643 (convention de
subvention EUWB, principal, montant de 64818 euros), no 3241913644 (convention de subvention C2POWER, dommages et intérêts, montant de 6481,80 euros), no 3241913645 (convention de subvention C2POWER, principal, montant de 27039 euros) et no 3241913647 (convention de subvention ACROPOLIS, dommages et intérêts, montant de 2703,90 euros), payables au 30 décembre 2019.
22 Le 23 décembre 2019, la requérante a payé l’intégralité des montants exigés par la Commission.
23 Par lettre du 24 décembre 2019, la requérante a mis en cause le contenu de la décision attaquée, du courriel de la Commission du 13 novembre 2019 ainsi que des notes de débit jointes audit courriel et a contesté ces dernières.
II. Conclusions des parties
24 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– faire droit à son recours introduit sur le fondement de l’article 272 TFUE en constatant, d’une part, l’inexistence de la créance contractuelle revendiquée par la Commission et, d’autre part, l’éligibilité des coûts de personnel réclamés dans les notes de débit no 3241913641 (72592 euros), no 241913643 (64818 euros) et no 3241913645 (27039 euros) du 13 novembre 2019 ;
– condamner la Commission au remboursement des sommes qu’elle a liquidées à sa charge par les notes de débit no 3241913641, no 3241913642, no 3241913643, no 3241913644, no 3241913645 et no 3241913647 du 13 novembre 2019, portant intérêts, lesdites sommes lui ayant d’ores et déjà été versées à titre provisoire, sous réserve de l’issue de la présente instance ;
– à titre subsidiaire, faire droit à son recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE en annulant la décision attaquée ;
– en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.
25 La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours introduit au titre de l’article 272 TFUE comme non fondé ;
– déclarer que le montant de 180893,90 euros, comprenant le montant principal de 164449 euros et le montant de 16444,90 euros au titre de dommages et intérêts, mentionné dans les notes de débit no 3241913641, no 3241913642, no 3241913643, no 3241913644, no 3241913645 et no 3241913647 du 13 novembre 2019, correspond à des coûts non éligibles ;
– rejeter le recours introduit à titre subsidiaire au titre de l’article 263 TFUE comme manifestement irrecevable ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur la demande d’omission de données
26 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 janvier 2020, la requérante a introduit une demande d’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, afin d’assurer, d’une part, la protection des données à caractère personnel et, d’autre part, la protection du secret d’affaires.
27 Par cette demande, la requérante souhaite, en substance, l’omission des types de données suivants :
– le nom des personnes anciennement et actuellement employées par elle ;
– le nom des personnes tierces ;
– le contenu des contrats de travail de ses employés ;
– les autres informations figurant dans la requête ou les annexes qui pourraient permettre l’identification d’une personne par le public ;
– sa structure organisationnelle ;
– le rapport de l’OLAF, dans l’hypothèse où il serait produit.
28 En outre, la requérante demande que, dans l’hypothèse d’une publication du présent arrêt, ne soient publiés que des extraits desquels ne pourrait pas ressortir l’identification des personnes concernées par cette procédure ou la divulgation de détails relatifs à sa structure organisationnelle, ses pratiques de management ou sa conduite en tant qu’employeur.
29 En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la conciliation entre la publicité des décisions de justice et le droit à la protection des données à caractère personnel et du secret d’affaires, le juge doit rechercher, dans les circonstances de chaque espèce, le juste équilibre, en ayant également égard au droit du public d’avoir accès, conformément aux principes inscrits à l’article 15 TFUE, aux décisions de justice (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non
publié, EU:T:2020:464, point 49).
30 En l’espèce, tout d’abord, ne figurent pas dans le présent arrêt les noms des personnes anciennement et actuellement employées par la requérante, les noms des personnes tierces et les autres informations figurant dans la requête ou les annexes qui pourraient permettre l’identification d’une personne par le public.
31 Ensuite, la demande relative au rapport de l’OLAF est dénuée d’objet dans la mesure où la production de ce dernier n’a pas eu lieu.
32 Enfin, en ce qui concerne les informations relatives au contenu des contrats de travail, à la structure organisationnelle de la requérante, à ses pratiques de management et à sa conduite en tant qu’employeur, seules figurent dans le présent arrêt celles dont l’omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension des arrêts par le public.
33 En second lieu, il convient de relever que les informations contenues dans le présent arrêt soit ont été présentées et discutées lors de l’audience publique qui s’est tenue le 5 octobre 2021, soit n’ont pas fait l’objet d’une justification suffisante quant à leur omission, de sorte qu’il n’existe pas de raison légitime de faire droit à la demande de la requérante (voir, en ce sens, ordonnances du 21 juillet 2017, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, T‑130/17 R, EU:T:2017:541,
point 62, et du 21 juillet 2017, PGNiG Supply & Trading/Commission, T‑849/16 R, EU:T:2017:544, point 57).
B. Sur le recours introduit au titre de l’article 272 TFUE
1. Sur la demande de constatation de l’inexistence de la créance contractuelle et de l’éligibilité des coûts de personnel et sur la demande de remboursement des sommes liquidées
34 Au soutien de ses chefs de conclusions formulés, à titre principal, dans le cadre de son recours introduit au titre de l’article 272 TFUE, la requérante avance quatre moyens, tirés de la violation des dispositions des conventions de subvention en cause, du droit belge, du droit du travail polonais et du principe de protection de la confiance légitime.
a) Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions des conventions de subvention en cause
35 La requérante soulève trois griefs au soutien de son premier moyen.
1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article II.22, paragraphes 1 et 6, de l’annexe II des conventions de subvention en cause du fait du recouvrement unilatéral des fonds et de l’indemnité forfaitaire
36 Par son premier grief, la requérante conteste la légalité tant du recouvrement effectué par la Commission que de l’imposition par cette dernière d’une indemnité forfaitaire, au regard des dispositions contractuelles régissant cette compétence.
37 En effet, elle estime que si l’article II.22, paragraphe 6, de l’annexe II des conventions de subvention en cause permet à la Commission d’adopter des mesures telles que l’émission d’ordres de recouvrement ou l’imposition de sanctions, l’exercice de ce pouvoir doit se faire sur la base des conclusions d’un audit, au sens de l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II desdites conventions.
38 Or, d’une part, la Commission aurait exigé un versement de la part de la requérante sans se fonder sur les conclusions de l’audit en ce qui concerne les conventions de subvention EUWB et ACROPOLIS et, s’agissant de la convention de subvention C2POWER, en agissant de manière contraire aux conclusions de l’audit, auxquelles elle aurait pourtant souscrit.
39 D’autre part, la Commission se serait fondée sur le rapport d’enquête de l’OLAF, qui ne constituerait pas un audit financier au sens de l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause. À cet égard, la requérante affirme que si l’article II.22, paragraphe 8, de l’annexe II des conventions de subvention en cause permet à la Commission d’avoir recours à l’OLAF pour effectuer des contrôles et des vérifications sur place, cette disposition ne l’habilite cependant
pas à déroger aux dispositions de l’article II.22, paragraphe 6, de l’annexe II desdites conventions.
40 Par conséquent, la requérante conclut que les dispositions contractuelles applicables ne permettaient pas à la Commission d’agir comme elle l’a fait, en procédant au recouvrement des fonds et de l’indemnité forfaitaire de manière unilatérale au lieu d’introduire une demande en paiement devant la juridiction compétente et en se limitant à contester des faits sans apporter de preuves au soutien de cette contestation.
41 La requérante ajoute que, contrairement aux allégations de la Commission, ni le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier ») ni l’article 317 TFUE à lui seul n’octroient à celle-ci le pouvoir contractuel autonome de demander un recouvrement en l’absence de tout rapport d’audit final ou contrairement aux conclusions d’un tel rapport,
conformément aux conventions de subvention en cause.
42 La Commission conteste les arguments de la requérante.
43 Premièrement, la section 3, intitulée « Contrôles et sanctions », de l’annexe II des conventions de subvention en cause comporte l’article II.22, intitulé « Audits financiers et contrôles », qui prévoit, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle.
44 S’agissant des procédures d’audit, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause dispose que, « à tout moment de l’exécution du projet et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits financiers, soit par des auditeurs externes, soit par les services de la Commission eux‑mêmes, y compris l’OLAF ». Cet article énonce encore que « [l]a procédure d’audit est réputée engagée à la date de réception de la lettre afférente
envoyée par la Commission », que « [c]es audits peuvent porter sur des aspects financiers, systémiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution de la convention de subvention », et que « [c]es audits s’effectuent sur une base confidentielle ».
45 L’article II.22, paragraphe 6, de l’annexe II des conventions de subvention en cause ajoute que, « [s]ur la base des conclusions de l’audit, la Commission prend toutes les mesures appropriées qu’elle estime nécessaires, y compris l’établissement d’ordres de recouvrement portant sur tout ou partie des paiements qu’elle a effectués et l’imposition de toutes sanctions applicables ».
46 S’agissant des procédures de contrôle, l’article II.22, paragraphe 8, de l’annexe II des conventions de subvention en cause dispose, en ce qui concerne la possibilité d’adopter des mesures d’enquête, que, « [e]n outre », la Commission « peut effectuer des vérifications et inspections sur place conformément au règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités et au règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’[OLAF] [ainsi qu’au] règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’[OLAF] ».
47 Il ressort de ce qui précède que les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions de subvention en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties, qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome.
48 Deuxièmement, pour permettre la mise en œuvre des procédures visées à l’article II.22 de l’annexe II des conventions de subvention en cause, l’article II.3, sous g), de ladite annexe prévoit que « chaque bénéficiaire doit […] fournir directement à la Commission, y compris l’[OLAF] et la Cour des comptes, toute information nécessaire dans le cadre des contrôles et des audits ».
49 La lettre de l’OLAF du 15 septembre 2014, demandant à la requérante la production de certains documents (voir point 9 ci‑dessus), poursuit spécifiquement cet objectif, justifiant la mesure d’enquête sur le fondement de l’article II.3, sous g), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
50 La procédure conduite par l’OLAF s’inscrit, ainsi, dans le cadre contractuel mis en place par les parties.
51 Troisièmement, il est significatif que la demande de production de documents du 15 septembre 2014 ne se fonde pas sur l’article II.22, paragraphe 3, de l’annexe II des conventions de subvention en cause. Ce dernier prévoit :
« Les bénéficiaires conservent les originaux ou, dans des cas exceptionnels, des copies dûment authentifiées – y compris des copies électroniques – de tous les documents relatifs à la convention de subvention pendant une durée maximale de cinq ans à compter de la fin du projet. Ceux-ci sont mis à la disposition de la Commission sur demande lors de tout audit effectué dans le cadre de la convention de subvention. »
52 Si une demande fondée sur cette disposition permet d’arriver au même résultat qu’une demande formulée en vertu de l’article II.3, sous g), de l’annexe II des conventions de subvention en cause, l’article II.22, paragraphe 3, de ladite annexe ne s’applique que dans le cadre des procédures d’audit et non dans celui des procédures de contrôle. D’ailleurs, le même raisonnement est applicable aux fins de délimiter les champs d’application respectifs de l’article II.22, paragraphe 3, de l’annexe II des
conventions de subvention en cause et de l’article II.22, paragraphe 8, de ladite annexe.
53 Dès lors, la procédure conduite par l’OLAF en l’espèce relève des procédures de contrôle prévues par les dispositions des conventions de subvention en cause.
54 Quatrièmement, dans le cadre de la procédure de contrôle mise en œuvre en l’espèce, la Commission a identifié des irrégularités commises par la requérante entraînant l’inéligibilité de certains coûts.
55 À cet égard, il convient de relever que l’article II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause prévoit que, « [d]ans le cas où un montant dû par le bénéficiaire à [l’Union] doit être récupéré après la résiliation ou l’achèvement d’une convention de subvention au titre du [PC7], la Commission demande le remboursement du montant dû en émettant un ordre de recouvrement à l’adresse du bénéficiaire ».
56 Conformément à cette disposition, sur laquelle se fonde expressément la décision attaquée, la Commission était en droit de tirer les conséquences de l’issue de la procédure de contrôle en demandant à la requérante le recouvrement des sommes dues.
57 Ainsi, contrairement aux affirmations de la requérante, selon lesquelles, d’une part, l’article II.22, paragraphe 8, de l’annexe II des conventions de subvention en cause n’habilite pas la Commission à déroger à l’article II.22, paragraphe 6, de ladite annexe et, d’autre part, la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce est indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante.
58 À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 9, paragraphe 1, des conventions de subvention en cause indique expressément que ces conventions sont « régies par [...] le règlement financier applicable au budget général et ses modalités d’exécution […] ».
59 Or, l’article 119 du règlement financier dispose ce qui suit :
« 1. Le montant de la subvention ne devient définitif qu’après l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals, sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution.
2. En cas de non-respect par le bénéficiaire de ses obligations légales et conventionnelles, la subvention est suspendue et réduite ou supprimée dans les cas prévus par les modalités d’exécution après que le bénéficiaire a été mis en mesure de formuler ses observations. »
60 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que l’article 119 du règlement financier, dans sa version applicable au moment des faits, n’impose pas d’exigence procédurale particulière et spécifique quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals.
61 Ensuite, les modalités d’exécution de cette disposition, en vigueur au moment des faits, ne comportent pas plus d’exigence à cet égard. En effet, l’article 183, premier alinéa, sous a),et second alinéa, du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO 2002, L 357, p. 1) donne droit à l’ordonnateur compétent, notamment, de demander le remboursement à due concurrence par le bénéficiaire en cas de mauvaise
exécution du programme de travail agréé.
62 Enfin, en réponse à une question posée lors de l’audience, la requérante a admis l’applicabilité de l’article 119 du règlement financier au cadre contractuel, sous réserve de l’identification d’une irrégularité.
63 Par conséquent, il ressort de ce qui précède qu’il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir respecté les exigences procédurales requises dans le cadre de la procédure de contrôle mise en œuvre en l’espèce.
64 Cinquièmement, il est constant que, à la suite des observations fournies par la requérante dans sa lettre du 26 octobre 2018, la Commission a réduit le montant des sommes qu’elle lui réclamait. Or, pour contester les conclusions du rapport de l’OLAF sur lesquelles se fondaient les prétentions de la Commission, la requérante s’est appuyée, notamment, sur le rapport d’audit final. Dès lors, pour établir les ordres de recouvrement, la Commission a pris en compte les appréciations résultant tant de
la procédure d’audit que de la procédure de contrôle. À ce titre, la Commission a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article II.22, paragraphe 6, et par l’article II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause, ce que la décision attaquée reflète.
65 Par conséquent, la procédure suivie par la Commission pour demander le remboursement de sommes qu’elle estimait dues ne viole pas les dispositions contractuelles. Partant, le premier grief doit être rejeté.
2) Sur le deuxième grief, tiré de la violation de l’article II.14, paragraphe 1, sous a) et b), de l’annexe II des conventions de subvention en cause du fait de la demande de paiements correspondant à des coûts réels
66 Par son deuxième grief, la requérante soutient que la Commission était tenue d’admettre la réalité des coûts de personnel de l’employé en cause, dans la mesure où le rapport d’audit final avait confirmé spécifiquement leur authenticité, conclusion à laquelle la Commission avait souscrit dans sa lettre du 22 avril 2014.
67 La requérante en conclut que, en s’écartant des conclusions des auditeurs sans cependant apporter d’élément soutenant cette faculté ni fournir d’explications quant à la pertinence des conclusions de l’OLAF alors qu’elle les a partiellement écartées, la Commission a méconnu l’article II.14, paragraphe l, sous a) et b), de l’annexe II des conventions de subvention en cause et a, ainsi, commis une erreur de fait.
68 La requérante ajoute que la position de la Commission quant à la répartition de la charge de la preuve de l’éligibilité des coûts supportés par le bénéficiaire d’une subvention et à sa capacité de recouvrer un financement est dénuée de pertinence. À cet égard, elle souligne que, en l’espèce, dans la mesure où le rapport d’audit final, confirmant la réalité des coûts litigieux, a été rendu, la charge de la preuve du caractère erroné de ce rapport et de l’inéligibilité de certains coûts de
personnel incombe à la Commission.
69 La Commission conteste les arguments de la requérante.
70 À titre liminaire, il convient de relever que l’argumentation de la requérante, dans le cadre du deuxième grief de son premier moyen, consiste à reprocher à la Commission une violation des dispositions contractuelles en raison du non‑respect du caractère prétendument contraignant du rapport d’audit final.
71 Or, d’une part, une telle valeur accordée aux audits ne ressort pas des dispositions des conventions de subvention en cause. Au contraire, le caractère provisoire de leur force probante est consacré à l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause, qui reconnait la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De la même manière, l’article II.22, paragraphe 8, de l’annexe II des conventions de
subvention en cause permet à la Commission de commencer des enquêtes conformément au règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’[OLAF] (JO 1999, L136, p.1), lequel a été abrogé par le règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’[OLAF] et abrogeant le règlement [no 1073/1999] et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013,
L 248, p. 1).
72 D’autre part, comme cela ressort des considérations exposées aux points 58 à 62 ci‑dessus, la décision attaquée s’inscrit dans le cadre de l’article 119 du règlement financier, dont le premier paragraphe indique expressément que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
73 Ainsi, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable. Il convient, dès lors, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, sauf à commettre une erreur de fait constitutive d’une violation de l’article II.14, paragraphe 1, sous a) et b), de l’annexe II des conventions de subvention en cause, la Commission était tenue d’admettre l’authenticité des coûts de personnel de l’employé en
cause dans la mesure où un audit, dont elle avait avalisé les conclusions, en avait préalablement reconnu le caractère réel.
74 Pour les mêmes raisons, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas apporté de preuve du caractère erroné du rapport d’audit final est dénué de pertinence. En effet, il ressort des considérations exposées au point 72 ci‑dessus que, au regard des dispositions contractuelles de l’espèce, la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause les résultats de ce dernier.
75 Au regard de ce qui précède, le deuxième grief doit être rejeté.
3) Sur le troisième grief, tiré de la violation, d’une part, de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause du fait de l’identification, par la Commission, d’un risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux et, d’autre part, des articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du fait d’une discrimination fondée sur la situation matrimoniale
76 Tout d’abord, la requérante estime que la Commission ne pouvait pas conclure à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts, au sens de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause, entraînant la remise en question de la fiabilité des relevés du nombre d’heures prestées par l’employé en cause en raison de l’accès dont bénéficiait son épouse auxdits relevés.
77 À cet égard, la requérante fait valoir que, malgré le fait que cela ait été porté à sa connaissance, la Commission a omis de prendre en compte, d’une part, le contrôle auquel étaient soumis tant l’employé en cause que son épouse par leurs supérieurs hiérarchiques respectifs, qui ont vérifié l’authenticité des travaux de l’employé en cause, et, d’autre part, l’absence de lien fonctionnel, hiérarchique ou organique entre les conjoints. À cet égard, la requérante souligne que la Commission commet
une erreur de fait en présupposant que l’implication de l’épouse de l’employé en cause était substantielle alors que, en réalité, la nature de l’accès aux relevés de temps de travail de cet employé par son épouse était purement administrative et que cette dernière ne disposait d’aucun pouvoir de modification de ces documents. Par ailleurs, la requérante relève que les auditeurs avaient vérifié et validé le système d’enregistrement du temps de travail. En outre, la requérante affirme qu’il
n’existait aucun risque de conflit d’intérêts, comme le démontre l’absence d’incident identifié par les supérieurs hiérarchiques respectifs des époux concernant d’éventuelles fraudes commises à l’égard des relevés de temps de travail.
78 Ensuite, la requérante relève qu’il n’existe aucune norme juridique exigeant que des conjoints soient rigoureusement séparés sur un même lieu de travail. À cet égard, elle souligne que les mesures mises en place en l’espèce (double supervision autonome, affectation à des départements distincts) constituent une méthode moins invasive pour assurer la sincérité des relevés de temps de travail auxquels l’épouse de l’employé en cause avait accès en raison de ses fonctions administratives.
79 Enfin, la requérante considère que la position de la Commission constitue une discrimination exercée en raison de la situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dans la mesure où l’obligation de travail séparé imposée à des conjoints au seul motif de cette qualité équivaudrait, en l’absence d’une véritable raison de douter de leur honnêteté, à une inégalité de traitement au travail et/ou à une
discrimination. À cet égard, la requérante conteste la position de la Commission consistant à envisager un aménagement des tâches de l’épouse de l’employé en cause afin d’éviter un conflit d’intérêts, dans la mesure où une telle mesure constituerait une discrimination en raison du statut matrimonial.
80 La Commission conteste les arguments de la requérante.
81 L’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause dispose que chaque bénéficiaire doit prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts lié à des intérêts économiques, à des affinités politiques ou nationales, à des liens familiaux ou affectifs ou à tout autre type d’intérêts susceptibles de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet.
82 Ainsi, à titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressort pas de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause que l’existence de liens économiques, affectifs ou familiaux permet de présumer l’existence d’un risque de conflit d’intérêts susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet.
83 En effet, la présomption pouvant découler de la présence de liens économiques, affectifs ou familiaux se limite à l’existence du risque de conflit d’intérêts. Ressort ainsi des termes de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence d’un tel risque lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet. En l’espèce, la relation
maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
84 Dès lors, si la Commission peut bénéficier de cette présomption, il lui revient, en revanche, d’apporter tous les éléments démontrant que l’exécution impartiale et objective du projet concerné peut être compromise.
85 Ainsi, dans un premier temps, il convient d’examiner les éléments apportés par la requérante et visant à renverser la présomption relative à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts, la satisfaction de la condition relative à l’existence de liens affectifs et familiaux n’étant pas contestée.
86 À cet égard, les arguments de la requérante qui se fondent sur l’absence de relation hiérarchique et sur l’absence de lien organisationnel ne sont pas de nature à écarter un risque de conflit d’intérêts, dans la mesure où, dans le contexte de la présente affaire où l’épouse de l’employé en cause approuvait les relevés de temps de travail de ce dernier, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu
professionnel.
87 Par conséquent, la situation en l’espèce constitue bien un risque de conflit d’intérêts au sens de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
88 Dès lors et dans un second temps, il convient d’examiner les éléments présentés par la Commission portant sur la démonstration de la possibilité qu’une exécution impartiale et objective du projet concerné soit compromise.
89 À cet égard, en ce qui concerne la nature des activités de l’épouse de l’employé en cause exercées auprès de la requérante, il ressort du dossier que celle-ci était, au moment des faits, employée par la requérante dans son service financier et qu’elle avait comme qualité celle de « gestionnaire des projets PC7 », également qualifiée d’« agent administratif principal chargé des subventions du PC7 ». De par cette fonction, comme le reconnaît la requérante, « elle avait statutairement accès aux
relevés de temps de travail de son conjoint présentés aux fins des subventions PC7 et les a signés jusqu’en novembre 2012 ».
90 Or, en premier lieu, en ce qui concerne les responsabilités exercées par l’épouse de l’employé en cause au regard des relevés de temps de travail de celui-ci, il y a lieu de constater que, bien que la requérante affirme que l’épouse de l’employé en cause effectuait un travail de bureau et était responsable, notamment, du rassemblement et du maintien de la documentation liée aux subventions PC7, il ressort de manière univoque des relevés de temps de travail de l’employé en cause, produits par la
requérante à l’annexe A.16 de la requête, que son épouse en approuvait le contenu, le terme « approuvé » (approved) figurant sur ces documents à côté de la signature de l’épouse de l’employé en cause.
91 En second lieu, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante relative à l’impossibilité pour l’épouse de l’employé en cause de modifier la documentation officielle, une telle affirmation rend la possibilité de compromettre la bonne exécution du projet concerné encore plus plausible, dans la mesure où, alors que – comme cela est démontré au point 90 ci‑dessus – celle-ci approuvait les relevés de temps de travail de son époux, elle n’aurait même pas eu la possibilité de les modifier en cas
d’inexactitude de ces derniers.
92 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la preuve que la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise a été apportée à suffisance de droit par la Commission.
93 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle les activités de l’épouse de l’employé en cause étaient soumises à un double contrôle par ses supérieurs hiérarchiques. En effet, les éléments visant à démontrer l’existence d’une possibilité que la bonne exécution du projet concerné soit compromise doivent être appréciés au regard du fait que la requérante n’a pas réussi à réfuter l’existence d’une situation génératrice d’un risque de conflit d’intérêts
(voir point 87 ci‑dessus). Dans ce contexte, il convient de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, il existe bien un lien fonctionnel entre l’employé en cause et son épouse. Le fait que cette dernière soit chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît, sans ambigüité aucune, comme étant « superviseur » (supervisor) sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la
requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément à l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
94 Dès lors, la Commission n’a pas violé l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause en estimant que la requérante n’avait pas pris toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné.
95 Par ailleurs, tout d’abord, en ce qui concerne les considérations de la requérante relatives au fait que le système d’enregistrement du temps de travail avait été validé par les auditeurs en présence de l’employé en cause et de son épouse, il est renvoyé aux conclusions, exposées aux points 73 et 74 ci‑dessus, relatives à la valeur des appréciations contenues dans le rapport d’audit final.
96 Ensuite, en ce qui concerne les objections de la requérante portant sur l’absence de preuves concrètes du risque de conflit d’intérêts, il suffit de rappeler que les termes mêmes de l’article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause n’exigent pas que ce conflit ait eu, de manière avérée, une influence sur l’exécution du contrat ou sur ses coûts.
97 Enfin, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la Charte, il convient de relever que la violation alléguée ne se rapporte pas à une mauvaise exécution des dispositions contractuelles.
98 Néanmoins, il doit être rappelé que le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger que la Charte, qui fait partie du droit primaire, prévoit, à son article 51, paragraphe 1, sans exception, que ses dispositions « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité » et que, dès lors, les droits fondamentaux ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel (arrêts
du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, points 101 et 102, et du 3 mai 2018, Sigma Orionis/REA, T‑47/16, non publié, EU:T:2018:247, points 79 et 80 ; voir également, par analogie, arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 73).
99 De même, lorsque les institutions, organes ou organismes de l’Union exécutent un contrat, ils restent soumis aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 86). La Cour a également souligné que, si les parties décident, dans leur contrat, au moyen d’une clause compromissoire, d’attribuer au juge de l’Union la compétence pour connaître des
litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (arrêt du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 81).
100 Or, en l’espèce, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 141) qui pèse notamment sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à
garantir l’absence de conflit d’intérêts, telle que celle en cause, puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice. Or, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte ne peuvent être apportées que si elles sont
nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.
101 Tel serait alors le cas en l’espèce. En effet, dans cette hypothèse, en ce qui concerne, tout d’abord, l’existence d’un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière, tel que consacré à l’article 317 TFUE. Ensuite, cette limitation serait nécessaire, dans la mesure où la Commission, n’étant pas directement témoin de l’exécution des tâches par un bénéficiaire de subvention, ne dispose pas d’autres
moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par celui-ci que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 210 et jurisprudence citée). Enfin, cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu
même, comme cela est souligné au point 100 ci‑dessus, et, d’autre part, comme le relève la Commission, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales. Dès lors, les allégations de la requérante relatives à l’existence d’une discrimination doivent être rejetées, dans la mesure où, d’une part, elles sont fondées sur l’existence d’une violation des articles 7 et 9 de la Charte et,
d’autre part, une telle violation, à la supposer possible au regard de l’application contestée de la règle relative aux conflits d’intérêts, n’a pas été démontrée.
102 Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble.
b) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit belge
103 À titre liminaire, la requérante rappelle que les conventions de subvention en cause comportent un renvoi au droit belge.
104 Dès lors, en se fondant sur le droit civil belge, la requérante soulève trois griefs au soutien de son deuxième moyen.
105 Tout d’abord, la requérante considère que la position de la Commission en l’espèce revient à présumer un comportement de mauvaise foi de sa part, présomption qui a conduit cette dernière à décréter unilatéralement une violation du contrat sans que le rapport d’audit final ne l’ait constaté et, s’agissant de la convention de subvention C2POWER, en agissant de manière contraire aux conclusions de l’audit. Partant, la Commission aurait enfreint le principe d’exécution des contrats de bonne foi
consacré aux articles 1134 et 1135 du code civil belge.
106 Ensuite, la requérante reproche à la Commission d’avoir fondé sa demande de remboursement des coûts de personnel de l’employé en cause sur un rapport d’enquête établi par l’OLAF en dehors du cadre contractuel et dont la valeur probante est douteuse. En effet, la Commission aurait elle‑même décidé de ne pas suivre l’ensemble des conclusions dudit rapport et n’aurait pas expliqué les raisons l’ayant conduite non seulement à s’écarter des constatations du rapport d’audit final, sans avoir pour
autant démontré d’action fautive de la part de la requérante, mais aussi à ne finalement plus prendre en compte les coûts considérés comme « nettement excessifs », à savoir ceux allant au‑delà d’un seuil dont la fixation est étrangère aux dispositions des conventions de subvention en cause. Partant, la Commission aurait méconnu la règle relative à la charge de la preuve qui était énoncée à l’article 1315 du code civil belge, aux termes duquel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit
la prouver.
107 Enfin, la requérante estime qu’elle s’est acquittée des paiements réclamés par la Commission alors que cette dernière ne pouvait pas faire valoir de créance. Partant, la Commission aurait violé les articles 1235, 1376 et 1377 du code civil belge en ne restituant pas les montants qui lui avaient été versés et qu’elle avait indûment perçus en raison de l’absence de dette.
108 La Commission conteste les arguments de la requérante.
109 Il y a lieu de traiter ensemble les deux premiers griefs du deuxième moyen.
110 En premier lieu, d’une part, il convient de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, la demande de remboursement de la Commission, ainsi que cela a été conclu au point 65 ci‑dessus, n’est pas fondée sur un rapport d’enquête établi hors du cadre contractuel. D’autre part, il y a lieu de rappeler qu’il a également été conclu que la Commission n’était pas liée par les constatations du rapport d’audit final (voir points 73 et 74 ci‑dessus).
111 En second lieu, il convient d’examiner la question du fondement sur lequel repose la demande de remboursement de la Commission afin de déterminer si celle‑ci a enfreint tant le principe d’exécution des contrats de bonne foi, en présumant la mauvaise foi de la requérante, que la règle relative à la charge de la preuve, en n’apportant pas les éléments permettant de soutenir cette demande.
112 À cet égard, premièrement, il convient de relever que, selon un principe de droit généralement admis, toute juridiction fait application de ses propres règles de procédure, y compris les règles de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, EU:C:1992:172, point 13). Les règles destinées à régir la charge, l’admissibilité, la valeur et la force probante des éléments de preuve échappent toutefois à ce principe, dans la mesure où elles ne sont pas de nature
processuelle mais substantielle, en ce sens qu’elles déterminent les conditions d’existence, le domaine et les causes d’extinction de droits subjectifs. Le choix de la loi applicable effectué dans les conventions auditées porte ainsi également sur les règles de preuve (arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 115).
113 Ainsi, en l’espèce, la répartition de la charge de la preuve quant au caractère éligible des coûts exposés par le bénéficiaire d’une subvention est régie par l’article 1315 du code civil belge, qui énonçait que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
114 Deuxièmement, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une convention qui contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, il incombe à la partie qui a déclaré les coûts à la Commission pour l’attribution d’une contribution financière de l’Union d’apporter la preuve que lesdits coûts satisfont aux conditions financières des conventions de subvention (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 63 et
jurisprudence citée).
115 Troisièmement, comme cela est rappelé au point 101 ci‑dessus, la Commission, n’étant pas directement témoin de l’exécution des tâches par un bénéficiaire de subvention, ne dispose pas d’autres moyens, pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par celui-ci, que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 210 et jurisprudence
citée).
116 Quatrièmement, il ressort de la jurisprudence que le non‑respect de l’obligation de présenter des relevés de temps de travail fiables pour justifier les coûts de personnel déclarés constitue un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces coûts (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 82 et jurisprudence citée). En outre, si les coûts déclarés par le bénéficiaire de la subvention ne sont pas
éligibles au titre de la convention de subvention concernée parce qu’ils ont été considérés comme étant non vérifiables et/ou non fiables, la Commission n’a d’autre choix que de procéder au recouvrement de la subvention à concurrence des montants non justifiés, dès lors que, sur la base du fondement juridique que constitue cette convention de subvention, cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées (voir arrêt du 16 juillet 2020,
ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 102 et jurisprudence citée).
117 En l’espèce, il est conclu, au point 92 ci‑dessus, que les relevés de temps de travail litigieux ne présentaient pas la garantie de fiabilité requise du fait de l’existence d’un risque de conflit d’intérêts susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné.
118 À cet égard, d’une part, il peut être souligné qu’un risque de conflit d’intérêts constitue une situation anormale dans laquelle les coûts encourus sont susceptibles de n’être ni réels ni supportés par le bénéficiaire lui‑même ni même, le cas échéant, avoir été utilisés à la seule fin de la réalisation du projet concerné au sens de l’article II.14, paragraphe 1, sous a), b) et e), de l’annexe II des conventions de subvention en cause. Par conséquent, la non‑exécution, par le cocontractant, de
l’obligation contractuelle, imposée par l’article ΙΙ.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause, de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts constitue une mauvaise exécution des obligations contractuelles qui lui incombent. Elle justifie ainsi le recouvrement des coûts en vertu de l’article 183 du règlement no 2342/2002 (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié,
EU:T:2019:27, point 91). D’autre part, lorsque la Commission présente des indices concrets de l’existence d’un risque que le temps de travail déclaré ne remplisse pas les conditions d’éligibilité, ce qui est le cas lorsqu’un risque de conflit d’intérêts est identifié, l’inéligibilité est présumée et il appartient au bénéficiaire de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’admissibilité ont, au contraire, bien été respectées (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2020,
EKETA/Commission, C‑273/19 P, EU:C:2020:852, points 74 à 77, et du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 61).
119 Par conséquent, en ne rapportant pas la preuve de l’inexistence du risque de conflit d’intérêts et, donc, en ne respectant pas l’obligation de présenter des relevés de temps de travail fiables pour justifier les coûts de personnel déclarés, la requérante ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait en vertu des règles de répartition de la charge de la preuve. Partant, la Commission était en droit de réclamer les montants qu’elle estimait avoir indûment versés, à savoir l’ensemble des
coûts de personnel de l’employé en cause figurant sur les relevés de temps de travail approuvés par son épouse, sans violer le principe d’exécution des contrats de bonne foi au sens des articles 1134 et 1135 du code civil belge, ni les règles relatives à la charge de la preuve qui étaient énoncées à l’article 1315 dudit code.
120 Le fait que les principes posés par la jurisprudence aient été définis dans le contexte du non‑respect de l’obligation de présenter, lors de l’audit financier, des relevés de temps de travail fiables pour justifier les coûts de personnel déclarés et que, en l’espèce, l’audit financier ayant conduit à la rédaction du rapport d’audit final n’ait pas contesté la fiabilité des relevés de temps de travail présentés par la requérante concernant l’employé en cause n’a pas d’incidence sur la pertinence
de l’application de ces principes dans le cadre du présent recours. En effet, comme cela est rappelé aux points 73 et 74 ci‑dessus, la Commission n’est pas liée par les constatations contenues dans ce rapport.
121 En outre, le fait que la Commission n’ait finalement pas suivi l’ensemble des conclusions du rapport d’enquête de l’OLAF ne conduit pas à mettre en doute la valeur probante de ce rapport. En effet, il ressort du considérant 31 du règlement no 883/2013, abrogeant les règlements no 1073/1999 et no 1074/1999 visés à l’article II.22, paragraphe 8, de l’annexe II des conventions de subvention en cause, qu’il incombe aux institutions de l’Union de décider des suites à donner aux enquêtes terminées,
sur la base des rapports d’enquête finals établis par l’OLAF. Par ailleurs, l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 fait clairement état du fait que le rapport d’enquête est accompagné de recommandations sur les suites qu’il convient ou non de donner à l’enquête. Ainsi, la Commission est en droit de ne prendre en compte qu’une partie des constatations figurant dans le rapport d’enquête de l’OLAF, sans que cela ne remette en cause la valeur probante de celles‑ci.
122 Enfin, dans la mesure où la Commission était en droit de réclamer l’ensemble des coûts exposés par l’employé en cause, le fait qu’elle ait décidé d’appliquer un seuil conduisant à n’en réclamer qu’une partie ne peut être contesté par la requérante en raison de son défaut d’intérêt à agir.
123 Au regard de ce qui précède, il convient de conclure au caractère non fondé des premier et deuxième griefs du deuxième moyen.
124 Par conséquent, le troisième grief perd son objet et il y a donc lieu de l’écarter.
125 Partant, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
c) Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit polonais
126 Dans un premier temps, la requérante relève que l’article II.15, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause opère un renvoi spécifique au droit national régissant les contrats de travail conclus par les bénéficiaires des subventions. Dès lors, elle estime qu’il convient de considérer que c’est le droit du travail polonais qui était applicable à la relation de travail qu’elle entretenait avec l’employé en cause, d’une part, et avec son épouse, d’autre part.
127 Or, premièrement, elle allègue une violation des dispositions combinées de l’article 140 et de l’article 18, paragraphe 2, du code du travail polonais, qui autorisent le régime dit du « temps de travail à la tâche » (system zadaniowego czasu pracy), en ce que la Commission soutient que l’employé en cause a dû accomplir un « nombre d’heures excessif » et « travailler pendant une période déraisonnable » au titre de trois relations de travail parallèles, y compris celle qu’il a conclue avec la
requérante dans le cadre du régime de temps de travail à la tâche. Selon la requérante, ce régime, qui est légal en Pologne, n’exige pas une présence physique constante sur le poste de travail et assure ainsi la flexibilité et la faculté d’accomplir de multiples tâches (multitasking), à condition que l’employé exerce ses fonctions.
128 Deuxièmement, la requérante invoque une violation de l’article 113 du code du travail polonais, appliqué conjointement avec les articles 7 et 9 de la Charte, interdisant à l’époque des faits à la requérante de séparer l’employé en cause et son épouse sur leur lieu de travail au seul motif de leur union, une telle séparation constituant une discrimination en raison de la situation matrimoniale.
129 Dans un second temps, la requérante relève que la Commission n’a pas invoqué de raisons concrètes pour contester les coûts de personnel de l’employé en cause pour la période allant du mois d’août 2010 au mois d’octobre 2012 tout en acceptant les coûts de personnel dudit employé pour le mois de novembre 2012, alors que son épouse avait également accès à ses relevés de temps de travail du mois de novembre 2012.
130 La Commission conteste les arguments de la requérante.
131 En premier lieu, il convient de relever que, même si le troisième moyen était accueilli, il n’en demeurerait pas moins que la fiabilité des relevés de temps de travail continuerait de faire défaut, dans la mesure où le fait que l’employé en cause puisse effectuer un grand nombre d’heures en raison de son implication dans divers projets n’a pas de conséquence sur le fait que ces heures aient fait l’objet d’une procédure de validation mise en place par la requérante en violation de l’article II.3,
sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
132 Dans ce contexte, il est rappelé que les coûts considérés comme inéligibles couvrent la période allant du mois d’août 2010 au mois d’octobre 2012. Or, tous les relevés de temps de travail relatifs à cette période ont été validés par l’épouse de l’employé en cause. À cet égard, dans la mesure où la requérante réitère ses objections concernant la pertinence de la jurisprudence relative à la charge de la preuve quant à la fiabilité des relevés de temps de travail, il est renvoyé au point 92
ci‑dessus.
133 En second lieu, en ce qui concerne l’allégation relative à la violation de l’article 113 du code du travail polonais, il est renvoyé au point 101 ci‑dessus, dans lequel il a été conclu qu’aucune discrimination relative à la situation matrimoniale ne peut être identifiée.
134 Par ailleurs, dans le cadre de son argumentation relative à la violation de l’article 140 du code du travail polonais, la requérante souligne une incohérence de la part de la Commission qui critique l’accès de l’épouse de l’employé en cause aux relevés de temps de travail de son époux pendant toute la période litigieuse, mais admet cette circonstance pour la période allant du mois de novembre au mois de décembre 2012, alors que celle-ci n’a cessé de faire partie du personnel de la requérante
qu’à compter du mois de janvier 2013.
135 À cet égard, afin d’écarter l’argument de la requérante, il suffit de renvoyer au point 122 ci‑dessus, dans lequel il a été conclu à son défaut d’intérêt à agir.
136 Dès lors, pour les raisons exposées ci‑dessus et dans la mesure où les arguments de la requérante sont sans incidence sur la solution du litige, le troisième moyen doit être rejeté comme étant inopérant.
d) Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime dans le cadre de l’exécution de conventions de bonne foi et de l’interdiction de l’application abusive de conditions contractuelles
137 Par son quatrième moyen, la requérante estime, en substance, que le principe de protection de la confiance légitime doit être respecté dans le cadre des relations contractuelles dans lesquelles s’engage la Commission. En l’espèce, en approuvant dans un premier temps l’intégralité des conclusions du rapport d’audit final, portant notamment sur le caractère éligible des coûts de personnel de l’employé en cause, puis en rejetant ces coûts dans un second temps, la Commission aurait violé ledit
principe, dans la mesure où la requérante aurait légitimement pu nourrir une confiance légitime quant à, notamment, l’éligibilité des coûts de personnel de l’employé en cause.
138 La requérante ajoute que les arguments avancés par la Commission pour écarter la possibilité de nourrir une confiance légitime en raison de l’existence d’un audit n’ayant pas décelé d’irrégularité ne sont pas fondés en droit.
139 La Commission conteste les arguments de la requérante.
140 Il convient de rappeler qu’il a été conclu aux points 73 et 74 ci‑dessus qu’il ressort des dispositions contractuelles que le rapport d’audit final ne liait pas la Commission. Dès lors, la requérante ne pouvait nourrir de confiance légitime, malgré l’assentiment formulé par la Commission à l’égard des résultats de cet audit.
141 En outre, il ressort du rapport d’audit final que les auditeurs ont indiqué expressément que l’objectif de leurs travaux « n’était pas d’apporter une quelconque assurance matérielle sur l’adéquation globale des contrôles internes du système eux-mêmes ». Bien que – dans le cadre de leurs travaux – les auditeurs n’aient pas identifié de faiblesses particulières dans le système de contrôle interne de la requérante relatif à la préparation et la présentation des états financiers concernant la
convention de subvention C2POWER, la simple réserve formulée quant à l’objectif de ces travaux au regard des assurances pouvant être fournies sur le caractère adéquat de ce système suffit à introduire une incertitude faisant obstacle à la naissance de toute confiance légitime à cet égard.
142 Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que, partant, les chefs de conclusions visant à faire constater l’inexistence de la créance contractuelle revendiquée par la Commission et l’éligibilité des coûts de personnel réclamés dans les notes de débit relatives aux montants principaux concernant les conventions de subvention en cause et visant au remboursement des sommes liquidées.
2. Sur la demande de condamnation de la Commission au paiement d’intérêts moratoires
143 Dans la mesure où il a été conclu au rejet des moyens venant au soutien des chefs de conclusions visant à faire constater l’inexistence de la créance contractuelle revendiquée par la Commission et l’éligibilité des coûts de personnel réclamés dans les notes de débit relatives aux montants principaux concernant les conventions de subvention en cause et visant au remboursement des sommes liquidées, la demande de condamnation de la Commission au paiement d’intérêts moratoires doit être rejetée pour
défaut d’objet.
144 Au regard de ce qui précède, l’ensemble des moyens et prétentions soulevés au soutien du recours introduit au titre de l’article 272 TFUE ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter ledit recours.
C. Sur le recours introduit au titre de l’article 263 TFUE
145 À titre subsidiaire, la requérante introduit un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE, dans la mesure où elle estime que la décision attaquée a la nature d’acte susceptible de recours au sens de cette disposition.
146 La Commission conclut au caractère manifestement irrecevable du recours introduit au titre de l’article 263 TFUE.
147 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, en présence d’un contrat liant la partie requérante à l’une des institutions, les juridictions de l’Union ne peuvent être saisies d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors de la relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa
qualité d’autorité administrative (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20 et jurisprudence citée).
148 Dans ces circonstances, il convient, dès lors, d’examiner si la décision attaquée, annexée au courriel de la Commission du 13 novembre 2019 avec les notes de débit litigieuses, figure au nombre des actes qui peuvent être annulés par le juge de l’Union en vertu de l’article 263, paragraphe 4, TFUE ou si, au contraire, elle revêt une nature contractuelle (voir ordonnance du 14 juin 2012, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑546/11, non publiée, EU:T:2012:303,
point 35 et jurisprudence citée).
149 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée, d’une part, que la Commission fait valoir une créance et en indique le montant par l’émission de plusieurs notes de débit et, d’autre part, que la Commission a émis des commentaires à l’égard des objections de la requérante. Ainsi, aucun élément ne sort du cadre contractuel et n’exprime l’exercice de prérogatives de puissance publique.
150 À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante estime que la décision attaquée modifie de façon caractérisée sa situation juridique, dès lors que la Commission a exigé d’elle le paiement d’une somme d’argent. Or, comme il ressort du point 65 ci‑dessus, la demande de remboursement s’inscrit dans le cadre des dispositions des conventions de subvention en cause.
151 À supposer que la requérante ait cherché à contester les notes de débit, force est de constater que ces documents ne constituent pas des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE.
152 En effet, une note de débit, émise par la Commission, relative à des sommes dues en vertu d’une convention de subvention ne saurait être qualifiée d’acte définitif susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en raison du fait qu’elle comporte des indications relatives aux intérêts que la créance constatée portera à défaut de paiement à la date limite, à un possible recouvrement par compensation ou par la mise en œuvre d’une voie d’exécution à l’égard d’une éventuelle garantie
préalablement fournie, ainsi qu’aux possibilités d’une exécution forcée et d’une inscription dans une base de données accessible aux ordonnateurs du budget de l’Union, même si ces indications sont rédigées d’une manière susceptible de donner l’impression que la note de débit qui les contient est un acte définitif de la Commission. De telles indications ne pourraient, en toute hypothèse et par nature, qu’être préparatoires d’un acte de la Commission se rapportant à l’exécution de la créance
constatée, dès lors que, dans la note de débit, la Commission ne prend pas position sur les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour récupérer ladite créance, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date limite de paiement fixée dans cette note de débit. Il en va de même en ce qui concerne des indications relatives aux moyens de recouvrement envisageables (voir, en ce sens, ordonnance du 20 avril 2016, Mezhdunaroden tsentar za izsledvane na maltsinstvata i kulturnite
vzaimodeystvia/Commission, T‑819/14, EU:T:2016:256, points 46, 47, 49 et 52 et jurisprudence citée).
153 Il s’ensuit que le juge de l’Union ne peut être valablement saisi d’un recours dirigé contre les notes de débit en cause sur le fondement de l’article 263 TFUE, car celles-ci s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont elles sont indissociables et ne produisent pas d’effets juridiques contraignants qui vont au-delà de ceux découlant des conventions de subvention en cause et qui impliqueraient l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à la Commission en sa qualité
d’autorité administrative.
154 Tel ne serait pas le cas si la Commission avait adopté une décision sur le fondement de l’article 299 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, points 207 et 208). Or, en l’espèce, la Commission n’a pas adopté un tel acte.
155 À cet égard, il convient de relever que, étant donné que le remboursement a été effectué, la Commission n’avait pas à adopter un tel acte postérieurement à l’émission des notes de débit. Or, il serait contraire au droit à une bonne administration d’inciter une partie requérante à ne pas payer les montants figurant dans une note de débit pour qu’une éventuelle décision, postérieure à l’émission de cette note, soit adoptée et soit attaquable sur le fondement de l’article 263, paragraphe 4, TFUE
(voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Terna/Commission, T‑387/16, EU:T:2018:699, point 35).
156 Cependant, en l’espèce, le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle n’a pas été privée de son pouvoir de contester les sommes remboursées.
157 Dans ce contexte, il convient de relever que l’irrecevabilité du recours en annulation ne saurait priver le cocontractant concerné du droit à un recours juridictionnel effectif, puisqu’il lui appartient, s’il s’y estime fondé, de défendre sa position dans le cadre d’un recours formé sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 20 avril 2016, Mezhdunaroden tsentar za izsledvane na maltsinstvata i kulturnite vzaimodeystvia/Commission, T‑819/14,
EU:T:2016:256, points 46, 47, 49 et 52).
158 Or, en l’espèce, la requérante a effectivement introduit un recours au titre de l’article 272 TFUE et les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent (voir, à cet égard, point 144 ci‑dessus).
159 Ainsi, le fait de déclarer irrecevable le recours formé en vertu de l’article 263 TFUE n’est pas de nature à affecter le droit de la requérante à un recours juridictionnel effectif.
160 Par conséquent, le recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE doit être rejeté comme irrecevable.
161 Au regard de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les demandes introduites par la requérante au titre de l’article 88, paragraphe 1, et de l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure.
IV. Sur les dépens
162 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
163 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju Technologii est condamnée aux dépens.
Kanninen
Jaeger
Stancu
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2022.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.